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suite THEME 4 : LA PREMIERE GUERE MONDIALE :

HISTOIRE PREMIERE
LE « SUICIDE DE L’EUROPE » ET LA FIN DES EMPIRES EUROPEENS.
Pages 248 à 300

SEANCE 2 : Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre


Tout autant que les combattants, les civils ont été profondément marqués par la Première Guerre
mondiale. Ce conflit est en effet la première « guerre totale », suivant le terme employé par Ludendorff en
1935, reprenant le terme de « guerre absolue » forgé par Clausewitz au début du XIX e siècle.

Il implique la mobilisation des économies, par la mobilisation des finances et de l'appareil productif,
ainsi que des personnes au sein des entreprises. Les sociétés connaissent ainsi des mutations majeures.

La Première Guerre mondiale est aussi le premier conflit du XX ème siècle dans lequel les populations civiles
furent la cible d'actes visant à leur extermination, avec le génocide arménien au sein de l'Empire ottoman dès
1915.

Comment la grande guerre a-t-elle bouleversé les sociétés ?

Page 276 et suivantes

I. La guerre comme mobilisation économique

La guerre implique la mobilisation totale des économies sous des formes différentes.

A. L'économie comme arme

• La puissance économique des Etats détermine leur capacité à vaincre, surtout dans le cadre d'une guerre de
tranchées, nécessitant des quantités importantes de munitions et mobilisant un nombre d'hommes important.
• À partir de 1915, les alliés de la Triple Entente instaurent un blocus contre l'Allemagne. Dès 1916, des
pénuries importantes marquent les empires centraux, qui doivent instaurer des politiques de rationnement, le
ravitaillement étant orienté en priorité́ vers les forces armées.

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• Les Allemands répliquent par la « guerre sous-marine à outrance », qui permet de couler près de 25 %
des navires britanniques, sans toutefois réussir à étouffer son économie. Cette politique contribue à
l'entrée en guerre des États-Unis du côté de la Triple Entente ; La guerre sous-marine déclenchée par
les Allemands provoque la destruction de nombreux navires civils, comme celui du Lusitania en 1915.
(Voir page 256)

B. Les États dirigent l'économie

• Dans chaque État, une économie de guerre est mise en place. Elle est
caractérisée par le dirigisme et l'abandon des pratiques libérales. L'État
réquisitionne les entreprises utiles pour l'effort de guerre. Dans la plupart des
cas, les grands patrons ont toutefois été associés à ce processus et certains,
comme la famille Krupp en Allemagne, dégagent des profits importants au cours
du conflit.

• Les États tendent, en revanche, à jouer sur la monnaie pour affronter l'effort de
guerre. Cela passe par l'emprunt, mais aussi par l'utilisation de leur stock d'or, qui
garantissait la monnaie par le biais du système de l'étalon-or. La guerre conduit
ainsi au retour de l'inflation : les prix sont multipliés par six en France pendant le
conflit, par trois en Grande-Bretagne. L'endettement des États a beaucoup progressé.

• Cela induit un reclassement des puissances : les États-Unis, entrés tardivement en guerre et n'ayant
pas été attaqués sur leur sol, concentrent un tiers du stock d'or mondial en 1918 et sont devenus les
créanciers de l'Europe.

C. La mutation des systèmes productifs

• Concentrant la production sur les éléments nécessaires au conflit et mobilisant les travailleurs sur
le front, la guerre a conduit à une baisse de la production, à l'exception du secteur de l'armement. À
l'indice 100 en 1914, la France est à 57 en matière de production industrielle en 1918 et 82 en
production agricole. Ainsi, même loin des zones de combat, les civils sont profondément atteints par
le conflit.
• La reconstruction des économies est longue et il faut parfois attendre les années 1930 pour
retrouver les niveaux antérieurs au conflit.

II. Guerre, sciences et techniques

La guerre fut un facteur d'évolutions techniques et scientifiques, mises au service de la destruction,


mais également des civils, une fois le conflit passé.

A. Guerre et innovation

• Les innovations réalisées pendant la guerre concernent plusieurs domaines. Celui de l'automobile,
ou encore celui de l'aviation, où les projets d'avions bombardiers gros porteurs, comme ceux de
Farman, en France, sont reconvertis en avions de transport une fois la paix revenue. L'industrie
chimique a reçu des investissements importants, dans le cadre de la production de gaz de combats
et d'explosifs.

• Dans le domaine des télécommunications, la guerre conduit à la généralisation du câblage


téléphonique et des câblages de communications télégraphiques sous-marins, afin de faciliter les
communications avec les unités combattantes.

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B. Guerre et médecine

• La guerre permet également des progrès dans le domaine de la médecine, afin de tenter de sauver
les nombreux blessés et de rééduquer les
mutilés.
• Marie Curie (1867-1934), physicienne
et chimiste polonaise naturalisée
française, applique ses recherches sur le
radium à la radiographie. Elle met en œuvre
des ambulances radiographiques à destination
du front – appelées « les petites curies » – qui
permettent de localiser les éclats d'obus et les
balles fichés dans le corps des combattants.
Dès 1914, le médecin belge Hustin met en
œuvre les premières transfusions sanguines.
voir pages 290-291
• Afin de soulager les traumatismes, une nouvelle
discipline se développe pendant le conflit, la
kinésithérapie, afin de rééduquer à la motricité les
blessés. Quant aux mutilés, les prothèses sont
modernisées, et la chirurgie esthétique tente de remédier tant que faire se peut aux mutilations
des « gueules cassées », nom donné aux soldats défigurés pendant les combats. (tableau d’Otto
Dix : les joueurs de skat)
Vidéo : attention des images peuvent choquer :

https://information.tv5monde.com/terriennes/11-novembre-ces-femmes-qui-
reparaient-les-gueules-cassees-330529

L’horreur : https://www.youtube.com/watch?v=zOgo6bbKGcw

C. Les savants et la guerre

• Face à ces nouveaux rapports entre guerre et science, certains doutent de l'idée d'un progrès mis
systématiquement au service du bien de l'humanité.

La guerre oblige ainsi les chercheurs à une réflexion sur les conséquences de leurs
découvertes.

ALBERT EINSTEIN élabore en 1916 la théorie de la relativité générale, tout en étant conscient
qu'elle pourrait avoir des débouchés militaires.

Les philosophes adoptent par ailleurs une vision plus nuancée sur les progrès techniques et leur
potentiel de destruction, contribuant ainsi à rompre avec le positivisme du XIX e siècle.
( rappel un peu de philosophie : Dans son Cours de philosophie positive, écrit de 1830 à 1842, AUGUSTE COMTE affirme que l'esprit
scientifique est destiné, par une loi inexorable du progrès de l'esprit humain, appelée loi des trois états, à remplacer
les croyances théologiques et les explications métaphysiques. Il fonde ainsi le positivisme scientifique. En devenant « positif », l'esprit
renoncerait à la question « pourquoi ? », c'est-à-dire à chercher les causes premières des choses. Il se limiterait au « comment », c'est-à-
dire à la formulation des lois de la nature, exprimées en langage mathématique, en dégageant, par le moyen d'observations et
d'expériences répétées, les relations constantes qui unissent les phénomènes, et permettent d'expliquer la réalité des faits. La devise
d’Auguste COMTE ordre et progrès est sur le drapeau brésilien !)

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III. Des sociétés déstabilisées pages 282 -283

Les sociétés ont été profondément transformées par la guerre. Et ce, à plusieurs
échelles.

A. La brutalisation des sociétés

• Le terme de brutalisation des sociétés a été forgé par l'historien américain George L. Mosse en
1990. Il montre que les violences subies par les combattants et les civils pendant la Première
Guerre mondiale ont contribué à diffuser des comportements violents dans l'après-guerre,
contribuant à la mise en place de régimes totalitaires.

• Les civils ont été marqués par le conflit. Tout d'abord dans les zones frappées par les combats. En
Belgique et dans le nord de la France, des villes et villages ont été rasés ou très endommagés lors des
combats, comme Ypres ou Verdun. L'occupation allemande, dans ces mêmes territoires, s'est
accompagnée d'une politique de réquisitions et de violences. À l'arrière, les nouvelles du front et la
mobilisation des ressources créent un climat qui rend la guerre omniprésente au sein des familles et
des communautés. L’occupation de nombreuses régions françaises et belges par l’armée allemande,
qui réquisitionne les récoltes, mais aussi le blocus continental imposé aux empires centraux par les
Alliés, entraînent le rationnement des civils. La pénurie se généralise. Dans les régions occupées, les
civils sont parfois soumis au travail forcé dans des camps de travail, aux champs ou dans les usines.

Pages 292-293 les grèves de 1917

• La résilience des sociétés connait des limites. En 1917, plusieurs ruptures interviennent. Sur
le front, des mutineries ont lieu, face à l'inefficacité́ des grandes offensives meurtrières. À
l'arrière, des grèves s'organisent, associant revendications sur les conditions de travail et, de
plus en plus, la volonté́ de restaurer la paix. En France, des ouvrières du textile cessent le
travail. En Russie, les mouvements de grève conduisent à des insurrections qui viennent à bout
du régime tsariste lors de la révolution de février. En Allemagne, les grèves de janvier 1918
conduisent près d'un million d'ouvriers et d'ouvrières à cesser le travail et annoncent la
révolution du 9 novembre 1918 qui eut pour conséquence l'abdication du Kaiser et la signature
de l'armistice.

B. Le rôle des femmes (voir pages 294-295)

• Parmi les mutations sociales importantes de la guerre, on trouve le rôle des femmes. Dès l'été
1914, elles assurent les travaux des champs dans les campagnes. Dans les usines d'armement, elles
sont engagées dès 1915 et sont extrêmement nombreuses en 1918 (les munitionnettes) .

Enfin, 100 000 infirmières militaires, en France, assurent les soins tant sur le front qu'à l'arrière.

https://www.youtube.com/watch?v=cD8q7YJnE7k bande annonce du film de Xavier Beauvois « les


Gardiennes »2017

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• Les femmes assurent également la direction des familles et prennent des choix
économiques dans les entreprises artisanales où elles se substituent à leur mari au front.
• Pourtant, les femmes obtiennent peu d'acquis durables à la fin du conflit.
Si, en 1918, les femmes britanniques de plus de 30 ans obtiennent le droit de vote, les
Françaises en furent privées jusqu'en 1944. La libération des femmes s'exprime
également dans les pratiques sociales, avec la mode « garçonne », dans les années
1920, où les cheveux courts et le port du pantalon commencent à se diffuser, non sans
résistances. ( voir la vie de COCO CHANEL pour l’évolution de la mode adaptée au
monde du travail)

C. Le génocide arménien 1915-1916 (page 281)

Parmi les formes de brutalisation qui apparaissent pendant la Première Guerre mondiale, on compte également le premier
génocide du XX ème siècle, celui des Arméniens dans l'Empire ottoman.

https://www.youtube.com/watch?v=bGcVckegWL8

https://www.lemonde.fr/international/video/2015/04/23/ce-qu-il-faut-savoir-du-genocide-des-
armeniens_4620983_3210.html

• Les Arméniens, peuple chrétien du Moyen-Orient, avaient vu leur royaume historique partagé
entre l'Empire russe et l'Empire ottoman. Au sein de celui-ci, les Arméniens font partie des minorités
chrétiennes protégées par le statut des « gens du livre », mais également victimes de discriminations.

• La situation se tend à la fin du XIXe siècle, où les Arméniens sont accusés par le pouvoir ottoman de
favoriser l'influence russe, alors tsariste et chrétienne orthodoxe. En 1894, des massacres
d'Arméniens ont lieu dans l'Empire.

Fabriquer un « ennemi intérieur »


Près de 2 millions d’Arméniens vivent dans l’Empire ottoman à la veille de la guerre. À l’issue du conflit, les deux tiers d’entre eux ont disparu, victimes
d’un génocide. Le pouvoir jeune-turc (parti politique au pouvoir depuis 1908 et qui instaure une dictature en 1913), porté par un nationalisme turco-musulman,
considère les minorités chrétiennes comme un obstacle à sa volonté de « régénérer » l’empire. Déjà victimes de massacres à la fin du XIXe siècle, les Arméniens sont désignés
comme des ennemis intérieurs. Les difficultés militaires de l’Empire ottoman, entré en guerre aux côtés des Allemands en novembre 1914, précipitent leur élimination.
Soupçonnés de soutenir les Russes et rendus responsables des défaites, les Arméniens sont accusés par le pouvoir ottoman de compromettre l’issue de la guerre.

Les mécanismes du génocide


Après que les élites ont été exécutées, une vaste déportation est organisée par le pouvoir. Séparés des hommes massacrés sur place, femmes, vieillards et enfants sont
jetés dans des marches forcées en direction du désert syrien. Les plus faibles périssent. Internés dans des camps, les survivants sont ensuite massacrés, enterrés vivants ou
brûlés vifs.

La volonté de destruction du peuple arménien, planifiée et organisée par un pouvoir qui se fonde sur une idéologie nationaliste et raciste, est intentionnelle
et systématique. Elle mobilise des moyens à la fois militaires et civils et donne lieu à des pratiques de terreur et d’une extrême cruauté : viols, assassinats, noyades,
faim. Entre 1,2 et 1,5 million d’Arméniens et entre 500 000 et 700 000 chrétiens d’Orient (Assyro-Chaldéens) sont assassinés au cours du génocide.

En 1915, le pouvoir ottoman, dirigé par les nationalistes du mouvement des « Jeunes-Turcs »,
engagé en guerre contre la Russie aux côtés de l'Allemagne, décide de déporter la population
arménienne à travers le désert de Syrie. Les biens des Arméniens sont saisis et attribués à des
populations musulmanes, turques ou kurdes. Un grand nombre d'Arméniens périssent alors, sans
doute près de 1,2 million sur une population de 1,6 million dans les régions concernées. Le génocide
frappa également d'autres minorités non musulmanes de la région, comme les chrétiens assyro-
chaldéens ou les yézidis. La plupart des Arméniens survivants furent conduits à l'exil par de nouvelles
violences jusque dans les années 1920.

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Conclusion (= « bilan »)

La Première Guerre mondiale est considérée comme la première guerre totale. D’abord parce qu’elle entraîne
la mobilisation de l’ensemble des sociétés. À l’arrière, les civils agissent pour la guerre. Dans les usines, ils
produisent pour et malgré la guerre, des armes, des munitions et des équipements militaires. Les femmes, les
munitionnettes, jouent un rôle clé en remplaçant la main-d’œuvre partie au combat. Les États instaurent un
dirigisme économique et les entreprises augmentent leur productivité grâce aux principes du taylorisme. Pour
financer les dépenses de la guerre, les États sollicitent les civils à travers des campagnes d’emprunts de guerre
et des journées de solidarité patriotique.
Les civils se mobilisent également pour soutenir et secourir les combattants. Les femmes ont une place
particulière dans cette mobilisation en s’impliquant comme marraines de guerre ou comme infirmières. Une
intense propagande patriotique vise à justifier cette guerre. La diffusion d’une culture de guerre est caractérisée
par la haine de l’ennemi. Les excès de cette propagande, qualifiée de « bourrage de crâne », sont dénoncés.
Dans cette guerre totale, les civils sont aussi des victimes qui souffrent de la guerre ; Le blocus naval britannique
contribue à affamer la population allemande. Dans certains territoires comme la Belgique, le nord-est de la
France ou l’ouest de la Russie, les combats puis l’occupation de l’ennemi provoquent l’exode de milliers de
réfugiés civils. Dans les régions qu’elle occupe, l’armée allemande procède à des réquisitions mais aussi à des
déportations de civils.
Les populations souffrent de nombreuses privations. Les pénuries et l’inflation, ainsi que les mesures de
rationnement prises par les États suscitent un mécontentement croissant. En 1917, une vague de grèves touche
la plupart des pays belligérants. La contestation devient politique avec la remise en cause de l’Union sacrée et la
montée des revendications pacifistes. Certaines minorités nationales, désignées comme boucs-émissaires des
échecs militaires et des difficultés sociales, sont victimes de massacres de masse. Dans l’Empire russe, les Juifs
subissent des pogroms ; dans l’Empire ottoman, le génocide arménien, qui cause la mort d’1,3 million de
personnes entre 1915 et 1916, marque le paroxysme de la violence contre les civils.
La sortie de la guerre est difficile. Le traumatisme énorme.

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