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Essential oils gaining ground at the community pharmacy. The use of essential oils for their
curative properties is an ancient practice which is nowadays very widespread. The British
tradition uses them exclusively externally, to improve a person’s psychological and emotional
well-being. The French school uses several methods of administration, notably oral. Strict
regulations must be respected for certain essential oils which present a risk.
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A
Mots clés utrefois réservées à la parfumerie et à la phar- En Grèce antique, le soldat ne partait jamais sans empor-
macie, les huiles essentielles (HE) sont aujour- ter une fiole de myrrhe pour être paré en cas de blessures.
• Aromathérapie
d’hui omniprésentes dans notre quotidien : Ce n’est que bien plus tard que les remarquables proprié-
• Chémotype
dans des produits d’hygiène ou dans des parfums d’am- tés antiseptiques et anti-inflammatoires de la myrrhe ont
• Huile essentielle
biance, dans des huiles aromatiques destinées aux été démontrées, justifiant son usage pour favoriser la
• Réglementation
massages bien-être, commercialisées sous forme de cicatrisation de plaies. Lors des grandes épidémies de
complexes visant à purifier notre air pollué et nous peste, Hippocrate lui-même ordonnait des fumigations
Keywords
débarrasser des acariens ou autres insectes, ou encore aromatiques de différentes Lamiacées dans les rues :
• Aromatherapy
recommandées en cuisine pour personnaliser certains le romarin, l’hysope, la sarriette et la lavande.
• Chemotype
plats. L’utilisation de l’aromathérapie, aujourd’hui très La première HE, celle de rose, aurait été extraite par le
• Essential oil
“tendance”, remonte à des temps très anciens. plus grand médecin arabe du Moyen Âge, Avicenne, qui
• Regulation
fut le premier à mettre au point le fonctionnement de
Un peu d’histoire l’alambic suite à des enseignements perses. Ce sont en
Les vertus curatives des HE étaient connues des civili- effet les Arabes qui sont considérés comme les vrais
sations anciennes disparues (Égypte ancienne, Chine fondateurs de l’aromathérapie. Peuple voyageur, ils
ancienne, Grèce antique…) ou toujours actuelles (Inde, ramenaient des plantes aromatiques venues d’Asie pour
Australie). Ainsi, à titre d’exemple, les aborigènes d’Aus- les cultiver eux-mêmes sur tout le pourtour du bassin
tralie utilisent depuis plus de 30 000 ans les vertus de méditerranéen. Ce sont eux qui ont élaboré la fameuse
“bonnes feuilles”, notamment issues de mélaleuques1, formule du laudanum ou teinture d’opium safrané, une
pour se soigner. Des alambics datant de plus de ancienne préparation à base de poudre d’opium et de
5 000 ans avant Jésus-Christ ont été découverts en Asie. safran, additionnée d’HE de cannelle et de girofle, dispo-
Enfin, en Inde, les “eaux aromatiques” récupérées en sor- nible sous forme de gouttes et servant au traitement
tie d’alambic après distillation par entraînement à la vapeur symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques. C’est
d’eau de plantes aromatiques sont utilisées depuis plus de au XVIe siècle que le médecin suisse Paracelse (1493-
7 000 ans et consignées par écrit depuis 3 000 ans. 1541) le nomma laudanum, du latin laudare signifiant
Dès l’Égypte antique, elles servaient à embaumer les “louer” ou de labdanum désignant plus simplement un
morts grâce aux propriétés antiseptiques de plantes extrait de plante.
comme le cèdre du Liban, le nard de l’Himalaya, la can- Les croisades du Moyen Âge permirent de diffuser l’art
Auteur nelle, le ciste ou encore des produits de sécrétion aro- de la distillation en Occident. L’aromathérapie devint
correspondant matique comme l’encens ou la myrrhe. Des résines alors la première source de médicaments en pharmacie.
d’encens, toujours odorantes, ont en effet été décou- Les pharmaciens du Moyen Âge étaient d’ailleurs sur-
Françoise
COUIC-MARINIER vertes dans le tombeau de Toutânkhamon environ 3 250 nommés les aromatherii. La pharmacie et la parfumerie
marinier.francoise@wanadoo.fr ans après son inhumation. utilisèrent dès le XVIe siècle le bigaradier, ou oranger
amer, originaire de Chine mais introduit en Europe par indispensable en aromathérapie, le chémotype. D’autres
Notes
les Arabes. La distillation permettait, à partir de ses grands hommes contribuèrent à faire avancer l’aroma- 1
Le mélaleuque à feuilles
feuilles, l’obtention de l’HE de petit grain figurant en thérapie scientifique. Citons les docteurs Daniel linéaires (Melaleuca linariifolia)
bonne place dans la composition de l’eau de Cologne, Pénoël [3], Christian Durrafourd et Jean-Claude est un arbre de la famille des
Myrtaceae, originaire de l’est
avec les essences de bergamote, de lime et de citron. Lapraz [4], Dominique Baudoux [5] et le pharmacien
de l’Australie.
L’écorce du fruit fournissait de son côté l’essence de Michel Faucon, auteur d’un ouvrage de référence [6]. 2
Martindale WH. Essential oils
bigarade utilisée en parfumerie et dans la fabrication de in relation to their antiseptic
liqueurs de type curaçao. Enfin, la distillation des fleurs Aromathérapie et huiles essentielles : powers as determined by
produisait l’HE de néroli, du nom d’une célèbre duchesse définitions their qarbolic coefficients.
Perfumery Essential Oil Res.
qui en fit son parfum au XVIIe siècle. L’aromathérapie et les HE doivent être clairement dis- 1910;1:266-96.
Les premières analyses des HE furent réalisées tinguées. 3
En 1937, René-Maurice
vers 1830. Puis, à la fin du XIXe siècle et au début du Gattefossé publia
Aromathérapie (Librairie
XXe siècle, des recherches poussées mirent en évidence L’aromathérapie des Sciences Girardot
leurs propriétés antiseptiques. En 1910, William Martin- L’aromathérapie vient du grec aroma, qui signifie odeur, et Cie), synthèse de ses
dale classa les HE en fonction de leur pouvoir anti- et de therapia, qui signifie soin. Il s’agit donc d’une travaux et recherches sur la
thérapeutique par les huiles
septique par rapport au phénol2. L’essence de citron fut méthode de soin naturel par les “odeurs”. Il existe deux
essentielles.
également expérimentée avec succès pour tuer le pneu- écoles d’aromathérapie :
mocoque en 3 à 12 heures et le bacille d’Eberth (un des • l’école anglaise, orientée sur le bien-être et le mieux-être,
agents de la typhoïde) en 1 à 3 heures. En 1922, Morel valorise les impacts psychologique, psychique, émo-
et Rochaix confirmèrent que le thymol et l’eugénol sont tionnel et énergétique des HE. C’est une esthéticienne
efficaces pour éradiquer les bacilles de Koch, d’Eberth, française, également biochimiste, Marguerite Maury,
ainsi que le staphylocoque doré et le Proteus vulgaris. qui l’a développée en Angleterre dans les années 1960.
C’est René-Maurice Gattefossé (1881-1950), pharma- Elle a écrit un ouvrage de référence paru en 1961 [7],
cien et chimiste français, qui est à l’origine du terme décrivant une méthode de rajeunissement par les
“aromathérapie”. En 1930, il se brûla les mains et le front aromates et les parfums. Les HE y sont utilisées uni-
dans son laboratoire lors d’une explosion. Il utilisa alors quement par voie externe, à des doses infinitésimales ;
un remède vanté par les lavandières qui lui procuraient • l’école française est quant à elle très axée sur l’identité
des HE de lavande officinale, de lavande aspic et de botanique et la biochimie précise (espèce botanique,
lavandins. Il fut très rapidement soulagé et cicatrisa sans chémotype) pour dénommer le plus exactement pos-
aucune infection. Il édita ensuite de nombreux livres, sible une plante et son HE ainsi que ses constituants.
dont un dans lequel il prédit un avenir extraordinaire à
l’aromathérapie moderne3. En 1929, un pharmacien
lyonnais, Sévelinge, élargit le spectre d’action des HE à
l’usage vétérinaire et ce, avec grand succès.
L’arrivée massive en France, dans les années 1930, de
médicaments de synthèse (notamment les pénicillines),
moins chers, de composition et qualité parfaitement
reproductibles, contribua à ralentir considérablement
l’intérêt pour l’aromathérapie. Néanmoins, grâce au travail
acharné de certains médecins, chercheurs et autres phar-
maciens, une aromathérapie scientifique continua à s’y
développer.
Dans les années 1960-1970, le docteur Jean Valnet,
médecin militaire français, utilisa avec grand succès les
HE sur les champs de bataille lors de la guerre d’Indochine.
La publication de son ouvrage Aromathérapie [1] lança une
nouvelle vague d’intérêt, tant chez le grand public que dans
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dossier
Les huiles essentielles à l’officine
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dossier
Les huiles essentielles à l’officine
Le rendement dépend de chaque espèce et peut être, • rose pour l’HE de gaulthérie odorante ;
Pour en savoir plus
pour certaines plantes, extrêmement faible. À titre • vert émeraude pour l’HE d’inule odorante ;
• Bonnabel-Blaize M. Santé
d’exemple, il faut 20 000 roses, soit 4 tonnes de pétales, • vert pâle pour les HE de bergamote et d’absinthe ; et bien-être par les huiles
cueillies avant le lever du soleil, pour obtenir 1 kg d’HE • vert foncé pour l’HE de mandarine verte ; essentielles. St-Rémy-de-
de rose. Ce faible rendement explique le prix élevé de • jaune pâle pour les HE de sauge sclarée et de romarin Provence: Edisud; 2004.
à 1 – et sont susceptibles de provoquer des irritations, publique [10] réglemente l’usage et la vente des HE
voire des brûlures cutanées. Il faut donc impérativement d’anis, de badiane, de fenouil et d’hysope qui ne peu- Les auteurs
utiliser un tensioactif pour permettre leur mise en sus- vent être délivrées que sur prescription médicale, en Françoise
COUIC-MARINIER
pension dans l’eau. Elles possèdent un indice de réfrac- préparation ou en nature. Une comptabilité spéciale est Docteur en pharmacie, 201 bis
tion élevé et ont souvent un pouvoir rotatoire. imposée sur un registre avec acquis-à-caution. w avenue du Général-Leclerc,
La plupart d’entre elles sont colorées : 54000 Nancy, France
marinier.francoise@wanadoo.fr
• bleu clair pour les HE de patchouli et de camomille matri-
Annelise LOBSTEIN
caire ; Professeur des universités,
• bleu foncé pour l’HE de tanaisie ; pharmacognosie, Faculté
• rougeâtre pour les HE de cannelle et une variété de thym ; de pharmacie de Strasbourg,
74 route du Rhin, CS 60024,
• rouge sang pour l’HE de certaines sarriettes ; 67401 Illkirch cedex, France
• orange pour l’HE de sarriette des montagnes ; lobstein@unistra.fr
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