Fiche pédagogique

Moi et Toi
(Io e te)
Sortie en salles
13 novembre 2013 (Suisse
romande)
14 novembre 2013 (Suisse
allemande et italienne)

Film long métrage, Italie, 2012 Résumé

Réalisation : Bernardo Berto-
lucci; d’après le roman homo-
nyme de Niccolò Ammaniti
Interprètes : Jacopo Olmo
Antinori, Tea Falco, Sonia
Bergamasco, Pippo Delbono,
Veronica Lazar, Tommaso
Ragno.
Scénario : Bernardo
Bertolucci, Niccolò Ammaniti,
Umberto Contarello, Francesca
Marciano
Musique : Franco Piersanti
Lorenzo, un garçon introverti de
14 ans, a des relations difficiles
avec ses camarades et ses pa-
rents, à tel point qu’il est suivi par
un psychologue. Ne supportant
pas l’idée de passer un séjour à la
montagne avec sa classe, il par-
vient – sans que personne ne s’en
aperçoive – à s’enfermer dans la
cave de son immeuble. C’est là
qu’il préfère se réfugier pendant
sept jours à lire des bandes-
dessinées, à écouter de la mu-
sique et à voir des films.
Or, la visite inattendue de sa de-
mi-sœur Olivia, 25 ans, toxico-
mane, qu’il ne voit plus depuis
longtemps, vient troubler sa quié-
tude. Cette présence gênante
remet en question ses plans, alors
qu’il avait tout organisé dans les
moindres détails. Et pourtant, jour
après jour, chacun trouve chez
l’autre l’intimité et le soutien dont il
a besoin pour surmonter, du
moins momentanément, ses
propres problèmes…

Producteurs : Mario Gianani,

Lorenzo Mieli, Olivia Sleiter

Production : Medusa Film,

Fiction film, Wildside

Distribution : Cinémathèque
suisse

Version originale italienne,

sous-titrée français/allemand

Durée : 1h36

Age légal : 16 ans

Age suggéré : 16 ans

www.filmrating.ch ____________________________________________________
www.filmages.ch
Commentaires tion, The Dreamers, date de
2003 – causée par sa maladie
Bernardo Bertolucci refait du qui l’a contraint à une immobili-
cinéma après une longue ab- té forcée. « A un moment, je
sence – sa dernière contribu- me suis dit de ne plus lutter

Disciplines et
thèmes concernés :
Psychologie/Société :
l’adolescence (le passage
à l’âge adulte, la recherche
de soi, l’introversion, la
gestion des émotions, …),
le rapport entre adoles-
cents et adultes, entre
enfants et parents, le
complexe d’Œdipe, la tolé-
rance, la drogue et ses
conséquences, …
Santé et bien être
Répondre à ses besoins
fondamentaux par des
choix pertinents, en identi-
fiant les situations à
risques pour soi et les
autres (consommation
d'alcool ou de drogues,
jeux dangereux, …) (FG 32
du PER)
Expliciter ses réactions et
ses comportements en
fonction des groupes
d’appartenance et des
situations (FG 38 du PER)
FG MITIC, éducation aux
médias
Exercer des lectures mul-
tiples dans la consomma-
tion et la production de
médias et d'informations…
(FG 31 du PER)
Le huis clos au cinéma
pour me remettre debout. Je
devais accepter. J’ai accepté.
Et j’ai retrouvé l’envie de faire
un film. » (Interview dans "24
Heures", 6.11.2013).
Tant mieux ! Moi et Toi n’est
certainement pas The Last
Emperor (1987) – le chef-
d’œuvre aux 9 Oscars du
maestro – mais il vaut néan-
moins la peine d’être vu, car il
est simplement touchant.
Adapté du roman homonyme
de Niccolò Ammaniti – un des
grands écrivains contempo-
rains italiens – il met en scène
la vie tourmentée de deux out-
siders, apparemment éloignés
l’un de l’autre, en réalité deux
faces de la même médaille :
seuls, agressifs, voire par mo-
ments violents, obstinés à vou-
loir démontrer leur indépen-
dance et leur force, ils cachent
au fond leur besoin d’être ai-
més et acceptés. L’isolement
et la fuite – respectivement
dans une cave et dans
l’héroïne – ne les conduisent
en effet nulle part, si ce n’est à
se couper davantage du
monde qui les entoure.
Et pourtant, dans l’obscurité du
sous-sol, dans cette cave qui
fonctionne comme un huis
clos, une magie va s’opérer.
Progressivement, ils se rap-
prochent, se comprennent et
deviennent même complices –
au téléphone, Olivia se fait
passer pour l’enseignante de
Lorenzo à qui sa mère de-
mande constamment de parler;
tous deux volent de la nourri-
ture dans l’appartement de leur
père pour se faire un festin le
dernier soir – jusqu’à partager
un moment plein d’affection et
d’intimité : leur danse sur
« Space Oddity » de David
Bowie, traduite en italien par
Mogol, est le moment le plus
fort du film. Avant de se quitter,
chacun se fait une promesse :
ne plus se cacher pour l’un et
ne plus toucher à la drogue
pour l’autre. Une lueur d’espoir
au bout du tunnel…
Bertolucci a interprété l’histoire
de Niccolò Ammaniti avec des
yeux d’enfant – à l’instar des
nombreuses prises de vue de
Rome, montrant la ville du bas
et donnant ainsi la sensation
d’immeubles immenses – et a
réussi à nous la raconter à
travers des images nettes et
simples. Au besoin, il n’a pas
hésité à changer certaines
parties, dont la conclusion du
livre – dans lequel Olivia dé-
cède d’une overdose quelques
années plus tard – trouvant
peut-être l’épilogue du roman
un brin moralisant.
Quant au casting,
l’interprétation des deux ac-
teurs principaux – novices
dans le cinéma italien – est
intense. Ils savent incarner le
malaise de leurs personnages,
sont émouvants dans leur soli-
tude et attendrissants dans leur
intimité. Impossible de rester
indifférent aux yeux bleus et
pénétrants de Jacopo Olmo
Antinori (Lorenzo) et aux mou-
vements sinueux de Tea Falco
(Olivia) ! Deux corps et deux
visages qui s’impriment immé-
diatement dans la mémoire du
spectateur…
2
La mia mente ha preso il volo
Un pensiero uno solo
Io cammino mentre dorme la
città
I suoi occhi nella notte
Fanali bianchi nella notte
Una voce che mi parla chi
sarà?
Dimmi ragazzo solo dove vai,
Perché tanto dolore?
Hai perduto senza dubbio un
grande amore
Ma di amorie è tutta piena la
città.
No ragazza sola, no no no
Stavolta sei in errore
Non ho perso solamente un
grande amore
Ieri sera ho perso tutto con
lei.
Ma lei
I colori della vita
Dei cieli blu
Una come lei non la troverò
mai più
Ora ragazzo solo dove andrai
La notte è un grande mare
Se ti serve la mia mano per
nuotare
Grazie ma stasera io vorrei
morire
Perché sai negli occhi miei
C'è un angelo, un angelo
Che ormai non vola più che
ormai non vola più
Che ormai non vola più
C'è lei
I colori della vita
Dei cieli blu
Una come lei non la troverò
mai più
David Bowie, Space Oddity
(version italienne écrite par
Mogol)
____________________________________________________
Objectifs pédagogiques généraux
 Approcher le monde des adolescents.
 Traiter du problème de la drogue, mal endémique de notre so-
ciété contemporaine.
 Identifier et analyser le système de relations qui unit chaque
individu et chaque groupe social au monde et aux autres.
 Analyser les éléments inhérents à la composition d’une image
fixe ou en mouvement (mise en scène, cadrage, rythme, …).
____________________________________________________
une fourmilière qu’il ob-
Pistes pédagogiques serve avec une loupe – la
difficulté à s’exprimer
sans s’énerver, à gérer
ses émotions et ses frus-
Thèmes/Symboles
trations, le refus de se
L’ADOLESCENCE soumettre à l’autorité de
la mère, etc. En re-
1. En quoi le comporte-
vanche, refuser d’aller en
ment de Lorenzo est-il
camp de ski, alors que
caractéristique de
tous ses camardes s’en
l’adolescence ? En quoi
réjouissent, est une réac-
est-il atypique ou singu-
tion peu commune. Lo-
lier ? Rechercher
renzo ne semble pas non
quelques scènes illus-
plus avoir d’amis et ne re-
tratives et les commen-
cherche aucun contact
ter. Parmi les comporte-
avec ses semblables. En-
ments dits « typiques »,
fin, son complexe
on relèvera le besoin de
d’Œdipe vis-à-vis de sa
s’isoler, notamment pour
mère est quelque peu tar-
écouter de la musique ou
dif, vu qu’il se manifeste,
lire, des réactions perçues
en principe, entre 2 et 6
comme étranges ou dé-
ans… Lorenzo est un
phasées, des intérêts par-
adolescent en crise, qui
ticuliers – Lorenzo achète
se cherche et doit se re-
3
Note d’intention du ci-
néaste (tiré du dossier de
presse de la Cinémathèque
suisse)
“Quand mon immobilité for-
cée est devenue mon quoti-
dien, j’ai pensé que ma car-
rière cinématographique était
derrière moi. L’idée de ne
plus faire de films signifiait la
fin d’un chapitre et le début
d’un nouveau, mais je ne
savais pas lequel. Il m’a fallu
digérer le fait que je ne pour-
rais dorénavant plus me dé-
placer qu’en fauteuil roulant.
Petit à petit, j’ai appris « l’art »
d’accepter ma condition et, à
partir de ce moment-là, j’ai su
qu’il me serait de nouveau
possible de faire des films,
mais dans de nouvelles con-
ditions. Assis plutôt que de-
bout. Depuis le tournage de
Io e Te, je me sens de nou-
veau dans l’action et suis prêt
à tourner le prochain film dès
que possible.
Il y a 2 ans, Niccolò Ammaniti
m’a confié son roman Io e Te.
Cela faisait 30 ans que je
n’avais pas tourné en italien.
J’avais envie d’entendre la
langue italienne dans un de
mes films, avec des acteurs
italiens, tourné en Italie. Dès
les premières pages du livre,
il y a eu une étincelle... celle
d’un nouveau projet... qui
deviendrait inévitablement un
film. La structure du roman
nécessitait des aménage-
ments, des transformations.
C’est pour cela que je voulais
Niccolò Ammaniti à mes cô-
tés pendant l’écriture du sce-
nario, avec également Um-
berto Contarello et Francesca
Marciano. Mais les plus
grandes différences entre le
film et le livre
n’apparaissaient même pas
au scénario. Elles sont appa-
rues pendant le tournage.
C’est la magie du cinéma.
positionner dans son envi-
ronnement social.
RAPPORTS AVEC LES
ADULTES
2. Excepté le psycho-
logue et un vendeur, Lo-
renzo est essentielle-
ment confronté à des
femmes dans le film : 1)
sa mère, 2) Olivia, 3) sa
grand-mère. Pour
quelles raisons a-t-il des
attitudes différentes vis-
à-vis de ces trois per-
sonnes ? Comment
comprendre la relation
conflictuelle avec sa
mère, puis – dans un
premier temps – avec sa
demi-sœur et la ten-
dresse qu’il manifeste
envers sa grand-mère ?
En quoi ces personnes
influencent-elles son
évolution ? 1) Avec sa
mère, Lorenzo nourrit un
rapport extrêmement diffi-
cile : elle a de la peine à
le comprendre et à faire
face à ses crises de co-
lère inattendues – voir no-
tamment la scène dans la
voiture : Lorenzo veut ab-
solument qu’elle s’arrête
avant le lieu du rendez-
vous, car il n’a pas envie
qu’on l’accompagne
comme un enfant ; du
coup, il pique la mouche,
élève la voix et frappe le
tableau de bord ; en
même temps, il a un fort
complexe d’Œdipe – voir
la scène au restaurant où
il demande à sa mère si
elle serait prête à renou-
veler le genre humain
avec lui en cas de catas-
trophe épidémique, en
supposant qu’ils seraient
les seuls à en échapper !
C’est au tour de la mère
de se mettre en colère au
vu des questions si ab-
surdes de son fils… C’est
une preuve manifeste de
son besoin de se posi-
tionner en tant qu’homme.
2) Avec Olivia, le conflit
est ailleurs : d’abord dans
l’intrusion d’un corps
étranger dans son espace
qui vient troubler ses
plans minutieusement or-
ganisés, d’autant plus
qu’elle n’a pas l’intention
de quitter les lieux et
qu’elle lui fait du chan-
tage. Petit à petit, il dé-
couvre l’histoire de cette
personne qu’il ne connaît
pas et qui fait pourtant
partie de sa famille. A la
fin, ils deviennent même
complices et sont pris
d’une forte affection l’un
envers l’autre, à tel point
que Lorenzo manifeste sa
jalousie (voir comment il
chasse « l’ami » d’Olivia
qui vient lui acheter ses
œuvres photogra-
phiques), preuve qu’elle
est entrée dans le cercle
des personnes qui comp-
tent.
Olivia est fondamentale
dans l’évolution que subit
Lorenzo : à la fin du film, il
est serein, réussit même
à parler avec gentillesse à
sa mère, qui a régulière-
ment téléphoné à son fils
pour obtenir en vain des
nouvelles, expédiées sur
un ton vif et désagréable
par sa progéniture. Elle lui
restitue le sourire qui illu-
mine un tant soi peu son
visage crispé et tendu du
début…
3) Le rapport avec sa
grand-mère peut être qua-
lifié de « normal ». Il est
vrai qu’elle est à l’hôpital,
la situation ne peut donc
qu’attendrir les mœurs un
peu rudes de Lorenzo.
Elle aime écouter ses his-
toires qui la réconfortent
et lui font du bien. C’est la
preuve que Lorenzo n’en
veut pas à tout le
monde…
4

J’étais fasciné par l’idée de
transformer le sentiment de
« claustrophobie » de la petite
cave encombrée, par une «
claustrophilie », l’amour d’être
enfermé dans des espaces
confinés. Dans Io e Te, j’ai
fait en sorte que cette cave
nous semble différente à
chaque scène, une pièce de
rangement destinée à être
transformée par le jeune
homme, Lorenzo et par la
lumière. Je voulais que cette
pièce nous inspire à chaque
fois un sentiment différent,
que l’on puisse toujours y
découvrir quelque chose de
nouveau, à mesure que le
récit avance.
Il nous a fallu des mois avant
de trouver Lorenzo et Olivia.
J’ai rencontré pratiquement
toutes les actrices italiennes
de l’âge du personnage, des
plus célèbres aux parfaites
inconnues. Je dois avouer
que je rêvais de découvrir
deux nouveaux visages ja-
mais vus au cinéma aupara-
vant... Pour Lorenzo, je ne
compte plus le nombre de
jeunes hommes que nous
avons rencontrés. Cela faisait
une éternité que je n’avais
pas approché des adoles-
cents d’aussi près. J’étais
incapable d’imaginer le vi-
sage de Lorenzo, mais je n’ai
plus eu aucun doute quand
j’ai vu les yeux immenses de
Jacopo Olmo, sa coupe à la
Robert Smith de The Cure,
son petit visage qui me faisait
un peu penser au jeune Mal-
colm McDowell, mais avec le
mystère d’un personnage de
Pasolini.
Io e Te est un film sur les
aspirations, les déceptions,
les luttes et les rêves de deux
jeunes gens. Beaucoup de
mes films ont déjà abordé la
jeunesse, ses enjeux et états
émotionnels spécifiques, à
commencer par les plus évi-
dents, The Dreamers ou
Stealing Beauty, mais aussi
dans Novecento, The Last
Emperor ou Little Buddha.
L’IRRUPTION D’UN
ÉLÉMENT EXTERNE
3. En quoi l’irruption
d’Olivia met-elle en
question non seulement
les plans de Lorenzo,
mais également sa
propre existence ? La
présence d’Olivia est
d’abord dangereuse, car
elle pourrait révéler au
grand jour le secret de Lo-
renzo et le mettre ainsi
dans une situation extrê-
mement délicate. Ensuite
– et surtout – elle pousse
inévitablement Lorenzo à
se positionner face à
l’histoire de cette demi-
sœur qu’on lui a caché : il
n’était pas au courant de
ses problèmes de drogue
et ne connaissait pas les
raisons qui l’avaient ame-
née à être écartée de la
famille par leur père. C’est
un chamboulement pour
lui, des découvertes aussi
inattendues que la pré-
sence d’Olivia.
Elle lui demande de ne
plus se cacher, car il n’est
plus un enfant. Il est
temps pour lui de
s’affirmer, c’est-à-dire de
grandir, phase ô combien
difficile pour certains ado-
lescents, le passage à
l’âge adulte ne s’opérant
pas toujours de façon
harmonieuse. Sans la
rencontre de sa demi-
sœur, cette prise de
conscience n’aurait peut-
être pas été possible.
Enfin, un vrai amour entre
frère et sœur est né,
complexe et intense à la
fois, teinté de sensualité.
LA DROGUE
4. A travers le person-
nage d’Olivia, travailler
sur les conséquences
très claires de la prise
de stupéfiants évoquées
dans le film. L’attitude
nonchalante d’Olivia, sa
constante fatigue, ses
vomissements, son
agressivité, … sont autant
de manifestations qui font
d’elle une épave (voir la
scène dans la salle de
bain du sous-sol, endroit
répugnant et en piteux
état, qui renvoie imman-
quablement à l’image
malheureuse de la jeune
femme : elle tremble,
n’arrive pas à se relever…
On ne peut qu’avoir pitié
de cette âme perdue).
Montrer comment Lo-
renzo est démuni face à
la jeune femme. D’abord
désemparé face aux réac-
tions dues à la drogue,
Lorenzo commence à
l’aider, visiblement touché
par sa condition, prenant
même des risques (il ac-
cepte d’aller voler des
somnifères dans la
chambre de sa grand-
mère à l’hôpital). Mais
Olivia ne veut pas qu’on
la voie dans cet état et
remballe son frère à plu-
sieurs reprises.
Analyser le discours
d’Olivia sur les consé-
quences de la prise de
stupéfiants. Quel impact
a-t-il sur Lorenzo ?
Exemple vivant à ne pas
suivre, la jeune femme
met en garde Lorenzo qui
s’interroge sur les raisons
qui l’ont poussée à se
droguer. Elle veut le pro-
téger pour éviter qu’il ne
tombe lui aussi dans cette
spirale infernale de la-
quelle elle essaie de se
sortir. Le jeune homme
l’écoute avec attention : le
même discours tenu par
un adulte – sa mère, son
psychiatre – n’aurait cer-
tainement pas eu le
même impact. Lorenzo
est en confiance – nous
sommes à la fin du « sé-
jour » – il ne peut qu’être
5

dans Novecento, The Last
Emperor ou Little Buddha
5.
Même si j’ai franchi le cap
des 70 ans, je continue à être
intrigué par les jeunes per-
sonnages et par le défi
d’arriver à capturer leur vitali-
té, leur curiosité. J’ai vraiment
vu Jacopo Olmo grandir de-
vant les caméras pendant les
10 semaines de tournage. Je
suis peut-être un cas de
croissance interrompue !
6.
J’avais entendu « Ragazzo
solo, ragazza sola » (Jeune
homme seul, Jeune femme
seule) il y a longtemps déjà, à
la radio, dans une voiture
dans laquelle je parcourais
les rues de Los Angeles sans
aucun but. David Bowie chan-
tait en italien, essayant de
camoufler son accent anglais.
C’était la version italienne de
« Space Oddity ». Il chantait «
Ground Control to Major
Tom... ». En italien, c’était
devenu : « Dis-moi où tu vas
jeune homme solitaire, car il y
a trop de souffrance...». La
chanson de Bowie était deve-
nue une chanson romantique
italienne. Les paroles ita-
liennes avaient été écrites par
Mogol, que j’admire énormé-
ment. C’est un grand parolier
et la version italienne sem-
blait avoir été écrite pour
cette scène spécifique de Io
e Te. Comme la grande tradi-
tion américaine des comédies
musicales nous l’a enseigné,
la musique crée un moment
unique où tout devient pos-
sible. J’étais vraiment excité à
l’idée d’essayer les nouvelles
technologies, celles qui
avaient tellement évolué pen-
dant mes 10 ans d’absence.
J’ai même pensé à tourner Io
e Te en 3D. Nous avons fait
plusieurs tests à Cinecittà,
mais le processus en lui-
même était trop long pour
moi.
touché par l’expérience
douloureuse de sa demi-
7.
sœur.
Pour aller plus loin :
faire une recherche sur
ce problème social,
pour rendre les élèves
attentifs à ce fléau de
notre époque. Parler
des dépendances et de
leurs conséquences.
LE BESOIN D’ORDRE
Comment comprendre
l’intérêt de Lorenzo pour
la fourmilière qu’il ac-
quiert dans une anima-
lerie avant son « sé-
jour » à la cave ? Analy-
ser les séquences qui
8.
montrent son besoin
d’ordre.
L’organisation rigidement
structurée des fourmis est
à l’image de la société
dans laquelle Lorenzo – et
Olivia d’ailleurs – ne
trouve pas ses marques.
Comme sa demi-sœur, il
cherche à fuir dans de la
vie commune, mais en
même temps, il a un be-
soin d’ordre. Nombreuses
sont les séquences qui le
démontrent :
l’’organisation méticu-
leuse de son nouvel es-
pace vital ; le décompte
précis du nombre de bois-
sons et de bocaux de
nourriture pour qu’il tienne
toute la semaine ; le net-
toyage du lavabo dans la
salle de bain, etc. Même
Olivia lui fait une re-
marque à ce propos !
Faire de l’ordre, c’est maî-
triser son espace, c’est la
recherche de sécurité et
de limites ; une réorgani-
sation nécessaire au vu
du désordre intérieur de
Lorenzo. « L’organisation
sociale » des fourmis est
finalement un idéal auquel
il aimerait peut-être
tendre.
LA SOLITUDE
Travailler sur le thème
de la solitude, qui ne
concerne pas seulement
les deux protagonistes
du film : l’absence du
père contraint la mère
de Lorenzo à s’occuper
seule de son éducation ;
la grand-mère est ma-
lade et ne semble avoir
beaucoup de compa-
gnie… Comment
marque-t-elle les per-
sonnages ? Que signi-
fie-t-elle pour chacun
d’entre eux ?
Mise en scène
La CAVE fonctionne
comme un huis clos.
Comment est-elle fil-
mée ? Quelle(s)
image(s) avons-nous de
cet espace ? Que repré-
sente-t-elle ? La symbo-
lique de la cave est avant
tout négative (dans le ci-
néma de genre, c’est un
lieu souvent associé à la
peur et/ou à la mort). A
l’image du repli sur soi de
Lorenzo, c’est un lieu à
part, coupé du monde, de
la vie, où l'on accumule
des choses inutiles.
Pourtant, ce n’est pas for-
cément un lieu froid et
hostile : Lorenzo
l’organise, le rend fonc-
tionnel et agréable. Havre
de paix dans lequel il peut
faire ce qu’il veut quand il
veut, sans devoir rendre
compte de quoi que ce
soit à qui que ce soit.
C’est un lieu rassurant,
dans lequel il se sent en
sécurité, puis avec
l’arrivée d’Olivia, une oa-
sis de confidences et
d’affections, où deux
corps étrangers se dé-
couvrent et se plaisent.
Comment est-elle fil-
mée ? Les prises de vues
6
Dans mes films, chaque plan
sont constamment diffé-
donne naissance au suivant,
rentes, comme si l’espace
qui donne naissance au sui-
s’adaptait à l’évolution
vant et ainsi de suite...
émotionnelle des person-
nages. La caméra est par-
Il n’y a pas le temps
fois aérienne (vue
d’attendre la mise en place
d’ensemble, sensation
laborieuse des deux caméras
d’écrasement), s’arrête
nécessaires à la 3D, ni même
sur des détails (meubles,
pour les changements
objets divers, tuyauteries,
d’objectifs. J’ai ensuite pensé
…).
à tourner en numérique, mais
le manque de contrôle de la
Comment la lumière est-
netteté m’était insupportable.
elle utilisée ? L’unique
Je n’avais pas réalisé jusque
source de lumière pro-
là, à quel point le 35mm pou-
vient de la fenêtre de la
vait incarner la nostalgie de
cave qui donne sur
l’impressionnisme. J’ai donc
l’extérieur : Lorenzo
décidé de continuer à tourner
l’ouvre et la ferme en
avec cette bonne vieille pelli-
fonction de la situa-
cule."
tion (lorsqu’il veut dormir,
pour éviter qu’on l’on
Bernardo Bertolucci
s’aperçoive de leur pré-
sence…).
9. Commenter les ca-
drages des visages et
de la physionomie des
protagonistes. Que met-
tent-ils en valeur ? Les
plans sur le visage de Lo-
renzo sont nombreux,
soulignent les mous-
taches à peine naissantes
et son problème d’acné,
ainsi que ses yeux d’un
bleu intense et pénétrant.
La caméra ne s’arrête ja-
mais de façon banale sur
son visage. Olivia nous
apparaît dès le début ex-
plosive, belle, sensuelle et
sauvage. Les détails de la
physionomie de la jeune
femme sont observés
avec une loupe par son
frère, comme si elle était
un insecte.
10. Commenter la façon
dont la ville est filmée.
Les immeubles sont tou-
jours filmés depuis le bas,
leur donnant un air surdi-
mensionné, comme s’ils
étaient vus par un enfant.
C’est le point de vue de
Lorenzo, un adolescent
en devenir…
11. Commenter le choix
de la musique, notam-
ment le Space Oddity de
David Bowie, dans sa
version italienne adap-
tée par Mogol. En quoi
le texte raconte-t-il
l’histoire des protago-
nistes du film ? Traduc-
tion partielle : « Dis-moi
garçon solitaire où tu vas,
pourquoi tant de douleur,
tu as perdu un grand
amour, mais la ville est
pleine d’autres amours ».
12. Analyser la scène de
la danse entre Lorenzo
et Olivia sur la chanson
de David Bowie. Com-
ment les protagonistes
sont-ils filmés ? En quoi
peut-on dire que la sé-
quence est la plus in-
tense du film ?
13. Commenter la der-
nière scène du film. Lo-
renzo et Olivia se pren-
nent dans les bras. La
caméra aérienne nous
montre que chacun va
dans une direction oppo-
sée. C’est le retour à la
lumière, le départ vers
une vie nouvelle, un tour-
nant né dans l’obscurité
de la cave.
Perspectives compara-
tives
14. Comparer le film et le
livre, faire la liste des
similitudes et des diffé-
rences. En quoi
l’histoire diffère-t-elle ?
Quelles dimensions /
perspectives le film ap-
porte-t-il ?
15. Travailler sur le thème
de l’adolescence dans
d’autres films récents
comme Corpo Celeste
(Alice Rohrwacher), Tutti
Giù (Niccolò Castelli).
7
__________________________________________________

Pour aller plus loin :

- Alain Braconnier, Daniel Marcelli, L’adolescence aux mille
visages.

- La fiche pédagogique e-media Tutti Giù.

- La fiche pédagogique e-media Corpo Celeste.

__________________________________________________
Toni Cetta, enseignant, Gymnase de La Cité, novembre 2013.

"Droits d'auteur : Licence Creative Commons"