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Le Malade Imaginaire

Acte 1 scène 1
Introduction :
Molière est loin d’être le genre de figure littéraire qui ont besoin d’une
introduction. Il s’agit aujourd’hui d’un des plus grands dramaturges du
théâtre français. L’œuvre étudiée est justement l’un de ses plus grands
succès, Le Malade Imaginaire, écrit en 1673. Grand créateur de formes
dramatiques, interprète du rôle principal de la plupart de ses pièces, il est
loin de se limiter à des divertissements anodins. Dans ses créations
littéraires , Molière fait souvent figure de moraliste et écharpe les
défauts de ses contemporains : l’avare, le misanthrope ou les précieuses
ridicules font l’objet d’une peinture sans concession. De son vrai nom,
Jean-Baptiste Poquelin, crée des personnages individualises, a la
psychologie complexe, qui sont rapidement devenus des archétypes. Le
personnage principal du malade imaginaire est justement introduit dans
l’extrait analysé, la scène d’exposition. Argan est un personnage
comique typique de Molière. Hypochondriaque et monomaniaque, il se
plaint toujours et crie constamment à l’aide. Mais l’un se doit
d’argumenter qu’il cache derrière son absurdité, une facette plus
profonde. Ainsi, nous allons donc explorer en premier la victimisation
d’Argan, avant de creuser sa psychologie.

La victimisation d’Argan :

Le terme « imaginaire » présent dans le titre de la pièce annonce les


intentions du dramaturge. La scène d’exposition commence par un long
monologue qui se présente sous forme de dialogue entre Argan et lui
même. En effet, l’énumération de ses remèdes et médicaments donne un
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Acte 1 scène 1
effet de ridicule si présent qu’on comprend très vite qu’Argan n’est pas
vraiment malade. On le découvre en pleine crise de démence, avec une
entrée in media res, on saisit que le nœud de l’intrigue sera en lien avec
la passion absurde et comique d’Argan pour sa maladie non-existante.
Le dialogue se prolonge sur la majeure partie de la scène et est structuré
par les calculs d’Argan. La répétition introduit une dimension de
ridicule. Quant au faux dialogue de théâtre, il constitue une mise en
abyme, caractéristique du procédé du théâtre dans le théâtre. La scène
s’anime, les propos gagnent en vivacité. Le spectateur a l’impression
justifier que la maladie est aussi « imaginaire » que le dialogue,
qu’Argan est en quelque sorte le metteur en scène de ses maux.
Il est seul dans sa chambre. Cette solitude ne semble pas quelque chose
d’exceptionnel (dans la seconde partie du monologue il se plaint : « J’ai
beau dire, on me laisse toujours seul… ils sont sourds ». Formulation qui
isole Argan du reste de la maison. Ainsi, ce monologue est justifié par la
solitude du personnage. Il s’isole puis se plaint de son isolement, il
collectionne les maladies et les remèdes comme l’un collectionne des
timbres. Il s’infantilise et se victimise tellement qu’il semble évoquer
chez les spectateurs un sens de dégout et de fatigue envers son caractère.
On voit qu’il ne se passe pas de jours qu’il n’ait un sinon deux
lavements, ou qu’il ne boive des potions, somnifères et autres remèdes
inutiles, imposes par lui-même ; une « addiction » aux drogues de toutes
sortes qui par suite rendent Argan très dépendant de ceux qui les lui
fournissent, médecins et apothicaires.
« Si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être malade », réplique
dit par Argan, l’utilisation du verbe vouloir semble indiquer que la
maladie est un choix, un mode de vie décider par Argan. A la fin du
monologue. Il
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appelle son entourage—avec sa sonnette ou par ses cris—afin
d’affirmer son pouvoir. Son comportement dévoile un tyran qui cherche
à contrôler les siens.
Il va appeler Toinette comme un enfant gâté appelle sa mère. “Est-ce
possible qu’on laisse comme cela un pauvre malade tout seul ?” La
scène commence et se termine avec Argan assis, ce qui montre une
position de faiblesse ou Argan se met volontairement (puisqu’on
comprend qu’il n’est pas malade et peut très bien se lever).

Le champ lexical de la médicine et des chiffres montre son côté


monomaniaque, son besoin de contrôle absolue. Par suite, on remarque
que sa façon de s’adresser à Toinette est autoritaire et agressive dès que
sa demande n’est pas immédiatement adressée. On termine donc cette
première scène avec un personnage principal clairement
hypochondriaque (accumulation de remèdes inutiles), ridicule,
victimiser par lui-même, agressive et autoritaire. Par contre, dès qu’on
ne prennent un peu de recul, la pitié nous saisit vite le cœur.

La psychologie d’Argan :
Le monologue comique, nous présente alors la caricature d’Argan. Nous
avons analysé le quoi, changeons à présent notre champ de vision vers le
pourquoi. Pourquoi Argan se comporte-t-il ainsi ? Pourquoi sa
victimisation ?
Quand on parle à nous même, nous contrôlons le dialogue, ainsi, “Ms
fleurant” répond exactement ce qu’Argan veuille qu’il réponde. On voit
un besoin de contrôler ses dépenses mais aussi sa maladie et ses
remèdes, le malade cite au médecin ce qu’il faut lui prescrire. Il se
nommer le maître de ceux qui est impose à son corps. C’est donc
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renverser en quelque sorte le rapport avec ses médecins, et transformer
en « triomphe » une situation angoissante. Situation qu’on comprend dès
qu’on lit la réplique “ils me laisseront ici mourir”, c’est-à-dire la peur de
la mort, sur quoi finit précisément la scène.
Un abus du vocabulaire de nombres et de comptes est clairement
présent. Ainsi il est possible de justifier l’ensemble de la scène : il s’agit
pour Argan, de garantir en réduisant les prix, d’une supériorité qui
renverse sa peur, et d’avoir en même temps l’occasion de relire ces
comptes, c’est-à-dire, de faire le décompte de tout ce qu’il a pris, comme
pour se persuader à lui-même qu’il ne peut qu’être bien portant grâce à
tous ces remèdes.

On voit alors chez l’hypocondriaque “un corps parfaitement bien


composé” qui “marche, dort, mange, et boit tout comme les autres” (2.3;
2.2), mais Argan, la personne affectée se croit véritablement malade. La
préoccupation avec son corps constitue une sorte d’écran qui exprime les
soucis de l’âme.
Nous pouvons alors dire qu’en théorie, le corps malade est absent, mais
qu’à priori il se révèle comme un corps souffrant réellement dans la
conscience du personnage. Malgré le silence des symptômes sur le
corps, c’est l’imagination qui éveille chez Argan la notion que son corps
est affecté. Molière présente le dessin d’un trouble mental et la
théâtralisation de la crise psychologique à travers le corps perçu
réellement comme souffrant.
Argan semble se réfugie dans la maladie. La mort est omniprésente,
exprimée verbalement et physiquement. Argan verbalise
perpétuellement cette crainte “Ah, mon Dieu ! je suis mort” (3.6). Sa
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peur se manifeste encore dans sa foi absurde envers
le pouvoir de la médecine.
Molière, donne à voir uniquement ce qui n’est au fond qu’une façade, un
manque peut-être, sous la forme d’une obsession défensive mise en
relief. Mais en vérité, l’appel au secours est motivé par le sentiment
d’isolement qui le trouble. Le premier mot de l’œuvre est justement,
“seul”.
Conclusion :
Argan est-il réellement malade ? Si le théâtre est illusion, la réalité
apportera la réponse : le fauteuil d’Argan-Molière fut le fauteuil où la
tradition rapporte qu’il mourut. Argan est bel et bien malade. Ses
mésaventures vont faire rire le spectateur mais aussi suscite
l’interrogation philosophique, rassemblant ainsi les vertus d’une pièce
classique : plaire et instruire. Ainsi, comme on peut le voir sur la
peinture « Le malade imaginaire » d’Honoré Daumier, la maladie a
beaux être imaginaire, les maux sont bien réels.
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Acte 1 scène 1

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