Note pour plus tard : ne jamais s’inscrire à un jeu télévisé. Non, jamais !
Chapitre 2
Épisode 1
Bonsoir, cher public, permettez-moi de vous présenter Louis ! Louis est un homme exceptionnel.
Âgé d’un peu plus de trente ans, il est cultivé, sportif, et a créé un cabinet d’avocats à la renommée
internationale en Chine avec deux associés. Jusqu’à aujourd’hui, Louis s’est consacré à satisfaire son
ambition professionnelle. Mais désormais… il cherche celle qui fera vibrer son cœur !
Travaillant aux quatre coins du monde, il est amateur de cinéma et de lecture, passions qu’il
assouvit régulièrement dans le cadre magnifique de sa villa au bord de la Méditerranée.
Ce nomade sexy, qui est loin de laisser les femmes indifférentes, cherche l’âme sœur, celle à qui il
offrira la bague sertie d’un magnifique diamant lors de la grande finale de l’émission.
Pour cela, vingt jeunes femmes, prêtes à tout pour le conquérir, vont s’affronter dans ce jeu de
séduction afin de franchir les étapes qui les mèneront à chaque fois un peu plus près du cœur de notre
célibataire. Passion, sentiments, pleurs, trahisons, mais aussi… argent ! Chacune est prête à montrer le
meilleur d’elle-même pour être choisie et débuter une vraie histoire d’amour… avec Louis, ou avec le
diamant !
Voici l’émission que vous attendez tous… Pour toujours et à jamais !
Louis patiente devant une maison bourgeoise située sur les hauteurs dans
l’arrière-pays niçois. Cette grande bâtisse, celle des filles, est entièrement
éclairée ce soir. Elle a revêtu son habit de lumière pour fêter le début de
l’aventure, prête à accueillir les vingt jeunes femmes sélectionnées pour le
jeu.
Louis n’en revient pas d’être ici, au milieu des caméras, et surtout d’être
le personnage central de ce speed dating géant. Jamais il n’aurait pensé
participer à ce genre de jeu s’il n’y avait la promesse d’un engagement
durable. Un nouveau concept jusqu’au-boutiste, bien plus sérieux que les
émissions du même style, et qui le place sur le chemin menant au mariage.
Seulement s’il parvient à détourner les filles qu’il préfère de l’appât du gain.
Les règles sont claires : six paliers à franchir avec, à chaque fois, une somme
d’argent à gagner. Et pour la finaliste, c’est 100 000 euros, un diamant… ou
lui. De quoi les dévier de la conquête de son cœur.
Sa poitrine se contracte, il est en proie au stress du premier rendez-vous.
Qui sait ? Peut-être que celle avec qui il partagera sa vie se trouve parmi
elles. Pas une simple passade, mais la bonne, l’unique. À ce stade du jeu, tous
les espoirs sont permis. Les illusions sont de mise.
En passant la main dans ses cheveux, il constate que ses paumes sont
moites ; un autre signe d’anxiété. À vrai dire, il étouffe. L’air lui semble
s’être raréfié, exactement comme s’il s’apprêtait à franchir l’Everest. Mais ce
n’est pas tout. En ce début d’été, les nuits sont loin d’être fraîches, et son
smoking lui tient terriblement chaud. Pourtant, il a l’habitude de ce genre de
tenue car son travail l’amène à participer à des soirées d’affaires. Mais ce
soir, il se débarrasse de sa veste bien trop stricte. Après tout, le contexte est
différent. Pour une fois, c’est une affaire personnelle.
Le jardin situé à l’avant de la villa est parfaitement entretenu et offre un
décor somptueux, digne de celui d’un château. Mais Louis n’arrive pas à se
laisser distraire par ce cadre splendide et, pour s’occuper, arpente sans fin le
perron de la demeure.
Un bruit de moteur semble se rapprocher. Une voiture conduisant l’une
des jeunes femmes se présente. Louis sait que, pour l’instant, le scénario est
simple. Chaque fille est conduite devant la maison et il lui incombe la tâche
de l’accompagner à l’intérieur. De cette manière, le moment de la première
rencontre est furtif. Il s’agit avant tout de les découvrir physiquement.
La voiture s’arrête. C’est une limousine noire flambant neuve.
Décidément, aucun élément n’est laissé au hasard.
Comme il se doit, et surtout avec la délicatesse et le tact que sa clientèle
élitiste lui a imposés, Louis ouvre la portière et aide la passagère à en sortir.
Une très jolie jeune femme apparaît, le sourire aux lèvres, naturelle, si ce
n’est une légère mise en beauté pour la soirée.
En parfait gentleman, Louis lui sourit en retour, et ne peut que constater
l’effet qu’il produit sur la demoiselle. Elle s’empourpre et tente de masquer
son émotion par un battement de cils. Ravi, il lui propose son bras pour
monter les quelques marches. Elle s’en saisit et soulève sa robe en soie beige
de l’autre main. Ainsi soutenue, elle semble glisser dans les airs. Et malgré la
hauteur vertigineuse de ses talons, elle lui arrive à peine au menton. Détail
qui n’avait jamais eu d’importance pour Louis, jusqu’à aujourd’hui. Le cadre
chevaleresque de ce début d’émission éveille en lui un instinct qu’il ne se
connaissait pas. Une volonté irrépressible d’être protecteur vis-à-vis de cette
jeune femme si belle et si menue.
Sur le seuil, lieu où il doit l’abandonner pour reprendre sa mission, elle se
poste face à lui, immobile. Visiblement, elle attend quelque chose de plus
personnel que le simple « bonsoir » poli qu’il a formulé devant la voiture.
– Comment t’appelles-tu ? lance alors Louis, déjà un peu séduit par cette
belle rencontre.
– Moi, c’est Léa, répond-elle sans se départir de son sourire.
Son visage s’offre à lui, un rien voilé par les mèches blondes qui
s’échappent de son chignon. Ainsi, il distingue parfaitement le mélange de
trac et d’excitation qu’elle semble ressentir. Et, subitement, lui vient l’idée de
prendre une photo. D’immortaliser par un cliché ce mélange de grâce et de
fragilité qu’il adore découvrir chez une femme, pour prolonger ce moment
trop furtif.
– Eh bien, ravi de te rencontrer ce soir. Tu es magnifique.
– Merci, toi aussi ! confie-t-elle en riant.
Sa réponse n’est pas une politesse rendue, puisqu’elle fixe soudainement
le sol, n’arrivant plus à soutenir son regard. Il profite de cet instant pour la
détailler. Sa robe cintrée met en valeur la finesse de sa silhouette. Elle semble
aussi fragile qu’une poupée, et Louis est saisi par une image : celle de la
danseuse que l’on découvre en soulevant le couvercle d’une boîte à musique.
Un signe de l’assistante de production assise derrière les caméras lui
rappelle qu’il doit faire entrer Léa pour accueillir les autres filles. Ce soir, il
n’est pas au bout de ses surprises. Ainsi, à peine est-il remis de l’exaltation de
sa rencontre qu’une autre voiture se présente.
La jeune femme suivante sort toute seule du véhicule alors que Louis
marche dans sa direction. Face à tant de beauté, il s’immobilise. Elle
s’approche de lui dans une sublime robe blanche en partie ajourée par un jeu
de dentelles. Rapidement, Louis détaille ce qu’il aime : ses longs cheveux
roux tombants en cascade ondulée sur ses épaules, ses yeux bleus, soulignés
par un maquillage intense, rendant son regard hypnotique, mais surtout, son
sourire. Franc, saisissant, envoûtant.
Louis se rend compte qu’il est resté planté devant elle. Il reprend ses
esprits et la conduit jusqu’à la porte de la villa.
Dans un murmure, comme pour ne pas briser la magie de l’instant, il lui
demande son prénom.
– Jessie, dit-elle, sans rien ajouter que quelques battements de cils
ravageurs.
– OK, souffle-t-il dès qu’elle est hors de son champ de vision, plus que
dix-huit…
Louis est abasourdi par l’élégance et le charme des jeunes femmes qui lui
sont présentées ce soir. Inutile de nier qu’il s’attendait à voir des femmes
splendides, c’est un élément presque explicite du jeu. Mais au-delà de ça,
elles possèdent un charme fou, celui qui donne envie d’aller plus loin, de
faire connaissance, voire d’envisager plus.
Ces beautés se succèdent durant plusieurs dizaines de minutes. Aucun
autre critère que leur physique ne peut entrer dans la balance puisque, dans le
laps de temps imparti, il ne peut que leur demander leur prénom avant de les
inviter à entrer. Assurément, l’attraction est au rendez-vous.
Et ce soir, alors qu’habituellement cela n’a pas autant d’importance, il a
envie de savoir si l’effet qu’elles ont sur lui est partagé. Pour seul indicateur,
il analyse les traits de leur visage, il s’intéresse à leurs expressions, aux
sourires, mais n’a pas de certitudes. Ce soir, il veut plaire, lui aussi.
Louis est déstabilisé. Alors que tout le monde le considère comme un
jeune homme sûr de lui, il peine à contenir ses émotions et ses doutes, qu’il
camoufle habituellement derrière une pointe d’arrogance. Pire encore, il a le
sentiment que son trouble n’échappe pas à l’œil des prétendantes.
Lorsque toutes sont arrivées, il gagne le hall et attend derrière la porte de
la salle de réception qu’on l’invite à entrer.
Quelques secondes plus tard, les deux battants s’ouvrent largement pour
le laisser passer. Et quand il franchit le seuil, il se met à sourire pleinement.
Quel tableau !
Les filles sont dispersées dans la pièce, mais toutes sont tournées vers lui,
aussi dociles que des tournesols orientés vers le soleil. Vingt superbes
créatures divinement mises en beauté, portant des robes somptueuses dignes
de princesses et, cerise sur le gâteau, suspendues à ses lèvres. Louis sourit, ou
mieux encore, il jubile.
Les secondes s’égrènent. Les regards restent inlassablement braqués sur
lui, une vingtaine de paires d’yeux essayant de capter son attention.
Louis se délecterait de ce spectacle toute la soirée, mais il doit les
rejoindre. Il les observe avec attention. Déjà, des groupes se sont formés –
des affinités sont peut-être même en train de naître ?
Pour se mêler à elles, Louis s’approche d’un groupe, le plus près sur sa
gauche, afin de ne pas paraître avoir choisi. Cependant, cette sélection malgré
lui fait quand même débat. Il voit toutes les filles se dévisager entre elles et
interprète sans peine leurs pensées. Elles cherchent à savoir s’il a des
préférences, si certaines d’entre elles sont plus à son goût que d’autres. Il
comprend qu’à partir de maintenant, plus rien ne sera rationnel et que les
émotions vont prendre le dessus, si ce n’est déjà fait.
Alors qu’il commence à échanger les politesses d’usage avec les
demoiselles attroupées autour de lui, l’une d’elles lui tend un verre, qu’il
accepte sans la quitter des yeux. C’est Jessie, la jeune femme aux longs
cheveux roux. Mais avant qu’il ne puisse engager la conversation, il se sent
tiré par le bras. Cassandra, une belle Latine sans la moindre once de timidité,
accapare sa compagnie, devant l’agacement évident des autres filles.
– Salut, toi ! Moi, c’est Cassandra, tu te souviens ?
Elle a l’accent du soleil, celui qui vous réchauffe le corps même en plein
hiver.
– Bien sûr, comment oublier ?
Louis a été perturbé par l’arrivée de Cassandra et n’est pas resté du tout
indifférent à ses manières tactiles. Difficile de résister à une femme aussi
consciente de son pouvoir de séduction.
Elle l’emmène à l’écart en le prenant par la main. Louis, par politesse –
mais pas seulement –, n’ose pas s’opposer à cette manœuvre.
Pendant qu’ils s’éloignent, il sent l’atmosphère s’épaissir. Les autres
prétendantes ne décolèrent pas devant cette attitude et ne cherchent
absolument pas à masquer leur mécontentement.
Il jette un coup d’œil dans leur direction pour mieux voir la tempête qui
se prépare. Il sait parfaitement ce qu’elles se disent. Elles se demandent
comment Cassandra a osé prendre une longueur d’avance tout en les narguant
de la sorte. Agir aussi brusquement leur paraît déloyal. Prendre un coup
d’avance peut être décisif, et elles viennent de l’apprendre à leurs dépens.
D’une certaine manière, il comprend que Cassandra vient de donner le
ton, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Toute compassion vient d’être
proscrite. Pas de quartier. Ce sera chacun pour soi. Ou – et pour son plus
grand plaisir – chacune pour lui.
Cassandra lui propose de s’asseoir sur un banc, un peu plus loin dans le
vaste parc de la maison bourgeoise. Il est certain qu’ils sont tout à fait
visibles depuis les fenêtres de la salle de réception où se sont positionnées les
autres jeunes femmes. Elle repousse sa longue chevelure brune ondulée et
entame la conversation.
– Peut-être que je devrais être un peu moins entreprenante, mais je me
suis dit que je n’aurais qu’une seule chance de t’avoir un instant pour moi ce
soir. Je trouve qu’il y a beaucoup de monde à cette soirée, et bien trop de
filles, non ?
Cette repartie et son accent chantant arrachent un sourire à Louis, qui – il
le sait – laisse apparaître une fossette au bas de sa joue.
Son assurance revient, c’est bon signe.
Il tourne son regard vers les jeunes femmes restées aux fenêtres de la
villa. Elles ne perdent pas une miette du spectacle. La situation lui paraît un
peu folle.
– Oui, reprend-il en se tournant à nouveau vers Cassandra et ne sachant
plus vraiment à quelle question il répond, au moins, de cette manière, je ne
risque pas de t’oublier. Tu m’as l’air d’être un sacré numéro.
– Oui…, roucoule-t-elle. Et tu n’as encore rien vu !
Son regard espiègle le décontenance. Il tente de masquer ses émotions
derrière un sourire amusé, puis ramène la conversation vers un sujet plus
neutre. Comme il demande ce qui occupe ses journées, Cassandra explique
qu’elle travaille dans le service des ressources humaines d’une grande
entreprise.
– Les relations humaines, c’est mon truc, finit-elle par dire.
Et Louis comprend parfaitement le clin d’œil.
Voyant le temps filer, il attire Cassandra, vêtue d’une superbe robe
fourreau violette, vers la salle où patiente, l’air de rien, le reste des
prétendantes.
Il a envie de discuter avec le maximum d’entre elles afin de se faire une
idée de leur tempérament.
La soirée a un enjeu tout particulier.
Juste avant qu’elles n’arrivent, l’animateur est venu trouver Louis dans la
villa qu’il occupera pendant la durée du jeu afin de lui expliquer le
déroulement de cette première réception. Une jeune femme sera choisie ce
soir. Mais, circonstance exceptionnelle, elle sera élue par les vingt filles, à la
suite d’un vote.
Louis lui offrira un présent tout à fait singulier : un diamant rose monté
en pendentif, et la perspective d’un rendez-vous avec lui. De quoi planter le
décor.
Louis a souri et a davantage questionné l’animateur. Comment est-ce que
les filles allaient faire pour choisir l’une d’entre elles ? Est-ce que ce serait
celle qui a fait le plus d’efforts pour engager la conversation ? La plus timide,
pour l’inciter à faire le premier pas ?
L’animateur a secoué la tête en riant. Il pensait à autre chose, tout droit
dans la veine du concept de l’émission et malmenant les faux-semblants.
Alors il a compris.
Ce diamant est là pour stimuler l’intérêt des filles pour la compétition.
Dans un jeu où l’argent a autant de place que l’amour, quoi de plus naturel
que leur présenter, dans la même soirée, les deux éléments en même temps.
Une manière de booster leur motivation et être certain qu’elles se lancent
dans la course, vers l’un ou l’autre trophée.
Louis en a déduit que, de son côté, il devait s’employer à toutes les
connaître un peu pour ne pas faire d’erreur, sachant que dès demain, quatre
filles devront partir… Déjà…
Après avoir quitté Cassandra, une fois à l’intérieur, il s’approche d’un
autre groupe. Les sourires sont plus acérés, les regards plus perçants. Chaque
fille cherche à mettre en avant son potentiel de séductrice. C’est déstabilisant,
mais il tâche de ne pas le montrer. Il faut qu’il s’habitue, et vite.
Loann et Noémie lui parlent quelques instants quand il se trouve près
d’elles. Leurs sourires sont sincères, ce qui est reposant après son échange
épicé avec Cassandra.
Plus tard, il s’isole un instant avec Caroline, Leïla, Victoria et Betty.
Cette dernière, plus en retrait, ne prend pas la parole, se contentant de sourire
et de rire aux plaisanteries faites par Leïla.
De plus en plus à son aise, il prend plaisir à découvrir ces femmes, toutes
plus exquises les unes que les autres et montrant ce soir le meilleur d’elles-
mêmes. Il s’attarde un peu en compagnie de Jasmine et Magdalena.
Une chose est sûre, c’est que toutes veulent lui prouver qu’elles sont
tombées sous son charme. En effet, dès qu’il se retire poliment d’un petit
groupe pour se diriger vers un autre, les filles échangent des regards, le rouge
aux joues, soufflant et s’éventant avec les mains pour montrer leur
enthousiasme. Elles ne cherchent absolument pas à s’en cacher.
Après tout, au moment de leur inscription, elles ne pouvaient pas être
certaines qu’il soit à leur goût. D’ailleurs, Louis redoutait de les décevoir.
Mais en l’occurrence, elles sont si démonstratives qu’il est plus que rassuré.
Elles semblent même en admiration. Comme s’il appartenait à cette
catégorie d’hommes qui mettent toutes les femmes d’accord. Et même son
trac, celui de la première rencontre, devient sensuel au contact de ces
femmes. Elles sont émoustillées. C’est le mot qui semble définir le mieux
cette attraction brute qui se déverse sans retenue dans la pièce. L’adrénaline
d’une compétition qui débute, une poignée de secondes avant que le signal de
départ retentisse.
Louis est enthousiasmé par l’effet qu’il produit et rentre petit à petit dans
le jeu de séduction des prétendantes ; il use et abuse délibérément de son
regard azur dont on lui a si souvent vanté l’intensité.
De temps en temps, il passe même une main dans ses cheveux pour se
donner un air savamment négligé et observe les réactions autour de lui.
Certaines se mordent les lèvres, d’autres rougissent. Et lui reste hypnotisé par
ce spectacle qu’elles lui offrent.
C’est mieux que dans ses pensées les plus audacieuses.
À la fin de la soirée, il a vu tout le monde, au moins quelques minutes, et
arrive presque à toutes les nommer. Il se dit que celles dont il n’a pas
mémorisé le prénom pourront être celles qu’il ne retiendra pas pour la suite.
C’est probablement la manière la plus juste de faire un choix.
Il connaît les règles du jeu. Les filles gagnent une somme d’argent chaque
fois qu’elles franchissent un palier. Une sérieuse motivation pour les pousser
à être sélectionnées. Six étapes qui n’en mèneront qu’une à la finale. Seul
bémol, elles peuvent choisir de partir quand elles le veulent, afin de ne pas
mettre en jeu lors des éliminations la somme qu’elles ont gagnée. Un quitte
ou double audacieux.
De quoi faire réfléchir, en particulier dans les débuts de l’aventure, car ils
ne se connaîtront pas bien encore. Qu’est-ce qui lui assure qu’elles aient
envie de rester pour lui ? Et pas pour l’argent ?
Il n’en sait rien. C’est bien la question que pose ce jeu. Amour ou argent.
Deux concepts mêlés jusqu’au moment de la demande en mariage, qui devra
être officialisée six mois après la fin du tournage, c’est-à-dire au moment de
la retransmission télé des épisodes. Si sa belle accepte de s’engager avec lui,
elle devra rendre le chèque et les bijoux. Tout.
Si elle refuse…
C’est drôle, car quand il a su qu’il participerait au jeu, Louis s’est dit
qu’il resterait lui-même, coûte que coûte. Et que ce serait à prendre ou à
laisser. Mais déjà, sa fierté se manifeste, décuplant son envie de plaire.
Il s’écarte un instant pour envelopper l’assemblée du regard. Ces filles
sont magnifiques. À ce stade de la soirée, la fête bat son plein et toutes
donnent le sentiment de s’amuser. Cassandra parle et rit fort, et s’est même
trouvé une ou deux amies qui, sans doute, préfèrent être dans son camp que
l’inverse.
Au bout d’un moment, l’animateur, estimant que le moment est venu,
demande à Louis de sortir de la pièce. Le vote va avoir lieu.
Juste avant qu’il ne franchisse le seuil de la salle de réception, Louis
l’entend s’adresser aux filles.
– Mesdemoiselles, bonsoir !
Il devrait quitter la pièce mais ne peut s’arracher au spectacle.
Discrètement, il se retourne.
Les filles sont tournées vers le présentateur, impatientes. Elles ont
compris que quelque chose se tramait.
– Je vous souhaite la bienvenue dans cette villa qui sera votre maison
pour les prochains jours. Vous aurez la chance d’être sélectionnées par Louis
pour partager des activités et faire sa connaissance. Mais ce soir, je vais vous
demander de voter pour celle qui, selon vous, n’obtiendra pas de rendez-vous
avec Louis demain. La jeune femme qui vous semble, à première vue, la plus
éloignée des aspirations de Louis.
Un brouhaha se fait entendre. Les filles se regardent les unes les autres,
ravies de pouvoir participer, quand bien même il s’agit d’un jeu qui consiste à
écarter l’une d’entre elles. Louis arque un sourcil. C’est très malin, les filles
vont tomber de haut. À aucun moment l’animateur n’a expliqué le
dénouement. Contrairement à ce qu’elles croient, elles vont justement élire la
première fille à avoir un rendez-vous avec lui.
– Je vous laisse rejoindre notre assistante, finit d’expliquer l’animateur.
Elle vous fournira une enveloppe et un coupon au nom de la personne que
vous souhaitez élire.
Louis sourit. Toutes vont penser à la fille s’éloignant le plus de son idéal.
Elles vont se creuser les méninges pour déterminer son type de partenaire.
Sauf que, y a-t-il seulement une femme présente ce soir qui représente ce
qu’il cherche d’un point de vue à la fois physique et mental ?
Louis quitte enfin la pièce. Il ne reviendra que lorsque le vote sera
terminé. Et d’autres questions lui viennent en tête.
Doit-il prioriser l’aspect physique alors que, pour lui, ce n’est pas
l’argument déterminant dans le choix d’une compagne ?
Il rumine encore quand on lui demande de regagner la salle dans deux
minutes précisément. Le cadre de l’émission est rigide.
Il a peu de temps pour mettre ses idées au clair et canaliser ses pulsions,
auxquelles il laisse si peu de place habituellement.
Tout est déjà sens dessus dessous dans son esprit.
Depuis deux heures environ, le désir irrigue son corps et monte
insidieusement jusqu’à son cerveau, prêt à réaliser un putsch retentissant.
***
FORMULAIRE D’INSCRIPTION AU JEU
PRÉNOM : Cassandra
MÉTIER : Chargée des ressources humaines
VILLE : Paris (mais je suis née en Grèce)
ÂGE : 27 ans
TAILLE : 1 m 70
POIDS : 63 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Chocolat fondant
COULEUR DES YEUX : Chocolat… encore plus fondant.
LOOK : À la fois glamour et chic
SIGNE DISTINCTIF : Mes origines méditerranéennes
CAPITAL SÉDUCTION : J’adore être en concurrence avec d’autres femmes,
surtout parce que je suis certaine de gagner. Je laisse un souvenir impérissable à
chaque homme qui croise ma route. Le célibataire du jeu ne fera pas exception.
POINT FAIBLE : Aucun, vous verrez !
***
Louis se tient en haut des marches. Les filles ont adopté une posture de
circonstance, mettant en valeur leur toilette. Elles le regardent fixement, de
manière langoureuse.
Un peu déstabilisé, il ne tarde pas davantage à prendre la parole.
– C’est une très agréable soirée que nous venons de passer ensemble,
commence-t-il. Je dois dire que je suis extrêmement chanceux de vous avoir à
mes côtés et que vous êtes toutes vraiment magnifiques…
Ces paroles déclenchent quelques gloussements. Il veut être sincère, sans
chercher nécessairement à flatter, mais c’est bien l’effet qu’il produit.
– C’est donc avec une grande émotion, reprend-il, que je vais offrir un
premier cadeau ce soir. Un pendentif orné d’un diamant rose.
Silence écrasant. Aucun bruit n’est perceptible.
– Ce cadeau est tout à fait particulier, car il signifie que la jeune femme
choisie sera invitée à partager un premier rendez-vous avec moi demain, pour
faire plus ample connaissance.
Le silence se prolonge anormalement. Les filles comprennent qu’on s’est
joué d’elles. D’un coup, elles font le lien entre le nom qu’elles ont inséré
dans l’urne et le cadeau en perspective.
Leurs regards se croisent et Louis y décèle un brin d’incrédulité. L’enjeu
de cette soirée est devenu soudainement primordial, mais il est désormais
trop tard pour changer l’issue du vote.
Elles sont toutes suspendues à ses lèvres, car la fille qu’elles ont pensé
être la moins dangereuse de toutes vient de prendre une longueur d’avance.
L’animateur prend la parole.
– Mesdemoiselles, nous allons clore cette première soirée en révélant le
nom de celle qui, selon vous, n’aurait eu aucune chance d’obtenir un rendez-
vous dans les prochains jours. Eh oui, vous l’avez bien compris, elle partira
dès demain matin pour un petit déjeuner en compagnie de Louis. Et c’est
vous qui l’avez choisie.
Lentement, une vague d’amertume envahit la pièce.
Pendant ce temps, Louis se voit confier par l’animateur une large
enveloppe rose contenant le nom de la gagnante. Il ouvre la boîte et
contemple le bijou. Un petit diamant rose monté sur pendentif étincelle dans
l’écrin. La plus belle des pierres précieuses pour orner le cou nu d’une des
filles de la compétition.
L’instant s’étire encore ; il doit attendre qu’un membre de l’équipe
technique lui fasse signe pour annoncer le prénom de la jeune femme retenue.
Ainsi, la tension atteint son paroxysme. Les filles, maintenant immobiles, ont
cessé de se regarder les unes et les autres pour se focaliser sur une seule et
unique chose : la boîte ouverte posée dans la paume de Louis. Après tout,
elles ne savent pas qui va remporter le rendez-vous et le diamant. Et, contre
toute attente, Louis sait qu’elles ont subitement envie d’être celle qui
représente le moins de danger.
Le dénouement est proche. Elles fixent encore le bijou hypnotisant que
Louis tient entre ses mains. Seules leurs poitrines se soulevant à une cadence
endiablée trahissent leur manque d’assurance.
– La jeune femme que vous avez élue est… Victoria !
Tous les yeux convergent vers la jeune femme brune qui, très émue, jette
des regards autour d’elle comme pour s’assurer qu’il s’agit bien de sa
personne. Elle se lève, les joues rosies par le trac. Visiblement heureuse.
Louis s’approche d’un pas assuré. Quand il est près d’elle, il pose les
mains sur ses épaules puis, tout en la fixant, ouvre le fermoir de la chaîne afin
d’y insérer le diamant monté en pendentif.
– Ce diamant signifie que nous partirons ensemble demain matin pour
partager un petit déjeuner au bord de la mer. Est-ce que tu es d’accord pour
m’accompagner dans ce premier rendez-vous ?
– Oui…, souffle-t-elle en lui rendant son sourire.
– Très bien, je te remercie !
Victoria saisit son pendentif entre ses doigts et Louis s’éloigne. Il sourit.
Il aime ce petit air de triomphe qu’il vient de lire dans ses yeux. Quelque
chose d’intrépide, d’audacieux, et qui balaie le contexte de la victoire. Si les
autres filles l’ont considérée comme étant la moins dangereuse, il faudra
dorénavant faire avec elle. Victoria, un prénom sur mesure.
– Bonsoir, mesdemoiselles ! Je vous remercie encore pour cette soirée et
vous dis à demain. Passez une bonne nuit.
Louis sort sur ces mots, entendant les multiples « Bonne nuit à toi
aussi ! » qu’on lui adresse, certain que la nuit va être bonne.
Tout lui semble sensationnel, et ce n’est que le début.
***
FORMULAIRE D’INSCRIPTION AU JEU
PRÉNOM : Victoria
MÉTIER : Étudiante en droit
VILLE : Lille
ÂGE : 21 ans
TAILLE : 1 m 68
POIDS : 53 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Châtains
COULEUR DES YEUX : Noisette
LOOK : Girly
SIGNE DISTINCTIF : Je suis une vraie romantique.
CAPITAL SÉDUCTION : Mon côté naturel et authentique en a déjà fait fondre
plus d’un.
POINT FAIBLE : Je n’aime pas la compétition, mais si l’enjeu en vaut la peine, je
suis capable de sortir les griffes !
Les filles s’approchent de Victoria, qui explique que c’est une incroyable
surprise pour elle.
Personne ne s’appesantit sur le vote. Tout vient de basculer en une
fraction de seconde. Un aperçu de l’atmosphère dans laquelle elles vont
évoluer les jours suivants.
La conversation passe très vite du diamant au rendez-vous et toutes
essaient d’imaginer ce qui l’attend.
Victoria a déjà une boule au ventre à la perspective de ce tête-à-tête avec
le beau jeune homme qu’elle vient de rencontrer ce soir, mais pour l’heure,
elle tente de le cacher.
Elle navigue en terrain inconnu et elle sait que la prudence est de mise.
Elle est la cadette du groupe, alors mieux vaut montrer à ses camarades
qu’elle a confiance en elle, histoire d’attirer le respect et ne pas avoir à
supporter de railleries de leur part.
En quelques heures, elle a compris quel genre de femmes elle aurait en
face d’elle dans ce jeu. Pas celles dont elle s’entoure habituellement. Toute à
ses réflexions, elle remarque toutefois qu’aucune d’entre elles ne lâche des
yeux le diamant qui pend maintenant au bout de sa chaîne.
Puis ses pensées s’évadent. Elle s’imagine au bord de la mer, bercée par
une douce brise matinale, ayant Louis pour elle seule. Dans ce contexte, son
anxiété n’est pas près de disparaître. En même temps, elle a beau réfléchir, il
y a une éternité qu’elle n’a pas ressenti cette délicieuse sensation de papillons
dans le ventre.
Elle se prend même à imaginer la bague qu’elle pourrait recevoir à la fin
du jeu, si la chance reste avec elle. Elle en a déjà rêvé lorsque son inscription
a été validée, mais ce diamant si fin et qui lui paraît maintenant si lourd vient
sérieusement de faire progresser les probabilités en sa faveur. Six paliers à
franchir pour se voir offrir la bague de fiançailles et un chèque de
100 000 euros.
Elle saisit sa longue robe jaune orangé et la remonte un peu avant de filer
dans l’escalier qui mène aux chambres. Elle a besoin de se retrouver, de se
couper de toute cette agitation.
Mais même là-haut, les discussions vont bon train, et certaines se sentent
obligées de lui expliquer qu’elles n’ont pas voté pour elle. Oh, pas
directement, mais plutôt par de petites insinuations, du genre « J’avais plutôt
pensé à Cassandra » ou bien « C’est incroyable, la moins assortie avec Louis,
c’était plutôt Karen ! »
La course a commencé et il ne faudra pas se détourner de l’objectif.
Toutes savent clairement pourquoi elles sont là. Personne n’oublie que, parmi
elles, il n’y aura qu’une gagnante. Et chacune tentera de multiples stratégies
pour arriver à ses fins.
Victoria, au travers de ces discussions, perçoit la crainte des autres filles.
Elle qui laisse volontiers aux autres le premier plan, elle se surprend à retirer
du plaisir de cette situation. Ce soir, elle se sent grisée par l’euphorie de
l’aventure qui débute. Porter ce diamant vient de lui donner des ailes.
Après tout, ce sont les filles qui ont voté contre elle, pas Louis. Mais quoi
qu’il en soit, il n’avait pas l’air d’être déçu du résultat.
C’est exactement ce qu’il lui fallait pour qu’elle se sente prête à
décrocher le prix mis en jeu. L’excitation la submerge. Et sa détermination
entame une lutte acharnée contre sa défiance habituelle.
Avant de se coucher, les filles échangent avec elle un regard poli, mais
qui trahit une seule et unique pensée… que la meilleure gagne.
Chapitre 3
Épisode 2
Bonsoir à toutes et à tous ! Bienvenue dans ce deuxième épisode de Pour toujours et à jamais.
Précédemment, vous avez fait la connaissance de Louis ainsi que des vingt jeunes femmes qui vont se
disputer son cœur. Et je vous confirme que la compétition est déjà bel et bien lancée ! Toutes sont
tombées sous le charme de ce célibataire sexy et sont prêtes à croquer le fruit défendu. À l’approche des
premières éliminations, c’est une affaire de secondes avant qu’elles ne sortent les griffes pour se
l’arracher…
***
Quand ils arrivent au bord de la plage, Louis se félicite du choix que les
filles ont fait pour lui, même si Victoria est un peu jeune à son goût.
L’air est frais ce matin, non pas à cause des températures mais du fait du
vent marin vivifiant.
Victoria porte un short en jean foncé et un pull large laissant apparaître
l’une de ses épaules dénudée, mais qui cache, contre toute attente, le diamant
qu’elle s’est vu remettre la veille. Elle repousse ses longs cheveux épais sur
un côté mais ils reviennent sans cesse à leur place en lui caressant l’épaule. Il
remarque aussi les chaussures décontractées qu’elle a choisies afin de
marcher plus facilement dans le sable.
Elle a un côté naturel et simple qu’il aime retrouver chez une femme et,
en se promenant ici, il se sent en parfaite harmonie avec elle. Il sait que c’est
avant tout un sentiment d’amitié, car à ce stade, l’intimité n’a pas encore pris
le pas dans leur relation, mais c’est un bon début.
On les a déposés près de Saint-Jean-Cap-Ferrat, endroit qu’il connaît
parfaitement. À l’inverse, Victoria, en lui indiquant qu’elle vient du nord de
la France, a tout à découvrir ici.
Elle ne cache pas sa joie devant ce paysage. Cette simple promenade
semble lui procurer énormément de plaisir, et Louis a subitement envie de lui
prendre la main. Mais comme c’est un peu prématuré, il se retient et ils
continuent de marcher l’un à côté de l’autre.
Après avoir arpenté la plage, ils empruntent un sentier et atteignent un
coin aménagé en espace pique-nique : une nappe est positionnée à même le
sol, sur laquelle un panier garni a été placé, le tout face à la Méditerranée. La
couverture est installée juste au-dessous d’un pin parasol assez large, où ils
peuvent s’asseoir et écouter le chant des cigales.
Comme ils surplombent la mer, le vent souffle moins fort et les rayons du
soleil réchauffent très rapidement le petit endroit prévu pour eux. Le
panorama est magnifique. L’un de ceux que Louis préfère.
La mer recouvre le sable en de lentes ondulations apaisantes et le soleil se
reflète sur l’immensité bleue, la transformant en un tapis scintillant. Seuls les
quelques bateaux que l’on aperçoit au large permettent de replacer ce tableau
dans la réalité.
Victoria se retourne. Elle paraît aussi émue que lui par ce paysage.
– C’est superbe, dit-elle.
– C’est même mieux que ça, murmure-t-il.
Louis est attendri par ce décor qu’il connaît pourtant si bien. En plus de
sa beauté, ce cadre lui apporte quelque chose de plus précieux encore, la
nostalgie des heureux moments de son enfance.
Victoria le tire doucement de ses songes en le prenant par la main pour
s’asseoir sur la couverture étendue au sol. Il se laisse faire, gagné par la
magie du moment, presque envoûté par autant d’ingrédients magiques réunis.
Un cadre magnifique, une femme superbe et la séduction omniprésente, telle
une alchimie liant merveilleusement le tout.
– C’est drôle, je connais bien cet endroit, mais je ne m’en lasse pas, finit-
il par avouer.
Conscient d’être trop près de quelque chose d’intime pour lui, Louis se
reprend. Il ne veut pas expliquer que c’est ici qu’une partie de son enfance
s’est déroulée. C’est bien trop tôt.
– Enfin, à vrai dire, je n’y viens plus très souvent, je suis toujours en
déplacement, lance-t-il avec un sourire. Tu aimes voyager ?
– Oh oui ! s’exclame Victoria. Et même beaucoup. Malheureusement, je
n’ai pas eu l’occasion d’aller très loin. Et puis, il faut bien le dire, mes études
m’ont beaucoup accaparée ces dernières années.
– Ah ! Ça signifie que c’est une chose qui ne te déplairait pas, alors ?
– Bien au contraire, Louis.
Victoria le fixe du regard afin qu’il comprenne qu’elle s’est
officiellement lancée dans la compétition.
– C’est une bonne nouvelle ! répond-il pour la conforter dans cette idée.
Et il pose la main sur sa joue. En retour, elle lui adresse un large sourire.
Le contact de sa peau est doux. La pudeur s’estompe à mesure que
passent les minutes. Impossible de nier qu’il aimerait qu’elle l’encourage à
poursuivre son geste vers d’autres parties de son anatomie. Ce rendez-vous
est envoûtant et, en d’autres circonstances, ils auraient pu s’abandonner
davantage. Tout est cependant bien trop récent. Alors, pour mettre de la
distance entre eux, ils se tournent au même moment vers le panier prévu pour
le petit déjeuner.
***
FORMULAIRE D’INSCRIPTION AU JEU
PRÉNOM : Jessie
MÉTIER : Assistante marketing
VILLE : Région lyonnaise
ÂGE : 26 ans
TAILLE : 1 m 70
POIDS : 57 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Rousse, pour de vrai !
COULEUR DES YEUX : Bleu électrique
LOOK : Un brin bohème
SIGNE DISTINCTIF : Je suis une rêveuse. Une adepte des fins heureuses.
CAPITAL SÉDUCTION : Quelques minutes passées avec le beau célibataire et je
suis capable de l’envoûter… pour longtemps.
POINT FAIBLE : Ma compassion, impossible pour moi de laisser une femme à
terre !
***
Comme prévu, Louis les rejoint pour la balade à cheval organisée l’après-
midi même. Quand il les aperçoit, elles sont en train de boire un café sur la
terrasse. Il s’adosse à la porte-fenêtre pour admirer une fois de plus le
spectacle et prend une profonde inspiration.
La situation n’est vraiment pas banale. L’enchaînement des activités
l’empêche de mettre de l’ordre dans ses idées. Lui qui est plutôt quelqu’un de
réfléchi, il est contraint, ici, d’être dans l’action perpétuelle. On lui impose
une forme de lâcher-prise qui met ses émotions et ses sensations au premier
plan.
Ce relâchement lui fait du bien. Pour une fois, il n’a qu’à se laisser porter,
à se laisser séduire.
En l’apercevant, les filles se lèvent d’un bond et l’invitent bruyamment à
table pour partager un café. Il accepte sans se faire prier, estimant que, de
cette manière, il laissera quelques minutes aux quatre filles qui doivent partir
avec lui pour enfiler un jean et des chaussures fermées, précautions
indispensables pour la promenade.
Louis se glisse de lui-même sur une chaise vide isolée en bout de table
avant que ne fusent les demandes insistantes d’une dizaine de filles qui
voudront l’avoir tout près d’elles. Choisir et risquer de blesser des orgueils
pour de telles futilités le mettent mal à l’aise. Quelques heures en compagnie
des filles lui ont appris à devancer ce genre de situations épineuses qui, à
coup sûr, pourraient vite refroidir l’ambiance. Ainsi installé, sans heurt, il
apprécie ce moment où chacune lui sourit. La conversation tourne autour de
lui, toutes se montrent très intéressées par la qualité de son sommeil.
Tentatives plus ou moins subtiles pour marquer des points auprès de lui.
Vraisemblablement, il est au centre de l’univers des vingt femmes
habitant la maison, et ce sentiment est transcendant. Cette sensation assouvit
un désir profondément ancré en lui, quelque chose de primal. Quelque chose
qui n’attendait qu’une opportunité pour remonter à la surface…
***
FORMULAIRE D’INSCRIPTION AU JEU
PRÉNOM : Alexandra
MÉTIER : Gérante d’un magasin de sport
VILLE : Nantes
ÂGE : 25 ans
TAILLE : 1 m 73
POIDS : 60 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Blond
COULEUR DES YEUX : Marron
LOOK : Sexy sportive
SIGNE DISTINCTIF : Ma spontanéité
CAPITAL SÉDUCTION : J’aime partager des sensations fortes… Le beau
célibataire va en prendre plein la vue.
POINT FAIBLE : Pas de quartier… (C’est un point faible ?)
Note pour plus tard : surtout, éviter de mettre une femme en colère.
Chapitre 5
***
Alexandra retient son souffle. La tension est palpable. Après avoir goûté
à l’adrénaline du jeu, difficile d’envisager d’en être écartée aussi rapidement.
Un bref coup d’œil autour d’elle lui permet de constater qu’elle n’est pas
la seule à maintenir une immobilité artificielle, juste pour se donner un air
assuré. Une attitude qui ne trompe personne. Comme elle, toutes ont imaginé
ce moment, mais aucune ne savait vraiment à quoi s’attendre.
Son assurance, gagnée au prix de nombreux efforts, a fondu comme neige
au soleil. Elle a cru voir dans son pendentif offert quelques heures plus tôt le
signe qu’elle était à l’abri du danger pour ce soir, mais cette certitude ne s’est
pas vérifiée. Ce n’est pas un symbole d’immunité, car toutes ont reçu un
présent ; ce n’est donc rien de plus qu’un cadeau pour celles qui restent, et un
souvenir pour celles qui seront éliminées.
Elle a eu du mal à masquer sa déception lorsqu’elle a compris cela.
Alexandra se force à respirer calmement pour apaiser les battements de
son cœur, qui n’a de cesse de s’emballer depuis que le silence s’est installé.
L’animateur leur fait face désormais, aux côtés de Louis.
– Bonsoir, mesdemoiselles. Je suis enchantée de vous retrouver ce soir.
Elles le saluent en retour.
– Nous voici réunis pour les toutes premières éliminations, c’est pourquoi
je me permets de vous rappeler les règles du jeu. En franchissant ce premier
palier, les gagnantes empocheront la somme de 5 000 euros.
L’animateur marque une pause afin de laisser le temps à chacune de bien
assimiler ses paroles. Alexandra observe autour d’elle la réaction des autres
filles. À n’importe quel moment du jeu, elles peuvent préférer s’en aller.
Avant que Louis ne procède à ses choix. Une forme de quitte ou double
infernal. Sauf que, pour l’heure, partir maintenant sans presque rien n’aurait
pas de sens.
Personne ne se manifeste. À ce stade du jeu, tous les espoirs sont permis ;
empocher 5 000 euros en atteignant ce palier ou rester dans la course pour
décrocher le cœur de Louis. Aucune fille ne va se saborder toute seule. Plus
tard, les choses seront différentes.
Louis s’empare du micro. Le moment est venu. Alexandra se pince les
lèvres. Il lui faut affronter ce laps de temps vide pendant lequel on les filme
sous tous les angles. Elle a les mains moites. Si le gars de la production ne
fait pas signe à Louis pour qu’il se lance, Alexandra va finir par réaliser un
plaquage en règle !
Discrètement, elle frotte ses paumes sur le voile de sa longue robe noire.
Elle expire et relève le menton, les mains sur les hanches. C’est la posture
qu’elle a pris l’habitude d’adopter sur le terrain de foot en position offensive,
face à l’adversité. Car à cet instant, Louis devient l’adversaire.
– Je tiens d’abord à vous faire part de toute ma gratitude. Sachez que,
comme vous, ce n’est pas la partie du jeu que je préfère… Aujourd’hui, vous
avez toutes reçu un pendentif en relation avec nos activités de la journée ; un
fer à cheval, un croissant pour mon petit déjeuner avec Victoria, une étoile
pour les autres filles avec lesquelles je n’ai pas encore eu la chance de sortir
de la villa.
Instinctivement, les filles posent leur main sur leur poitrine à la recherche
du précieux cadeau. Alexandra en fait de même et, soudain, elle comprend…
La couleur.
– Certaines ont reçu un pendentif en or, d’autres en argent et,
malheureusement, quatre d’entre vous ont reçu un pendentif en bronze.
Alexandra sent son cœur s’emballer. Toutes les filles jettent un regard
affolé sur leur collier pour vérifier ce qu’elles savent déjà. Déjà, on entend les
couinements des filles qui sautent de joie.
Alexandra sait qu’elle reste. Elle a obtenu un pendentif en or. La réponse
était là, sous leurs yeux. Louis leur a distribué les pendentifs en véritable pied
de nez. Avec un peu de malice, elle aurait pu trouver le code. Mais encore
fallait-il savoir qu’il y en avait un.
Puis, elle sourit. Louis l’a choisie. Et mieux que ça, elle porte un
pendentif en or. Spontanément, elle a envie de traverser la salle en courant,
mais elle se retient, sentant ses yeux devenir humides. Elle se tourne vers les
autres filles, le cœur battant à tout rompre, un peu frustrée tout de même de
ne pouvoir laisser éclater sa joie. La retenue n’est pas son fort.
Son après-midi a payé, elle est fière d’elle. Gonflée à bloc, elle jette un
œil vers ses camarades – en particulier vers Gwenaëlle – afin de les narguer.
Il faut qu’elles comprennent maintenant qu’elle sera une adversaire de taille.
Sans trop savoir pourquoi, elle a envie de remercier Louis. Mille fois. Il
vient de lui offrir une victoire et lui procure ainsi ce qu’elle aime le plus, le
picotement de la réussite. Elle le cherche du regard. Il adresse un sourire
désolé aux filles éliminées ; Loann, Lucille, Sonia et Betty. Bien
évidemment, elles sont très déçues d’être si vite écartées, mais leurs réactions
restent modérées. Louis s’excuse auprès d’elles sans indiquer de motif
particulier. Mais que dire !
Une première étape est franchie, et quelque chose dans l’air a changé. Le
temps de la rencontre est révolu, les règles sont énoncées.
Alexandra remarque que les filles restantes, ayant goûté à l’adrénaline du
jeu, semblent plus alertes. Le conte de fées prend maintenant une autre
dimension.
Il y a quelque chose de sauvage dans leur regard, qu’elle n’avait pas vu
auparavant. Une lueur féroce qu’elle connaît bien et qu’elle ne pensait pas
trouver au fond de leurs yeux.
L’appât du gain.
Un état hypnotique, qui les mettra rapidement en manque.
Chapitre 6
Épisode 3
Bonsoir à tous ! Bienvenue dans ce troisième épisode de Pour toujours et à jamais. Au cours de la
première soirée, Louis a dû éliminer quatre de nos demoiselles. Elles sont maintenant seize à poursuivre
l’aventure, plus enthousiastes que jamais ! Vous avez compris que Victoria a une longueur d’avance,
puisqu’elle exhibe fièrement un diamant en plus du pendentif qu’elle vient d’obtenir. Mais ce que vous
allez découvrir, c’est que, comme dans tous les contes de fées, les obstacles menant au prince sont
nombreux : car la jalousie s’invite à la fête…
PRÉNOM : Magdalena
MÉTIER : Serveuse
VILLE : Toulouse
ÂGE : 26 ans
TAILLE : 1 m 76
POIDS : 65 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Brune
COULEUR DES YEUX : Noisette
LOOK : Garçonne
SIGNE DISTINCTIF : Mon instinct ne me trompe jamais.
CAPITAL SÉDUCTION : J’ai toujours eu un feeling naturel avec les hommes. Je
peux déchiffrer leurs moindres désirs…
POINT FAIBLE : Mon manque de confiance en moi.
Le lendemain, le petit déjeuner est nettement plus gai. Les doutes et les
incertitudes semblent avoir été remisés pour laisser la place à la belle journée
d’été qui s’offre à elle.
Le soleil est au rendez-vous, et la promesse d’un moment en compagnie
de Louis – ou, tout au moins, au bord de la piscine – est bien là.
La tablette, posée sur la table basse du salon, est accueillie par une ola
générale. Jasmine ouvre le fichier une fois que toutes les filles sont assises en
face.
Magdalena patiente, au centre du canapé, en croisant discrètement les
doigts.
Cette fois-ci, il s’agit uniquement de quelques lignes.
Cassandra,
L’été est au rendez-vous. Que dirais-tu de découvrir les calanques de Piana, en
Corse, en ma compagnie ? Je suis sûr que, toi aussi, tu trouveras ce décor magique.
Louis
***
Après le repas, ils se jettent à l’eau. Les températures étant déjà fort
élevées, ce bain les rafraîchit agréablement.
– Il y a des années que je n’ai pas pris le temps de me baigner comme ça,
tout un après-midi, dit Cassandra.
– Moi aussi.
– Ça fait un bien fou !
Elle l’éclabousse et il lui répond de la même manière. Ils rient et se
courent après dans les vagues jusqu’à ce qu’elle tombe devant Louis, qui
trébuche à son tour.
Un instant, ils restent couchés l’un à côté de l’autre, dans les quelques
centimètres d’eau transparente du bord de plage. Son corps est offert au
regard de Louis. Et elle remarque que celui-ci ne se gêne absolument pas
pour profiter de la vue, s’attardant même un peu sur son décolleté.
– Au fait, merci !
– Merci de quoi ? demande Louis en se rapprochant d’elle.
– De m’avoir choisie aujourd’hui.
Cassandra se rapproche également afin de l’observer sous un meilleur
angle. Louis ne la quitte pas des yeux, au point qu’elle se sent transpercée par
l’intensité de son regard.
Lentement, elle en profite pour détailler son anatomie. Son torse, puis ses
bras, ses mains, ses doigts, son maillot de bain – insistant volontairement sur
son entrejambe. Ses cuisses, puis les mollets, et enfin ses pieds.
Elle sait qu’il la regarde pendant qu’elle parcourt chaque centimètre de
son corps, laissant croître une atmosphère sensuelle entre eux. Quand elle a
fini, elle revient à ses cheveux. Une mèche tombe sur le front de Louis et lui
donne envie de tendre la main pour la remettre en place. Mais elle se retient.
Surtout, ne pas être trop rapide. Louis est différent des autres hommes, il faut
prendre le temps.
Cassandra joue encore de son regard, s’attardant sur son visage. Ses traits
sont étonnamment fins pour un homme. Ses expressions s’y dessinent à la
perfection. Par exemple, en ce moment, elle sait qu’il est en train de réfléchir.
Elle aimerait connaître ses pensées. Pour une fois, elle trouverait cela très
intéressant. Louis a tout l’air d’un homme avec qui l’on peut discuter.
Les événements de la journée ont créé une véritable complicité entre eux.
Elle est surprise de voir avec quelle facilité elle accepte Louis dans son
espace intime. Avec envie.
Peut-être qu’elle pourra retenir la mante religieuse qui se tapit au fond
d’elle ? Après tout, prendre du plaisir n’est pas incompatible avec la réussite
de son objectif.
***
Louis sent le regard de Cassandra errer sur son corps. Quand elle croise
ses yeux, ils échangent un sourire fugace, car elle fuit immédiatement vers
une autre partie de son anatomie.
Il a le sentiment de la déstabiliser, et cela le touche. Rien d’autre que la
naissance d’une relation n’est en train de se produire, et nul ne peut savoir s’il
s’agira d’un lien sentimental ou bien amical. Mais ce qu’elle lui donne depuis
quelques minutes est vrai, sans artifice. Il le sent. Louis se demande
cependant si c’est réciproque.
Il est heureux d’avoir fait la connaissance de Cassandra aujourd’hui. Et
surtout, il est satisfait de constater que son petit jeu des jours précédents n’est
rien d’autre qu’une pure mise en scène destinée à brouiller les pistes menant
jusqu’à elle. Après tout, à sa manière, elle lui ressemble un peu. Elle ne se
livre pas facilement.
À cet instant, il a envie de l’embrasser. Tout, dans ce rendez-vous, prête à
cette conclusion. Il ne serait pas éconduit, car le regard de la belle Latine est
brûlant de sensualité.
Mais il se retient. Il ne faut pas précipiter les choses. Au contraire, il
préfère attiser ce petit jeu de séduction, auquel il est en train de prendre goût
– sans jamais lui montrer qu’elle lui plaît. C’est de cette manière qu’il la fera
sortir de sa coquille.
Ils rentrent en début de soirée, épuisés par leur journée. Louis pense aux
autres filles ; elles sont encore en lice, et même si l’après-midi a été doux,
rien ne peut garantir à Cassandra qu’elle soit l’ultime prétendante. C’est ce
qu’il se répète en boucle afin de garder la tête froide. Car cette fille a des
atouts indiscutables.
Sous la douche, Louis prend le temps de réfléchir et de faire le tri dans les
derniers événements. Cette émission l’éloigne de plus en plus de la réalité.
C’est comme s’il s’agissait d’un recoin du monde, composé de plusieurs
îles paradisiaques, qu’il découvre au fur et à mesure de ses escapades. Et dans
lesquelles il progresse à chaque nouveau rendez-vous.
Il passe de longues minutes à frictionner son corps, comme encore
engourdi par la baignade de l’après-midi.
Louis a toujours pris soin de lui. Non pas pour se construire une image
qui pourrait plaire aux filles, mais par simple hygiène de vie. Il fait beaucoup
de sport pour se défouler et prend la peine de manger équilibré.
Aujourd’hui, ses muscles saillent sous sa peau. Il se sent bien dans son
corps – ce qui est souvent perçu comme de l’arrogance. Mais pour lui, c’est
une simple question de confort. Se libérer des préoccupations physiques pour
se concentrer sur d’autres aspects de la vie.
Louis se regarde maintenant attentivement dans le miroir. Il est en parfait
accord avec lui-même. L’après-midi a été profitable : il arbore maintenant un
léger teint hâlé qu’il ne se connaissait pas.
Ces dernières années, son unique préoccupation a été son travail, ne lui
laissant que peu de temps pour profiter du soleil, pour se détendre et flâner.
Il se sèche avec une serviette-éponge, puis enfile un caleçon avant d’aller
s’étendre sur le lit et faire le point sur la journée.
À la réflexion, pourquoi cherche-t-il autant à maîtriser son instinct ? Ici,
rien ne l’oblige à le brider…
***
Note pour plus tard : ne pas chercher à comprendre les femmes, sous
peine d’une migraine carabinée.
Chapitre 9
Épisode 4
Bonsoir ! Nous voici de retour pour un nouvel épisode de Pour toujours et à jamais. Les filles se
sont toutes lancées dans la conquête de notre bel homme. Du moins, en apparence… Dans cet épisode,
vous verrez notre prince charmant plus confus que jamais. Heureusement pour lui, certaines
prétendantes sèment des baisers à son intention, afin qu’il trouve plus facilement le chemin menant
jusqu’à elles…
Les filles choisies ont toutes revêtu une tenue de sport. Magdalena en a
fait de même. Le message parle d’un moment de « pure adrénaline ». Elle a
donc fait le lien avec une activité sportive à sensations fortes. Comme si
l’émission n’en procurait déjà pas assez.
Elle a passé beaucoup de temps à éplucher les précédentes saisons de
Pour toujours et à jamais. Elle sait que le message doit être pris au pied de la
lettre. Ce qui se profile doit nécessiter un tempérament d’acier ou bien des
performances extraordinaires. Elle sait qu’ici, il faut s’attendre à tout.
Or, cette fois-ci, elle a une carte à jouer et espère faire la différence. En
tant que sportive attirée par les activités extrêmes, elle devrait tirer son
épingle du jeu.
Régulièrement, son frère l’emmène faire une session de sauts en
parachute, à une heure de Toulouse. Et il y a peu, ils se sont mis tous les deux
à la spéléologie. Visiter des grottes grandioses, à une centaine de mètres sous
terre, est un loisir en train de devenir une véritable passion.
Aujourd’hui, elle s’interroge sur ce qui va leur être proposé.
Et sa curiosité va bientôt être satisfaite car, dans vingt minutes à peine,
une voiture viendra les chercher devant la villa. Sofia, Lou, Jasmine, Lisa et
elle s’y précipiteront certainement afin d’avoir la meilleure place au côté du
beau célibataire.
Et c’est exactement ce qui se passe lorsque le véhicule se fait entendre
dans la cour. Malheureusement, elle a beau jouer des coudes, elle est évincée
par les autres filles.
Sauf que Louis ne les accompagne pas !
Magdalena masque difficilement sa déception car, en plus de se partager
un rendez-vous à cinq, elle est privée de la compagnie de Louis pendant le
trajet. Un moment de proximité incontournable qu’elle avait déjà intégré dans
sa stratégie de séduction.
Les filles n’échangent pas un mot durant les kilomètres qui les séparent
de leur destination. Apparemment, elles n’ont pas grand-chose à se dire.
Magdalena a tissé très peu de liens avec les filles de la villa, et encore
moins avec celles qui se trouvent dans la voiture.
Ces dernières années, elle a eu du mal à se faire des amies du côté de la
gent féminine. Alors, tout naturellement, elle s’est dirigée vers les individus
masculins, qui sympathisent beaucoup plus facilement avec elle.
Au détour d’un virage, la voiture ralentit et s’engage sur un étroit chemin
qui les mène à un belvédère. Le chauffeur s’arrête sans donner la moindre
explication et toutes sortent du véhicule, s’approchant de la falaise.
En face d’elles, enjambant un ravin de plusieurs dizaines de mètres,
Magdalena distingue un pont, sans doute celui qu’aurait emprunté leur
voiture si elle n’avait pas bifurqué pour les déposer ici.
Elle plisse les yeux afin d’identifier la personne qui leur fait signe,
visiblement en équilibre sur la barrière servant à protéger du vide. L’homme
paraît sur le point de tomber !
– Les filles, vous avez vu ce gars, là-haut ? leur demande-t-elle.
– Ouais, répond Lisa. Vous croyez que c’est Louis ? J’ai du mal à voir
avec le soleil.
– On dirait, reprend Lou. Mais qu’est-ce qu’il fait en équilibre sur ce
pont ?
– Il ne peut pas sauter, il n’a pas de harnais, constate Jasmine. Mais il est
très près du vide quand même…
– C’est flippant, reprend Magdalena. Il veut nous faire peur ou quoi ?
– En tout cas, c’est pas drôle. Si c’est pour nous impressionner, moi,
j’aime pas ça, dit Sofia.
– Mais, qu’est-ce qu’il fait ? demande encore Lou.
– Ah ! Ça y est, il s’écarte, ouf ! Il m’a fait peur, dit Magdalena
– Mais non ! Regardez ! Il se penche en avant, constate Lou.
– Il est en train de glisser. Mince, les filles, regardez, il…
– Non ! s’écrient-elles en chœur.
L’homme vient de plonger dans les airs, ayant aux pieds un élastique que
Magdalena ne voit que lorsqu’il s’élance.
Il rebondit plusieurs fois, et finit par se poser en douceur au fond du
ravin, où une autre personne l’aide à se défaire de son matériel.
Magdalena rit un peu en secouant la tête, au milieu des couinements
suraigus des autres filles. Elle s’est laissé duper par la plaisanterie de Louis et
reconnaît volontiers avoir eu peur pour lui.
Les autres filles s’apaisent assez vite puis semblent agacées par ce petit
jeu.
Lou souffle bruyamment, comme pour évacuer son exaspération.
– Il est fou, ce gars !
– On s’est bien fait avoir, les filles, dit Magdalena en rajustant sa queue-
de-cheval. Et à mon avis, le moment d’adrénaline ne va pas s’arrêter là.
Puis elle tente, dans un élan de sympathie :
– J’espère que vous n’avez pas trop peur du vide !
– Bon, eh bien, de toute façon, on ne peut pas reculer. Moi, je n’ai jamais
fait ça, dit Lou. Ça va être une grande première !
Jasmine s’est assise, comme terrassée par la nouvelle, la rendant encore
plus frêle et fragile que ce qu’elle est déjà.
Magdalena essaie de l’imaginer au bout d’un élastique. Seule l’image
d’une brindille virevoltant au gré du vent se superpose sur Jasmine. Rien à
voir avec une super sportive assoiffée d’adrénaline. Mauvaise pioche : la
pantoufle de vair ne convient pas. L’activité n’est pas faite pour elle.
Magdalena, telle une Cendrillon moderne, a un petit rire moqueur face à sa
belle-sœur essayant une chaussure qui n’est pas à sa taille. Maintenant
rassurée, elle est impatiente de rejoindre Louis et de profiter de ce rendez-
vous qui lui va comme un gant.
***
FORMULAIRE D’INSCRIPTION AU JEU
PRÉNOM : Jasmine
MÉTIER : Esthéticienne
VILLE : Bordeaux
ÂGE : 22 ans
TAILLE : 1 m 60 (presque)
POIDS : 45 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Brune
COULEUR DES YEUX : Verts, en amande
LOOK : Poupée rétro
SIGNE DISTINCTIF : Mes yeux de biche
CAPITAL SÉDUCTION : J’ai toujours su développer l’instinct protecteur de ces
messieurs. N’importe quel homme ne rêve que d’une chose, c’est de me prendre
dans ses bras pour me rassurer.
POINT FAIBLE : Est-ce que j’ai vraiment besoin d’être rassurée ? Oui, c’est vrai,
je suis une trouillarde…
Elle l’entend se lever, encore. Elle sait très bien pourquoi il n’arrive plus
à dormir sereinement. La retransmission de l’émission approche et aucun
d’eux ne peut occulter davantage ce qui s’est passé.
L’ultime lien qui les relie toujours à ce jeu.
Tout ce qui a eu lieu au moment du tournage va passer au premier plan, et
tous ceux qui le souhaitent pourront les voir se débattre avec leurs sentiments.
Se délecter de leur intimité.
Elle savait que ce moment allait arriver. Et elle pensait s’y être préparée.
Mais aujourd’hui, elle comprend qu’elle est loin du compte.
La date fatidique hante son esprit du matin au soir. Après tout, tout le
monde connaît leur histoire et le principe de l’émission, alors il ne devrait pas
y avoir de surprise à proprement parler.
Mais le doute s’est immiscé dans son esprit.
Pourquoi Louis est-il à ce point nerveux ?
Elle ne devrait pas être si perméable à ses états d’âme, mais c’est plus fort
qu’elle. Les caméras étaient présentes à chaque instant. Un tri consciencieux
a dû être effectué pour ne garder que le plus croustillant.
Les images vont-elles leur montrer quelque chose de rédhibitoire ?
Quelque chose qui les empêcherait de poursuivre leur chemin ensemble et de
planifier le mariage, la dernière étape avant que le jeu ne soit définitivement
clos ?
Gagner ce jeu aux côtés de Louis a été l’une des meilleures choses qui lui
soient arrivées. Bien qu’au début, elle ait du mal à croire à sa réussite. Louis a
fait en sorte de brouiller les pistes à de nombreuses reprises.
Elle s’était inscrite, c’est vrai, amusée et conquise par le concept, un peu
attirée par les paillettes et le décor digne d’un conte de fées, avec ses
quelques milliers d’euros à la clé.
Sa dernière déception sentimentale était digérée, mais elle gardait encore
une sorte d’arrière-goût amer, spécialement à chaque fois que l’idée de
s’engager lui venait en tête. Non pas qu’elle soit obnubilée par tout ça, mais à
son âge, c’était monnaie courante que de la questionner sans cesse sur son
avenir sentimental. À quand le mariage ? Et les enfants ? Bref, on ramenait
toujours au premier plan cette nécessité d’avoir quelqu’un dans sa vie. D’être
en couple.
Sauf que ce n’était pas sa préoccupation première.
Cette aventure devait être la parenthèse dont elle avait besoin, au niveau
sentimental. Mais surtout, elle pensait gagner quelques billets et, au pire,
restait l’amusement au travers d’un jeu grandeur nature.
Et aujourd’hui, il y a Louis.
Ils doivent avoir une discussion. Une vraie discussion.
Le jour de la finale, pourtant, elle a cru qu’il lui ferait sa demande en
mariage. C’est comme ça que ça s’était passé dans les précédentes éditions.
Mais pas pour Louis.
Il voulait prendre le temps. Profiter des six mois dans leur intégralité.
Sans que, finalement, rien ne se profile à l’horizon, si ce n’est l’iceberg
que représente la retransmission de l’émission.
C’est vrai qu’il n’est pas du genre expansif. Le retour à la réalité a
d’ailleurs été plus compliqué que ce qu’elle pensait. Mais elle a compris que
le contexte était bien différent. Elle a accepté de laisser derrière elle une
partie du Louis qu’elle a rencontré là-bas pour véritablement le découvrir.
Et elle ne le regrette pas. Cela lui a permis de laisser mûrir ses propres
choix, ses réflexions, ses projets.
Elle s’est même habituée à cette distance dont il a besoin. Louis a sa part
de mystère, et c’est comme ça qu’il faut le prendre. Elle s’en est fait une
raison.
Se lever la nuit, sans rien dire, n’est pas une attitude qui la gêne
véritablement, car il n’est pas du genre à extérioriser ses angoisses et à parler
de ses problèmes. Son travail est stressant et elle sait qu’il fait souvent face à
des situations inextricables. Sauf que, dans ce cas, elle sait parfaitement de
quoi il retourne. Ce n’est pas son travail qui sème le trouble.
Est-ce qu’il a des regrets ? Dans ce cas, elle aimerait qu’il le lui dise. Cela
pourrait l’aider à y voir plus clair.
Louis a un impérieux besoin de tout contrôler. Même ses émotions. C’est
sans doute ce qui forme le plus grand contraste avec le jeu.
Elle sourit. Il ne sait pas que les sentiments ne se contrôlent pas. Car,
parfois, son regard le trahit. Et d’ailleurs, ces derniers temps, elle a lu quelque
chose de différent au fond de ses yeux, difficile à interpréter. Comme s’il
éprouvait un conflit intérieur.
Alors, la crainte s’est immiscée dans ses pensées à elle. Une crainte
irrationnelle.
Louis tarde à lui faire sa demande en mariage. Pire encore, il n’y a aucun
signe qui puisse lui laisser penser qu’il y songe sérieusement. Ce n’est pas de
bon augure. Est-ce qu’il se demande si elle est prête à renoncer à la bague et à
l’argent pour lui ?
Elle sait qu’ils auraient dû en parler. Mais aucun d’eux ne prend
l’initiative de lancer le sujet. Ils font semblant.
Quand ils s’assoient ensemble sur le canapé, elle affirme que tout va bien.
Qu’elle n’est pas inquiète. Et lui la rassure et dit qu’il tient à elle. Il lui
explique froidement à quel point ils sont compatibles, comme la résolution
d’une équation… Pourtant, reste une inconnue… Qu’ils éludent totalement.
Et que l’émission va se charger de dévoiler.
Elle se sent fragile, terrorisée par le raz-de-marée qui s’annonce et qui va
déferler sur leur couple aux fondations si fragiles.
Il lui faut agir pour se sortir de tout cela. Ces nuits d’insomnies ne
peuvent pas continuer ainsi.
Louis file sur la route escarpée. La dernière fois qu’il a pris le temps de
conduire sa moto remonte à presque deux ans, et le fait qu’on lui propose de
piloter ce nouveau modèle, en exclusivité pour l’émission, l’a tout bonnement
ravi.
Il aime ce sentiment de liberté, alors qu’il est encore grisé des sensations
procurées par son saut un peu plus tôt. Décidément, cette émission où chacun
de ses désirs est exaucé lui donne des ailes ! Il se sent bien comme jamais.
Il s’est habitué à la compagnie des filles et regrette de ne pas pouvoir les
avoir toutes avec lui aujourd’hui.
D’ailleurs, il n’a plus l’impression qu’elles se forcent pour attirer son
attention, maintenant. Il a reconnu cette petite étincelle dans leurs yeux. Reste
à voir si cet entrain est vraiment motivé par sa personne. Il se peut que
certaines aient déjà pris goût au fait de gagner de l’argent.
La prochaine soirée d’élimination qui a été concoctée va en surprendre
plus d’une.
La princesse sera-t-elle prête à céder son royaume pour son prince ?
Princesse… Ce mot le fait fondre de plaisir. Maintenant qu’il les connaît
toutes, il aimerait beaucoup repartir avec l’une d’entre elles.
Dans la vie de tous les jours, Louis a l’habitude de plaire aux femmes.
Mais les règles de politesse et de courtoisie font que les situations de vraies
rencontres ne sont pas si nombreuses.
Il lui arrive de rencontrer une belle femme à son travail, mais dans le
contexte d’un rendez-vous professionnel, impossible de tenter quoi que ce
soit, ni même de s’autoriser à interpréter certains signes. La notoriété de son
cabinet et le respect de ses collaborateurs passent avant tout le reste. Même
chose lorsqu’il fait du sport. Généralement, c’est une pause qu’il s’accorde
entre deux rendez-vous, et il n’a pas le temps de papillonner.
Il gare sa moto à quelques mètres de la zone de saut. Les filles sortent
rapidement du véhicule, excitées par la proximité du vide.
Louis s’approche du responsable de l’activité pour faire un point sur
l’organisation et invite les filles à le suivre.
– Il vous faut décider de l’ordre dans lequel vous voulez sauter, reprend
Louis. De mon côté, je serai…
– Comment ça ? l’interrompt Magdalena. Tu ne sautes pas avec nous ?
– Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, répond-il en riant, mais je ne
suis pas sûr de pouvoir encaisser six sauts dans la matinée.
– Ah, OK, lui dit-elle, l’air un peu déçu. J’aurais tellement aimé partager
ce moment avec toi.
Louis remarque que les autres filles la fusillent du regard. Il sait qu’il
commence à y avoir des tensions, et cela ne va pas aller en s’arrangeant.
Plusieurs fois, même, il a eu l’impression de les voir se retenir en sa présence.
Cela le flatte que Magdalena ait souhaité partager ce moment avec lui.
Depuis le début de la matinée, elle s’est donné beaucoup de mal pour attirer
son attention. Et elle a réussi. Les quelques phrases qu’ils ont échangées lui
ont fait bonne impression. Comme elle paraît moins sûre d’elle que les autres
filles en temps normal, ses efforts la rendent d’autant plus charmante.
À bien y réfléchir, Louis s’intéresse à elle depuis le début. Leurs
échanges sont toujours légers, loin des jeux parfois compliqués des autres
filles. Et aujourd’hui, tout semble le confirmer.
Il s’autorise un regard appuyé sur sa silhouette. Son short noir moule le
bas de son corps et révèle des cuisses menues et toniques. Elle a néanmoins
des formes généreuses, mais très bien placées : des fesses rondes et une jolie
poitrine.
Mais ce qu’il aime le plus chez elle sont ses longs cheveux un peu
ondulés. Ce matin, elle a choisi de les attacher, et pour Louis, c’est une
révélation. Il distingue mieux les traits de son visage, et considère,
indiscutablement, qu’elle fait partie des plus jolies filles de la villa.
Son regard se détache à contrecœur du corps de Magdalena pour se poser
sur le petit groupe.
Les autres filles semblent également surprises qu’il ne fasse pas le saut en
tandem avec elles.
– Oui, enfin, tu n’es pas la seule, lance Lou sur un ton sec à l’attention de
Magdalena. On aurait toutes eu très envie de sauter avec toi, Louis !
Les autres filles hochent la tête, sauf Jasmine qui semble de plus en plus
mal.
Louis sait comment les satisfaire.
– Après le saut, reprend-il en direction de Magdalena, je serai en bas et je
te ramènerai… en moto, si tu es d’accord ?
– C’est vrai ?
Il voit ses yeux s’illuminer. Et il aime cette façon qu’elle a de le regarder.
– Ça, c’est super ! reprend-elle. J’adore la moto !
Louis se tourne vers les autres filles afin de ne pas les exclure de la
conversation.
– D’ailleurs, je vous ramènerai toutes, si vous êtes d’accord ?
– Super ! dit Lou en souriant.
Les autres filles hochent de nouveau la tête en signe d’assentiment. Louis
leur fait un clin d’œil et le petit groupe s’avance près du matériel. Un jeune
homme, en charge d’organiser la session de sauts, se place face à eux afin de
donner les consignes. Louis a bien remarqué la façon dont il regarde les filles
depuis leur arrivée. Autant de belles jeunes femmes au mètre carré, prêtes à
se jeter dans le vide, doit lui être inédit. Mais, en plus d’être perturbé par leur
beauté, il semble y avoir autre chose, en rapport avec leur tenue.
– Bonjour à toutes, moi, c’est Tom. Je vais vous équiper, puis vous vous
présenterez sur la plateforme dans l’ordre que vous avez défini. Vous
viendrez vous placer ici, juste devant cette croix, et attendrez que je finisse
d’attacher l’élastique. Ensuite, vous n’aurez plus qu’à vous approcher du
bord et à essayer de sauter le plus loin possible. Et, euh… il y a également
des pantalons afin que les sangles ne vous fassent pas mal. Désolé,
mesdemoiselles, mais certaines ont mis un short un peu trop court.
Louis constate que seules Jasmine et Magdalena ont un short qui arrive à
mi-cuisse. Sofia, Lou et Lisa rougissent devant la remarque et se dirigent
derrière la table où sont posés les pantalons que leur indique l’animateur.
Louis s’amuse de la situation et se surprend à les regarder se rhabiller, un
peu déçu, car cet ensemble de jambes découvertes était plus qu’agréable. Il
s’en veut immédiatement de ce manque de discrétion. Il agit comme si ces
filles étaient toutes ses petites amies. Maintenant qu’il y pense, c’est une idée
qui est loin de lui déplaire…
Malheureusement, il ne peut les admirer davantage car la première
volontaire est déjà attendue pour sauter.
Magdalena, celle qui a manifesté le plus de joie à l’idée de faire le grand
saut, se présente, enthousiaste et souriante, comme à son habitude.
Elle regarde le vide puis Louis, visiblement très excitée à la perspective
de se jeter dans le vide. Elle lui demande de lui confirmer qu’il l’attendra
bien en bas, lorsqu’elle aura terminé son saut. Il hoche la tête et lui donne sa
parole.
***
***
***
Magdalena sent son cœur s’emballer dans sa poitrine. Jamais elle n’aurait
espéré que la matinée se déroule de cette manière. Tout se passe à merveille.
Elle regrette presque que, de là où elles sont, les autres n’aient pas pu voir le
baiser qu’elle vient d’échanger avec Louis. Elles en seraient restées bouche
bée.
D’un geste, après avoir enfilé le blouson et le casque, elle vérifie la
présence de son pendentif en or. Elle s’agrippe à Louis, encore chamboulée
par cette tendre étreinte, et fait le vœu que ce moment se prolonge encore.
Lorsqu’elle voit Louis engager la moto dans la direction opposée à celle
qui est prévue, ses rêves les plus fous se frayent un chemin dans son esprit.
Louis accélère vigoureusement à chaque sortie de virage, mais ne prend
cependant aucun risque. Magdalena est certaine que cette vigilance est une
attention envers elle.
Au bout de cinq ou six kilomètres, il arrête la moto sur le bord du chemin.
Ils enlèvent leur casque et mettent pied à terre avec empressement.
Magdalena passe la main dans ses longs cheveux pour les remettre en ordre,
sous le regard appuyé de Louis.
Sans échanger un mot, elle le voit s’approcher à nouveau pour
l’embrasser.
La main de Louis se glisse au creux de ses reins pour la plaquer
davantage contre lui. Ses courbes se pressent contre son torse et elle ne peut
retenir un gémissement. Le plaisir monte en elle et redouble à chaque fois que
leurs peaux entrent en contact.
Elle laisse ses mains plonger dans les cheveux de Louis, chose qu’elle a
envie de faire depuis un moment, puis redescendre le long de son dos pour
finir par trouver le haut de ses fesses.
Leurs corps manifestent une attraction brute, et il est difficile d’y mettre
un terme pour s’en aller. Mais elle sait qu’ils ne peuvent s’éclipser davantage.
Louis tâte les poches de son blouson et en extirpe un petit sachet. Il en
vide le contenu dans le creux de sa main, tout en jetant de rapides coups d’œil
à Magdalena. C’est une pierre rose pâle, montée en pendentif.
Elle s’émerveille du cadeau, du bijou, de ce geste, ici, loin des regards
des autres filles. Louis le glisse dans sa chaîne et l’invite à se rhabiller. Il est
temps de rejoindre le groupe.
À leur retour, ils sont accueillis par des coups d’œil inquisiteurs. D’une
part, les filles ont trouvé le temps bien trop long, d’autre part, il est
impensable qu’elles n’aient pas remarqué son collier.
L’air de rien, et tâchant surtout de ne pas croiser le regard des autres
filles, Magdalena reprend sa place près de la barrière.
Lou, les mains sur les hanches en signe d’impatience, s’approche et saute
à son tour.
Encore sous le charme de cette escapade inattendue, Magdalena reste en
retrait afin de se repasser à loisir le film de ces dernières minutes. Tout se
déroule comme dans un rêve. Sans calcul et sans retenue.
Sa bouche lui semble anormalement sensible. Non pas que la force du
baiser l’ait malmenée, mais il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas été
embrassée… Elle focalise toute son attention sur ses lèvres, afin de percevoir
encore les traces de ce doux échange. Il est déjà reparti pour récupérer Lou, et
cela ne lui fait ni chaud ni froid. Magdalena a eu son moment à elle, qui a
largement dépassé ses espoirs les plus fous.
Elle vient de rentrer dans la course pour la conquête du cœur de Louis. Et
ce qui vient de se produire lui garantit une confortable avance. Elle baigne
dans l’euphorie la plus totale.
Pour que cela recommence – parce qu’elle veut déjà une autre dose de
Louis – il faudra qu’elle aille le plus loin possible dans l’émission.
Contre toute attente, elle est bel et bien sous son charme, ce qui rend ce
jeu de séduction encore plus agréable ; et c’est en souriant qu’elle se souvient
de ses premières motivations, de ce qui l’a poussée à s’inscrire. Son objectif
était de se prouver qu’elle pouvait être une vraie séductrice, et pas seulement
l’éternelle meilleure amie. Maintenant, les choses viennent de prendre un tour
radical.
Magdalena a eu une enfance paisible. Durant cinq années, elle s’est
trouvée dans la même classe que Noah, son voisin, un jeune garçon de son
âge. Naturellement, un lien s’est créé entre eux, une amitié sincère, que
l’entrée dans l’adolescence a un peu bousculée.
Rapidement, elle a mis de côté ses fréquentations pour passer plus de
temps avec Noah, prétextant subir les longues séances de maquillage et de
coiffure organisées par ses amies. Son tempérament impulsif aurait dû aider
Magdalena à se dévoiler, mais aucun moment n’a été le bon pour lui avouer
ses sentiments. Et quand ils ont eu l’âge des histoires sentimentales, elle est
restée sur le carreau, le regardant s’enticher de ses amies, de jolies jeunes
filles ultraféminines aux ongles manucurés. Mais pas d’elle.
Bien sûr, elle a essayé de le rendre jaloux, mais cela n’a eu aucun impact
sur lui. Enfin, pas comme elle l’espérait secrètement. Il n’a eu de cesse de
vanter leur amitié indéfectible. Plus tard, Noah a fini par s’installer avec une
jeune femme, et Magdalena s’est fait une raison. Il commençait une histoire
sérieuse.
Son pouvoir de séduction a été sérieusement mis à mal à cause de cette
histoire, et sa confiance en elle a atteint un seuil critique. Au début, elle a
parlé de l’émission pour fanfaronner et, peut-être aussi, comme une ultime
tentative pour le rendre jaloux. Jamais elle n’aurait cru voir son inscription se
concrétiser.
Tout s’est emballé, et la voilà ici, aujourd’hui, venant tout juste de vivre
un moment incroyable. En un instant, Louis vient de lui faire oublier toutes
les vieilles histoires.
Les filles enchaînent leur saut, mais elle ne les regarde pas vraiment. Pour
elle, l’aventure vient de prendre un nouveau tournant.
Magdalena est la femme d’un seul homme, et il semble que la place vient
de trouver preneur.
Chapitre 12
Note pour plus tard : refuser de but en blanc d’apparaître sur une
vidéo… Je passe mal à l’écran.
Chapitre 13
Il lui faut des mouchoirs, des tonnes de mouchoirs, tant ses larmes ne
tarissent pas. Sa seule consolation étant de voir qu’elle aussi, sa rivale, se met
à pleurer comme une Madeleine à chaque nouvelle scène suggestive. Au
moins, elle préfère la voir comme ça plutôt qu’avec l’air cinglé qu’elle prend
quand elle parle de Louis.
Ce qui est inquiétant, c’est qu’elles pleurent de la même manière, pour le
même homme.
C’est difficile à admettre : Louis est tellement plus démonstratif que dans
la vraie vie. C’était il y a presque six mois, seulement six mois. Et
aujourd’hui, il est totalement différent.
Au fond d’elle-même, elle a le sentiment de voir une autre personne, à
dix mille lieues de l’homme qui partage sa vie depuis une moitié d’année.
Est-ce bon ou mauvais signe ?
Quoi qu’il en soit, ces images ont un effet phénoménal sur elle et elle
vient de s’engager à en visionner chaque seconde, d’une seule traite. De quoi
finir dans un état lamentable…
Il faut dire qu’elle n’a pas vraiment eu le choix. Et maintenant, elle n’a
plus que deux jours devant elle, décalage horaire compris, pour être rentrée
pour le week-end et ne pas attirer les soupçons.
Mentir à Louis n’a pas été simple, mais elle ne pouvait pas faire
autrement.
Elle aurait pu lui avouer qu’elle rencontrait cette fille à Paris, mais il
aurait trouvé cela étrange et n’aurait certainement pas approuvé. Quelle
promiscuité inattendue !
Finalement, la rivalité entre elles ne s’est pas éteinte avec la fin du
tournage. Elle se poursuivra tant qu’existera cette émission. Alors, pour cette
raison aussi, il lui faut aller jusqu’au bout, car elle compte bien lui clouer le
bec.
Ce qui ne débute pas très bien.
Les images les absorbent totalement, et c’est au travers de celles-ci que
leur combat se déroule.
Elles ne savent pas tout ce qui s’est passé pendant le jeu et vont le
découvrir, chaque scène en faveur de l’une ou de l’autre octroyant un point.
Évidemment, elle se rend compte qu’elle aussi a changé. Et, de ce fait,
elle ne pense plus être en mesure d’accepter une deuxième fois les incartades
de Louis. Pour preuve, le haut-le-cœur qui s’empare d’elle à chaque fois
qu’elle le voit à l’écran avec une autre fille. Et l’un des problèmes à venir
sera que, même si ces dernières appartiennent au passé, l’émission va les
ramener à aujourd’hui.
Son cœur va en faire les frais, et pas seulement. Tous ses amis et sa
famille les rendront plus réelles en en parlant, voire en les commentant – une
fois de trop pour elle.
Difficile de passer à autre chose.
Elle imagine déjà le genre de scènes qui l’attend : elle, s’approchant de
son groupe d’amies, pour constater qu’elles cessent de parler au moment où
elles soupçonnent qu’elle peut les entendre.
Elle imagine les gens chuchoter en la fixant…
Les images s’interrompent brusquement, la tirant de ses songes.
L’épisode vient de se terminer et, en tournant la tête, elle distingue la
télécommande dans les mains de l’autre fille, dont les yeux sont gonflés par
le trop-plein d’émotions.
Elle fait une pause.
Malgré tout, elle ne peut s’empêcher d’avoir de la peine, car cette autre
fille fait partie des dommages collatéraux, et il semble maintenant évident
qu’il s’en est fallu de peu pour que ce soit elle qui se trouve à sa place.
L’un des moments vécus lors du tournage de l’émission a fait basculer le
cœur de Louis, mais il n’y a rien d’évident. Ni pour l’une, ni pour l’autre.
Vue sous cet angle, son histoire à elle lui paraît plus que fragile.
– Moi aussi, j’ai besoin qu’on fasse une pause, dit-elle en essayant, en
vain, de lui prendre la télécommande.
– Oui, je comprends, dit l’autre fille. Mais nous avons peu de temps.
– Je sais, je sais, la coupe-t-elle.
– Bien, dit l’autre fille, soudainement très intéressée par ses propos. Tu
commences à comprendre, alors ?
Bien qu’elle se soit préparée à ses piques, elles restent douloureuses.
Toutefois, elle a raison sur ce point.
Elle veut en savoir davantage. Après tout, si cette fille a des preuves
réelles de ce qu’elle avance, autant les dire maintenant.
– Je comprends que tout ceci soit difficile à accepter pour toi, mais il faut
que tu te fasses une raison.
– Non, c’est impossible, je regrette. Mais il faut que tu saches que je me
suis laissé submerger par les émotions après le restaurant. Je ne voulais pas te
suivre, mais il fallait que tu voies ce que j’ai vécu. Quelque chose
d’extraordinaire s’est passé avec Louis. OK, il t’a choisie, mais je suis sûre
que c’est parce qu’il avait peur de la force de notre relation.
Et voilà, elle remet le couvert !
C’est reparti pour la même musique que lors de leur déjeuner quelques
jours plus tôt. Elle veut à tout prix la convaincre, mais tenter de l’avoir à
l’usure n’est pas la meilleure des manières. Pour seul résultat, ses nerfs sont à
vif. Elle risque de ne pas avoir la patience d’écouter sa rengaine, surtout si
elle s’obstine à vouloir la rabaisser ou à minimiser sa relation avec Louis.
– Tu t’imagines bien que je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que tu
avances ? lance-t-elle sur le ton le plus neutre qu’elle peut adopter au vu des
circonstances. Tu ne penses tout de même pas que je vais te dire que tu as
raison et que je vais quitter Louis pour te laisser la place, sans aucune preuve
réelle de ce que tu racontes ?
– Tu sais que votre couple ne tourne pas rond, car au fond, pourquoi es-tu
là, si tu files le parfait amour ?
Elle marque un point.
– Tu sais très bien que la diffusion des images sera difficile à surmonter.
Ce n’est pas un scoop, tout le monde s’en doute !
Impossible d’avouer qu’ils n’ont pas même réussi à parler de tout cela.
Ce serait admettre qu’ils sont vraiment dans une situation périlleuse.
– Oui, mais tu pleures drôlement pour quelqu’un qui n’a que quelques
questions en tête. On dirait que plus tu vois les images, plus tu comprends
que votre histoire est terminée, ou plutôt, qu’elle n’a jamais vraiment existé.
Tu n’as rien à m’annoncer ? Pas de mariage en vue ? Je vois que tu portes
encore la bague. Difficile de t’en passer !
Elle marque encore un point. L’atmosphère se charge d’électricité.
– Ce n’est pas ce que tu penses. J’ai un cœur, figure-toi, et ce n’est pas
facile de revoir tout cela aujourd’hui, dit-elle d’un ton mal assuré. Et pour
l’instant, nous n’avons pas organisé le mariage. Louis a besoin de prendre
son temps, il ne s’en est jamais caché, et je respecte ça !
Elle en a trop dit, elle le sait.
– Vraiment ? Et tu ne t’es pas dit que c’est parce qu’il n’en voulait pas de
ce mariage ? demande-t-elle dans un gémissement effrayant, un mélange de
rires et de pleurs. Et qu’est-ce que tu vas faire quand nous serons rentrés ?
Retomber dans ses bras ? Poursuivre votre relation comme si de rien n’était,
alors que visiblement, tu es aussi blessée que moi ? À te voir, on dirait que
vous êtes loin d’envisager un mariage.
– Arrête ça !
– Ou alors, Louis a enfin compris qui tu étais…
Elle tourne la tête, incrédule.
– Qu’est-ce que tu insinues ?
– Si ton petit manège a dupé tout le monde, reprend-elle, ça n’a pas pris
avec moi. Tu dis que tu veux faire ta vie avec lui, mais tu n’es pas prête à
tout, n’est-ce pas ? Renoncer à cette somme d’argent, et à ce diamant,
maintenant qu’il est au bout de ton doigt, ce n’est pas si simple, hein ?
Une douche glacée s’abat sur elle. Sa rivale marque encore un point et
remporte la partie. Elle a raison. Elle a pensé que la cause des insomnies de
Louis pouvait être la demande en mariage. La diffusion de l’émission lui
rappelle que l’horloge tourne, et peut-être n’est-ce plus ce qu’il souhaite… ou
ce qu’elle souhaite. Parce que cela les met au pied du mur, devant leurs
contradictions. Elle a désespérément essayé de repousser ces idées, mais elles
sont tenaces.
Pour l’heure, il y a plus urgent à régler. Il faut faire taire cette fille, qui se
donne beaucoup de mal pour saboter sa relation avec Louis.
Elle ne va pas se laisser faire.
Remporter une partie ne signifie pas gagner la guerre.
– Tu… Tu ne sais pas de quoi tu parles, riposte-t-elle d’une voix
chevrotante.
– On dirait pourtant que si.
– Louis n’est peut-être pas l’homme que tu crois ! Et concernant mes
intentions, tu n’en sais rien.
– Et as-tu pensé qu’il n’était peut-être pas l’homme que tu crois, dit
l’autre.
– Mais qu’est-ce que tu veux dire à la fin ? Je sais que tu es vexée par ta
défaite, mais c’est trop tard, les dés sont jetés et tu le sais très bien ! On ne
peut pas revenir en arrière. On ne peut pas changer le passé, finit-elle dans un
souffle.
– Si ! On peut… Il n’est jamais trop tard, et puis, merde ! Tu n’as rien
compris ! Il ne s’agit pas d’un élan de fierté. Je me fiche d’être humiliée,
autant que je m’en fichais qu’il puisse aller avec d’autres, tant qu’il me
revenait à la fin. Louis est mon vrai grand amour et je suis sûre que c’est
réciproque. Je ne veux pas te faire de la peine, finit-elle plus calmement. Non,
vraiment pas. En fait, j’essaie de te prévenir. Et tu vas l’avoir, ta preuve, tu
vas la voir de tes propres yeux.
– Tu délires…
– Il est tombé amoureux de moi et ça a été immortalisé par les images.
C’est pour ça que je t’ai contactée.
– Ah oui ?
– Au fond, je n’ai rien contre toi et je voulais que tu saches que j’ai
essayé de te le dire avant que tu ne le découvres toute seule, dit l’autre fille
dans un soupir. Pars avec l’argent pendant qu’il en est encore temps.
– Non, mais c’est du délire !
– Pas du tout, et tu le sais parfaitement.
Plus la conversation se poursuit, plus son esprit est troublé.
Coupant court à la discussion, elle s’empare de la télécommande pour
rallumer le lecteur, les nerfs plus que jamais à fleur de peau. Le générique de
l’épisode suivant démarre sur la voix de Marilyn Monroe.
Elle veut voir ce Louis dont l’autre fille n’a de cesse de parler, car après
tout – et elle s’en veut de laisser ces pensées envahir son cerveau – elle peut
encore garder le chèque et la bague.
Chapitre 14
Épisode 5
Dans votre nouvel épisode de Pour toujours et à jamais, ça y est, Louis commence à afficher ses
préférences. Et cela va conduire certaines prétendantes à se réaffirmer, à tenter le tout pour le tout, afin
de se faire remarquer ! Attention, la situation pourrait bien virer à l’orage…
PRÉNOM : Karen
MÉTIER : Coiffeuse
VILLE : Paris
ÂGE : 26 ans
TAILLE : 1 m 63
POIDS : 56 kg
COULEUR DES CHEVEUX : Je suis blonde.
COULEUR DES YEUX : Vert
LOOK : Sophistiquée, j’adore être sur mon 31, même pour sortir chercher le pain.
SIGNE DISTINCTIF : Mon caractère explosif
CAPITAL SÉDUCTION : On dit de moi que je suis un volcan. Les autres filles
devront se méfier des secousses, le célibataire est à moi !
POINT FAIBLE : Oui, parfois, je peux voir rouge. Mais je redescends aussi vite
que je suis montée (les hommes aiment les femmes de caractère).
Le retour se fait dans une ambiance plus sereine. Karen est surprise que
les filles qui n’ont pas pu profiter de Louis ne cherchent pas à se l’accaparer.
Elle hausse les épaules. À chacune sa stratégie. Si ne pas agir en constitue
une, Karen estime que cela les mènera droit à l’échec.
Elle passe ses doigts sur sa chaîne, qui comporte désormais une étoile
argentée et un tout nouveau pendentif. Impossible de mettre un nom sur cette
pierre jaune. La signification des pierres précieuses lui échappe, pourtant, elle
en est sûre, il doit y avoir un message caché. Ici, rien n’est laissé au hasard.
Arrivés à la villa, les au revoir sont brefs, car la soirée d’élimination va
bientôt commencer.
Karen cherche une robe sur le portant placé dans le hall. Elle passe sa
main sur les tissus brodés scintillants de mille feux. L’une d’entre elles lui
plaît beaucoup. Elle offre un magnifique décolleté qui mettra en valeur ses
pendentifs. Elle raffole de ce qui brille. Ce soir, elle veut être la plus belle de
toutes les princesses…
***
Louis a besoin de reprendre une douche. Ses idées ne sont pas claires : il
doit éliminer quatre filles, mais la soirée arrive trop vite, il ne veut pas se
séparer d’elles.
Les hanches ceintes d’une serviette humide, il se rend dans le salon pour
regarder les posters. Il ne l’avait pas remarqué auparavant, mais il en manque
désormais quatre, ceux des premières femmes qui ont dû quitter l’aventure.
Il réfléchit un instant : il passe plusieurs fois chaque jour devant et n’avait
pourtant pas vu ce changement. Les journées sont si denses qu’il a le
sentiment que tout va trop vite, alors que le départ des dernières candidates
lui semble déjà très loin…
Il retourne dans la chambre pour s’habiller. Le critère qu’il doit retenir
pour faire son choix est simple : la jeune femme doit s’inscrire dans sa vie.
Il doit pouvoir se projeter avec elle sans difficultés et l’imaginer vivre
chez lui. De cette manière, il déterminera quelles sont celles qu’il aimerait
retrouver pour passer ses soirées.
Toutefois, il a été surpris par sa propre réaction cet après-midi. En temps
normal, il a horreur des scandales, et l’attitude autoritaire de Karen en était
clairement un. Pourtant, il a adoré la voir se mettre en colère pour passer du
temps avec lui. Jamais il n’aurait pensé que cela puisse lui faire de l’effet.
Jusqu’à maintenant, il ne se posait pas vraiment de question sur ses goûts
en matière de femme. Mais à présent, une certitude est née, et c’est Karen qui
lui a permis de s’en rendre compte : il aime que les femmes montrent
explicitement qu’elles ont envie de lui. Ce genre-là, ici, dans le jeu, il en
voudrait encore plus.
Karen a bien mérité une pierre précieuse. En tout, il en a offert cinq.
Uniquement aux filles qui ont tenu un rôle particulier pendant les rendez-
vous. Il veut leur faire passer un message personnel qu’il leur délivrera ce
soir.
En éliminer quatre ne va pas être une tâche facile. Ce sont des jeunes
femmes avec des sentiments… et un cœur. Il voit bien que certaines ne
prennent aucune distance avec le jeu et commencent à se livrer à lui.
Bien que cela lui laisse la perspective de vivre de beaux moments, dont il
compte bien profiter, il redoute déjà les prochains choix qu’il aura à faire : le
couperet pourrait être impitoyable.
De retour dans le salon, après avoir regardé intensément les photos
affichées au mur, Louis se lève du canapé et se rend à la villa des filles : ses
choix sont faits.
***
***
Magdalena perd instantanément son sourire. Cassandra est-elle en train
d’insinuer qu’elle a aussi reçu un baiser de Louis ? Impossible. Cette garce
vient pourtant de semer le doute dans son esprit.
Elle doit essayer de lui extirper la vérité. Cette fille est très maligne. Il
faut qu’elle fasse attention à ne pas éveiller les soupçons. Elle ne veut pas
révéler ce qu’elle a vécu, encore moins avec Cassandra. Celle-ci ne se
lasserait pas de faire des commentaires sarcastiques, voire de ridiculiser son
moment de gloire. Cassandra profitera de la moindre faiblesse de ses rivales
si elle se sent doublée.
Ruiner son shampooing n’a pas suffi à lui faire ravaler son arrogance.
Elle se demande alors ce qu’elle pensera de l’ail dans son dentifrice. Celui
qu’elle a pilé puis inséré dans le tube pendant qu’elle dansait dans le hall.
Magdalena saisit sa robe turquoise d’une main afin de la faire tournoyer à
son tour, exactement comme le faisait Cassandra quelques minutes plus tôt,
mimant son geste en tâchant d’avoir l’air aussi sûre d’elle.
En tournant, elle aperçoit Jessie et Léa sur le balcon du premier étage.
Elle ne sait pas si elles ont assisté à la scène avec Cassandra, ou si elles ont
entendu le moindre mot de là où elles se trouvent. Elle leur fait signe de la
rejoindre.
Ces filles-là n’ont pas sympathisé avec Cassandra pour le moment.
Cependant, elle est consciente que tout peut se faire et se défaire, en fonction
des rendez-vous et des préférences affichées par Louis. Elle est persuadée
qu’un seul mot à propos de leur baiser lui vaudrait de passer les jours
prochains seule dans la villa. Et même si la compagnie des filles n’est pas ce
qu’elle préfère, c’est toujours mieux que d’être traitée en paria pour le reste
du séjour.
Au bout de quelques instants, plusieurs filles quittent les salles de bains
pour se rassembler dans le hall. Elles sont désormais presque dix. Les
pronostics vont bon train.
– Bon, les filles, ce soir, je pense que c’est moi qui pars, dit Karen. Je
n’aurais jamais dû m’emporter tout à l’heure. J’y suis allée un peu fort. Je ne
sais pas quoi faire. Peut-être que je devrais…
– Mais non, coupe Lisa. Louis n’a pas eu l’air de t’en tenir rigueur. C’est
normal, après tout, c’était votre rendez-vous. Il l’a bien compris. Ça pourrait
même jouer en ta faveur. C’est la preuve que tu avais vraiment envie d’un
tête-à-tête avec lui. Et puis, regarde, il t’a offert un collier, finit-elle avec un
clin d’œil.
Magdalena fixe le pendentif de Karen et ne peut s’empêcher de ressentir
une bouffée de jalousie. Un homme offre des bijoux semblables à plusieurs
femmes, et ce dans la même journée. Difficile à avaler.
– Oui, dit Caroline. J’ai l’impression qu’il a plutôt aimé ta réaction. Et
c’est vrai qu’on n’était pas prévues au début. Il t’en a fallu, du culot, pour lui
rentrer dedans !
Magdalena est extrêmement étonnée que Caroline et Léa ne soient pas
plus acides avec Karen. Stessy lui a expliqué qu’après son petit spectacle,
Karen a accaparé Louis au détriment des autres. À leur place, Magdalena
aurait râlé, puis mis de l’ail dans son dentifrice à elle aussi.
Ces filles n’ont vraiment pas des âmes de compétitrices. Elles font pâle
figure aux côtés des chasseuses aguerries de la villa. Il y a de fortes chances
qu’elle ne fasse pas long feu.
Une voix nasillarde rehaussée d’un fort accent méditerranéen la tire de
ses songes.
– C’est sûr, certaines ont de bonnes raisons d’avoir peur, ce soir, décoche
Cassandra, avec Lou à ses côtés, comme si elle avait besoin de renfort.
– Oh, tu sais bien qu’on ne peut rien affirmer à ce stade du jeu, lui lance
Magdalena.
– Bien sûr que si ! Il y a juste à observer et à vous regarder faire… ou
plutôt, ne rien faire ! Certaines donnent l’impression de ne pas savoir
pourquoi elles sont ici. Ou peut-être que Louis ne vous plaît pas tant que ça,
en fait ? Peut-être que ce n’est pas la raison de votre présence ici, après tout.
Cassandra pouffe tout en échangeant un regard entendu avec Lou,
laquelle hoche la tête pour donner du poids aux paroles de son mentor.
Clairement, elle insinue qu’elles ont choisi ce jeu uniquement pour faire le
buzz, ou pire encore, pour gagner de l’argent. Ce qui ne doit pas être déclaré
officiellement.
Magdalena sait bien que certaines sont un peu là pour ça. C’est une
manière de profiter de la couverture médiatique de l’émission pour lancer
leur carrière : mannequinat, animation télé, tout sera bon à prendre. Quant à
l’argent, c’est bien le seul sujet délicat à la villa. Mais ce soir, elles sont
obligées d’y penser.
Elles ont déjà 5 000 euros en poche. Demain, les douze filles restantes
auront gagné 10 000 euros. De quoi se donner un peu de mal en présence de
Louis.
Si, pour certaines, cela représente une bagatelle, pour d’autres comme
elle, ce serait la possibilité de donner naissance à un projet personnel.
Magdalena fait rouler ses deux pendentifs entre ses doigts.
Tout serait plus simple si Louis n’avait pas autant de qualités…
La conversation tourne à la dispute, comme si ce différend allait pouvoir
régler la question des éliminations.
– Y en a certaines qui préfèrent la subtilité, si tu vois ce que je veux dire,
lance Karen à Cassandra. On n’a pas toutes besoin de ne mettre que trois
centimètres carrés de tissu pour séduire. Louis s’intéresse aussi à ce qu’on a
dans le crâne, mais tu ne dois pas savoir ce que ça veut dire, hein ?
– Ha ! C’est toi qui dis ça ? Apparemment, tu as fait une sacrée
performance cet après-midi ! Bravo, t’es une vraie séductrice ! À ta place, je
commencerais déjà à faire mes bagages. Tu sais que le jaune est la couleur du
pardon et de la rupture ? Moi, je vous dis, on va bien rigoler ce soir.
– Ah oui ? s’exclame Karen. Et « bleu planète » ? Non, pardon, « bleu
nuit étoilée », riposte-t-elle, moqueuse, ça correspond à quoi ?
– Elle, au moins, n’a pas besoin de traîner devant lui à moitié nue en
tordant les fesses pour avoir un regard. Pas vrai, les filles ? lance Alexandra.
Et vous ne trouvez pas que, bizarrement, dès que Louis arrive, Cassandra se
transforme en une fille agréable et sympa, ce qu’elle n’est plus du tout dès
qu’il passe la porte.
– C’est bas, ce que tu insinues, l’invective Lou. Aussi bas que ton
intellect. Retourne courir derrière un ballon. Au moins, tu auras peut-être une
chance de l’attraper. Allez, viens, Cassandra, on n’a rien à faire avec elles.
– Attends, dit Cassandra en la retenant par le bras. Je n’ai pas l’intention
de me laisser rabaisser par des groupies de seconde catégorie. Louis est à
moi, et pour l’instant, vous n’êtes que de simples distractions. J’ai hâte de
voir vos têtes quand vous serez éliminées ce soir. Pas la peine de pleurer,
vous aurez été prévenues !
Magdalena s’inquiète, le ton monte sérieusement.
– En attendant, relance Karen, j’ai hâte que Louis découvre qui tu es
vraiment derrière ton numéro de fille tout sucre tout miel. Et crois-moi, on va
s’occuper de faire le nécessaire !
Karen et Alexandra se tapent dans la main et se postent l’une à côté de
l’autre pour faire front, mettant un terme à la conversation, qui menace de
dégénérer à tout moment.
Magdalena s’isole dans un coin de la villa. Toutes ces paroles lui ont
donné la migraine. Pourquoi ne pas dire qu’on a voulu s’inscrire au jeu dans
l’espoir d’y gagner quelque chose qui ne soit pas Louis ? Et que
maintenant… rien n’est plus pareil.
Au fond, tout n’est qu’une question d’orgueil. Seize orgueils démesurés
qui se heurtent à chaque instant pour tenter de grappiller quelques centimètres
de plus sur le chemin menant à la victoire.
Magdalena soupire. Elle aurait bien aimé que Cassandra teste son
nouveau dentifrice ce soir.
***
***
Épisode 6
Pour toujours et à jamais est de retour avec de nouveaux rebondissements ! Dans l’épisode
précédent, Louis a offert une magnifique pomme rouge aux filles qu’il souhaitait garder près de lui.
Mais a-t-il bien réfléchi avant de faire ses choix ?
Si certaines prétendantes ont préféré garder précieusement le présent qu’elles ont reçu, d’autres
ont déjà croqué dans le fruit défendu, et pourraient en demander encore…
Note pour plus tard : jeter un embargo sur les pommes rouges !
Chapitre 17
Elle aurait de nouveau besoin d’une pause. De toute évidence, les choses
ne se passent pas comme elle l’avait prévu. Chaque épisode visionné lui
donne la sensation d’un uppercut en plein estomac. À l’inverse, sa rivale…
plus que jamais sa rivale, semble prendre du plaisir à revivre certains instants.
Elle a gardé la télécommande, ainsi, elle laisse les épisodes s’enchaîner.
Il est hors de question qu’elles aient une discussion maintenant, ce qui lui ôte
toute envie de stopper ce douloureux défilement d’images.
Elle doit bien l’avouer : plus elles avancent, et moins elle a confiance en
son couple – en tout cas, en leur futur.
Elle n’ose même pas imaginer les pensées de ses proches. Si certains ont
dit que leur histoire ressemble à un conte de fées, ils vont sérieusement revoir
leur jugement. Rien ne laisse penser qu’ils puissent construire quelque chose
de solide après cela.
Elle avait cru savoir dans les grandes lignes ce que Louis avait fait
pendant ses rendez-vous, car la plupart des filles avaient une notion de la
confidence assez inexistante.
Elle s’imaginait que certaines exagéraient. En fait, elle était même
persuadée qu’elles en rajoutaient. Ça allait de soi dans cette compétition
acharnée.
Aujourd’hui, elle a la preuve que non. Même, les filles ont plutôt
dissimulé l’intensité de ces moments passés avec Louis. Ce qui est encore
plus difficile à accepter maintenant.
Elle s’était imaginé le pire, mais le pire est en deçà de la vérité.
Elle vient d’assister à la troisième soirée d’élimination, et il ne reste plus
que huit filles dans la villa. Toutes, plus que jamais, sous le charme de Louis.
Elle serre encore plus fort la télécommande, pour être sûre que sa rivale
ne cherche pas à s’en emparer afin de repasser en boucle le dernier épisode.
Louis aussi est sous le charme ; celui de l’une des huit jeunes femmes
mais, contre toute attente, ce n’est pas elle.
Sa rivale la regarde du coin de l’œil, entortillant du doigt ses longs
cheveux. Et son air satisfait lui donne la nausée.
Pour sauver la face et tempérer ces images, elle essaie de se remémorer
les événements à venir, ceux qu’elle a vécus avec Louis et qui ont, sans
doute, fait naître leur amour.
Mais même ces souvenirs peinent à temporiser sa colère, parce qu’en ce
moment, elle comprend l’attitude de cette fille. Si elle avait été en dehors de
l’histoire, elle aurait même pu lui donner raison. Pour être honnête, elle se
demande si elle n’aurait pas fait la même chose à sa place. Ce qui devient,
quand elle y pense, un brin tordu et lui donne envie de se mettre des gifles.
Maintenant, elle est furieuse contre Louis, contre sa rivale, mais aussi
contre elle-même. Elle n’arrive pas à réprimer ce sentiment. Cette fille a
réussi à imposer la compétition à nouveau alors qu’il n’y a plus de jeu à
proprement parler. Le tournage est achevé depuis bientôt six mois.
Elle avale sa salive. Les voici à nouveau en concurrence, dans une
situation détestable. Seuls leurs objectifs diffèrent.
De son côté, il lui faut tenter de sauver son couple, repartir après être
tombée au plus bas. Pour sa rivale, il s’agit de débuter une histoire sur une
certitude, écartée lors du tournage, mais qui sera révélée par la diffusion de
l’émission. Certitude fragile ou tentative désespérée : chacune a un véritable
challenge à surmonter.
Elle s’est laissé entraîner par cette fille, mais ce n’est pas fini.
L’affrontement ne fait que commencer et, tout comme la première fois, elle
sera une adversaire de taille.
Chapitre 18
Ça y est, le contact est pris, mais elle sent que toute manœuvre
diplomatique sera vaine.
Elle imagine bien les réticences de l’autre à accepter cette discussion,
mais elle finira bien par céder. Après plusieurs mails échangés, elle lui a
proposé une rencontre. Il faut qu’elle la voie en tête à tête. Elle va se charger
de lui ouvrir les yeux et lui montrer l’évidence de son imposture.
Lors de l’émission, elles se sont plus ou moins bien entendues. Elle a
espéré que l’autre se remémore les bons moments pour accorder du crédit à
sa démarche.
Enfin, après quelques hésitations, la fourbe a fini par accepter.
Tout s’assemble à merveille.
Elle prend cela comme un signe positif. Cette fille veut aussi avoir une
conversation sérieuse. C’est sûrement parce que tout ne se passe pas comme
elle le souhaite.
Louis doit être différent maintenant que le tournage est terminé,
certainement anxieux à l’approche de la retransmission, et sûrement distant
avec sa fausse partenaire.
C’est bien normal, car elle doit encore occuper ses pensées, et il se rend
compte maintenant de son erreur. D’ailleurs, elle est certaine qu’il n’a pas fait
sa demande en mariage.
Est-ce son orgueil qui l’a empêché de reprendre contact avec elle ?
Il faudra qu’elle le rassure, qu’elle l’aide à avancer. Dans un premier
temps, ça ne va pas être facile pour Louis.
De son côté, elle n’a jamais cherché à le contacter. Pas une seule fois.
Elle a pourtant lutté contre cette envie obsédante.
Mais pour se retrouver tous les deux, il doit le vouloir pleinement, et
autant qu’elle. Et pour cela, il doit dépasser sa fierté.
Elle a tellement hâte de le retrouver.
Contre toute attente, sa rencontre au restaurant avec la faux-jeton n’aura
pas été inutile comme elle s’y attendait de prime abord : elles iront voir toutes
les deux, à Paris, l’ensemble des épisodes. C’est une aubaine, car elle pourra
ainsi, en avant-première, lui démontrer ce qu’elle soutient depuis des mois.
Peut-être même que cette fille, en voyant les images, lui laissera le champ
libre.
En fait, par un heureux coup du sort, elle a appris que cette fille avait
demandé à visionner l’émission avant sa diffusion. Lorsque elle-même a
appelé la production pour connaître les dates exactes de la retransmission afin
de peaufiner son plan, la secrétaire de David les a confondues. Elle lui a
même demandé à quel moment elle pensait arriver aux bureaux.
C’était un autre présage, exactement ce dont elle avait besoin.
Voilà six mois qu’elle attend ce moment, qu’elle étrangle un sanglot à
chaque fois qu’elle pense à lui. Leur amour est prêt à être révélé ; plus
réfléchi, plus mûr, dompté par le temps et les épreuves qu’ils se sont
intentionnellement infligées.
Désormais, plus rien ne viendra s’interposer entre eux.
Elle pense à plus tard, quand ils reparleront de tout cela, de tout ce qu’ils
ont dû traverser pour être ensemble. Cette histoire encore plus fabuleuse
qu’un conte de fées.
Elle n’a plus qu’à expliquer son plan à l’hypocrite. Mais c’est gagné
d’avance, car elle a bien vu la façon dont elle regardait sa bague de
fiançailles. Durant tout le repas, elle n’a eu de cesse de loucher sur sa main,
sur son diamant, pour s’assurer constamment de sa présence. Elle n’est pas
prête à le lâcher, c’est certain. Pas même pour Louis.
Et il est temps que l’amour de sa vie le sache.
Chapitre 19
Épisode 7
Bonsoir, et merci de suivre votre émission favorite, Pour toujours et à jamais ! Nos princesses ne
sont plus que huit à occuper la villa et elles sont toutes dans les starting-blocks pour le sprint final.
D’ici quelques heures, trois d’entre elles devront quitter l’aventure, non sans avoir eu l’opportunité de
tenir un petit discours devant notre beau jeune homme. Exercice périlleux… et très révélateur !
***
Louis sait que l’animateur s’est chargé d’expliquer aux filles que la soirée
est une proposition de sa part. Mais ce qu’elles ignorent, c’est qu’il accueille
ses deux associés cet après-midi et qu’ils y participeront incognito.
Il sait que sa demande n’est pas commune, mais il a envie d’entendre les
filles s’exprimer sur des sujets plus pointus. C’est ainsi qu’il a songé au
thème de l’environnement, qui lui est venu tout naturellement.
Il comprend bien que l’exercice puisse être plus facile pour certaines, les
plus loquaces. Mais ce n’est pas leur assurance qu’il veut évaluer ce soir.
Plutôt leur capacité à prendre un sujet au sérieux et à l’expliquer, ni plus ni
moins. Une chose essentielle si l’une d’entre elles doit être la femme avec qui
il vivra.
Louis se rend en personne à l’aéroport de Nice pour accueillir ses amis et
associés, Bao et Julian.
L’idée du cabinet est née à la fin de leur cursus. Tout au long de leurs
études, ils ont appris à se connaître, partageant les bons comme les mauvais
moments. La vie étudiante, dans ce genre d’école, n’a rien d’une fête
permanente comme on le voit dans la plupart des séries télé. C’est Louis qui a
été le plus réticent, au premier abord. Non pas qu’il estimait que le projet soit
voué à l’échec, car ses deux associés sont aussi doués que lui, mais il ne
voulait pas risquer de perdre leur amitié. Bao et Julian sont comme des frères
pour lui. Ils sont sa famille, les personnes sur qui compter en cas de
problèmes. De quoi faire réfléchir sérieusement à l’idée de monter un
business ensemble.
Dès qu’ils sont suffisamment près, Louis leur fait un grand signe. Il
enjambe la barrière pour aller à leur rencontre, les accueille d’une accolade et
ils repartent tous ensemble en direction de la voiture.
– Alors, Louis, raconte-nous ! l’interroge Bao un peu plus tard. Ça fait
déjà quelques jours que tu es ici. Comment ça se passe ?
Bao est d’origine chinoise, et ses multiples réseaux ont été décisifs lors de
la création du cabinet. Naturellement souriant, il ne laisse jamais rien paraître.
Louis commence tout juste, après plus de dix années d’amitié, à savoir ce qui
se trame dans sa tête. D’ailleurs, il s’est toujours dit qu’il serait imbattable au
poker, s’il essayait un jour.
– Eh bien, c’est différent de ce que j’avais imaginé. Ici, tout va à cent à
l’heure, je n’ai pas une minute à moi.
– OK, reprend Julian, et tu ne nous en veux plus de t’y avoir inscrit ?
Louis, en guise de réponse, lui adresse un clin d’œil. Ça l’avait contrarié
que ses amis le poussent dans ce genre d’aventure, mais après tout, ils le
connaissent mieux que personne.
Julian est né à New York mais a fait toute sa scolarité en France, dans la
même école que Louis. Il est indiscutablement le plus loquace des trois amis
et a une nette propension à voir les choses en grand. C’est lui qui avait lancé
l’idée.
Louis sait que Bao et Julian s’inquiétaient de sa solitude. Bien qu’il ait
tenté de chercher l’âme sœur, il restait invariablement seul. Alors, il y a
quelques mois, pour plaisanter, ils ont soumis sa candidature à la production
de l’émission. Une proposition est revenue le mois suivant, mettant Louis au
pied du mur.
Au début, il a tenté d’esquiver, arguant une personnalité bien trop
réservée pour ce type de jeu. Puis, au grand bonheur de Bao et Julian, il a fini
par se laisser convaincre.
Ses amis avaient raison, il était temps de se remuer pour atteindre son
objectif. Et, dans le pire des cas, sa participation serait une aventure agréable.
– Je crois que vous allez être jaloux quand vous allez voir les filles !
– Ah oui ? Ça veut dire que certaines sont à ton goût, alors ? questionne
Bao. Et toi, tu leur plais ? s’exclame-t-il en riant.
– On peut dire ça. Mais vous allez constater par vous-mêmes.
– Quel suspense ! dit Julian. Et comment comptes-tu nous présenter ?
– Officiellement, vous serez présentés demain. Pour ce soir, je vous ai
réservé une mission un peu spéciale. Vous allez les rencontrer d’une manière
inédite.
– Super ! reprend Julian. Une mission d’infiltration ! J’ai hâte d’y être.
Louis sourit avant de les informer du programme de la soirée, du thème et
du discours des filles. Bao et Julian comprennent bien qu’ils ne sont pas là
pour piéger les prétendantes. Il s’agit d’aider Louis à y voir plus clair :
discuter avec elles afin de se faire une idée de leur personnalité. Un défi ardu,
car le concept de l’émission ne favorise justement pas les déclarations de
vérité.
Pour leur faciliter la tâche, Louis a réparti les filles entre eux. Chacun
devra s’attacher à découvrir quatre de ces demoiselles. Cette méthode vise
également à ne pas trop attirer l’attention. Car leur plan ne fonctionnera que
s’ils passent vraiment incognito.
Louis ne doute pas de la réussite de la mission. Il connaît bien ses amis et
sait qu’ils vont jouer à la perfection leur rôle d’agents secrets – surtout qu’il
s’agit de mettre à nu des filles absolument splendides.
***
***
***
Julian fait signe aux deux filles qu’il doit se rendre à l’urne et s’éloigne. Il
expire lentement. Cette soirée est sensationnelle. Se frotter à ces filles, plus
belles les unes que les autres, est une sensation délicieuse.
Il se demande comment fait Louis pour résister à ses pulsions masculines.
Pour sa part, il a déjà une ou deux préférences. Certaines sont, sans
conteste, plus avenantes et plus sincères. Et il n’imagine pas son ami au bras
d’une femme trop caractérielle. S’il ne devait s’attacher qu’au physique, sa
préférence irait à Jessie. Ses cheveux roux lui confèrent une beauté
singulière. Quant à ses yeux bleus, ils sont captivants. De quoi lui faire
regretter de ne pas s’être inscrit lui-même à ce jeu.
La soirée touche à sa fin, il ne lui reste plus qu’à rencontrer Karen. Son
regard s’arrête un instant sur Louis. Cassandra est suspendue à son bras.
Certes, ils forment un très beau couple, mais à y regarder de plus près, il
trouve que Louis est un peu distant avec elle. Cette fille est diablement
sulfureuse. L’incarnation de l’attraction.
Pour terminer sa mission, Julian met de côté ses réflexions et cherche Bao
du coin de l’œil. Celui-ci est en pleine improvisation d’une séance photo avec
trois prétendantes.
– Oui, voilà comme ceci, dit Bao. Un peu plus haut le bras. OK ! C’est
bon, je l’ai !
Il force les filles à se contorsionner pour ses prises de photos fictives. Si
les autres photographes, les vrais, ont été très discrets, Bao s’illustre par son
côté exubérant. Les invités jettent des coups d’œil amusés au petit groupe.
Julian, aussi, ne peut s’empêcher de rire en voyant Léa et Jasmine se plier de
bonne grâce aux demandes farfelues de cet original.
Après plusieurs clichés, Bao s’approche des filles qu’il vient de
photographier. Julian en fait de même, pour ne pas perdre une miette de la
scène. Il connaît bien son associé et son humour décalé.
– Alors, comment vous m’avez trouvé ? demande Bao.
Les filles se regardent, surprises par la question, mais n’osent rien
répliquer.
Julian ne peut s’empêcher de rire. Le look de Bao, avec son pantalon à
carreaux faussement hype, lui attire la sympathie de ses interlocuteurs. Tous
l’ont catalogué comme un artiste marginal prenant son rôle à cœur – et ce
n’est pas peu dire, quand on est au courant de la vérité.
– C’était super, dit Léa.
– In-croy-able, ajoute Jasmine.
– Merci, merci, reprend Bao. Vous n’étiez pas mal non plus. Bon, et si je
vous proposais un job ?
– Comment ça ? questionnent les deux jeunes femmes, soudain très
attentives.
– Disons que j’ai beaucoup de contacts avec des magazines de mode, et la
plupart du temps, ils n’aiment pas s’encombrer d’une agence. Ce qu’ils
veulent, ce sont des photos au rendu optimal, haute résolution, prêtes à
insérer sur la planche. Ils constituent comme cela une banque d’images qu’ils
peuvent utiliser à n’importe quel moment pour illustrer un sujet. Des dizaines
de milliers de photos prêtes à l’emploi. Un marché colossal.
Les filles le fixent, l’air à la fois ahuri et intéressé, sans savoir si c’est du
lard ou du cochon.
– Je disais donc, reprend Bao, que j’ai une proposition pour vous deux –
mais belles comme vous êtes, vous devez en avoir un paquet. Voilà : trois
semaines de shooting photo à Las Vegas, et si on fait l’affaire, une tournée de
trois mois pour produire à grande échelle.
– Trois mois où ? s’exclame Jasmine, l’air stressé.
– Le tour du monde, la totale !
– Pourquoi pas…, répond Léa, j’ai toujours rêvé de faire des photos de
mode.
– Vous seriez partante ?
– On pourrait échanger nos coordonnées et en reparler après le tournage,
non ? tente Jasmine.
– Alors vous, vous n’avez vraiment pas le tempérament d’une
aventurière ! dit Bao, prenant l’air pincé. C’est dommage, car avec votre
physique, je suis sûr que je pourrais vous décrocher un job aux States. Enfin,
c’est comme vous voulez. Je dois aussi avoir quelques possibilités en France,
si c’est le voyage qui vous gêne. Mais, dites donc, votre beau célibataire, il ne
vit pas en Chine ?
– Oui, bredouille Jasmine en rougissant.
– Bon, voici ma carte, les filles, dit Bao, balayant d’un revers de main la
conversation. Vous y repenserez à tête reposée. Tenez-moi au courant !
Bao se retourne pour rejoindre Julian, et ils se dirigent tous deux vers les
rafraîchissements. Comme Karen est à proximité, Julian en profite pour
engager la conversation.
Elle donne l’air d’être littéralement mortifiée. Lors des discours, plus tôt
dans la soirée, Julian a trouvé sa réaction immature. Et il sait ne pas être le
seul à avoir pensé à un caprice. Il a lu la même chose sur le visage des autres
invités lorsqu’elle a dû être remplacée par Cassandra.
C’est dommage, car elle a donné raison à tous ceux qui n’ont de cesse de
dire qu’une jolie fille n’a rien dans le cerveau.
Lorsqu’il engage la conversation, elle semble complètement ailleurs et,
de ce fait, elle répond de travers à presque toutes ses questions. Bao, qui se
tient juste à côté d’eux, le regarde discrètement en levant les yeux au ciel.
Julian la laisse rapidement s’éclipser afin d’abréger ses souffrances.
Côte à côte, les deux hommes se sourient, et Bao adresse un discret signe
de tête à l’attention de Louis. Leur mission est accomplie.
***
Épisode 8
Pour toujours et à jamais ? C’est sûr que, plus que jamais, nos cinq jeunes filles restantes vont
devoir s’interroger sur leurs vraies motivations. Vont-elles choisir de garder le cap sur le cœur de
Louis ? Vont-elles céder à l’appât du gain ? Pour vous, chers spectateurs, voici l’avant-dernier épisode
de Pour toujours et à jamais !
Plus que cinq filles. Jasmine est parmi les cinq dernières habitantes de la
villa : Cassandra, Victoria, Magdalena, Jessie et elle. Elle devrait sauter de
joie devant sa performance, mais elle reste blottie dans son lit. Elle n’est pas
la seule, en cette fin de matinée. Les couloirs sont calmes, déserts.
Pas un bruit ne lui signale le réveil des autres filles.
Les éliminations de la veille ont été mouvementées. Karen et Lou sont
parties d’elles-mêmes, avec 20 000 euros chacune. La rencontre avec les
associés de Louis a marqué un tournant décisif dans le jeu. Les faux-
semblants et les faiblesses ont été impitoyables. De toute manière, Jasmine
est à peu près certaine que Louis les auraient éliminées, ce qui a été le cas
pour Léa.
Toujours aucun bruit dans la villa.
Le coucher a été plus que tardif que d’habitude et les filles ont besoin de
récupérer de toutes ces émotions. De plus, la journée qui s’annonce sera tout
à fait particulière car aujourd’hui, elles vont présenter leur famille à Louis.
Un pas de plus dans la conquête du cœur de leur héros.
Le raisonnement est imparable : avant d’accélérer les choses, il faut
vérifier que l’histoire est sérieusement envisageable. Dans les précédentes
éditions, cette rencontre n’avait pas eu lieu, ce n’est pas une obligation. Mais
Louis a opté pour ce choix. Il semble accorder énormément d’importance à la
famille. Jamais il ne leur en a parlé ouvertement, car il est très secret, mais
ses manières et sa bonne éducation semblent aller dans ce sens. Un brin
traditionaliste. En somme, jamais il ne pourrait rester avec une jeune femme
sans que sa famille ne lui donne son consentement.
Pour elle aussi, les proches sont d’une importance capitale. Pas une
journée ne passe sans un appel ou, mieux encore, une visite à la maison de
ses parents. La famille représente une source d’amour inconditionnel à
préserver coûte que coûte. Au début de l’émission, Jasmine n’était pas
anxieuse à l’idée de cette rencontre. Son objectif était juste de participer.
Force est de constater qu’elle a franchi bien plus d’étapes qu’elle n’aurait
pensé.
Aujourd’hui, la concurrence est rude et elle ne figure pas parmi les
favorites, c’est plus que certain. Elle voit bien comment Louis regarde les
autres filles. Elle ne bénéficie pas d’autant d’attention, elle n’est pas dupe.
Ce matin, Jasmine réfléchit à son futur, à ce qui se passera après le
tournage. Si elle sort finaliste du jeu, que gagnera-t-elle vraiment ? Devra-t-
elle troquer cet amour profond pour sa famille en échange d’une autre forme
d’amour, certes effusif et passionnel, mais qui, comme un brasier, risque de
se consumer un jour ? Est-ce bien ce qu’elle souhaite ?
Jasmine est tourmentée par la situation. Sa conversation avec les amis de
Louis lui revient sans cesse en tête. Pendant le repas qu’ils ont partagé
ensemble, ils ont beaucoup insisté sur le fait qu’il faudrait vivre en Chine, s’y
installer.
Elle ne s’était pas projetée si loin. Elle n’avait pas pris en compte cette
réalité, pourtant nécessaire. Louis a sa situation professionnelle là-bas, et
aussi sa vie à lui. Et cela fait toute la différence.
Quant à elle, grâce au jeu, elle a déjà gagné 40 000 euros. Une belle
somme. Bien plus que ce à quoi elle s’attendait. Qui l’eût cru ?
Elle n’en revient pas de n’en prendre conscience qu’à cet instant, mais
vraiment, jamais elle n’aurait pensé aller si loin dans l’aventure.
Elle n’est pas téméraire, un point c’est tout.
Après avoir retourné la situation dans tous les sens, elle comprend qu’une
seule option serait envisageable pour rester ici plus longtemps et s’engager
avec Louis si l’occasion se présentait : il faudrait que toute sa famille parte
pour la Chine. Cette pensée lui arrache un sourire.
Sa décision est prise.
Quarante mille euros, c’est une très belle somme.
Finalement, un peu d’agitation se fait entendre dans la villa. Jasmine est
la toute dernière à descendre, juste avant midi, et retrouve les filles attablées
en silence dans la cuisine, devant leur énième café.
Il n’y a rien d’autre sur la table du petit déjeuner. Soit les filles, comme
elle, n’ont pas d’appétit, soit elles soignent leur silhouette, les deux
hypothèses étant tout à fait crédibles. Jessie est la première à remarquer sa
valise, qu’elle interprète sans difficulté.
– Mais… qu’est-ce que tu fais ?
– Eh bien, je…
Submergée par l’émotion et le poids de ses sentiments, Jasmine éclate en
sanglots. Les filles se tournent toutes vers elle, incrédules, prenant conscience
peu à peu de ce qu’elle est en train de faire.
– Viens par là, lui dit Victoria.
Elle la fait s’asseoir tandis que Jessie reprend :
– C’est juste passager, Jasmine, un coup de blues. Prends le temps de
réfléchir.
Cassandra se racle la gorge, montrant ainsi qu’elle désapprouve la
tournure que prend la conversation.
Faisant mine de l’ignorer, Magdalena prend la parole :
– Pourquoi veux-tu partir, au juste ? Je veux dire, pourquoi maintenant ?
Les prochaines éliminations n’auront pas lieu tout de suite. Tu peux prendre
le temps.
Elle a raison. Tout change si vite, ici, que personne ne peut dire qui
restera ou qui partira.
– Disons que… j’ai bien réfléchi… et je ne me sens pas prête à aller vivre
en Chine, répond-elle entre deux sanglots.
Le silence qui suit sa réponse est éloquent. L’argument est de taille.
– C’est maintenant que tu percutes ? lui demande Cassandra, qui s’était
tue jusqu’à présent.
– Je le savais déjà, dit Jasmine, continuant de sangloter. J’avais juste
besoin de temps pour m’en rendre compte.
– OK, mais alors, pourquoi tu pleures ? Tu vas rentrer chez toi et le
problème va être réglé. Ou bien tu n’as qu’à patienter un peu, et je suis sûre
que tu seras la prochaine éliminée.
Jessie fait de grands yeux à Cassandra, mais Jasmine lui saisit le bras.
Elle a l’habitude du tact légendaire de l’impitoyable Latine.
– C’est que…, tente-t-elle pour s’expliquer. C’est difficile de se dire que
c’est fini.
De nouveau, le silence. Elle vient d’asséner une vérité qui approche à
grands pas. « Fini », un mot qui peut leur sembler improbable, mais que
quatre parmi les cinq restantes expérimenteront bel et bien.
– OK, reprend Magdalena, et qu’est-ce qu’on peut faire pour t’aider,
maintenant ?
– Tu veux peut-être réfléchir encore ? propose Jessie, sur un ton plus aigu
que d’habitude.
Jasmine lève les yeux sur elle. Jessie a changé. Le jeu l’a changée. Au
début, elle était peut-être la plus désintéressée de toutes les filles, mais
aujourd’hui, Jasmine comprend vite que sa présence lors des prochaines
éliminations pourrait bien l’arranger. Rongée par le doute, Jessie craint d’être
la prochaine sur la liste noire de Louis. En bref, elle est prête à la jeter en
pâture si cela lui permet de franchir le prochain palier.
Et elle, naïve, qui pensait s’être fait des amies…
– Non, non. Je veux partir. Maintenant, si possible.
– Sans prévenir Louis ? Il n’est peut-être pas loin, il pourrait sans doute
venir, s’exclame Victoria, les yeux écarquillés.
Jasmine sourit. Encore un espoir de croiser Louis qui s’envole pour elles.
– Écoutez, achève-t-elle, ma décision est prise. Sincèrement, je vous
souhaite bonne chance. Au revoir, les filles.
Elle s’arrête, jette un regard aux quatre filles devant elle, puis reprend :
– Louis a su faire les bons choix. Il n’y a pas de doutes
Alors, la compétition s’interrompt. L’amitié et la sympathie reprennent
naturellement le dessus. Les filles l’embrassent les unes après les autres pour
lui dire au revoir. Jasmine n’est plus une rivale pour elles.
***
Louis est maintenant étendu sur le canapé, dans son salon. Il se passe et
se repasse en boucle l’ensemble de ses rendez-vous. Cet après-midi, il a vécu
quatre moments intenses, riches d’enseignements sur les filles. Et parmi ces
gens se trouvent ceux qu’il côtoiera plus tard.
Ses pensées sont sens dessus dessous. Le doute ronge ses réflexions. Pour
certaines, la question de leur véritable motivation le taraude encore.
À ce stade du jeu, Louis sait que l’une d’entre elles est la bonne. Il est
d’ailleurs surpris par cette absolue conviction. Parce que son ultime choix
n’est pas fait. Il a encore besoin de temps.
Il expire longuement.
Conscient de vivre à deux cents à l’heure, Louis s’endort en contemplant
le mur où ne restent que quatre posters. Les prochains jours vont être décisifs.
Chapitre 22
Elle serre la télécommande contre son cœur après avoir mis sur pause.
Revoir ainsi ses proches lui est difficile. Ils sont venus pour la soutenir et
parce qu’ils ont cru en ses choix. Et jusqu’à présent, elle ne les a jamais
déçus. Alors comment se sortir de cette situation aujourd’hui ?
Elle a besoin d’un répit avant de visionner les quatre derniers rendez-
vous. Une journée entière…
Elle se souvient parfaitement de sa journée à elle, de l’intensité de ce
qu’elle a connu ce jour-là. Elle s’attend à ce que les autres aient connu
quelque chose d’aussi sulfureux. Cela lui garantit des images douloureuses.
Elle a réussi à faire abstraction de sa rivale pendant la dernière heure de
visionnage. Sa présence devient vraiment difficile à supporter. Le fait que
Louis paraisse extrêmement sensible à ses charmes lui donne encore la
nausée. Comme si ces six derniers mois n’étaient qu’un tissu de mensonges.
Par chance, cette dernière ne cherche pas à entamer la conversation. Elle
sourit, comme perdue dans ses pensées. Comme si elle était impatiente de
voir la suite. Sans doute une manière de la narguer. Elle est tellement sûre
d’elle, de tout ce qu’elle avance.
Elles se regardent un instant, sans prononcer un mot. Son cœur se serre.
Elle a le sentiment qu’elles se comprennent de plus en plus. Et c’est
effrayant, car il y a à peine deux jours, elle pensait être à la merci de cette
femme folle à lier.
Non, décidément, elle a trop supporté, trop subi pour pouvoir être avec
lui. Et ces images en sont la preuve.
Elle ne peut pas abandonner, elle ne peut pas reculer. Il faut aller jusqu’au
bout…
Chapitre 23
Épisode 9
Voici venir le dernier épisode de Pour toujours et à jamais ! Les filles ne sont plus que quatre à
convoiter le cœur du beau célibataire. Et si elles semblent sûres et certaines de leur choix, notre beau
célibataire, lui, ne sait pas encore sur quel pied danser. Dans cette dernière ligne droite, les filles vont
devoir user de tous leurs atouts pour remporter ce jeu de chaises musicales…
Premier rendez-vous
***
Louis l’observe rougir une fois de plus de l’autre côté de la table. Il adore
ça. Constater l’effet qu’il a sur elle est tout simplement grisant. Il aime
particulièrement jouer à ce petit jeu avec Victoria, car c’est une fille très
sensible. Contrairement aux autres, elle semble avoir peu d’expérience dans
le domaine de la séduction. Louis se plaît à aller chaque fois plus loin sur ce
terrain-là. Il ne cesse de souffler sur les braises. Bien que novice, il sent
qu’elle acceptera de jouer avec lui, tant la tentation est forte.
– Oui, souffle-t-elle en reprenant la conversation là où ils l’avaient
laissée. Voici les règles du jeu : tu me poses une question sur toi, j’y réponds.
Si j’ai raison, tu réponds à la même question à propos de moi. Après, ce sera
mon tour de poser une question, et ainsi de suite.
– Très bien, mademoiselle, entendu ! On répond tous les deux aux mêmes
questions.
– C’est ça. À toi l’honneur !
– Une minute, je ne sais toujours pas ce que je vais gagner, chuchote
Louis en se penchant par-dessus la table.
Il soupçonne qu’elle a une idée très précise de ce qu’elle attend de lui,
mais va-t-elle oser le lui dire ? Il apprécie de plus en plus le petit jeu qu’elle
vient d’inventer.
– Comme c’est moi qui vais gagner, ça n’a pas d’importance. Je te dirai
plus tard ce que j’ai choisi, dit-elle d’un air faussement insolent.
– Plus tard… aujourd’hui ?
– Bien sûr. Disons que je vais gagner un joker, valable uniquement
aujourd’hui, utilisable dans n’importe quelle condition, à n’importe quel
moment de la journée.
L’idée plaît beaucoup à Louis. Il trouve même que c’est brillant, car
l’après-midi s’annonce agréable et un joker pourrait le rendre magique. Il
s’est laissé entraîner dans ce flirt, mais a bien l’intention de ne pas repartir
bredouille.
Auparavant, ses instincts de séducteur étaient bien plus modérés, plus
dans la retenue, plus subtils. Mais au gré de l’aventure, il a ouvert les vannes,
laissant s’exprimer chacune de ses envies.
– Très bien. Alors, commençons ! fait-il avec une impatience non
dissimulée. Quelle est ma couleur préférée ?
– Le bleu, dit Victoria sans aucune hésitation.
– C’est vrai, répond Louis en écarquillant les yeux. Et je ne crois pas te
l’avoir dit, si ?
Sa carte a toujours été celle du mystère. Depuis le début. Pour fausser les
pronostics, leur donner envie de jouer.
– Hop, hop, hop ! Monsieur, vous enfreignez les règles ! Pas d’autres
questions, c’est à vous de répondre. Quelle est ma couleur préférée ?
– Le violet, dit Louis sans se démonter devant cette adversaire féroce.
– Bien joué ! À moi de poser une question maintenant. Quelles sont les
langues étrangères que je parle ?
– Hum… Anglais, allemand…
– Raté.
– …et italien ! s’exclame Louis.
– Bravo ! Mais comment… ?
– Chut ! Pas d’autres questions, je te prie, coupe Louis dans un grand
sourire. À ton tour !
– Eh bien, je dirais anglais, espagnol et chinois.
– Bien vu, mademoiselle ! Ma question : dans quel département suis-je
né ?
– Les Alpes-Maritimes.
Il hésite. Il sourit. S’il ose lui laisser l’avantage, il pourrait bien décrocher
plus que ce qu’il pourrait imaginer ; la surprise de voir de quelle manière
cette jeune femme apprentie séductrice utilisera son joker. Alors, il décide de
la laisser gagner. Ce n’est pas son département de naissance, mais celui où il
a passé son adolescence. Elle n’a pas remarqué qu’il n’a pas une once
d’accent du Sud. Mais elle a été tellement perspicace sur les deux premières
questions qu’elle mérite largement son laissez-passer.
– Bravo, encore réussi !
– Et moi ?
– Le Pas-de-Calais.
– Raté ! C’est le Nord. Ah ! Monsieur a perdu. Vous m’en voyez
affreusement désolée.
Elle sourit, l’air surprise d’avoir gagné, avant de faire semblant de
s’essuyer le front, mimant un intense effort. À ce moment-là, Louis la trouve
absolument craquante.
– À nous, monsieur ! dit-elle en levant son verre de vin.
– À nous deux, mademoiselle.
La conversation se poursuit. Le temps file à vive allure. Ils reparlent de
leur jeu un peu plus tard, car Louis tient à savoir comment elle a su pour le
bleu. Il n’aime pas qu’on puisse mettre le nez dans ses dossiers personnels.
Déformation professionnelle.
Elle lui explique que c’est grâce à son expression quand il a vu la mer
lors de leur premier rendez-vous.
– Tu avais l’air… amoureux, lui dit-elle. Les femmes connaissent ce
regard parce que…
Elle s’arrête. Elle rougit.
Louis se souvient de ce moment. Est-ce le regard qu’une femme voudrait
que l’on pose sur elle ?
À son tour, Louis s’explique aussi pour l’italien : il avait repéré le
pendentif en forme de botte ornant la chaîne autour du cou de son père. Un
signe évident pour qui sait observer. Victoria reprend la parole. Bien que
vivant dans le Nord, son père a toujours gardé autour du cou ce collier, offert
par sa grand-mère originaire des Abruzzes.
Après leur repas raffiné, ils flânent un peu dans les rues de Madrid.
Tout naturellement, Louis pose son bras sur les épaules de Victoria. Il
veut aller plus loin. Il veut tester. Mais doucement. Pour profiter de chaque
centimètre de terrain, gagné seconde après seconde, et pour ne pas brusquer
Victoria, qui s’est toujours montrée plus pudique que les autres filles.
Envahir son espace intime est une sacrée étape supplémentaire, et il veut
se montrer respectueux. Il jette un œil dans sa direction après l’avoir
embrassée sur le front et constate que son geste est accueilli par un sourire
resplendissant.
Ils s’arrêtent devant une galerie d’art et décident d’un commun accord
d’y entrer. Ils échangent à propos de leurs goûts en matière de peinture, puis
évoquent plus généralement la décoration intérieure. Tout naturellement, la
conversation bifurque vers le logement de Louis.
– C’est comment, chez toi ?
– C’est un grand appartement, tout près du centre-ville.
– Et puis ? retente Victoria que sa réponse évasive ne satisfait pas.
– Et puis quoi, mademoiselle ? dit Louis en lui souriant et en resserrant
un peu plus son bras autour d’elle.
– Quelles couleurs ? Comment sont les meubles ? Combien de pièces ?
Moi, c’est rapide : j’ai une chambre, dix mètres carrés, et pourtant, je suis
sûre que je pourrais en parler pendant des heures. Alors, dis-moi !
– OK, dit Louis, qui ressent comme un pincement désagréable en
repensant à l’âge de sa compagne du jour. Alors… C’est grand… C’est près
du centre-ville…
– Mais, tu te moques de moi ! s’exclame Victoria en explosant de rire.
Comment veux-tu que je choisisse, mettons, un tableau, si je ne sais même
pas à quoi ça ressemble chez toi ?
– Oh ! Je n’avais pas compris qu’on s’occupait de refaire la décoration de
mon appartement !
Ils s’arrêtent devant une peinture représentant un diamant taillé en forme
de coussin, une pierre à la renommée mondiale. Ils restent une minute à
contempler cette œuvre, tous deux muets.
Victoria se tourne dans sa direction, une drôle de lueur dans le regard.
– Tu crois que c’est un signe ?
Louis jette un coup d’œil au panonceau, cherchant confirmation. C’est
bien ce qu’il pensait. Il s’agit du diamant Hope, exposé au musée d’histoire
naturelle à Washington.
Victoria continue à le fixer, visiblement ravie.
– Je ne sais pas, fait Louis, énigmatique.
Lors de la finale, il remettra une bague de fiançailles sertie d’un diamant.
Mais si cette peinture peut effectivement être une allusion à la victoire, elle
n’est alors pas un bon présage, contrairement à ce que pense Victoria.
La légendaire histoire du diamant Hope lui revient en tête. Dès sa
découverte sur la statue d’une déesse hindoue, un halo macabre a enveloppé
chaque personne ayant tenté de posséder cette pierre. Mythe ou réalité ? En
tout cas, cette magnifique pierre précieuse s’est vue attribuer le nom de
« diamant maudit » durant les siècles derniers.
Sans rien dire, il lui prend la main et ils sortent dans la rue.
Quelques minutes plus tard, ils parviennent à la Plaza Mayor. L’après-
midi touche à sa fin. La solennité de l’endroit surprend Victoria, qui ne tarit
plus d’éloges sur l’architecture madrilène. L’air de rien, Louis la fait avancer
en direction d’une table placée juste au bas de l’imposante statue équestre de
Philippe III. Un seau à champagne et deux coupes les y attendent.
Victoria sourit en découvrant la surprise.
– Merci, merci mille fois pour cette journée, fait-elle en serrant plus fort
la main de Louis.
– C’est à moi de te remercier pour ta compagnie aujourd’hui.
Il ouvre la bouteille de champagne sous l’œil amusé des touristes. La
mise en scène est des plus romantiques et fait songer à l’une de ces demandes
en mariage excentriques.
Louis emplit les deux coupes et tend la sienne à Victoria.
C’est un moment parfait. Boire une coupe de champagne, en fin d’après-
midi, sur cette place magnifique, sera un souvenir grandiose.
Victoria le regarde. Un regard appuyé, qui réclame quelque chose. Une
légère brise souffle. Victoria se mord la lèvre et un éclat de défi brille dans
ses yeux. Elle s’approche, et, tout doucement, se tend vers ses lèvres. Ici, au
beau milieu de la place, sans se préoccuper du va-et-vient des passants et des
touristes.
Louis est hypnotisé par la finesse de ses traits, et surpris par son audace.
La tension née entre eux au restaurant est bien trop forte pour qu’elle
s’efface sans qu’ils aient de regrets.
D’un commun accord, ils s’apprêtent à la libérer.
Alors qu’elle n’est plus qu’à quelques centimètres de lui, il l’attire
brusquement contre son torse. Avidement, comme si ces derniers centimètres
étaient maintenant devenus insupportables. Et il l’embrasse fougueusement.
Ils restent collés l’un à l’autre, savourant la chaleur de leur baiser. La
douceur de leurs lèvres qui découvrent, cherchent, grignotent ces derniers
centimètres. Ceux qui manquaient pour que cette journée soit une journée
exceptionnelle. Quand ils ouvrent les yeux, ils se sourient, partiellement
rassasiés.
Victoria s’écarte légèrement de lui.
– Je vais utiliser mon joker maintenant.
– Maintenant ? interroge Louis, qui n’a pas oublié le petit jeu du
restaurant.
– Oui, parfaitement. J’en veux encore un. Maintenant .
– Encore un baiser ? dit-il dans un sourire.
– Oui, monsieur, vous m’avez bien comprise ! Inutile de songer à vous
dérober. Une dette doit toujours être honorée.
– Très bien, mademoiselle. Alors, accrochez-vous, je n’ai qu’une parole !
Si le premier baiser a été fougueux, il fait pâle figure à côté du deuxième.
Louis commence par soulever Victoria, la fait tournoyer et la repose sur le
sol. Puis il s’approche d’elle et, prenant soin d’encadrer son visage avec ses
mains, presse ses lèvres d’abord doucement, puis plus intensément. Quand il
la relâche, Victoria est pantelante. Elle se reprend vite et lui sourit.
Un grondement les sort soudain de leur bulle. Ils regardent autour d’eux
et constatent que des dizaines de personnes les entourent, applaudissant à tout
rompre. Devant l’ardeur et le romantisme de la scène, des passants se sont
arrêtés, leur adressant de grands sourires.
– Tu vois, je suis un homme de parole !
– Et moi, je dis qu’on devrait poursuivre ce petit jeu, dit Victoria.
La journée est arrivée à son terme. Il est l’heure de retourner à la villa.
Lors du trajet les menant à l’aéroport, une distance s’installe de nouveau
entre eux. Durant le vol, Louis est serein, mais il voit bien que Victoria est
inquiète. L’atterrissage va être compliqué. Finalement, rien n’est encore joué.
Et tous les deux semblent en avoir parfaitement conscience.
Deuxième rendez-vous
***
***
Troisième rendez-vous
***
Jessie est une fille un peu mystérieuse. Pas le genre à se confier de prime
abord. En revanche, Louis a remarqué qu’elle s’intéressait aux autres et leur
accordait beaucoup d’attention. Spontanément, elle a pris en charge
l’organisation des repas – ou tout au moins, lorsqu’il s’agissait de battre le
rappel – et était la première à proposer un verre quand ils étaient au bord de la
piscine. De même, il a souvent pu la voir aller réconforter une fille qui
semblait triste ou fatiguée de l’agitation de la villa.
Sa personnalité altruiste l’intrigue beaucoup. Il se demande si c’est sa
nature profonde ou si elle tient uniquement ce rôle pour le jeu. La rencontre
avec ses deux amies l’a fait pencher pour la première alternative. Mais il ne
peut s’empêcher de se demander si ce genre de qualité ne dure qu’un temps.
Les humains n’attendent-ils pas forcément quelque chose en retour ?
Plus finement, s’il ne sait pas ce qu’elle attend de lui, ne va-t-elle pas se
sentir frustrée à ses côtés ? N’est-ce pas le genre de personnes qui, toujours
partante, finissent aigries, car incomprises, voire déçues par les autres.
Jessie, d’un sourire, le sort de ses songes. Elle lui tend son café. Lorsqu’il
croise son regard bleu électrique, il se dit que, même sans maquillage et les
cheveux mouillés, elle reste d’une beauté sans égale. Louis tente de se
ressaisir pour que son comportement ne soit pas mal interprété. Cela fait
presque dix minutes qu’il est entré dans la villa et il n’a décroché que trois
mots.
Elle pourrait s’imaginer qu’il n’a pas envie d’être là, et ce n’est pas du
tout son intention. Il est vrai qu’après ces premiers jours d’une folle intensité,
il est profondément troublé, mais il s’est juré de ne prendre sa décision qu’à
la fin des quatre jours, de ne pas court-circuiter son choix.
Quand elle descend, après avoir achevé ses préparatifs, il ne peut
s’empêcher de la complimenter ouvertement.
– Je t’ai déjà dit que tu étais magnifique ?
– Euh… je ne crois pas, répond-elle.
– Eh bien, j’aurais dû, dit-il avec un sourire sincère.
Quatrième rendez-vous
***
Sachant que Cassandra est seule, Louis frappe une seule fois et ouvre la
porte de lui-même. Il la cherche dans les pièces du bas puis dans la véranda,
mais sans succès. Il retourne sur ses pas et se poste au bas des escaliers pour
l’appeler. Pas de réponse. Comme il n’ose pas monter, afin de préserver son
intimité, il prend place dans un des canapés du salon et patiente un instant.
Quelques minutes plus tard, il sent des mains se poser sur ses yeux.
– Je crois qu’un très bel homme me cherche, dit-elle, un sourire dans la
voix.
– Très beau… Hum… C’est en dessous de la vérité. Mais effectivement,
il te cherche, dit Louis en souriant à son tour. Et il a bien cru qu’on venait de
lui poser un lapin !
Cassandra penche la tête sur le côté et laisse ses longs cheveux parfumés
tomber en cascade sur l’épaule de Louis.
– « Un lapin » ? Ce n’est pas pour aujourd’hui, peut-être une autre fois.
Cassandra possède une confiance absolue. Tout rayonne autour d’elle.
Louis constate que son accent du soleil et ses manières tactiles lui ont
manqué. Il se lève et l’observe. Elle est magnifique, avec sa robe bustier noire
et moulante, chaussée d’escarpins assortis. Son teint naturellement hâlé
ressort à merveille, et le seul mot qui lui vient est « Waouh ! ».
Le sourire de Cassandra s’élargit. Elle semble apparemment très flattée
par le compliment.
Louis apprécie qu’elle ait voulu se faire belle pour lui. Il se doute qu’elle
a dû attendre avec impatience cette journée. Il la regarde encore et continue
de sourire, sans savoir comment lui dire que sa robe n’est pas du tout
appropriée pour leur escapade.
– Cassandra, ta tenue est magnifique, vraiment, mais je ne sais pas si tu
vas être très à l’aise avec aujourd’hui…
Son sourire s’efface, mais elle se reprend aussi sec.
– D’accord, je vais m’adapter.
Sur ces mots, elle disparaît dans le couloir et revient quelques secondes
plus tard avec une paire de ballerines. Louis sourit encore devant ce faible
compromis. Visiblement, elle a les idées tenaces !
Il réfléchit un instant et trouve une solution au problème. Il fera un arrêt
en chemin.
– Allons-y, j’ai hâte de sortir d’ici ! lance-t-elle en accompagnant ses
mots d’une légère tape sur l’avant-bras de Louis.
Elle se dirige déjà vers la porte, impatiente.
– OK, je te suis ! plaisante Louis.
– Mais non, c’est moi qui te suis ! réplique-t-elle. Je ne sais même pas où
l’on va !
– Et moi non plus.
– Tu plaisantes, là ?
– Eh non. Je ne sais vraiment pas. On monte dans la voiture et puis on
verra. C’est une journée libre aujourd’hui.
Elle se fige un instant.
– Alors, comment sais-tu que ma tenue ne conviendra pas ?
Louis sourit.
– Tu es très forte, Cassandra !
– Tu ne chercherais pas à me piéger, quand même ? dit-elle, les mains sur
les hanches.
Louis sourit sans répondre et l’entraîne vers la porte. Depuis le début,
Cassandra est une femme pleine de paradoxes. Et aussi attirante soit-elle, il
doit y voir plus clair. La choisir reviendrait à un quitte ou double périlleux, et
Louis aime mesurer les risques avant de prendre une décision.
Dans la voiture, elle ne tarde pas à le bombarder de questions à propos de
leur destination. Elle minaude, espérant le convaincre de lui livrer son secret.
À sa grande surprise, Louis tient le coup. En fait, il sait qu’il ne peut se
permettre de céder aussi facilement. L’enjeu est important. Cassandra est une
personne en face de qui il faut s’affirmer.
Pour finir, elle prend un air pincé, mais ne lui en tient pas rigueur, se
bornant à bougonner qu’elle n’aime pas trop les surprises, mais que, de toute
façon, ce sera sûrement très bien puisqu’ils sont tous les deux.
Spontanément, Louis lui prend la main. Ce n’est pas totalement un geste
d’affection, mais une manière de la tempérer, de la canaliser. Il aime bien la
fin de sa phrase.
Il se souvient alors de leur journée en Corse, de la simplicité de leurs
échanges, et espère retrouver la même alchimie entre eux.
Ils arrivent bien vite à l’aéroport de Nice et embarquent pour Genève, ce
qui n’échappe pas à Cassandra.
– Super ! dit-elle. J’y suis déjà allée, mais à chaque fois pour des raisons
professionnelles.
– Oui, mais nous ne faisons qu’y passer !
Elle commence à bouillir, essayant tant bien que mal d’obtenir des
réponses durant le vol. Quand leur jet privé se pose, Louis se félicite d’avoir
tenu bon : la belle Latine ne sait toujours pas où ils passeront la journée.
Après avoir loué une voiture, Louis, au volant, se met tranquillement en
route. Voilà quarante minutes qu’ils passent à discuter des avantages et des
inconvénients de leurs métiers respectifs lorsqu’il repère une boutique et se
gare devant sans attendre. Perplexe, Cassandra s’accroche à son bras et se
laisse guider jusque devant la vitrine.
– Parfait, dit-il, ça fera très bien l’affaire !
– Euh… C’est un magasin de vêtements d’hiver, Louis. J’ai du mal à te
suivre. C’est là que nous allons passer la journée ?
– Chut, dit-il en posant un index sur sa bouche. Voici ta dernière chance
de m’écouter et de te changer. Si tu t’obstines encore, je pourrais bien te
prendre au mot et te laisser dans cette tenue, sachant que tu vas mourir de
froid !
– Mais, je ne…
– Chut, insiste-t-il.
Cassandra semble décontenancée. Elle finit par hocher la tête et se laisser
emmener à l’intérieur.
Louis interpelle la vendeuse et lui explique qu’ils ont besoin de vêtements
chauds pour Cassandra. L’employée du magasin la regarde de la tête aux
pieds et revient quelques minutes plus tard avec un assortiment de tenues
adéquates.
Cassandra, qui était un peu dubitative au début, se laisse prendre au jeu
des essayages. Louis n’est pas étonné, c’est une femme qui aime que l’on
s’occupe d’elle.
Elle enfile la première tenue : un pantalon thermique noir et un pull à col
roulé angora couleur chocolat. Elle sort de la cabine pour montrer le résultat,
et Louis, qui regarde négligemment des dépliants posés sur les rayonnages,
s’immobilise. La tenue, beaucoup plus simple que ce qu’elle porte
habituellement, lui va à merveille. Cette touche de naturel adoucit
considérablement son côté sophistiqué.
– Bon, dit-elle, j’ai l’impression que ça te plaît. Je vais la mettre de côté.
– Oui, garde ça, c’est très bien.
– Attends, lui dit-elle en se retournant. Derrière, ça va aussi ?
Pour toute réponse, Louis avale sa salive, et elle tire le rideau en
explosant de rire. Cette fille est totalement décomplexée et sait jouer de ses
atouts.
Mais comment le lui reprocher ? Après tout, ils sont dans un jeu de
séduction permanent. Louis plaît à Cassandra, et ce depuis le début. Elle a été
très claire sur ce point.
Seule ombre au tableau : il se peut qu’elle soit là pour la victoire. Et
uniquement pour la victoire. Ces derniers jours, il l’a trouvée un peu
différente. À chaque fois qu’il l’a vue en compagnie des autres filles,
précédemment, il l’a trouvée calculatrice et hautaine. Toutes sans exception
lui ont rapporté qu’elle n’était pas sincère.
Mais, seul avec elle, il se sent à nouveau terriblement bien. Il faut
absolument qu’il sache ce qu’elle a au fond du cœur.
Cassandra tire vivement le rideau de la cabine d’essayage et le sort de ses
songes, vêtue d’une combinaison de ski rose, et il pouffe de rire. Elle tourne
sur elle-même et prend la pose d’une skieuse, en profitant pour lui rappeler
qu’elle ignore toujours où ils vont.
Mais il veut encore la faire patienter. Leur objectif est proche et elle va
très vite obtenir satisfaction.
Quelques instants plus tard, elle sort de la cabine en maillot de bain
léopard une pièce, aussi échancrée que décolletée. Rien n’est laissé à
l’imagination. Louis est pris à son propre piège. Il sait qu’elle va lui faire
tourner la tête.
– Je ne savais pas qu’ils avaient ce genre d’articles, ici, dit Louis en se
raclant la gorge.
– Vois-tu, comme je ne sais toujours pas où l’on va, j’essaie un peu tout.
Si tu voyais la suite…, fait-elle en haussant les sourcils, les mains sur les
hanches.
– Nous montons à l’aiguille du Midi, cède Louis, qui sent la chaleur
monter dans la petite boutique.
– Ah ! Bien, dit-elle en saisissant à nouveau le rideau, alors la première
tenue fera très bien l’affaire.
La vendeuse lui rapporte les articles en question et elle se change. Quand
ils sortent, elle dépose un long baiser sur sa joue.
– Merci, dit-elle. C’est parfait, vraiment parfait.
Louis s’approche instinctivement de ses lèvres pour prolonger le baiser,
mais elle l’esquive et plonge la tête dans son cou.
Surpris d’être éconduit de la sorte, il l’enlace et lui caresse les cheveux.
Décidément, cette fille est en train de le faire tourner en bourrique.
L’écartant légèrement de lui, il plonge ses yeux dans les siens, et il
comprend qu’elle ne veut pas d’un premier baiser ici, dans le hall d’un
magasin. Il lui faut plus que ça.
Louis a du mal à se détacher d’elle. Ses hormones masculines lui jouent
des tours. C’est elle qui recule la première et le prend par la main.
– Allons-y, lui dit-elle, pour la deuxième fois de la journée.
En cette soirée, les quatre filles sont de retour à la villa, toutes assises sur
le canapé du salon.
Malgré cette promiscuité, elles n’ont pas encore échangé un mot, car elles
sont arrivées les unes après les autres, directement depuis leur hôtel, déjà
apprêtées pour l’élimination.
Victoria sent que cette soirée va être très spéciale. La rivalité a cédé la
place à la panique. Le stress et l’anxiété ont pris le dessus sur la fierté. C’est
palpable.
Toutes ont déjà un chèque conséquent à leur actif, mais ce n’est plus ce
qui les intéresse. Comme elle, toutes sont suspendues à ce « Et si c’était moi
qu’il choisissait ? » qui les empêche d’être lucides, et même de partir tant
qu’il en est encore temps. Un espoir fou de voir le plus improbable des contes
de fées se réaliser, de se distinguer des autres filles. Et de mener une vie
extraordinaire.
Échouer reviendrait à se contenter de la perspective de rencontrer
quelqu’un d’autre qui, probablement, n’arrivera pas à la cheville de Louis, et
de se lever chaque jour en rêvant à une autre vie.
Victoria se mord la lèvre inférieure. Elle essaie de sourire, mais ses yeux
brillent à cause de la peur qui lui tenaille le ventre.
Elle a été ravie de partir la première à Madrid avec Louis, mais les jours
suivants ont été insupportables. Que s’est-il passé avec les autres filles ? Est-
ce que les rendez-vous suivants ont repoussé au loin le souvenir exceptionnel
de cette journée qu’ils ont passée ensemble ?
Tous les doutes sont permis.
Amèrement, elle se remémore son tout premier rendez-vous à Saint-Jean-
Cap-Ferrat, et la vitesse avec laquelle il avait été relégué aux oubliettes.
Elle soulève sa longue robe de soirée noire et rajuste la dentelle qui orne
son décolleté. Non, leur dernier rendez-vous a été extraordinaire. Le regard
captivant de Louis ne peut pas mentir, il éprouve de l’attirance pour elle. Plus
que cela, il la désire, elle en est certaine.
Lors de cette cinquième étape, plutôt qu’une somme d’argent, elles se
verront offrir une pierre précieuse qu’elles pourront porter jusqu’à leur sortie
du jeu.
Il faut à tout prix qu’elle obtienne la pierre mise en jeu ce soir, passeport
pour se frayer un chemin vers le cœur du beau jeune homme. Louis est la
personne qu’elle a toujours espérée.
***
***
Jessie passe sa main dans ses cheveux. À chaque fois qu’elle les touche,
elle pense à Louis. Son corps est survolté et elle trépigne sur place. Elle plisse
le voile de sa longue robe blanche. Elle sait que la compétition va être rude,
car ses camarades sont aussi angoissées qu’elle à l’idée de ne pas obtenir
l’émeraude promise ce soir.
Depuis quelques jours, elle sent que Louis et elle sont complètement en
phase. C’est comme s’ils étaient chacun la moitié d’un tout. Elle ressent
maintenant un manque infini quand il est loin d’elle. Et tout lui laisse penser
que c’est réciproque.
Il faut qu’elle sache si c’est ce qu’il a ressenti. Il doit la choisir pour
qu’elle poursuive l’aventure et qu’elle accède à la victoire.
***
Elles ont terminé. En deux jours à peine, elles ont regardé l’ensemble des
épisodes. Le retour à la réalité est fracassant.
L’émission est bien plus redoutable que ce qu’elle avait imaginé. Et
pourtant, tout est vrai.
Elle se voyait heureuse et triomphante, mais en fait, elle ignorait juste ce
qui se passait ailleurs. Elle l’a vue, elle aussi, ou plutôt, elle les a vus,
ensemble, et cela lui a serré le cœur. Non, c’est un euphémisme, cela lui a
broyé le cœur.
Impossible de nier qu’il a éprouvé quelque chose pour cette fille.
Maintenant, elle comprend très bien pourquoi elle est revenue.
Plus que jamais, elle doute de sa relation avec Louis. Aurait-il fait une
erreur en la choisissant ? Bien sûr, il manifeste aussi des sentiments en sa
présence, mais ils font presque pâle figure en comparaison.
Elle a besoin qu’il s’explique.
L’ironie, dans tout cela, c’est que lorsqu’elles se sont vues au restaurant,
au fond, elle s’est moquée d’elle. Mais elle s’est leurrée. Cette fille représente
un vrai danger. Elle est sur le point de tout lui prendre. Nul doute qu’après
avoir vu ces images, Louis voudra la revoir.
Au moins, cela aura eu le mérite de lui faire comprendre à quel point sa
relation avec Louis est importante. Pour se calmer, elle se passe en boucle les
moments magiques qu’elle a vécus avec Louis, après son emménagement en
Chine. Au début, elle était perdue, son anglais ne suffisait pas toujours. Mais
il a été là, à chaque fois. Elle se souvient de sa patience. Même dans
l’intimité, quand il a fallu se découvrir complètement. Pas uniquement se
mettre nus, car cela avait déjà été fait pendant l’émission, mais faire l’amour,
pleinement. L’un avec l’autre, l’un pour l’autre.
De retour chez elle, le week-end est difficile, même si elle fait tout pour
sauver les apparences. Son seul soulagement est de ne plus être en compagnie
de cette fille.
Ce matin, elle est submergée par la tristesse. Louis n’a même pas
remarqué qu’elle ne va pas bien. L’émission sera diffusée ce soir, et une
chose est sûre, c’est qu’elle ne se sent pas capable de visionner les épisodes
avec lui. C’est au-dessus de ses forces.
Essaiera-t-il de se justifier ?
Tentera-t-il de dédramatiser en se moquant de ce qu’ils vont voir ou
entendre ?
Pendant que Louis travaille dans son bureau, elle récupère sa
documentation sur la création d’entreprises. Elle l’a insérée dans la poche
avant de la valise de Louis qu’elle a utilisée pour son voyage, comme pour
apporter des preuves à son mensonge. Ce geste lui fait honte. Voilà ce dont
elle est capable ! Elle a le sentiment d’avoir manigancé dans son dos alors
que, visiblement, il n’a pas douté une seule seconde qu’elle se soit bien
rendue à son séminaire.
Elle abandonne le bagage sur sa coiffeuse et, pour se changer les idées,
fait le tri dans les imprimés qu’elle a collectés. Tout à coup, elle remarque la
présence d’un pli à son intention. Elle reconnaît l’écriture de Louis. Elle reste
pétrifiée. Pourquoi Louis aurait-il glissé une lettre dans cette valise ? Ce doit
être quelque chose d’important, car jamais elle n’a reçu de lettre de sa part.
Son ventre se contracte. Elle est sûre qu’il s’agit d’une lettre de rupture. Il
doit lui annoncer qu’ils ne pourront pas surmonter tout cela. Que leurs
chemins se sont éloignés et qu’il ne se reconnaît plus aujourd’hui dans leur
histoire. Pire encore, qu’il s’est rendu compte qu’il est amoureux d’une autre
et qu’il va la rejoindre.
Anéantie, elle n’arrive plus à chasser ces idées noires. Elles envahissent
sa tête.
Au fond, s’il la quitte, ce sera une libération. D’une part, car elle
retrouverait sa vie à elle, et d’autre part, car elle pourrait plus facilement
affronter le regard des téléspectateurs qui, après avoir vu l’émission, la
gratifieront de phrases du genre « Eh bien, le duel était serré ! » ou bien « Il
t’a choisie, mais, on n’y croyait pas ! ».
Une rage soudaine déferle dans ses veines. Le doute a bien fait son
travail.
Elle serre toujours l’enveloppe dans sa main, le cœur battant, n’ayant pas
la force de l’ouvrir. Pourtant, il y a quelques jours encore, elle aurait rêvé que
Louis lui écrive.
Belle ironie.
Leur histoire entière est remise en question. Sens dessus dessous. Et la
communication est rompue.
Elle glisse le carré de papier dans la poche de son jean et sort prendre
l’air. Elle en a besoin. Ici, elle étouffe.
Elle flâne dans les rues bondées du centre-ville, s’éloignant un peu de son
quartier chic, profitant de l’agitation de fin de journée pour se mêler aux
habitants. Profiter des odeurs de nourriture, d’épices, de la vie locale.
Quelques heures plus tard, elle retourne sur ses pas et s’installe, seule, à
une table dans un bar branché qu’elle connaît bien. La nuit est tombée.
Son escapade de l’après-midi lui a fait du bien. Elle y voit plus clair.
Elle a remporté la victoire dans une bouffée d’orgueil démesurée,
doublant ainsi toutes ces filles pourtant sublimes.
Son attirance pour Louis était indéniable, mais elle n’était pas assez folle
pour accepter la demande en mariage d’un homme qu’elle connaissait depuis
moins de quinze jours.
Elle allait dire « non » et prendre l’argent. Tout ce qui avait été construit
pendant le jeu allait s’évaporer. N’allait rester que sa réussite, à elle.
Mais Louis ne voyait pas les choses de cette manière, c’est sûr. Pour lui
aussi, il était inconcevable de s’engager précipitamment. Il voulait utiliser les
six mois accordés par la production. Un laps de temps qui, selon lui, allait
leur permettre d’avancer prudemment, d’apprendre à se connaître. Une volte-
face radicale en comparaison de ce qu’ils avaient vécu pendant l’émission.
De quoi laisser une chance à ses sentiments naissants de s’épanouir.
Et c’est exactement ce qui s’est passé, sans même qu’elle s’en rende
compte.
La sonnerie de son téléphone la sort de ses songes. C’est Louis.
Regardant sa montre, elle constate que c’est déjà la fin des deux premiers
épisodes. Prise de panique, elle laisse sonner dans le vide, jusqu’à ce qu’il
bascule sur sa boîte vocale. Il réessaie un instant plus tard et elle refuse
l’appel.
Elle ne peut pas lui parler. Elle n’est pas prête à l’entendre parler de
l’émission, pas encore.
Ne sachant plus quoi faire, elle l’appelle… Elle.
Sa rivale.
Finalement, il n’y a plus qu’elle. Il n’y a jamais eu qu’elle.
Au téléphone, elles sont brèves. Nul doute que l’autre s’attendait à sa
réaction. Celle-ci lui indique l’adresse, c’est à deux pas. Elle n’en revient pas.
Cette garce vit ici, tout près d’elle… tout près d’eux. Le choc lui retourne
l’estomac. Cette fille est complètement folle. Ou alors, non, elles sont
devenues folles, toutes les deux. Un quart d’heure plus tard, elle est devant sa
porte.
Sans attendre, elle franchit le seuil et la gifle, fort. En réponse, sa rivale
sourit. Elle porte la main à sa joue, puis s’écarte pour la laisser passer.
Visiblement, l’autre occupe ce petit studio meublé depuis quelques
semaines seulement.
Elles entament la discussion à bâtons rompus. Inutile de cacher quoi que
ce soit désormais, alors elle parle des insomnies de Louis, de ses doutes, de
tout. Sauf de la lettre de rupture. Ce qui lui reste de fierté l’en empêche.
À sa grande surprise, l’autre fille l’écoute patiemment. À aucun moment
elle ne la presse ou tente de l’influencer par un commentaire. Elle termine son
récit au milieu de la nuit, complètement vidée.
– Bien, voilà. Je crois que j’ai tout dit.
– OK, et comment tu te sens ?
– Bof, j’ai connu des jours meilleurs.
– Je ne sais pas si tu te rappelles, mais je t’avais dit avoir une idée pour
nous sortir de cette situation.
– Oui, je m’en souviens. Explique-moi tout, je ne risque plus grand-
chose, de toute façon.
– Si l’on s’en tient à mon plan, il faudra tout d’abord que tu me supportes
encore quelques jours. Ensuite, tu devras absolument garder ton sang-froid.
Et si tu fais ça, tu sauras exactement où tu en es à la fin de la semaine.
– Si je peux me permettre, hormis le premier point, tout me semble
faisable.
– Très bien. Je considère que c’est OK, dit l’autre en souriant.
– Alors, de quoi s’agit-il ?
– Je crois que ce qu’il faut faire, c’est retourner dans l’émission… Pour
toujours et à jamais !
Chapitre 26
Elle sait quoi dire. Elle a donc lu la lettre et a pris une décision. Mais
pourquoi j’ignore où la retrouver ?
Complètement déboussolé, je songe un instant à contacter… l’autre fille.
Je rejette cette idée aussi sec, mais elle revient, plus forte, tel un boomerang
infernal. Je sais parfaitement pourquoi je pense encore à elle. La voir à
l’écran m’a rappelé ce que j’ai ressenti en sa présence. J’ai vu que je n’étais
pas indifférent. Voilà qui donne matière à réfléchir.
Dans le taxi me ramenant chez moi, je triture sans cesse mon téléphone.
Déjà jeudi matin. Encore quelques heures avant le dénouement. Je sens une
douleur au creux de mon ventre.
À peine rentré, devant le miroir de la salle de bains, je me passe les mains
sur le visage. Elles tremblent. Je retourne dans ma chambre et m’assois sur le
lit. Aucune trace de son passage.
Qu’est-ce que j’avais espéré ?
Saisissant mon téléphone, je cherche le numéro… l’autre numéro, que je
compose aussitôt, sans me laisser le temps de réfléchir davantage.
Au bout de deux sonneries, je suis transféré sur la boîte vocale. Eh non,
me dis-je, tu es tout seul.
À bout de force, en milieu d’après-midi, je me résous à prendre un
somnifère. Ma matière grise étant plus proche de la bouillie que d’un super
réseau organisé, je dois reprendre des forces pour y voir plus clair.
Je m’étends sur le lit, attendant que la pilule produise l’effet escompté.
Au bout de vingt minutes, je sens mes muscles se détendre.
Quelques instants plus tard, une chape de brume recouvre mon esprit, me
permettant d’accéder à plusieurs heures de repos bien mérité.
Soudain, au loin, j’entends la sonnerie de mon téléphone. Dans un sursaut
de conscience, je réussis à l’attraper et approche l’écran tout près de mon
visage. Je bats des paupières à plusieurs reprises, essayant de chasser le
brouillard qui m’empêche de savoir si ce que je lis est la réalité ou fait déjà
partie d’un rêve.
Elle n’a pas répondu à mon appel mais elle m’envoie un message.
Bonjour, Louis, retrouvons-nous vendredi à 17 heures… Tu sais où.
Chapitre 27
Jour J : 16 h 30
Premier rendez-vous
Les trois ultimes participantes reverront une dernière fois la villa. Dans
moins d’une semaine, après leur rendez-vous avec Louis. Cette fois, chacune
passera un jour et une nuit avec lui. Une combinaison des plus audacieuses.
Jessie est la première à partir avec Louis.
Elle doit le rejoindre ce matin même, dans le centre de Nice, sur la place
Masséna. Lorsqu’elle arrive, il se tient près de la fontaine.
La tendresse qu’elle lit sur son visage l’émeut. Elle en a désormais la
certitude, ils reprennent exactement là où ils en sont restés. De ce fait, elle
dépose un baiser sur ses lèvres tandis qu’il passe les mains dans son dos pour
la serrer davantage contre lui. La bulle vient de se reformer autour d’eux.
Jessie se sent apaisée, auprès de sa moitié qui lui a tant manqué.
Ils se promènent un instant le long de la place. Cette fois, ils ne sont pas
pressés. Ils discutent de la ville, du carnaval et du marché aux fleurs. Peu
après, ils s’arrêtent à une brasserie. L’air est doux et ils s’installent en terrasse
pour un petit déjeuner.
– Bien, dit Louis, nous allons faire quelque chose de très simple
aujourd’hui.
– Je t’écoute. Et je crois que tu sais d’avance que ça va me plaire.
– Oui, sans aucun doute ! Mais cette fois, c’est aussi parce que tous les
deux, nous aimons l’eau.
– Bien vu, monsieur le détective.
– Détective, capitaine… Je vois que j’ai de nombreuses casquettes.
En guise de réponse, elle lui fait un clin d’œil.
– Alors, journée plage ? tente-t-elle.
– Pas exactement.
– Je donne ma langue au chat.
– Randonnée et pique-nique.
– Oh ! Je vois. Et l’eau, dans tout ça ?
– Si on fait vite, on sera de bonne heure à l’hôtel et la piscine est
magnifique.
– Eh, j’imaginais une autre balade en bateau. Mais la piscine, c’est pas
mal. Allez, on y va !
Ils rient et, dix minutes plus tard, ils récupèrent la voiture qui leur servira
pour la journée.
La randonnée se passe à merveille. Jessie est très à l’aise dans ce genre
d’activité. Sans s’essouffler, ils marchent côte à côte, main dans la main. Ils
échangent à propos de leurs goûts respectifs, leurs occupations durant leur
temps libre et leurs lectures préférées.
Jessie aime la romance, alors que Louis a un penchant pour la science-
fiction. Ils bataillent près d’une demi-heure pour défendre leurs centres
d’intérêt, réglant leurs divergences par de langoureux baisers.
L’atmosphère est calme et sereine. Très loin du stress des précédentes
éliminations.
Ils parviennent à la clairière où se trouve leur panier de pique-nique.
Jessie n’a pas très faim, mais Louis insiste pour la faire grignoter un peu. Puis
ils s’installent sur la couverture qu’elle déplie pour eux. Les cigales chantent
aux alentours, les plongeant dans une ambiance estivale.
Une fois étendus, leurs regards se font plus intenses et, mieux que des
mots, les enveloppent d’ondes sensuelles. Louis l’attire contre lui et elle se
laisse faire. Elle a besoin de le sentir tout proche, de se serrer contre lui.
Leur complicité a évolué, et maintenant s’y ajoute une attraction
insatiable. Plus le temps passe et plus c’est une évidence pour Jessie. Et si, au
début, elle a douté d’elle et de la nature de sa relation avec Louis, elle sait
maintenant qu’elle ne le laisse pas indifférent.
La veille, il l’a choisie la première, sans hésitation – comme pour lui dire
que tout était possible.
Ils ont du mal à se remettre en route, mais la promesse de baignade les
motive. Ainsi, ils arrivent en milieu d’après-midi à l’hôtel et se prélassent
dans l’eau le restant de la journée, n’en sortant que pour dîner.
Après le repas du soir, ils profitent de la tiédeur de la nuit sur le balcon de
leur chambre, où une coupe de champagne les attend.
– Trinquons, dit Louis en l’attirant à elle.
– Trinquons. À nous, je suppose ?
– Oui, à nous.
Ils prennent une gorgée avant de s’embrasser tendrement, laissant leurs
mains effleurer leurs corps. Ils s’écartent un instant l’un de l’autre pour
mieux se dévisager, comme si un message était en train de passer entre eux.
Compatibilité physique, compatibilité intellectuelle…
Jessie se sent prête à tout avec lui, oubliant la compétition, le jeu, ne
souhaitant que profiter du moment présent. Leurs regards sont sans
équivoque, ils ont envie d’être ensemble, dans tous les sens du terme.
Louis tire doucement sur ses cheveux pour lui relever la tête et exposer
son cou. Il approche doucement ses lèvres puis les entrouvre pour faire
glisser sa langue sur sa peau, et remonter jusqu’au lobe de son oreille.
Jessie se serre contre lui. Louis caresse son dos, descend dangereusement
vers ses fesses. Elle défait les boutons de sa chemise, lâchant un gémissement
de plaisir. Louis vient de faire glisser sa robe au sol…
Deuxième rendez-vous
***
***
Il est 17 heures.
Je patiente encore et, malgré la fraîcheur de l’air, j’ai le sentiment
d’étouffer.
Il est 17 heures ; l’heure précise du rendez-vous, et je ne vois personne à
l’horizon. Mon malaise augmente et ronge la sérénité que j’ai péniblement
acquise avant de venir.
Me serais-je trompé ?
La veille, j’ai interprété le deuxième message en me disant que je devais
me rendre à un endroit commun aux deux femmes. Et j’ai pensé à l’endroit
où avaient eu lieu les dernières éliminations, celles qui les avaient
départagées.
Lors du tournage, j’avais accueilli cette idée avec un réel enthousiasme.
Partir en Chine pour les derniers rendez-vous était une excellente idée. De
quoi se projeter dans un contexte réel, quand tout serait terminé.
De ce fait, la muraille de Chine est un endroit hautement symbolique, le
point de départ de notre relation. Je ne peux pas me tromper, c’est
impossible !
Les minutes passent et ma nervosité atteint son paroxysme. Je me sens
impuissant face à cette situation, je n’en peux plus, il faut que le dénouement
soit proche.
Soudain, j’entends une voix féminine.
– Louis ?
Je pourrais reconnaître cet accent du soleil entre mille.
– Cassandra ! m’exclamé-je, profondément soulagé.
Nous nous sourions un instant et nous rapprochons l’un de l’autre. Elle
m’enlace tendrement et, l’espace d’un instant, son parfum à l’odeur si
familière me fait du bien. Cassandra porte la tenue que nous avons achetée
ensemble, juste avant de nous rendre à l’aiguille du Midi. Elle est encore plus
belle aujourd’hui, resplendissante avec cette étincelle dans les yeux, la même
que j’ai tant aimé lire dans son regard lors de nos derniers rendez-vous. Elle
semble à fleur de peau, tout comme moi.
– Alors, j’ai vu juste, commenté-je.
– Oui, c’est bien ici. Tu t’en souviens ?
– Bien sûr. Non seulement je m’en souviens, mais le visionnage du
dernier épisode en avant-première m’a encore rappelé ce moment.
– Oui, je sais, me dit Cassandra.
Sa réponse me surprend.
– Tu sais que je suis allé à Paris ?
– Bien sûr, il m’a suffi d’un coup de fil. Mais c’était juste pour vérifier.
Je te connais mieux que tu ne le crois ! dit-elle en souriant.
– Peut-être, dis-je en lui rendant son sourire. En tout cas, tu as les idées
tenaces.
– Oui, mais j’ai changé. Tu n’as pas remarqué ? Tu as été distant avec
moi ces derniers temps.
Elle sourit encore et je m’écarte d’elle. Je ne vois pas où elle veut en
venir.
– Tu te souviens de notre dernier rendez-vous ? reprend-elle.
– Oui, parfaitement.
– Ce restaurant, à Pékin. Enfin, une sorte de bar branché. J’y suis
retournée il y a peu de temps.
– Ah oui ? Pour te remémorer notre dîner là-bas ?
Je la questionne, faussement naïf, certain que quelque chose m’échappe.
– Oui, pour vivre à nouveau ces instants magiques… Toi aussi, tu as
changé. Tu n’es plus le Louis que j’ai connu lors du tournage.
– Tu as raison. J’ai vu ça, c’est immanquable ! Quel beau boulot ce
David, il a réussi à capter la moindre émotion, la moindre sensation. Il est
meilleur qu’un détecteur de mensonges. C’est étrange de savoir que des
milliers de téléspectateurs vont nous voir.
Je l’observe fixement en espérant que cette réponse la satisfasse mais son
visage se ferme.
– C’est vrai, je me suis fait la même remarque. Alors toi aussi, tu as vu ?
Enfin, tu nous as vus ?
– Oui.
– Alors, pourquoi ? Tu dois me le dire maintenant, parce que je suis
encore là.
Elle me sourit, les yeux brillants.
Je sais ce que je dois lui dire, ces dernières heures m’ont permis de faire
le tri dans mes idées. Et cette fois-ci, je suis sûre de moi. J’ai fait la part des
choses. Dissocier l’éphémère de ce qui sera durable dans ma vie.
– Je suis désolé, Cassandra, mais ma décision n’a pas changé depuis la fin
du tournage. C’est vrai qu’avec tout ce qui s’est passé entre nous, j’aurais pu
te choisir, mais je ne l’ai pas fait, et pour une bonne raison : celui que tu as vu
n’existe pas, Cassandra. Moi aussi, je me suis laissé prendre au jeu. Je voulais
que vous restiez toutes, toutes les filles, pour moi, et non pour l’argent. Que
vous tombiez toutes amoureuses. Alors, je suis allé trop loin parfois.
L’émission nous a poussés à faire semblant, dis-je en secouant la tête. Tu
mérites vraiment de trouver un homme qui t’apporte ce que tu recherches.
Nous n’aurions pas pu faire semblant indéfiniment.
– Tu dis cela, mais tu m’aimais, Louis, tu ne peux pas dire le contraire.
Les images parlent pour toi, lance-t-elle d’une voix dure.
– C’est vrai. Mais j’ai été aveuglé par mes émotions. J’étais bien avec toi,
je ne peux pas le nier, mais ça ne suffit pas. Tu aurais fini par être
malheureuse avec moi. Peut-être que je me trompe, mais je ne pense pas être
le genre de personnes que tu cherches.
– Tu étais exactement ce que je voulais, et tu le sais très bien.
– Alors, rappelle-toi notre dernier dîner.
– Oui, et alors ?
– Tu as souligné nos ressemblances, tu t’en souviens ? Notre caractère,
notre ambition, notre côté tactile. J’ai compris ce soir-là. C’est une facette de
moi que tu as vue, mais qui est loin d’être la personne que je suis au
quotidien. C’était par pure… séduction.
– Mais pourquoi, Louis, il te suffirait de…
– Chut, dis-je en posant un doigt sur sa bouche.
Elle attrape ma main et l’appuie contre sa joue, réprimant un sanglot. Je
sais que je la fais souffrir horriblement. Mais c’est nécessaire. Elle doit passer
à autre chose.
Je retire ma main et cela lui fait l’effet d’un électrochoc. Elle semble
comprendre qu’il est inutile de discuter davantage. Soudain, elle se met à
trembler de manière inquiétante, et ce n’est pas à cause du froid. La colère la
gagne.
– Quoi que je te dise, tu restes insensible, fait-elle d’un ton amer. Alors
comme ça, tu as bien profité de moi, c’est ça ? Tu as pris du bon temps, mais
ce n’est pas suffisant pour envisager une relation sérieuse. Je ne suis que la
fille légère, celle dont on profite. Est-ce que tu mesures tous les sacrifices que
j’ai faits pour toi ? Est-ce que tu penses que c’était pour entendre que tu as
fait semblant ? Ou que tu as eu un moment d’égarement !
– Cassandra, arrête…
– C’est cette fille que tu veux ? C’est ça ? Elle s’est servie de toi ! On est
toutes tombées amoureuses de toi sauf elle ! Elle n’en avait que pour l’argent,
et c’est elle que tu veux ? Comment est-ce que tu peux me faire ça !
Elle lève les poings et cogne mon torse de toutes ses forces. Elle me
frappe plusieurs fois. Je me contente d’encaisser les coups en essayant de la
maintenir contre moi. Petit à petit, je parviens à la calmer et m’approche de
son oreille pour lui murmurer des paroles apaisantes.
– Je regrette de t’avoir laissée entendre que tu avais trouvé l’homme de ta
vie, je reprends très sérieusement. C’est ma faute, je me suis laissé emporter.
Je l’avoue, j’ai été grisé par ce jeu de séduction. J’ai… je suis allé trop loin.
Tu es une femme superbe, Cassandra. J’aurais dû davantage réfléchir, mais
tout est allé trop vite. Je n’avais pas l’intention de me servir de toi. J’ai
ressenti quelque chose pour toi. C’est vrai, tu as raison, tu ne t’es pas
trompée. Mais j’ai dû faire un choix…
Cassandra pleure à chaudes larmes. Celles qu’elle n’a pas versées au
moment des dernières éliminations, à cet endroit même.
– Une dernière chose, demande Cassandra en sanglotant, encore blottie
contre moi. C’était bien quand même ? Je veux dire, nous deux ?
– Oui, c’était bien, vraiment très bien. Des moments inoubliables.
Une dernière fois, elle dépose un baiser sur ma joue, me sourit et
s’éloigne d’un pas mal assuré qui me fend le cœur.
Elle est brisée.
Jessie apparaît quelques secondes plus tard, les yeux humides des larmes
qu’elle vient de verser. De là où elle se tenait, ma conversation avec
Cassandra lui était tout à fait audible.
Je suis heureux de la voir, vraiment. Même si elle ne le sait pas, elle est la
seule avec qui je n’ai pas fait semblant. J’ai toujours été moi-même. Pendant
le tournage, elle a été mon havre de paix. Et je ne le lui ai jamais dit.
Mais je ne me doutais pas que ce n’était pas réciproque. Quand je l’ai vue
à l’écran il y a quelques jours, parlant de ses projets à Victoria, de ce qu’elle
était venue chercher en s’inscrivant au jeu, de sa volonté de gagner, j’ai cru
que mon cœur allait éclater.
Cet épisode m’a profondément blessé.
Voilà qui expliquait mieux la raison de son acharnement à éviter nos
conversations. Nous avions tous les deux quelque chose à craindre dans cette
retransmission.
Elle s’approche, tout près de moi.
C’est peut-être la dernière fois qu’elle le fera.
***
***
Cassandra presse son arme dans le dos de Louis. La colère qui s’est
insinuée en elle est sur le point d’exploser. Tout ce qu’elle a retenu depuis
des semaines menace de la submerger.
– Vous ne pensiez pas que vous alliez vous moquer de moi une deuxième
fois, lance-t-elle d’une voix blanche. Est-ce que je vous avais parlé de mon
plan B ?
Ils s’écartent pour se placer face à elle. Elle pointe le revolver en
direction de Louis, plus précisément sur son cœur.
Cassandra sourit quand Jessie, incrédule, tente un pas dans sa direction.
Est-ce qu’elle veut la raisonner ?
Est-ce que la première peut seulement consoler la deuxième, la grande
perdante du jeu ?
Elle rit. Elle a bien trop souffert dans cette histoire, fait bien trop de
sacrifices. Et s’il est trop tard pour y changer quoi que ce soit, elle a besoin
de se venger.
– Ne bouge plus, espèce de garce, lance-t-elle à Jessie. Alors comme ça,
tu avais cette lettre et tu n’as pas jugé utile de m’en parler ? Tout est de ta
faute, et ce depuis le début. Si tu n’étais pas là…
– Arrête, Cassandra ! tente Jessie. Ça n’en vaut pas la peine. Je sais la
souffrance que tu ressens, mais si tu t’obstines, ce sera pire !
– La ferme, idiote !
Cassandra pointe son revolver en direction de Jessie et tire juste devant
elle. La déflagration produit un écho interminable et le recul la déséquilibre
tellement qu’elle tombe par terre. La puissance de l’arme l’a prise au
dépourvu.
Immédiatement, Louis se jette sur elle pour lui arracher le pistolet. Les
cris des quelques touristes éparpillés sur la muraille fusent en tous sens.
– Mais t’es complètement folle ! hurle-t-il alors qu’elle lui sourit en
retour.
– Pour une fois, tu as vu juste. J’ai été complètement folle de croire que
ce serait plus simple cette fois-ci. Si seulement j’avais su pour cette maudite
lettre, alors j’aurais mis mon plan B à exécution sans attendre. J’aurais
éliminé les obstacles dès le début. Tu vois ce que je suis capable de faire pour
toi ? Tu comprends mieux maintenant ?
– Mais comprendre quoi, Cassandra ? Tu dois laisser tomber avant de
faire quelque chose que tu regretteras jusqu’à la fin de ta vie. Quelque chose
que nous regretterons tous…
Jessie s’est recroquevillée dans un coin, contre le mur de pierre. Son
visage est marqué par l’effroi.
Cassandra sent qu’elle est en train de perdre le contrôle de la situation.
Pourtant il faut qu’elle aille au bout de la revanche qu’elle fomente depuis
des mois.
– Je pensais que tu accepterais l’évidence de la situation, reprend-elle.
Mais c’est peut-être trop tôt. Le temps viendra où tout sera plus clair pour toi.
Et tu verras que tu as fait une énorme erreur de la choisir, elle. La plus grosse
erreur de ta vie. Tu n’es qu’un menteur, Louis. Tu m’as aimée, totalement. Il
faut qu’elle le sache, tu m’as fait l’amour comme personne…
Cassandra se tourne en direction de Jessie.
– C’est elle qui est responsable de nos malheurs !
– Tu dois passer à autre chose, Cassandra, lui lance Louis, les yeux
emplis de colère.
– Non ! Jamais ! Tu m’entends, jamais !
Son cri déchire une fois de plus le calme des murailles.
Louis l’attrape par les épaules et l’attire contre lui.
Elle éclate de rire en se débattant.
– Ça ne se passera pas comme ça. Ce n’est pas moi qui décide, reprend-
elle, amusée. Depuis le début, c’est toi qui choisis, Louis.
– Mais qu’est-ce que tu veux ?
– Ce que j’ai gagné, Louis. J’ai joué, et aujourd’hui, j’ai gagné. Je suis
celle dont tu es tombé amoureux pendant le jeu. Elle, dit-elle en désignant
Jessie, elle peut garder la bague. Regarde, elle n’arrive même pas à s’en
séparer. C’est un signe ! Un jour, elle regrettera, et toi aussi. Un putain de
signe ! Tu ne vois pas ? Elle ne t’aimera jamais comme moi.
– Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? gémit Louis.
– Moi ? dit-elle en secouant la tête. C’est toi qui m’as fait ça. Rends-moi
cette arme !
***
J+une semaine…
Mesdames et messieurs, bonsoir ! Je suis ravi de vous accueillir sur ce plateau pour cette soirée
exceptionnelle. Vous avez suivi avec passion notre beau célibataire dans sa quête du véritable amour, et
vous apprendrez, dans quelques instants, si Louis et Jessie sont encore en couple à l’heure où je vous
parle. Plus encore, nous saurons bientôt si un mariage est envisagé ou bien si cette sublime et
talentueuse jeune femme choisira de repartir avec la somme de 100 000 euros et de garder sa
magnifique bague de fiançailles. Amour ou argent ? Tel est le dilemme auquel nos candidats ont tenté
d’apporter une réponse. Mesdames et messieurs, dans quelques instants, voici le dénouement de votre
émission favorite Pour toujours et à jamais !
Personne ne doit s’imaginer que moi aussi, je vais avoir la réponse à cette
question cruciale le soir même.
Les applaudissements reprennent de plus belle. Toutes les filles, sans
exception, arborent un large sourire. Visiblement, l’eau a coulé sous les
ponts, et l’émission n’est plus qu’un agréable souvenir. Elles ont l’air d’avoir
remisé la rancœur et les déceptions.
– Avant de donner la parole à nos principaux intéressés, reprend
l’animateur, je souhaiterais revenir sur l’histoire des dernières candidates.
Victoria, vous n’avez été éliminée qu’à l’avant-dernier tour. Vous faisiez une
adversaire de taille. Regardons un peu quelques images qui retracent votre
parcours dans ce jeu.
Immédiatement, un condensé des moments que Victoria et moi avons
partagés défile sur un écran géant. On nous voit nous amuser et rire en nous
promenant à Madrid. Une partie de ce minireportage est consacrée à la scène
sur la Plaza Mayor et aux baisers torrides qui s’ensuivent. Notre attachement
est émouvant.
Je remercie intérieurement David d’avoir organisé la soirée de manière à
ce que Jessie n’arrive qu’à la toute fin. Lui imposer une nouvelle fois ces
images ne m’aurait laissé aucune chance auprès d’elle.
L’écran passe au noir et le présentateur enchaîne :
– Alors, Victoria, pouvez-vous nous parler de ces moments que vous avez
passés en compagnie de Louis ? Êtes-vous encore déçue par sa décision ?
Les regards convergent vers Victoria. Elle est plus belle que jamais dans
sa robe mauve et semble, d’une certaine manière, plus mûre que lors du
tournage. Ses yeux brillent, preuve que l’émotion est encore palpable.
– Bonsoir, et merci de me donner la parole ce soir. C’est sûr qu’en voyant
ces images, je me demande encore pourquoi je n’ai pas été choisie, dit-elle en
souriant.
Des rires s’élèvent des quatre coins de la salle.
– Est-ce que cela veut dire que vous avez encore des regrets ? lui
demande l’animateur.
– Non, vraiment. Plus sérieusement, quand je revois ces images, je suis
heureuse, car j’ai vécu des moments… bouleversants avec Louis. Mais je
crois que nos routes se sont simplement croisées. Je ne pense pas qu’elles
auraient pu se confondre pour que naisse une vraie relation.
– Pourtant, vous aviez l’air de tenir à lui ?
– Oh oui !
On entend à nouveau quelques rires dans la salle.
– Je crois, reprend-elle, qu’il nous a été donné la chance, à toutes, de faire
la rencontre de quelqu’un d’exceptionnel.
Les filles hochent la tête unanimement pour confirmer son sentiment.
Je me sens gêné par ce compliment. Je sais très bien que j’ai largement
profité de la situation.
– Bon ! Alors, Victoria, un pronostic, puisque c’est quelque chose que
vous avez aimé faire durant l’émission. Pensez-vous que Jessie et Louis sont
encore en couple aujourd’hui ?
Les filles se regardent les unes les autres en souriant.
– Je ne préfère pas me prononcer, lance Victoria, mais disons qu’en les
voyant, on ne peut pas nier qu’ils forment un très beau couple.
– Merci à vous, Victoria ! Maintenant, revenons un peu sur l’histoire de
Cassandra. Cassandra, Louis et vous avez été très proches de former notre
couple vedette. Nous avons tous constaté que vous êtes loin d’avoir laissé
notre beau célibataire indifférent. On aurait pu penser que l’amour était au
rendez-vous, mais… regardez !
La salle s’obscurcit un instant. Sur l’écran, Cassandra et moi paraissons
filer le parfait amour. Discrètement, je jette un coup d’œil dans sa direction.
Du revers de la main, elle essuie rapidement une larme qui coule sur sa joue.
Lorsque la lumière revient, au moment où tous les regards convergent
vers elle, elle se redresse, souriante, et affiche cet air arrogant qu’elle maîtrise
parfaitement.
– Alors, Cassandra, n’avez-vous pas vécu ce dénouement comme une
douche glacée ?
– Non, pas vraiment, dit-elle avec son accent du soleil. Voyez-vous,
Louis et moi avons profité de l’instant présent, tout simplement. Nous nous
sommes bien amusés.
– Pourtant, on vous a aussi entendue parler de projets, d’avenir à deux ?
– C’est vrai, mais c’était dans le contexte du jeu, de la séduction. La
compétition demandait de se projeter, juste ça. Tout est bon pour gagner,
n’est-ce pas ?
– Ce n’était qu’un jeu pour vous, alors ? Votre choix était fait ? Plus
argent qu’amour ?
– Exactement, dit-elle en narguant les autres filles, ce n’était rien de plus
qu’un jeu. Pour que l’amour gagne sur l’argent, il doit vraiment être pur et
sincère. Sinon, il n’a aucune chance, de nos jours !
Pendant que les autres filles sourient devant l’assurance inégalable de
cette jeune femme qu’elles ont côtoyée six mois plus tôt, Cassandra
m’adresse un clin d’œil. Je crois que c’est pour me signifier que tout va bien.
Que cette histoire est derrière elle maintenant.
– Merci pour cette clarté. Et votre pronostic ?
– Je répondrais la même chose que Victoria, et j’ajouterais que ce serait
bien qu’ils soient encore ensemble, car ils ont l’air vrai tous les deux. J’ai un
peu côtoyé Jessie, et même si c’est une vraie trouillarde, cela prouverait enfin
qu’un amour sincère est encore possible aujourd’hui.
– Eh bien ! Quel défi ! Dans quelques minutes, nous allons enfin laisser la
parole à Louis. Mais juste avant cela, il est l’heure d’accueillir Jessie !
Le public se déchaîne avant qu’un silence religieux ne retombe dans la
salle. Je ne sais pas si, comme moi, les spectateurs sont captivés par sa beauté
ou si c’est parce qu’ils espèrent une parole, mais lorsqu’elle s’assoit sur la
banquette, il n’y a pas un chuchotement dans la salle.
Jessie sourit. Elle est resplendissante. Ses longs cheveux sont coiffés sur
le côté et, pour la soirée, elle porte une robe bleu azur qui lui donne l’air
d’une princesse.
Je remarque qu’elle porte encore la bague de fiançailles et sens d’un coup
la panique monter en moi. Mais l’animateur me regarde déjà avec insistance,
signifiant que je dois prendre la parole.
– Merci beaucoup, et bonsoir à toutes, mesdemoiselles. Je serai bref.
Les filles se mettent à rire. Il est vrai que je commence souvent mes
discours de cette manière. Je souris d’un air gêné.
– En regardant ces épisodes, je me suis rendu compte que j’avais eu
décidément beaucoup de chance que vingt beautés comme vous s’intéressent
à moi. Je vous avoue sans détour que tout cela m’a mis à fleur de peau, voire
à rude épreuve. Bien souvent, j’ai agi avant de réfléchir ! Je dois aussi vous
avouer que j’ai appris beaucoup de choses à votre contact. J’ai grandi, d’une
certaine manière. En somme, je tiens sincèrement à vous remercier, toutes,
pour ce que vous m’avez apporté, et j’en profite également pour remercier
très chaleureusement le producteur de l’émission.
David, installé en retrait à l’entrée des coulisses, me fait un signe de la
main.
– Aujourd’hui, je reprends, je suis le plus heureux des hommes. Et je suis
incroyablement fier de me trouver aux côtés de cette splendide jeune femme.
Jessie se met à rougir. Elle se lève et me rejoint.
Je ne détache plus mon regard du sien et, pour la première fois, j’arrive
parfaitement à lire ce qu’elle pense. Nous sommes de nouveau dans une seule
bulle, les deux moitiés d’une seule pensée.
L’animateur laisse durer ce moment imprévu avant de reprendre les rênes
de l’émission.
– Est-ce que cela veut dire que vous êtes encore ensemble ?
– Oui, je réponds, plus pour moi-même que pour les spectateurs.
Un tonnerre d’applaudissements emplit la salle.
Puis Jessie regarde l’animateur et celui-ci réclame le silence.
– J’aimerais prendre la parole, commence-t-elle. Cela s’adresse bien
évidemment à Louis, en rapport avec une lettre qu’il m’a écrite. La réponse
est « oui ». Je suis peut-être venue pour l’argent, mais j’ai trouvé l’amour, et
c’est bien ce qui compte le plus pour moi.
Je reste médusé.
Un brouhaha se fait entendre. L’assemblée demande des explications.
– Doit-on comprendre que vous allez vous marier ? hurle l’animateur,
complètement survolté.
D’un geste, Jessie ôte sa bague et la pose sur la table basse, juste devant
nous.
Je sens mes yeux s’écarquiller et mon cœur battre de plus en plus vite.
Vibrant, vivant, heureux.
– Oui, nous disons tous les deux, avant de nous embrasser tendrement.
Générique
Tiffany’s!
(Tiffany’s !)
Cartier!
(Cartier !)
Black star, Frost, Gorham!
(Black star, Frost, Gorham !)
Talk to me, Harry Winston, tell me all about it!
(Parlez-en-moi, Harry Winston, parle-m’en encore !)
Diamonds!
(Diamants !)
Diamonds!
(Diamants !)
I don’ t mean rhinestones
(Je ne parle pas des pierres du Rhin)
But Diamonds are a girl’s best…
(Mais les diamants sont les meilleurs…)
Best friends
(Meilleurs amis)
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