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LA DIVINATION MALGACHE
PAR LE SIKIDY
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RAYMOND DECARY
LA DIVINATION MALGACHE
PAR LE S I K I D Y
Avec la collaboration, pour la mise au net
et les notes, de Marcelle Urbain-Faublée
IMPRIMERIE NATIONALE
LIBRAIRIE O R I E N T A L I S T E PAUL G E U T H N E R
P A R I S - 1970
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PRÉFACE
I N T R O D U C T I O N
CHAPITRE PREMIER
LE SIKIDY OU SIKILY
(1) RUSILLON (H.), « Le sikidy malgache », Bull. Acad. malgache, 1908 (1909), vol. VI,
p. 115-162.
Marovoay : sous-préfecture située au Sud-Est de Majunga.
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Quoi qu'il en soit, le sikidy occupe, comme on l'a dit, une large place dans
la vie du Malgache; il le consulte en toute circonstance, mais surtout :
1° En cas de maladie;
2° Avant d'entreprendre un voyage;
3° Pour acquérir la richesse ou prévoir le croît des troupeaux;
4° Pour toutes les questions relatives aux femmes;
5° Afin de pouvoir jeter un mauvais sort à quelqu'un;
6° Pour rechercher ou dépister les voleurs.
On attribue aux maladies deux sources différentes : elles proviennent soit
de puissances surhumaines, soit des hommes. Dans le premier cas, elles
constituent une punition, un avertissement, et si le malade ne s'amende pas,
son état pourra s'aggraver; quant à la cause, elle doit être cherchée dans la
transgression d'un tabou, fady, ou dans le non-accomplissement d'un vœu.
Si au contraire la maladie provient des hommes, elle porte le nom de tolaka,
elle peut alors être produite soit à l'aide d'aliments, soit à distance avec des
sortilèges, aoly ou ody mahery. Celui qui nuit ainsi à son semblable sera
généralement le fahatelo sur le tableau du sikidy.
Dans un autre ordre d'idées, il est prudent de consulter le sikidy avant
d'entreprendre un voyage pour connaître le jour faste où l'on devra partir
et savoir si le point où l'on désire se rendre n'est pas opposé au destin, vin-
tana, de celui qui veut se déplacer
Pour s'enrichir avec certitude, il faut éviter tout risque fâcheux; c'est
ainsi qu'une recherche d'or au moyen de l'orpaillage ne sera entreprise que
le jour déterminé par le sikidy.
En amour enfin, il est utile de connaître le sort de la femme que l'on vou-
drait épouser, de peur que son étoile ne soit opposée à celle de l'homme,
et ici en particulier, le sikidy peut, à l'occasion, puiser dans l'astrologie cer-
tains de ses principes.
Une des plus anciennes mentions du sikidy faite par les auteurs européens
se trouve dans une lettre du Père Luis Mariano qui écrit dès 1616 au sujet
des Sakalava : « Les habitants de l'Ouest ne font aucun acte important sans
consulter les sortilèges qui se font de plusieurs manières sur le sable, avec
des noyaux de tamarin, etc. »
L'abbé Nacquart en 1650 déclare à son tour : « Voici comment les Ombiasy
donnent leurs consultations : premièrement, ils font les pensifs et les empê-
chés et, prenant une planche, ils y répandent du sable sur lequel ils font
quantité de points comptés, ce qu'ils appellent « squille », et ils les réitèrent
souvent pour tirer les pronostics de la maladie. Ils vendent une partie de ce
(1) Au reste, les rapports du vintana et du sikidy sont devenus aujourd'hui assez lâches.
Déjà Dahle signale en 1886 que ces rapports sont de plus en plus perdus de vue et peuvent être
à peine retrouvés avec certitude dans les détails. Ce qui en reste, c'est une terminologie parti-
culière dans laquelle certains noms se rencontrent à la fois dans le vintana et dans le sikidy.
Bref, la science astrologique qui servit de base à cette divination a disparu à peu près complè-
tement.
(2) Rév. Père Luis MARIANO, « Lettre du 22 octobre 1716 », trad. dans Coll. ouvr. anc. concer-
nant Madagascar, t. II, p. 230.
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sable dans un morceau de cire qu'ils font porter au cou pour obtenir la
santé »
L'année suivante, en 1651, Cauche signale à son tour : « Les Ombiassy et
la plupart des maîtres des villages se servent d'une tablette sur laquelle ils
étendent du sable blanc, et avec le doigt ils marquent de certaines lignes
à ondes, dont ils forment certaines figures sur lesquelles ils font leur juge-
ment » .
Flacourt enfin donne en 1661 les renseignements suivants : « Les Ompitsi-
quili, ce sont ordinairement nègres ou Anacandries qui s'en meslent, c'est
ce que l'on nomme Géomance, les figures sont semblables à celles de Géo-
mance, sinon qu'ils squillent sur une planchette couverte de sable sur la-
quelle ils forment leurs figures avec le doigt, en observant le jour, l'heure,
le mois, la planette et signe qui domine sur l'heure en laquelle ils squillent,
en quoi ils sont très bien versez : mais rarement trouvent ils la vérité de ce
qu'ils cherchent et quelques uns adjoutans leur conjecture avec leur squille
rencontrent parfois et se font admirer ou estimer d'un chacun. Les malades
les consultent pour leur guérison, les autres pour leurs affaires ; il y en a beau-
coup qui ne sortent point de chez eux sans squiller » (3)
Il est inutile de multiplier ces citations qui toutes se rapportent à la prati-
que du sikidy alanana ou sikidy tracé sur le sable.
Dans les pages qui suivront, nous observerons scrupuleusement les indi-
cations de notre informateur Rabenja; mais lorsque, parmi celles-ci nous en
rencontrerons qui s'éloignent notablement de celles des autres auteurs, nous
ne manquerons pas de les signaler. Le lecteur se rendra compte ainsi de
l'étonnante complexité du sikidy et du très grand intérêt que présenterait
une étude comparative des différentes méthodes en usage à Madagascar.
Il existe à la vérité un certain nombre de variétés de sikidy. Le sikidy ala-
nana ou sikidy tracé sur le sable était autrefois extrêmement répandu; il
représente le type primordial de ce genre de divination. Le devin étendait
sur une planchette une couche de sable, puis y traçait au hasard quatre
lignes festonnées dont il comptait ensuite les ondulations. Leur nombre, im-
pair ou pair, était alors marqué par un ou deux points, et ce calcul, accompli
pour chacune des quatre lignes séparément, donnait la première figure du
sikidy. On effaçait alors les traces sur le sable et l'on recommençait l'opéra-
tion pour chacune des trois figures suivantes.
O impair
O O pair
O impair
O O pair
(1) Abbé NACQUART, «Lettre du 5 février 1650», Mém. Congrég. Mission, t. IX, p. 66.
(2) CAUCHE, « Relation de voyage à Madagascar , Coll. ouvr. anc., t. VII, p. 101.
(3) Et. DE FLACOURT, Histoire de la grande isle de Madagascar, 1661, p. 173.
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asombola (doubles). Parfois, à ces seize figures, qui forment deux rangées
parallèles de huit chacune, on ajoute une rangée supplémentaire de quatre,
placée perpendiculairement, et correspondant au bœuf, au mouton, à la
volaille et au riz.
Le sikidy alakarabo est une variété du joria pratiquée par les Sakalava,
Mahafaly, Antandroy, avec trois graines au lieu de deux. Les divinités spé-
cialement évoquées dans ce genre de cléromancie sont le roi Andriamosara
et les ancêtres des Maroseranana. Les graines employées sont des voankarabo,
d'où le nom du sikidy.
Quant aux sikidy kofafa et sikidy vero, mentionnés accessoirement par
Dahle comme existant chez les Betsimisaraka, ils doivent être considérés
plutôt comme des amusements que comme de véritables modes de divination.
Le sikidy qui fait l'objet de la présente étude est le sikidy alanana, mais
dans lequel la détermination du nombre pair ou impair des graines formant
les figures, n'est plus subordonnée au nombre de festons des lignes tracées
sur le sable. On ne peut d'ailleurs préciser à quelle époque l'ancien procédé
a fait place à celui qui est en usage actuellement presque partout.
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CHAPITRE II
LE MPISIKIDY OU MPISIKILY
(1) Le mpisikidy ne doit pas être confondu avec le mpamintana. Le second, qui prétend
tirer ses oracles de la divinité, doit en principe indiquer au premier le jour où celui-ci pourra
travailler utilement suivant le destin, vintana, du consultant. En réalité, le mpisikidy néglige
souvent aujourd'hui de recueillir cet avis et opère sans tenir compte de ce que pourrait déclarer
le mpamintana.
(2) Fano : Piptadenia chrysostachys Benth., Légumineuses. Dans le Centre, on emploie
aussi les graines arrondies de tsiafakomby : Caesalpinia sepiaria Roxb., Légumineuses, arbuste
épineux commun dans les fossés des villages. Dans le Sud, on se sert fréquemment de celles
du kily : Tamarindus indica Lin., Légumineuses.
la secousse détache des graines qui sont ramassées au fur et à mesure. Et c'est
par une allusion lointaine et imprécise à cet acte que certains Mpisikidy
disent lors de l'invocation : « Quand tu étais au Pic escarpé et dans la forêt
dense, sur toi les crabes ont rampé, de toi les crocodiles ont fait leur lit, de
leurs pattes les oiseaux t'ont foulé. Qu'on te suspende aux arbres ou qu'on
t'enfouisse, tu n'es jamais desséché ni pourri ».
Puis l'initiation commence et l'élève entreprend l'étude des graines voyantes.
Le salaire qu'il verse à son maître est peu élevé; il peut descendre parfois jus-
qu'à une somme de cinq francs qu'accompagne un coq au plumage rouge. Et
dès ce moment, pour faciliter la compréhension du langage des graines, il
augmente sa clairvoyance en déposant devant lui, pendant son travail, un frag-
ment de quartz hyalin qu'il conservera ensuite et placera toujours en avant
des figures du sikidy lors de chaque consultation. L'initiation, parfois longue,
est toujours difficile, et sans doute est-ce la raison pour laquelle on ne doit pas
l'entreprendre, en pays sakalava, avant quarante ans.