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Résumé. – La dissection aiguë de l’aorte se définit par l’issue brutale, à travers une brèche de la partie
interne de la paroi aortique, de sang sous pression, disséquant la paroi longitudinalement le long de son
constituant le plus faible et aboutissant à la formation de deux chenaux circulants, séparés par une
membrane flottante. C’est la pire catastrophe que puisse connaître le réseau vasculaire de l’être humain et sa
mortalité spontanée, lorsqu’elle intéresse l’aorte ascendante, est de 50 % à 48 heures, 60 % à 1 semaine et
90 % à 1 mois, du fait d’hémorragie par rupture, de tamponnade intrapéricardique, de malperfusion
d’organes vitaux ou de régurgitation valvulaire aortique massive. Sa fréquence est estimée entre 4 à 10 pour
100 000 personnes et le rapport hommes/femmes est d’environ 80 %. Les dissections aiguës surviennent sur
des aortes fragilisées par des affections dystrophiques héréditaires, au premier rang desquelles on trouve le
syndrome de Marfan et les ectasies annuloaortiques familiales, des affections congénitales ou des maladies
acquises, le plus souvent athéromateuses. L’hypertension artérielle joue un rôle majeur dans leur
déclenchement, qu’il s’agisse d’hypertension chronique ou plus volontiers d’à-coups hypertensifs sur un
terrain propice. La progression du processus disséquant le long de l’aorte peut être plus ou moins étendu vers
l’aval et, dans la plupart des cas, les dégâts anatomiques et physiopathologiques, constitués en quelques
secondes ou minutes, expliquent à eux seuls les symptômes cliniques, les complications observées et
déterminent la stratégie thérapeutique. Les tableaux cliniques présentés peuvent être d’une grande
variabilité. Le symptôme le plus constant (plus de 90 % des patients) est une douleur thoracique intense,
prolongée, associée de façon très variable à un état de choc, des déficits neurologiques transitoires ou
permanents, une ischémie périphérique, des douleurs abdominales, etc… La suspicion diagnostique est alors
majorée par la radiographie de thorax, et surtout l’échographie transthoracique facile à pratiquer même dans
les structures d’urgence non spécialisées. Le diagnostic étant probable, il faut hospitaliser le malade dans une
unité de soins intensifs de chirurgie cardiaque pour confirmer la dissection et en analyser les conséquences.
L’échographie transœsophagienne et la tomographie numérisée (CT-scan) sont actuellement les maîtres-
examens en matière d’affirmation diagnostique tandis que l’aortographie n’a plus l’importance qu’elle avait
et que l’Imagerie par résonance magnétique reste trop difficile à pratiquer en urgence sur des malades
volontiers instables.
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Mots-clés : Dissection aiguë de l’aorte, physiopathologie ; Dissection aiguë de l’aorte, diagnostic ; Syndrome
de Marfan ; Ectasies annuloaortiques familiales
Définitions
BRÈCHE INITIALE
La dissection aiguë de l’aorte se définit par l’issue brutale, à travers Figure 2 Coupe histologique d’une dissection aiguë montrant le décollement dans
une brèche de la partie interne de la paroi aortique, de sang sous l’épaisseur de la média. La paroi interne est constituée de l’intima et des deux tiers in-
pression, disséquant la paroi longitudinalement le long de son ternes de la média. La paroi externe est constituée du tiers externe de la média et de l’ad-
constituant le plus faible (la média) et aboutissant à la constitution ventice.
de deux chenaux circulants, séparés par une membrane flottante disséquant progresse vers l’aval. Dans la plupart des cas, il existe
(« flap »). La brèche initiale peut être de taille très variable allant de donc plusieurs communications distales entre le vrai et le faux
quelques millimètres à plusieurs centimètres. Elle est le plus souvent chenal ce qui rend vaine l’idée d’espérer obtenir la fermeture et la
transversale mais peut s’étendre longitudinalement par un trait de thrombose du faux chenal par la suppression de la porte d’entrée
refend. Elle est parfois circonférentielle. Dans ce cas, la membrane initiale, lors de la réparation chirurgicale.
interne n’ayant plus d’attache proximale peut s’invaginer vers l’aval, La paroi limitant le faux chenal et, donc, constituant l’apparente
réalisant une véritable intussusception de l’aorte. paroi aortique est constituée de la partie externe de la média et de
Deux mécanismes opposés on été invoqués pour expliquer la l’adventice. Elle est donc très fine et bien que plus solide que la
formation de la brèche intimale initiale. Il peut s’agir d’une rupture membrane interne, elle est volontiers le siège de fuites sanguines
primaire survenant sous l’effet d’une contrainte particulièrement par suffusion ou de rupture authentique. La fragilité des membranes
forte (à-coup hypertensif, augmentation soudaine de la pression interne et externe de la dissection rend compte de la difficulté, pour
intrathoracique) ou d’une fragilité préexistante de la paroi aortique ne pas dire de l’impossibilité, de réaliser des sutures solides et
(athérome ou maladie dystrophique). C’est la théorie la plus étanches à leur niveau et de la nécessité d’utiliser des artifices
ancienne et la plus communément admise. A contrario, il pourrait techniques pour renforcer ces sutures (Fig. 2).
s’agir d’un saignement à l’intérieur de la paroi aortique et plus
particulièrement dans la média, finissant par rompre la partie CHENAUX CIRCULANTS
interne de celle-ci et créant la brèche initiale. Cette deuxième théorie La progression du processus disséquant le long de l’aorte peut être
s’appuie sur l’existence d’hématomes intramuraux indiscutables et plus ou moins étendue vers l’aval. Cette progression se fait rarement
non circulants. Il n’est pas impossible que les deux phénomènes de façon uniforme tout le long du vaisseau. Elle est le plus souvent
physiopathologiques existent (Fig. 1). La déchirure intimale initiale hélicoïdale, laissant certaines zones de paroi non disséquées. Dans
survient de façon préférentielle (dans 95 % des cas), soit sur l’aorte 6 % des cas, la dissection est localisée à l’aorte ascendante ce qui
ascendante, le plus souvent au-dessus des ostia coronaires et de la permet d’espérer une guérison totale après remplacement chirurgical
jonction sinotubulaire, soit immédiatement après l’origine de l’artère complet de ce segment. Dans une grande majorité de cas, le
sous-clavière gauche ou au niveau de l’isthme aortique. Cependant, processus disséquant dépasse le carrefour aortique et atteint les
la présence de la déchirure intimale initiale au niveau de la partie vaisseaux iliaques. Très rapidement après la survenue d’une
horizontale de la crosse aortique, sous l’émergence des vaisseaux à dissection aiguë, le faux chenal devient plus volumineux que le vrai
destinée brachiale ou céphalique, n’est pas exceptionnelle. Des chenal. Ceci est lié à la faible résistance de la paroi externe constituée
études post mortem ont montré que les dissections avec porte de la partie externe de la média et de l’adventice. Il n’est pas rare de
d’entrée sur l’aorte ascendante constituent environ les deux tiers des constater que le vrai chenal est en partie comprimé par le faux
dissections de l’aorte. chenal. Ceci n’est pas sans conséquences cliniques, nous y
reviendrons.
PAROIS DE LA DISSECTION DISSECTION AIGUË ET CHRONIQUE
La membrane limitant les deux chenaux est constituée du tiers Par convention, une dissection est dite aiguë lorsque son diagnostic
interne de la paroi aortique. Elle est particulièrement fragile et est le est fait dans les 2 semaines suivant l’apparition des symptômes. Au-
plus souvent le siège de déchirures secondaires lorsque le processus delà, les dissections sont dites chroniques. Cette classification
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Techniques chirurgicales Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic 42-743-A
arbitraire permet de distinguer deux entités qui, bien que de même CLASSIFICATION DE STANFORD
origine, deviennent assez rapidement différentes sur le plan du Daily et Shumway on proposé, en 1970, [11] une classification
diagnostic, de l’indication chirurgicale, des difficultés techniques et beaucoup plus simple et entièrement basée sur les indications de la
de l’évolution. En effet, passé les premiers jours, on peut penser que chirurgie (Fig. 3).
les malades les plus graves sont décédés et que seuls survivent les
patients n’ayant aucune des complications gravissimes de cet – Type A : dissection intéressant l’aorte ascendante quel que soit le
accident. Dès lors, les malades sont en général en bon état clinique, siège de la porte d’entrée et dont le traitement doit être chirurgical
la chirurgie n’est plus indiquée en grande urgence, la réparation et urgent.
aortique, quand elle est nécessaire, se fait sur des tissus plus solides – Type B : dissection n’intéressant pas l’aorte ascendante et dont le
puisque le processus évolue vers la chronicité. [9] traitement peut n’être pas chirurgical.
Cependant, il nous semble qu’une classification distinguant Cette classification est entièrement thérapeutique. Elle néglige
dissection aiguë (moins de 3 jours), dissection subaiguë (de 3 jours à également les dissections dont la porte d’entrée est située sur la
1 mois) et dissection chronique (au-delà de 1 mois) serait plus crosse de l’aorte. Elle ne tient pas compte de l’extension du
conforme à la difficulté décroissante du traitement chirurgical et à la processus disséquant. Ainsi, une dissection « rétrograde » dont la
qualité croissante de ses résultats. porte d’entrée est située dans l’aorte descendante doit être
considérée comme une dissection de type A puisqu’elle doit être
Classification anatomochirurgicale opérée en urgence du fait du risque de rupture intrapéricardique.
Cependant, du fait de sa simplicité et de son orientation
thérapeutique, cette classification est actuellement la plus utilisée et
CLASSIFICATION DE DE BAKEY l’on peut dire qu’elle a complètement, ou presque, fait disparaître la
Plusieurs classifications des dissections on été proposées pour classification de De Bakey dans la littérature récente.
décrire la porte d’entrée et/ou l’extension du processus disséquant.
Ces classifications ne sont pas gratuites car elles permettent, en
théorie, de définir des formes pour lesquelles l’approche CLASSIFICATION DE GUILMET
thérapeutique et, éventuellement, les techniques chirurgicales En France, Dubost, Guilmet et Soyer avaient proposé en 1964 une
diffèrent. Aucune classification usuelle ne donne cependant entière classification prenant en compte le siège de la porte d’entrée (Fig. 4).
satisfaction. Aucune, en effet, ne prend en compte les différents
éléments de la dissection décrits au paragraphe précédent. – Type A : porte d’entrée sur l’aorte ascendante.
La classification la plus ancienne est celle de De Bakey [10] (Fig. 3). – Type B : porte d’entrée sur la crosse aortique.
– Type I : dissections dont la porte d’entrée est située sur l’aorte – Type C : porte d’entrée sur l’aorte descendante.
ascendante et qui s’étendent au-delà de l’aorte descendante. – Type D : porte d’entrée sur l’aorte sous-diaphragmatique.
– Type II : dissections dont la porte d’entrée est située sur l’aorte Cette classification, qui ne tenait pas compte de l’extension du
ascendante et qui ne s’étendent pas au-delà de ce segment. processus disséquant ni des indications thérapeutiques, a été
– Type III : dissections dont la porte d’entrée est située en aval de modifiée par Roux et Guilmet en 1986. [12] L’extension de la
l’artère sous-clavière gauche et qui s’étendent sur l’aorte thoracique dissection est désignée en retenant le segment aortique disséqué le
ou thoracoabdominale. plus éloigné de la porte d’entrée :
Cette classification ne tient pas compte des nombreuses dissections
– I : aorte ascendante ;
dont la porte d’entrée est située sur la partie horizontale de la crosse
aortique ni des dissections « rétrogrades » dont la porte d’entrée est – II : crosse aortique ;
située au-delà de l’artère sous-clavière gauche mais qui se – III : aorte descendante ;
développent vers la crosse aortique et l’aorte ascendante. Par
ailleurs, la place accordée au type II semble excessive au regard de – IV aorte abdominale sous-rénale.
la fréquence réduite de ce type. Enfin, cette classification n’implique Ainsi, une dissection dont la porte d’entrée initiale est sur l’aorte
aucune détermination thérapeutique. ascendante et qui s’étend à l’aorte sous-rénale est dite : A IV.
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42-743-A Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic Techniques chirurgicales
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Techniques chirurgicales Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic 42-743-A
expressivité est variable et la même anomalie génétique peut se ¶ Ectasie annuloaortique et dissection familiale
traduire par des phénotypes très différents. C’est pourquoi le
Il faut rapprocher des anomalies congénitales caractérisées, comme
diagnostic clinique de la maladie peut être difficile. En 1986, une
le syndrome de Marfan, l’ectasie annuloaortique, affection dont
réunion d’experts internationaux a fixé les critères définissant
l’étiologie n’est pas connue mais qui affecterait environ 5 à 10 % des
cliniquement la maladie et la distinguant d’autres anomalies
malades atteints de régurgitation valvulaire aortique pure. Cette
proches. [24] Ces critères dits « critères de Berlin » ont été révisés et affection a été décrite pour la première fois par Ellis en 1961. [33] Il
affinés en 1996. [25] Les nouveaux critères, connus comme « critères s’agit d’une dilatation isolée de la racine aortique plus ou moins
de Gand », sont plus contraignants. En particulier, ils s’attachent aux étendue à l’aorte ascendante, entraînant une perte de la jonction
anomalies squelettiques et exigent la présence chez un individu de sinotubulaire et s’associant le plus souvent à une dilatation de
quatre des huit manifestations typiques possibles de la maladie pour l’anneau aortique avec fuite valvulaire plus ou moins importante.
permettre le diagnostic. Le risque de rupture ou de dissection est identique à celui constaté
Les anomalies du collagène et de l’élastine étant un des aspects les dans le syndrome de Marfan et les indications opératoires sont donc
plus évidents du syndrome de Marfan, on a cru longtemps que la les mêmes.
maladie était liée à un défaut de ces constituants. Sakaï et al. ont Plusieurs études récentes ont mis en évidence l’existence
démontré en 1987 [26] que la maladie était liée à une anomalie d’une d’anévrisme de l’aorte et de dissections aortiques survenant chez les
protéine de grande taille, constituant important des microfibrilles sujets d’une même famille en dehors d’un syndrome héréditaire
de la matrice extracellulaire et des fibres élastiques, qu’ils baptisèrent caractérisé. Ces études ont montré que dans ces familles, le risque
fibrilline. Parallèlement, le gène exprimant cette protéine fut localisé relatif de développer une lésion aortique pour le père, les frères ou
sur le chromosome 15 q31. À ce jour, plus de 100 mutations ont été les sœurs d’un malade porteur d’un anévrisme aortique était
décrites dans la fibrilline de sujets atteints de syndrome de Marfan respectivement de 1,8, 10,9 et 1,8. Il semblerait également que la
mais aussi d’affections proches. [27] Ces anomalies définissent le transmission de cette affection puisse être liée au sexe et en
groupe des « fibrillinopathies de type 1 ». La grande variabilité particulier au chromosome X. [34] Cinq mutations différentes sur la
clinique du syndrome de Marfan n’est expliquée qu’en partie par le fibrilline-1 ont actuellement été décrites chez des malades souffrant
nombre de mutations identifiées sur le gène de la fibrilline-1. Une d’anévrismes ou de dissections aortiques familiaux. [35] D’autres
certaine hétérogénéité génétique et un gène en cause sur le gènes pourraient aussi être impliqués. Les examens histologiques
chromosome 3 ont été démontrés en France et identifiés comme permettent de retrouver les mêmes anomalies que celles du
syndrome de Marfan, à savoir la perte des fibres élastiques, des
responsables de syndrome de Marfan de type II [28] tandis que des
dépôts de substances « mucopolysaccharide-like » et la
études sur les protéines ont établi que 7 à 16 % des patients atteints
dégénérescence kystique de la média. [36] En revanche, aucune des
de syndrome de Marfan ont un métabolisme normal de la
anomalies du collagène ou des microfibrilles associées aux
fibrilline. [29, 30]
syndromes d’Ehlers-Danlos ou de Marfan n’a pu être retrouvée sur
des cultures de fibroblastes. [36]
¶ Syndrome d’Ehlers-Danlos
Il s’agit d’un groupe hétérogène d’anomalies du tissu conjonctif ¶ Anomalies valvulaires congénitales
caractérisé cliniquement par une hyperlaxité ligamentaire, une Les anomalies congénitales de la valve aortique et, en particulier, la
extensibilité excessive des téguments et une fragilité tissulaire. La présence d’une bicuspidie prédisposent à la survenue d’une
fréquence de ce syndrome est mal connue. Onze types ont été dissection aiguë. Une bicuspidie valvulaire aortique se retrouve dans
décrits. Il semble que les anomalies vasculaires n’apparaissent que 9 à 13 % des patients chez qui survient une dissection aiguë alors
dans le type IV qui se transmet de façon autosomique dominante. que la fréquence de cette anomalie ne dépasse pas 1 à 2 % dans la
La maladie est due à un défaut structurel de la chaîne proa1 (III) du population générale. [37, 38] Dans une étude anatomopathologique de
collagène dont le gène est situé sur le chromosome 2 q31. [31, 32] Larson, [39] une dissection aiguë de l’aorte était associée à une valve
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42-743-A Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic Techniques chirurgicales
aortique normale dans 0,67 % des cas et à une valve bicuspide dans est élevé, plus la progression du processus disséquant est rapide. [47]
6,5 % des cas. Dans la série de Roberts, une bicuspidie valvulaire La présence de turbulences dans la racine aortique pourrait être
était présente dans 8 % des cas. [37] En comparaison avec les sujets aussi un élément favorisant. Ceci pourrait expliquer en partie les
ayant une valve normale, l’âge de survenue de la dissection aiguë dissections survenant en présence d’une anomalie valvulaire
en cas de bicuspidie aortique est inférieur de 8 ans en moyenne aortique. [16, 48]
(55 contre 63 ans). [38] Plus les sujets sont jeunes (en dehors du La responsabilité de l’athérome dans la genèse des dissections aiguës
syndrome de Marfan), plus l’association avec une bicuspidie est discutée. [49, 50] La présence d’athérosclérose dans des aortes
valvulaire est fréquente puisqu’elle atteignait respectivement 24 et disséquées est fréquemment attestée, en particulier pour les
45 % chez les sujets de moins de 40 ans, dans les séries de Roberts et dissections de l’aorte distale (type III de De Bakey ou B de Stanford).
de Larson. [37, 39] Comme pour les autres dissections aiguës, la Il pourrait ne s’agir que d’une coexistence chez des sujets volontiers
prédominance masculine est très nette (environ 80 %). [37] âgés et hypertendus. La très faible fréquence des dissections à point
Les lésions histologiques aortiques retrouvées lors de la dissection de départ abdominal et la grande fréquence des dissections de
sont habituelles et proches de celles du syndrome de Marfan. l’aorte ascendante alors que l’aorte abdominale est beaucoup plus
La sténose valvulaire aortique congénitale peut être la cause de (ou souvent atteinte d’athérosclérose que l’aorte ascendante, plaident
coexister avec) une dissection aiguë de l’aorte. Ainsi que l’a souligné contre le caractère favorisant de cette altération pariétale. [51] Au
McKusik, [40] la pathogénie de la dissection aortique pourrait être la contraire, il a été noté que le processus disséquant s’arrête souvent
même qu’en cas de bicuspidie non sténosante. En effet, il est possible sur les sites d’athérosclérose ou au niveau des anévrismes
qu’une même anomalie du développement artériel se traduise chez athéromateux, comme si la fibrose accompagnant la dégénérescence
les uns par une simple bicuspidie valvulaire, chez d’autres par une pariétale empêchait la paroi aortique de se scinder en deux. En
dégénérescence kystique de la média, chez d’autres encore, par une revanche, il ne fait pas de doute que la déchirure intimale peut se
coarctation aortique et chez d’autres enfin, par une combinaison de produire sur une plaque d’athérome fragilisant la paroi aortique. La
plusieurs de ces anomalies. Cependant, il est possible que la possibilité de véritables dissections aiguës à partir d’un ulcère
survenue d’une dilatation aortique poststénotique, résultant d’une athéromateux semble plus controversée. Il semble que cette lésion
lésion de jet, puisse créer une zone de moindre résistance de la paroi soit plus volontiers à l’origine de ruptures franches ou d’hématomes
aortique. Enfin, il est possible que les deux types de phénomènes se intramuraux. [51]
combinent.
¶ Affections inflammatoires
¶ Coarctation de l’aorte De nombreuses affections inflammatoires ont été mises en cause
La présence d’une coarctation de l’aorte non traitée constitue un dans certains cas de dissection aiguë de l’aorte. Citons pour mémoire
autre facteur de risque de dissection aiguë, comme l’avait montré le lupus érythémateux disséminé, la polychondrite atrophiante, la
Abbott en 1928 [41] et confirmé Reifenstein en 1947. [42] Là encore, cystinose juvénile, les aortites à cellules géantes, etc… On a
l’explication peut être celle de McKusik. Mais il est possible que la également décrit la survenue de dissections dans l’évolution de
genèse de la dissection aortique soit une conséquence de phéochromocytomes, de polykystose rénale, de syndromes de
l’hypertension artérielle induite par la coarctation. Cette dernière Cushing. Il semble que dans ces cas, la survenue de la dissection
hypothèse est sous-tendue par le fait que les dissections aiguës soit plus en rapport avec une hypertension artérielle mal contrôlée
associées à une coarctation non traitée de l’aorte ne s’observent induite par la maladie qu’avec la maladie elle-même.
jamais chez les enfants et les adolescents mais toujours chez l’adulte.
Le fait que les coarctations de l’aorte soient maintenant ¶ Dissections iatrogènes
diagnostiquées et opérées tôt après la naissance va très Une dissection aiguë peut survenir au cours ou à la suite d’un geste
probablement faire disparaître les dissections aiguës survenant sur diagnostique ou thérapeutique. Ainsi on a décrit des cas
ce terrain. anecdotiques de dissection aiguë au cours d’aortographie par voie
de Dos Santos ou par voie de Seldinger, de cathétérismes cardiaques
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gauches, d’angioplasties coronaires, de mise en place de ballon de
contre-pulsion intra-aortique.
¶ Hypertension artérielle et athérome Plus fréquentes sont les dissections aiguës survenant au cours ou à
la suite d’interventions de chirurgie cardiaque. [52, 53, 54, 55]
L’hypertension artérielle est une entité pathologique très propice à
Ces dissections iatrogènes peuvent survenir au cours ou
la survenue d’une dissection aiguë de l’aorte. On la retrouve dans
immédiatement après l’acte chirurgical. Ce sont les dissections
50 à 90 % des cas de dissections survenant chez des patients n’ayant
iatrogènes immédiates. Elles peuvent également se voir à distance
pas d’autres facteurs de risque, en particulier pas de maladie
de l’acte chirurgical (entre plusieurs semaines et plusieurs années).
annuloectasiante. [43, 44] Il s’agit le plus souvent d’hypertension
Ce sont les dissections iatrogènes tardives.
artérielle chronique plus ou moins bien contrôlée. Il peut s’agir
également, chez des malades sans hypertension artérielle chronique, Les dissections peropératoires surviennent de façon absolument
de poussées hypertensives ou d’à-coups hypertensifs aigus inopinée au cours d’interventions pour une pathologie tout autre
survenant pour des activités de la vie courante, sur une aorte (remplacement valvulaire, pontage coronaire, etc…). Le diagnostic
fragilisée et provoquant une déchirure intimale. Ceci est en est immédiat devant la transformation de l’aorte ascendante qui
particulièrement vrai chez les malades atteints de maladie aortique devient rapidement turgescente, violacée « aubergine » tandis qu’il
dystrophique (syndrome de Marfan ou ectasie annuloaortique). Les n’est pas rare qu’apparaisse un saignement plus ou moins important
efforts isométriques qui augmentent brutalement la pression à travers l’adventice ou au niveau du site de canulation ou de
artérielle et la tension exercée sur la paroi aortique (ce d’autant qu’ils certaines sutures. Il n’est pas rare non plus que le perfusionniste
se font en inspiration forcée) sont fréquents au cours de la pratique signale un brutal changement dans la conduite de la circulation
de certains sports particulièrement redoutables. [45] Le mécanisme de extracorporelle et des difficultés à maintenir une perfusion correcte.
l’hypertension artérielle n’est pas clairement élucidé. Il semble que Les dissections survenant dans les heures qui suivent l’intervention
l’augmentation de pression en soi ne suffise pas à déclencher une peuvent être de diagnostic plus difficile. On est confronté le plus
dissection aiguë, mais qu’elle soit favorisée par le régime de souvent, soit à l’apparition brutale d’un important saignement par
pressions pulsées. Ainsi Prokop, sur un modèle animal, ne peut les drains médiastinaux, soit à la soudaine dégradation d’un état
déclencher une dissection aiguë en régime de débit continu pour hémodynamique jusque-là parfaitement stable. Le diagnostic doit
une pression de 400 mmHg, mais déclenche des dissections dès être porté sans délai, l’urgence étant en général extrême.
120 mmHg en régime de pressions pulsées. [46] Ainsi, plus le dP/dT L’échographie transthoracique et éventuellement l’échographie
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Techniques chirurgicales Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic 42-743-A
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42-743-A Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic Techniques chirurgicales
INSUFFISANCE AORTIQUE
Une insuffisance valvulaire aortique est constatée dans les
dissections aiguës de type A dans près de 75 % des cas. Cette
insuffisance aortique peut préexister à la dissection aiguë. C’est très
généralement le cas chez les malades atteints de syndrome de
Marfan, de maladie annuloectasiante ou porteurs d’une
bicuspidie. [66] Mais dans 25 à 57 % des cas, [67, 68, 69, 70, 71] l’insuffisance
aortique est un phénomène aigu induit par le processus disséquant,
la valve aortique étant parfaitement normale avant la survenue de Figure 8 Représentation schématique du mécanisme de l’insuffisance aortique par
cet accident. perte de l’architecture commissurale de la valve aortique.
Plusieurs mécanismes ont été invoqués pour expliquer la survenue
de l’insuffisance aortique aiguë. interruption complète du flux sanguin dans l’artère en cause et à
– Le faux chenal, souvent, se développe de façon rétrograde, sur une ischémie de l’organe vascularisé par cette artère s’il n’existe pas
quelques centimètres à partir de la brèche intimale initiale, pour de possible compensation par la collatéralité. Il y a donc
atteindre l’anneau aortique. Il dissèque donc le culot aortique sous malperfusion de l’organe considéré.
la jonction sinotubulaire. Cette dissection se fait en règle générale Les malperfusions surviennent en règle générale pendant ou
de façon asymétrique, sur une partie seulement du pourtour immédiatement après la constitution de la dissection et des dégâts
aortique et en particulier dans le sinus non coronaire et/ou le sinus aortiques. Cependant, leurs conséquences physiopathologiques et
coronaire droit, la zone du culot aortique située le long du tronc de cliniques peuvent être retardées de plusieurs heures, le temps
l’artère pulmonaire étant souvent préservée. Le « flap » intimal ainsi qu’apparaissent les altérations tissulaires et cellulaires. Leur
créé et sur lequel la valve aortique reste attachée par ses diagnostic peut donc être de difficulté très variable. Il est souvent
commissures est repoussé en dedans par le faux chenal. Ainsi, retardé par rapport au diagnostic de la dissection aiguë, ce qui
l’appareil valvulaire aortique perd une partie de son architecture de retarde d’autant la mise en route d’un traitement efficace de la
soutien et en particulier les attaches d’une ou deux commissures. malperfusion et peut dans certains cas compromettre la survie du
L’asymétrie ainsi créée entraîne, à chaque diastole, un prolapsus de malade. [72]
la ou des sigmoïdes ayant perdu leur attache commissurale et donc Plusieurs types d’atteinte des branches collatérales de l’aorte ont été
une fuite valvulaire plus ou moins importante (Fig. 8A, B). décrits. Une classification en mécanismes statiques et mécanismes
– Certains cas de prolapsus complet vers le ventricule gauche de la dynamiques a même été établie par Williams et al. [73]
cloison intimale déchirée ont été décrits. Nous en avons – La dissection aortique peut se poursuivre sur les premiers
personnellement opéré un cas. centimètres de la branche collatérale. En général, le processus
– On a également rapporté des cas de déchirure franche d’une disséquant s’arrête assez rapidement du fait, probable, de la taille
sigmoïde aortique mais ce mécanisme nous semble peu probable. réduite des vaisseaux. C’est ce que l’on constate fréquemment pour
Quel que soit le mécanisme de l’insuffisance aortique, son caractère les vaisseaux à destinée brachiocéphalique. Dans certains cas, une
brutal et plus ou moins massif entraîne une dysfonction déchirure intimale se produit dans la membrane de dissection de la
ventriculaire aiguë et peut compromettre rapidement le pronostic branche collatérale et la perfusion en aval peut être maintenue et
vital du malade. l’ischémie de l’organe d’aval réduite ou absente. Souvent le vrai et
le faux chenal restent de volume à peu près identique et la dissection
MALPERFUSIONS de la collatérale compromet peu la perfusion de l’organe d’aval.
Lors de la constitution et de la progression rapide du processus Mais il n’est pas rare que le faux chenal reste borgne, se dilate et
disséquant, l’origine des branches collatérales de l’aorte peut être comprime la vraie lumière, compromettant la perfusion de l’organe
compromise. Ceci peut aboutir à une diminution ou une d’aval (Fig. 9A).
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Techniques chirurgicales Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic 42-743-A
– Le faux chenal circulant peut, dans certains cas, comprimer la en dehors de tout contexte hypertensif chez le malade, la douleur
vraie lumière aortique et appliquer la membrane intimale contre un est assez souvent accompagnée par une poussée hypertensive qui
orifice de branche collatérale obturant celle-ci et interrompant la peut être liée à une mise en action des barorécepteurs aortiques et
perfusion dans l’organe d’aval (Fig. 9B). carotidiens ou de la sécrétion de catécholamines et de l’activation
– La membrane intimale peut se déchirer de façon circonférentielle du système rénine-angiotensine en présence des modifications du
au niveau d’un orifice de branche collatérale, détachant flux sanguin. [16, 76]
complètement le vaisseau du vrai chenal. Il est fréquent, en ce cas, Lorsque la dissection démarre sur l’aorte ascendante, la douleur est
que le vaisseau soit alimenté par le faux chenal. Ceci se voit en d’abord rétrosternale puis migre progressivement entre les
particulier pour l’artère rénale gauche. Mais il n’est pas rare que la omoplates avant de descendre vers l’abdomen, accompagnant la
membrane intimale dans le vaisseau s’invagine et que le flux d’aval progression du processus disséquant. Dans les dissections distales,
soit interrompu. elle commence entre les omoplates puis progresse vers le bas.
Dans certains cas, la douleur peut s’accompagner de syncope en
– Du fait de la moindre résistance de la paroi externe du faux
dehors de tout signe neurologique. La douleur peut également
chenal, il est habituel qu’il se dilate et devienne très rapidement plus
s’accompagner de manifestations vagales telles que sueurs froides,
volumineux que le vrai chenal. Ceci n’a en général pas de
nausées, vomissements.
conséquence sur la perfusion aortique distale elle-même. Cependant,
dans certains cas, le vrai chenal est comprimé par le faux chenal, ce Les complications de la dissection peuvent rapidement être au
qui peut réaliser un véritable phénomène de « pseudocoarctation ». premier plan, en général associées à une douleur persistante bien
La perfusion en aval de la compression peut être compromise ou qu’atténuée.
dépendre entièrement de déchirures distales. – L’état de choc avec collapsus cardiovasculaire, marbrures,
Les malperfusions peuvent être transitoires ou définitives. En effet, dyspnée, est le plus souvent en rapport avec une tamponnade ou
les conditions locales peuvent se modifier, la vascularisation une insuffisance aortique importante.
collatérale prendre le relais, des ruptures intimales se produire, des – Les déficits neurologiques de type hémiplégique ou
thromboses se former progressivement, etc… Elles peuvent monoplégique, aphasiques ou sensoriels sont liés à une interruption
concerner toutes les branches de l’aorte, depuis les artères coronaires du flux sanguin dans une carotide. Il n’est pas rare que ces troubles
jusqu’aux carrefours iliofémoraux, de façon uni- ou bilatérale. Ceci soient transitoires, amendés plus ou moins complètement et
explique le caractère variable des syndromes périphériques constatés rapidement par la circulation collatérale. Ils doivent donc être
au cours des dissections aiguës. Ceci explique également pourquoi recherchés par l’interrogatoire, si le malade ne les mentionne pas
elles constituent un déterminant majeur de la clinique, de la stratégie spontanément. Selon les auteurs, on les retrouve dans 10 à 40 % des
thérapeutique et du pronostic des dissections aiguës. cas de dissections de type A. [64, 74, 77] L’apparition d’une paraplégie
ou d’une paraparésie est rare (1 à 2 % des cas selon Svensson). [64]
Elle traduit la rupture des artères intercostales ou lombaires donnant
Diagnostic des dissections aiguës issue aux artères radiculaires de la moelle épinière ou bien la
compression du vrai chenal en regard de ces artères. Elle s’intègre
alors le plus souvent dans le cadre d’une pseudocoarctation avec
SYMPTÔMES syndrome de malperfusion de tout l’hémicorps inférieur.
Toute la clinique des dissections aiguës peut s’expliquer par la – L’existence d’une oligurie ou d’une anurie est généralement
brutale constitution du faux chenal et les complications qu’elle découverte plusieurs heures après le début de la dissection. Elle ne
induit. traduit pas forcément une malperfusion des artères rénales. Il
Le symptôme le plus constant, pratiquement toujours retrouvé (plus faudrait, en effet, qu’il s’agisse d’une malperfusion intéressant les
de 90 % des patients) est une douleur thoracique intense, deux artères rénales. Elle est au contraire, dans la majorité des cas,
excruciante, prolongée, décrite souvent par les malades comme la traduction de l’état de choc et de la médiocre hémodynamique du
extrêmement aiguë et déchirante, plus qu’en « coup de malade. Elle doit donc plus pousser à rétablir une hémodynamique
poignard ». [16, 74, 75] Elle se différencie de la douleur de l’infarctus du correcte qu’à mettre en évidence une telle malperfusion par des
myocarde qui est volontiers d’installation plus lente et augmente examens qui peuvent retarder le traitement approprié.
d’intensité progressivement et qui est, en règle générale, plus – L’existence de douleurs abdominales, différentes de la
oppressante et accompagnée de sensation de mort imminente. Même propagation lombaire de la douleur initiale, peut être la traduction
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Techniques chirurgicales Dissections aiguës de l’aorte : physiopathologie et diagnostic 42-743-A
¶ Échographie transœsophagienne
C’est actuellement le maître examen en matière d’affirmation
diagnostique d’une dissection aiguë.
L’échographie transœsophagienne permet, en effet, une excellente
exploration de l’aorte ascendante et descendante, de la valve
aortique, des cavités cardiaques et des valves. Associée au doppler
couleur, elle permet de visualiser les flux et d’affirmer la présence
de deux chenaux circulants. Elle peut montrer, dans plus de 60 %
des cas, la brèche intimale initiale sur l’aorte ascendante. [13] Elle
permet de visualiser le flux à travers cette brèche et d’identifier le
vrai et le faux chenal. Elle autorise une quantification de la fuite
aortique et, bien sûr, confirme l’existence d’un épanchement
péricardique en permettant d’apprécier son caractère compressif ou
non (Fig. 12A, B).
¶ Validité de l’échographie
L’échographie transthoracique est essentiellement un examen de
dépistage et ne permet pas d’affirmer ou d’éliminer une dissection
dans tous les cas. Sa sensibilité et sa spécificité ont été estimées Figure 12 A. Échographie transœsophagienne montrant la membrane intimale
dans la racine de l’aorte. Cette membrane est mobile à chaque systole. Sa présence
respectivement à 59 % et 83 % par Nienaber. [82] En revanche,
signe avec certitude la dissection aiguë de type A.
l’échographie transœsophagienne a une sensibilité de 95 à 100 % [81, B. Flux transvalvulaire aortique bien visible dans la vraie lumière de la dissection.
82, 83, 84]
et une spécificité de 89 %. [85] Il faut cependant noter que, si C. La dissection se poursuit dan l’aorte descendante. La membrane et les deux che-
l’échographie transœsophagienne permet de très bien apprécier les naux sont bien visibles.
lésions anatomiques de la racine aortique et de l’aorte ascendante,
l’existence d’une fuite aortique ou d’un épanchement péricardique, antérieure de l’oreillette gauche, un cathéter dans l’artère
leur retentissement myocardique, elle est plus incertaine quant à pulmonaire, etc… Il peut aussi s’agir d’autres pathologies telles
l’analyse des malperfusions cérébrales et surtout distales. qu’un hématome intramural, un ulcère athéromateux, une rupture
Il faut aussi noter que ces examens restent opérateur-dépendants et contenue impliquant des mesures thérapeutiques différentes.
qu’il est indispensable qu’ils soient faits par des praticiens habitués L’échographie transœsophagienne est, contrairement à une idée
à l’échographie cardiologique et si possible à la pathologie aortique. reçue, un examen relativement agressif et mal supporté par les
Il peut, en effet, exister des artefacts en miroir, situés dans la lumière patients. Au cours de l’examen, des crises de toux ou des nausées
aortique, imitant une membrane de dissection, mais qui sont la peuvent entraîner d’importantes poussées tensionnelles avec
réverbération d’une structure adjacente à l’aorte, comme la paroi tachycardie dont les conséquences peuvent être dramatiques en cas
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¶ Validité de l’aortographie
Figure 14 Imagerie par résonance magnétique d’une dissection aiguë de type B. La L’aortographie est un examen « invasif » nécessitant un abord
porte d’entrée est bien visible immédiatement après la naissance de l’artère sous- vasculaire. Il requiert un radiologue spécialisé. Le passage des
clavière gauche. La différence de contraste entre les deux chenaux s’explique par la dif- sondes et l’injection de produit de contraste peuvent entraîner des
férence de vitesse des flux circulants. poussées hypertensives provoquant la rupture aortique. À ce sujet,
et comme l’échographie transœsophagienne, elle doit toujours être
intubés et ventilés. C’est une technique qui réclame du personnel effectuée chez un malade sédaté ou même sous anesthésie générale
spécialisé car les interprétations peuvent être difficiles, un certain si l’état du patient est très instable. Elle doit toujours être pratiquée
nombre d’artefacts pouvant altérer les images. C’est donc une dans un centre possédant une unité de chirurgie cardiovasculaire et
technique difficile à utiliser en urgence. à proximité de la salle d’opération.
Pour toutes ces raisons, cette technique reste d’utilisation Elle peut, d’autre part, déclencher ou aggraver une insuffisance
confidentielle dans l’exploration des dissections aiguës, malgré tout rénale, qu’il sera ensuite difficile de distinguer des conséquences
l’intérêt qu’elle présente. d’une malperfusion.
La sensibilité et la spécificité de l’aortographie sont moins bonnes
¶ Aortographie
que celles de l’échographie transœsophagienne et que celles du CT-
Depuis la fin des années 1960 et jusqu’à une date récente, scan actuel. Elles ont été estimées à 88 %. [98] Les faux négatifs ne
l’aortographie est restée le maître examen en matière de diagnostic sont pas exceptionnels. Ils sont dus souvent à l’impossibilité de
et de bilan des dissections aiguës. [96, 97] Elle implique une voie monter la sonde d’injection dans la vraie lumière aortique, ne
d’abord artérielle fémorale, humérale ou axillaire, et l’injection d’une permettant d’injecter que le faux chenal souvent dilaté et qui peut
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masquer les autres lésions du vaisseau. [99, 100, 101, 102] Ils peuvent – de l’expérience de l’équipe médicochirurgicale et radiologique ;
également être en rapport avec une intussusception de la membrane – de l’état clinique du malade.
intimale avec opacification homogène des deux chenaux. [64, 102] Si le malade est d’abord hospitalisé dans un centre non spécialisé,
Enfin, l’organisation d’une angiographie aortique en urgence, en les seuls examens à faire sont un cliché de thorax sans préparation,
particulier au milieu de la nuit, peut, dans certains centres, un électrocardiogramme, et un échocardiogramme transthoracique.
demander un certain délai et retarder d’autant la mise en route Dès que la dissection aiguë est suspectée ou affirmée sur ces
urgente du traitement chirurgical. Or, on sait qu’il existe un rapport examens, et que le malade est mis en condition permettant son
direct entre le retard diagnostique dans les premières heures et la transport, il faut le transférer dans un centre spécialisé.
mortalité. [72] Si le malade est hospitalisé dans un centre possédant une unité de
soins intensifs cardiologiques et cardiochirurgicaux et une unité de
Pour ces nombreuses raisons, l’aortographie a actuellement perdu
chirurgie cardiaque, tout dépend de son état.
sa prééminence et se voit remplacée à peu près partout par
l’échographie et le CT-scan. Si le malade est en bon état hémodynamique et sans complication
majeure évidente, les examens les plus appropriés sont une
échographie transœsophagienne et, selon les possibilités et les
¶ Choix des examens d’imagerie habitudes locales, un CT-scan ou une IRM. Beaucoup plus rarement,
Tous les examens décrits ci-dessus ne peuvent et ne doivent pas être une aortographie.
faits chez tous les patients suspects de dissection aiguë. Deux Si le malade est en condition hémodynamique instable, la rapidité
examens spécifiques suffisent en général pour affirmer le diagnostic d’examen et de mise en route du traitement devient essentielle.
et faire le bilan de gravité. Chaque centre spécialisé doit déterminer Parfois, le malade devra être intubé et ventilé avant tout examen
ses choix et son protocole d’exploration en fonction : diagnostique. Dans ces cas, l’échographie transœsophagienne, faite
au besoin en salle d’opération, peut être le seul examen
– des techniques disponibles ; diagnostique.
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