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Revues générales
Imagerie multimodalité
de l’insuffisance mitrale primaire
RÉSUMÉ : L’insuffisance mitrale primaire est devenue la 2e valvulopathie la plus fréquente dans les
pays occidentaux après la sténose aortique. L’échocardiographie est la méthode de première inten-
tion. L’IRM est une méthode d’imagerie non invasive, non irradiante, permettant une évaluation fiable
et reproductible de la sévérité de la fuite (par le calcul du volume régurgitant et de la fraction régur-
gitée), de la FEVG, du remodelage OG et VG (en particulier au cours du suivi des patients asymptoma-
tiques), et de la présence de fibrose myocardique (rehaussement tardif, T1-mapping).
La détection de paramètres associés à des formes arythmogènes est également possible en IRM
(fibrose des muscles papillaires, disjonction annulaire mitrale). Le scanner permet à la fois une éva-
luation des coronaires, la détection des calcifications et l’étude des rapports anatomiques pour les
futures techniques de remplacement valvulaire percutanées.
Pourquoi recourir
L’
imagerie cardiaque joue un rôle
central dans la prise en charge à l’imagerie de coupe ?
des valvulopathies régurgi-
tantes. L’insuffisance mitrale (IM) pri- L’échocardiographie transthoracique
maire est devenue la 2e valvulopathie (ETT) a révolutionné l’étude des valvulo-
la plus fréquente dans les pays occi- pathies et reste suffisante dans la plupart
dentaux après la sténose aortique. Sa des cas. Néanmoins, elle peut présenter
prise en charge nécessite une étude certaines limites : manque d’échogénicité
approfondie de la valve mitrale tant du patient, difficultés à étudier la zone de
sur le plan du mécanisme lésionnel, de convergence dans les fuites très excen-
l’estimation de la sévérité que du remo- trées, incertitudes dans le mécanisme,
delage cavitaire engendré par la fuite. manque de reproductibilité des mesures
F. LÉVY1, S. MARÉCHAUX2 L’échocardiographie reste la méthode lors du suivi, sous-estimation des volumes
1Centre cardio-thoracique de Monaco. de première intention et permet égale- ventriculaires ou atriaux, variabilité en
2Centre des valvulopathies, Laboratoire
d’échocardiographie, Service de cardiologie-USIC,
ment de guider le chirurgien ou cardio- fonction des conditions de charge.
Groupement des Hôpitaux de l’Institut Catholique logue interventionnel dans la réparation
de Lille, Faculté de médecine et maïeutique de de la lésion valvulaire lorsque cela est L’échocardiographie transœsophagienne
Lille, Université Catholique de LILLE.
possible. La place de l’imagerie par réso- (ETO) est limitée par son caractère
nance magnétique (IRM) est croissante, semi-invasif mais apporte une meilleure
tant pour confirmer le mécanisme et la résolution en résolvant les problèmes
sévérité que pour apporter une mesure d’échogénicité. Néanmoins, l’apport de
fiable et reproductible des dimensions l’ETO s’est nettement réduit ces dernières
cavitaires. On peut également recourir au années avec l’amélioration de la qualité
scanner cardiaque pour mieux apprécier de l’imagerie de seconde harmonique.
l’anneau mitral, les calcifications ou les En cas de réparation mitrale chirurgi-
artères coronaires. cale comme percutanée, l’ETO est la
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seule modalité permettant d’analyser 1. Dans l’évaluation de la sévérité de la le volume d’éjection total calculé à partir
précisément et en temps réel la valve, et fuite mitrale des VTD et VTS mesurés en Simpson ou
de guider l’opérateur dans sa procédure. en 3D) ;
L’IRM et l’échocardiographie proposent – la méthode des “débits”, de réalisation
Il existe néanmoins des situations cli- deux approches différentes de l’évalua- parfois difficile (étude de la différence
niques où, malgré un examen échocar- tion de la sévérité d’une fuite mitrale. entre le volume d’éjection aortique et
diographique satisfaisant, il persiste un L’approche échocardiographique est mitral en Doppler pulsé).
doute dans la prise en charge : paramètres multiparamétrique, associant une
de quantification de la sévérité de la fuite analyse qualitative, semi-quantitative >>> La quantification en IRM est indé-
discordants, IM dans la “zone grise” entre et quantitative. Alors qu’une grande pendante des caractéristiques du jet. Le
moyenne et sévère, IM non holosysto- partie des paramètres quantitatifs écho- VR obtenu en IRM (VR IRM) est calculé
lique moyenne avec dilatation cavitaire graphiques repose sur l’analyse du jet en faisant la différence entre le volume
ou présence de symptômes, fonction de régurgitation, l’IRM propose une d’éjection systolique total obtenu à par-
systolique ventriculaire gauche (VG) quantification indépendante des carac- tir des séquences SSFP (VTD-VTS) et
bordeline (entre 55 et 65 %), diminution téristiques du jet, basée sur le calcul de le volume d’éjection aortique obtenu à
minime de la fraction d’éjection ventricu- volumes (ventriculaire et aortique). partir du contraste de phase (fig. 1). La
laire gauche (FEVG) au cours du suivi… reproductibilité de cette technique est
Le recours à une autre technique d’éva- >>> La quantification échocardiogra- excellente et même supérieure à celle
luation indépendante est un atout majeur phique du volume régurgité (VR) peut de l’échocardiographie (corrélation
dans ce type de situation. Récemment, se faire selon plusieurs méthodes : intraclasse à 0,9 pour l’IRM vs 0,65 pour
des études remnographiques ont suggéré – la plus utilisée, basée sur la zone de l’écho) [1].
l’existence d’une zone d’incertitude des convergence du jet de régurgitation
paramètres échocardiographiques, dif- (méthode de la PISA) que l’on nommera >>> Comparaison du VR obtenu en IRM
férenciant mal les fuites moyennes et VR PISA ; et par la méthode de la PISA
sévères, en particulier en cas d’IM méso- – d’autres méthodes sont également
télésystoliques ou de fuites complexes indépendantes du jet : la méthode des Ces deux approches ne sont pas super-
avec de multiples jets [1]. “volumes” (comparant les volumes posables et des discordances entre l’IRM
d’éjection aortique en Doppler pulsé et et l’échographie ont été rapportées. En
L’IRM permet également une étude fiable
du remodelage histologique et volu-
mique du massif cardiaque.
Apport de l’imagerie
par résonance magnétique
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Revues générales
2015, une étude multicentrique prospec- Les IM jugées “moyennes à sévères” (ou sur la réelle performance diagnostique
tive [1] a remis en question l’évaluation grade 3) en échographie regroupent ainsi de chacune des techniques.
échocardiographique de l’IM en rappor- d’authentiques IM sévères bénéficiant
tant une adéquation avec l’IRM dans seu- d’une correction chirurgicale et des IM >>> Comparaison du VR obtenu en IRM
lement 2/3 des cas. Pire, contrairement moyennes surestimées par les critères de et par les volumes en échocardiographie
au VR IRM, le VR PISA ne prédisait pas le la PISA. Le recours à l’imagerie multimo-
remodelage VG après correction chirur- dalité est dans ces cas-là nécessaire pour En utilisant une méthode volumétrique
gicale de la fuite. améliorer la sélection des patients. en échocardiographie 3D, proche de celle
de l’IRM, pour quantifier le VR (à partir
Ces résultats ne sont en réalité pas sur- Par ailleurs, en l’absence de seuils de du volume 3D et du volume d’éjection
prenants. En effet, selon une récente sévérité spécifiques pour le VR IRM, les systolique aortique obtenu en Doppler
méta-analyse [2], la corrélation entre les recommandations actuelles préconisent pulsé), les corrélations avec le VR IRM
deux méthodes est moyenne (r = 0,74), d’utiliser ceux de l’échographie. Il a été étaient meilleures qu’avec la PISA (biais
avec une surestimation significative proposé d’utiliser plutôt la fraction de 3 mL ; r = 0,90) [2, 6]. Cette méthode
(+5 mL en moyenne) du VR PISA par régurgitation ou une valeur de VR IRM simple peut être réalisée en échocar-
rapport au VR IRM. Pour mémoire, les > 55 mL qui a montré sa valeur prédictive diographie 2D chez tous les patients en
seuils de sévérité du VR PISA ont été pour le recours à la chirurgie chez des prenant soin de tracer un contourage des
déterminés avec comme référence l’an- patients porteurs d’une IM asymptoma- volumes VG “au plus large”, excluant lar-
giographie ventriculaire gauche [3], qui tique [5]. gement les trabéculations, ou en utilisant
est semi-quantitative et n’a jamais été l’écho 3D [6]. Il est donc indispensable
elle-même validée rigoureusement [4]. Finalement, l’étude de la zone de conver- lorsque cela est possible, et en particulier
Il existe ainsi un chevauchement impor- gence reste une méthode robuste dans la dans les cas complexes (IM non holosys-
tant des valeurs de VR PISA et des grades plupart des cas, mais qu’il faut impé- toliques ou excentrées), de confronter les
de sévérité angiographiques, amenant à rativement intégrer et pondérer avec résultats obtenus par la PISA à ceux de la
une précision diagnostique imparfaite les autres méthodes échographiques. méthode des volumes dans l’évaluation
(fig. 2). Il n’est donc pas surprenant La difficulté réside dans le manque de échocardiographique.
qu’une discordance existe également véritable gold standard pour la quanti-
avec le VR IRM. fication de l’IM, empêchant de conclure Au total, il faut retenir que le VR PISA et
le VR IRM ne sont pas interchangeables.
La limite principale de l’IRM est l’ab-
Volume régurgité (VR) sence de seuils spécifiques. L’utilisation
de la fraction de régurgitation ou de
valeurs de VR déterminées spécifique-
210
ment dans des études multicentriques
180
pronostiques permettront d’améliorer
la pertinence de l’IRM.
150
2. Dans l’évaluation du remodelage
VR moyen (mL)
120 cavitaire
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fonction systolique postopératoire. L’autre avantage de l’IRM par rapport à notion de prolapsus valvulaire mitral
Mais ces diamètres ne sont pas très bien l’échocardiographie est son excellente arythmogène, associant souvent chez
corrélés aux volumes ventriculaires reproductibilité qui permettra, lors du une femme jeune la présence d’une
compte tenu de la sphéricité du ventri- suivi d’un patient asymptomatique, d’es- valve très myxoïde avec prolapsus bival-
cule en cas d’IM sévère. timer de manière fiable l’évolution de la vulaire, d’une disjonction annulaire
dilatation cavitaire au cours du temps. mitrale, de troubles de la repolarisation
Même si l’évaluation échocardiogra- sur l’ECG de base (inversion des ondes T
phique est la méthode de première Enfin, l’étude du mécanisme et la loca- en inférieur, sous-décalage ST latéral) et
intention, l’évaluation des volumes et lisation du prolapsus sont possibles en d’une hyperexcitabilité ventriculaire au
de la fonction systolique VG par l’IRM IRM mais l’échocardiographie transœ- Holter ECG a ainsi été proposée récem-
est actuellement le gold standard, la sophagienne, en particulier 3D, reste ment [8, 9] (fig. 4).
méthode de référence. En effet, l’écho- la référence, permettant de guider la
cardiographie bidimensionnelle pré- réparation chirurgicale ou percutanée La disjonction annulaire de la valve
sente de nombreuses limites comme per-procédure (fig. 3). mitrale (MAD) se définit comme une
une sous-estimation des volumes VG en séparation entre la zone d’insertion de
raison du foreshortening (troncature) de 3. Dans l’étude du myocarde et du la valve mitrale au niveau de la paroi
l’apex ventriculaire ou de la présence de risque rythmique auriculaire et la paroi libre du VG, en
trabéculations. Le volume de l’OG, dont dessous de l’anneau mitral postérieur.
la valeur pronostique a encore été rap- Bien que la maladie de Barlow ait long- Cette zone de fibrose serait impliquée
portée récemment par la Mayo Clinic [7], temps été considérée comme bénigne, dans la genèse des troubles du rythme
est également sous-estimé par l’échogra- des cas d’arythmie ventriculaire grave ventriculaire. Des travaux récents
phie par rapport à l’IRM. et de mort subite ont été rapportés. La ont montré que sa détection était
Fig. 3 : L’échocardiographie transœsophagienne permet le monitorage et le Fig. 4 : Exemple d’une patiente porteuse d’une maladie de Barlow associée à une
guidage per-procédure (ici un MitraClip) Les nouvelles modalités de traite- atteinte bivalvulaire avec fuite mitrale moyenne et hyperexcitabilité ventriculaire.
ment de l’image 3D permettent une étude des différents plans en transpa- Présence de rehaussement tardif et inversion des ondes T en inférolatéral sur l’ECG
rence (ici le clip en transparence sous les deux feuillets valvulaires capturés). de repos.
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Revues générales
Prévalence de MAD
42 %
POINTS FORTS
❙ L’échocardiographie est l’examen de première ligne mais elle peut
25 % être complétée par l’imagerie de coupe (scanner, IRM).
17 % ❙ L’IRM a un rôle croissant dans l’évaluation des insuffisances
mitrales primaires.
❙ L’IRM apporte une évaluation fiable et reproductible de la sévérité
ETT ETO IRM de l’IM. Néanmoins, il faut connaître les discordances dans la
quantification entre IRM et échocardiographie ainsi que l’absence
de seuils spécifiques pour le VR évalué par l’IRM.
❙ L’IRM permet une évaluation fiable et reproductible des dimensions
VG et OG ainsi que de la FEVG, et permet de corriger une
éventuelle sous-estimation par l’échocardiographie.
❙ L’IRM permet la détection de fibrose myocardique et d’anomalies
morphologiques pouvant favoriser les troubles du rythme
ventriculaire.
❙ Le scanner cardiaque permet une approche anatomique des
coronaires et des calcifications mitrales.
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