Vous êtes sur la page 1sur 26

La start-up en droit OHADA, Mélanges en l’honneur du Professeur Ndiaw DIOUF, « Justice &

Intégration », Tomes 2, coédités par Les Éditions du CREDIJ et Les Éditions de


l’ERSUMA.

INTRODUCTION
Au Cœur de l’actualité continentale et internationale, les start-up déchainent de plus en plus les
passions au fur et à mesure que se multiplient les success-story1. On se souvient encore de l’entrée
remarquée sur la plus grande place boursière du monde, le New York Stock Exchange (NYSE) en
avril 2019, de la plateforme africaine de commerce en ligne JUMIA valorisée à plus de 1,9 milliards
de dollars2.
Encouragé par la forte croissance économique des pays africains, le nombre de ces start-up
africaines n’a cessé de croître sur le contient. Elles ont pour caractéristique majeure de s’appuyer
sur les faiblesses du continent pour apporter des solutions concrètes. C’est par exemple le cas de
la start-up sénégalaise « Karangué » investie dans la baisse du taux de mortalité maternelle et
infantile à travers un système d’alerte vaccination, visites pré et post-natales par SMS et par
message en langues locales. C’est également le cas de « Cellulant », première plateforme de
paiement mobile, qui s’attaque au faible taux de bancarisation du continent en offrant aux
populations des services financiers sur application mobile.
Traduit littéralement de l’anglais, « jeune pousse » ou « société qui démarre »3, la start-up n’est
pas définie par le droit. C’est de fait, vers l’économie qu’il faut se tourner non seulement pour une
définition de la notion, mais également pour identifier les critères qui la caractérisent.
En économie, la start-up désigne toute entreprise jeune, portée par une innovation
technologique, et porteuse d’une grande ambition commerciale4. Selon la doctrine dominante, la
taille, l’âge, le secteur et la forme de la société ne seraient pas des critères déterminants dans la
start-up5. Seules trois caractéristiques fondamentales doivent être prises en compte 6 :

- Le caractère temporaire (une start-up n’a pas vocation à le rester toute sa vie)

- L’usage d’une technologie nouvelle ou d’une nouvelle façon de faire

1
N. Goldstein, La nouvelle ruée vers l’or pour les startups africaines est lancée, Madyness mai 2019,
https://www.maddyness.com/2019/05/10/la-nouvelle-ruee-vers-lor-pour-les-startups-africaines-est-lancee/
2
Elle a levé près de 200 millions de dollars la première journée. V. E-commerce : Jumia fait une entrée remarquée sur la
bourse de New York, Magazine Jeune Afrique, Entreprises & Marchés, 12 avril 2019, n°3040.
3
Les francophones ont tendance à préférer l’expression « startup ». V. A. Adesina, Perspectives économiques en
Afrique 2019, rapport de la BAD, p. iii.
https://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/2019AEO/AEO_2019-FR.pdf
4
V. E. Ries, The Lean Startup : How Today’s Entrepreneurs Use Continuous Innovation to Create Radically Successful
Businesses, New York Bestseller, 2011, p. 98 et s.
5
CPCS, État des lieux des start-up dans l’espace UEMOA, rapport de la BOAD, CPCS réf. 18399, 13 nov. 2018, p.2,
http://www.boadevents.org/docs/communication-
aniv/BOAD%20Module%20E%20Etat%20des%20lieux%20des%20start-ups%20UEMOA.pd
6
Patrick Fridenson, historien des entreprises est d’ailleurs la référence citée dans la qualification des start-up. P.
Fridxenson, L'héritage d'alfred d. chandler, Revue française de gestion 2007/6 (n° 175), p. 7 à 8.
V. D. Heller, S. De Chadirac, L. Halaoui et C. Jouvet, L’émergence des start-up, Série Finance Moderne, Innovation
Managériale et Croissance Économique, éd. ISTE 2019, Vol. 1, p. 69 ; égal.
https://www.banquemondiale.org/fr/region/afr/overview

1
- Et la recherche d’un business model avec une perspective de forte croissance, voir une
croissance exponentielle.
Le besoin d’un financement massif est un critère qui divise au sein de la doctrine. Tandis que
certains économistes le considèrent comme fondamental, d’autres se contentent des trois
premiers pour caractériser la start-up7.
L’autre critère également délaissé de la doctrine est celui de la nouveauté. S’il est vrai que toute
société qui démarre n’est pas une start-up, l’un des traits distinctifs de la start-up face à la notion
classique d’entreprise est le fait qu’une entreprise traditionnelle est organisée pour exécuter et
optimiser un modèle économique qui fonctionne, alors qu'une start-up est créée et organisée
pour en trouver un8.
Le Sénégal est aujourd’hui l’un des seuls pays de l’espace OHADA à s’être doté d’une loi visant
expressément la start-up qu’elle définit en son article 3 comme « l’entreprise innovante et agile,
légalement constituée depuis moins de huit ans, dotée d’un fort potentiel de croissance à la
recherche d’un modèle économique disruptif et de mécanismes de financement adaptés à sa
spécificité en vue de déployer sa capacité exceptionnelle de création de valeurs » 9. Le critère de la
nouveauté que nous énoncions retrouve ici la place que lui déniait les économistes.
Le développement d’internet et du numérique est le principal catalyseur de l’expansion des start-
up dans l’ensemble des secteurs d’activités et services. Leur accroissement dans la zone OHADA a
été révélatrice d’un fait : les start-up ont besoin de beaucoup plus que des investisseurs pour
s’implanter et attirer des capitaux.
L'insécurité juridique et judiciaire a historiquement constitué un frein à l’attractivité des
économies africaines. Statistiquement, 80% des start-up échouent dans les deux à cinq premières
années. Si les difficultés qu’elles rencontrent, peuvent varier d’un secteur d’activité à l’autre10,
l’absence de cadre juridique reste l’un des freins communs.
L'absence de textes et de garanties légales dans les autres pays, rendent les potentiels
investisseurs de la start-up frileux. Dans le domaine des énergies solaires, la régulation du marché,
la création d’une référence qualité au niveau des produits solaires et d'une certification au niveau
des métiers sont ainsi suggérés par une étude de la Banque Africaine de Développement (BOAD)
pour impulser la création de nouveaux modèles économiques adaptés aux réalités des start-up de
la zone OHADA.
Fort de ce constat, on peut se poser la question de savoir si malgré leur rattachement à
l’économie, le législateur OHADA ne gagnerait pas à règlementer les start-up. Autrement dit,
l’élaboration d’un cadre juridique propre aux start-up OHADA ne contribuerait-elle pas à les
rendre plus efficientes ?

7
Les « business angels », les fonds d’investissement et les banques publiques d’investissement (BPI) sont généralement
les investisseurs auxquels il est fait appel. C. S. Le Nadant, Le crowdfunding : modèle alternatif de financement ou
généralisation du modèle de marché pour les start-up et les PME ? Revue d’économie financière, 2016, n122, p.255.
8
L. Chouraki, Le Guide de la jeune entreprise innovante, Dunnod Paris, 2017.
9
Loi n° 2020-1, 6 janv. 2020, relative à la création et la promotion de la start-up. V. J. Mestre, Sénégal : une loi pour
favoriser la création et la promotion des start-up, Lamy actualité du droit 11 févr. 2020, éd. En ligne.
10
A titre d’exemple, dans le domaine des énergies renouvelables, les difficultés communes sont : le manque de
financement suffisant pour l’amorçage et le passage à l’échelle des start-up particulièrement du domaine des énergies
renouvelables ; l’insolvabilité des clients (coûts des services et produits élevés et mode de paiement non adaptés aux
cibles rurales) ; la pollution du marché par des produits de moindre qualité et des installateurs profanes, ce qui a pour
conséquence : l’altération de la confiance des consommateurs et les faiblesses de la qualification technique dans le
domaine solaire (nombre limité de centres pour la formation de techniciens solaires). 


2
La start-up a besoin d’une réglementation adaptée à sa spécificité. L’offre juridique OHADA
insuffisante en cette matière (I) constitue un obstacle qu’il faudra lever pour une meilleure
compétitivité de nos start-up et par ricochet, de notre économie (II).

I- Les limites juridiques actuelles de la start-up en droit OHADA


En dépit de son succès planétaire, la start-up n’a bénéficié que de très peu d’attention des juristes
OHADA qui l’associent à la sphère économique. Cette réticence (A) pourrait justifier l’absence de
statut juridique propre du mécanisme en droit communautaire OHADA (B).

A- La réticence des acteurs juridiques à l’égard des start-up


L’ambiguïté juridique de la notion de start-up (1) et le développement récent de la legaltech sont
autant de raisons qui justifient la réticence des juristes à l’égard de la start-up (2).

1- L’ambiguïté juridique de la notion de start-up


Organisation temporaire à la recherche d'un business model industrialisable, la start-up ne
correspond à aucun des statuts juridiques connu du droit. La notion d’entreprise à laquelle les
économistes la rattachent n’est pas elle-même d’origine juridique11.
L’entreprise est selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne, « une
organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels, rattachée à un sujet
juridiquement autonome et poursuivant d'une façon durable un but économique déterminé »12.
L’entreprise est donc une organisation économique et humaine, alors que la société, n’est qu’un
cadre juridique au même titre que peut l’être le statut d’entreprenant ou de commerçant. Dans
un contexte du droit de la concurrence, précise l’arrêt Höfner, « la notion d'entreprise comprend
toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité
et de son mode de financement »13.
De même que toutes les sociétés ne sont pas des start-up, toute entreprise qui démarre n’est pas
une start-up précisent les économistes14. Seule une petite fraction d’entreprises qui se lancent,
rentre dans cette catégorie. Ce n’est pas par exemple le cas de la nouvelle couturière du coin.
Mais alors, comment le juriste peu, familier aux notions économiques de business model,
d’investissement, ou encore d’industrialisation, doit il régir à cela ? Rappelons que la notion de
crédit n’a que récemment fait son entrée en droit.
L’autre question à laquelle le juriste se trouve confronté se rapporte à la suma division : la notion
de start-up s’applique-t-elle aux entreprises publiques ?15

11
V. P. S.A. Badji, Ohada et bonne gouvernance d’entreprise, Revue de l’ERSUMA : Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, N° 2 - Mars 2013, Doctrine.
12
CJCE, 13 juill. 1962, Mannesman AG c/ Haute Autorité de la CECA, Aff. 19/61, Rec. 675. Dans cet arrêt, la Cour de
justice de l’Union Européenne pour la première fois, définit l’entreprise à travers le critère matériel de l'activité
économique, ignorant de fait, l’organisation juridique.
13
CJCE, 23 avr. 1991, Höfner et Elser, Aff. C-41/90, Rec. I. 1979 ; JDI 1992. 467, obs. M.-A. Hermitte.
14
L. Chouraki, Le Guide de la jeune entreprise innovante, op. cit.
15
Selon la directive de la Commission européenne, une entreprise européenne est une « entreprise sur laquelle les
pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante, du fait de la propriété, de la
participation financière, ou des règles qui la régissent ». V. au Cameroun, la loi no 2017/011 du 12 juillet 2017 portant
statut général des entreprises publiques.

3
La question n’a évidemment pas été tranchée puisque n’ayant pas encore fait débat au sein de la
doctrine juridique peu documentée sur la start-up. Mais de notre point de vue, la notion de start-
up peut très bien s’accommoder de la société d’économie mixte, compte tenu des liens étroits
que cette dernière entretient avec le droit privé. Ces liens expliquent d’ailleurs que l’entreprise
publique entre dans le champ d’application de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et Groupement d’intérêts économique (AUDCG et GIE)16.
S’agissant du service public, la réponse est beaucoup moins systématique. L’actualité récente
français donne à croire que la notion de start-up est compatible avec celle de service public17. Le
projet de la mission de la Direction Interministérielle à la Transformation Publique (DITP) a ainsi
pour objectif d’importer le modèle « startopien » dans l’administration. Ainsi que le dénoncent
certains auteurs, c’est sans toutefois tenir compte d’un certain nombre de facteurs comme par
exemple le fait que le service public à moins à cœur la notion de rentabilité économique que celle
de satisfaction de l’administré18.
Enfin pour le juriste, se pose l’inéluctable question de savoir si la notion de start-up s’applique
indifféremment aux personnes morales et aux personnes physiques. Une fois de plus, la
problématique n’est pas tranchée. En principe, rien n’interdit à la start-up d’emprunter le statut
de commerçant ou celui d’entreprenant. Plus exactement, il existe un vide juridique sur la
question dans la plupart des législations.
Néanmoins, nous avons lieu de penser que le principe de la confusion de patrimoine entre le
commerçant personne physique et l’entreprise qu’il gère est difficilement compatible avec la
définition que les économistes donnent de la start-up présentée comme « une organisation
temporaire » porteuse d’une grande ambition commerciale19. Une organisation ne peut
s’entendre d’une personne physique. De même, le fait que l’activité de la start-up soit
conditionnée à l’investissement des tiers pourrait s’avérer problématique pour les personnes
physiques dont le statut a plus de mal à convaincre les investisseurs. Pour cette même raison,
l’entreprenant ainsi que consacré par l’AUDCG, doit être exclu de l’activité de start-up20.
Même si la start-up reste un grand mystère pour le juriste OHADA, l’appropriation du mécanisme
ne reste pas moins indispensable au regard des besoins juridiques de celui-ci et de ses enjeux
économiques pour le continent.
Pour l’instant, seuls des incubateurs viennent en appui aux start-up. Ils leur apportent un package
de services visant à les accompagner de la création à la mutation de la structure : appui

16
V. S. Mouhouain, La réforme du droit Camerounais des entreprises publiques et le droit des sociétés commerciales de
l’espace OHADA, Revue de droit uniforme d’Oxford, Vol. 24, Issue 1, Mars 2019, p. 214–233.
17
« Par principe, la « start-up » sera considérée comme un terme positif, « tendance », attractif pour les investisseurs
et devra aussi le devenir pour les services publics, qui doivent eux aussi entrer dans la compétition pour la séduction des
investisseurs… ou leur être vendus ! ». V. D. G. Boullier, Le dogme de la « startup nation » à l’attaque du service public,
7 juin 2018, Médiapart, https://blogs.mediapart.fr/dominique-g-boullier/blog/070618/le-dogme-de-la-startup-
nation-l-attaque-du-service-pub
18
V. D. G. Boullier, ibid.
19
N. Goldstein, La nouvelle ruée vers l’or pour les startups africaines est lancée, op. cit.
20
V. S. Bissaloue, L’entreprenant, un statut attractif pour les jeunes acteurs économiques, Wolters Kluwer, actualité
juridique du droit, septembre 2017, édition en ligne ; W. Djiguemdé, L'aménagement conventionnel de la société
commerciale en droit français et en droit OHADA, L'Harmattan, Le droit aujourd'hui 2018, p. 38.

4
managérial21, appui juridique et technique22, mise en réseau23 et financement 24. La recherche de
financement qui est le plus important des accompagnements, permet d’augmentation des fonds
d’amorçage, d’innovation et de capital-risque adaptés aux start-up. Quatre principaux types
d’incubateurs fournissent cet accompagnement : l’incubateur des collectivités territoriales,
l’incubateur académique et scientifique, l’incubateur des entreprises et l’incubateur de
l’investissement privé25.
Si le droit est pour l’heure, le moins concerné par le développement des start-up. Le nombre
croissant de legaltech26 et l’attention particulière accordée par le monde universitaire africain aux
start-up sont révélateurs27.
Rompant avec la traditionnelle indifférence à l’égard des spécificités économiques des start-up, le
Sénégal est aujourd’hui l’un des seuls pays de l’espace OHADA à s’être doté d’un arsenal juridique.
L’objectif visé est de « valoriser les innovations, notamment technologiques, pour en faire un
levier essentiel du développement de l’économie nationale, et aussi, de manière sans doute plus
accessoire mais cependant non négligeable, pour accroître la compétitivité et la sécurisation des
services administratifs28.
L’OHADA a besoin des start-up tout autant que les start-up ont besoin de la sécurité juridique
qu’elle pourrait leur procurer.29 Conscient de cette dépendance, le législateur français pour ce qui
le concerne, a instauré une réglementation qui leur est très favorable30.

21
Déterminer le modèle économique de la start-up et à l’appuyer dans la rédaction du business plan et dans la mise
en œuvre concrète du projet .
22
Conseils sur les différents aspects juridiques de son activité et mise à sa disposition des locaux (espaces de coworking,
bureaux équipés), bureautiques, laboratoire et technologie…
23
Recherche de financement et d’expertise spécifique non disponible au sein de l’incubateur.
24
V. C. Le Gloan, Les politiques publiques dans la création et le financement de la start-up en France : une évaluation
du Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes, th. De science économique,
Université Paris panthéon Assas, 2017, p.36 et s.
25
Signalons le faible nombre des incubateurs dans l’espace UEMOA. Ceux existant sont souvent tournés vers les
Technologies de l’Information et de la Communication, et les énergies renouvelables. C’est le cas du Centre Incubateur
des PME au Niger (CIPMEN) ; du CTIC DAKAR ;
- du 2iE opérationnel et
Du CREATEAM au Mali. Au plan régional, on a
l’initiative régionale “Promotion d’un Marché Durable pour les Systèmes Photovoltaïques PV (ProSPER)
http://www.ecreee.org/page/ecowas-renewable-energy- entrepreneurship-support-facility ”. Selon une étude menée
par le CEREEC, en octobre 2018 dans l’espace UEMOA, le Bénin et le Sénégal présentent le niveau d’entreprenariat le
plus élevé dans le secteur des énergies renouvelables. Ce duo de tête est suivi de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du
Togo, du Mali et de la Guinée Bissau : Source : CEREEC, octobre 2018.
26
Béatrice Weiss-Gout et Élodie Mulon, Les start-up du droit menacent-elles le Barreau de famille ? Gazette du Palais,
2016, n°37, p.3.
27
L'Université virtuelle du Sénégal (UVS) a créé en janvier 2019 une licence « Legaltech » visant à fournir aux étudiants
les compétences nécessaires pour pallier l'ineffectivité de la règle de droit par l'élaboration de solutions
technologiques. Il est enseigné par exemple les modes alternatifs de règlement des litiges basés sur les Technologies
de l'Information et de la Communication (TIC) afin de remédier à la difficulté d'accès au juge.
28
», v. J. Mestre, Sénégal : Une loi pour favoriser la création et la promotion des start-up, op.cit.
29
VivaTech, La France a besoin des start-up mais les start-up ont aussi besoin de la France », Revue Lamy Droit de
l’Immatériel, n°149, 1er juin 2018.
30
« La France a besoin de faire émerger des start-up chez elle et que ses champions partent à l’international. Ce qui est
en train de se passer avec les grandes transformations apportées par le numérique, c’est la redéfinition même de notre
société, de notre économie, de notre modèle politique, productif, culturel... Dans un tel contexte, on ne peut pas juste
subir face aux grands acteurs économiques qui viennent de l’étranger alors que notre pays a toutes les conditions pour
faire émerger en son sein ceux qui vont transformer le monde de demain. La France a besoin des start-up car ces start-
up ces entreprises du numérique à très forte croissance, celles qui vont créer les emplois et l’innovation de demain, ce
sont elles qui vont transformer notre société et notre économie. On a envie et on a besoin qu’elles soient françaises,
européennes. Les start-up ont aussi besoin de la France. Elles ont besoin de l’État pour simplifier leur vie, pour être fières
d’elles et pour les accompagner à l’international… », Mounir Mahjoubi, VivaTech… op. cit.

5
Le cloisonnement du droit OHADA aux questions juridiques et comptables constitue un frein à
l’appréhension de l’activité des start-up. A cette fragilité, s’ajoutent les réticences témoignées aux
Legaltech.

6
2- Le caractère controversé des legaltech
De l’anglais « Legal technology », la legaltech désigne les entreprises exploitant les nouvelles
technologies pour fournir des services juridiques31. Jonction entre intelligence artificielle et
expertise juridique, elles permettent une accessibilité renforcée et simplifiée au droit tant pour
les professionnels que pour les justiciables.
C’est dans les années 2000 qu’elles ont fait leur apparition aux États-Unis. La cherté de l’offre
juridique, l’indisponibilité des décisions de justice et de la doctrine ont contribué à les étendre en
Afrique où elles proposent des services tel que : la rédaction d’actes juridiques, de formulaires, de
modèles de contrats, de fourchettes d'indemnisation ainsi que des conseils en ligne automatisés
à bas prix32. Allant plus loin encore, la start-up africaine « Creative Contracts » propose, pour
contrer le faible taux d’alphabétisme des populations, des contrats courants en bandes dessinées
décrivant les devoirs et responsabilités des parties concernées.
En dépit des tentatives des barreaux de les faire sanctionner,33 ces services numériques du droit
ont connu une croissance exponentielle ces cinq dernières années34. Et pour cause, si certains
concurrencent directement les avocats, d’autres comme les plateformes « He ! Lawyer » au Bénin,
et « Avocats.cd » en République démocratique du Congo, font au contraire le lien entre
justiciables et avocats35. D’autres, plus encore, fournissent un accès à la doctrine et aux décisions
de justice, concurrençant directement les maisons d’éditions 36.
Dernière-née des legaltech, la justice prédictive désigne des instruments d'analyse de la
jurisprudence et des écritures des parties permettant de prédire les décisions à venir dans des
litiges similaires à ceux analysés37. Encore appelée justice quantitative ou prévisionnelle, elle
permet, par le biais d’une analyse de données ou big data judiciaire, de proposer des solutions

31
F. G'sell, P. Aïdan, Le marché français des services juridiques en 2020, et T. Wickers, Quelques leçons à tirer de l'essor
de la legaltech, Revue pratique de la prospective et de l'innovation (RPPI), n° 1, oct. 2016 ; Legaltech, GLOSSAIRE Dalloz,
Les cahiers de la justice 2019. 291
32
C’est le cas des plateformes de Novatis Consulting au Cameroun, de Faso Legal au Burkina Faso, de Lex4 au Togo et
de Legafrik en Côte d’Ivoire ; v. sur la quest. Denis Salas, Dossier : Les défis de la justice numérique, Data, écrans,
prévisions, Les cahiers de la justice 2019 p.201.
33
Afin d’éviter l’aléa judiciaire, le Conseil National des barreaux a, dans un différend qui l’opposait à la
plateforme « mon-avocat.fr » a préféré négocier pour obtenir de ce dernier qu’il renonce à l’usage du nom « mon-
avocat » et devienne « Justifit », Newsletter Exercice du droit n°3, https://www.cnb.avocat.fr/fr/newsletter-exercice-
du-droit ndeg3?fbclid=IwAR0SXC7eNRLxq7mVM-yOIQ8gDCdP1LMHnIfa9ooWVFkTYkbphEWTtMyuPE8.
34
S. Chassagnard-Pinet, Les usages des algorithmes en droit : prédire ou dire le droit ? Dalloz IP/IT 2017. 495
35
Béatrice Weiss-Gout et Élodie Mulon, Les start-up du droit menacent-elles le Barreau de famille ?, op. cit p. 39.
36
V. Sur la quest. Antoine Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, Dalloz actualité 20 février 2019 : « on ne
peut pas non plus mettre sur un même plan la valeur du travail quantitatif d'une legaltech qui met en ligne un stock de
décisions judiciaires et celle qualitative d'un éditeur juridique qui sélectionne les décisions les plus importantes afin de
permettre à ses lecteurs d'en prendre connaissance… ».
37
Une application permet ainsi de prévoir les décisions de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH). Nikolaos
Aletras, Dimitrios Tsarapatsanis, "Predicting judicial decisions of the European Court of Human Rights : a Natural
Language Processing perspectivev, PeerJ Computerscience, 24 oct. 2016 ; Bruno Dondero, Justice prédictive : la fin de
l'aléa judiciaire ? Recueil Dalloz 2017 p.532 ; v. égal. Jean Lassègue , L'Intelligence artificielle, technologie de la vision
numérique du monde, Les cahiers de la justice 2019 p.205 ; J. Dupré et J. Lévy Véhel, L'intelligence artificielle au service
de la valorisation du patrimoine jurisprudentiel, Dalloz IP/IT 2017. 500 ; A. Auger, La justice prévisionnelle : état des
lieux, Expertise des systèmes d'information, 1er mai 2018, n° 435, p. 184 s ; A. Garapon, Les enjeux de la justice
prédictive, JCP 2017. 47.

7
probables à un problème juridique38, de prévoir la durée d’un procès, son coût, voire la décision
du juge. Elle peut également suggérer des stratégies contentieuses39.
Bien évidemment, des voix s’élèvent pour dénoncer cette mutation du droit. Tandis que certains
craignent qu’on aboutisse à des audiences par visioconférence40, d’autres mettent en garde sur
les conséquences que la justice prédictive pourrait avoir sur le terrain de la responsabilité civile
professionnelle 41.
Bien qu’elle soit légitime, cette méfiance est à notre sens excessive. La justice prédictive comporte
des risques certes : c’est le cas par exemple lorsqu’on permet, comme cela se fait déjà aux États-
Unis, à des legaltech de profiler des juges en vue de prévoir leur décision42. Mais, ces dérives ne
doivent pas faire oublier les atouts du mécanisme. Aux États-Unis et au Royaume-Uni,
l’« eDiscovery » permet ainsi de préparer un procès. A Vancouver en Colombie Britannique, dans
le cadre de petits litiges, les justiciables peuvent utiliser la plateforme « Solution Explorer » pour
obtenir règlement de leur litige. 43
Déjà en 1963, l’avocat américain Reed C. Lawlor, prédisait le caractère incontournable que
prendrait l’intelligence artificielle dans le droit : « There is no way that the law can avoid the
scrutiny of science. If the lawyers and judges do not participate in this work, it will all be done by
others »44. Récemment, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a réduit des honoraires d'avocats
considérant qu'ils auraient pu réduire le temps passé aux recherches juridiques s'ils avaient utilisé
un moteur de recherche équipé d'intelligence artificielle45. En France, la visioconférence est

38
On peut citer, par ordre alphabétique : Case Law Analytics (https://www.caselawanalytics.com), Doctrine
(https://www.doctrine.fr), Legalmetrics (https://www.legalmetrics.fr), JurisData
Analitics (https://www.lexisnexis.fr/produits/Lexis-360-Avocats/Lexis360-JurisData-
Analytics), Juri'predis (https://www.juripredis.com/fr), Jurisprudence chiffrée
(https://boutique.efl.fr/documentation/par-gamme/jurisprudence-chiffree.html) ; v. égal. Bernard Lamon, La
profession d'avocat et la justice prédictive : un bel outil pour le développement du droit, Recueil Dalloz 2017 p.808.
39
Dir. Loic Cadiet, L'open data des décisions de justice, Mission d'étude et de préfiguration sur l'ouverture au public
des décisions de justice présidée par Loic Cadiet, La Documentation française, 2018.
40
A. A. Hyde, Avocat et intelligence artificielle : quelles obligations, quelles responsabilités ? D. 2019. 2107 ; R. Amaro,
L’ « ubérisation » des professions du droit face à l'essor de la legaltech, Dalloz IP/IT 2017. 16.
41
« C'est sur le terrain de la bonne connaissance du droit positif que se joue la responsabilité civile d'un professionnel
du droit et non sur sa capacité à prédire l'avenir grâce aux algorithmes », Antoine Bolze, Accès aux décisions judiciaires
et legaltech, op. cit.
42
D. Reiling, Quelle place pour l'intelligence artificielle dans le processus de décision d'un juge ?, Les cahiers de la justice
2019 p.221 ; A. Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech, Dalloz actualité 20 février 2019 : « il y a le mensonge
sociologique des legaltech qui consiste à ne pas prendre en considération les nombreux facteurs extérieurs à
l'application stricte de la règle de droit par le juge et qui participent de manière insaisissable au processus qui le conduit
jusqu'à la rédaction de son jugement ». En effet, le premier danger de la justice prédictive tient à l'incertitude de son
fonctionnement42, la rédaction trop différente des décisions de justice. Est également à prendre en considération, le
caractère nécessairement complexe des problèmes que le juge est appelé à trancher ; A. Garapon, Les enjeux de la
justice prédictive, Rev. Prat. de la prospective et de l'innovation n° 1, oct. 2016, Dossier 4 : « pour les big data, le droit
et la jurisprudence sont des faits au même titre que les caractéristiques du dossier ou le tempérament d'un juge ».
43
D. Reiling, Quelle place pour l'intelligence artificielle dans le processus de décision d'un juge ? Op. cit. p.221.
44
R. C. Lawlor, What computers can do : analysis and prediction of judicial decisions, American Bar Association Journal,
1963, 49, p. 337.
45
À l'origine de cette décision, l’action en responsabilité intentée par une femme qui s'était blessée en glissant sur le
sol humide d'une taverne de Port Dalhousie, une commune riveraine du lac Ontario. La victime a assigné la propriétaire
de la taverne de même que la propriétaire des locaux loués pour l'exploitation de la taverne. La propriétaire de la
taverne ayant été défaillante à la procédure, l'action s'est poursuivie uniquement à l'encontre de la propriétaire des
murs. Par décision du 21 septembre 2018, les juges ont mis hors de cause la propriétaire des murs. Cette dernière
sollicite alors le remboursement des frais de procédure ainsi que des honoraires d'avocat de 24 300,67 $ qu’elle a dû
investir pour sa défense. Pour rejeter cette demande, la Cour supérieure de justice de l'Ontario par décision du 22
novembre 2018, observe que le recours aux outils d’intelligence artificielle aurait permis aux avocats de réduire leur
temps de travail, faisant ainsi écho à la victime qui soulignait le caractère exorbitant des honoraires dont

8
imposée au demandeur d'asile résidant en province par la loi du 1er août 201846. Selon le rapport
publié en 2019 sous l'égide la Mission Droit et Justice, les magistrats sont plutôt ouverts à
l’utilisation des modes algorithmiques d'analyse des décisions (MAAD)47.
Le marché de la legaltech est en pleine floraison48 en France, depuis la loi pour une République
numérique du 7 octobre 2016 ouvrant l’accès aux décisions de justice49. Selon l'Observatoire de
la legaltech et des start-up du droit, 150 structures environ étaient recensées en avril 2019 en
France. Si 63% d’entre elles ont pour cible les avocats, le chiffre d'affaires que représente l’activité
des professionnels de l'assurance ou les directions fiscales des entreprises dans le domaine de
l'optimisation fiscale est plus volumineux.
Pour réguler ce nouveau marché, la Commission européenne pour l'efficacité des systèmes de
justice a adopté une Charte éthique sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les systèmes
judiciaires et leur environnement50. En Afrique, c’est au sein des pays de tradition anglo-saxons
que la legaltech est davantage développée. Pourtant, les pays de l’espace OHADA dans lesquels
l’accès à la justice et aux décisions de justice reste encore problématique gagneraient à s’y
intéresser51.
L’envolée des legaltech est pour le législateur OHADA l’occasion de se doter d'instruments de
cyberjustice. La simplification qu’elle apporte aux métiers du droit en fait dorénavant un outil
incontournable. Outre la promotion des start-up OHADA, l’adaptation du droit OHADA aux défis
des legaltech permettrait de combattre par exemple le « typosquatting » qui est une pratique
douteuse visant à exploiter les fautes de frappe et d'orthographe dans la saisie de l'adresse d'un
site web52.

remboursement lui était demandé (Cass. v. 1410088 Ontario Inc., 2018 ONSC 5439
(http://www.ontariocourts.ca/search-canlii/scj/scj-fr.htm). V. Kristen Cass v. Ontario Inc., My Cottage BBQ & Brew (My
Cottage) and Port Dalhousie Vitalization Corporation (PDVC).
46
Le Conseil constitutionnel y apporte toutefois des limites dans sa décision relative à la protection des données
personnelles du 12 juin 2018 en indiquant qu’ : « Une personne a le droit de ne pas faire l'objet d'une décision fondée
exclusivement sur un traitement automatisé produisant des effets juridiques à son égard ou l'affectant de manière
significative ». De même, le Conseil exige également l'accord du prévenu quant à l'usage de la visioconférence « eu
égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé » (Conseil constitutionnel,
décision du 21 mars 2019, en ligne).
47
Dalloz actualité, 31 mai 2019, art. P. Januel.
48
Selon l'Observatoire de la legaltech et des start-up du droit, 150 structures environ étaient recensées en avril 2019
en France. Si 63% de ces entreprises de legaltech recensées ont pour cible les avocats (63 %), le chiffre d'affaires que
représentent les professionnels de l'assurance ou les directions fiscales des entreprises dans le domaine de
l'optimisation fiscale, semblent plus volumineux.
49
Dans deux décisions récentes, les Cours d’appel de Douai et de Paris ont condamné les greffes de tribunaux qui
avaient refusé de jouer le jeu de la communication de décision de justice à la plateforme « doctrine » alors même que
les défendeurs invoquaient des motifs solides pour justifier leur refus de coopération, Paris, pôle 2, ch. 1, 18 déc. 2018,
n° 17/22211 et Douai, 21 janv. 2019, n° 18/06657, Note, Antoine Bolze, Accès aux décisions judiciaires et legaltech,
Dalloz actualité 20 février 2019.
50
D. Piana, La justice numérique : un panorama européen, Les cahiers de la justice 2019 p.257.
51
D'autres freins culturels ont contribué à ce retard. L'économie informelle, la corruption et le format papier sont des
pratiques dans de nombreuses institutions qui empêchent une bonne interopérabilité entre acteurs. Joséphine Guérin
et Mathilde Régent, Les nouvelles, Droit - Actualité du droit, 21 nov. 2019, technologies du droit : une aubaine pour le
système judiciaire de la zone UEMOA ?
52
Des personnes achètent un nom de domaine proche d'un site très connu, en vue de rediriger les internautes
effectuant une faute de frappe ou d'orthographe dans la saisie de l'adresse web vers le site pirate. V. B. Deffains et S.
Baller, Intelligence artificielle et devenir de la profession d'avocat, op. cit., p. 1 s ; J. Guérin et M. Régent, Les nouvelles,
technologies du droit : une aubaine pour le système judiciaire de la zone UEMOA ? Droit - Actualité du droit, 21 nov.
2019.

9
B- L’absence de statut juridique propre à la start-up
La start-up ne bénéficie en droit OHADA d’aucun régime particulier permettant de la distinguer
comme çà aurait pu clairement être le cas d’une société par actions. C’est en se fondant sur des
critères objectifs que les fondateurs choisissent la forme sociale de la structure (A). En pratique,
c’est souvent vers la SARL que se tourne le choix des entrepreneurs OHADA alors même qu’à
défaut de régime spécial, la SAS est la mieux indiquée pour l’activité d’une start-up (B).

1- Le recours à des critères objectifs dans le choix de la structure


d’exercice de la start-up
La constitution d’une structure juridique appropriée à l’activité de la start-up peut s’avérer
problématique pour les fondateurs. L’absence de statut juridique propre à la start-up confère à la
volonté des fondateurs un rôle essentiel dans la création et le fonctionnement de la structure.
Comme pour toute activité économique, la création d’une start-up est en droit OHADA soumise
au principe de la liberté du commerce et de l’industrie53. Les fondateurs déterminent donc
librement la forme de leur entreprise. Ils peuvent opter pour l’un des statuts juridiques existant
en droit OHADA, à condition de remplir les exigences propres à ces statuts telles que la capacité,
les incompatibilités et interdictions d’exercer une activité commerciale54. Par exemple, les
fondateurs d’une start-up empruntant la forme de société en nom collectif doivent tous détenir
la qualité de commerçant.
L’indifférence de la taille, de l’âge, du secteur d’activité́ et de la forme de la société́ dans la
caractérisation de la start-up, offre aux fondateurs le choix sur une large gamme de statuts
juridiques consacrés par le droit OHADA55. Si en pratique, les fondateurs privilégient les sociétés
pluripersonnelles, rien n’exclut que la start-up emprunte une forme plus exotique.
Dans un litige qui lui avait été soumis, la chambre commerciale de la Cour d’appel de Paris n’a pas
hésité à qualifier d’« opération contractuelle complexe », le protocole rédigé par les parties en vue
de créer une start-up 56. De cet arrêt, il résulte que la start-up est avant toute chose un contrat
d’affaires susceptible de prendre ou non la forme d’une société commerciale. Néanmoins, en
pratique, le choix de la forme sociale se fait en prenant en considération la protection fournie aux
fondateurs et le degré de flexibilité de la structure pressentie.
Pour Éric Ries, auteur du best-seller « The Lean Start-up » : une start-up est « une institution
humaine conçue pour créer un nouveau produit ou service dans des conditions d’incertitude
extrême »57. Le risque dans ce type de structure est plus accru qu’ailleurs. De fait, la forme de

53
Ce principe n’est pas toutefois pas absolu. Certains États comme la Cote d’Ivoire, subordonne l’exercice de la
profession à la détention d’une carte de commerçant (article 1er du décret N° 97-175 du 19 mars 1997 portant
institution de la carte de commerçant. M. Pedamon, La liberté d'entreprendre et l'intervention des autorités publiques,
dans les autorités publiques et l'entreprise privée, in Rev.jurisp.com., n° spec, 1983, p. 13.
54
I. F. Kamnang Komguep, Le contentieux de l’immatriculation du commerçant au Registre du Commerce et du crédit
mobilier en droit OHADA ? RDUS 2016, n°46, p.139.
55
J. Ayangma Ayangma, Le dirigeant sociétal en droit OHADA, th., Université de Douala, 2010 ; P.-G. Pougoué, Y. Kalieu,
L’organisation des procédures collectives d’apurement du passif OHADA, PUA, 1999 ; K. Asogbavi, Les procédures
collectives d’apurement du passif dans l’espace OHADA, Penant, 2002, n°832, p.55.
56
V. J. Mestre et B. Fages, Start-up, start-down : de quelques protocoles préparatoires à la constitution de sociétés qui
ne virent jamais le jour, et de leurs effets juridiques, RTD Civ. 2001 p.127 ; v. égal. Paris, 5e ch. C, 5 mai 2000, RJDA 2000,
n° 955, p. 759.
57
E. Ries, The Lean Startup, op.cit.

10
société choisie doit protéger les fondateurs notamment contre le risque de dilution de parts du
capital social du fait de levées de fonds successives et régulières58.
La technique contractuelle permet aux fondateurs de faire face aux défis de la start-up. La clause
anti-dilution permettra par exemple de mettre en place des mécanismes anti-dilution simplement
et efficacement, à condition bien entendu qu’on se situe dans une structure sociale flexible59.
Le besoin de flexibilité est de ce point de vue, le second critère devant entrer en ligne de compte
dans le choix de la structure sociale. En effet, la start-up est une phase de recherche et de
développement qui varie en moyenne entre six mois et deux ans. A l’issue de cette période, soit
la start-up devient une entreprise traditionnelle avec un modèle économique établi, soit elle est
absorbée par une entreprise plus grande, soit enfin, elle disparaît.
La start-up possède indéniablement un caractère évolutif60. Le choix de la structure juridique doit
être en cohérence avec une logique de rapidité des affaires. Même si elles possèdent les plus forts
taux de croissance, 90% des start-up échouent en moins de 2 ans61. Pour éviter d’en arriver là, la
structure choisie doit permettre de sacrifier l’actionnaire plutôt que la société. Elle doit faciliter
les mouvements des titres, l’entrée et la sortie des investisseurs pour une bonne croissance
sociale.
L’implication de plusieurs associés est également un critère fondamental dans la start-up. Dès sa
création, la start-up fait appel non seulement aux membres fondateurs mais aussi aux
investisseurs. En pratique, le financement direct par prise de participation au sein du capital
auquel ont souvent recours les investisseurs est assorti d’un plan de sortie à̀ court ou moyen
terme. Or, seules les sociétés de capitaux offrent cette malléabilité des statuts.
Dans la start-up, les investisseurs sont en outre, sensible à l’existence d’organes de gestion et de
contrôle, ainsi qu’à la création de différentes catégories de titres en tenant compte de la diversité
des profils des associés. Le régime fiscal de la société, le choix du dirigeant et son mode de
rémunération sont par ailleurs, d’autres critères importants dans la start-up. En France, les SARL,
SAS et SA peuvent pendant 5 exercices, opter pour le régime des sociétés de personnes au lieu de
l’impôt sur les sociétés.
En pratique, les valeurs mobilières constituent pour les start-up une occasion d'obtenir un
financement à long terme par l'augmentation de leurs fonds propres. La blockchain permet
dorénavant d’enregistrer et échanger ces titres financiers et d’augmenter les liquidités de la start-
up62. De même, au sein du droit OHADA, la simplification récente des règles de création des
sociales commerciales devrait avoir un impact positif sur la création des start-up63. La SAS reste
toutefois la forme sociale la mieux indiquée dans la création d’une start-up.

58
A. Akam Akam, La responsabilité civile des dirigeants sociaux en droit OHADA, Revue internationale de droit
économique, 2007/2, T. XXI, 2, p. 211-243.
59
Sylvie Ngamaleu Djuiko, Les prérogatives non pécuniaires de l’associé dans le droit OHADA, Bulletin de droit
économique 2017/1 université de Laval, p. 1-9
60
Les investisseurs sont attirés par la perspective de forte croissance de la start-up. Ils espèrent qu’à terme, elle
devienne un géant mondial comme Jumia, Uber ou encore AirBnB, ou qu’elle sera rachetée par un géant mondial
comme a pu le faire Google avec la start-up Nest Labs.
61
E. Ries, The Lean Startup, op. cit.
62
La « tokenisation » des titres de participation au capital des sociétés. Est une représentation sur une blockchain des
actions sous la forme de « token » c'est-à-dire un actif numérique. Émis sous la forme d'un code informatique, ce
dernier est transférable sans duplication entre deux parties à une transaction sur Internet et ne nécessite ni accord ni
intervention d'un tiers.
63
A titre d’exemple, En Côte d’Ivoire, l’Ordonnance n°2015-770 du 09 décembre 2015, envisage désormais la
possibilité de modifier les statuts d’une SNC, SCS et d’une SARL par acte sous seing privé. De même, le capital minimal
de la SARL est librement librement fixé par les associés dans les statuts, et est divisé en part égale dont la valeur

11
2- La SAS comme structure sociale appropriée à une start-up
Le choix de la forme juridique de la start-up nécessite une approche moins traditionnelle de
l’entreprise. Une forme juridique trop contraignante peut constituer un handicap à son
développement. Théoriquement, la Société par Action Simplifiée (SAS), la Société à Responsabilité
Limitée (SARL) et la Société Anonyme (SA) parce qu’ils ont en commun de faciliter la réunion de
plusieurs associés ou actionnaires et de limiter la responsabilité des associés ou actionnaires au
montant des apports effectués, sont des choix potentiels pour la création d’une start-up.
En pratique, c’est néanmoins vers la SARL que se tournent le plus les créateurs d’entreprise en
droit OHADA. L’absence de minimum social pour la constitution de la SARL dans plusieurs pays, le
mode de gestion simplifié et la possibilité de créer une SARL unipersonnelle sont les premiers
motifs de ce choix64.
Mais la vraie raison du succès de la SARL est la simplification de son mode de création. Au Bénin
par exemple, la création d’une telle société peut se faire directement sur internet grâce au guichet
unique mis en place par l’APIEX65. De même, il est mis à la disposition des fondateurs de société,
des statuts types à remplir de manière intuitive et de se faire immatriculer pour la modique
somme de 10 000 FCFA, soit 15 euros. A l’inverse, la création d’une SAS est conditionnée au
recours à un notaire, ce qui crée à la charge des fondateurs, des frais supplémentaires. Cette
mauvaise politique législative a pour conséquence de dissuader les start-up qui pourtant avaient
toutes les raisons de préférer la SAS à la SARL.
Pourtant, certaines caractéristiques de la SARL la rendent inappropriée à l’activité de la start-up.
C’est le cas du peu de prérogatives reconnues aux fondateurs et de la rigidité des statuts. En effet,
contrairement aux SAS et à la SA, il est impossible de prévoir des catégories de titres en tenant
compte du profil des associés dans une SARL.
De même, si la dualité dans ces organes de gestion n’est pas une exigence de la SARL, elle doit en
revanche être gérée par une ou des personnes physiques. Les prises de décisions en assemblée y
sont également strictement encadrées. L’absence d’émission de valeurs mobilières, le nécessaire
agrément des nouveaux associés sont autant de handicaps de la SARL66.
A l’opposé, la SAS offre aux fondateurs de start-up l’avantage d’une grande souplesse67. Aucun
capital social minimum n’est requis pour sa création ; les associés peuvent y effectuer tant des

nominale ne peut être inférieure à cinq mille francs CFA au Burkina Faso. K. I. Agbam, Quel encadrement juridique pour
les PME/ PMI dans l’espace OHADA ? 3/3, Wolters Kluwer, actualités du droit Afrique-OHADA, octobre 2019.
64
En Côte d’Ivoire, l’Ordonnance N° 2014-161 du 02 avril 2014 relative à la forme des statuts et au capital social de la
SARL non seulement indique que les statuts de la SARL « sont établis par acte notarié, par tout acte offrant des
garanties d'authenticité ou par acte sous seing privé », mais en plus laisse aux associés la liberté de fixer le montant du
capital social (art.5) ; P. C. Motto, La gouvernance des sociétés commerciales en droit de l’OHADA, Thèse Université
Paris Est, 2015, p. 28.
Au Cameroun, le montant du capital social d’une SARL unipersonnelle est librement déterminé par les parties. Il doit
être inclus entre 100 mille FCFA et 999999 FCFA pour les Sarl Pluripersonnelles. La loi n° 2010/020 du 21 décembre
2010 portant organisation du crédit-bail au Cameroun. Le législateur burkinabè offre le choix entre l'acte notarié et
l'acte sous seing privé pour l'établissement ou la modification des statuts des SARL (article 2), fixe à 100 000 F CFA
(cent mille francs) le capital social minimum pour cette forme de société (article 3) et rend facultative l'intervention du
notaire établir la déclaration de souscription et de versement (articles 5 et 6).
65
Agence de promotion des investissements et des exportations.
66
Impossible de créer d’autres organes de gestion ou de prévoir des organes de contrôle. V. Sur la quest. P. C. Motto,
La gouvernance des sociétés commerciales en droit de l’OHADA, Thèse Université Paris Est, 2015, p. 28
67
V. AUSC et GIE art. 39 et s., et AUDCG art. 44 s. pour le statut de la SAS .

12
apports en numéraire, en industrie qu’en nature ; ils peuvent être des personnes morales ou des
personnes physiques ; ils ne sont responsables qu’à hauteur de leurs apports.
La SAS offre également la possibilité d’aménager contractuellement la relation des associés entre
eux et avec leurs investisseurs. C’est un atout majeur dans une start-up. Il permet notamment de
constituer le capital social de la SAS, de différentes catégories d’actions, auxquelles les associés
attribuent des droits différents : actions de préférence avec droit aux dividendes supérieurs, droit
de vote multiple, ou encore actions sans droit de vote. Dans une SAS, les statuts peuvent librement
déterminer le quorum de vote en assemblée. L’entrée et sortie de nouveaux associés y sont par
ailleurs simplifiées68.
La gestion de la société par action simplifiée a toutefois quelques contraintes : la société doit être
dotée d’un président, seul ayant le pouvoir d’agir au nom de celle-ci. Pour le reste, les associés
sont libres d’instaurer ou non d’autres organes de gestion et de contrôle. Ils ne sont tenus de
nommer un commissaire aux comptes que si une personne morale contrôle la start-up.
A titre comparatif, la société anonyme est celle qui structurellement se rapproche le plus de la
SAS. Néanmoins, certaines de ces caractéristiques l’écartent du choix des fondateurs de start-up.
On pense notamment à l’exigence de capital minimum et d’un nombre minimum d’actionnaire ;
à la dualité de ces organes de gestion, à l’obligation d’avoir un commissaire aux comptes et à la
complexité du processus d’augmentation de capital. En pratique, cette forme sociale est souvent
réservée aux gros projets69. Ce qui n’est pas souvent le cas des start-up.
En effet, structures à petit budget, les start-up offrent peu de garanties financières au moment de
leur création. Pour cette raison, elles ont du mal à trouver des investisseurs les premiers mois.
Contrairement de la SA, la SAS n’est pas figée. Sa flexibilité la rend adaptée, aussi bien aux grosses
entreprises, aux structures à petit budget qu’à celles qui ont des ambitions d’extension comme
c’est le cas de la start-up. En France, la plupart des start-up sont des SAS.
En dépit des atouts qu’elle représente pour la start-up, la SAS reste une forme sociale encore
méconnue des opérateurs économiques OHADA. Il appartient aux États, de corriger cela en
mettant en place une meilleure politique de sensibilisation et en simplifiant les règles de création
de la SAS70.

II- L’offre d’un droit matériel plus complet


Particulièrement vulnérable les premières années de sa constitution, la start-up a besoin non
seulement de financement, mais aussi d’un cadre juridique approprié. Le fait qu’elle doive en droit
OHADA, emprunter des règles de différents statuts souvent inadaptées, la fragilise. L’élaboration
d’un cadre juridique (A) intégrant les besoins financiers de la start-up est aujourd’hui un enjeu
fondamental dans la sécurité et l’attractivité du mécanisme (B).

68
C. Dubuc, Comment créer une start-up dans la législation OHADA ?, Actualité du droit, éd. Wolters Kluwer, sept 2017
https://www.actualitesdudroit.fr/browse/afrique/ohada/8640/comment-creer-une-start-up-dans-la-legislation-
ohada
69
A titre d’exemple, pour conduire la réalisation d’un protocole d’accord relatif au projet de lancement d'un catalogue
de vente par correspondance destiné aux Japonais, développé par une particulier et soumis à une société pour
financement les parties, par le biais d’un protocole d’accord, avaient fait l’option de créer différentes sociétés, dont
une holding au capital social initial estimé à 15 ou 35 millions de francs, Paris, 25e ch. B, 1er déc. 2000, Jean-Louis
Passama c/ IBS France International Business Systems France, inédit.
70
http://www.burkinapmepmi.com/spip.php?article27956 - Comment créer une start-up dans la législation OHADA ?,
État des lieux des start-ups UEMOA, p. 11.

13
A- La création d’un environnement juridique attractif pour les start- up OHADA
S’il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à la création d’un statut juridique propre à la start-up,
l’élaboration d’un cadre juridique attractif demeure une priorité (1). Ce dernier doit rompre avec
le traditionnel cloisonnement du droit OHADA aux aspects juridique et comptable, tenir compte
des nécessités fiscales (2) et des règles des enjeux de propriété intellectuelle (3).

1- Un cadre juridique propre à la start-up


Les critiques formulées contre l’absence de cadre juridique de la start-up soulèvent une question
fondamentale : faut-il pour y remédier, créer un statut juridique qui lui soit propre ? Le statut
juridique désigne la forme juridique qu’empruntera la start-up et les conséquences juridiques y
attachées. Le statut d’entreprenant par exemple, fixe les conditions d’acquisition et de perte de
la qualité d’entreprenant de même que les droits et obligations y relatifs71.
L’existence même d’un statut est quelque chose de contraignant. Il suppose d’enfermer la start-
up dans des règles de constitution, de fonctionnement et de suppression bien précises, la privant
de cette souplesse qui la caractérise. Il limite par ailleurs, les options et rend impossible la
constitution d’une start-up sous l’une des formes déjà existantes dans la mesure où la société
commerciale est elle-même un statut juridique dont il faudra, dans cette hypothèse, distinguer le
nouveau statut de la start-up.
Dans les autres systèmes juridiques, le législateur a plutôt fait le choix d’un cadre juridique. En
France, il est proposé un ensemble de textes permettant de simplifier et de promouvoir la création
de start-up. Dans les pays membres de l’OHADA c’est à la notion de Petite et Moyenne Entreprise
(PME) que la start-up est souvent associée72.
La caractérisation de la PME ne se fait pas sans difficulté. Alors que des pays comme la Cote
d’Ivoire, et la République Démocratique du Congo (RDC) reconnaissent le statut de PME aussi bien
aux personnes physiques qu’aux personnes morales remplissant les conditions requises par la
loi73, le Cameroun et la Centrafrique restreignent la PME aux personnes morales74. Cette
restriction sera nécessaire pour la start-up dans la mesure où comme démontré précédemment,
la notion se prête difficilement aux personnes physiques.
Les modalités de création et de fonctionnement de l’entreprise sont également une question
importante pour les start-up. Sur ce point, les législateurs gabonais et centrafricains soumettent
les PME à des conditions trop rigides pour être transposables à la start-up75. Il est ainsi exigé que

71
V. M. Gonomy, Le statut de l’entreprenant dans l’AU.DCG. Révisé : entre le passé et l’avenir, Revue semestrielle
d’Études, de Législation, de Jurisprudence et de Pratique Professionnelle en Droit des affaires & en Droit
Communautaire, N° 4 – Sept. 2014.
72
Soulignons que la PME n’est pas un statut juridique au sens propre.
73
La loi de 2017 définit la PME comme étant « toute personne physique ou morale, productrice de biens et/ou de
services marchands, immatriculée ou ayant fait sa déclaration d’activités au registre de commerce et du crédit mobilier
ou tout autre registre, lui conférant la personnalité juridique totalement autonome, dont l’effectif du personnel est
inférieur à cent employés permanents et le chiffre d’affaires annuel hors taxe inférieur à un milliard (1 000 000 000) de
francs CFA et qui tient une comptabilité régulière. La notion de PME inclut celle de la Petite et moyenne industrie
(PMI) ».
74
Au Cameroun, l’article 3 de loi du 16 juillet 2015 définit la PME comme « toute entreprise quel que soit son secteur
d’activité, qui emploie au plus 100 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes n’excède pas 3 milliards de
FCFA ».
75
En Centrafrique, voir le Code des PME/ PMI de 2017 et prévoit que la PME doit avoir un effectif permanent d’au
moins égal à 50 % des centrafricains. Le ou les propriétaires doivent être de nationalité centrafricaine ou des
entreprises dans lesquelles ceux-ci détiennent au moins 51 % du capital et assurent la direction effective. Au Gabon,

14
le siège de l’entreprise soit installé sur le territoire national ; que son capital soit détenu par des
nationaux, ou à 51% au moins par des nationaux ou par une société immatriculée dans le pays, et
qui en assurent la direction effective ; et que le niveau de l’effectif permanent soit au moins égal
à 50 % de nationaux76. Tout en ayant l’avantage de réduire le risque d’incertitude, lier la start-up
à des critères de nationalité est contraires à l’esprit du mécanisme dont l’un des objectifs est de
drainer des capitaux, y compris, d’investisseurs étrangers. Le législateur sénégalais rompt à juste
titre avec ce cloisonnement en indiquant que la loi du 06 janvier 2020 s’applique à toute start-
up créée sur le territoire sénégalais dont le capital est détenu au moins au tiers (1/3) par des
personnes physiques de nationalité sénégalaise ou résidentes au Sénégal ou par des personnes
morales ayant leur siège social au Sénégal, ainsi qu’à toute start-up créée par des Sénégalais
établis à l’étranger dont le capital est détenu au moins à 50 % par ces derniers (art. 2). Il va même
bien plus loi en ajoutant, sur le terrain du droit transitoire, que la loi du 6 janvier 2020 s’applique
à toute entreprise déjà constituée sur le territoire national et ayant vocation à bénéficier du statut
de start-up (art. 18).
La taille, le chiffre d’affaires et le montant des investissements sont également des éléments
déterminant pour la PME, mais pas pour la start-up. Au Cameroun par exemple, une PME est
entreprise de moins 100 personnes avec un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas trois milliards
(3. 000.000.000) de francs CFA77. En Centrafrique, le montant des investissements dans une PME
ou une PMI ne doit pas être de plus de cent millions de francs (100.000.000 F) CFA78. Appliquer
ces plafonds à la start-up est problématique. La start-up, faut-il le rappeler, est une phase
transitoire de développement d’une entreprise. Fixer une limite financière à son chiffre d’affaires,
son employabilité et au montant des investissements revient à faire limiter les capacités
d’agrandissement de la structure.
C’est en tenant compte des objectifs de la start-up que le législateur pourra dégager la meilleure
politique législative. Le parallèle peut être fait avec l’article 30 alinéas 4 et 5 de l’AUDCG qui prévoit
que l’entreprenant conserve son statut tant que le chiffre d'affaires annuel généré par son activité
pendant deux exercices successifs n'excède pas les seuils fixés par l’Acte uniforme portant
organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises (AUHCE)79. L’objectif ici est avant
tout de créer un statut attractif pour les petites et micro-entreprises informelles80.
Pour la start-up, l’attractivité des investisseurs est au centre des ambitions des fondateurs. Plus,
il y aura d’investisseurs, mieux cela vaudra. Il est donc important que le législateur ne fixe pas de
seuil d’investissement ou de chiffre d’affaires. Il y a également lieu d’assouplir la responsabilité du
dirigeant pour ne pas décourager la créativité et effrayer les porteurs de projets81. Cet
assouplissement est également avantageux pour les investisseurs conscients de la nécessité de
prendre des risques pour parfois doubler les gains. Bien sûr, la balance doit pouvoir être faite avec

c’est la Loi n° 16 / 2005 portant promotion des PME-PMI et la Charte des PME citoyennes du Gabon de 2015
contiennent des dispositions analogues.
76
La Centrafrique prévoit 51% pour ce qui est de l’intéressement des nationaux au capital.
77
En RDC le nombre d’employés d’une PME ne peut excéder 200 et son chiffre d’affaires 400 000 $, contre
2.000.000.000 FCFA au Gabon. La loi gabonaise ne limite le nombre des effectifs.
78
En RDC, il est limité à 350 000 USD, et au Gabon, à 1.000.000.000 FCFA.
79
S. Bissaloué, L’entreprenant, un statut attractif pour les jeunes acteurs économiques, op. cit.
80
S. S. Kauté Tameghe, Entreprenant, in P-G Pougoué (dir), Encyclopédie du droit OHADA, Paris Lamy, 2011 ; P.G.
Pougoué et S.S. Kuaté Tameghe, L’entreprenant OHADA, 1ère éd., Presses universitaires d’Afrique, 2013, p.5 ; S.
Mancuso, Analyse Historique et comparée de l’entreprenant en droit OHADA ». in l’OHADA au service de l’économie et
de l’entreprise, éd. Juta 2013, p. 178.
81
W. J. Ngoué, La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux anonymes en droit OHADA, in L'effectivité
du droit OHADA, janvier 2008.

15
la protection de l’entreprise et ses créanciers, au cœur de la politique actuelle du législateur
OHADA82.
Le secteur d’activité est également un point de rupture entre start-up et PME. Au Gabon par
exemple, la PME ne peut avoir pour objet que la production de biens, la transformation, la
distribution ou la prestation de services. C’est trop restrictif pour une start-up dont l’esprit de
créativité et d’innovation est le principal atout ainsi qu’en prend d’ailleurs la mesure, l’arrêt de la
Cour de cassation française du 11 mai 2017 autorisant la comparaison et la notation d’avocats par
des sites internet83. En droit OHADA, l’attractivité fiscale reste aussi un élément important du
développement des start-up.

2- Une fiscalité favorable aux start-up OHADA


Une start-up, c’est non seulement un contexte juridique et économique réel, mais aussi un régime
douanier attractif, capable d’assurer une meilleure mobilité au sein de l’espace OHADA, ce dont
ne tient pas forcément compte la législation OHADA actuelle.
En effet, les start-up sont généralement établies dans des pépinières d’entreprises comme on en
retrouve beaucoup dans la Silicone Valley. En Afrique, le Lab Innovation Afrique de la Société
Générale et l’Africa start-up Initiative de Telecel Group mettent en place des programmes de
financement permettant à la start-up de devenir une filiale du groupe au moyen d’un financement
direct par prise de participation dans son capital. Or, la notion de groupe de société telle que
conçue par le droit comptable OHADA, n’intègre pas la consolidation du groupe. Les différentes
sociétés sont dès lors, obligées d’avoir une comptabilité dans chaque pays sans possibilité de
consolidation, ce qui constitue un manque à gagner pour ces incubateurs.
Le régime fiscal et douanier est également un élément d’attractivité des entreprises alors que le
législateur OHADA ne dispose pour l’heure d’aucune politique commune en cette matière. Pire,
l’existence au sein de l’OHADA, de deux espaces sous régionaux n’ayant aucun accord de
réciprocité rend inapplicable le principe de la libre circulation des personnes et des biens aux start-
up OHADA avec pour conséquence un risque de double taxation. Du Bénin au Togo, la rupture du
taux de TVA génère une imprévisibilité pour les entreprises dont l’activité se déploie au sein de
ces deux pays membres de l’Union Économiques et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). C’est
encore plus incertain pour une start-up qui exerce à la fois au Togo et au Gabon qui lui est membre
de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC). Cette absence
d’uniformisation réduit la mobilité des start-up au sein des différents États membres.

82
En droit OHADA, la responsabilité des dirigeants peut être individuelle ou solidaire. V. article 740-1 AUSC. V. égal. F.
M. Sawadogo, Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, 2002 ; F. Anoukaha, L’émergence d’un nouveau droit des
procédures collectives d’apurement du passif dans les États africains membres de l’OHADA, Afrique juridique et
politique, Revue du CERDIP, Libreville, 2002, vol. 1, n°1, p.62 et s. Ph. Tiger, Les procédures collectives après cessation
des paiements en droit harmonisé de l’OHADA, Petites affiches, oct. 2004, n° 205, p. 35.
83
Rendu au visa des articles 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 et L. 121-1 du Code de la consommation,
l’arrêt rappelle que l'interdiction d'intégrer des éléments comparatifs à l'occasion d'opération de publicité ou de
sollicitation personnalisées sont des obligations déontologiques ne s'appliquant qu'aux avocats et que la société
Jurisystem peut parfaitement offrir un service de notation et de comparaison des avocats à condition que cette activité
ne contrevienne pas à l'obligation « de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente » (Civ.
1re, 11 mai 2017, n° 16-13.669, Dalloz actualité, 15 mai 2017, obs. A. Portmann ; D. 2017. 2444, obs. Centre de droit de
la concurrence Yves Serra ; ibid. 2018. 87, obs. T. Wickers ; D. avocats 2017. 234, obs. A. Bolze ; Dalloz IP/IT 2017. 410,
obs. A. Lecourt ) ; v. égal. Versailles, 7 déc. 2018, n° 17/05324 , note C-S ; Pinat, Affaire Jurisystem : la décision lacunaire
de la Cour d'appel de renvoi, Dalloz actu. 20 déc. 2018 ; F. Chhum, Notation et comparaison des avocats par des sites
internet : un nouveau business pour les Legal start-up autorisé par la Cour de cassation, Village de la justice, 15 MAI
2017 HTTPS://WWW.VILLAGE-JUSTICE.COM/ARTICLES/NOTATION-COMPARAISON-DES-AVOCATS-PAR-DES-SITES-
INTERNET-NOUVEAU-BUSINESS-POUR,25007.HTML

16
A côté du risque de double taxation, le poids de la fiscalité est également une entrave à
l’écosystème des start-up. En France, bien de mesures fiscales incitatives visent à dynamiser les
start-up. C’est le cas du régime des jeunes entreprises innovantes (JEI) qui prévoit pour les
entreprises nouvelles investissant dans l’innovation, une exonération d’impôt au titre des deux
premiers exercices bénéficiaires. Il leur est également accordé pendant 7 ans, une exonération
partielle de charges sociales sur le personnel attaché à la Recherche et développement. Elles
bénéficient par ailleurs du crédit d’impôt recherche et innovation qui permet d’obtenir un crédit
d’impôt égal à 30% des dépenses de recherche et 20 % des dépenses d’innovation84.
Les investisseurs sont également incités à financer des start-up en contrepartie d’une fiscalité
allégée85. Le dispositif de « corporate venture » apparu récemment, permet ainsi à la société
d’amortir les sommes qu’elle investit dans des PME innovantes. De son côté, le « compte PME
innovation » incite l’entrepreneur à réinvestir le produit de la vente de son entreprise dans des
jeunes PME ou des entreprises innovantes.
La flat tax. Les détenteurs de titres de sociétés nouvellement créées, et remplissant certaines
conditions, peuvent aussi bénéficier d’un abattement de 27,49% sur l’impôt sur le revenu pendant
une durée de détention de 8 ans des titres86. Sachant que les plus grands succès de start-up
françaises ont eu besoin de plus de 8 ans pour arriver à maturité et qu’en Californie connue pour
être le paradis des entrepreneurs, la fiscalité sur l’action fondatrice est de 37%, on ne peut que
trouver cette mesure bienvenue.
En application de cette taxe, la start-up peut également déduire du revenu imposable de l'année
N+1, 6,8% de la CSG appliquée à la quote-part de plus-values effectivement taxée à l'impôt sur le
revenu, soit 6,8% x (1-85%) x Plus-values. Les holdings sont également en mesure de bénéficier
d’un taux d’impôt de 3,72%.
En droit OHADA, la simplification du système fiscal et comptable, et l’allègement du poids
douanier devraient permettre de rendre plus attractif l’écosystème des start-up87. Des mesures
incitatives de ce genre existent dans certains pays88 comme le Gabon où l’article 9 de la loi de 2005
prévoit une exonération pendant cinq ans de l’impôt sur les bénéfices et taxes de douanes sur les

84
Sous certaines conditions, ces crédits peuvent même être remboursés à l’entreprise, lui procurant un avantage
rapide et direct en trésorerie.
85
V. les réductions entre 18% et 50% d’impôt sur le revenu et d’ISF permettant au financeur d’être subventionné sur
une partie de son investissement ; le PEA permet d’exonérer (hors prélèvements sociaux) la totalité des plus-values de
cession de titres ainsi que les dividendes perçus dans la limite de 10 % par an de la valeur d’inscription des titres.
86
Pour cela, au moment de l’acquisition des titres par le fondateur, la société doit avoir moins de 10 ans ; être une
création ex-nihilo et non une restructuration ou reprise d’activité existante ; avoir moins de 250 salariés et un total de
bilan inférieur à 50M€ ou un chiffre d’affaires inférieur à 43M€. Il faut en plus pendant toute la vie de la société que
celle-ci n’accorde aucune garantie en capital aux actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ; qu’elle ait son
siège dans l’Union Européenne ; qu’elle exerce une vraie activité commerciale, JB Rudelle, Comment détenir ses
actions dans sa start-up en 2019, the Galion Project, https://thegalionproject.com/blog/story/1708/comment-detenir-
ses-actions-dans-sa-start-up-en-2019
87
« La première étape qu’on a faite pour faciliter la vie de ces start-up a été de simplifier le contexte réglementaire,
légal et fiscal. C’est pour ça qu’on a mis en place cette flat tax de 30 % sur la plus-value pour faciliter l’investissement
dans ces start-up. Les ordonnances travail vont aussi faciliter la capacité des start-up à recruter et à grandir ». M.
Mahjoubi, VivaTech : la France a besoin des start-up mais les start-up ont aussi besoin de la France, Revue Lamy Droit
de l’Immatériel, n°149, 1er juin 2018.
88
C’est le cas de La loi n°015-2017/AN du 27 avril 2017 portant loi d’orientation de promotion des PME et du décret
n°2017-1165/PRES/MCIA/MATD/MINEFIS du 30 novembre 2017 portant adoption de la Charte des PME au Burkina
Faso ; de la Charte des PME au Niger instituée par l’ordonnance du 16 décembre 2010 ; de la Charte nationale des PME
du 17 juillet 2019 en Guinée Conakry ; de Loi n° 16 / 2005 portant promotion des PME-PMI et de la Charte des PME
citoyennes du Gabon de 2015 ; En Côte d’ivoire, de la loi uniforme du 7 décembre 2017 relative au crédit-bail. Ce
dernier texte comporte des mesures de financements, des dispositions fiscales et douanières, et des mesures d’accès
des PME aux marchés publics régionaux et internationaux. Il assouplit également le crédit-bail et la sous-traitance.

17
intrants au profit des PME. Ces dernières bénéficient également d’une tarification préférentielle
sur les produits pétroliers, le transport de matériaux, les équipements et divers produits89.

3- Un régime de propriété intellectuelle moins fluctuant


La propriété intellectuelle est un facteur clé dans la création d’un écosystème start-up90.
L’innovation étant un critère fondamental pour ces dernières, au demeurant, le retard du
continent face aux enjeux du numérique est l’une des raisons du succès de leur succès sur le
continent. Ainsi, les start-up africaines ayant levé le plus de fonds de financement sont celles ayant
développées de la technologie financière (FinTech), juridique (legaltech) et médicale91. Suivent,
les start-up mettant au point des services liés à l’énergie92, la chimie alimentaire, les produits
pharmaceutiques et le traitement des données.
Tandis que l'extrême jeunesse de la population locale (60 % âgée de moins de 25 ans) et
l'expansion de la Tech africaine avec plus de 314 hubs et accélérateurs fin 2016, offrent un
tremplin à ces start-up, les règles de propriété intellectuelle et industrielle permettent de protéger
leurs inventions. Elles définissent un cadre juridique sûr pour l’innovation, la créativité et la
commercialisation des résultats. Après avoir franchi l’étape périlleuse de la transformation d’une
idée en produit commercialement viable, la propriété intellectuelle et industrielle est ce qui
permet à la start-up de se lancer avec succès à l’assaut du marché mondial, tout en préservant
l’avantage concurrentiel de son innovation.
Une politique attractive commune est tout aussi nécessaire en cette matière que dans les autres93.
A titre comparatif, en France avec la création de l’Office européenne pour la propriété
intellectuelle en 1994, le taux d’extension des brevets des personnes morales françaises au niveau
de l’Office européen des brevets et du PCT est de 61 %, avec un taux de 51,1% pour les PME94.
Anticipant sur ce fait, l’Organisation Africaine de la propriété Intellectuelle (OAPI) offre depuis
1977 un cadre harmonisé aux dix-sept États africains membres, permettant de protéger de
manière uniforme les droits de propriété intellectuelle95. Mais certains pays de l’OHADA n’en sont
pas adhérents. La Guinée Conakry et la RDC, par exemple, ont leur propre régime, avec pour
conséquence de priver les entreprises de la zone OHADA d’une protection communautaire.
Notons par ailleurs que l’offre de l’OAPI porte substantiellement sur la constitution et le
développement d’infrastructures de base, la création d’un cadre réglementaire, le renforcement
des capacités et la mise en valeur des ressources humaines.

89
V. égal. La Loi du 5 avril 2018 sur l’artisanat aux PME.
90
Francis Gurry, La propriété intellectuelle pour une Afrique émergente, in Conférence ministérielle africaine 2015 sur
la propriété intellectuelle pour une Afrique émergente, octobre 2015,
https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2015/si/article_0001.html
91
L’apparition des fintechs est récente. Elle désigne toutes les activités financières et bancaires rendues possibles et/
ou fournies par le biais des nouvelles technologies. Ils permettent d’offrir de nouveaux services ou de proposer de
nouvelles formes dans les prestations classiques avec pour objectif de réduire les coûts de l’accès aux services
financiers et bancaires.
92
N. Goldstein, La nouvelle ruée vers l’or pour les startups africaines est lancée, op. cit.
93
Regards sur la propriété intellectuelle en Afrique, Mélanges en l'honneur de l'action du Dr Paulin Edou Edou pour
l'OAPI, Lextenso l’essentiel Droits africains des affaires 2017, n°10, p. 8.
94
Créé par règlement (CE) n°40/94 du 20 décembre 1993, l’EUIPO, anciennement dénommé Office de l’harmonisation
dans le marché intérieur est constituée de 28 Etats membres.
95
Créée le 02 mars 1977 à la suite de la révision à Bangui de l’accord portant création de l’Office africain et malgache
de la propriété industrielle (OAMPI), l’OAPI compte : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République
centrafricaine, le Congo Brazaville, la Côte d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, le
Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo, les Comores.

18
Il n’est pas nécessaire, pour lever ces freins, de créer un espace OHADA de propriété intellectuelle.
L’adhésion des autres pays membres de l’OHADA à l’OAPI suffirait à réduire les disparités. C’est
également le lieu de redéfinir les attributions et les objectifs de l’OAPI et de sa règlementation.
Si l’apparition des start-up a révélé l’insuffisance de lois parfaitement équilibrées par le passé96,
certaines au contraire constituent un atout pour l’innovation. C’est le cas de la signature
électronique. Avec l’essor du numérique, la signature des documents est de plus en plus
électronique dans le monde des affaires. La start-up Yousign est l’une des premières à créer un
service de signature électronique via sa plateforme en ligne. Aujourd’hui utilisé en France par
l’ensemble des banques pour les paiements en ligne97. Solution sécurisée aux fraudes à la carte
bancaire en ligne, des licences d’exploitation de cette technologie sont aujourd’hui vendues à
travers le monde.
En avance sur la question de la cryptographie, le droit OHADA depuis 2010, reconnaît à l’article 82
et suivant de l’AUDCG, une valeur légale à la signature électronique au même titre que la signature
manuscrite98. Cette digitalisation a contribué à faciliter les démarches telles que la création de
sociétés, l'enregistrement des titres de propriété intellectuelle ou encore la transmission d'actifs
immatériels. Au Bénin, le paiement d’impôt est désormais dématérialisé.
La protection offerte par la législation sur la propriété intellectuelle aux inventions de l’intelligence
artificielle a révolutionné les pratiques99. En matière juridique, les legaltech permettent
dorénavant aux avocats de réduire leurs temps de recherche et d’avoir un meilleur accès à
l’actualité juridique100. Considérant cela, le juge canadien met depuis 2018, à la charge de l'avocat
une obligation de consulter ces sources juridique101. En France, l’avocat commet une faute en
méconnaissant une nouvelle jurisprudence de sa Cour de cassation102.
Paradoxalement, la création immatérielle reste encore très peu développée dans la zone OHADA.
Alors qu’en 2016, la France a enregistré 10248 dépôts de brevets avec une importante progression
pour les start-up103, les entreprises africaines de leur côté perçoivent le brevet comme une
contrainte dont elles dénoncent principalement la lourdeur de la procédure et le coût
administratif. Pour beaucoup, la propriété intellectuelle ne serait utile qu’aux grandes entreprises.

96
Tour des start-up : le gouvernement invite les start-up à dévoiler leurs problèmes en ligne, Revue Lamy Droit de
l'Immatériel, Nº 143, 1er décembre 2017 ; M. Mahjoubi , VivaTech op. cit.
97
L’identité du signataire est vérifiée par un code de sécurité envoyé par SMS. De même, un procédé de cryptographie
garantit dans le temps l’intégrité du document signé. YOUSIGN.COM, une start-up normande spécialiste de la signature
électronique, Droit et Patrimoine, Nº 277, 1er février 2018.
98
V. T. Piette-Coudol, La révision de l’AUDCG : ouverture à la dématérialisation et aux échanges électroniques
dématérialisés et aux échanges électroniques sécurisées, Revue de l’ERSUMA, n° septembre 2014, pp. 331 – 350 ; E.
Montero, L’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats : l’adéquation aux contrats électronique, Rev.
dr. Unif., 2008, p.p. 293 – 317 ; R. Alemdjrodo, Les défis du commerce électronique dans l’espace OHADA,
http://www.uncitral.org/pdf/english/congress/Papers_for_Congress/1-ALEMDJRODO-
Les_defis_du_commerce_electronique_dans_lespace_OHADA.pdf
99
B. Lamon, La profession d'avocat et la justice prédictive : un bel outil pour le développement du droit, D. 2017. 808 ;
et plus généralement R. Susskind, Tomorrow's Layers, Oxford University Press, 2016.
100
B. Deffains et S. Baller, Intelligence artificielle et devenir de la profession d'avocat : l'avenir est présent !, Revue
pratique de la prospective et de l'innovation, mars 2017, p. 1 s
101
Cass. v. 1410088 Ontario Inc., 2018 ONSC 5439, op. cit.
102
Civ. 1re, 15 oct. 1985, Bull. civ. I, n° 257
103
Ce sont les entreprises de 0 à 9 salariés qui sont les plus nombreuses à avoir effectué des dépôts. Elles sont 879 à
avoir déposé des brevets, soit un total de 2 530 brevets. Juste après les PME ayant un effectif de 10 à 49 salariés qui
marquent une progression de plus de 14 %, viennent les start-up qui ont de plus en plus le réflexe de déposer des
brevets. La politique attractive mise ne place par l’État n’est pas étrangère à cette impulsion de l’innovation, G.
Marraud des Grottes, Entretien avec Martine Clémente, directrice de l’action économique de l’INPI, Revue Lamy Droit
de l'Immatériel, Nº 145, 1er février 2018.

19
Pourtant, une étude américaine, montre qu’avoir un brevet augmente de 47 % les chances de
trouver un investisseur104.
En cela, le législateur sénégalais n’a pas manqué d’innover puisque la loi du 06 janvier 2020
institue une Commission d’évaluation, d’appui et de coordination qui mettra elle-même en place
une plateforme dédiée à la start-up, et permettant ensuite aux entreprises répondant à la
définition précitée de l’article 3 de solliciter l’enregistrement, puis éventuellement la labellisation
et, au travers de ces deux modalités, de prétendre à un statut préférentiel105. Cette procédure
permettra à la start-up, ainsi qu’il est énoncé aux articles 10 et 11, d’obtenir de l’État sénégalais :
- Une obtention d’une subvention pour la formalisation de la société ;
- Une réservation du nom de domaine.sn ;
- Un soutien à la protection des innovations de la start-up auprès des organismes nationaux
et internationaux de protection de la propriété intellectuelle ;
- Un accompagnement des incubateurs agréés, des activités de recherche et de
développement ainsi que tout autre accompagnement qui s’avérerait nécessaire durant
la phase de démarrage de la start-up ;
- Un accès à une plate-forme de formation, permettant aux start-uppers de solliciter des
experts susceptibles de les accompagner dans des domaines tels que le marketing, la
communication ou encore l’élaboration de business plans ;
- et des mesures sociales, fiscales et douanières de faveur qui seront probablement
précisées par les décrets à venir.
L’accroissement du nombre de start-up dans la zone OHADA est l’occasion de se doter de moyens
visant à encourager et sécuriser la transformation scientifique et technologique que ces
entreprises réalisent au sein des économies africaines. Par exemple, la mise en place de
campagnes de sensibilisation et la simplification des procédures d’enregistrement de brevet
devraient contribuer à vaincre les réticences106.

B- L’existence d’une réglementation financière favorable


Le talent ne suffit pas toujours au succès d’une start-up. Trop souvent, les jeunes entreprises
échouent, faute de financement supplémentaire ou à cause des réglementations trop lourdes.
Avec l’apparition de nouveaux fonds de financement (1) et le développement du financement
participatif (2), la nécessité de règlementer les sources de financement de la start-up ne peut plus
être ignorée par le législateur communautaire.

104
National bureau of economic research (2017) ; étude sur l’impact de la détention d’un brevet par une start-up basée
sur l’analyse de près de 35 000 brevets délivrés aux États-Unis depuis 2001 : ces brevets sont des actifs immatériels,
qui vont constituer une monnaie d’échange et de discussion avec une grande entreprise qui serait intéressée par le
même type d’innovation. Sans parler de leur valeur aux yeux des investisseurs.
105
V. J. Mestre, Sénégal : Une loi pour favoriser la création et la promotion des start-up, op.cit.
106
En France, l’INPI est présente au sein de Station F, dans les incubateurs, les CCI, au sein de nombreux salons et
conventions, et nous réalisons plusieurs milliers de visites d’entreprises chaque année), parce que c’est souvent par
méconnaissance que les acteurs économiques ne protègent pas leurs créations, v. G. Marraud des Grottes, ibid.

20
1- L’apparition de nouveaux fonds dédiés et l’enjeu de leur régulation

L’attractivité des investissements au sein de la start-up ne se limite pas uniquement au cadre fiscal.
L’existence d’une réglementation financière appropriée est également un facteur majeur. De ce
point de vue, la réglementation de la zone OHADA constitue depuis peu, un atout pour les start-
up. Pour cause, si l’OHADA n’offre pas un cadre juridique aux start-up, elle contient néanmoins
quelques outils visant à promouvoir les PME107. A celles-ci s’ajoutent les progrès récents de
l’UEMOA et la CEMAC sur la question boursière et financière.
En effet, pendant longtemps, la réticence des organismes de crédit classiques a entravé l’accès au
financement des start-up africaines. Avec un système bancaire qui privilégie l’épargne au
détriment du crédit, les banques commerciales ou les fonds d’investissement d’Afrique
francophone refusaient le financement des PME. Dans un état des lieux mitigé dressé par Stanislas
Zézé, PDG Bloomfield Investment Corporation dans une tribune sur l’entrepreneuriat en Afrique,
les motifs de ce refus varient du risque d’impayé, de la différence de langages et de visions entre
start-up et banques, à l’incompatibilité de la réglementation bancaire en passant par le faible
niveau d’investissement108. Détenant plus de 30% des PME africaines, les femmes sont celles qui
en pâtissent le plus.
Dès 1974, à la création de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) aujourd’hui UEMOA, les
États membres ont compris l'enjeu que constituait le financement des investissements publics et
privés par l'épargne intérieure. La création d'un marché financier sous régional avec comme point
d'orgue l'institution de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) à la place de la Bourse
d'Abidjan en décembre 1993 a eu pour but de compléter et renforcer les marchés interbancaires
et monétaires, et d’offrir aux opérateurs économiques de la Sous- Région de nouvelles
opportunités de placement et de financement alternatifs.
En Afrique de l’Est, la redynamisation du marché financier a également donné lieu à la fusion des
deux places boursières de la sous-région que sont la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique
centrale (BVMAC) basée à Libreville, au Gabon et la Bourse nationale des valeurs mobilières du
Cameroun, la Douala stock exchange (DSX)109.
Si ces marchés financiers constituent à n’en point douter, un atout pour certaines PME,
l’apparition récente des start-up dans le paysage des PME a révélé l’inadéquation de leurs produits
financiers, au financement des start-up. Par exemple, les fonds d'investissement conçus
initialement pour les États et pour les grandes sociétés avaient des tickets d'entrée trop élevés. Il
était dès lors, impératif d’adapter l’offre financière notamment en créant des fonds
d’investissement dédiés aux start-up, mais aussi de diversifier les sources de financement. Du fait
de ces progrès, les marchés financiers régionaux sont devenus des lieux de mobilisation de
l'épargne et du financement des start-up OHADA. Dans l’espace UEMOA, de plus en plus de fonds

107
Il s’agit entre autres, de : la transformation du bail commercial en bail professionnel depuis 1998 ; la réforme en
2010 du droit des suretés pour favoriser l’accès au crédit ; la création en 2010 du statut de l’entreprenant. La réforme
en 2014 de l’AU relatif au droit des sociétés commerciales pour faciliter la constitution des sociétés et améliorer leur
financement. La promotion des MARD par la réforme de l’AUDA et l’adoption de l’acte uniforme relatif à la médiation.
P.G. Pougoué, L’entreprenant, un nouvel acteur économique en droit OHADA entre ambiguïtés et ambivalence, Penant
n° 878 Janvier-Mars 2012, p.5.
108
« Les «business angels » africains n'existent quasiment pas, le financement public est limité, et les institutions de
microfinance proposent de faibles ressources de financement à des taux d'intérêt prohibitifs ». Pour les femmes,
l’environnement hostile, le manque de confiance, la nécessité de se battre davantage participent d’un constat partagé,
https://www.lepoint.fr/afrique/entrepreneuriat-feminin-en-afrique-le-defi-du-plafond-de-verre-24-06-2019-
2320655_3826.php
109
Cette fusion fait suite à la décision des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique
centrale (CEMAC) lors de leur sommet le 31 octobre 2017 à Ndjamena, au Tchad.

21
dédiés se créent ou les existants réduisent les tickets, les adaptant à la demande des start-up.
C’est par exemple le cas des SINERGI au Niger et Burkina Faso, de Teranga Capital au Sénégal,
d’Initiative Ouagadougou au Burkina Faso, du le fonds d’amorçage Afric’Innov au Burkina, Niger,
Sénégal, Guinée et au Bénin.
Mais la vérité est que malgré les efforts du législateur, certaines caractéristiques propres rendent
le marché boursier inapproprié aux start-up qui pour la plupart sont de petites structures avec
une organisation interne encore hésitante. C’est le cas des conditions d’éligibilité rigoureuses pour
les émetteurs, de l’obligation de transparence dans l’information financière et du coût des
commissions boursières.
Parant à ce handicap, on note depuis peu, une large progression des investissements étrangers,
dans les start-up africaines. Dans son rapport annuel 2018, le fonds d’investissement Partech
Ventures estime à 1,163 milliard de dollars les capitaux étrangers injectés, soit une progression de
108 % sur un an110. Les investisseurs derrières sont principalement des capital-risqueurs et les
investisseurs providentiels111. Si pendant longtemps on a observé une concentration de ces
financements sur le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya112, cette triade a subi un recul en 2018.
Cette courbe s’explique par l’ascension d’autres pays comme la Cote d’Ivoire113.
Dans cette même veine, on observe une multiplication des concours de start-up dont les primes
rétributives vont de 500 000 FCFA à 30 millions114 et des initiatives d'institutions financières ou de
sociétés privées tel que le Lab Innovation by Société Générale115. Par ailleurs, des sociétés
implantées localement, comme Telecel Group, Gold Ventures, Capital Limited ou encore Partech,

110
Évidemment, cette somme n’est pas comparable aux 24,6 milliards d’euros enregistrés par l’Europe par exemple.
D’après l’Africain Tech Startups Funding Report 2018 publié par Disrupt Africa, 334,5 millions de dollars en capital-
risque ont servi au financement de démarrage ou de développement de start-up sur le continent africain. Ce sont au
total 210 start-up qui ont bénéficié de financements. Par rapport à 2017, ce nombre est passé à 32,1 % et le montant
total investi a augmenté de 71,5 %. Selon le site WeeTracker, qui se base sur une acception plus vaste de la start-up,
ce sont 725,6 millions de dollars qui ont été investis en 458 transactions, avec 10 entreprises ayant mobilisé à elles
seules 457 millions de dollars en 2018. V. P. Nelle, Start-up africaines : le boom des investissements, Magazine Forbe,
25 mai 2019 https://forbesafrique.com/start-up-africaines-le-boom-des-investissements/
111
On retrouve aussi parmi eux, des institutions comme la banque mondiale ou même l’Union européenne. Un
investisseur providentiel est une personne fortunée qui investit son propre argent dans une entreprise à ses premiers
stades de développement. Parce que leur capital n’est pas garanti, les investisseurs providentiels préfèrent s’assurer
d’une prise de participation dans les entreprises qu’ils soutiennent. Ils n’ont aucun droit sur les actifs de l’entreprise.
Leur participation peut prendre la forme d’actions ou d’une dette convertible. Ils prévoient généralement des
stratégies de sortie claires pour mettre fin à leur participation dans l’entreprise.
112
. Sur 20 pays d’Afrique ayant bénéficié d’un apport de fonds en equity, trois se distinguent comme les principales
destinations des capitaux : le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya. Une triade qui a concentré la grande majorité des
deals conclus en 2018. D’après les données de l’enquête de Disrupt Africa, la scène technologique nigériane a
enregistré des injections de capital dans 58 entreprises, des financements représentant 94 millions de dollars. Pour la
première fois depuis que de telles enquêtes ont commencé à être publiées, le Nigeria a supplanté l’Afrique du Sud
comme principal point de chute des investissements dans des start-up en Afrique, rapporte l’étude. En 2018, la Nation
arc-en-ciel a comptabilisé 40 opérations de financement pour des levées de fonds s’élevant à 59 millions de dollars
V. P. Nelle, Start-up africaines, op. cit.
113
Ces trois pays n’ont reçu que 60% des fonds investis sur le continent, contre plus de 80 % en 2015. V. P. Nelle, Start-
up africaines, ibid.
114
En termes de concours de startup, pas moins d’une dizaine s’organise moyenne chaque année dans l’espace
UEMOA : Startupper de l’année du Groupe Total, le prix Orange de entrepreneur social du groupe Orange, concours
de plan d’affaires national organisé par la Maison de l’Entreprise, Occitane pour Elles édition 2016 lancée par la
fondation Occitane au Burkina Faso, Green Startup Challenge organisé par le 2iE, Sahel’Innov organisé par le CIPMEN,
Prix de la Fondation Tony Elumelu, Social Venture Competition de l’université de Californie à Berkeley, etc.
115
Le Lab Innovation Afrique, a pour vocation de stimuler et d’accélérer l’innovation au sein des filiales d’Afrique
subsaharienne du Groupe. Ce « laboratoire d’idées », tourné vers l’action, est un incubateur destiné aux initiatives
innovantes nées au sein des filiales africaines de Société Générale. Il a pour objectif de les outiller et d’impulser une
culture de l’innovation et d’intelligence collective, de croissance partagée et d’expérimentation.

22
Cathay Innovation et son partenaire Africaines mettent en place des programmes de financement
de start-up dénommés s116.
Au niveau Étatique également, l’inadéquation des sources traditionnelles et boursières de
financement, à la demande des start-up est vite compensée par de nouvelles sources de
financement. Au Burkina, la Charte des PME de novembre 2017 décline de nouveaux outils de
financement tel que : les lignes de crédit aux PME, les prêts d’honneur, les sociétés de capital-
risque, le crédit-bail, les sociétés de cautionnement mutuel, les mécanismes de garanties des
prêts, les fonds régionaux et communaux de financement, et les fonds destinés au financement
des jeunes et des femmes entrepreneurs.
En soutien à l’entrepreneuriat féminin, le gouvernement béninois à travers son programme de
microcrédit aux plus pauvres a mis en place un fonds de financement des micro entreprises avec
offre prioritaire de crédit au profit des femmes117. Au plan sous régional, c’est l’Action positive
pour le financement en faveur des femmes en Afrique (AFAWA) qui institue un programme
facilitant, par l’intermédiaire de banques commerciales et institutions de microfinance africaines,
l’octroi de prêts à plus de 50 000 entreprises dirigées par des femmes118.
Ces chiffres encourageants cachent toutefois une réalité : celle de l’inégale répartition des
financements qui se concentrent plus vers les start-up de la fintech. Pour les autres, pas assez
attirantes pour les fonds d’investissement, trop petits pour les banques, le financement
participatif reste la meilleure option.

2- Le financement participatif
Le financement participatif ou crowdfunding, entendu en anglais « financement par la foule », est
un mécanisme qui permet de collecter en dehors des circuits financiers institutionnels, des
apports financiers d’un grand nombre de particuliers au moyen d’une plateforme sur internet, en
vue de financer un projet 119. Ces sommes sont généralement des petits montants. Il existe sous
trois formes : le prêt participatif avec ou sans intérêts appelé en anglais « debt-based
crowdfunding » ou « crowdlending » 120 ; l’investissement en capital connu sous le nom

116
Seedstar World s’est associé à Venture Growth, un capital-risqueur français basé sur le marché africain, pour mettre
en place un fond de 100 millions de dollars qui sera utilisé pour investir dans une quarantaine de startups. De nouveaux
fonds existent aussi. C’est le cas de Seedstar World. Connu à travers le monde pour ses compétitions de startups. N.
Goldstein, La nouvelle ruée vers l’or pour les startups africaines est lancée, op. cit.
117
S. Bissaloué, L’informel et le droit OHADA in Mélanges en l’honneur du Professeur Michel Filiga SAWADOGO, éd.
CREDIJ, 2018, p.487.
118
Le blog deVidal, Entrepreneuriat en Afrique : un succès sous conditions, Médiapart, 24 sept. 2019
https://blogs.mediapart.fr/vidal/blog/240919/entrepreneuriat-en-afrique-un-succes-sous-conditions
119
C comme… Crowdfunding, A. Martinat, JA 2015, n° 521, p. 50 ; P.-H. Conac, Entrée en vigueur du nouveau régime
français du financement participatif (crowdfunding), Rev. Sociétés 2015. 60 ; P.-H. Conac, Le nouveau régime du
financement participatif (crowdfunding), Rev. sociétés 2014. 461.
120
Le concept du prêt participatif est de mettre en relation des personnes désireuses de prêter leur argent avec des
entreprises (TPE ou PME) voulant emprunter de l’argent pour réaliser leur projet. Les projets sont qualitatifs car triés
sur le volet par une équipe d'analystes. Le crowdlending consiste en un financement sous forme de prêt (rémunéré ou
non). N. Rontchevsky, Instauration d'un cadre juridique du financement participatif, RTD com. 2014. 662.

23
d’ « equity-based crowdfunding » ou « crowdequity »121 et le don avec122 ou sans contrepartie123,
appelé « donation-based crowdfunding », « crowdgiving » ou encore Fundrainsing124.
Contrairement aux associations qui ont systématiquement recours au fundraising, le crowdequity
et le crowdlending sont les mécanismes les plus sollicités par les start-up. La particularité de ces
deux types de financement participatif est qu’ils peuvent passer par l’émission de titres de capital
ou de créance. Leur inconvénient réside dans le risque d’illiquidité à l’échéance. En effet, la
revente des titres acquis par Crowdequity par n’est pas garantie.
Favorisé par le développement des NTIC, le crowdfunding bouscule l’économie en permettant le
financement de projets spécifiques par collecte de fonds auprès d’un large public
d’internautes125. Proche du modèle africain de Tontine, il s’en différentie toutefois à bien des
égards. En effet, La tontine met en exergue un cercle restreint de personnes qui épargnent à
charge d’un encaissement périodique par l’une d’entre elles. A l’opposé, le crowdfunding est une
opération encore plus complexe et rentable126.
Même si le phénomène est encore embryonnaire sur le continent, les plateformes de financement
participatif ont fait leur éclosion dans l’espace OHADA. La plateforme FIATOPE propose ainsi des
services de crowdgiving dédiés aux projets d’entrepreneurs africains intervenant dans les secteurs
de l’enseignement supérieur, la médecine, l’environnement, les énergies renouvelables,
l’agriculture, la technologie et la culture. D’autres plateformes africaines de financement
participatif comme GUANXI INVEST, HANNIBAL CONSULTING, STARTUP’NKAP, IWAKAP,
KissKissBankBank, AFRIKWITY, FADEV et JAMAAFUNDING sont-elles même des start-up.
L’absence d’une réglementation substantielle du modèle de financement participatif dans
l’espace OHADA freine la dynamique de cette source de financement. A titre comparatif, en
France, le cadre juridique du crowdfunding est tracé par l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014
relative au financement participatif. En droit bancaire, la réglementation très conciliante qu’elle
instaure fait du financement participatif une exception au monopole bancaire127 dérogeant ainsi
à l’interdiction faite à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des
opérations de banque à titre habituel128.
Sous l'angle du droit financier, l'article L. 411-2, I bis, du Code monétaire et financier exclut le
financement participatif de la catégorie des offres au public de titres financiers de sorte que la
start-up qui offre des titres financiers dans le cadre du crowdfunding n’a pas à publier un
prospectus d'information soumis au visa de l'AMF129. Est également clairement délimitée, la

121
Le crowdequity permet à des particuliers de rentrer au capital d’entreprises et de devenir actionnaire. Les
investisseurs disposent d’un droit de vote et de regard sur l'activité ainsi que d'un droit aux dividendes éventuels.
Les taux de rendement potentiels de ces investissements sont souvent très élevés mais représentent également un
risque très important.
122
C’est un don lucratif avec des contreparties allant du symbolique à l'avantage pour le donneur.
123
Le don sans contrepartie fait ap les projets proposés promeuvent généralement une cause juste avec une forte
valeur ajoutée humaine. Le don vous permet non seulement de faire une bonne action mais aussi de bénéficier
d'avantages fiscaux.
124
Le crowdgiving ou Fundrainsing vise le financement des œuvres caritatives, sociales et humanitaires avec le cas
échéant une contrepartie de faible valeur comme une entrée dans un musée.
125
A. V. Le Fur, Le cadre juridique du crowdfunding : analyses prospectives, Paris : Société de législation comparée,
2015, p. 268.
126
S. Bissaloue, Quelle règlementation pour la tontine dans l’espace OHADA ? Wolters Kluwer, actualité juridique
du droit, juin 2017, édition en ligne.
127
Art. 1er, al. 3, c, L. 2 janv. 2014.
128
C. mon. fin., art. L. 511-1.
129
C. mon. fin., art. L. 411-1 et L. 411-2, I bis.

24
frontière entre l’appel public à l’épargne et le Crowdequity130. Enfin, il est reconnu aux SARL, SAS,
SCA et SA dont le capital est intégralement libéré, la possibilité d'effectuer des offres de titres
financiers dans le cadre du financement participatif. Ceux-ci prennent la forme de minibons aux
allures de bons de caisse restreints. Ils portent un taux d’intérêt fixe limité par le seuil du délit
d’usure et sont obligatoirement amortis par des échéances trimestrielles sinon plus réduites.
L'ordonnance du 30 mai 2014 crée également un statut d'intermédiaire en financement
participatif pour les sites de prêt, et un statut de conseiller en investissements participatifs pour
les sites d'investissement en fonds propres. Il ne peut en l’occurrence s’agir que de personnes
morales agréées par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution.131 Par leur biais, les
porteurs de projet sont mis en relation avec les potentiels financeurs. L’ordonnance détaille
également les capacités professionnelles requises pour l'exercice de l'activité d'intermédiaire132.
La plateforme abritant l’opération crowdfunding est tenue entre autres de fournir à chaque partie,
un contrat type permettant de formaliser les conditions du financement. Le décret n°2014-1053
du 16 septembre 2014, fixe les plafonds applicables aux prêts et aux emprunts. La participation
de chaque financeur particulier est limitée à 2000 euros par projet. Il n’y a pas de garanties ou de
sûretés exigées.
En droit OHADA, l’absence de législation propre en la matière constitue un frein à l’activité des
plateformes de crowdfunding. Ces dernières ne sont pas à l’abri des sanctions civiles et pénales
qui pèsent sur les personnes accusées de violer le monopole des établissements de crédit, des
prestataires de services de paiements et d’investissement dans la zone UEMOA et CEMAC133. Ce
vide juridique a pour autre risque le développement d’initiatives privées non encadrées qui
pourraient fragiliser l'équilibre des marchés financiers.
S’inspirant notamment du droit français, il est possible de lever ce frein en définissant un cadre
réglementaire des crowdfunding en vue de sécuriser les transactions et de protéger les
investisseurs. Cette reconnaissance juridique devrait aussi permet d’élargir et de sécuriser la
gamme des instruments accessibles aux start-up.
Belle revanche de l’internet, souvent accusé de rompre le lien social, le financement participatif
est un outil de rencontre entre le porteur d’un projet et une communauté d’investisseurs. La faible
culture de la carte bancaire qui aurait pu constituer un handicap au crowdfunding dans l’espace
OHADA est vite compensée par les nouveaux services de monnaie électroniques proposés par les
opérateurs de téléphonie mobile, comme c’est le cas de Mobile money.
Les blockchains pourraient également jouer un rôle important puisqu’elles faciliteraient la
conservation et la transmission sécurisée des informations. Les États-membres pourraient non
seulement procéder à la dématérialisation des valeurs mobilières mais également drainer, par ce
biais, des financements pour les start-up exclus du système de financement bancaire classique du
fait des faibles garanties qu'elles offrent.
La question est de savoir si cette régulation devrait provenir du législateur OHADA ou de ceux de
l’UEMOA et de la CEMAC. L’UEMOA et la CEMAC constituant le cadre règlementaire des

130
Il existe une dichotomie entre l’appel public à l’épargne et le Crowdfunding, car le premier s’opère obligatoirement
en bourse qui est un marché financier strictement réglementé et requiert des conditions d’éligibilité particulières ;
tandis que le second se fait par levée de fonds sur internet.
131
Article L. 548-1 du code monétaire et financier. V. X. Delpech, Financement participatif. Assurance. Précisions sur le
statut des opérateurs en financement participatif, JA 2016, n° 543, p. 7.
132
Les dirigeants de l’IFP doivent entre autres justifier d’un diplôme supérieur de finance ou d’une expérience certaine
dans le domaine des opérations de banque en tant que cadre ou exécutant.
133
C’est le cas au sein de l’Union européenne : I. Demoulin, Vers une réglementation européenne du financement
participatif ?, RTD eur. 2015. 269.

25
investissements boursiers et financiers, on aurait pu s’attendre à ce que l’encadrement relève de
leur attribution. Néanmoins, le fait que le financement participatif constitue une exception au
monopole bancaire autorise le législateur OHADA à prendre l’initiative d’une telle règlementation.

Conclusion
Le droit OHADA tel que conçu aujourd’hui, met en évidence l’incohérence d’un droit harmonisé
qui se coupe de l’économique, du fiscal du douanier non harmonisé. L’écosystème des start-up
gagnera à être régi par des bases légales clairement établies et accessibles. La première chose que
l'investisseur regarde au moment de faire son investissement, c'est probablement la garantie qu'il
a de pouvoir récupérer sa mise. À ce titre, le droit de l'investissement et la fiscalité sont deux
domaines tout aussi capitaux que le droit des sociétés et le droit de la propriété.

26

Vous aimerez peut-être aussi