Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Contrôle ; cour et Td
Épreuve écrite de 3h (dissertation, commentaire, cas pratique)
Introduction générale ;
Le droit administratif (DA) général apparaît comme la branche du droit public applicable à
l'activité administrative. A ce titre, le DA se distingue du droit privé, des autres disciplines
du droit public et d'autres matières spéciales du DA.
Contrairement au droit privé, le DA a vocation à régir les relations entre les individus et
l'administration, ou parfois les rapports entre plusieurs morales de droit public. L'action
administrative est soumise à des règles spécifiques, différentes des règles de droit privé.
Elles correspondent au DA. L'action administrative sera soumise au contrôle d'un juge
spécialisé : le juge administratif (JA). En vertu du principe de liaison de la compétence et
du fond, ce juge spécialisé va lui-même appliquer un corps de règle spécifique : le DA. Si ces
principes sont globalement exacts, ils souffrent néanmoins de certaines exceptions. La
frontière qui sépare le DA et le droit privé d'une part, et la compétence des juridictions
administratives et judiciaires d'autre part constitue parfois une frontière poreuse. En
particulier, certaines activités de l'administration relèvent ainsi du droit privé et de la
compétence du juge judiciaire. Dans des hypothèses plus rares, le JA pourra faire application
des règles de droit privé, tout comme, à l'inverse, le juge judiciaire pourra faire application
des règles de DA.
Droit administratif = ensemble de règle spécifique distinctes du droit privé, avec un juge
spécifique.
Le DA apparaît par ailleurs comme la partie du droit public s'appliquant à l'activité de
l'administration. Il est l'une des principales branches du droit public, ensemble des règles
juridiques propres à l'existence, à l'organisation et au fonctionnement de l’État. Le DA
cohabite au sein du droit public avec d'autres disciplines académiques, notamment le droit
constitutionnel (DC). À la différence du DA, le DC s'intéresse à la structure de l’État, aux
différents pouvoirs qui le forment et aux relations que ces pouvoirs peuvent entretenir
entre eux. Le DA n'a pas cet objet : il a un champ d'application plus restreint puisque son
objet d'étude se limite, au sein du pouvoir exécutif, à la seule action de l'administration. Ce
bornage apparent de la matière cache pourtant mal l'étendue considérable du champ
disciplinaire en question.
En effet, le DA englobe à la fois l'étude de l'organisation administrative et des
institutions administratives françaises, l'étude de l'action des organes administratifs,
celle des moyens juridiques, matériels et humains de l'administration. La frontière qui
sépare le DC et le DA n'a rien d'une frontière parfaitement étanche. Historiquement, les 2
disciplines se sont nettement distinguées l'une de l'autre. Cette séparation trouvait son
explication dans l'absence de règles constitutionnelles encadrant l'administration. Sous la
3ème République, la DDHC de 1789 n'avait pas alors la valeur d'un texte juridiquement
contraignant en droit positif. De même, les 3 lois constitutionnelles de 1875 comportaient
essentiellement des règles techniques, relatives aux différents pouvoirs et étaient assez
largement dépourvues de principes juridiques de fond. Historiquement, la construction du DA
s'est opérée sans référence directe à la norme constitutionnelle. Cet isolement initial du DA
ne pouvait perdurer éternellement puisque dans un système juridique puisant ses
fondements dans la Constitution (C), l'action des organes administratifs ne peut se
trouver déconnectée de la norme fondamentale qu'est la C.
G. Vedel, juriste du 20e, a exposé cette filiation entre les deux disciplines et a développé sa
théorie des bases constitutionnelles du DA, dans une étude publiée en 1964. Ce
rattachement se manifeste concrètement dans plusieurs dispositions de la C58 : par exemple,
l'art 20 al. 2 indique que « le gouvernement dispose de l'administration ». De la même
manière, l'art 72 al. 2 précise que « dans les conditions prévues par la loi, les collectivités
territoriales s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir
réglementaire pour l'exercice de leur compétence ».
Au-delà de ces exemples, plusieurs dispositions de la C ont des incidences certaines sur
l'organisation administrative et sur le fonctionnement de l'administration (exercice du pouvoir
réglementaire). DA et DC ne forment donc plus deux disciplines totalement séparées. On
peut même souligner la continuité entre les deux matières, qui se manifeste notamment dans
l'évolution convergente des JP du CE et du CC sur certaines questions.
Le DA dit général n'est en fait qu'une partie du DA. Le DA au sens large doit être entendu
comme le droit applicable au fonctionnement des administrations publiques et au
rapport que celles-ci entretiennent avec les citoyens. Cette discipline connaît pourtant elle-
même différents objets et le DA consiste d'abord à étudier l'ensemble des organes et structures
de l'administration qui forment l'administration française. C'est le droit des institutions
administratives.
Le DA réside également dans un certain nombre de règles de fond gouvernant le
fonctionnement des administrations et le rapport entre ces administrations avec les citoyens. Il
ne s'agit plus du DA institutionnel mais du DA matériel. Cette deuxième approche de la
matière correspond au DA général et consiste à étudier les finalités, les moyens et le
contrôle de l'action administrative.
Le DA général se distingue des DA spéciaux, qui vont regrouper un certain nombre de
matières détachées du DA général, sans être dépourvues de tout lien avec le DA. Ces matières
traitent notamment des moyens de l'action administrative, autres que ceux juridiques (des
moyens humains, des moyens en biens). Les DA spéciaux regroupent enfin certaines matières
spéciales : le droit de l'urbanisme, le droit public économique.
B. Un droit inégalitaire ?
André de Laubadère : « le DA est un droit du déséquilibre ».
Ce déséquilibre s'explique aisément. L'action admin repose en effet sur des rapports de
droit inégalitaires et, comme l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier,
l'administration dispose dans son action de pouvoirs parfois exorbitants appelés prérogatives
de puissance publique. Le droit privé, en revanche, est fondé sur un rapport égalitaire entre les
individus. Ce caractère inégalitaire explique donc la mauvaise réputation dont peut jouir
le DA dans une partie de l'opinion publique. Cette mauvaise réputation est en réalité
injustifiée et imméritée.
D'ailleurs le caractère inégalitaire du DA mérite d'être tempéré par un certain nombre de
considérations :
Le déséquilibre en question se manifeste en réalité dans les deux sens. Jean
Rivero : « le DA est tout autant un droit de prérogatives qu'un droit de sujétion ».
D'un côté, le déséquilibre est à l'avantage de l'administration et celle-ci va
bénéficier pour accomplir sa mission de moyens exorbitants du droit commun
: il peut s'agir des prérogatives d'action (le pouvoir de décision unilatérale de
l'administration, l'expropriation, le pouvoir de modification unilatéral des clauses
d'un contrat) ou de prérogatives de protection (les monopoles dont bénéficient
certains SP, les règles de la domanialité qui protègent certains biens affectés au SP,
le principe d'insaisissabilité des biens des personnes publiques).
Mais d'un autre côté, le déséquilibre est au désavantage de l'administration : si
l'administration a des droits et des pouvoirs, elle a aussi des devoirs et des
obligations, les sujétions. Finalement, par un effet de symétrie, l'intérêt général est
certes générateur de certains privilèges mais impose aussi aux personnes publiques
un certain nombre de charges et d'obligations que n'aurait pas à supporter une
personne privée.
Par ex, l'administration ne peut pas librement décider de recruter un fonctionnaire ou de
passer un marché, sans être soumise à des règles de forme extrêmement strictes. Il arrive
également que l'administration ne soit pas libre d'agir. Par ex, l'administration devra
garantir la continuité des SP. De la même manière, l'administration est tenue de mettre en
œuvre ses autorités de police pour conserver l'ordre public. Si l'administration souhaite vendre
un de ses biens, elle se heurte à des contraintes juridiques extrêmement fortes.
L'administration a ainsi des droits mais elle a aussi des sujétions plus importantes que
ceux d'un particulier. L'intérêt général constitue à la fois le fondement et la limite de
l'action de l'administration. Il pourra justifier à la fois l'existence de prérogatives et de
sujétions de puissance publique.
Loin de l'image caricaturale que l'on veut parfois lui prêter, le DA ne se réduit pas à un droit
de privilèges ; il est aussi (et surtout) un instrument de soumission de l'administration au droit
et de préservation des droits des administrés. Le DA se caractérise même depuis ses origines
par la recherche d'un point d'équilibre entre préservation de l'intérêt général et protection des
droits des administrés. La balance semblait pencher traditionnellement du côté de l'intérêt
général et de l'administration mais certaines évolutions récentes tendent à promouvoir les
droits subjectifs des administrés.
Par exemple, la loi du 17 juillet 1978 portant sur l'accès aux documents administratif, la loi de
11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, la loi du 8 février 1995 qui permet
au JA d'adresser des injonctions à l'administration ou encore la loi du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le DA ne peut sans doute plus être exclusivement réduit à un « droit du déséquilibre ». On
peut dire plus exactement que le DA est un droit foncièrement déséquilibré mais qui se
caractérise par la recherche permanente d'un équilibre conciliant les exigences propres à
l'action des personnes publiques et la préservation des droits des administrés.
D. La délimitation du DA français
Le champ d'application du DA peut être délimité par la combinaison de plusieurs notions ou
critères fondamentaux, qui servent à tracer la frontière entre le droit public et le droit privé.
Il s'agit en premier lieu de prendre en considération l'élément organique. A cet élément
organique, s'ajoutent des considérations d'ordre matériel et formel, à l'origine d'un régime
juridique exorbitant du droit public. Le seul élément organique est insuffisant en lui même et
ne suffit pas à déclencher l'application du DA. Seule une partie des personnes publiques sera
soumise à l'application du DA. Le reste relèvera donc de l'application du droit privé. Les
critères en question sont d'ordre matériel ou fonctionnel. L'action administrative se verra
appliquer des règles spéciales parce qu'elle se rattache elle-même directement à l'exécution de
missions de SP. Le déclenchement d'un régime exorbitant du droit privé sera lui-même
conditionné par l'emploi de procédés exorbitants. En réalité, la délimitation du DA passe par
la combinaison de ces éléments d'ordre organique, matériel et formel.
Outre l’État, la catégorie des personnes publiques est constituée des diverses
collectivités infra-étatiques : les CT. Elles prennent à leur charge l'ensemble des
affaires locales et gèrent les intérêts des habitants qu'elles administrent. Au cœur
même de cette catégorie, figure la notion de territoire et les CT sont des collectivités
infra-étatiques qui exercent leurs compétences sur un territoire déterminé, qu'elles
représentent et dont elles émanent à travers le procédé de l'élection. Elles ne sont pas
par ailleurs limitées dans leur action par un principe de spécialité ; elles bénéficient
même d'une clause générale de compétence, qui leur permet d'intervenir dans toute
affaire.
Au sein de cette catégorie des CT, on distingue les CT de droit commun (région,
département, commune) et les collectivités dérogatoires à statut particulier. Les autorités
admin et les agents ne se confondent pas avec les personnes morales de droit public qu'ils
représentent. Par exemple, le maire n'est pas une personne publique, c'est une autorité admin
agissant au nom et pour le compte d'une personne morale, la commune. De manière générale,
il n'y a d'ailleurs pas et il ne peut y avoir de personne physique de droit public.
Les autorités et les agents interviennent toujours au nom et pour le compte des
personnes morales. On estime par ailleurs que les personnes morales détiennent des
compétences, et les autorités administratives ou leurs agents ont plutôt des attributions.
La troisième grande catégorie de personnes publiques est formée des
établissements publics, qui étaient initialement les seules personnes publiques
spécialisées. Un établissement public est une personne publique spécialisée,
chargée par l’État ou par une CT d'une mission de SP. En fonction des missions
qu'il exerce, l'EP pourra être de nature différente. La distinction entre les SPA et
les SPIC conduit ainsi à distinguer les EPA et les EPIC.
Comment distinguer un EP d'une CT ? Il y a deux différences majeures :
Les EP sont des personnes publiques spécialisées, dont l'action est encadrée et
conditionnée par un principe de spécialité.
Les EPIC sont en principe des personnes publiques non territoriales. Mais tel
n'est pas le cas pour les EP de coopération intercommunale (EPCI).
a. Les doctrines
Dès le XIXe la nécessité de répartir les matières entre les deux ordres de juridiction a conduit
la doctrine à rechercher un critère justifiant tout à la fois l'application des règles
exorbitantes du droit commun et l'intervention d'un juge spécialisé.
Historiquement, la recherche d'un critère du DA est indissociable de la compétence du
JA. Les juridictions admin nouvellement créées se devaient dès le départ d'identifier leur
domaine de compétence pour le distinguer de celui des juridictions judiciaires. Dès cette
époque, la recherche d'un critère de compétence a alors conduit à déterminer ce qui, au sein
de l'activité des personnes publiques, devait relever du droit privé et ce qui devait relever d'un
régime exorbitant du droit commun. Depuis près de deux siècles, les juridictions admin et
judiciaires tentent de déterminer une ligne de partage entre la part des activités publiques
relevant d'un régime de droit public, et donc de la compétence du JA, et la part relevant
d'un régime juridique et contentieux de droit privé.
A l'écoute de la JP, la doctrine va quant à elle très tôt tenter d'élaborer des critères
généraux pour justifier et expliquer l'intervention du JA et l'application du DA.
Une première tentative devait intervenir vers la fin du XIXème. A cette époque, des auteurs
comme Laferrière ou Barthélémy ont alors tenté de mettre en avant le critère de l'acte
d'autorité. L'application du critère conduisait alors à répartir en deux ensembles les actes
adoptés par l'administration : d'un côté les actes d'autorité (ceux qui comportent une part
de puissance publique et témoignent de privilèges exorbitants du droit commun) qui
relèveront du DA et de la compétence du JA ; de l'autre les actes de gestion qui relèveront du
droit privé et de la compétence du juge judiciaire en cas de litige.
Cette distinction a été un temps en vogue mais elle sera finalement, au début du XXème
siècle, écartée par la doctrine de droit public, qui va alors tenter de reconstruire le DA sur des
bases en parties nouvelles. Dans cette œuvre doctrinale, deux écoles vont apporter une
contribution particulièrement significative :
L'école de Bordeaux ou du SP, représentée par Léon Duguit (1859-1928). Cette école
fait prévaloir le but sur les moyens. Dès lors qu'il y a SP, il doit y avoir application des
règles du DA et compétence du JA. Pour Duguit et ces disciples, tout le DA doit être
construit autour de cette notion du SP. On se trouve face à la double équation
suivante : SP = DA = JA. Gaston Jèze, Roger Bonnard, Louis Rolland, André De
Laubadère.
b. Le droit positif
Le CE a toujours refusé de consacrer l'existence d'un critère organique qui aurait à lui seul
déclenché l'application du DA et justifié la compétence du JA. L'adoption d'un tel critère
aurait conduit à une application extensible du DA, tout en excluant a contrario la
compétence des juridictions judiciaires pour tout litige mettant en cause une personne
publique ou l'un de ses agents.
Le rejet d'un tel critère organique devait conduire le juge et la doctrine à identifier un ou
plusieurs critères matériels, fondés sur la nature et les spécificités de l'action administrative :
critères d'ordre fonctionnels ou finalistes, ou formels selon qu'ils s'attachent aux buts ou aux
modalités de l'action administrative.
Les auteurs du XIXème justifiaient initialement la compétence du JA par la théorie des actes
de puissance publique. De nouvelles perspectives vont s'ouvrir et l'école du SP va alors être
à l'origine, au début du XXème siècle, d'une réorientation du DA autour de la notion
maîtresse de service public. La décision Blanco de 1873 est alors le symbole de la notion de
SP. L’œuvre s'inscrit en plein dans la transformation de l’État gendarme en État providence.
Duguit, qui souhaite remplacer la vieille administration napoléonienne s’appuie alors sur
l'arrêt Blanco. Les analyses de Duguit n'auront pas été sans impact sur la JP du CE qui alors
construit la compétence du JA autour de la notion de SP (CE Thérond, 4 mars 1910 : le
litige naît de l'exécution d'un contrat ayant confié à un particulier l'exécution d'une mission de
SP).
Suite aux efforts de Maurice Hauriou et Vedel, la notion de puissance publique connaît une
résurrection au milieu du XXème siècle. La puissance publique va éclipser la notion de SP.
A ce moment-là, le critère de la puissance publique est favorisé par les crises que connaît au
même moment le critère du SP :
La 1ère résulte de la reconnaissance de SP à gestion privée, c'est-à-dire des SP
qui ne commandent plus l'application du DA.
La seconde crise résulte de la reconnaissance de la possibilité d'attribuer à des
organismes de droit privé, en dehors de tout contrat, une mission de SP
administratif (CE, 13 mai 1938, caisse primaire « aide et protection »).
Le SP est alors devenu est une notion inapte à servir de critère du DA. Dans ce contexte
(années 20 à 40), la notion de puissance publique va connaître une seconde jeunesse via les
travaux de Hauriou et de Vedel. Cet effort doctrinal de réhabilitation de la notion de
puissance publique a connu alors un certain prolongement en JP. Dès le début du XXème
siècle, certaines solutions JP témoignent déjà d'un certain attachement du juge au critère de la
puissance publique. Par exemple, CE, 31 juil 1912, Société des granites porphyroïdes des
Vosges → il découle de cet arrêt, par une lecture a contrario, que les contrats contenant des
clauses exorbitantes du droit commun sont des contrats administratifs relevant du JA en
cas de litige.
A partir de la fin des années 1950, la notion de puissance publique fut par ailleurs retenue
dans certains arrêts comme critère exclusif de compétence du JA. Dans une décision
Bourgogne-Bois, rendue le 10 juillet 1956, le TC a ainsi retenu à titre exclusif un tel critère de
compétence dans une affaire portant sur une taxe qui ne pouvait être rangée parmi les
contributions directes ou indirectes. Dès lors que la notion de puissance publique est
présente, le JA est compétent. La notion de puissance publique ne s'est pourtant pas alors
imposée comme critère général et unique du DA.
Dans le même temps, le critère du SP ne fut jamais totalement renié par le JA et
notamment par le CE. Mieux encore, dans plusieurs JP célèbres, la notion de SP devient
même tout à la fois le fondement de grandes catégories juridiques et le fondement de la
compétence du JA. C'est le cas notamment pour la notion d'agent public (2 arrêts du 4 juin
1954 du CE : arrêt Vingtain et arrêt Affortit), de travaux publics (décision EFFIMIEFF, 28
mars 1955), de contrats admin (2 arrêts du 20 avril 1956, arrêt époux Bertin et arrêt ministre
de l'Agriculture c/ consort Grimoird) et pour celle de domaine public ( CE, 19 octobre 1956,
société Le Béton).
On constate donc à ce moment-là que la JP continue de s'appuyer sur le critère du SP pour
fonder la compétence du juge et ce parfois à titre exclusif, notamment en matière de
contentieux contractuel. Le critère de la puissance publique ne devait alors connaître qu'une
brève éclipse. Il sera finalement assez rapidement remis au goût du jour par une partie de la
doctrine. En l'occurrence, une partie de la doctrine met en avant l'idée de gestion publique,
qui dérive de la notion de puissance publique, pour justifier la compétence du JA ainsi que
l'application du DA. Alors, à ce moment-là, pour ces auteurs, la détermination de l'ordre
juridique compétent et des règles applicables au litige est fonction de la nature des rapports
juridiques en présence. L'application du DA et la compétence du JA se justifient toutes
deux dès lors que l'administration agit dans des conditions spéciales et selon des
procédés exorbitants du droit commun. Les auteurs en question font donc dépendre très
nettement l'application du DA de l'utilisation des moyens exorbitants et l'idée de but, de
finalité n'est pas mise en avant. Cette idée de gestion publique se retrouvait dès la fin du
XIXème siècle, y compris dans l'arrêt Blanco de 1873.
Loin de rentrer dans ces débats théoriques, le CE n'a jamais pris formellement position en
faveur des thèses d'Hauriou ou de Duguit. Autrement dit, aucun de ces deux critères ne s'est
jamais véritablement imposé en JP comme critère unique et exclusif du DA et de la
compétence du JA. En réalité, dans bien des cas, le critère de la puissance publique ou celui
des prérogatives de puissance publique apparaît non pas comme un critère exclusif de
compétence, mais plutôt comme un critère complémentaire. D'ailleurs, on observe que ce
critère est venu répondre historiquement aux faiblesses du critère du SP, qui était lui-même
impropre dans bien des cas à fixer la compétence du JA.
Finalement, dans un très grand nombre de solutions jurisprudentielles, c'est la réunion des
deux critères qui sera à l'origine de la compétence du JA et de l'application du DA. Il en
va ainsi par exemple s'agissant de l'identification des actes admin adoptés par les personnes
morales de droit privé gérant un SP admin. La JP du CE va clairement s'établir en ce sens à
partir du milieu du XX ème siècle à la suite des arrêts Monpeurt (31 juillet 1942) et Bouguen
(2 avril 1943) et l'arrêt Magnier (13 janvier 1961). Dans ce cas précis, l'addition des deux
critères intervient de manière très nette parce que pour recevoir la qualification d'AAis, les
actes émanant des organismes de droit privé doivent être adoptés en vertu de prérogatives de
puissance publique et dans l'accomplissement de la mission de SP détenue par cet
organisme. Donc, en JP, les deux critères apparaissent clairement et sont cumulatifs :
l'absence de l'une de ces deux conditions cumulatives conduira a contrario à retenir la
qualification d'acte de droit privé. On assiste à un retour à la compétence du juge judiciaire en
vertu du critère organique. Ce dernier exemple montre qu'il n'y a pas en réalité de critère
unique et exclusif du droit et du contentieux admin.
On peut dire finalement que SP et puissance publique apparaissent comme des notions
essentielles, mais qui n'ont jamais permis à elles-seules d'identifier une clause générale de
compétence du JA ou un critère général d'application du DA. Telle était la conclusion de J.
Rivero. L'absence de critère unique ne signifie pas pour autant l'absence de tout critère
et le juge cherche en réalité à combiner dans différentes espèces plusieurs critères, au premier
rang desquels on trouve ceux de SP et de prérogatives de puissance publique. Finalement, à
tout perdre, il vaut sans doute mieux des critères imparfaits qu'une absence totale de critère,
car cela reviendrait alors à l'existentialisme juridique (Chenaux) : il n'y a rien de prédéfini en
droit, c'est le CE qui fait le droit.
L'action administrative tire d'abord sa spécificité des fins particulières qu'elle poursuit. En
effet, cette action s'identifie, à travers son objet particulier qui réside dans la poursuite de
l'intérêt général. Cet objet est bien propre à l'action admin dans la mesure où il ne se
retrouve pas dans la sphère privée. Ces finalités propres à l'action admin justifient
d'ailleurs l'existence d'un droit spécifique et dérogatoire applicable à cette action. En
effet parce qu'elle agit dans l'intérêt général, l'admin se verra appliquer des règles particulières
qui ne sont pas les règles de droit commun. A cet égard, la formule tirée de la décision Blanco
éclaire la singularité attachée à la fin particulière de l'action publique qui justifie l'application
du DA et la compétence du JA.
Si toute l'action de l'admin est orientée vers l'intérêt général, cet objectif général trouve sa
traduction dans des missions particulières. Conçue a minima, la mission première de l'Etat
est de faire respecter l'ordre public, à la fois au niveau interne, mais également au plan
externe. Cette mission première et fondamentale correspond à la figure de l'Etat-gendarme
qui n'a pas disparu aujourd'hui. En particulier, l'exercice de la PA va permettre de préserver
l'ordre public des atteintes dont il pourrait être l'objet.
Au-delà de cette mission première et fondamentale, l'admin doit également assurer un
certain nombre de services et de prestations matérielles en vue de satisfaire des besoins
collectifs jugés cruciaux. L'administration répondra ainsi à de tels besoins à travers diverses
missions et activités de SP, qui symbolisent le modèle de l'Etat providence.
En réalité, ces deux objets de l'action admin se distinguent sans s'opposer. On peut même
affirmer qu'ils sont étroitement complémentaires. En effet, une activité de SP ne pourrait
se concevoir sur un territoire sur lequel l'ordre public ne serait pas garanti. A l'inverse,
l'Etat ne pourrait se cantonner, même dans la plus pure tradition libérale, à la poursuite de la
seule activité régalienne de préservation de l'ordre public. D'ailleurs l'opposition entre Etat-
libéral et États-providence est surfaite, exagérée et artificielle. Par ses caractéristiques, la PA
apparaît en outre comme une activité de SP. Elle est en effet le fait des personnes
publiques qui agissent elles-mêmes dans l'intérêt général. L'identification de la PA à un SP fut
affirmée par L. Duguit, qui était soucieux de ramener tout le droit se rapportant à l'action
admin à la notion de SP.
Il n'en reste pas moins que la PA correspond à une fin particulière de l'action publique qui ne
doit pas être totalement assimilée au SP. D'abord, elle poursuit un but spécifique qui réside
dans la préservation de l'ordre public. Par ailleurs, la PA est soumise à un régime juridique
en partie distinct de celui applicable au SP.
Pour le reste, le DUE n'admet que les notions de service universel et de service d'intérêt
économique général.
Les choses ont évolué depuis quelques années : droit français et DUE se sont rapprochés si
bien qu'il n'y a sans doute plus aujourd'hui d'incompatibilité absolue entre SP français et
libéralisme du DUE. D'un côté les instances communautaires ont infléchi leur position en
acceptant de prendre davantage en compte des considérations tenant à l'intérêt général. La JP
de la CJUE va assouplir et élargir, dans les années 90, la notion de service d'intérêt
économique général, ce qui va permettre de justifier plus facilement une dérogation au
principe d'égale concurrence par des mesures discriminatoires favorisant des activités d'intérêt
général. L'art 106-2 TFUE permet à certains opérateurs éco exerçant une activité d'intérêt
économique général de déroger aux règles du traité à condition que ne soit pas porté atteinte à
l'intérêt de l'union. Le juge de l'union veille à la bonne application des dispositions en
question. A l'inverse, la notion même de SP à la française a évolué sous l'influence du
droit communautaire : remise en cause des grands monopoles nationaux (transport,
distribution du courrier, de l'électricité...) notamment. On assiste à un rapprochement depuis
quelques années entre le DUE et le droit français. Du fait de ce rapprochement, la notion de
SP à la française n'apparaît plus incompatibles avec les règles communautaires.
Rapprochement ne signifie pas pour autant adéquation. En effet, il n'y a toujours pas de
correspondance exacte entre la notion française de SP (notion qui revêt une dimension plus
politique qu'économique) et les notions communautaires de service d'intérêt économique
général et de service universel (notion qui repose sur une approche sectorielle, technique et
minimaliste). Malgré les tensions qui ont pu exister, l'impact des règles et principes juridiques
de l'union se limite aux modalités d'organisation de certains grands SP. En revanche, le DUE
exerce moins d'impact sur le régime juridique applicable aux activités de SP.
A. Les critères
Le SP peut se définir, à travers ses critères identifiants, comme une activité d'intérêt général
gérée directement ou indirectement par une personne publique. Il arrive qu'une activité
soit qualifiée de SP par les textes. Dans ce cas , , cette qualification s'imposera au juge
(notamment au JA) surtout lorsqu'elle émane d'un texte législatif. C'est un peu plus compliqué
lorsque la qualification émane d'un texte administratif réglementaire. Si les textes sont muets,
cette qualification résultera d'une analyse juridique menée par le juge qui fera appel à un
certain nombre de critères d'ordre matériel et organique. Les deux critères sont cumulatifs.
Deux séries de critères : l’existence d’une activité générale et le rattachement de cette
activité à une personne publique.
L'intérêt général s'identifie d'abord par opposition aux intérêts privés dont il ne constitue
pas la somme arithmétique et qu'il aura vocation à transcender. C'est une conception dite
volontariste de l'intérêt général, inspirée des idées de Rousseau. Contenter l'intérêt général
permet de satisfaire par ricochet les intérêts individuels. Mais cela n'est pas systématiquement
vrai. En effet, la perception des impôts est une activité d'intérêt général qui ne conduit pas à la
satisfaction d'un intérêt individuel.
Il est aisé de prime abord de classer les intérêts en présence dans une organisation sociale
donnée en déterminant ceux qui relèvent de l'intérêt général (ex : un hôpital) et ceux qui
expriment des intérêts privés (ex : une boulangerie). Cette frontière est néanmoins plus
incertaine qu'il n'y paraît. Par exemple, un boulanger dans une commune rurale isolée joue un
rôle essentiel qui ne se réduit pas à un intérêt individuel.
Faut-il pour autant attribuer la qualité de SP à toute activité qui pourrait avoir des effets
bénéfiques sur la collectivité toute entière ? Une réponse négative s'impose ici car il y aurait
là une acception large de la notion de SP de nature à y faire rentrer un très grand nombre
d'activités humaines. Plus rigoureusement il faut attribuer la qualité de SP aux seules activités
destinées à la satisfaction directe et prioritaire de l'intérêt général.
Confronté à la nécessité de qualifier une activité de SP, le juge a été conduit au fil du temps à
identifier l'intérêt général. Il l'a fait à travers à une appréciation souvent casuistique (au cas
par cas) qui échappe à une définition générale. On peut simplement dire que l'intérêt général
est souvent ce que l'administration veut qu'il soit. Il est ainsi d'abord le résultat d'un choix
émanant des pouvoirs publics. Certaines activités ne sont en outre pas toujours vouées à
l'intérêt général, cela dépend souvent des circonstances de l'espèce.
L'arrêt Astruc de 1916 n'excluait d'ailleurs pas cette évolution. La JP est aujourd'hui
clairement orientée dans le sens de la qualification d'activités d'intérêt général des
manifestations artistiques, musicales, théâtrales et cinématographiques.
Le CE a considéré que l'organisation d'un festival de jazz avait le caractère d'un SPA (CE, 2
juin 1995,Ville de Nice). Le CE a également jugé que l'activité d'un casino pouvait être
considérée comme un SP dès lors qu'elle contribuait, en l'espèce, au développement de la
station touristique et balnéaire de la ville de Royan (arrêt CE, 1966, ville de Royan).
Beaucoup plus récemment, le CE a cependant indiqué que les jeux de casino ne constituaient
pas en eux-mêmes un SP (CE, 19 mars 2012, SA groupe Partouche). De même, les
fédérations sportives exercent bien une mission de SP y compris lorsqu'elles organisent des
compétitions sportives professionnelles alors même que la dimension économique et
marchande est extrêmement présente (CE, 22 nov 1974, fédération des industries françaises
d'articles de sport).
De même, si l'intérêt général n'exclut pas par principe la rentabilité financière, la recherche
exclusive de bénéfices s'oppose à la qualification de SP. La recherche du profit ne doit être
qu'accessoire. Le CE a ainsi dénié à l'activité exercée par un restaurant, même
particulièrement bien situé, le qualificatif de SP (CE, 12 mars 1999, Ville de Paris). Le
professeur Chapus distingue de manière pertinente les « activités de plus grand service »
et celles « de plus grand profit ». Les premières tendent à satisfaire d'abord l'intérêt général
alors que les secondes visent quant à elles à apporter une satisfaction maximale à l'organisme
qui les exercent. Ces dernières ne pourront pas être qualifiées de SP sauf si elles sont au
service de l'intérêt général (ex : collection des impôts).
Pour qu'une activité puisse être qualifiée de SP, l'intérêt général n'est pas suffisant. Il faut
en plus que l'activité puisse être directement ou indirectement rattachée à une personne
publique. Les deux critères sont donc cumulatifs.
Le second critère, d'ordre organique, permet de tisser un lien entre l'activité d'intérêt général
et la personne publique. D'une manière ou d'une autre, l'admin doit exercer une certaine
emprise sur l'activité à qualifier. Le lien en question peut être direct ou indirect. Chapus :
l'activité peut être « assurée (directe) ou assumée (indirecte) » par une personne publique.
La conception héritée de l'Ecole de Bordeaux (du SP, Duguit), en vertu de laquelle seules les
personnes publiques peuvent exercer une mission de SP, est écartée depuis longtemps. Il
n'en demeure pas moins qu'une personne privée ne pourra jamais décider elle-même de
l'érection d'une activité en SP (CE, 6 avril 2007, commune d'Aix-en Provence). Autrement
dit, d'une manière ou d'une autre, l'administration doit ainsi susciter, accompagner, guider,
diriger l'activité en question. Elle doit avoir la mainmise sur ce processus. Sans ce lien, il ne
peut y avoir de SP. Il peut arriver cependant qu'une personne privée créée une activité
d'intérêt général, qui sera par la suite transformée en SP par une personne publique. Les
liens en question pourront être des droits de regard ou des activités de financement (CE, 6
avril 2007, commune d'Aix-en Provence). Dans une telle hypothèse, l'ordre normal des
interventions s'inverse : la personne privée est à l'origine d'une
activité d'intérêt général, activité qu'une personne publique érigera en SP.
♦L'hypothèse de la gestion directe (assurée → Chapus) permet de satisfaire très facilement le
critère organique. C'est le cas lorsque la personne publique prend en charge la mission en
utilisant ses propres moyens humains, matériels, financiers, logistiques... Dans ce cas, on
parle de gestion en régie. Par exemple, au niveau de l'Etat, le SP de la justice est directement
géré par l'Etat. De même, au niveau local, l'entretien de la voirie est souvent gérée en régie,
par le personnel communal. Peut également être rattachée à la gestion directe l'hypothèse dans
laquelle gestion du SP est confiée à une personne publique tierce, qui sera le plus souvent un
établissement public (CE, 1959, Navizet).
♦La gestion peut également être indirecte (assumée → Chapus). Une activité est gérée
indirectement par une personne publique dès lors qu'il appartient à une personne privée, sous
le contrôle d'une personne publique, d'exécuter la mission de SP. Il importe ici de s'assurer
que la personne privée gestionnaire du service agit bien sous l'autorité d'une personne
publique. Un lien doit donc apparaître entre la personne publique et la personne privée. Ce
lien peut prendre lui-même plusieurs formes :
-en l'absence de délégation expresse, le rattachement organique est plus difficile à établir. Le
lien en question peut prendre la forme d'une délégation implicite. Une telle hypothèse se
rencontre quand la personne privée gestionnaire est une société dont le capital est
majoritairement détenu par une personne publique (cas des sociétés d'économie mixte
(SEM) et cas des sociétés dont la totalité du capital est détenue par une personne publique).
Dans les autres hypothèses, la JP a recours à un faisceau d'indices (Narcy) pour établir une
certaine mainmise de la personne publique sur le SP dont la gestion est dévolue à une
personne privée. La réunion d'un certain nombre d'indices pourra établir l'existence d'une
délégation implicite. Ces indices sont divers mais sont pour l'essentiel de deux ordres :
•Un premier groupe d'indices, toujours exigé par la JP, tient au contrôle que peut exercer la
personne publique sur la personne privée et l'activité. Plusieurs indices dans cette catégorie :
-l'origine de la personne privée exerçant l’activité à qualifier (a-t-elle ou non été créée par la
personne publique ?),
-l'origine des ressources de la personne gestionnaire (l’activité bénéficie-t-elle de
subventions publiques ?),
-l'origine des moyens dont elle dispose, (la personne publique met-elle à la disposition de la
personne privée des moyens divers)
-les mécanismes de contrôle à la disposition de la personne publique (nomination des
dirigeants, contrôle de la gestion, représentation des intérêts de l’administratif...).
L'arrêt Narcy évoque plusieurs indices pour permettre d’établir un lien organique et donc
d’établir le SP. La réunion de tous les indices n'est cependant pas indispensable pour
considérer le critère organique comme rempli et aucun d'eux n'est déterminant. Les ppp
peuvent prendre plusieurs formes.
APREI (CE, 22 fév 2007), qui fait de l'existence de ppp un indice déterminant mais en aucun
cas une condition nécessaire pour identifier un organisme privé chargé d'une mission de SP.
Au delà de cette seule précision, l'arrêt APREI fixe clairement, dans un considérant de
principe, la JP en rappelant les différentes hypothèses en présence et les différents éléments ou
indices permettant d'établir le rattachement organique de l'activité à qualifier à la personne
publique. Le CE livre également une véritable grille d'indices. L'utilisation de cette grille
d'indices peut pourtant s'avérer délicate dans la mesure où elle repose sur une appréciation
largement subjective.
Malgré cette première évolution, les incertitudes demeuraient, incertitudes levées à la suite de
l'arrêt
Certains indices supposent par ailleurs une évaluation quantitative qui sera d'autant plus
délicate que la JP n'a pas fixé de seuil susceptible de s'appliquer à ces différentes hypothèses.
Par exemple, l'origine du financement, à partir de quel seuil de fonds public pourra t on établir
le rattachement à une personne publique ? La JP a tout de même a apporté quelques éléments
de réponse dans l'arrêt CE, 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence : le CE a indiqué que
l'activité exercée par une personne privée en dehors de tout contrat pouvait être
caractérisée de mission de SP dès lors que la personne publique exerce un droit de
regard sur l'activité en question et lui accorde le cas échéant un financement.
Il arrive que le JA se fonde sur l'union étroite entre la personne publique délégante et le
délégataire privé pour estimer que le SP est en réalité géré par la personne publique, la
personne privée étant en quelque sorte transparente (CE, 21 mars 2007, commune de
Boulogne-Billancourt : «lorsqu'une personne privée est créée à l’initiative d’une personne
publique qui en contrôle l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses
ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente »). Dans ce cas de
figure, le critère organique se trouve effectivement rempli.
Les indices permettant de déterminer si l'activité est soumise à un régime juridique exorbitant
sont principalement de deux ordres :
Si le SP est unique dans son essence, il est fractionné et pluriel dans son existence. À l'unité
du concept correspond une notion duale. La notion de SP est en effet depuis 1921 atteinte
dans son unité puisqu'elle intègre en son sein 2 catégories de SP : les SPA et les SPIC.
Au début du 20e, les SP vont connaître un essor prodigieux. A cette époque, le passage de
l’État gendarme à l’État-providence et la période du socialisme municipal marqueront un
renouveau de l'intervention publique.
-d'une part il était difficile de distinguer dans leur contenu et leurs modalités les
interventions des personnes publiques de celles des personnes privées exerçant les mêmes
activités. L'élément déclencheur de l'application du DA faisait défaut.
-d'autre part, la soumission de telles activités au DA aurait généré un élargissement
considérable du champ d'application de ce droit et des compétences dévolues au JA.
Dans sa décision rendue dans l'affaire du Bac d'Eloka en 1921, le juge des confits consacre
ainsi l'existence de SP à gestion privée en faisant donc par là même du SP une notion duale,
puisqu'à côté des SPA soumis au DA existent des SPIC soumis au droit privé. Cette
dichotomie ne sera par la suite jamais remise en cause par le juge.
La JP devait faire émerger pendant un temps une 3ème catégorie de SP, qui va se révéler
finalement éphémère. Cette catégorie a pris naissance dans la décision Naliato 12 janvier
1955. Le TC y considère que certains SP sociaux devaient, à partir du moment où rien ne
permettait de les distinguer d'activités similaires relevant du droit privé, relever du droit
privé et de la compétence du juge judiciaire. Cette nouvelle catégorie de SP à gestion
privée n'a pourtant pas connu le même succès que les SPIC( sercive plublique induustrielle et
commerciaix) puisque les juridictions admin et judiciaires constataient en effet des
différences entre les activités, suivant qu'elles relevaient de personnes publiques ou privées.
Les juridictions neutralisaient alors les principes de la JP Naliato, conformément à son esprit.
Quelques années plus tard, le TC a renoncé à cette catégorie : TC, 4 juillui 1983, Gambini c/
ville de Putaux.
Quelles que soient ses justifications théoriques et pratiques, la JP bac d'Eloka fut source de
difficultés. Ces difficultés tiennent à l'application d'un régime juridique complexe et
fragmenté faisant appel au DA ou au droit privé ainsi qu'à la compétence des juridictions
admin ou judiciaires. Près d'un siècle plus tard, ces difficultés se sont amplifiées. Une partie
de la doctrine contemporaine milite pour la disparition des SPIC en remettant en cause l'idée
même de SP à gestion privée. Mais il serait sans doute impossible de soumettre l'ensemble des
SP au DA et au seul JA la resolution de tout les litiges.
B. Critères de la distinction
Par ailleurs, la thèse des SPA et des SPIC par nature (développée par Matter, commissaire du
gouvernement) se révélait assez peu opératoire et difficile à manier en pratique. Dans la
plupart des hypothèses, il appartenait au juge d'apporter lui-même un certain nombre
d'éléments permettant de distinguer les SPIC des SPA. Le législateur et les autorités
détentrices du pouvoir R peuvent elles-mêmes, sans poser de définition générale, déterminer
au cas par cas si un SP constitue un SPA ou un SPIC. À l'arrivée, la détermination de la nature
d'un SP passe finalement par une démarche en deux temps :
-Si la qualification émane d'une loi, le juge devra s'y soumettre, quand bien même
cette qualification serait erronée. Exemple : TC, 24 avril 1978, société boulangerie de
Kourou.
-Dès lors que la qualification découle d'un texte à valeur infra-législative, le juge
pourra la contrôler et pourra même dans certains cas procéder au besoin à la requalification
du SP. Il arrive ainsi que le juge considère qu'un EP(etablissement public), expressément
qualifié par un texte d'EPIC (établissement public industriel et commercial), ne gère en réalité
qu'un SPA (TC, 24 juin 1968, société distillerie bretonne). Le JA peut même procéder lui-
même à la qualification de l'EP à partir de la véritable nature de l'activité en question (CE, 4
juil 1986, Berger).
• En l'absence de toute qualification textuelle, il faudra faire application des critères
découlant de la JP. On a été pendant un temps dans l'incertitude puisqu'il a fallu attendre
1956 pour que le juge établisse des critères précis permettant de distinguer les SPIC et les
SPA. Le CE va déterminer des critères d'identification des SPIC fondés sur certaines
analogies entre les activités en question et certaines activités privées. Seront ainsi qualifiés
de SPIC les SP assimilables, à travers leur objet, l'origine de leurs ressources et leurs
modalités de fonctionnement, à des activités exercées par des entreprises du secteur
public (CE, 16 novembre 1956, union syndicale des industries aéronautiques (USIA)). Le CE
pose à travers cette JP le principe de « l'administrativité des SP ». Dès lors qu'un SP est assuré
par une personne publique, son caractère admin sera présumé. Une telle présomption ne
sera renversée que si la ressemblance avec l'activité d'une entreprise privée est établie à partir
des 3 critères. Les 3 critères en question apparaissent comme 3 conditions cumulatives :
-Il importe en premier lieu que l'objet du service, c'est-à-dire les opérations par
lesquelles se concrétise le service en question, soit comparable à celui qui caractériserait une
entreprise commerciale. Dans certains cas, les opérations en question seront identiques à
celles des entreprises privées. Dans d'autres cas, non. Ce critère conduit ainsi à écarter la
qualification de SPIC lorsque l'activité est exercée de façon désintéressée. Tel est le cas
lorsque l'activité a essentiellement pour objet le versement de subventions (TC, 19 novembre
1990, CNASEA). Le caractère industriel et commercial de l'activité pourra être exclu pour des
activités touchant à la préservation de la sécurité publique (TC, 23 fév 1981, Crouzel).
Au contraire, la gestion d'une activité de ramassage des ordures, d'un service de remontée
mécanique, d'un entrepôt frigorifique etc sont toutes susceptibles, par leur objet, de se
rattacher à celles gérées par une entreprise commerciale. Ces activités pourront alors justifier
la qualification de SPIC par leur objet. Le TC a ainsi eu l'occasion de souligner que « le
service de distribution de l'eau est en principe un SPIC » (TC, 2005, Mme Alberti-Scott).
-Il faut ensuite que les ressources reçues pour exercer l’activité en question aient une
origine comparable à celle qui caractérise les ressources d'une entreprise commerciale.
Ce critère laisse moins de place à la subjectivité que les deux autres. Il s'agit ici de vérifier
que le financement du service est assuré dans les mêmes conditions que pour une
entreprise privée. Si les ressources proviennent au moins en bonne partie de redevances
perçues sur les usagers, ce deuxième critère sera considéré comme rempli (TC, 2 décembre
1991, SA de Molitg-les-Bains ; CE, 20 novembre 1998, SCI la Colline). Il en est de même si
les ressources dudit service proviennent en grande partie de recettes publicitaires ou de
recettes de trésorerie. En revanche, ce n'est pas le cas si les ressources consistent en des
subventions (TC, 1994, syndicat mixte d'équipement de Marseille) ou si elles proviennent en
grande partie de recettes fiscales.
-Il faut enfin que les modalités de fonctionnement soient identiques à celles que
l'on rencontre dans une entreprise privée. Les éléments d'appréciation sont ici nombreux et
multiples. En effet, les modalités de fonctionnement concernent ainsi par exemple les
pratiques commerciales, les règles de comptabilité applicables, le système de tarification etc.
De telles modalités de fonctionnement excluent parfois le caractère industriel et
commercial du service. Tel est le cas dans l'hypothèse où tout bénéfice paraît exclu, par
exemple lorsque le service est gratuit (CE, 26 juillet 1930, Benoit). A l'inverse, dès lors qu'un
service bénéficie d'un monopole institué par la loi, on peut considérer qu'il revêt un
caractère administratif. Il en est de même lorsque les modalités d'organisation et de
fonctionnement se caractérisent par un contrôle étroit de l'autorité étatique et par l'application
des règles de la comptabilité publique (TC, 15 déc 2003, préfet du Val d'Oise : SP géré par un
GIP qui revêt d’un caractère administratif).
1re remarque : Les 3 critères qui se dégagent de la JP USIA de 1956 sont en principe
d'application cumulative. Autrement dit, le qualificatif de SPIC ne sera décerné à une activité
de SP que si cette dernière ne diffère en aucune manière de celle d'une entreprise privée au
regard des 3 critères. Si elle s'en écarte pour un seul des critères, la qualité de SPA sera alors
reconnue.
2e remarque : Il résulte d'une telle JP que les SPA sont quant à eux définis de manière
négative puisque ce sont des SPA qui ne répondent pas aux critères dégagés par la JP de 1956.
3e remarque : Le juge judiciaire est également amené à appliquer les critères en question afin
lui aussi de distinguer les SPIC des SPA (CK soc, 10 juil 1995, compagnie des eaux et de
l'ozone).
C- Conséquence de la distinction
En vertu des principes dégagés par la JP, les personnes publiques comme les personnes
privées peuvent aussi bien gérer un SPA qu'un SPIC. Cette réalité est le résultat de deux
crises du SP du début du 20e à l’origine d’une dissociation des éléments organiques et
matériels. C’est la que la situation ce complique , personne publique peut gere un SPA ou
SPIC. Une personne privée peut gere un SPA ou un SPIC . Tirant tous les effets de cette
dissociation, le juge a ainsi admis qu'un EPIC pouvait gérer à la fois un SPA et un SPIC
(TC, 12 novembre 1984, société Interfrost c/ FIOM). La même solution vaut pour un EPA,
qui peut gérer à la fois un SPA et un SPIC (TC, 14 novembre 1960, société Vandroy-
Jaspar). Une solution identique s'applique également aux EP n'ayant aucune qualification
expresse (CE, 1959, Abadie, s'agissant des ports autonomes).
Personne publique → SPA ou SPIC EPA → SPA ou SPIC
Personne privée → SPA ou SPIC EPIC → SPA ou SPIC
La nature du SP doit se combiner par ailleurs avec le statut de son gestionnaire (pers publique
ou privée) pour déterminer le droit applicable et l'ordre juridictionnel compétent. C'est ainsi
que si les SPA sont en principe soumis au droit public et à la compétence du JA, le droit privé
pourra néanmoins s'appliquer lorsque de tels services admin sont gérés par des personnes
privées. Dans une telle hypothèse, le critère organique contribuera à attribuer au juge
judiciaire la compétence pour juger des litiges contractuels et de ceux concernant les actes
unilatéraux n'ayant pas le caractère d'AA. Les SPIC sont pour leur part soumis au droit privé
et ce, quelle que soit la personne publique ou privée qui les gère. Le droit public trouvera
néanmoins à s'appliquer dans certaines hypothèses. De manière générale, 4 séries de situation
peuvent être distinguées. On est face ici à une sorte « d'échelle de l'administrativité des SP».
En réalité, chaque situation se caractérise par une certaine mixité entre les règles de DP et de
DA et une part irréductible d'application du DA est inévitable dès lors que l'activité en
question est un SP.
Il s'agit du noyau dur du DA caractérisé par la combinaison d'un critère organique et d'un
critère matériel. Sans surprise, l'application du DA sera ici quasi-exclusive et va largement
prédominer. Les règles d'organisation des SPA gérés par une personne publique relèvent ainsi
entièrement du DA. De la même manière, le statut du personnel relève aussi pour
l'essentiel du DA, qu'il s'agisse de personnel fonctionnaire ou d'agents contractuels.
Concernant les relations externes du service, le DA va également prédominer. Tel sera le cas
tout d'abord pour les relations entre le SP et les usagers (bénéficiaires du service en question).
Les usagers d'un SPA géré par une personne publique sont presque toujours dans une situation
légale et réglementaire, presque entièrement gérée par le droit public. Les rapports entre le
service et ses usagers seront donc régis par le DA.
Tel sera le cas également pour les rapports entre le service et ses co-contractants. En effet,
une grande partie des contrats passés seront des contrats admin puisqu'ils sont passés par un
gestionnaire public et en vue de la bonne exécution d'une mission de SP.
Tel sera le cas enfin pour les relations entre le service et les tiers (personnes qui n'ont pas de
relations normales avec le service, mais qui peuvent entrer en relation avec en cas d'accident
par exemple). En cas de mise en jeu de la responsabilité du service, les principes issus de
la JP Blanco s'appliquent. Il existe cependant des régimes dérogatoires de responsabilité
qui sont prévus par le législateur (ex : responsabilité du fait des enseignants loi du 5 avril
1937) et qui commandent l'application du droit privé et la compétence du juge judiciaire.
Enfin, les actes unilatéraux adoptés par une personne publique gérant un SPA seront toujours
des actes admin soumis au contrôle du JA.
Cette situation se caractérisera par une application plus importante du droit privé puisque
la nature admin du service se trouve contrebalancée par le statut privé de son gestionnaire. Le
statut de ces organismes relèvera très largement du droit privé en raison des formes de droit
privé retenues.
Dans certains cas, des personnels de droit public pourront toutefois être mis à disposition du
service et relèveront du droit public.
Les relations externes du service donneront lieu selon les cas à une application des règles de
DA ou du droit privé. Ainsi, même lorsque le SPA est géré par une personne privée, l'usager
reste le plus souvent dans une situation légale et réglementaire soumise au droit public.
Il peut en aller autrement en cas de dispositions législatives particulières contraires (art L142-
1 et s. du code de la sécurité sociale). Les relations entre le service et ses usagers relèveront
par ailleurs du droit privé. De même les contrats passés seront en principe des contrats
privés.
Les actes unilatéraux non administratifs adoptés par ces organismes seront également soumis
au droit privé et à la compétence du juge judiciaire.
De même, la responsabilité à l'égard des tiers sera en principe régie par le droit privé mais
le droit public peut malgré tout trouver dans certains cas matière à application. La JP a
reconnu la possibilité pour ces organismes privés gérant un SPA d'adopter des AA dans le
cadre de la mission de SP qu'ils gèrent dès lors qu'ils disposent de ppp. Les AA pourront alors
faire l'objet d'un REP devant le JA. La responsabilité extracontractuelle de ces organismes
pourra également être engagée sur le terrain du droit public lorsque le dommage trouve sa
source dans l'exercice des ppp dont bénéficie l'organisme en question dans le cadre de la
mission de SP qui lui est confiée.
De tels organismes sont par ailleurs soumis à des obligations de SP, comme le principe de
continuité ou encore le principe d'égalité entre les usagers devant le SP. Enfin, ces
organismes peuvent bénéficier, dans certains cas, de procédures de droit public (comme
l'expropriation).
La part du droit privé sera encore plus importante puisque la nature industrielle et
commerciale du service va éclipser en partie la présence d'une personne publique gérant le
service en question. Les règles d'organisation des SPIC gérés par les personnes publiques
relèveront du DA et les actes admin unilatéraux relatifs à l'organisation du service seront des
actes admin soumis à la compétence du JA en cas de litige, sans que l'on ait à s'interroger à
l'existence de ppp. Mais, les actes individuels de gestion du SPIC seront toujours des actes de
droit privé même s'ils proviennent dans ce cas d'une personne publique.
Concernant le statut du personnel, la situation individuelle des agents est d'abord régie par
le droit privé et le personnel des SPIC est ainsi soumis en principe au droit du travail. Mais,
deux catégories d'agents relèvent toutefois du droit public : le directeur du service et le chef
du service de la comptabilité à condition que ce dernier ait la qualité de comptable public
(CE, 1923, De Robert Lafrégeyre et CE, 1957, Jalenques de Labeau).
Les normes R définissant le statut des personnels des SPIC relèvent par ailleurs du DA et les
relations externes du service donnent également lieu à une application assez importante des
règles de droit privé. Ainsi, les relations entre le service et ses usagers relèveront pour
l'essentiel du droit privé. L'usager d'un SPIC est en effet dans une situation contractuelle
relevant du droit privé. Les conflits les opposant à l'autorité gestionnaires relèveront du droit
privé et de la compétence du juge judiciaire, y compris dans l'hypothèse d'un dommage de
travaux publics, qui justifie habituellement la compétence du JA (TC, 24 juin 1954, Dame
Galland).
Par ailleurs, les contrats passés avec les usagers d'un SPIC sont par ailleurs toujours des
contrats de droit privé, et ce même s'ils comportent des clauses exorbitantes du droit commun
(CE, 13 oct 1961, établissements Companon-Rey). Une situation similaire prévaudra pour les
relations entre le service et les tiers. Les dommages causés par les SPIC à des tiers relèveront
en principe du droit privé, sauf dans le cas particulier des dommages de travaux publics (CE,
25 avril 1958, Dame veuve Barbaza). L'action en responsabilité sera par ailleurs portée devant
le JA, et ce en application des règles du DA, dès lors que le dommage trouve sa source dans
un AA adopté par la personne publique gestionnaire du SPIC. Les contrats passés avec les
tiers relèveront par ailleurs souvent du DA et de la compétence du JA dès lors que le critère
organique se trouve rempli et dès lors que le contrat a bien été conclu en vue de l'exécution de
la mission de SP ou comporte des clauses exorbitantes.
SPIC géré par une personne privée
Cette dernière situation est sans doute celle qui relève le plus d'un régime de droit PRIVÉE
puisque l'élément organique se cumule avec la nature industrielle et commerciale du
service. A ce titre, le régime applicable sera en quelque sorte doublement privé. . A ce titre,
le régime applicable sera en quelque sorte doublement privé. Le droit privé va donc très
largement prédominer et l'essentiel des litiges sera de la compétence du juge judiciaire.
Cependant, l'organisme de droit privé est bien chargé d'une mission de SP et peut, dans
certains cas, être doté de ppp. A ce titre, le droit public s'applique toujours dans certains
cas. C'est ainsi que les actes pris par l'organisme seront en principe des actes de droit privé,
particulièrement pour tout ce qui touche à la gestion du service. Toutefois, un organisme de
droit privé gérant un SPIC peut dans certains cas adopter des actes admin, dont seul le JA
pourra connaître, et ce en vue de l'organisation du service dont il a la charge, dès lors qu'il est
bien détenteur de ppp. La seule hypothèse en cause ici concerne les décisions réglementaires
touchant à l'organisation du SP, qui seules peuvent obtenir la qualification d'actes
admin, en vertu de la JP découlant de l'arrêt TC, 15 janv 1968, Compagnie Airfrance c/
Epoux Barbier.
Pour le reste, l'essentiel des solutions exposées précédemment s'appliquent également ici. Il en
va ainsi des relations entre le service et ses usagers qui relèveront du droit privé. Les mêmes
règles s'appliqueront également en matière de responsabilité extracontractuelle. En particulier,
en cas de dommage causé à un tiers, la mise en jeu de la responsabilité de la personne
privée gestionnaire du SPIC relèvera du droit privé et de la compétence du juge
judiciaire, sauf si le dommage en question trouve sa source dans l'usage de ppp. Dès lors que
la gestion du SPIC est confiée à une personne privée, certaines solutions valables dans
l'hypothèse précédente ne peuvent trouver à s'appliquer. Par exemple, les contrats conclus
avec les tiers relèveront en principe du droit privé et de la compétence du juge judiciaire
puisque le critère organique fait ici défaut. De même, le personnel des SPIC gérés par des
personnes privées relèvera entièrement du droit privé, sans aucun cas particulier. De manière
assez exceptionnelle, des personnels de droit public pourront cependant être mises à
disposition des personnes privés gérant un SPIC. Tel a été le cas pour France Télécom qui
gère un SPIC. Lors de la transformation du statut de France Télécom, certains agents ont
conservé leur statut de fonctionnaire.
A. Les SP de l’État
La présentation des règles de compétence se réduit ici, pour l’essentiel, à une question pratique : qui du
législateur ou de l’autorité réglementaire peut créer, organiser ou supprimer un SP de l’État ? Une telle question
a reçu dans le temps des réponses variables. Avant l’entrée en vigueur de la C58, on estimait qu’un SP ne pouvait
être créé ou supprimé qu’en vertu d’une loi. Une telle solution, qui ne découlait pas expressément de la lettre des
textes, se justifiait par le fait que la création d’un SP entraîne des limitations à la liberté individuelle. Tel est le
cas, en particulier, lorsque le SP est érigé en monopole, lorsqu’un SPIC vient concurrencer l’initiative
privée, ou encore lorsqu’un SPA impose des sujétions aux administrés. Seul l’acte législatif, considéré
comme plus protecteur des libertés publiques, pouvait donc consacrer la création ou la suppression des SP. Cette
compétence exclusive du législateur se justifiait par ailleurs par la conception même de loi, conçue comme
l’expression première de la volonté générale. La création d’un SP au niveau national ayant de multiples
conséquences, en particulier financières et budgétaires, le législateur devait nécessairement en conserver la
maîtrise. Sous l’égide des Constitutions antérieures, la jurisprudence du CE veillait d’ailleurs avec une attention
toute particulière au respect de cette « règle ». Le JA a
ainsi considéré comme illégale la création d’un service de fabrication de cartouches de chasse, une telle création
n’ayant pas fait l’objet d’une « autorisation législative expresse » : C.E., Section, 13 novembre 1953, Chambre
syndicale des industries et du commerce des cartouches de chasse.
Avec l’entrée en vigueur de la C58, les choses ont quelque peu évolué. On admet désormais que la plupart des
SP puissent être créés par voie réglementaire.
Notre C actuelle ne contient d’ailleurs aucune disposition réservant expressément à la loi la création de SP.
Cependant, certains articles du texte constitutionnel semblent implicitement et indirectement consacrer la
compétence exclusive du législateur pour la création et la suppression de certains SP :
-Tel est le cas tout d’abord lorsqu’un SP national déterminé doit être assuré par un ou des EP constituant une
« catégorie » au sens de l’art 34C. L’art 34 C58 affirme en effet qu’il appartient au législateur de fixer « les
règles concernant […] la création de catégories d’EP ». L’institution d’une nouvelle catégorie d’EP relève ainsi
de la compétence exclusive du législateur. En revanche, la création de divers EP au sein d’une catégorie
préétablie s’opère par décret. [Ainsi, par ex, la catégorie des universités relève du législateur, qui a institué les
« EP à caractère scientifique, culturel et professionnel ». A l’intérieur de cette catégorie, un décret peut instituer
une université (art L.711-4 du code de l’éducation).]
-Tel est également le cas, plus largement, lorsque la création d’un SP déterminé touche à l’une des
matières visées par l’art 34C. L’art 34C réserve en effet à la loi, notamment, la fixation des règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, ainsi que la
détermination des principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale, de l’enseignement
et de la sécurité sociale. Des SP rattachés à ces matières déterminées relèvent ainsi de la compétence exclusive
du législateur.
-Enfin, une loi est en principe nécessaire pour les SP dont l’existence est la conséquence de la
nationalisation d’une entreprise privée. En vertu de l’art 34, en effet, la loi fixe les règles concernant « les
nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ».
Ainsi, en l’état actuel du droit, c’est bien l’autorité réglementaire qui détient, au niveau national, la compétence
de principe en matière de création, d’organisation et de suppression de SP. La compétence n’appartiendra, a
contrario, au législateur que dans les qq hypothèses dans lesquelles de telles opérations mettraient en cause l’un
de ses chefs de compétence découlant de l’art 34C.
Remarque : le jeu des art 34 et 37 C règle surtout la question de la création et de l’organisation des SP de l’Etat.
La suppression de tels services, si elle est possible, relèvera alors, selon les cas, du législateur ou de l’autorité
réglementaire, en vertu du principe de parallélisme des compétences.
Cette compétence de principe du pouvoir réglementaire a d’ailleurs été consacrée par la JP. Confronté à cette
question, le JA vérifie si la création, l’organisation ou la suppression d’un SP de l’État peut avoir un impact sur
l’une des rubriques contenues à l’art 34C. Si tel n’est pas le cas, il confortera la compétence de l’autorité
réglementaire, qui détient bien en la matière une compétence de droit commun ou de principe ; exemple : CE, 17
décembre 1997, Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris : « Considérant qu’en vertu des articles 34 et 37 de
la Constitution il appartient au pouvoir réglementaire de fixer les modalités de l’organisation d’un SP de l’État,
sous réserve qu’il ne soit pas porté atteinte aux matières ou principes réservés au législateur » (compétence en
l’espèce de l’autorité réglementaire pour organiser le SP des bases de données juridiques, SP de l’État).
On pouvait en outre se demander si l’existence de certains SP fondamentaux pouvait être garantie à un niveau
supra-législatif et procéder de la C elle-même. Le CC a répondu par l’affirmative, en considérant en 1986 que
« la nécessité de certains SP nationaux découle de principes à valeur
constitutionnelle ». Le juge constitutionnel fait ainsi allusion à des SP dont l’existence et le fonctionnement
seraient « exigés par la C » : CC, 25 et 26 juin 1986, Privatisations. Le juge constitutionnel s’est notamment
appuyé sur les dispositions de l’alinéa 9 du Préambule de 1946, en vertu duquel « tout bien, toute entreprise,
dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un SP national ou d’un monopole de fait, doit devenir la
propriété de la collectivité ». Si les notions de « SP national » et de « monopole de fait » ne sont pas faciles à
identifier, on peut estimer que les activités essentielles de l’État doivent être maintenues par le législateur dans le
secteur public. Existe ainsi une catégorie de « SP constitutionnels », auxquels seul le Constituant lui-même
pourrait toucher (le CC indique d’ailleurs, dans la décision de 1986, que « si la nécessité de certains SP
nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui
doivent être érigées en SP national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon
les cas »). Si le juge constitutionnel ne donne pas la liste de ces « SP constitutionnels », on considère
généralement que tels SP embrassent l’ensemble des activités régaliennes de l’État : défense nationale, maintien
de l’ordre public, justice, etc.
- SP constitutionnels, qui ne peuvent être créés, modifiés ou supprimés que par une révision de la C
- SP de rang législatif, qui ne peuvent être institués, modifiés ou supprimés que par le législateur
-SP de nature réglementaire, qui peuvent être librement créés ou supprimés par les autorités détentrices du
pouvoir réglementaire.
L’immense majorité des SP relève aujourd’hui, au plan national, de la compétence réglementaire, les deux
autres catégories occupant une place plus résiduelle (et parfois ambiguë : on ne sait pas, notamment, ce qu’est
exactement un SP constitutionnel).
B. Les SP locaux
La création, l'organisation et la suppression des SP locaux obéissent à des principes relativement simples.
L'initiative appartient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité décentralisée (conseil municipal,
général, régional). Chaque assemblée doit régler « les affaires locales », et ce en vertu de la clause générale de
compétence. Dans certains cas, la création des SP locaux s'opérera également sur habilitation du législateur, qu'il
s'agisse de SP facultatifs ou obligatoires. En effet, les assemblées délibérantes locales devront simplement
respecter la répartition des compétences entre l’État et les diverses collectivités décentralisées. La suppression
de tels SP locaux s'opérera selon les mêmes principes applicables à leur création. L'organe exécutif au niveau
local (maire, président du conseil général, président du conseil régional) disposera ensuite d'un pouvoir
d'organisation interne. Le JA veille à cette répartition des compétences entre assemblée délibérante et organe
exécutif, et pourra annuler une décision de l'organe exécutif procédant à la création ou à la suppression d'un SP
local (CE, 1995, Ville de Paris).
Certaines contraintes pèsent sur les personnes publiques qui ont l'initiative de la création ou
de la suppression des SP. Ces contraintes seront d'autant plus fortes que certains textes
imposent parfois la création d'un SP, ils seront obligatoires. En dehors de cette hypothèse, un
principe de liberté gouverne la création et la suppression des SP. A cet égard, le législateur ou
les autorités réglementaires disposent d'un véritable pouvoir discrétionnaire en matière de
création des SP. Ainsi, pour le CC, « la détermination des activités qui doivent être érigées en
SP national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire selon les
cas » (CC, 25 et 26 juin 1986, privatisation). Pour le CE, l'autorité compétente peut toujours
renoncer à exercer son pouvoir de création (CE, 9 mars 1951, ville de Villefranche sur Saone)
et peut décider à tout moment de la suppression d'un SP (CE,27 janvier 1961, sieur Vannier).
Cette distinction entre contrainte et liberté conduit à opposer les SP obligatoires aux SP
facultatifs. La liberté en question, si elle existe,
est à certains égards largement apparente et s'avère en réalité encadrée. Même lorsque la
personne publique est libre d'instituer un SP, un certain nombre d'impératifs juridiques
s'imposent à elle. (Le pouvoir discrétionnaire n’est un pouvoir arbitraire).
A. Les SP obligatoires
Cette création obligatoire peut tout d'abord résulter du constituant lui-même. L'al 9 du
préambule 1946 impose ainsi la conservation dans le secteur public de toute activité
présentant les caractères « d'un service publique national » ou d'un « monopole de fait ».
Cette disposition prise au sens strict n'a pourtant pas d'impact direct sur la création des SP
mais sur la gestion des SP. En effet, elle impose la nationalisation d'un SP qui aurait le
caractère d'un SP national et exclut ainsi sa privatisation. Le CC a précisé les effets de cette
disposition en délimitant les SP nationaux insusceptibles de privatisation. Sont ainsi seuls
protégés par l'al 9 les SP nationaux dont la nécessité découle de principes ou de règles à
valeur constitutionnelle (décision privatisation). Si le CC n'apporte aucune précision sur
cette catégorie de SP, on peut considérer que sont ici visés l'ensemble des SP régaliens.
En dehors de cette hypothèse, il arrive également que la création de SP soit imposée par des
conventions internationales. C'est le cas notamment en matière de contrôle aérien ou de
protection des réfugiés et apatrides.
Dans la grande majorité des cas, la création de SP obéira à un principe de liberté. On parlera alors de SP
facultatifs, par opposition aux SP obligatoires, dont la création et le maintien sont exigés par les règles
juridiques. La liberté ici évoquée n’est pourtant pas absolue. Elle se heurte en effet à un certain nombre de
contraintes, qui se manifestent tout autant pour les SP nationaux que pour les SP locaux.
S’agissant des SP locaux, leur création dépendra dans la grande majorité des cas d’une appréciation des
collectivités concernées sur les besoins locaux à satisfaire par le biais de prestations de SP. Il revient même à la
CT concernée de choisir entre les différents modes de gestion de SP prévus par la loi : la « gestion directe »
(en régie), ou encore la gestion déléguée (à travers une convention de délégation de SP).
Pour autant, la faculté des CT – comme des collectivités publiques en général – d’ériger certaines activités en SP
se trouve limitée, en fait comme en droit, par le principe selon lequel les personnes publiques ne peuvent faire
concurrence aux personnes privées. Un tel principe, parfois dénommé « Principe de non concurrence entre
personnes publiques et personnes privées », découle directement de la très classique Liberté du commerce et de
l’industrie, elle-même consacrée par le Décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791. De telles limites n’ont pourtant
pas empêché les interventions économiques de collectivités publiques de se multiplier au cours du temps.
D’abord
sévère à leur égard, la JP du CE s’est considérablement assouplie, pour les admettre finalement de plus en plus
fréquemment. Les principes JP encadrent pourtant toujours de telles interventions, qui revêtent, presque par
principe, une dimension subsidiaire ou palliative. Dès lors que l’initiative privée permet de satisfaire
correctement un besoin d’intérêt général, toute intervention publique qui consisterait dans la création d’un SP
concurrent serait en effet illégale (ce principe valant tout autant pour les SP nationaux que pour les SP locaux,
même si la JP est beaucoup plus fournie à l’égard de ces derniers).
Entre la fin du 19e et le début du 20e, les communes ont eu tendance à créer de nombreux SP en vue de l’exercice
de professions libérales ou d’activités industrielles et commerciales. Ce phénomène est resté célèbre dans
l’histoire sous le nom de « socialisme municipal ».
La JP du CE, irriguée par les idées libérales très prégnantes à l’époque, fut dans un premier temps extrêmement
hostile à ce type d’intervention des communes. La Haute juridiction administrative a ainsi jugé que seules des
« circonstances exceptionnelles » pouvaient justifier légalement la création de SP susceptibles de venir
concurrencer les activités privées : CE, 29 mars 1901, Casanova (illégalité en l’espèce d’une délibération du
conseil municipal de la commune d’Olmeto ayant décidé la création d’un poste de médecin communal rémunéré
sur le budget de la commune).
Par la suite, deux décrets du 5 nov 1926 et du 28 déc 1926 (décrets « Poincaré ») favorisèrent, dans le contexte
de pénurie et de difficultés économiques propre à l’immédiat après-guerre, les interventions économiques des
communes. Ces textes leur offraient notamment la possibilité d’exploiter directement « des services d’intérêt
général à caractère industriel et commercial ».
Le CE donna pourtant, dès 1930, de ces deux textes une interprétation restrictive, voire neutralisante, en
estimant qu’ils « n’ont eu ni pour objet, ni pour effet, d’étendre en matière de création de SP communaux, les
attributions conférées aux conseils municipaux par la législation antérieure » : CE, Section, 30 mai 1930,
Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (en l’espèce, le conseil municipal de la ville de Nevers
avait, par plusieurs délibérations, et pour lutter contre la montée du coût de la vie, créé un SP municipal de
ravitaillement en denrées de toutes sortes. Subissant de plein fouet la concurrence de ce nouveau SP, les
commerçants de la ville ont saisi le Préfet de diverses plaintes. Ce dernier refusa d’y donner suite, et ce refus fut
déféré au CE. Dans un considérant de principe, le CE estime que « les entreprises ayant un caractère commercial
restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée et que les conseils municipaux ne peuvent ériger des
entreprises de cette nature en SP communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu,
un intérêt public justifie leur intervention en cette matière ». En l’espèce, les « circonstances de temps et de
lieu » ne justifiaient pas, pour le CE, la création par la ville de Nevers d’un SP de ravitaillement. )
Bien que maintenant le principe de l’interdiction de l’intervention économique des communes, l’arrêt de 1930
constitue une indéniable avancée par rapport à la solution retenue en 1901 par le Conseil dans l’arrêt Casanova.
Il est en effet admis, par exception au principe précité, qu’une commune peut ériger en SP une activité
commerciale, sous réserve que deux conditions soient remplies :
-l’existence d’un besoin public à satisfaire
-la carence de l’initiative privée.
Pourtant, le principe reste que les communes ne peuvent concurrencer l’initiative privée en érigeant des activités
économiques en SP. Un tel principe se justifie par le fait que les personnes publiques fausseraient la concurrence
sur le marché, en usant notamment de leurs ppp.
Les interventions économiques des CT ont par la suite été favorisées grâce à des assouplissements importants
de la JP :
-Le JA a tout d’abord considérablement assoupli les critères posés en 1930, en interprétant notamment de
manière extensive la notion de « besoin public à satisfaire » : le CE a ainsi admis, par exemple, que devaient
être pris en compte aussi bien les besoins de la population résidente que ceux des personnes de passage ; ex :
C.E., 17 avril 1964, Commune de Merville-Franceville (prise en compte des besoins de la population estivale –
vacanciers – pour créer un camping municipal).
La JP a enfin admis qu’une personne publique avait la possibilité de satisfaire par ses propres moyens aux
besoins de ses services, sans que l’on puisse lui opposer le « principe de la liberté du commerce et de
l’industrie » ; ex : C.E., 29 avril 1970, Société Unipain (possibilité pour une boulangerie militaire de fournir du
pain à des établissements pénitentiaires). Cette possibilité, affirmée depuis longtemps par la JP, a fait l’objet
d’une consécration solennelle beaucoup plus récente : C.E, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de
l’image et autres (le CE indique clairement dans cet arrêt que « ni la liberté du commerce et de l’industrie, ni le
droit de la concurrence ne font obstacle à ce » que les personnes publiques « décident d’exercer elles-mêmes, dès
lors qu’elles le font exclusivement à cette fin, les activités qui découlent de la satisfaction » de leurs besoins,
« alors même que cette décision est susceptible d’affecter les activités privées de même nature ». Les agents
chargés de l’instruction des demandes de passeports peuvent donc légalement prendre eux-mêmes des clichés
numériques du visage des demandeurs ne fournissant pas de photographie d’identité, quand bien même ce
dispositif aurait pour conséquence de priver les professionnels de la photographie d’une partie de leur activité
liée à la réalisation des photographies d’identité exigées pour l’établissement des passeports.)
Le JA continue cependant à faire application des critères JP posés en 1930 pour contrôler les interventions
économiques des collectivités publiques (et notamment territoriales) ; ex : C.E., 20 novembre 1964, Ville de
Nanterre (concernant l’ouverture d’un cabinet dentaire municipal, le CE constate l’existence d’un « intérêt
public local ». Il souligne par ailleurs l’insuffisance de l’initiative privée (carence de l’équipement hospitalier et
nombre insuffisant de praticiens privés). La Haute juridiction a enfin été sensible au fait qu’une bonne partie de
la population était composée de salariés modestes, et que la création dudit cabinet permettait ainsi à cette partie
de la pop d’accéder aux soins dentaires. Pour toutes ces raisons, le CE admet l’ouverture du cabinet dentaire
municipal.)
La JP Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers est ainsi toujours d’actualité. Le JA n’hésite pas à
sanctionner les interventions économiques des collectivités publiques ne répondant pas aux critères posés par la
JP ; ex : C.E., 4 juillet 1984, Département de la Meuse contre Poilera : « s’il peut appartenir exceptionnellement
aux administrations locales d’intervenir pour la satisfaction des besoins essentiels de la collectivité en cas de
défaillance ou d’insuffisance manifeste de l’initiative privée, une telle circonstance ne se rencontre pas en
l’espèce, de nombreuses sociétés d’assurance exerçant leur activité dans le département ».
La JP récente montre cependant que le juge exerce une analyse beaucoup plus fine sur les critères découlant de
l’arrêt Chambre syndicale, quitte à s’en affranchir parfois :
- le critère tenant à la carence de l’initiative privée est ainsi apprécié tant d’un point de vue quantitatif (ce
qui va dans le sens de l’arrêt de 1930) que d’un point de vue qualitatif. Le CE a ainsi considéré que la création
d’un dispositif départemental de téléassistance pour les personnes âgées handicapées ne portait pas atteinte à la
liberté du commerce et de l’industrie, malgré la présence de sociétés privées offrant des prestations de
téléassistance : il souligne qu’un tel SP, « ouvert à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département,
indépendamment de leurs ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local »
(C.E, 3 mars 2010, Département de la Corrèze).
- La recherche d’un intérêt public susceptible de justifier l’intervention publique ne se réduit plus, en outre, à la
seule identification d’une carence de l’initiative privée (serait-elle qualitative). La JP récente témoigne de ce
que, de plus en plus, tout intérêt public est susceptible de fonder l’intervention publique : C.E., 31 mai 2006,
Ordre des avocats au barreau de Paris (le CE note que pour intervenir sur un marché, les personnes publiques
« doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public,
lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée »).
L’évolution récente confirme ainsi les tendances entrevues dès la seconde partie du 20e : la JP admet de plus en
plus les interventions des personnes publiques dans la sphère économique.
Apparaît pourtant, à ce stade, une nouvelle contrainte d’ordre juridique, qui émerge plus particulièrement depuis
quelques années, sous l’influence du DUE et du droit français de la concurrence. Dès lors en effet que
l’intervention économique des collectivités publiques est admise, celle-ci doit se faire « à égalité » avec les
opérateurs privés. Les personnes publiques doivent alors respecter les règles de concurrence et renoncer, en
particulier, à tout usage de leurs ppp (qui fausserait la concurrence sur les marchés).
On passe ainsi, en quelque sorte, du Principe de non concurrence entre personnes publiques et personnes privées
au Principe d’égale concurrence entre personnes publiques et personnes privées (l’assouplissement
progressif du principe de non concurrence allant finalement historiquement de pair avec l’affirmation et
affermissement du Principe d’égale concurrence).
Ce principe d’égale concurrence, dont l’émergence est relativement récente, apparaissait déjà en filigrane dans
la JP du CE il y a quelques décennies ; ex : C.E., 23 juin 1965, Société aérienne de recherches minières. Il a
cependant fait l’objet d’une consécration beaucoup plus explicite dans la JP récente : C.E., Assemblée, 31 mai
2006, Ordre des avocats au barreau de Paris.
Section 2 - La gestion des SP ( document en ligne sur celene )
A. La gestion directe
La gestion directe apparaît depuis longtemps comme le mode de gestion classique des
activités des SP le plus important et le plus usuel. Dans cette hypothèse, la personne
publique assure et assume seule la mission de SP, et ce sans recourir par une logique de
délégation, d'externalisation, à une personne extérieure ou à un organisme tiers. Comme l'a
rappelé le CE récemment, toute personne publique peut répondre par ses propres moyens aux
besoins résultant de ses missions, sans avoir à recourir aux prestations et fournitures de tiers et
sans que puisse y faire obstacle le principe de liberté du commerce et de l'industrie (arrêt
association pour la promotion de l'image et autres). La régie, au sens de régie simple,
apparaît comme le mode de gestion directe par excellence. Elle caractérise ainsi la gestion
de très nombreux SP, tant au niveau national que sur le plan local. Dans cette hypothèse, la
pers publique répond elle-même à ses propres besoins en gérant directement la mission ou
l'activité de SP, et ce à travers ses propres moyens humains, matériels, juridiques, financiers,
techniques, mobiliers et immobiliers. Les services en régie ne disposent en principe d'aucune
autonomie. En particulier, ils ne bénéficient pas de la personnalité morale et dépendent par
ailleurs étroitement de la personne publique sur le plan budgétaire et financier. Cela se traduit
par l'absence de budget propre. En effet, les dépenses de fonctionnement du service relèvent
du budget général de la collectivité publique. La régie connaît quelques variantes qui
l'éloignent parfois quelque peu du modèle initial.
-Certains services des CT se caractérisent tout d'abord par une certaine autonomie financière
et comptable. Dans ces cas de figure, le service dispose d'un budget propre, annexé à celui de
la CT. On parle dans ce cas de régie autonome, instituée par une délibération de l'assemblée
locale.
-Coexistent également des régies personnalisées, dotées d'une personnalité morale propre,
distincte de celle de la CT. En réalité, ces régies s'assimilent à des EP locaux. C'est ce
qu'indique l'art L.2221-10 CGCT. Ces régies personnalisées sont instituées par une
délibération de l'organe délibérant de la CT concernée et s'assimile dans leur organisation à
tout EP. Elles vont être administrées par un conseil d'administration et un directeur.
-La régie intéressée ne constitue pas à proprement parlé une régie, mais s'assimile davantage
à une délégation de SP. Le régisseur est d'ailleurs rémunéré en fonction des résultats de
l'exploitation.
-Selon le CE, relèvent également de la gestion directe, les hypothèses dans lesquelles la
mission de SP est confiée à une pers publique dotée de la personnalité morale mais placée
dans une étroite dépendance de la politique publique, au point d'apparaître comme un service
de cette dernière (CE, 2007, commune d'Aix-en-Provence). Ce cas de figure se rencontre
lorsqu'une collectivité publique exerce sur l'organisme en question un contrôle analogue à
celui qu'elle exercerait sur ses propres services. Ce rattachement de quasi-régie aux
hypothèses de gestion directe va permettre alors de faire échapper les contrats passés dans ce
cadre aux contraintes de publicité et de mise en concurrence qui s'appliquent aux contrats de
délégation de SP.
B. La gestion déléguée
La gestion déléguée est une modalité de gestion des SP consistant essentiellement à confier
par contrat l'exécution d'une telle mission à un délégataire privé qui pourra alors se rémunérer
sur les bénéfices de l'exploitation et sur les usagers. Le recours à une pers privée permet ainsi
de distinguer la gestion déléguée de l'EP et de la régie, dans lesquels une personne publique
assure directement la gestion du SP. Par ailleurs, à la différence d'autres contrats associant les
pers privées à l'admin, le délégataire se trouve par ailleurs ici directement impliqué dans
l'exécution d'une mission de SP à travers les charges qui pèsent sur lui et les bénéfices qu'ils
pourra percevoir.
Existent par ailleurs d'autres modes de gestion déléguée tels que l'affermage et la régie
intéressée, qui se distinguent de la concession par la nature des droits et des obligations entre
les parties au contrat.
L'affermage est un contrat par lequel une personne publique confie à l'un de ses partenaires,
le fermier, la gestion à ses frais et risques d'un ouvrage nécessaire au bon fonctionnement d'un
SP en contrepartie de la possibilité de se rémunérer à travers des redevances perçues sur les
usagers. Contrairement au contrat de concession, le fermier ne participe pas à l'édification des
ouvrages servant de support à l'activité de SP. Il est en revanche tenu de verser lui-même une
redevance à la personne publique propriétaire de l'ouvrage. Ce procédé est encore parfois
utilisé, notamment par la perception par les communes des droits de place dans les halles et
marchés.
La régie intéressée n'est pas une véritable régie, mais un contrat par lequel la gestion d'un SP
est confiée à un régisseur agissant pour le compte de l'admin et rémunéré à travers une
redevance versée par cette dernière dont le montant dépend de la qualité de la gestion. La
personne publique perçoit les bénéfices du service.
Ces modes de gestion déléguée font partie de la catégorie de la délégation de SP instituée par
le législateur. Sans remettre en cause le principe de la liberté de choix du délégataire par la
personne publique, la loi Sapin du 29 janvier 1993 soumet la concession de tels contrats à des
obligations de publicité et de mise en concurrence. C'est le mode de rémunération du co-
contractant qui permet de distinguer la délégation de SP du marché public.
Même déléguée par contrat, la gestion de l'activité implique dans tous les cas un certain
nombre d'obligations à la charge du délégataire en raison de l'existence d'un SP. Toutes les
règles liées au régime juridique du SP lui sont appliquées. L'administration doit être en
mesure de fixer les obligations de sp à la charge du délégataire et d'en contrôler le respect.
C. L'établissement public
L'EP constitue le 3e grand mode de gestion d'un SP. Plutôt que de prendre à sa charge une
activité de SP ou d'en confier la gestion par contrat à un délégataire public ou privé, la
personne publique peut décider d'instituer un organisme public spécialisé qui sera alors
chargé de la gestion d'un SP. Ici, le principe de la gestion publique est maintenu alors que le
service bénéficie d'une certaine autonomie de gestion à travers la dévolution d'une personne
morale distincte de l’État et des CT. L'EP apparaît comme une personne publique spécialisée
distincte de l’État et des CT, tout en y étant
rattaché, à laquelle est confiée une mission de SP spécifique. Plusieurs éléments permettent
d'identifier l'EP :
-l'existence d'une personnalité morale de droit public, synonyme d'autonomie (sans
cette qualification l’EP ne sera pas qualifié de SP)
-la gestion d'un SP, qui est le propre de la quasi-totalité des EP. De manière très rares,
certaines entreprises privées qui avaient le caractère d'un EP ne bénéficiaient pas de la gestion
d'une mission de SP.
-la soumission au principe de spécialité qui gouverne avec des variantes le
fonctionnement de tout EP, en limitant le champ d'intervention de ces mêmes établissements.
-le rattachement à une personne publique, qui peut être l’État (on parlera alors d'EP
nationaux) ou une CT (EP locaux).
-l'existence d'une tutelle de l’État, qui est le propre de tous les EP, qu'ils soient
nationaux ou locaux.
Ce procédé de l'EP, très employé depuis 1 siècle, a conquis tous les domaines de l'action
publique. Plusieurs types d'EP coexistent aujourd'hui, parmi lesquels les EPA classiques
(lycées, hôpitaux), les EPIC (SNCF, RATP), les EP à caractère scientifique, culturel et
professionnel (EPSCP), les EP territoriaux (communauté de commune). Les recours à l'EP
ainsi que la naissance de personnes publiques spécialisées ou sui generis distinctes
contribuent toutefois à mettre en crise cette catégorie des EP. Malgré cela, le procédé demeure
encore utilisé aujourd'hui.
Si la régie, la délégation de SP, et l'EP sont encore très employés aujourd'hui, on assiste à une
certaine diversification des modes de gestion des SP, à travers l'habilitation de divers
organismes ou institutions spécialisées privés ou publics.
En dehors des délégations de SP, il arrive que des organes de droit privé soient chargés par
voie d'habilitation unilatérale, en dehors de tout contrat, d'une mission de SP (CE, 1938,
caisse primaire « aide et protection »). Cette modalité s'est développée au cours du 20e, ce qui
est le cas de fédérations sportives qui gèrent de nb missions de SP (arrêt de 74) Nombreuses
sont les personnes morales de droit privé susceptibles de prendre à leur charge en toute ou
partie la gestion d'une mission de service publique. C'est le cas notamment des ordres
professionnels. Depuis quelques années, la forme sociétale est en particulier largement
utilisée. Cette forme permet aux collectivités publiques d'agir à travers des sociétés dont
elles vont contrôler le capital, soit en totalité (sociétés nationales, sociétés publiques locales),
soit en partie (société d'économie mixte). A travers de telles structures de droit privé, l'admin
va pouvoir répondre à des missions de SP tout en contournant les contraintes qui découlent du
DA. Les modes d'habilitation de ces institutions spécialisées de droit privés sont très variées :
habilitation directe, habilitation délivrée par l'admin sur la base de la loi.
Certaines personnes publiques spécialisées autres que les EP peuvent se voir confier une
mission de SP. C'est le cas en particulier des GIP (groupement d’intérêt public)
Tous les SP, quels que soient leur nature (SPA ou SPIC) ou leur mode de gestion (personne
privée ou publique), ont en commun un certain nombre de règles et de principes qui régissent
leur fonctionnement. Ces règles et principes constituent les « lois » du SP. On parle
également de « lois de Rolland » en hommage à Louis Rolland qui a systématisé ces
principes dans les années 1930.
Ces « lois » désignent des principes juridiques qui s'appliquent même sans texte au
fonctionnement de tous les SP. Trois grandes « lois » du SP peuvent être dénombrées : le
principe d'égalité, le principe de continuité, le principe de mutabilité ou d'adaptation.
S'ajoutaient auparavant à cette liste un 4 ème principe, celui de gratuité des SP. Si
aujourd'hui le législateur impose la gratuité de certains SP (enseignement
primaire/maternelle public), le principe en question a connu un tel nombre d'exceptions qu'il
n'est plus possible aujourd'hui de le présenter comme une « loi » du SP. Le fonctionnement
des SPIC est rétif à l'application d'un tel principe. Même pour les SPA, la JP du CE a refusé de
sanctionner dernièrement les violations d'un principe de gratuité du SP (CE, 1996, société
directe mail promotion). On peut par ailleurs considérer que certains principes en vogue
aujourd'hui, comme celui de transparence de l'action admin, ne peuvent accéder au rang de
lois de SP car l'application de tels principes est encore tributaire de textes. → ce sont des
principe généraux qui s’appliquent à tous les SP en dehors d’une application des textes
I - Le principe d'égalité
Le principe d'égalité apparaît comme un PGD mais aussi comme un PVC (principe à valeur
constitutionnelle) qui va puiser son fondement dans différents éléments du BC. Appliqué au
SP, le principe en question connaît différentes variantes à travers la pluralité des expressions
retenues en JP, qu'il s'agisse du principe d'égalité devant les SP, ou encore du principe d'égalité
qui régit le fonctionnement des SP. Ce principe présente toutefois une certaine unité dans son
contenu et les implications qu'il comporte. Ce même principe connaît par ailleurs dans la
période récente un certain nombre de prolongements, notamment à travers le principe de
neutralité des SP.
Appliqué à la matière, le principe d'égalité a une signification assez claire : le SP doit être
assuré de façon indifférenciée, sans considération des particularismes et des convictions du
personnel et des usagers. Pour les usagers du SP, les implications du principe d'égalité sont
donc évidentes : ces derniers doivent être traités sans discrimination. A ce titre, on peut parler
de principe d'égalité des usagers du SP. Un tel principe a trouvé de nombreuses manifestations
dans la JP du CE, comme l'illustrent les arrêts : CE, 25 juin 1948, société du journal l'Aurore :
le CE considère qu'une disposition réglementaire a pour conséquence de faire payer à des
tarifs différents le courant consommé par les usagers est contraire au principe de l'égalité entre
les usagers du SP et CE, 9 mars 1951, société des concerts du conservatoire : en refusant ses
antennes à cette société, la radiodiffusion française a méconnu le principe d'égalité régissant
le fonctionnement des SP.
Le principe d'égalité des usagers comporte différentes facettes et utilisations. Deux
manifestations :
-égalité devant le SP : cette première dimension du principe d'égalité impose que tous les
usagers aient un égal accès au SP. Par conséquent, il ne peut en principe exister aucune
discrimination entre les usagers dans l'accès au SP. L'arrêt société des concerts du
conservatoire illustre cette question. Le principe est clair mais la rigueur du principe mérite
d'être modulée lorsque la finalité du service impose une restriction à son accès. Affaire
commune de Dreux (CE, 13 mai 1994) : pour le CE, le principe d'égalité des usagers du SP ne
fait pas obstacle à ce que, pour un SP non obligatoire créé par une commune dont l'objet
n'exclut pas que son accès soit réservé à certaines catégories d'usagers, le conseil municipal
restreigne ce service en le limitant à des élèves ayant un lien avec la commune et se trouvant
en conséquence dans une situation différente de l'ensemble des autres usagers potentiels du
service. Mais méconnaît le principe d'égalité un conseil municipal qui limite l'accès à une
école de musique aux habitants de la commune, en refusant l'accès à des élèves bénéficiant
d'un lien suffisant avec la commune, soit parce que leurs parents y travaillent, soit parce qu'ils
y sont scolarisés.
-égalité dans le SP : ce principe impose théoriquement un traitement indifférencié de tous
les usagers ayant eu accès au service en question, ce qui prohibe toute forme de
discrimination. Autrement dit, après avoir pu accéder librement au service, les usagers doivent
bénéficier d'un traitement égalitaire, ce qui suppose en particulier des tarifs identiques (CE,
1948, société du journal l'Aurore). La rigueur d'un tel principe cède souvent dans la pratique.
En effet, si tous les usagers ont un principe un droit d'accès au service, ils ne sont pas
toujours en droit d'exiger en pratique un traitement identique. La JP sur les
discriminations tarifaires illustre ces différences de traitement. Par principe, seuls les SP
facultatifs peuvent faire l'objet de modulations tarifaires. Le JA fait application à cet égard
de principes simples : à situation égale traitement égal ; à situation différente traitement
différent. En application de tels principes, des différences de tarifs ne seront admises que si
elles s'appliquent à des situations différentes. Les discriminations tarifaires doivent être en
lien avec « des différences de situation appréciables ». Le JA va au cours du temps clairement
établir les conditions dans lesquelles les discriminations entre les usagers du sp peuvent
intervenir. Deux hypothèses :
•La discrimination établie est la conséquence nécessaire d'une loi : c'est l'hypothèse dans
laquelle une loi établit des catégories différentes d'usagers. La différence de traitement résulte
donc d'un texte de loi. Le JA ne pourra que l'appliquer (CE, 1987, association recherche pour
une communication nouvelle).
•Si la discrimination n'est pas la conséquence nécessaire d'une loi, elle ne pourra être admise
que dans deux cas de figure :
1 - Si la différence de traitement résulte d'une différence objective de situation,
2 - Si la différence de traitement correspond à un motif d'intérêt général en rapport avec le
service et à la condition qu'elle ne soit pas manifestement disproportionnée. Une condition
supplémentaire joue toutefois ici : la JP exige dans les deux cas que la discrimination soit
légitime et en rapport avec la finalité et le but du SP.
Le CE a eu l'occasion de fixer les principes JP applicables à ces questions, comme le montre
la JP Denoyez et Chorques. (cf TD). Dans ce cas, les habitants de l’ile ont une différence
objective de situation, elle est donc justifiée. Mais elle ne l’est pas pour ceux qui ont une
maison de vacances, qui ne peuvent bénéficier d’un tarif préférentiel. Pour les habitants du
département, il n’y a pas de motifs d’intérêt général justificatifs permettant d’avoir un tarif
préférentiel. Depuis cet arrêt de 1974, la JP a fait application de ces critères :
-Sous réserve que les tarifs les plus élevés demeurent inférieurs au coût de
fonctionnement du service, n'est pas jugé contraire au principe d'égalité le fait que les tarifs
d'une crèche soient fonction du revenu des familles et du nombre d'enfants vivant au foyer
(CE, 1989, centre communal d'action sociale de La Rochelle).
-Est jugée contraire au principe d'égalité une différence de droits d'inscriptions applicable aux
anciens et aux nouveaux élèves d'une école de musique (CE, 1987, commune de Romainville)
-S'agissant de la possibilité de moduler les frais d'inscriptions dans les écoles et les
conservatoires de musique en fonction des ressources des familles, la JP a connu une
importante évolution :
•Fut censurée pour violation du principe d'égalité une différence de tarif en fonction du
quotient des familles (CE,26 avril 1985, ville de Tarbes).
•Par deux arrêts de 1997, le CE va cependant revenir sur cette JP (CE ,29 déc 1997,
commune de Gennevilliers / commune de Nanterre) : les communes avaient fixé les tarifs de
leur école de musique en fonction du quotient des familles. Le CE accepte, au prix d'un
revirement de JP, qu'une telle discrimination puisse être instituée au sein des écoles de
musique. Le CE se fonde sur l'intérêt général qui s'attache à ce que le conservatoires de
musiques puissent être fréquentés par les élèves qui le souhaitent sans distinction de leurs
ressources. Il faut seulement que les droits les plus élevés restent inférieurs au coût de
fonctionnement de l'école (pas de profit possible). La JP du CE permet d'aménager les
différences de traitement pour tenir compte de certaines inégalités économiques et sociales. Il
y a là une manifestation des discriminations positives qui traduisent le
glissement de l'égalité dans le service à l'égalité par le SP. Cette faculté de moduler les tarifs
trouve
cependant ses limites : la JP interdit en particulier de fixer un prix excédant le coût de la
prestation (CE,2 avril 1997, commune de Montgeron).
Le principe de neutralité des SP est tout autant susceptible de s'appliquer aux personnels
travaillant dans des organismes chargés de mission d'intérêt général. CK 19 mars 2013
Madame X, admet l’application de ce principe à des organismes de droit privé en charge
d’une mission d’interet général Ex : affaire Baby Loup, affaire qui a trouvé son épilogue
récemment devant la CK le 25 juin 2014 → cet arrêt admet le licenciement de la salariée de la
crèche qui avait refusé d'ôter son voile pendant son service et qui s'était livré à des actes
d'insubordination. La CK note que « la restriction à la liberté de manifester sa religion
édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général mais était
suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de
l'association et proportionnée au but recherché ». La question de la neutralité du SP a trouvé
ces dernières années son prolongement dans celles de la neutralité et la laïcité de l’État et de
l'espace public. Ainsi, la loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans
l'espace public et l'art 1er interdit ainsi le port d'une tenue dissimulant le visage de la personne
dans l'espace public. Cet art a été déclaré conforme avec la C (CC, 7 octobre 2010) et
compatible avec la CEDH (CEDH, 1er juillet 2014, SAS c/ France).
Loi 20 avril 2016 relative à la déontologie /2 nov 1992 Kheroua / ville de Melun
Parmi les trois grands principes régissant le fonctionnement des SP, le principe de continuité
était le seul explicitement qualifié de « loi » par Louis Rolland.
Un tel principe a depuis longtemps retenu l’attention de la doctrine, et la JP, tant du CE que du CC, l’a nettement
mis en avant. Le CC a ainsi, dès 1979, proclamé la valeur constitutionnelle d’un tel principe : CC, 25 juillet
1979, Droit de grève à la radio et à la télévision. Le CE a, pour sa part,
évoqué à son propos un « principe fondamental » (CE, 13 juin 1980, Mme Bonjean (sans que
l’on puisse en déduire l’existence, pour la haute juridiction administrative, d’un P.F.R.L.R.)).
L’importance du principe de continuité se manifeste surtout à travers ses implications.
Les exigences d’un tel principe sont, en effet, extrêmement poussées et étendues. Elles imposent à l’État
d’assurer par tout moyen le fonctionnement régulier des SP. En application de la célèbre théorie des
circonstances exceptionnelles (qui s’appliquait notamment aux périodes de guerre), l’État peut même utiliser,
pour parvenir à cette fin, des moyens qui seraient illégaux à toute autre période. Comme le montre, en
particulier, l’arrêt Heyriès de 1918 (souvent présenté comme l’arrêt fondateur de cette construction prétorienne),
le principe de continuité comporte en effet des exigences exceptionnelles en temps de guerre, qui justifient une
extension exceptionnelle des pouvoirs du gouvernement et de l’administration : CE, 28 juin 1918, Heyriès,
[Faisant application de la théorie des circonstances exceptionnelles, le CE admet en l’espèce qu’un décret de
1914 ait pu suspendre l’application de la loi du 22 avril 1905 ordonnant la communication aux agents publics de
leur dossier avant toute mesure disciplinaire.].
Même en période normale, le principe de continuité comporte, comme on l’a dit, des exigences très étendues.
Les implications d’un tel principe sont, ainsi, diverses :
Le célèbre arrêt Dehaene du CE, déjà évoqué, illustre parfaitement cette logique d’équilibre et de compromis,
tenant compte tout à la fois de la consécration constitutionnelle du droit de grève et de l’absence de loi venant en
réglementer l’exercice (C.E., 7 juillet 1950, Dehaene) [Précisions : Le sieur Dehaene, chef de bureau dans un
service de préfecture, avait suivi le mot d’ordre de son syndicat, qui avait préconisé la grève. Les agents
grévistes, dont le sieur Dehaene, furent suspendus. Cette sanction fut par la suite adoucie lorsqu’ils reprirent le
travail. Ces agents allaient toutefois contester la sanction infligée devant le CE, au motif que la grève dans les SP
ne constituait plus une faute. La requête fut finalement rejetée. Le CE affirma ainsi à cette occasion que le
principe de continuité des SP pouvait toujours, malgré l’intervention de l’alinéa 7 du Préambule de 1946,
permettre d’interdire à certains fonctionnaires de faire grève en raison de leurs fonctions (l’administration avait
ici interdit au préalable aux agents de se mettre en grève).].
En vertu de la JP Dehaene, l’autorité réglementaire, voire tout chef de service, dispose ainsi du pouvoir de
limiter et de réglementer l’exercice du droit de grève, pour préserver la continuité du SP. Amené à prendre à son
tour position sur la question, le CC a considéré pour sa part que le droit de grève et le principe de continuité des
SP constituaient tous 2 des principes à valeur constitutionnelle, et qu’il appartenait au seul législateur de les
concilier l’un et l’autre pour qu’ils puissent coexister et s’exercer en harmonie : C.C 25 juillet 1979, Droit de
grève à la radio et à la télévision.
De telles prises de position successives font ressortir un désaccord de principe entre les deux hautes juridictions :
-Pour le CE, l’autorité réglementaire peut, pour les besoins du service, limiter et réglementer le droit de
grève. Cette position pragmatique s’appuie sur la lettre même de l’alinéa 7 du Préambule de 1946, en vertu
duquel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Cet « appel au législateur »
justifie pour le CE, en l’absence d’intervention de ce dernier, la réglementation de ces questions par les autorités
détentrices du pouvoir réglementaire. Si l’on excepte quelques textes législatifs épars, le constat est toujours vrai
aujourd’hui : faute de « loi cadre », la JP administrative admet ainsi encore, par défaut, l’encadrement de
l’exercice du droit de grève par l’autorité réglementaire, sur le fondement de la JP Dehaene. Aujourd’hui, ce
pouvoir relève même davantage du chef de service à l’égard de l’administration dont il a la charge (par ex,
un ministre, un maire ou un directeur d’hôpital). Il peut même appartenir aux dirigeants d’une société (personne
morale de droit privé) en charge d’une mission de SP : C.E, 12 avril 2013, Fédération Force Ouvrière Energie et
Mines (cas en l’espèce pour E.D.F.) => Par cet arrêt, le CE réaffirme sa JP Dehaene, tout en invoquant un
nouveau motif susceptible de venir restreindre l’exercice du droit de grève : s’ajoute ainsi au souci d’éviter « un
usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public » la nécessité de pourvoir « aux besoins essentiels du
pays ».
-Pour le CC, en revanche, seule une loi peut définir les modalités d’application et les conditions d’exercice du
droit de grève, pour y apporter, le cas échéant, des limitations.
Ces deux positions peuvent toutefois être conciliées, si l’on considère qu’il appartient en principe au
législateur d’intervenir, mais que l’autorité réglementaire ou le chef le service peut le faire, à titre
subsidiaire et supplétif, en l’absence de cadre législatif général.
Les limitations apportées au droit de grève pourront varier suivant la nature et l’importance des activités de SP.
Dans certains cas, la loi peut aller jusqu’à interdire la grève (tel est le cas, en particulier, pour les policiers, les
magistrats de l’ordre judiciaire et les militaires). Pour le reste, la JP laisse aux chefs de service la possibilité, tout
en respectant l’exercice du droit de grève, de prévoir des mesures de réorganisation du service afin de limiter les
perturbations liées à la grève, de recourir, au besoin, aux réquisitions, et même d’imposer un service minimum.
[Il arrive également que le législateur impose un tel service minimum dans certains domaines (ex : sécurité de la
navigation aérienne), ce qu’il n’a pas fait en revanche, contrairement à ce que l’on a pu dire, avec la loi du 21
août 2007.].
BILAN :
-Sauf cas particulier, le principe de continuité n’exclut plus par principe l’exercice du droit de grève dans
les SP. La grève n’est donc en principe pas illégale, dès lors qu’elle s’exerce, selon la formule contenue dans
l’arrêt Dehaene, « pour la défense des intérêts professionnels », ce qui exclut en principe, a contrario, un
mouvement de grève présentant un caractère purement politique (C.E., 8 février 1961, Rousset).
-Quand bien même il aurait un objet licite, l’exercice du droit de grève dans les SP peut cependant comporter des
limites, au nom du principe de continuité. De telles limites résultent parfois de la loi (interdiction de la grève
pour certains agents ou service minimum imposé à d’autres, dépôt obligatoire d’un préavis, interdiction de
certaines formes de grèves, comme les « grèves-surprise » ou les « grèves tournantes »). Elles peuvent provenir
également, en vertu de la JP du CE, de l’autorité gouvernementale, voire de tout chef de service. La
« réglementation administrative » du droit de grève s’opère alors sous le contrôle du JA. Celui-ci pourra, dans
certains cas, admettre de telles limitations, ou les sanctionner dans d’autres hypothèses, dès lors qu’elles
excèdent la nécessité de préserver la continuité du SP => exemples : C.E., 6 juillet 2016, Syndicat C.G.T. des
cadres et techniciens parisiens des SP territoriaux et autres : s’agissant d’une réglementation de la ville de Paris
imposant à chaque agent employé dans les équipements sportifs de la ville de se déclarer gréviste 48 heures
avant le début de la grève fixé dans le préavis ; une telle restriction excède selon le juge ce qui est nécessaire
pour prévenir un usage abusif de la grève dans les établissements sportifs de la Ville de Paris et n’est au surplus
justifiée ni par les nécessités de l’ordre public, ni par les besoins essentiels du pays ; C.E., 9 décembre 2003,
Mme Aguillon et autres : s’agissant d’une mesure de réquisition, décidée par arrêté préfectoral, jugée excessive
par son ampleur, alors que des mesures plus ciblées pouvaient suffire (réquisition en l’espèce, à la suite d’un
mouvement de grève chez les sages-femmes, de l’ensemble des personnels grévistes, portant une atteinte
excessive au droit de grève).
Si les actions et interventions des personnes publiques sont diverses et variées, l'objet de
l'action admin se ramène pour l'essentiel à une double finalité. La première est la poursuite
de l'intérêt général à travers le développement de missions et d'activités de SP. La seconde
réside dans la défense et la préservation de l'ordre public à travers diverses mesures
susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles. Ce second objet correspond à la PA.
La PA est une activité guidée par l'intérêt général. Si l'intérêt général exige que l'admin
satisfasse un certain nombre de besoins essentiels, il impose aussi l'encadrement des
comportements individuels afin de préserver l'harmonie et la paix sociale. Ainsi présentée,
l'activité de police pèse de toutes ses rigueurs sur les administrés puisqu'elle cherche à
encadrer et limiter par voie de prescriptions ou d'interdictions les libertés. La PA est presque
par essence attentatoire aux droits et libertés. De telles atteintes peuvent toutefois être
admises dans un État libéral comme le nôtre dès lors qu'elles sont limitées, contrôlées,
proportionnées et justifiées par la défense d'un intérêt public supérieur qui réside dans la
préservation de l'ordre public. La PA cherche ainsi à concilier défense de l'ordre et
préservation des libertés.
Si elle renvoie pour l'essentiel dans un sens matériel à une activité, la notion de police se
révèle par ailleurs comme une notion largement polysémique. Elle se réfère en effet
également dans un sens organique aux services et institutions en charge de cette activité,
voire même parfois aux agents qui exercent ces missions sur le terrain.
Selon la définition proposée par Chapus, la PA peut se définir comme une activité de SP qui
tend à assurer, dans les différentes secteurs de la vie sociale, le maintien de l'ordre public en
prévenant les troubles qui pourraient l'atteindre :
-la PA apparaît tout d'abord comme une activité de SP. La police peut même se
rattacher à l'une des premières activités de SP qui relèvent des missions régaliennes de l’État.
La PA est cependant une activité de SP particulière puisqu'elle ne peut se déléguer
contractuellement. La JP du CE exclut depuis longtemps que des activités de PA générale
assurées par les communes puissent faire l'objet d'une délégation à une personne privée (CE,
1932, ville de Castelnaudary). Ainsi, un maire ne peut conclure avec une société privée un
contrat permettant à ladite société d'exercer des activités de surveillance sur le territoire de la
commune (CE, 1994, commune de Menton).
-La police a pour objet le maintien de l'ordre public dans les différents secteurs de
la vie sociale. Cela renvoie à la PA générale. La PA générale se distingue de la PA spéciale
qui n'a pas nécessairement pour objet le maintien de l'ordre public et qui concerne telle ou
telle activité particulière. Ex : la police des chemins de fer … Le problème tient ici au fait que
certaines autorités sont investies à la fois d'un pouvoir de police général et spécial. Tel est le
cas du préfet qui va assurer, au nom de l’État, la PA générale dans le département et qui est
investi, par les textes, de très nombreux pouvoirs de PA spéciale.
-L'objet de la PA est le maintien de l'ordre public afin de prévenir les troubles qui
pourraient l'atteindre. Cela permet de distinguer la PA de la PJ. La première s'exerce à titre
préventif et a pour but de prévenir les troubles à l'ordre public. La seconde s'exerce à titre
répressif et a pour but de réprimer les troubles à l'ordre public. Le pb tient au fait qu'il n'y a
souvent pas de distinction organique entre ces deux activités. Une opération de PA peut se
transformer au cours du temps en opération de PJ. Cette distinction emporte toutefois des
conséquences pratiques importantes quant au régime applicable : la PA relève du JA alors que
la PJ relève du juge judiciaire.
La défense de l'ordre public et le maintien de l'ordre social passe par des actions diverses,
qu'il s'agisse d'éviter un trouble à l'ordre public, qu'il s'agisse de prendre les dispositions
adéquates en cas de trouble à l'ordre public, qu'il s'agisse encore de le réprimer. La notion de
PA peut quant à elle s'appréhender de deux façons :
-négativement, la PA exclut les missions de police qui relèvent, non pas de la
prévention, mais de la répression. A ce titre, la PA se distingue de la PJ.
-positivement, la PA s'identifie à travers la notion centrale d'ordre public, qui
constitue le but de toute mission de PA.
Deux grand types de police contribue a la conservation de l’ordre public , il y a la police adm
et judicaire. Cette distinction est simple dans son principe mais se révèle toutefois délicate
dans certaines hypothèses. Elle ne peut en effet reposer sur un critère organique dès lors
que les mêmes autorités et les mêmes agents sont tour à tour conduit à participer aux
deux types d'activités de police.
Par exemple ; un gardien de la paix exerce une mission de PA lorsqu'il assure le respect de la
sécurité publique à un carrefour. En revanche, ce même gardien de la paix participe à une
mission de PJ lorsqu'il constate des infractions et les verbalise. Cette distinction entre les deux
activités de police demeure fondamentale dès lors qu'elle génère d'importants effets
juridiques. En raison de l'importance de cette distinction et de ses effets, le juge a été conduit
à dégager des critères permettant de rattacher une activité soit à la PA, soit à la PJ.
I - Le principe de la distinction
La distinction PA / PJ peut être appréhendée simplement dans son principe mais se révèle
parfois subtile dans certaines hypothèses.
A. Le critère de distinction
On souligne souvent pour distinguer les deux activités de police que la PA s'exerce à titre préventif alors que la
police judiciaire s'exerce à titre répressif. Cette clé de comprehensio ne permet pas de saisie toujours la
distinction das son applicaton concrete , elle ce releve parfois inssufisante face a des hypothses tres diverses qui
exigent des criteres precise. En effet, dans certains cas, une activité de PA sera mise en œuvre pour mettre fin à
des troubles d'ordre public. A l'inverse, une opération de PJ peut parfois avoir pour objet de prévenir la
commission d'infractions. La valeur relative de la distinction entre prévention et répression rendait finalement
nécessaire l'identification en JP d'un critère précis permettant de faire face aux diverses hypothèses rencontrées
en pratique.
Ce critère la jurisprudence la dégager en 1951. Deux décisions, l'une du CE (CE, 11 mai 1951,
consorts Baud), l'autre du TC (TC, 7 juin 1951, dame Noualek), posent à cette date un critère
finaliste qui est au but ou à la finalité de l'opération ou la décision à qualifier. L'utilisation
d'un tel critère, considéré comme exclusif de tout autre, conduit le juge à prendre en compte
l'intention dans laquelle les autorités de police ont agi.
-Dès lors que l'opération ou la décision à qualifier est liée à une telle infraction, la
qualification de PJ est retenue, ce qui implique la compétence du juge judiciaire (cas dans
l'affaire Baud) ;
-Si l'opération ou la décision à qualifier n'est pas en lien avec une telle infraction, la
qualification de PA prévaudra, ce qui va induire la compétence du JA (cas dans l'affaire dame
Noualek).
Le lien avec une infraction pénale doit être entendu au sens large, dès lors qu'il ne s'agit pas
nécessairement d'une infraction effectivement commise et avérée. Plusieurs hypothèses :
1er hypothses ; L'infraction peut être imminente. Dès lors que les forces de police entendent
prendre en flagrant délit les malfaiteurs pour ensuite les arrêter en cas de commencement
d'exécution de l'infraction, la décision de procéder à l'opération et l'opération elle-même
constituent des mesures de PJ (TC, 27 juin 1955, Dame Barbier).
3e hypothèse ;L'infraction peut ne pas être avérée et réelle. Dès lors que l'autorité de police a
cru à l'existence d'une infraction et a entendu la réprimer, l'opération est une opération de PJ.
Ex : les forces de police ordonnent la mise en fourrière d'un véhicule en pensant qu'il était en
stationnement irrégulier alors que tel n'était pas le cas. Il s'agit en l'espèce d'une opération de
PJ (CE, 1981, consorts Ferrand).
Le critère finaliste permet ainsi de déterminer la nature de l'opération de police à partir du lien
établi entre l'opération à qualifier et une infraction pénale déterminée.
Les deux activités de police se distinguent également par l'identité des pers publiques
auxquelles elles se rattachent, ce qui comporte certains effets en matière d'imputation du
dommage dans le cadre d'action en responsabilité engagée en raison de l'exercice de missions
de police. La PA peut être exercée par une pluralité d'autorités (Etat, CT). En cas de
dommage, la responsabilité sera celle de la personne publique concernée. La PJ en revanche
constitue une activité exclusivement étatique car l’État est et reste le seul responsable de la
justice. La personne publique responsable dans ce cas est donc toujours l’État. En cas d'action
en responsabilité, la distinction des activités de police peut avoir des conséquences pratiques
importantes en matière d'imputabilité du dommage.
Simple dans son principe, la distinction des 2 activités de police se révèle parfois relativement
malaisée. Les difficultés tiennent pour l'essentiel à l'absence de distinction organique entre
les autorités de police susceptibles d'exercer à la fois des opérations de PA et de PJ. Cette
absence de différenciation organique permet ainsi le cumul d'opérations de police à travers la
mixité de certaines interventions. Ainsi, par ex, des gardiens de la paix peuvent recevoir à
l'occasion d'un patrouille une double mission : patrouiller la nuit pour surveiller et intercepter
les individus qui ont commis une infraction et dont l'identité est connue. Dans ce cas,
l'opération peut être qualifiée de mixte puisqu'il y a dans ce cas coexistence entre une activité
de PA et une activité de PJ. Pour résoudre la difficulté, le juge prendra ici en compte la nature
de l'opération à un moment T. Ainsi, si un dommage a été causé alors que les agents
procédaient à l'interception et à la fouille des individus signalés, alors le dommage puise sa
source dans une opération de PJ (TC, 29 oct 1990, Mademoiselle Morvan).
Il arrive par ailleurs que les opérations de police changent de nature dans le temps. Ces
changements de nature recouvrent en réalité deux hypothèses distinctes :
-il arrive que l'opération de PJ débouche sur une opération de PA. Tel est le cas
notamment pour le contentieux de l'enlèvement et de la mise en fourrière des véhicules. En
raison de l'existence d'une infraction, réelle ou supposée, aux règles de stationnement,
l'enlèvement du véhicule constitue une opération de PJ. C'est donc le juge judiciaire qui sera
éventuellement compétent pour réparer les dommages causés au véhicule avant le dépôt en
fourrière. L'opération de gardiennage et de surveillance débutant avec la mise en fourrière
constitue une activité de PA. Le JA sera compétent pour connaître des dommages causés à
cette période.
Il arrive enfin que le critère finaliste soit impuissant à déterminer avec précision la nature de
l'opération à l'origine d'un dommage en raison de l'enchevêtrement étroit entre les deux
missions de police. Ici, pour éviter de trop subtiles distinctions et une segmentation artificielle
du litige, le
juge cherche à déterminer l'opération dans laquelle le préjudice « trouve essentiellement son
origine» (TC, 12 juin 1978, société le profil). Il s'agissait en l'espèce d'une société qui
demandait réparation du préjudice subi en raison d'un vol commis à l'occasion d'un transfert
de fonds. La caissière sort, mallette à la main, escortée par des policiers. Cette surveillance n'a
pas empêché des malfaiteurs de s'emparer de la mallette sans que les policiers puissent les
rattraper. La société requérante faisait valoir que les policiers avaient commis de fautes en ne
mettant pas en place un dispositif de protection efficace et en ne réagissant pas de manière
efficace pour rattraper les voleurs. L'utilisation du critère finaliste aurait conduit la société à
s'adresser tour à tour au JA et au juge judiciaire pour obtenir la réparation complète de son
préjudice. Le TC a opté pour solution simplificatrice en estimant que le préjudice trouvait
essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été assurée la mission de
protection, qui relève elle-même de la PA.
L'ordre public fait partie des notions structurantes du DA français. D'ailleurs, en 1882, le CC a
vu dans la sauvegarde de l'ordre public « un objectif de valeur constitutionnelle » (CC, 27
juillet 1982, communication audiovisuelle). La préservation de l'ordre public constitue le but
de toute activité de PA. Mais, ce but fédérateur ne peut pourtant cacher la variété des missions
de PA confiées à l'administration. On peut à cet égard établir une différenciation : les unes
relèvent de la PA générale, les autres de la PA spéciale.
Classiquement, la notion d'ordre public est conçue comme « un ordre matériel et extérieur »
(Hauriou). De ce point de vue, l'ordre public fait référence à un trilogie traditionnelle,
contenue dans l'art L. 2212-2 CGCT : « la police municipale a pour objet d'assurer le bon
ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publics ». S'ensuit une énumération en 7 points qui
détaille diverses finalités plus spécifiques de la PA générale. Outre la défense du bon ordre,
cet article renvoie ainsi aux trois composantes traditionnelles de l'ordre public.
La sécurité publique. Il s'agira par ex pour des autorités de police de prévenir les risques
d'accident en réglementant la circulation sur les routes. A cet égard, les exigences modernes
de la sécurité publique imposent par ex la fermeture à certaines heures de certaines voies à la
circulation ou de zones de stationnement. Malgré les atteintes qu'elles portent à la liberté de
circulation et à la liberté d'aller et venir, la JP reconnaît depuis longtemps ces mesures
d'interdiction, dès lors que ces interdictions sont motivées par la nécessité de préserver la
sécurité publique : CE, 8 déc 1972, Ville de Dieppe, s'agissant de la légalité d'une mesure
d'interdiction de circulation sur une voie publique un jour par semaine.
La moralité publique
La JP tend pourtant à faire de la moralité publique l'une des composantes de l'ordre public.
C'est ainsi que le JA reconnaît à l'autorité de police le pouvoir de fermeture de lieux de
débauche portant atteinte à la moralité publique, et par là même générateur de troubles à
l'ordre public (CE, 30 sept 1960, Jauffret). La police des films et la JP sur les interdictions
municipales de certaines représentations cinématographiques illustrent cette prise en
considération de la moralité publique. Un maire peut toujours interdire la projection d'un film
dans certaines hypothèses.
-Tel est le cas lorsque la projection du film est susceptible d'entraîner des troubles matériels.
Dans ce cas, la mesure d'interdiction a pour but d'assurer directement la sécurité et la
tranquillité publique.
-Tel est le cas également lorsque la projection du film est de nature à préjudicier l'ordre public
« à raison du caractère immoral du film et des circonstances locales ».
La JP est fixée en ce sens depuis un arrêt de principe de 1959 (CE, 18 déc 1959, société « Les
films Lutetia »). Le CE a jugé « qu'un maire responsable du maintien de l'ordre public dans sa
commune peut donc interdire sur le territoire de sa commune la représentation d'un film (…)
dont la projection est susceptible d'entraîner des troubles sérieux ou d'être, à raison du
caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public ». Peu à
peu, le CE va préciser sa JP en exigeant l'existence de circonstances locales. (CE Ville de
Nice).De telles circonstances locales peuvent par exemple résider dans la sensibilisation
spéciale des habitants de la commune. Ces mêmes circonstances locales peuvent également
résider dans le fait que la commune est un lieu de pèlerinage religieux. Quant à l'immoralité
du film, cette immoralité sera liée à son
caractère pornographique, érotique ou violent. En l'absence de circonstances locales
particulières, la mesure d'interdiction sera annulée par le JA (CE, 26 juillet 1985, ville d'Aix-
en-Provence, confirmation d'un jugement du TA de Marseille qui avait annulé un arrêté par
lequel le maire de la ville d'Aix-en-Provence avait interdit la projection d'un film. Le CE
relève en l'espèce « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette projection, quel que fût
le caractère de ce film, ait été de nature à porter atteinte au bon ordre ou à la tranquillité
publique dans la ville »).
CE, section, 30 juin 2000 association .
La JP n'exclut cependant pas, encore aujourd'hui, que des considérations tenant à la moralité
puissent, associées à des circonstances locales particulières, justifier des mesures de police
destinées à prévenir les troubles à l'ordre public. C'est ainsi que le CE a indiqué, à propos de
l'interdiction par l'autorité de police municipale de l'affichage de publicité en faveur de
messagerie rose, qu'en l'absence de circonstances locales particulières, le caractère immoral
des supposées messageries ne peut fonder légalement une interdiction de toute publicité en
leur faveur (CE, 1997, commune d'Arcueil).
Cette référence à la moralité publique comporte certains dangers. Outre le fait qu'elle
dénature quelque peu la conception classique de l'ordre public, elle peut également
conduire à faire du JA un arbitre des questions morales et un censeur des consciences. C'est
la raison pour laquelle un tel motif, assorti de circonstances locales, justifie rarement en JP
l'adoption de mesures de police.
La dignité de la personne humaine n'est pas une notion nouvelle. Elle a été régulièrement
consacrée dans les textes internationaux des droits de l'homme et est également placée en tête
des droits fondamentaux de la loi fondamentale allemande de 1949. Cette notion apparaît de
fait comme le socle du régime protecteur des droits et libertés en France et dans les autres
pays. En France, le CC a affirmé en 1994 la pleine valeur constitutionnelle de « la
sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation » 1re
phrase de l’al 1 du préambule de C46 (CC, 1994, 27 juillet bioéthique). A partir du milieu des
années 90, le CE va à son tour se référer avec prudence et parcimonie à cette notion de la
dignité de la personne humaine. Intervient à ce moment là une extension de l'ordre public qui
résulte d'une position de principe adoptée par le CE en 1995. En effet, dans deux arrêts rendus
le même jour, le CE a estimé que « le respect de la dignité de la personne humaine est une
des composantes de l'ordre public » (CE, 27 oct 1995, commune de Morsang-sur-Orge / ville
d'Aix-en-Provence). Le CE indique également que l'autorité municipale peut donc « même en
l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction portant atteinte à la
dignité de la personne humaine ». Est en cause l'attraction de « lancer de nain ». Le CE va
admettre qu'une mesure de police puisse être adoptée dans le but de préserver la dignité de la
personne humaine, et ce en dehors de toute circonstance locale particulière. Le CE souligne
précisément dans ces deux arrêts que l'attraction dite du « lancer de nain » « conduit à utiliser
comme un projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle
». En effet, la personne humaine est ramenée au rang de simple objet, ce qui affecte sa dignité.
Faut-il rattacher cette hypothèse à la moralité publique ? Une partie de la doctrine milite
clairement en ce sens. A la différence du commissaire du gouvernement, le CE n'a pas dit que
la dignité devait être rattachée à la moralité publique. Il a simplement indiqué que ce principe
faisait partie intégrante de l'ordre public, sans autres précisions. Au surplus, à la différence de
la moralité publique, la présence de circonstances particulières n'est pas exigée s'agissant de la
dignité. Il y a donc là un particularisme attaché à la dignité humaine, qui incite à en faire une
composante spécifique de l'ordre public. La dignité de la personne humaine présente bien un
certain nombre de particularismes :
-Elle se caractérise d'abord par une forme d'universalité qui fait défaut à la moralité, comme
en témoigne l'absence d'exigence de circonstances locales dans une telle hypothèse. En effet,
si une
activité humaine porte atteinte à la dignité, c'est le cas partout.
-Au surplus, la dignité humaine présente un caractère absolu. Au delà même de la personne
concernée, c'est l'être humain qui est visé. C'est la raison pour laquelle aucun être humain ne
peut renoncer à sa dignité et la dignité protège tout être humain en dehors et contre sa volonté.
L'extension de l'ordre public à la dignité humaine a été à l'époque vivement contestée par des
observateurs et par une partie de la doctrine, qui pointaient du doigt les contours incertains de
la notion de dignité et son caractère potentiellement liberticide. En effet, le CE impose sa
propre conception de la dignité dans l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, contre la volonté
du nain et contre le droit de disposer de son propre corps. La CEDH a été confrontée à la
même question lorsqu'elle a été confrontée aux cas de sadomasochisme. Par ailleurs, le CE
confirmait également à travers cette JP de 1995, l'existence d'un ordre public immatériel,
que l'autorité de police peut se donner pour mission de préserver, au risque de verser dans «
l'oppression des consciences » (Hauriou). A la suite de l'affaire du lancer de nain, le recours à
la dignité a parfois pu justifier certaines mesures d'interdiction, comme celles de la
distribution de la soupe aux cochons, jugées discriminatoire (CE, 2007, ministre d'Etat,
ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire c/ association « solidarité des
français»). L'atteinte à la dignité de la personne humaine a pu justifier l'interdiction par les
autorités de police du spectacle « le mur » de Dieudonné (CE, 2014, ministre de l'intérieur c/
société « les productions de la plume » et M. Dieudonné M'Bala M'Bala).
La notion d'ordre public pourrait apparaître comme une notion immuable et figée. Tel n'est
pas le cas : l'ordre public est même une notion évolutive et contingente, susceptible de varier
dans le temps et dans l'espace, suivant les circonstances. Ainsi, par exemple, les exigences de
protection de l'ordre public ne sont pas les mêmes en zone urbaine et dans les milieux ruraux.
De manière temporelle, les dangers susceptibles de troubler la paix sociale et d'affecter l'ordre
public ne sont pas les mêmes que par le passé. Parallèlement à ça, on assiste à la montée en
puissance de nouveaux idéaux, notamment les préoccupations écologiques et
environnementales. On peut toutefois s'interroger à la lumière de certaines décisions du CE,
sur la réalité de nouvelles extensions de la notion d'ordre public, même si la JP demeure à ce
jour encore incertaine sur ces questions.
C’est ainsi que le CE a amis par le passe que la limitation de la vitesse sur les route pouvait
etre pouvait être justifiée par des considérations tenant aux économies d'énergie . Solution
qui découle de l’arret CE, 25 juillet 1975, Chaigneau).
Le JA est en revanche plus réservé à l'égard d'une autre composante potentielle de l'ordre
public, l'esthétique. Il arrive pourtant que le CE fasse référence à de telles considérations
tenant à l’esthétique dans son contrôle des mesures de police
exemple ; CE, 22 juin 1984, société « le monde du tennis », à propos d'une mesure de police
visant à réglementer la distribution et la vente de journaux et de prospectus aux portes du
stade de Rolland Garros pendant le tournoi.
On a pu par ailleurs se demander si des mesures de police pouvaient avoir pour objet de
protéger les individus contre eux-mêmes. Autrement dit, pourrait-on considérer comme prise
pour assurer le maintien de l'ordre public pour préserver l’ordre public une mesure adoptée
par l'autorité de police afin d’interdire à une personne d'adopter un comportement qui n'est
nuisible que pour elle ? Cette question ces poser à propos du décret du 28 juin 1973, par
lequel le 1er ministre a imposé le port du casque aux conducteurs de 2 roues et le port de la
ceinture aux automobilistes. Peut-on considère que de telle mesure se rattache a l’exercice du
pouvoir de police ? ? Le CE l'a semble-t-il admis en considérant que le port de la ceinture
avait été légalement institué car elle avait pour objet de « réduire les conséquences des
accidents de la routes » (CE, 4 juin 1975, Bouvet de la Maisonneuve). Cette question rejoint
celle du lancer de nain et a trouvé un certain écho dans l'affaire de Morsang-sur-Orge, il
s’agissait d’imposer une volonté à une personne. Ces extensions potentielles de la notion
d'ordre public n'ont toutefois à ce jour rien d'officiel, tant la JP est incertaine et peu
nombreuse, peu abondante.
La volonté de préserver l'ordre public dans des domaines spécifiques précis, bien définis a
parfois conduit dans certains cas les pouvoirs publics à confier à certaines autorités des
attributions particulières, renforcées, des moyens plus étendus qui se rajoutent et se
juxtaposent aux missions générales de préservation de l'ordre public qui caractérisent elle la
PA générale.
L’élèment organique ici est de peu d’utilité Certes certaines autorités de police spéciale ne
disposent pas de pouvoir de police générale. Les ministres ne constituent pas des autorités
de PA générale, mais certains d’entre eux interviennent au titre de mission de police spéciale.
Ceci étant dit il faut ajouter la coexistence entre ces deux police s’inscrit dans un principe de
complémentarité. En effet la police A est plus étendu dans son champ d’action elle permet de
toucher plus de chose mais à l’inverse elle se réduit le plus souvent à ce qui est strictement
nécessaire pour préserver l'ordre public. Elle couvre une matière plus vaste mais se réduit
quant aux mesures. Les textes attribuant à certaines autorités admin des missions de police
spéciale leur confèrent en revanche souvent des pouvoirs plus étendus et plus contraignants.
La PA générale couvre une étendue plus vaste mais reste sans doute davantage en surface
alors qu’à l’inverse la PA spéciale va permettre d'aller beaucoup plus loin. La
complémentarité elle va jouer lorsque une même autorité va intervenir comme PA de police
spéciale pourront éventuellement jouer parfois de cette complémentarité comme pour les
maires. La police spéciale pourra dans certains cas quand elle est exercée par la même autorité
prendre le relais de la police générale pour pallier les insuffisances de cette dernière.
Exemple ; Comme face à un immeuble dégradé et qu’il présente des dangers pour la sécurité
publique : le maire en tant qu’autorité de la PA générale ne pourra prendre que qq mesures
comme en interdisant l’accès en revanche s’il utilise ces compétences de police spéciale
comme celle des édifices en ruines, il pourra prendre des mesures poussées et ordonné la
réparation de l’immeuble voire sa démolition. Il y a une vraie complémentarité.
Les PA spéciales sont aussi nombreuses que diverses, et il y a une vraie diversité voire
hétérogénéité avec des types des polices variés qui se caractérisent par leur champ
d’application personnelle rationné en ce qu’elles concernant des catégories particulières de
personnes pour certaines comme la police des étrangers ou la police des nomades. Bon
nombre d’entre elles s’identifie par leur champ d’application matérielle rationné en ce qu’elle
s’applique à un secteur déterminé ou des activités humaines spécifiques comme la police des
débits de boisson, de la chasse ou des édifices en ruine. Ces PA spéciales déjà diverses par le
domaine, elles se distinguent en elles par leur but et en particulier, elles entretiennent
notamment des rapports plus ou moins étroit ou distinct avec l’ordre public général qui guide,
motive les interventions des autorités détentrices de pouvoir de police générale. Certaines
polices spéciales sont guidées par un but spécifique qui peut lui-même se rattaché à la
préservation de l’ordre public comme celle des installations classées par la nécessité de
préserver la salubrité publique, de même pour la police des cimetières pour la préservation de
la tranquillité et de la salubrité publique.
Alors ces missions de polices spéciales sont parfois attribuées à des autorités distinctes et
ainsi par exemple la police des gares est confiée au préfet, elle est souvent guidée par des buts
qui se rattachent à l’ordre public mais en cas d’identité organique, la police spéciale même
orientée vers la préservation de l’ordre public général se caractérise souvent par la spécificité
de sa procédure si bien que la confusion est impossible comme la police des édifices en ruines
régies par les art L511-1 et s du code de l’habitation. Certaines se caractérisent par leur but
plus spécifique et qui se trouve parfois assez éloigné de la conception traditionnelle de l’ordre
publique comme les finalités esthétiques et culturelles guident parfois la mise en œuvre de
certains pouvoirs de polices spéciales ➔ polices : monuments historiques, de l’affichage ou
de l’environnement, il arrive que l’objet propre à une activité de police spéciale soit largement
étranger à la conception traditionnelle de l’ordre public général. On peut utiliser la notion
d’ordre public spécial et chaque police spéciale se caractérise par une intervention de
l’administration dans le but de préserver un ordre public spécifique plus ou moins proche de
l’OP général.
Il faut indiquer que ne sont pas investies d’un pouvoir de police et parmi celles qui le sont il
faut par ailleurs distingués les autorités titulaires d’un pouvoir de police générale et celles
titulaires de polices spéciales. Les opérations croisées posent également la question de la
concurrence entre ces diverses autorités de police.
I - Au niveau national
Dans le silence des textes, la JP du CE a consacré sous la 3e Rép l’existence d’un pouvoir de
police autonome au profit du chef de l’É qui peut s’exercer en dehors de toute habilitation
législative et en vertu de ses pouvoirs propres. Ce pouvoir découle de la nature même de la
fonction exercée : Labonne 8 août 1919 : en l’espèce question d’un retrait de permis fondé sur
un décret du PR qui réglementait la circulation : reconnaît un pouvoir de police générale
même sans texte en vertu des attributions du chef de l’É et ce pouvoir s’exerce à travers un
pouvoir réglementaire autonome. Ce pouvoir de police générale applique sur l’ensemble du
territoire a bénéficié sous la 4e Rép au président du conseil, 13 mai 1960, SARL Restaurant
Nicolas. Sous l’égide de la C58, ce pouvoir de police générale profite pour l’essentiel au PM
est l’autorité disposant du pouvoir réglementaire général en vertu de l’art 21C. Le CE précise
qu’il appartient au PM en vertu de ses pouvoirs propres d’édicter des mesures de police
applicables à l’ensemble du territoire : 2 mai 1973, association cultuel Israël. Et le CE a
également indiqué qu’il appartenait au PM au titre de ses pouvoirs de police générale
d’adopter par voie réglementaire des mesures propres à assurer la sécurité des personnes sur
les autoroute et les ouvrages d’Art concédés du réseau national ; société rapide dépannage 62,
25 septembre 2013.
Mais rien n’exclut toutefois que le PR en bénéficie dans le cadre des compétences qui sont les
siennes notamment résiduel en vertu de l’art 13C, le PR pourrait bénéficier des pouvoirs de
police mais aussi au titre des pouvoirs exceptionnels en vertu de l’art 16C.
Les choses sont simple parce Deux autorités bénéficient d’un pouvoir de police au niveau
local (une déconcentré une décentré il s’agit du maire et préfet. En consequence de sa tout
autre autorité de police générale au niveau local est exclut. On peut toute fois ajouter ce
partage de police générale au niveau locale et le maire et le prefetn’exclue pas certains
transfers dont ne peut peuvent beneficier ajourdhui les presidents des etablissement publique
de cooperation intercomuale. Des lors que certaines competence bascule dans la commune la
coopération intercommunale lié acette competence des communes .
A. Le maire
En vertu de la loi il est détenteur de pouvoir de police générale pour assurer le maintien de
l’ordre public sur la commune, il est en charge de la police municipale L 2012-1 CGCT dont
le but est d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Ces
pouvoirs sont des pouvoirs propres du maire, le CM n’intervient en aucune manière, aucune
attribution. Ces pouvoirs de police sont toujours exercés au nom de la commune et non pas de
l’État : cas particulier de Paris avec un partage des pouvoirs de police avec le préfet de police
et le maire.
Ce pouvoir de police générale s’applique dans des hypothèses diverses, par exemple
s’agissant de la police de circulations sur les voies publiques, le maire est compétent pour
prendre les mesures de police applicables sur les voies communales ainsi que sur les portions
de routes nationales et départementales situées à l’intérieure de la commune. Le
développement de l’intercommunalité a été à l’origine de certains transferts des pouvoirs de
police du maire au profit des présidents des EPCI à fiscalité propre notamment lois du 13 août
2004 et 16 décembre 2010 en considérant que les pouvoirs de police doivent accompagnés le
transfert de compétence des communes.
Selon les termes du décret du 14 mars 1986 et de son art 9 qui dispose que le préfet est
l’autorité de police générale du département. Alors à ce titre, le préfet exerce ainsi ces
pouvoirs de police sur l’ensemble du département et il peut prendre évidemment au nom de
l’État et non du département, toutes les mesures de police dont le champ d’application va
excéder le territoire d’une commune : L2015-1 3ème du CGCT. Ainsi par exemple le préfet
peut, en raison de circonstances locales particulières, interdire pour toutes les communes de
son département la vente à emporter de boissons alcoolisées entre 22h et 6H : CE,3 mars
1993, société Carmag.
B. Le préfet
Selon les termes du décret du 14 mars 1986 et de son art 9 qui dispose que le préfet est
l’autorité de police générale du département. Alors à ce titre, le préfet exerce ainsi ces
pouvoirs de police sur l’ensemble du département et il peut prendre évidemment au nom de
l’État et non du département, toutes les mesures de police dont le champ d’application va
excéder le territoire d’une commune : L2015-1 3ème du CGCT. Ainsi par exemple le préfet
peut, en raison de circonstances locales particulières, interdire pour toutes les communes de
son département la vente à emporter de boissons alcoolisées entre 22h et 6H : CE,3 mars
1993, société Carmag.
-Le préfet dispose en outre de pouvoirs de police générale dans les communes à police d’État
qui était celles qui contenaient plus de 10 000 habitants, aujourd‘hui sont concernés les
communes dont les besoins en matière de sécurité nécessitent la mise en place d’une police
étatisée en fonction de certains critères prévus par les textes. Dans de telles communes les
pouvoirs de police du maire sont en partie transférés au préfet qui va alors agir au nom
de l’État. Ici le préfet a en particulier la charge de la tranquillité publique à l’exception des
troubles de voisinages L2014-4 CGCT et à la charge du bon ordre à l’occasion de grands
rassemblements d’hommes. Il est compétent en ce qui concerne les grands rassemblements
occasionnels de personnes et manifestations et il peut seul interdire dans ce genre de
commune, une manifestation sur la voie publique de nature à troubler l’ordre public et donc
incompétence du maire (1989, CE, commune de Mongeron). Néanmoins, le maire conserve
néanmoins ces pouvoirs de police s’agissant des troubles de voisinages et des rassemblements
dit habituels (marchés, foire) L2014-4 al 3 CGCT.
-Le préfet dispose enfin dans certaines hypothèses définies d’un véritable pouvoir de
substitution d’action prévu par les textes, L2215-1 CGCT. Ce pouvoir s’exerce à l’égard
d’une commune ou de plusieurs communes de département et ce pouvoir intervient dans
l’hypothèse où un maire ne prend pas les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public :
défaillance du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et permet après une mise en
demeure au préfet de prendre à la place du maire les mesures de police nécessaires. Dans ce
cas, le préfet se substitue au maire et donc agit au nom de la commune, en cas de dommages
c’est la commune qui supporte la responsabilité des mesures prises : affaire Dieudonné.
Section 2 - les autorités titulaires d’un pouvoir de police spéciale
Ces autorités sont très nombreuses et il s’agit tantôt d’autorités détenant également des
compétences de police générale et tantôt des autorités qui interviennent exclusivement en
qualité de police spéciale ➔ distinction entre le niveau local et national.
I - Au niveau national
II - Au niveau local
De nombreuses autorités apparaissent comme autorités de police spéciale entre celles qui sont
aussi de police générale et celles qui n’interviennent qu’en matière de police spéciale.
En premier lieu il s’agit du maire qui est une autorité de police générale qui intervient au titre
de la police des édifices menaces en ruines, la police des cimetières L2213-CGCT des
baignades et activités nautiques article L 2213-23 CGCT. Le préfet qui est également titulaire
de nombreux pouvoirs de polices spéciales comme la police sanitaire, des cours d’eaux. Il
existe par ailleurs des autorités qui n’interviennent qu’au titre de la police spéciale c’est le
cas tout d’abord du président du conseil départemental ➔ Loi du 2 mars 1982 venant
confier au PR du conseil des pouvoirs de police afférant à la gestion du domaine public
départementale qui sont toujours actuels : L3221-1 CGCT. A ce titre, le Pr du conseil est
habilité à prendre des mesures de polica applicables aux routes départementales hors
agglomération. Le CE a semble-t-il exclu toute compétence de police générale au PR du
conseil départemental (général avant), avis du 23 juillet 1996, concernant la police de
circulation de la voie publique.
On peut également retrouver les préfets de région qui disposent de certains pouvoirs de
police spéciale en matière de monuments historiques ou espaces culturels protégés.
Le nombre des autorités de polices (générale ou spéciale), leur diversité des interventions
peuvent débouchés sur des regroupements voire même des télescopages.
-Une autorité de police de degré inférieur peut toujours renforcer les mesures prises par
l’autorité supérieure → Labonne et Neris les Bains, JP reprise dans des articles, ex :R411-8
du Code de la route.
En principe les textes servant de fondement de police spéciale vont conférer une compétence
exclusive où l’autorité de police générale n’est en principe pas habilité à intervenir et ne
pourra prendre aucune mesure comme par ex CE 20 juillet 1935 Société établissements satin
s’agissant de l’impossibilité pour le maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police générale
pour intervenir dans les gares et les réseaux ferrés géré par ...
26 octobre 2011 commune de st Denis s’agissant d’impossibilité pour un maire de
réglementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile dans sa commune.
Il peut toutefois arriver que le texte instituant la police spéciale ne lui confère pas une
compétence exclusive ou laisse à la police générale une certaine marge de manœuvre. Dans ce
cas on applique la jp de Labonne et de Neris les Bains : Possibilité de renforcement mais pas
de possibilité de modification et d’adoucissement. → CE Société des films Lutétia
Il y a des cas justifiés par l’urgence peut justifier l’intervention de la police générale même
lorsque les textes réservent l’exclusivité à la police spéciale dès lors que cette dernière ne
peut intervenir
avec suffisamment de rapidité à une situation d’urgence ou de péril.(CE 29 septembre 2003
Houillères du bassin de Lorraine.)
Tout conflit entre deux autorités de police spéciale est en principe exclu dès lors que chacune
réponde à un but spécifique et il va s’appliquer le principe d’indépendance des législations
et de non concurrence entre autorité de police. Chaque autorité de police se doit d’agir dans
son champ de compétence propre dont elle bénéficie d’une exclusivité et n’a pas à se soucier
d’une intervention éventuelle. Cette question de la coordination peut par ailleurs se poser pour
une seule et même autorité qui disposerait d’une pluralité de compétence et par exemple le
préfet doit mettre en œuvre ses différents pouvoirs de police spéciale sans se soucier de leurs
articulations.
Cette hypothèse est donc plus théorique que pratique, mais il peut y avoir télescopage. Dans
ce cas le juge devra alors déterminer en fonction des textes applicables quelle police a
empiéter sur le champ d’action de l’autre.
Dans le cadre de leurs compétences, les autorités de PA peuvent adopter des mesures qui
obéissent à un certain nombre de règles formant leur régime juridique, le respect de ces règles
va conditionner la légalité des mesures de police