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Droit administratif

 Contrôle ; cour et Td
 Épreuve écrite de 3h (dissertation, commentaire, cas pratique)

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Introduction générale ;

Le droit administratif (DA) général apparaît comme la branche du droit public applicable à
l'activité administrative. A ce titre, le DA se distingue du droit privé, des autres disciplines
du droit public et d'autres matières spéciales du DA.
Contrairement au droit privé, le DA a vocation à régir les relations entre les individus et
l'administration, ou parfois les rapports entre plusieurs morales de droit public. L'action
administrative est soumise à des règles spécifiques, différentes des règles de droit privé.
Elles correspondent au DA. L'action administrative sera soumise au contrôle d'un juge
spécialisé : le juge administratif (JA). En vertu du principe de liaison de la compétence et
du fond, ce juge spécialisé va lui-même appliquer un corps de règle spécifique : le DA. Si ces
principes sont globalement exacts, ils souffrent néanmoins de certaines exceptions. La
frontière qui sépare le DA et le droit privé d'une part, et la compétence des juridictions
administratives et judiciaires d'autre part constitue parfois une frontière poreuse. En
particulier, certaines activités de l'administration relèvent ainsi du droit privé et de la
compétence du juge judiciaire. Dans des hypothèses plus rares, le JA pourra faire application
des règles de droit privé, tout comme, à l'inverse, le juge judiciaire pourra faire application
des règles de DA.
Droit administratif = ensemble de règle spécifique distinctes du droit privé, avec un juge
spécifique.
Le DA apparaît par ailleurs comme la partie du droit public s'appliquant à l'activité de
l'administration. Il est l'une des principales branches du droit public, ensemble des règles
juridiques propres à l'existence, à l'organisation et au fonctionnement de l’État. Le DA
cohabite au sein du droit public avec d'autres disciplines académiques, notamment le droit
constitutionnel (DC). À la différence du DA, le DC s'intéresse à la structure de l’État, aux
différents pouvoirs qui le forment et aux relations que ces pouvoirs peuvent entretenir
entre eux. Le DA n'a pas cet objet : il a un champ d'application plus restreint puisque son
objet d'étude se limite, au sein du pouvoir exécutif, à la seule action de l'administration. Ce
bornage apparent de la matière cache pourtant mal l'étendue considérable du champ
disciplinaire en question.
En effet, le DA englobe à la fois l'étude de l'organisation administrative et des
institutions administratives françaises, l'étude de l'action des organes administratifs,
celle des moyens juridiques, matériels et humains de l'administration. La frontière qui
sépare le DC et le DA n'a rien d'une frontière parfaitement étanche. Historiquement, les 2
disciplines se sont nettement distinguées l'une de l'autre. Cette séparation trouvait son
explication dans l'absence de règles constitutionnelles encadrant l'administration. Sous la
3ème République, la DDHC de 1789 n'avait pas alors la valeur d'un texte juridiquement
contraignant en droit positif. De même, les 3 lois constitutionnelles de 1875 comportaient
essentiellement des règles techniques, relatives aux différents pouvoirs et étaient assez
largement dépourvues de principes juridiques de fond. Historiquement, la construction du DA
s'est opérée sans référence directe à la norme constitutionnelle. Cet isolement initial du DA
ne pouvait perdurer éternellement puisque dans un système juridique puisant ses
fondements dans la Constitution (C), l'action des organes administratifs ne peut se
trouver déconnectée de la norme fondamentale qu'est la C.
G. Vedel, juriste du 20e, a exposé cette filiation entre les deux disciplines et a développé sa
théorie des bases constitutionnelles du DA, dans une étude publiée en 1964. Ce
rattachement se manifeste concrètement dans plusieurs dispositions de la C58 : par exemple,
l'art 20 al. 2 indique que « le gouvernement dispose de l'administration ». De la même
manière, l'art 72 al. 2 précise que « dans les conditions prévues par la loi, les collectivités
territoriales s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir
réglementaire pour l'exercice de leur compétence ».
Au-delà de ces exemples, plusieurs dispositions de la C ont des incidences certaines sur
l'organisation administrative et sur le fonctionnement de l'administration (exercice du pouvoir
réglementaire). DA et DC ne forment donc plus deux disciplines totalement séparées. On
peut même souligner la continuité entre les deux matières, qui se manifeste notamment dans
l'évolution convergente des JP du CE et du CC sur certaines questions.
Le DA dit général n'est en fait qu'une partie du DA. Le DA au sens large doit être entendu
comme le droit applicable au fonctionnement des administrations publiques et au
rapport que celles-ci entretiennent avec les citoyens. Cette discipline connaît pourtant elle-
même différents objets et le DA consiste d'abord à étudier l'ensemble des organes et structures
de l'administration qui forment l'administration française. C'est le droit des institutions
administratives.
Le DA réside également dans un certain nombre de règles de fond gouvernant le
fonctionnement des administrations et le rapport entre ces administrations avec les citoyens. Il
ne s'agit plus du DA institutionnel mais du DA matériel. Cette deuxième approche de la
matière correspond au DA général et consiste à étudier les finalités, les moyens et le
contrôle de l'action administrative.
Le DA général se distingue des DA spéciaux, qui vont regrouper un certain nombre de
matières détachées du DA général, sans être dépourvues de tout lien avec le DA. Ces matières
traitent notamment des moyens de l'action administrative, autres que ceux juridiques (des
moyens humains, des moyens en biens). Les DA spéciaux regroupent enfin certaines matières
spéciales : le droit de l'urbanisme, le droit public économique.

I. L'identification du droit administratif français


A. La notion d'administration
Définir la notion d'administration est moins facile qu'il n'y paraît. Le terme en question n'est
pas un terme juridique et est très employé dans la langue courante et ce sans être attaché à une
signification précise. Cette notion est une notion polysémique, ce qui ne facilite pas sa
définition.
Étymologiquement, le mot « administration » vient du latin administrare (servir). Le terme en
question peut désigner tout autant la mission que l'organisme au service de cette mission.
Ainsi, la notion d'administration recouvre en réalité pour l'essentiel deux significations qui se
révèlent distinctes mais complémentaires.
Au sens premier du terme, dans une conception organique, l'administration désigne un
ensemble d'autorités et d'organismes amenés, sous l'impulsion du pouvoir politique, à prendre
en charge des tâches d'intérêt général.
Dans un second sens, dans une conception matérielle, l'administration désigne une activité,
celle qu'assurent l'ensemble des organes et institutions précédemment cités, qui met en
relation les organes administratifs et les citoyens.
On pourrait ainsi affirmer que l'administration désigne un ensemble d'organes par
lesquels sont conduites et exécutées des tâches publiques. Le DA est ainsi le droit
applicable à l'administration, au double sens du terme. L'action de l'administration se
distingue fondamentalement de celle des particuliers. Précisément, cette spécificité justifiera
alors en partie sa soumission à des règles spécifiques. Cette particularité se retrouve dans le
but poursuivi et les moyens employés :
 Le but de l'action administrative réside dans la poursuite et la réalisation de
l'intérêt général. Si l'être humain peut pourvoir à certains de ses besoins, il ne
peut se suffire à lui-même. Certains besoins politiques essentiels supposent
l'intervention d'organismes publics. Précisément, ces besoins essentiels
constituent le domaine propre de l'action administrative et correspondent à la
sphère de l'intérêt général.
 Les moyens de l'action administrative se caractérisent par l'utilisation des
prérogatives de puissance publique. Ici encore, l'action de l'administration
présente une originalité par rapport à l'action des personnes privées, ce qui justifie
l'application de règles spécifiques à cette action.
Les relations entre particuliers sont fondées sur le postulat de l'égalité juridique. En
effet, nulle volonté privée ne peut s'imposer à un autre car, par essence, elle ne lui est pas
supérieure. En conséquence, sur le plan juridique, l'acte qui caractérise le mieux les rapports
de droit privé est le contrat, un accord entre deux volontés placées sur un pied d'égalité. Si l'on
part du principe que l'administration doit satisfaire l'intérêt général alors que les particuliers
poursuivent leurs propres intérêts. Une hiérarchie apparaît alors : l'intérêt général doit
prévaloir sur les intérêts particuliers. En conséquence, l'administration doit être dotée d'un
certain nombre de moyens exorbitants, lui permettant de faire triompher l'intérêt général sur
certains intérêts individuels. Précisément, ces moyens exorbitants sont appelés les
prérogatives de puissance publique.
Par exemple, l'administration peut prendre, en vertu du privilège du préalable et du caractère
exécutoire des actes administratifs, des actes unilatéraux s'imposant aux individus
indépendamment de leur volonté. Par ailleurs, si l'administration a absolument besoin d'un
terrain privé pour construire un ouvrage destiné à la collectivité toute entière et si le
particulier refuse de lui céder ce terrain à l'amiable, elle peut user de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
L'action de l'administration est donc guidée par un but d'intérêt général et s'exerce aux
moyens de prérogatives de puissance publique. Pour ces deux raisons, l'action de
l'administration mérite de faire l'objet de règles particulières.

B. Droit administratif et droit de l'administration


Le DA peut être appréhendé de deux façons. Le DA désigne, au sens large, l'ensemble des
règles juridiques applicables à l'action administrative.
Au sens strict, le DA s'apparente pourtant à un corps de règles spéciales et originales,
distinctes des règles de droit privé et formant les contours d'un droit exorbitant.
Cette seconde approche de la matière est celle qui est le plus souvent adoptée. Cette définition
stricte permet ainsi de distinguer le DA (au sens strict) du droit de l'administration. Le droit
de l'administration désigne l'ensemble des règles applicables à l'action administrative.
Autrement dit, le DA en constitue certes une partie importante, mais non un élément exclusif.
Il n'y a donc pas d'adéquation absolue entre le DA et le droit de l'administration.
L'administration est en effet également soumise, pour une part non négligeable de son action,
à l'application du droit privé et à la compétence du juge judiciaire en cas de litige. Tel est le
cas principalement lorsque l'administration utilise dans son action des procédés de droit
privé, sans faire usage de ses prérogatives de puissance publique. Dans cette hypothèse,
rien ne permettra de distinguer l'administration d'un simple particulier, ce qui pourra alors
justifier l'application à son profit des règles de droit commun. On retrouve là la traduction
d'une distinction célèbre entre la gestion publique et la gestion privée des personnes
publiques.
Précisément, l'idée de gestion privée trouve sa traduction lorsque l'administration agit à
travers des procédés de droit privé, sans faire usage de ses prérogatives de puissance publique.
La notion de gestion privée existe depuis longtemps. Hauriou donnait de cette notion une
définition au début du 20e. Le couple gestion publique/gestion privée permet ainsi de
justifier tout à la fois l'application du droit privé à des personnes publiques et la
partition du contentieux de l'administration en deux blocs distincts, dont l'un relève du
JA alors que l'autre relève du juge judiciaire. Cette ligne de partage va s'opérer en tenant
compte des procédés et des moyens par lesquels les personnes publiques agissent. Plus
précisément, dès lors qu'elle agit par des procédés et des techniques de droit commun,
l'administration demeure justiciable des juridictions judiciaires et se verra appliquer des règles
de droit commun. A contrario, l'usage de procédés de puissance publique justifiera la
compétence du JA et l'application des règles de DA.
Les hypothèses de gestion privée sont très diverses. Par exemple, l'administration peut être
amenée à gérer certains SP dans les mêmes conditions qu'un industriel ordinaire. Ces services
publics (SP) correspondent aux SP industriels et commerciaux (les SPIC), qui se
distinguent des SP administratifs (SPA), depuis une décision du tribunal des conflits du
22 janvier 1921 (l'arrêt Société commerciale de l'Ouest africain, affaire dite du bac
d'Éloka). Les SPIC se verront largement appliquer les règles de droit privé, le juge judiciaire
étant par ailleurs compétent en cas de litige.
De même, l'administration peut conclure des contrats de droit commun, qui relèveront du
droit privé et de la compétence du juge judiciaire en cas de litige. Enfin, certains biens
mobiliers ou immobiliers qui appartiennent au domaine privé des personnes publiques sont
gérés par l'administration comme un propriétaire privé qui gère son patrimoine. En
conséquence, le contentieux de la gestion du domaine privé relève traditionnellement des
règles du droit commun et de la compétence du juge judiciaire en cas de litige.

II. L’existence du droit administratif français


A. Les fondements du droit administratif français
L'existence d'un DA postule tout d'abord la soumission de principe de l’État et de son
administration à la règle de droit. Cette soumission ne relève pourtant en rien de l'évidence.
Elle relève même d'un véritable paradoxe.
L’État est souverain ; aucun pouvoir extérieur, supérieur à lui, ne peut lui imposer sa
propre volonté. En conséquence, aucune règle préétablie, qui serait supérieure, antérieure à
l’État, ne pourrait dicter à celui-ci sa conduite et enfermer l'administration dans des normes de
comportement déterminé. Pourtant, dans un État de droit comme la France, la puissance
publique est soumise à la règle de droit. Ainsi, l’État souverain a utilisé une puissance a
priori illimitée pour limiter sa propre puissance. Juridiquement, cette limitation ne peut
pourtant se concevoir que comme une autolimitation. Autrement dit, l’État souverain
accepte lui-même de se soumettre à la règle de droit, dont il est à l'origine, et au contrôle
d'un juge, voulu par lui. En ce sens, l'existence d'un DA peut apparaître comme le fruit
d'un « miracle » (P. Weil).
L'activité des personnes privées et les relations qu'elles entretiennent entre elles sont régies
par des règles et principes juridiques imposés par un pouvoir supérieur, l’État. Il peut en
revanche paraître plus surprenant que l’État se sente lié par la règle de droit et qu'il accepte de
se soumettre à la règle de droit. Comment l’État, détenteur de la force publique et du pouvoir
normatif, pourrait-il accepter de voir son action soumise à la règle de droit et au contrôle d'un
juge ?
D'un point de vue positiviste, l'existence d'un DA résulte de la volonté de l’État de se
soumettre lui-même à la règle de droit, dont il est pourtant à l'origine. Cette soumission
de l’État et de l'administration au droit est pourtant le fruit d'un long processus
historique. En France, cette soumission ne fut pas établie sans condition. L'administration
accepte certes d'être soumise au droit, mais pas mais pas à n'importe quel droit : un droit
spécifique, un droit adapté, un droit qui se distingue du droit commun. On retrouve là la
manifestation du caractère spécial, dérogatoire du DA et plus généralement de la
légitimité même du droit public.
En outre, l'administration ne saurait être considérée comme un plaideur ordinaire. La
soumission de son action à un contrôle juridictionnel suppose alors l'existence d'un juge
spécifique et spécialisé : le JA.
En France, le contrôle des actes et décisions de l'administration est confié à un ordre de
juridictions spécifiques formé par les juridictions administratives, au sommet desquelles
se trouve le CE. Le système juridique français présente ainsi cette originalité d'ajouter
au dualisme juridique le dualisme juridictionnel. Cette distinction n'est pas présente
partout.
Précisément, en France, le principe de séparation des juridictions administratives et
judiciaires est lié directement à la « conception française de la séparation des pouvoirs »
qui renvoie à une lecture particulière de la séparation des pouvoirs, héritée de la Révolution
française, en vertu de laquelle l'administration ne peut être assimilée à un plaideur habituel et
ne peut donc être jugée par un juge de droit commun. On retrouve ici la traduction d'un
célèbre adage attribué à Henrion de Pansey (magistrat du XXème siècle) : « juger
l'administration c'est encore administrer ». Cet adage est encore très présent dans le système
français et justifie le dualisme juridictionnel.
Outre sa séparation stricte avec le contentieux judiciaire, le contentieux administratif se
caractérise également par le fait qu'il s'appuie sur une magistrature composée de juges
qui ne sont pas des juges judiciaires. Leur formation et leur statut font un peu des JA des
juges « administrateurs ». S'agissant de la formation, les membres du CE sortent de l'ENA.
S'agissant du statut, les membres des juridictions administratives n'étaient pas considérés au
sens strict du terme comme des magistrats mais plutôt comme des fonctionnaires exerçant des
fonctions de juge. Les choses ont quelque peu évolué puisque, alors qu'ils disposaient déjà de
certaines garanties propres aux magistrats, les membres des TA et des Cours administratives
d'appel se sont vu reconnaître le statut de magistrats (art L.231-1 CJA). Cette reconnaissance
tardive n'enlève cependant rien aux spécificités des fonctions des JA. A certains égards, la
formule d'Henrion de Pansey reste d'actualité. L'existence même d'un DA est quelque part le
fruit d'un miracle et cette existence n'est pas simplement conditionnée par la soumission de
l'administration au droit. Si cette soumission est le propre de la majorité des pays, elle n'a pas
nécessairement donné lieu pour autant à l'émergence d'un DA spécial, exorbitant, dont
l'application est confiée à un JA.
Dans certains pays, l'administration est soumise au droit et aux juges mais dans des conditions
comparables à celles qui s'appliquent aux particuliers : le modèle anglo-saxon se caractérise
par l'absence de DA, non pas en raison de l'absence de soumission de l'administration
au droit, mais en raison de l'absence de soumission de l'administration à un droit
exorbitant. On assiste au RU à l'émergence de règles spécifiques et dérogatoires à la
Common Law, qui forment les contours d'un droit dérogatoire au droit commun. En sens
inverse, l'administration peut également être soumise au droit privé et à la compétence
du juge judiciaire en France.
Si le DA français puise bien son fondement dans la soumission de principe de l'administration
au droit, cette soumission peut également s'opérer dans certains cas dans des conditions de
droit commun, sans donner naissance à un droit spécifique exorbitant.

B. Les origines du droit administratif français


On croit parfois à tort que le DA est un droit sans histoire dont les origines remontraient à la
fin du XIXème, période à laquelle s'affirme son autonomie et son exorbitance (décision
Blanco de 1873). Cette croyance ne correspond en rien à la réalité. Certes le régime
administratif et le système juridictionnel que nous connaissons aujourd'hui furent pour
l'essentiel façonné à partir de l'an VIII (1799). En particulier, la loi du 28 pluviôse an
VIII (17 février 1800) posera les bases d'une organisation administrative en partie
encore actuelle.
Le DA trouve pourtant ses origines sous l'Ancien régime, période durant laquelle
apparaissent les premières règles spécifiques applicables à l'administration. L'organisation
juridictionnelle de l'époque ne connaît pas encore alors la distinction des juridictions
administratives et judiciaires. La séparation des fonctions administratives et juridictionnelles
est par ailleurs elle-même mal assurée.
À l'époque, le système juridictionnel reposait en grande partie sur les parlements d'Ancien
régime, qui étaient de puissantes cours souveraines de justice, instituées sur l'ensemble du
territoire national. Leurs compétences s'étendaient non seulement à ce que l'on peut
aujourd'hui appeler le « contentieux judiciaire » mais ils connaissaient également du «
contentieux administratif ».
Dans l'organisation de l'époque, les litiges avec l'administration relevaient ainsi en 1ère
instance des tribunaux de droit commun et en appel des parlements. Le roi conservait
néanmoins la possibilité d'évoquer en son conseil l'ensemble de ces affaires et,
éventuellement, pouvait casser les arrêts rendus par les parlements et interdire à ces derniers
de statuer dans certaines matières. Le roi acceptait à l'époque que des litiges administratifs
d'une faible importance puissent être tranchés par les tribunaux ordinaires. Mais les litiges
intéressant l'administration royale étaient réglés par les intendants (les ancêtres des
préfets). Les intendants jouaient un peu rôle « d'administrateurs juges ». Le conseil du roi,
instance dotée d'attributions administratives et contentieuses, intervenait le plus souvent
en appel. L'organisation de l'époque se caractérisait par ailleurs par l'existence de juridictions
spécialisées dans l'examen de certains litiges de l'organisation de l'administrative royale
(conseil des parties). A l'époque, un équilibre avait été trouvé.
Les parlements se sont pourtant peu à peu reconnu le droit de juger des actes de
l'administration royale. Ils n'ont pas hésité à s'ériger en véritables contre-pouvoirs en
convainquant par exemple devant eux des intendants et en leur adressant des injonctions. En
plus du contentieux judiciaire, les parlements connaissaient également en grande partie du
contentieux administratif et notamment du contentieux intéressant l'administration royale.
Sur le plan juridique, en tant que juridictions administratives, les parlements d'Ancien régime
ont alors élaboré et appliqué un corps de règles, qui constituent les premières règles de DA.
Certaines de ces règles annoncent les grandes règles de notre DA français.
Un premier coup d'arrêt à cette revendication des parlements d'empiéter sur la gestion
du contentieux de l'administration fut apporté par un texte émanant de Louis XII et
inspiré de Richelieu : l'Edit de Saint Germain de 1641, par lequel le roi interdit au
parlement de connaître des affaires « qui peuvent concerner l’État, l'administration et le
gouvernement d'icelui que nous réservons à notre personne seule ». Ce fut un échec et, durant
tout le XVIIIème, les parlements continuèrent à se dresser ouvertement contre les autorités
royales, notamment en adoptant des arrêts de règlement. La conquête du contentieux de
l'administration fut ainsi sous l'Ancien régime le théâtre d'un conflit d'une extrême violence
opposant les parlements à l'autorité royale. La période en question voit pourtant se former les
premières règles de ce qui apparaît déjà comme un DA dérogatoire au droit commun. Ce fait
joue également l'idée selon laquelle l'administration doit disposer de mécanismes
exorbitants. Dans le même temps, la revendication du contentieux administrative par
l'autorité royale témoigne de l'idée selon laquelle les litiges intéressant l'administration
royale doivent être jugés par les administrateurs eux-mêmes, considérés comme mieux
placés que les juges judiciaires pour apprécier les contraintes propres à l'action
administrative.
La période révolutionnaire constitue une étape décisive dans le développement d'un DA
moderne : c'est la consécration du principe de séparation des autorités administratives et
judiciaires. A l'époque, le législateur révolutionnaire décide d'interdire aux juges de connaître
du contentieux de l'administration : art 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, décret du 16
fructidor an III. Ces textes fondateurs de l'époque ne font ainsi que distinguer les autorités
judiciaires et administratives du pouvoir fonctionnel, sans poser le principe de dualité de
juridictions.
Ces textes ont pourtant par la suite servi de fondement au principe de séparation des
juridictions administratives et judiciaires et à la répartition des compétences entre les
deux ordres de juridictions. Pourtant, ces dispositions n'étaient à la base que des textes
d'exclusion en ce qu'elles excluaient uniquement de la compétence des juges judiciaires les
litiges administratifs. Mais ces mêmes dispositions n'étaient pas en revanche attributives de
compétences au profit du JA, qui n'existait d'ailleurs pas à l'époque. Initialement, la défense
faite aux juridictions judiciaires de s'intéresser aux affaires de l'administration
n'impliquait pas pour autant la compétence de la juridiction administrative : elle
signifiait seulement que l'administration devait être juge de ses propres affaires.
Ce n'est que plus tard que les textes en question ont pu servir de fondement à la compétence
du JA. En application de ces principes, la gestion du contentieux administratif fut à
l'époque confiée aux administrateurs eux-mêmes. A l'époque, furent repoussées des
propositions visant à instituer une juridiction spéciale chargée de statuer sur les litiges visant
l'administration, par crainte de voir instaurer un tribunal d'exception. Finalement, cherchant à
éviter les écueils des juges-administrateurs, le législateur révolutionnaire a opté pour
l'administrateur-juge …
L'existence d'un contentieux administratif placé hors d'atteinte du juge judiciaire est donc bien
le fruit d'une conquête historique. Le principe de séparation des autorités administratives
et judiciaires n'implique pas en lui-même l'existence d'un contentieux administratif
autonome et spécifique, pas plus qu'il n'implique l'existence d'un DA. Ce principe
cantonne seulement les tribunaux judiciaires dans leur fonction juridictionnelle. Mais, le
principe de la dualité de juridictions puise ses origines dans cette exclusion initiale des
tribunaux judiciaires en matière administratif.
Le XIXème siècle est ainsi celui de la naissance et du développement du DA moderne. A
cette époque, on voit progressivement émerger deux véritables juridictions administratives,
distinctes de l'administration active et autonomes vis-à-vis des juridictions judiciaires. Le
Conseil d’État (CE) a été institué par l'art 52 par la C du 22 frimaire an VIII. Dès
l'origine, le CE est ainsi tout à la fois conseiller du gouvernement et juge suprême du
contentieux administratif. La fonction juridictionnelle du CE se développe plus
particulièrement à partir de 1806, date à laquelle fut instituée au sein du CE la commission du
contentieux (l'ancêtre de l'actuelle section du contentieux du CE). Le décret du 11 juin 1806
confie à cette commission « l'instruction des affaires contentieuses ». Par cette
spécialisation, le texte en question marque déjà la distinction au sein du CE entre la
mission du CE en matière contentieuse et ses attributions non-contentieuses.
La loi du 28 pluviôse an VIII institue par ailleurs les conseils de préfecture, souvent
présentés comme les ancêtres des TA. Ces conseils connaissaient de certains litiges
intéressant l'administration. Notamment ils étaient compétents en matière de contentieux des
travaux publics et en matière de contributions directes et de ventes domaniales de l’État. A la
différence des TA, les conseils de préfecture ne disposaient que de compétences d'attribution.
A l'époque, le CE et les conseils de préfecture n'ont pas encore complètement la qualité de
juridictions administratives. Ils apparaissaient un peu à l'époque comme des organes
administratifs détenant des compétences juridictionnelles.
Cette époque se caractérise par une forte confusion entre les fonctions administratives et
juridictionnelles. C'est l'époque de la justice retenue (=La justice retenue fut un
instrument de propagande royale puisqu'elle cristallisait dans l'imagerie populaire la
figure du roi-justicier, soit un pouvoir monarchique solide et bien établi car efficace et
obéi. Aucune autorité, même et surtout judiciaire, ne put résister au pouvoir souverain
du roi, jusqu'en 1872) : le CE n'était pas investi d'un véritable pouvoir de décision. Le texte
adopté par le conseil général du CE n'était qu'un projet d'arrêt et il revenait au chef de l’État
de statuer par voie de décret ou d'ordonnance pour valider ou non le projet d'arrêt du CE. De
l'an VIII à 1889, ce sont par ailleurs les ministres qui étaient alors juges de droit commun
du contentieux administratifs en 1re instance. Précisément, leur compétence s'étendait à
toutes affaires qui n'étaient pas attribuées par un texte spécial aux conseils de préfecture ou au
CE. Au-delà des matières réservées aux conseils de préfecture, le CE avait à connaître
directement des recours pour excès de pouvoir. Dans l'organisation de l'époque, le CE ne
pouvait qu'être saisi en qualité de juge d'appel des décisions des ministres ou des arrêtés des
conseils de préfecture. C'est le « système de la juridiction ministérielle », qui ne trouvait
son fondement dans aucun texte précis. Ce système était critiquable parce qu'il procédait d'un
amalgame entre fonctions de juger et d'administrer et les ministres étaient placés dans une
situation de juges et parties. Le CE apparaissait comme une juridiction non indépendante
face au pouvoir exécutif.
La fin du 19e consacre l'émergence d'une juridiction administrative autonome à l'égard
du pouvoir exécutif : c'est la séparation du JA et de l'administration active. La loi du 24 mai
1872 consacre le passage de la justice retenue à la justice déléguée. A partir de là, le CE
rend, au nom du peuple français, de véritables arrêts, revêtus de l'autorité de la force
jugée, et directement exécutoires. Le système du ministre-juge prendra par ailleurs fin en
1889 avec l'arrêt Cadot du CE (13 décembre 1889). Dans cette affaire Cadot, le CE accepte
pour la 1ère fois de statuer au fond sur un recours dont il était directement saisi, dans une
hypothèse dans laquelle la juridiction des ministres était obligatoire. Le CE se contente de
reconnaître sa compétence. Cette décision met tout simplement fin au système de la
juridiction ministérielle. C'est le transfert au CE de la qualité de juge de droit commun
en premier ressort.
Le 19e voit par ailleurs naître et se développer un DA autonome, nettement distinct du droit
privé. Dès la 1re partie du 19e, divers textes législatifs et réglementaires fixent ainsi les
compétences de l'administration dans des domaines multiples. Par exemple, la loi du 30 juin
1838 a fixé le rôle du préfet dans le placement des aliénés. Le décret du 15 octobre 1810 va
établir une réglementation des établissements dangereux, incommodes et insalubres. Le
droit écrit demeurait cependant insuffisant et fragmentaire, ce qui devait conduire le CE à
dégager par voie prétorienne les grands principes encadrant l'action de l'administration.
A cette époque, l'émergence d'une juridiction spécialisée de plus en plus autonome face à
l'administration va faciliter cette spécialisation fonctionnelle. La spécialisation
juridictionnelle a été à l'origine d'une spécialisation juridique.
A cette époque intervient l'arrêt Blanco de 1873, qui symbolise généralement à propos de
la responsabilité de l’État l'émergence du DA autonome et exorbitant du droit commun.
Dans cette décision, le TC indique que la responsabilité «ne peut être régie par les principes
qui sont établis dans le Code civil pour les rapports de particuliers à particuliers » et que
cette responsabilité « n'est ni générale, ni absolue » et qu'elle a « ses règles spéciales qui
varient selon les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les
droits privés ». Cette décision a pu apparaître a posteriori comme l'acte de naissance du
DA moderne.
Ce DA, déjà bien identifié, distingué du droit privé, verra enfin son développement servi et
relayé par les universités et la doctrine au cours du 19e. Le DA apparaît dès le début du 19e
comme une matière universitaire et un objet d'étude (Cours de législation
administration, Portiez de L'oise).
A l'époque, les premiers ouvrages proviennent pourtant essentiellement des membres du CE.
Ils étaient des ouvrages particulièrement descriptifs. Durant la 2nde partie du 19e, les
ouvrages concernés au DA se voudront plus synthétiques et intelligibles, en exposant les
grands principes découlant de la JP du CE. A l'époque, deux noms se dégagent alors : Léon
Aucoc et Edward Laferrière (1841-1901). Le second a publié en 1887-1888 un ouvrage en 2
volumes qui devait constituer une césure dans l'histoire du DA : le traité de la juridiction
administrative et des recours contentieux. Cet ouvrage devait, pendant plus d'un demi-siècle,
constituer l'ouvrage de référence.
L'extrême fin du 19e et le début du 20e sont marqués par l'émergence d'une doctrine
universitaire qui va peu à peu rayonner sur le DA. En 1882, date de l'agrégation du droit
public, entrent dans la carrière du droit universitaire Duguit et Hauriou. Cette période est
celle d'un âge d'or du DA.

III. Les caractères du droit administratif français


A. Un droit dérogatoire et autonome
Le DA présente pour particularité de reposer sur un ensemble de règles et de principes
spécifiques, largement dérogatoires au droit commun, c'est-à-dire au droit privé. Le DA
présente un caractère dérogatoire au droit commun car, à des questions juridiques semblables,
il apporte des solutions différentes du droit privé. Il présente par ailleurs un caractère
autonome parce que le DA dispose de son propre système de normes et de sources.
Dans le cadre de ce système, la source jurisprudentielle occupe une place de premier plan
avec une juridiction spécifique chargée de dégager les principes propres à la matière. On
peut dire que le JA est « maître de sa jurisprudence ». Il en est maître car il ne dépend pas
des principes et règles de droit privé, qui ne s'imposent pas à lui et qu'il ne recevrait le cas
échéant que par sa volonté. C'est une autonomie formelle du DA.
Sur le plan matériel, l'autonomie du DA tient à l'application de règles et de principes
spécifiques à la matière. A cet égard on peut citer l'arrêt Blanco qui consacre, dès la fin du
XIXème, cette thèse de l'autonomie du DA. Les règles spéciales évoquées dans cet arrêt ne
sont pas celles qui découlent des art 1382 (1240 n et s.) du cc, qui fixent les principes de la
responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle pour les particuliers, mais il s'agit de
mécanismes spécifiques de responsabilité propres à l'action des personnes publiques.
En matière de responsabilité, cette autonomie du DA était déjà affirmée antérieurement à
l'arrêt Blanco : arrêt Rothschild 6 décembre 1855, CE par lequel le CE affirme que la
responsabilité de l’État n'est « ni générale, ni absolue et se modifie suivant la nature et
les responsabilités de chaque service ». A l'occasion de litiges, le CE a également l'occasion
de dégager les règles et les principes s'appliquant aux contrats administratifs. Dans différents
domaines, le JA a ainsi façonné au fil du temps un corps de règles spécifiques largement
étrangères et indépendantes des règles du droit commun.
Ce caractère dérogatoire et autonome du DA découle également depuis longtemps de
certains textes. Sur le fondement de la loi du 28 pluviôse an VIII, les dommages de travaux
publics sont ainsi indemnisés en l'absence même de faute. La matière des travaux publics a
donc très tôt permis de mettre en avant l'idée d'un DA dérogatoire au droit commun. La
responsabilité sans faute de l'administration est une responsabilité très largement
spécifique au DA et a pris naissance avec l'arrêt Cames du 21 juin 1895.
En réalité, tous les chapitres du DA comportent des règles originales très différentes de celles
qui s'appliquent en droit privé. Ces règles et principes spécifiques sont souvent guidés et
justifiés par des considérations d'intérêt général. Par exemple, ce sont ainsi des
considérations d'intérêt général qui permettent à l'administration d'imposer unilatéralement
une charge nouvelle à son cocontractant ou de décider de la rupture du contrat.
Cette autonomie du DA n'a pourtant jamais été dans sa généralité proclamée par un
texte. Cette autonomie ne fait pas par ailleurs état de principe absolu ou de dogme
intangible. On peut affirmer que le caractère dérogatoire du DA mérite d'être tempéré :
 Il arrive tout d'abord que le JA fasse application des règles de droit privé. Dans
certains cas relativement rares, le JA peut faire directement application des
dispositions du cc. Dans ces quelques hypothèses d'application directe du cc, le
DA cesse alors d'être au plan matériel un droit autonome. Ainsi, par ex, en
matière de capitalisation des intérêts, le CE n'hésite pas à faire application aux
personnes publiques de l'art 1154 cc en s'alignant ici sur l'interprétation que
la CK fait de ces dispositions.
 Dans des hypothèses plus fréquentes, le JA peut également faire application des
principes qui inspirent le code civil. Les solutions propres au droit privé ne
seront reprises en DA qu'au bénéfice de leur réception par le JA. Il s'inspire
alors du code civil sans être totalement dépendant du texte. Par ex, le JA peut
faire application des principes ayant inspirés les art 1792 et 2270 relatifs à la
responsabilité des constructeurs (CE, 2 février 1973, Trannoy).
 Le CE a également par le passé eu l'occasion de s'appuyer sur d'autres codes. Il a
par exemple dégagé un principe jurisprudentiel, principe interdisant de licencier un
agent de l'administration en état de grossesse (8 juin 1973, arrêt dame Peynet).
Le CE a dégagé ce principe jurisprudentiel en s'inspirant des dispositions du
code du travail, pourtant inapplicables en l'espèce.
Ces quelques cas d'importation du droit privé en DA ne doivent pas être confondues
avec les hypothèses dans lesquelles le JA fait application du DA dans une matière du
droit privé. Cette dernière situation, assez fréquente, se présente chaque fois que le JA
contrôle un acte réglementaire portant sur une matière de droit privé. Par ex, le JA peut être
saisi d'un recours en annulation portant sur un acte réglementaire qui porte sur l'état
civil. Dans tous les cas, l'autonomie du DA n'est pas totalement remise en cause dès lors
que le JA décide lui-même d'appliquer le Code civil ou ses principes.
On observe depuis quelques années un certain rapprochement des JP du CE et de la CK
sur certaines questions, notamment en matière de responsabilité. Là encore, ce
rapprochement ne remet pas totalement en cause le caractère dérogatoire et autonome du droit
de la responsabilité administrative.
L'autonomie du droit de la responsabilité admin n'est pas nécessairement défavorable aux
particuliers victimes d'un dommage imputable à l'action de personnes publiques. Parfois c'est
le cas : lorsque la JP conditionne la mise en jeu de la responsabilité de l'administration
l'existence d'une faute lourde imputable à cette dernière. Mais en sens inverse, le DA admet
pourtant également la responsabilité de l'administration dans des hypothèses dans lesquelles
l'application du droit civil n'aurait pas permis de donner satisfaction à la victime.
De manière générale, on observe depuis quelques années, une évolution convergente du
DA et du droit privé dans bon nombre de domaines. Évidemment, cette convergence
atténue, sans la remettre en cause totalement, l'autonomie de principe du DA. Par ex, en
matière de responsabilité médicale et hospitalière, la loi du 4 mars 2002 est venue poser des
principes communs applicables devant les deux ordres de juridiction aux accidents
médicaux fautifs et non fautifs, survenus dans les hôpitaux publics, les cliniques privées
ou les structures de soin libérales.
On observe enfin depuis quelques années une certaine remise en cause de l'exorbitance du DA
et un phénomène dit de banalisation du droit applicable aux personnes publiques. Ce
phénomène est sous-tendu par les nouvelles aspirations du corps social : les citoyens
acceptent plus difficilement qu'auparavant un certain nombre de prérogatives accordées
aux personnes publiques. La règle de droit dérogatoire aux principes juridiques de droit
commun peut elle-même apparaître aux yeux de l'opinion publique comme un traitement de
faveur pour les personnes publiques. Le DA apparaît de moins en moins comme un droit
de privilèges et soumet plus largement qu'auparavant les personnes publiques aux
mêmes obligations que les personnes privées, d'où ce phénomène de banalisation du DA
applicable aux personnes publiques.
Par ex, alors que les personnes publiques ont longtemps échappé à toute forme de répression
pénale, l'art 121-2 du CP de 1994 est venu instaurer la responsabilité pénale des
personnes morales, y compris des personnes morales de droit public, à la notable
exception de l’État. De même, le droit de la concurrence, qui n'était initialement applicable
qu'aux entreprises privées, voit son application étendue aux personnes publiques qui exercent
des activités économiques (art L.410-1 du Code de commerce). Le JA s'est d'ailleurs
reconnu compétent pour faire application des règles de droit de la concurrence aux actes
admin dont il contrôle la légalité (CE, 3 nov 1997, Million et Marais).
Malgré ces diverses évolutions, le DA demeure un droit fondamentalement original et
largement autonome. Cette autonomie de principe n'est pas absolue et les règles de droit privé
ne sont pas systématiquement écartées par le JA ; elles ne le sont que dans les hypothèses
dans lesquelles elles ne sont pas conciliables avec les exigences de l'action administrative.
Cette incompatibilité, assez fréquente, conduit le JA à écarter la règle de droit privé et à
lui préférer une règle spécifique plus conforme aux exigences de l'action admin.

B. Un droit inégalitaire ?
André de Laubadère : « le DA est un droit du déséquilibre ».
Ce déséquilibre s'explique aisément. L'action admin repose en effet sur des rapports de
droit inégalitaires et, comme l'intérêt général prime sur l'intérêt particulier,
l'administration dispose dans son action de pouvoirs parfois exorbitants appelés prérogatives
de puissance publique. Le droit privé, en revanche, est fondé sur un rapport égalitaire entre les
individus. Ce caractère inégalitaire explique donc la mauvaise réputation dont peut jouir
le DA dans une partie de l'opinion publique. Cette mauvaise réputation est en réalité
injustifiée et imméritée.
D'ailleurs le caractère inégalitaire du DA mérite d'être tempéré par un certain nombre de
considérations :
 Le déséquilibre en question se manifeste en réalité dans les deux sens. Jean
Rivero : « le DA est tout autant un droit de prérogatives qu'un droit de sujétion ».
D'un côté, le déséquilibre est à l'avantage de l'administration et celle-ci va
bénéficier pour accomplir sa mission de moyens exorbitants du droit commun
: il peut s'agir des prérogatives d'action (le pouvoir de décision unilatérale de
l'administration, l'expropriation, le pouvoir de modification unilatéral des clauses
d'un contrat) ou de prérogatives de protection (les monopoles dont bénéficient
certains SP, les règles de la domanialité qui protègent certains biens affectés au SP,
le principe d'insaisissabilité des biens des personnes publiques).
 Mais d'un autre côté, le déséquilibre est au désavantage de l'administration : si
l'administration a des droits et des pouvoirs, elle a aussi des devoirs et des
obligations, les sujétions. Finalement, par un effet de symétrie, l'intérêt général est
certes générateur de certains privilèges mais impose aussi aux personnes publiques
un certain nombre de charges et d'obligations que n'aurait pas à supporter une
personne privée.
Par ex, l'administration ne peut pas librement décider de recruter un fonctionnaire ou de
passer un marché, sans être soumise à des règles de forme extrêmement strictes. Il arrive
également que l'administration ne soit pas libre d'agir. Par ex, l'administration devra
garantir la continuité des SP. De la même manière, l'administration est tenue de mettre en
œuvre ses autorités de police pour conserver l'ordre public. Si l'administration souhaite vendre
un de ses biens, elle se heurte à des contraintes juridiques extrêmement fortes.
L'administration a ainsi des droits mais elle a aussi des sujétions plus importantes que
ceux d'un particulier. L'intérêt général constitue à la fois le fondement et la limite de
l'action de l'administration. Il pourra justifier à la fois l'existence de prérogatives et de
sujétions de puissance publique.
Loin de l'image caricaturale que l'on veut parfois lui prêter, le DA ne se réduit pas à un droit
de privilèges ; il est aussi (et surtout) un instrument de soumission de l'administration au droit
et de préservation des droits des administrés. Le DA se caractérise même depuis ses origines
par la recherche d'un point d'équilibre entre préservation de l'intérêt général et protection des
droits des administrés. La balance semblait pencher traditionnellement du côté de l'intérêt
général et de l'administration mais certaines évolutions récentes tendent à promouvoir les
droits subjectifs des administrés.
Par exemple, la loi du 17 juillet 1978 portant sur l'accès aux documents administratif, la loi de
11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs, la loi du 8 février 1995 qui permet
au JA d'adresser des injonctions à l'administration ou encore la loi du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le DA ne peut sans doute plus être exclusivement réduit à un « droit du déséquilibre ». On
peut dire plus exactement que le DA est un droit foncièrement déséquilibré mais qui se
caractérise par la recherche permanente d'un équilibre conciliant les exigences propres à
l'action des personnes publiques et la préservation des droits des administrés.

C. Un droit essentiellement jurisprudentiel


La France est un pays de droit écrit qui appartient classiquemeunt à la famille romano-
germanique. Cette tradition de droit écrit remonte en particulier aux vastes mouvements de
codification entrepris sous Napoléon et au début du XIX ème siècle. Le DA français présente
cependant cette particularité d'être un droit essentiellement jurisprudentiel. Cela veut dire
que la JP occupe une place de choix parmi les sources du DA.
Des raisons historiques expliquent cette place particulière de la JP puisqu'en l'absence de
code administratif et en raison par ailleurs de la faiblesse et de l'insuffisance du droit écrit,
la JP du CE a en effet façonné des pans entiers de la matière. Par ex, le recours pour excès de
pouvoir ou encore la responsabilité admin sont en particulier des créations prétoriennes du CE
français. De même, les PGD ont permis au CE, sous les 3e et 4e Rép, de s'ériger en protecteur
des droits et libertés. On peut même dire que, de manière générale, les grands principes et
règles du DA résultent de la JP du CE. Le DA apparaît bien à la base comme « la chose »
du CE, un droit d'essence jurisprudentiel.
Les choses tendent néanmoins sur ce point à changer et on observe en effet depuis quelques
années un retour en force de la loi et des textes écrits parmi les sources du DA. Ce retour en
force a trouvé un certain nombre de manifestations :
 On observe tout d'abord que certains changements récents affectant le DA trouvent
leur source, non pas dans la JP, mais dans la loi. Par ex, la loi du 8 février 1995 a
doté le JA d'un pouvoir d'injonction à l'encontre de l'administration. Avant
cette date, la JP interdisait au JA d'adresser des injonctions à l'administration.
Donc le principe en question était un principe jurisprudentiel. Cela voulait dire que
rien ne s'opposait juridiquement à ce que le CE revienne par voie jurisprudentielle
sur cette interdiction, très contestée par une grande partie de la doctrine.
Finalement, le CE n'a jamais franchi le pas, il a préféré attendre un nouveau cadre
législatif. Depuis 1995, les juridictions admin à compétence générale se sont
pleinement saisies de ce nouveau pouvoir. Avec le recul, on peut considérer que le
cadre législatif a permis de donner plus de force au changement opéré.
 A ces différents textes s'ajoute en outre l'importante œuvre de codification
entreprise par les pouvoirs publics il y a déjà plusieurs décennies et qui se poursuit
encore aujourd'hui. On constate en effet qu'une multitude de codes spécialisés
régissent aujourd'hui tel ou tel domaine du DA. On peut citer notamment le code
des marchés publics de 1964, le code de l'urbanisme de 1972, le code de
l'expropriation de 1977, le code général des CT de 1996, le code de justice
administrative de 2000, le code de l'environnement de 2000, le code général de la
propriété des personnes publiques de 2006.
Aussi importante qu'elle soit, cette œuvre de codification est cependant loin d'être complète.
En effet, elle ne concerne que certains aspects techniques, ponctuels, bien délimités de la
matière. A contrario, le cœur même de la matière, c'est-à-dire les principes généraux
applicables à l'action de l'administration, restent cependant aujourd'hui encore régi très
largement par des principes jurisprudentiels. Cette codification de la partie centrale du DA
conduirait à l'élaboration d'un code administratif, qui fait aujourd'hui encore défaut.
Un tel projet est-il possible et envisageable ? On a longtemps considéré l’œuvre de
codification du DA comme une tâche impossible. On peut pourtant aujourd'hui avoir sur la
question une opinion plus nuancée. Les exemples étrangers montrent en premier lieu que cette
codification n'est pas impossible, contrairement à une opinion souvent formulée en France.
Le droit néerlandais connaît une codification récente de tout son DA, qui résulte de la loi
AWB, entamée en 1994. D'autres pays européens, comme le Portugal, ont suivi l'exemple
néerlandais. Par ailleurs, le récent code général de la propriété des personnes publiques
(CG3P) montre que la codification d'une matière aussi complexe que le droit domanial a pu
être menée à bien dans notre pays.
Un tel projet est-il véritablement souhaitable ? Les opinions divergent. On fait souvent valoir
que le caractère jurisprudentiel du DA est source de souplesse, de pragmatisme, et que cela a
permis au CE d'élaborer, sans la contrainte d'un code, une JP subtile qui a évolué au fil du
temps en fonction des garanties apportées aux administrés. A l'inverse, des exigences tenant à
la sécurité juridique peuvent aujourd'hui justifier une codification de l'ensemble du DA
parce qu'un droit écrit et codifié est plus accessible qu'un droit régi par des principes
jurisprudentiels. Le CC a d'ailleurs indiqué que toute entreprise de codification « s'inscrit dans
l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » (141 DC, 27
juillet 1982).
Au-delà de cette question de la codification du DA, il convient de ne pas mésestimer le rôle
que peut jouer la JP parmi les sources de la matière. On observe qu'à rebours de l'évolution
précédemment décrite, la JP du CE est encore aujourd'hui à l'origine d'importantes
évolutions de la matière. On peut citer le contentieux des contrats administratif.
En l'absence de code administratif général, les textes de plus en plus nombreux et complexes
encadrant l'action de l'administration nécessitent par ailleurs un travail d'interprétation
nécessairement dévolu au JA. D'ailleurs, cette place de plus en plus importante des textes
écrits modifie en partie le rôle du JA. En effet, face à des textes de plus en plus nombreux
qu'il doit appliquer, la fonction du juge consiste de plus en plus à interpréter la volonté de
l'auteur du texte. On peut donc dire du JA en général, et du CE en particulier, qu'il est de
moins en moins amené à créer le DA, mais qu'il est davantage amené à préciser le sens ou
la portée des règles écrites, dont il n'est pas directement à l'origine. Mais si le DA
contemporain relève essentiellement du droit écrit, le juge joue encore un rôle fondamental.

D. La délimitation du DA français
Le champ d'application du DA peut être délimité par la combinaison de plusieurs notions ou
critères fondamentaux, qui servent à tracer la frontière entre le droit public et le droit privé.
Il s'agit en premier lieu de prendre en considération l'élément organique. A cet élément
organique, s'ajoutent des considérations d'ordre matériel et formel, à l'origine d'un régime
juridique exorbitant du droit public. Le seul élément organique est insuffisant en lui même et
ne suffit pas à déclencher l'application du DA. Seule une partie des personnes publiques sera
soumise à l'application du DA. Le reste relèvera donc de l'application du droit privé. Les
critères en question sont d'ordre matériel ou fonctionnel. L'action administrative se verra
appliquer des règles spéciales parce qu'elle se rattache elle-même directement à l'exécution de
missions de SP. Le déclenchement d'un régime exorbitant du droit privé sera lui-même
conditionné par l'emploi de procédés exorbitants. En réalité, la délimitation du DA passe par
la combinaison de ces éléments d'ordre organique, matériel et formel.

1. Les organes de l'action administrative


La prise en considération de l'élément organique conduit à identifier ce que l'on peut appeler
les « institutions du DA ». Il s'agit ici des organes par lesquels s'exprime l'action
administrative. Les tâches admin furent initialement dévolues aux personnes morales de droit
public. L'action des organes privés ne fera par la suite que se développer.

a. Les organes de droit public


L'administration, au sens organique du terme, est composée de diverses personnes morales
de droit public qui constituent les principaux acteurs de l'action admin. Mais l'administration
n'a pas en revanche en tant que telle la personnalité morale (la personnalité morale est une
qualité dévolue à une entité fictive et abstraite, la personne morale, distincte des personnes
privées qui la composent, et qui est sujet de droit).
Initialement et pendant longtemps, les fonctions d'intérêt général étaient prises en charge
dans leur intégralité par les personnes morales de droit public relevant du pouvoir exécutif.
Tel était le cas au 19e. Même au 20e, l’État et les CT géraient souvent les principaux SP en
régie. La gestion de SP sera également, par la suite, confiée à des EP spécialement institués
à cette fin.
De nos jours, l’État confie également de plus en plus les fonctions de régulation à des AAI,
qui sont pour la plupart d'entre elles des organismes indépendants de l'exécutif, mais
dépourvus de personnalité morale. Longtemps bien identifiée, cette catégorie des personnes
morales de droit public connaît depuis plusieurs années d'importantes mutations.
Au sein de cette catégorie générale, on retrouve en 1er lieu les personnes publiques
classiques, seules mentionnées dans la C58 (l'Etat, les CT, les établissements publics) :
 L’État est, dans tous les sens du terme, la première des personnes publiques parce
qu'il bénéficie d'une antériorité dans la mesure où il est arrivé en premier et parce que
tout autre pouvoir résulte de lui. L’État est une collectivité publique, nationale, non
spécialisée, qui peut en conséquence intervenir en tout domaine. Il détient une
compétence générale. Il est par ailleurs la seule personne morale de droit public
bénéficiant d'un pouvoir souverain : l’État a la compétence de la compétence. Les
nombreux services de l’État ne sont pas, à la différence de l’État lui-même, dotés de la
personnalité morale : lorsqu'ils agissent, ils engagent la responsabilité de l’État.

 Outre l’État, la catégorie des personnes publiques est constituée des diverses
collectivités infra-étatiques : les CT. Elles prennent à leur charge l'ensemble des
affaires locales et gèrent les intérêts des habitants qu'elles administrent. Au cœur
même de cette catégorie, figure la notion de territoire et les CT sont des collectivités
infra-étatiques qui exercent leurs compétences sur un territoire déterminé, qu'elles
représentent et dont elles émanent à travers le procédé de l'élection. Elles ne sont pas
par ailleurs limitées dans leur action par un principe de spécialité ; elles bénéficient
même d'une clause générale de compétence, qui leur permet d'intervenir dans toute
affaire.
Au sein de cette catégorie des CT, on distingue les CT de droit commun (région,
département, commune) et les collectivités dérogatoires à statut particulier. Les autorités
admin et les agents ne se confondent pas avec les personnes morales de droit public qu'ils
représentent. Par exemple, le maire n'est pas une personne publique, c'est une autorité admin
agissant au nom et pour le compte d'une personne morale, la commune. De manière générale,
il n'y a d'ailleurs pas et il ne peut y avoir de personne physique de droit public.
Les autorités et les agents interviennent toujours au nom et pour le compte des
personnes morales. On estime par ailleurs que les personnes morales détiennent des
compétences, et les autorités administratives ou leurs agents ont plutôt des attributions.
 La troisième grande catégorie de personnes publiques est formée des
établissements publics, qui étaient initialement les seules personnes publiques
spécialisées. Un établissement public est une personne publique spécialisée,
chargée par l’État ou par une CT d'une mission de SP. En fonction des missions
qu'il exerce, l'EP pourra être de nature différente. La distinction entre les SPA et
les SPIC conduit ainsi à distinguer les EPA et les EPIC.
Comment distinguer un EP d'une CT ? Il y a deux différences majeures :
 Les EP sont des personnes publiques spécialisées, dont l'action est encadrée et
conditionnée par un principe de spécialité.
 Les EPIC sont en principe des personnes publiques non territoriales. Mais tel
n'est pas le cas pour les EP de coopération intercommunale (EPCI).

- Les 3 catégories traditionnelles de personnes publiques n'épuisent cependant plus à


elles-seules la catégorie générale des personnes publiques. Se développent en effet des
personnes publiques spécialisées ou sui generis, qu'on ne peut classer dans aucune
catégorie traditionnelle de personnes publiques. A ce jour, 3 catégories d'institutions
ou organismes sont concernés :
 La Banque de France, institution monétaire et financière, caractérisée par le CE
d'institution publique sui generis
 Les groupements d'intérêt public (GIP), créés en 1982. Le TC a considéré que les
GIP étaient des personnes publiques spécialisées distinctes des catégories de
personnes publiques (TC, 4 février 2000, décision GIP habitat et interventions
sociales)
 Les autorités publiques indépendantes, qui peuvent être présentées comme des AAI
de 2nde génération en ce qu'elles détiennent la personnalité morale. Cette catégorie a
pris naissance en 2003 avec la création de l'AMF (loi du 1er août 2003). Le législateur
en parle comme d'une « autorité publique indépendante dotée de la personnalité
morale » (art L.621-1 al 1er du code monétaire et financier). Par exemple : la haute
autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, l'autorité
de régulation des activités ferroviaires. L'obtention de la personnalité morale
emportera pour ces organismes diverses conséquences : droit de contracter, droit de
disposer d'un budget propre, droit d'engager des personnes privées.

b. Les organes de droit privé


L'action administrative ne passe plus uniquement par les personnes morales de droit public,
les personnes privées peuvent y être associées. Il pourra s'agir dans certains cas de
personnes physiques. L'hypothèse est assez rare mais le DA l'admet pourtant depuis
longtemps : CE, 4 mars 1910, arrêt Thérond litige sur l’exécution d'un contrat. Dans une telle
hypothèse, le particulier est en réalité ponctuellement associé au SP. Le plus souvent, ce sont
cependant des personnes morales de droit privé qui se trouveront associées à l'action
administrative.
Cette participation/association des personnes privées à l'action de l'admin n'est pas un
phénomène récent : dès le début du XIXème, des organismes privés ont reçu délégation par
des personnes publiques de la gestion de missions de SP.
Ces premières interventions de personnes privées dans l'action administrative ont vu le jour
dans le cadre de l'ancienne technique de la concession, c'est un contrat confiant à une
personne privée, agissant sous le contrôle de l'admin, soit la construction d'un ouvrage public
(construction des voies de chemin de fer), et/ou l'exploitation d'un SP (la distribution de l'eau,
de l'électricité …).
Entre la fin du XIXème et le début du XXème, cette technique de la concession fut très
utilisée parce qu'elles permettaient de concilier à la fois les exigences de l'intérêt général et en
même temps les principes propres au libéralisme économique.
Cette vieille formule de la concession va plus tard inspirer celle de la délégation de SP
(DSP) introduite par la loi du 6 février 1992 et organisée par la loi du 29 janvier 1993 dite loi
Sapin. Dès le début du XXème, les missions de l'administration s'étendent peu à peu et cet
élargissement des tâches dévolues aux personnes publiques justifiera alors le recours de plus
en plus fréquent aux personnes privées, via des mécanismes de délégation, sur la base de
contrat.
En dehors du mécanisme contractuel, toujours très employé à l'époque, de nouvelles formes
d'intervention publique par des organismes de droit privé vont par ailleurs se développer au
cours du XXème. En 1938, le CE va admettre pour la première fois qu'un organisme
mutualiste de gestion des assurances sociales puisse « être chargé de l'exécution d'un SP
même si cet organisme a le caractère d'un établissement privé » (arrêt caisse primaire « aide
et protection », 13 mai 1938). Depuis, ces mécanismes de délégation à des personnes privées
en dehors de tout contrat se sont multipliés.
De très nombreuses personnes privées prennent en charge de multiples SP et ce, dans les
domaines les plus divers. Par exemple :
 Les fédérations sportives prennent la forme d'associations de la loi de 1901 et
gèrent une véritable activité de SP. Cette qualité d'organisme privé gérant une
mission administrative a été reconnue par le CE le 22 nov 1974 (arrêt fédération
des industries françaises d'articles de sport).
 De nombreuses sociétés commerciales participent à l'exécution de missions de
SP. C'est là pour les autorités publiques une solution intéressante. C'est le
développement des sociétés d'économie mixte au plan national ou local (au
niveau national : construction des autoroutes).
On peut également citer l'importance au plan local des sociétés publiques d'aménagement,
sociétés anonymes dont le capital appartient entièrement aux personnes publiques (ancien
EPIC). En vertu de l'art L. 1531-1 al. 2 CGCT, ces sociétés peuvent exploiter des SP à
caractère industriel ou commercial ou de gérer toute autre activité d'intérêt général.
A la suite d'une telle évolution, on observe un enchevêtrement croissant des divers organes de
l'action publique. Finalement, au terme de cette évolution, administration publique et
organismes privés se mêlent étroitement. Au plan matériel, la notion d'administration a
vocation à désigner à la fois l'activité des personnes publiques mais également celle des
personnes privées associées aux personnes publiques. La distinction entre personnes morales
de droit privé et de droit public tend à se brouiller :
 Elles sont toutes deux susceptibles d'exercer des missions de SP ;
 Tout comme les personnes publiques, les personnes morales de droit privé
peuvent détenir certaines ppp dans le cadre des missions de SP qui leur sont
dévolues (procédures d'expropriation) ;
 Elles peuvent être soumises à des règles juridiques identiques et à l'application du
DA.
En dépit de cette évolution, la distinction entre personnes morales de droit public et privée
demeure essentielle. Même si le critère organique est insuffisant pour déclencher la
compétence du JA dans bien des cas l'application du DA, sa présence reste néanmoins
déterminante dans certaines hypothèses. C'est ainsi par exemple qu'une mission de PA ne peut
être confiée à une personne privée. Par ailleurs, seules les personnes publiques peuvent être
propriétaires d'un domaine public. Enfin, un contrat auquel l'administration n'est pas partie ne
peut être un contrat admin et est donc en principe un contrat de droit privé.

2. Les critères du droit administratif


La question des critères ramène aux fondements mêmes du DA. On peut ici se poser la
question : existe-t-il une notion clef pouvant justifier l'application d'un régime juridique
exorbitant du droit commun et justifier la compétence d'un juge spécialisé, qui n'est pas le
juge de droit commun ?
Cette question fut à l'origine de l'émergence de courants de pensée qui ont profondément
marqué le DA. Le droit positif n'a jamais consacré l'existence d'un critère unique du droit et
du contentieux admin. La JP du CE, empreinte de pragmatisme, a plutôt cherché à combiner
certains critères.

a. Les doctrines
Dès le XIXe la nécessité de répartir les matières entre les deux ordres de juridiction a conduit
la doctrine à rechercher un critère justifiant tout à la fois l'application des règles
exorbitantes du droit commun et l'intervention d'un juge spécialisé.
Historiquement, la recherche d'un critère du DA est indissociable de la compétence du
JA. Les juridictions admin nouvellement créées se devaient dès le départ d'identifier leur
domaine de compétence pour le distinguer de celui des juridictions judiciaires. Dès cette
époque, la recherche d'un critère de compétence a alors conduit à déterminer ce qui, au sein
de l'activité des personnes publiques, devait relever du droit privé et ce qui devait relever d'un
régime exorbitant du droit commun. Depuis près de deux siècles, les juridictions admin et
judiciaires tentent de déterminer une ligne de partage entre la part des activités publiques
relevant d'un régime de droit public, et donc de la compétence du JA, et la part relevant
d'un régime juridique et contentieux de droit privé.
A l'écoute de la JP, la doctrine va quant à elle très tôt tenter d'élaborer des critères
généraux pour justifier et expliquer l'intervention du JA et l'application du DA.
Une première tentative devait intervenir vers la fin du XIXème. A cette époque, des auteurs
comme Laferrière ou Barthélémy ont alors tenté de mettre en avant le critère de l'acte
d'autorité. L'application du critère conduisait alors à répartir en deux ensembles les actes
adoptés par l'administration : d'un côté les actes d'autorité (ceux qui comportent une part
de puissance publique et témoignent de privilèges exorbitants du droit commun) qui
relèveront du DA et de la compétence du JA ; de l'autre les actes de gestion qui relèveront du
droit privé et de la compétence du juge judiciaire en cas de litige.
Cette distinction a été un temps en vogue mais elle sera finalement, au début du XXème
siècle, écartée par la doctrine de droit public, qui va alors tenter de reconstruire le DA sur des
bases en parties nouvelles. Dans cette œuvre doctrinale, deux écoles vont apporter une
contribution particulièrement significative :
 L'école de Bordeaux ou du SP, représentée par Léon Duguit (1859-1928). Cette école
fait prévaloir le but sur les moyens. Dès lors qu'il y a SP, il doit y avoir application des
règles du DA et compétence du JA. Pour Duguit et ces disciples, tout le DA doit être
construit autour de cette notion du SP. On se trouve face à la double équation
suivante : SP = DA = JA. Gaston Jèze, Roger Bonnard, Louis Rolland, André De
Laubadère.

 « L'école » de Toulouse ou de la puissance publique, représentée par Maurice Hauriou


(1856-1929). Cette école met au contraire en avant les moyens de l'action admin :
l'accent est ici mis sur les procédés par lesquels l'administration remplit ses missions.
Pour Hauriou, par l'utilisation de procédés exorbitants (AA unilatéral …), l'admin
justifie l'application à son action d'un corps de règles spécifiques et adaptées, le DA, et
la compétence d'un juge spécialisé, le JA. A. Mestre, A. Hauriou, G. Vedel.
L'histoire des doctrines de droit public fut ainsi profondément marquée par cet affrontement
intellectuel entre deux hommes, Hauriou et Duguit, qui ont en commun d'avoir cherché à
construire intellectuellement le DA en tentant de mettre en avant ses principes fondateurs.
Dans cette œuvre de construction, Hauriou et Duguit suivent pourtant des voies très
différentes.
Hauriou était un catholique conservateur et fondait le DA sur la puissance publique, l'ordre
public, la police. Duguit, radical socialiste, inspiré par la sociologie de Durkheim, conçoit le
droit comme un instrument de solidarité sociale et rejette le concept de personnalité
morale. Il fonde donc le DA sur le Service Public.
Ces 2 écoles témoignent de 2 approches différentes du DA qui se rattachent à 2 perspectives
différentes : le SP, fait prévaloir le but sur les moyens et inversement pour la puissance
publique. Les deux approches en question ont en commun de justifier l'application aux
personnes publiques d'un corps de règles spécifiques et la compétence d'un juge
spécialisé.
De manière générale, on peut dire que cette guerre des écoles montre que la conception
doctrinale du DA n'a jamais été totalement uniforme en France et que les fondements même
de la matière peuvent prêter à controverses. Cette querelle intellectuelle montre que le DA
revêt, au sens le plus noble du terme, une dimension politique, car fonder ce droit sur la
puissance publique ou sur le service public témoigne de deux approches très différentes de la
matière.

b. Le droit positif
Le CE a toujours refusé de consacrer l'existence d'un critère organique qui aurait à lui seul
déclenché l'application du DA et justifié la compétence du JA. L'adoption d'un tel critère
aurait conduit à une application extensible du DA, tout en excluant a contrario la
compétence des juridictions judiciaires pour tout litige mettant en cause une personne
publique ou l'un de ses agents.
Le rejet d'un tel critère organique devait conduire le juge et la doctrine à identifier un ou
plusieurs critères matériels, fondés sur la nature et les spécificités de l'action administrative :
critères d'ordre fonctionnels ou finalistes, ou formels selon qu'ils s'attachent aux buts ou aux
modalités de l'action administrative.
Les auteurs du XIXème justifiaient initialement la compétence du JA par la théorie des actes
de puissance publique. De nouvelles perspectives vont s'ouvrir et l'école du SP va alors être
à l'origine, au début du XXème siècle, d'une réorientation du DA autour de la notion
maîtresse de service public. La décision Blanco de 1873 est alors le symbole de la notion de
SP. L’œuvre s'inscrit en plein dans la transformation de l’État gendarme en État providence.
Duguit, qui souhaite remplacer la vieille administration napoléonienne s’appuie alors sur
l'arrêt Blanco. Les analyses de Duguit n'auront pas été sans impact sur la JP du CE qui alors
construit la compétence du JA autour de la notion de SP (CE Thérond, 4 mars 1910 : le
litige naît de l'exécution d'un contrat ayant confié à un particulier l'exécution d'une mission de
SP).
Suite aux efforts de Maurice Hauriou et Vedel, la notion de puissance publique connaît une
résurrection au milieu du XXème siècle. La puissance publique va éclipser la notion de SP.
A ce moment-là, le critère de la puissance publique est favorisé par les crises que connaît au
même moment le critère du SP :
 La 1ère résulte de la reconnaissance de SP à gestion privée, c'est-à-dire des SP
qui ne commandent plus l'application du DA.
 La seconde crise résulte de la reconnaissance de la possibilité d'attribuer à des
organismes de droit privé, en dehors de tout contrat, une mission de SP
administratif (CE, 13 mai 1938, caisse primaire « aide et protection »).
Le SP est alors devenu est une notion inapte à servir de critère du DA. Dans ce contexte
(années 20 à 40), la notion de puissance publique va connaître une seconde jeunesse via les
travaux de Hauriou et de Vedel. Cet effort doctrinal de réhabilitation de la notion de
puissance publique a connu alors un certain prolongement en JP. Dès le début du XXème
siècle, certaines solutions JP témoignent déjà d'un certain attachement du juge au critère de la
puissance publique. Par exemple, CE, 31 juil 1912, Société des granites porphyroïdes des
Vosges → il découle de cet arrêt, par une lecture a contrario, que les contrats contenant des
clauses exorbitantes du droit commun sont des contrats administratifs relevant du JA en
cas de litige.
A partir de la fin des années 1950, la notion de puissance publique fut par ailleurs retenue
dans certains arrêts comme critère exclusif de compétence du JA. Dans une décision
Bourgogne-Bois, rendue le 10 juillet 1956, le TC a ainsi retenu à titre exclusif un tel critère de
compétence dans une affaire portant sur une taxe qui ne pouvait être rangée parmi les
contributions directes ou indirectes. Dès lors que la notion de puissance publique est
présente, le JA est compétent. La notion de puissance publique ne s'est pourtant pas alors
imposée comme critère général et unique du DA.
Dans le même temps, le critère du SP ne fut jamais totalement renié par le JA et
notamment par le CE. Mieux encore, dans plusieurs JP célèbres, la notion de SP devient
même tout à la fois le fondement de grandes catégories juridiques et le fondement de la
compétence du JA. C'est le cas notamment pour la notion d'agent public (2 arrêts du 4 juin
1954 du CE : arrêt Vingtain et arrêt Affortit), de travaux publics (décision EFFIMIEFF, 28
mars 1955), de contrats admin (2 arrêts du 20 avril 1956, arrêt époux Bertin et arrêt ministre
de l'Agriculture c/ consort Grimoird) et pour celle de domaine public ( CE, 19 octobre 1956,
société Le Béton).
On constate donc à ce moment-là que la JP continue de s'appuyer sur le critère du SP pour
fonder la compétence du juge et ce parfois à titre exclusif, notamment en matière de
contentieux contractuel. Le critère de la puissance publique ne devait alors connaître qu'une
brève éclipse. Il sera finalement assez rapidement remis au goût du jour par une partie de la
doctrine. En l'occurrence, une partie de la doctrine met en avant l'idée de gestion publique,
qui dérive de la notion de puissance publique, pour justifier la compétence du JA ainsi que
l'application du DA. Alors, à ce moment-là, pour ces auteurs, la détermination de l'ordre
juridique compétent et des règles applicables au litige est fonction de la nature des rapports
juridiques en présence. L'application du DA et la compétence du JA se justifient toutes
deux dès lors que l'administration agit dans des conditions spéciales et selon des
procédés exorbitants du droit commun. Les auteurs en question font donc dépendre très
nettement l'application du DA de l'utilisation des moyens exorbitants et l'idée de but, de
finalité n'est pas mise en avant. Cette idée de gestion publique se retrouvait dès la fin du
XIXème siècle, y compris dans l'arrêt Blanco de 1873.
Loin de rentrer dans ces débats théoriques, le CE n'a jamais pris formellement position en
faveur des thèses d'Hauriou ou de Duguit. Autrement dit, aucun de ces deux critères ne s'est
jamais véritablement imposé en JP comme critère unique et exclusif du DA et de la
compétence du JA. En réalité, dans bien des cas, le critère de la puissance publique ou celui
des prérogatives de puissance publique apparaît non pas comme un critère exclusif de
compétence, mais plutôt comme un critère complémentaire. D'ailleurs, on observe que ce
critère est venu répondre historiquement aux faiblesses du critère du SP, qui était lui-même
impropre dans bien des cas à fixer la compétence du JA.
Finalement, dans un très grand nombre de solutions jurisprudentielles, c'est la réunion des
deux critères qui sera à l'origine de la compétence du JA et de l'application du DA. Il en
va ainsi par exemple s'agissant de l'identification des actes admin adoptés par les personnes
morales de droit privé gérant un SP admin. La JP du CE va clairement s'établir en ce sens à
partir du milieu du XX ème siècle à la suite des arrêts Monpeurt (31 juillet 1942) et Bouguen
(2 avril 1943) et l'arrêt Magnier (13 janvier 1961). Dans ce cas précis, l'addition des deux
critères intervient de manière très nette parce que pour recevoir la qualification d'AAis, les
actes émanant des organismes de droit privé doivent être adoptés en vertu de prérogatives de
puissance publique et dans l'accomplissement de la mission de SP détenue par cet
organisme. Donc, en JP, les deux critères apparaissent clairement et sont cumulatifs :
l'absence de l'une de ces deux conditions cumulatives conduira a contrario à retenir la
qualification d'acte de droit privé. On assiste à un retour à la compétence du juge judiciaire en
vertu du critère organique. Ce dernier exemple montre qu'il n'y a pas en réalité de critère
unique et exclusif du droit et du contentieux admin.
On peut dire finalement que SP et puissance publique apparaissent comme des notions
essentielles, mais qui n'ont jamais permis à elles-seules d'identifier une clause générale de
compétence du JA ou un critère général d'application du DA. Telle était la conclusion de J.
Rivero. L'absence de critère unique ne signifie pas pour autant l'absence de tout critère
et le juge cherche en réalité à combiner dans différentes espèces plusieurs critères, au premier
rang desquels on trouve ceux de SP et de prérogatives de puissance publique. Finalement, à
tout perdre, il vaut sans doute mieux des critères imparfaits qu'une absence totale de critère,
car cela reviendrait alors à l'existentialisme juridique (Chenaux) : il n'y a rien de prédéfini en
droit, c'est le CE qui fait le droit.

PREMIÈRE PARTIE : L’OBJET DE L’ACTION ADMINISTRATIVE

L'action administrative tire d'abord sa spécificité des fins particulières qu'elle poursuit. En
effet, cette action s'identifie, à travers son objet particulier qui réside dans la poursuite de
l'intérêt général. Cet objet est bien propre à l'action admin dans la mesure où il ne se
retrouve pas dans la sphère privée. Ces finalités propres à l'action admin justifient
d'ailleurs l'existence d'un droit spécifique et dérogatoire applicable à cette action. En
effet parce qu'elle agit dans l'intérêt général, l'admin se verra appliquer des règles particulières
qui ne sont pas les règles de droit commun. A cet égard, la formule tirée de la décision Blanco
éclaire la singularité attachée à la fin particulière de l'action publique qui justifie l'application
du DA et la compétence du JA.
Si toute l'action de l'admin est orientée vers l'intérêt général, cet objectif général trouve sa
traduction dans des missions particulières. Conçue a minima, la mission première de l'Etat
est de faire respecter l'ordre public, à la fois au niveau interne, mais également au plan
externe. Cette mission première et fondamentale correspond à la figure de l'Etat-gendarme
qui n'a pas disparu aujourd'hui. En particulier, l'exercice de la PA va permettre de préserver
l'ordre public des atteintes dont il pourrait être l'objet.
Au-delà de cette mission première et fondamentale, l'admin doit également assurer un
certain nombre de services et de prestations matérielles en vue de satisfaire des besoins
collectifs jugés cruciaux. L'administration répondra ainsi à de tels besoins à travers diverses
missions et activités de SP, qui symbolisent le modèle de l'Etat providence.
En réalité, ces deux objets de l'action admin se distinguent sans s'opposer. On peut même
affirmer qu'ils sont étroitement complémentaires. En effet, une activité de SP ne pourrait
se concevoir sur un territoire sur lequel l'ordre public ne serait pas garanti. A l'inverse,
l'Etat ne pourrait se cantonner, même dans la plus pure tradition libérale, à la poursuite de la
seule activité régalienne de préservation de l'ordre public. D'ailleurs l'opposition entre Etat-
libéral et États-providence est surfaite, exagérée et artificielle. Par ses caractéristiques, la PA
apparaît en outre comme une activité de SP. Elle est en effet le fait des personnes
publiques qui agissent elles-mêmes dans l'intérêt général. L'identification de la PA à un SP fut
affirmée par L. Duguit, qui était soucieux de ramener tout le droit se rapportant à l'action
admin à la notion de SP.
Il n'en reste pas moins que la PA correspond à une fin particulière de l'action publique qui ne
doit pas être totalement assimilée au SP. D'abord, elle poursuit un but spécifique qui réside
dans la préservation de l'ordre public. Par ailleurs, la PA est soumise à un régime juridique
en partie distinct de celui applicable au SP.

TITRE 1 : LE SERVICE PUBLIC


Le service public est une notion cardinale du droit administratif.

CHAPITRE 1 : LA NOTION DE SERVICE PUBLIC


- L'évolution de la notion
La notion de SP n'est pas une notion nouvelle. Elle est même depuis longtemps
consubstantielle à l'intervention étatique. Elle est en effet inséparable de certaines activités
régaliennes qu'il ne serait guère concevable de confier à l'initiative privée (la justice, les
impôts, battre monnaie…).
Au Moyen-Age, c'est pourtant l’Église qui répondait par son action à des besoins aujourd'hui
au cœur des SP (l'enseignement, le secours des pauvres et des indigents, le soin des malades).
La période postrévolutionnaire va connaître un mouvement de laïcisation des SP.

I. L'âge d'or du service public


Au début du XXème siècle, Gaston Jèze définissait, dans ses Principes généraux du DA, le
SP comme « la pierre angulaire du DA français ». Dès la fin du XIXème siècle, la notion
de SP est apparue comme une notion fondamentale du DA, permettant de fixer les limites et
les contours de ce droit. L'arrêt Blanco de 1873 sera présenté par une partie importante de la
doctrine comme la consécration JP du SP. Il est vrai que l'arrêt Blanco contient une
référence explicite à la notion de SP, qui apparaît comme un élément répartiteur de
compétence entre les deux ordres de juridiction. Cette consécration JP de la notion de SP
appelle cependant un certain nombre de réserves. La décision Blanco n'a connu qu'une
postérité tardive qui fait douter de son caractère révolutionnaire ou même innovant. Une
analyse juridique rigoureuse conduit par ailleurs à rattacher cette décision à l'idée de
gestion publique. C'est en ce sens qu'elle sera réinterprétée à la suite de la publication de R.
Chapus en 1953. Même réinterprétée de la sorte, cette décision n'apparaît pas véritablement
innovante puisque l'arrêt Rothschild du 6 décembre 1855 contenait déjà une formule proche
du considérant de principe de l'arrêt Blanco.
La consécration de la notion de SP sera ainsi avant tout doctrinale. En effet, à partir du début
du 20e, se développe l'Ecole du SP. Les représentants de cette Ecole, dont Duguit et Jèze,
entendaient alors construire tout le DA autour du SP qui apparaissait tout à la fois comme
une notion fondamentale et fondatrice. Le DA s'analysait alors et s'assimilait au droit des
SP. On avait là la justification de l'existence même du DA qui s'expliquait par cette finalité
particulière assimilée à l'action publique, le SP. Pour ces auteurs, le SP apparaissait à la
fois comme la finalité et la limite de l'action publique : (Duguit) « le SP est le fondement et
la limite du pouvoir gouvernemental ».
Pour ériger leur conception de l'action publique en doctrine juridique, les principaux
représentants de l'Ecole du SP ont brandi une décision du TC qui symbolisait à leurs yeux le
règne du SP sur l'ensemble du DA, la décision Blanco de 1873. Cette recherche du mythe
fondateur relevait davantage d'un effort de reconstruction postérieur que de la réalité du droit
positif. Pourtant, les efforts de la doctrine furent précédés et relayés en JP par un certain
nombre de solutions qui consacraient avec force le rôle essentiel de la notion de SP, à la fois
dans l'application du DA et dans la détermination de la compétence du JA. Par ex, l'arrêt du 4
mars 1910, Thérond : pour le CE les difficultés liées à la mauvaise exécution ou
l'inexécution d'une mission de SP confiée par contrat à un particulier relèvent de la
compétence du JA à défaut de texte en attribuant compétence à une autre juridiction. Cet
arrêt illustre le caractère attractif de cette notion de SP qui semble postuler à elle-seule la
compétence du JA et l'application du DA.

II.Les « crises » de la notion de SP


La notion de SP revêt dans la langue courante une dimension polysémique. Pour l'essentiel,
le SP recouvre deux dimensions distinctes :
 Le SP entendu comme une institution ou comme un organe. C'est une définition
organique du SP : SNCF.
 Le SP entendu comme une mission. On parle alors d'une définition matérielle du
SP.
Dans la langue juridique, le SP est le plus souvent assimilé à une activité. Les dimensions
organique et matérielle pèsent cependant sur la qualification de SP puisque le SP apparaît
comme une activité d'intérêt général en lien avec une personne publique.
C'est cette dissociation des dimensions organique et matérielle qui sera à l'origine des crises
qui frapperont le SP au cours du XXème siècle. Le SP va en effet connaître de profondes
mutations au cours du XXème siècle. A ces premières crises, s'ajoutent aujourd'hui les effets
et les implications du DUE sur le SP « à la française ».

A. Les « crises » classiques


1. La crise de la définition matérielle
Au XIXème siècle, les SP les plus importants (qui correspondront par la suite aux SPA)
étaient presque exclusivement assurés par des personnes publiques. Les autres activités
étaient pour l'essentiel laissées à l'initiative privée. Finalement, pour la doctrine rattachée à
l'Ecole du SP, seule les personnes publiques pouvaient être en mesure de gérer les SP au
sens strict. Pour ces auteurs, l'addition des critères organique et matériel justifiait alors
l'application du DA et la compétence du JA.
L'analyse développée par l'Ecole du SP reposait pourtant sur une vision des activités
publiques en décalage avec les principales évolutions se faisant jouer entre la fin du
XIXème et le début du XXème siècle. En effet, à cette époque, l'interventionnisme des
personnes publiques dans la sphère éco et sociale se développe et Duguit ne perçoit pas les
conséquences importantes que ne devait pas manquer d'entraîner cet accroissement de
l'interventionnisme public, qui allait de pair avec la diversification des missions de l'admin. A
cette époque, de nouvelles activités de SP se développent alors. Leurs modalités de
fonctionnement et leur nature, proches de celles que l'on rencontre dans le secteur privé,
rendaient délicates leur soumission aux règles du DA. Finalement, la nature particulière de ces
activités fut consacrée par la JP qui, tout en les assimilant à des SP, les soumettra à des règles
de droit privé.
La crise de la définition matérielle du SP va être déclenchée par la décision de 1921 du TC
dans l'affaire dite du Bac d'Eloka. Par cette décision, le TC admet que certains SP peuvent
être gérés par une personne publique dans les mêmes conditions qu'une entreprise
privée. Ainsi, malgré la présence d'une personne publique, le droit applicable sera le droit
privé et le juge compétent en cas de litige sera le juge judiciaire. En l'espèce, le TC a reconnu
la compétence des juridictions judiciaires pour réparer les dommages causés par la
société en question du fait de l'accident survenu lors de la traversée du bac d'Eloka. Cette
solution a été reconnue alors que le service en question dépendait directement d'une personne
publique. En mettant en avant cette notion de SPIC, le TC écarte la compétence du JA pour
réparer les dommages causés par l'accident du bac. En conséquence, les personnes publiques
ne gèrent pas seulement des SPA, elles peuvent également avoir à leur charge des SPIC, qui
relèveront de la compétence du juge judiciaire. Cette décision de 1921 devait ainsi provoquer
l'émergence des SP à gestion privée, SP soustraits à l'application du DA et à la compétence
du JA.
A partir de là, toute l'analyse développée par l'Ecole du SP s'écroulait puisque cette notion ne
permettait plus à elle-seule de déclencher et de justifier l'application du DA. Mais Duguit a
refusé de s'incliner.

2. La crise de la définition organique


La JP du CE va par la suite accentuer la distinction entre le SP entendu comme une mission et
le SP entendu comme un organe en faisant peu à peu prévaloir la conception matérielle du
SP. On est face à une seconde évolution conduira à écarter le critère organique de la notion
de la définition de SP tel qu'il était conçu par l'Ecole du SP (Duguit, Jèze). Cette dissociation
n'était pourtant pas tout à fait nouvelle. En effet, au XIXème siècle, la technique de la
concession permettait de confier contractuellement des missions de SP à des personnes
privées. Au cours du XXème, le phénomène s’enrichit et connait un essor et la JP du CE va
pourtant admettre que des textes législatifs ou réglementaires puissent, en dehors de toute
dévolution contractuelle, confier à des personnes privées la gestion d'une mission de SP.
Ce mouvement JP prend naissance en 1935 :
 CE, 20 décembre 1935, établissement Vézin → le CE admet pour la première fois
l'existence « d'organismes privés d'intérêt public ».
 Le CE renfo rce sa position en admettant
que de véritables SP puissent être contrôlés par un particulier (CE, 13 mai
1938, Caisse primaire « aide et protection » → le CE a jugé qu'une disposition
législative s'appliquait à des agents appartenant à un SP même s'il avait le
caractère d'un établissement privé). Cette JP contribue ainsi à l'éclatement de la
notion de SP. En effet, après la reconnaissance en 1921 de SP à gestion privée (bac
d’Eloka), le juge admet que la gestion de SP plus classiques puisse être confiée à
des organismes de droit privé. On passe ainsi « de la gestion privée des
personnes publiques à la gestion publique des personnes privées » (GAJA).
Cette qualité nouvellement reconnue entraîne l'application des règles de DA et la compétence
du JA en cas de litige. Mais l'application du DA et l'intervention du JA ne sont possibles que
si le SP qu'assure l'organisme en question et les prérogatives puissance publics dont il a été
doté sont en cause. Ces deux conditions sont cumulatives. C'est ainsi que les actes unilatéraux
adoptés par ces organismes de droit privé ne sont considérés comme des Actes Aadministratif
que s'ils sont pris en vertu de ppp et dans l'accomplissement d'une mission de SP. De même la
responsabilité extracontractuelle admin ne relèvera du JA et des règles de DA que si le
dommage trouve sa cause dans la mission de SP et dans les ppp dont il a été doté. En principe,
en application du critère organique conduit à retenir la compétence du juge judiciaire en
raison de la présence d'une personne privée à l'origine du dommage (CE, 19 décembre 1969,
établissements Delannoy). Cependant, dès lors qu'un lien unit le dommage et
l'accomplissement de l'exercice des ppp, le juge compétent sera le JA (CE, 13 octobre 1978,
association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles du
Rhône et TC, 6 novembre 1978, Bernardi). Seules les juridictions admin seront habilitées à
examiner le bienfondé de telles actions à condition que le dommage résulte de l'usage effectif
de ppp par la personne privée → CE, 23 mars 1983, SA Bureau Veritas. Dans les autres
hypothèses en revanche, l'application du droit privé et la compétence du juge judiciaire
prédomineront. Tel est le cas en particulier s'agissant des contrats passés par ces organismes
avec d'autres personnes privées qui ne pourront être qualifiés de contrats admin. Tel est le cas
également pour tout ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement interne de ces
organismes.
Le CE aura par la suite l'occasion d'affirmer sa JP en reconnaissant à de tels organismes privés
chargés de l'exécution d'une mission de SP la faculté d'adopter des AA réglementaires ou
individuels. L'arrêt Monpeurt (31 juillet 1942) marque une étape décisive en ce sens : « Les
comités d’organisations, bien que le législateur n’en ai pas fait des établissements publics
sont chargés à l’exécution d’un SP et que les décisions qu’ils sont amenés à prendre dans la
sphère de ses attributions constituent des AA, que le CE est dès lors compétent ».
Une année plus tard, cette JP sera étendue aux ordres professionnels : arrêt Bouguen, 2 avril
1943, il s’agit de l’ordre des médecins et il s’agissait de savoir si le CE était compétent dans
les décisions du conseil des médecins. Pour le CE, l'ordre des médecins assure une mission de
SP. Donc ses décisions constituent des actes administratifs.
La notion de SP ne peut donc plus constituer l'unique critère du DA. Cette double crise qui a
affecté la notion de SP a entraîné :
 L'application du droit privé dans les SP avec l'apparition des SPIC ;
 L'application du DA à des organismes privés qui assurent une mission de SP.
Ces mouvements croisés sont à l'origine d'un paradoxe puisque des personnes publiques
peuvent être soumises au droit privé alors que l'activité de certaines personnes privées relève
de la compétence du JA. Pour autant, il convient de ne pas mésestimer le rôle actuel de cette
notion de SP dans la délimitation du DA et l'établissement d'un titre de compétence au profit
du JA. A cet égard, on peut dire que le SP apparaît comme un « Lazard juridique » ou un
phœnix qui renaît en permanence de ses cendres.
Postérieurement aux deux crises du SP, la JP a fait expressément, à plusieurs reprises,
référence à cette notion de SP pour délimiter les contours de grandes catégories juridiques.
C'est ainsi que, en se référant à la notion de SP, le CE a défini la notion d'agent public (CE,
4 juin 1954 Affortit ; Vingtain), celle de contrat admin (CE, 20 avril 1956, ministre de
l'Agriculture c/ consort Grimoird ; époux Bertin), ou encore celle de domaine public (CE, 19
octobre 1956, société le Béton). C'est également en se référant au SP que le TC a jeté les bases
d'une définition du travail public (décision Effimieff, 28 mars 1955). Plus récemment,
l'assemblée du contentieux du CE a, par un avis contentieux du 29 avril 2010, apporté des
éclaircissements sur la notion d'ouvrage public en se référant à la notion de SP (M. et Mme
Béligaud). Ainsi « un ouvrage peut être qualifié d'ouvrage public dès lors (…) qu'il est affecté
à un SP.
B. Une « crise moderne » : SP « à la française » et DUE

Le modèle du SP « à la française » (symbole de l’Etat-providence et l’interventionnisme


étatique) pouvait initialement s'inscrire en rupture avec la construction communautaire qui se
fonde depuis l'origine sur la sauvegarde et la promotion d'intérêts économiques. Par son
orientation libérale, le DUE est de nature à affecter certaines constructions juridiques
nationales dans les pays comme la France dans lesquels les notions de secteur public et de SP
occupent une place importante. Le DUE fait ainsi prévaloir depuis l’origine un principe de
liberté dans tous les domaines de l'action économique. En particulier, le DUE pose le principe
de la libre concurrence Un certain nombre de règles visent ainsi à supprimer les différents
obstacles susceptibles de fausser la concurrence au sein de l'espace économique européen.
C'est ainsi que le DUE a joué et joue encore un rôle déterminant dans l'abandon progressif
des divers monopoles nationaux. De la même manière, le récent changement de statut de la
Poste (statut d’EPIC à un statut de société anonyme), s'il résulte de la seule volonté du
législateur français, a été décidé sous des pressions de Bruxelles. La doctrine considérait
généralement que la notion française de SP ne pouvait guère être conciliée avec les principes
libéraux découlant du DUE. Non seulement le DUE ignore la notion de SP mais admet en
plus difficilement que certaines activités d'intérêt général puissent être soustraites aux règles
de concurrence. Seul l'art 93 TFUE évoque le SP (à propos de la politique commune en
matière de transport).

Pour le reste, le DUE n'admet que les notions de service universel et de service d'intérêt
économique général.
Les choses ont évolué depuis quelques années : droit français et DUE se sont rapprochés si
bien qu'il n'y a sans doute plus aujourd'hui d'incompatibilité absolue entre SP français et
libéralisme du DUE. D'un côté les instances communautaires ont infléchi leur position en
acceptant de prendre davantage en compte des considérations tenant à l'intérêt général. La JP
de la CJUE va assouplir et élargir, dans les années 90, la notion de service d'intérêt
économique général, ce qui va permettre de justifier plus facilement une dérogation au
principe d'égale concurrence par des mesures discriminatoires favorisant des activités d'intérêt
général. L'art 106-2 TFUE permet à certains opérateurs éco exerçant une activité d'intérêt
économique général de déroger aux règles du traité à condition que ne soit pas porté atteinte à
l'intérêt de l'union. Le juge de l'union veille à la bonne application des dispositions en
question. A l'inverse, la notion même de SP à la française a évolué sous l'influence du
droit communautaire : remise en cause des grands monopoles nationaux (transport,
distribution du courrier, de l'électricité...) notamment. On assiste à un rapprochement depuis
quelques années entre le DUE et le droit français. Du fait de ce rapprochement, la notion de
SP à la française n'apparaît plus incompatibles avec les règles communautaires.

Rapprochement ne signifie pas pour autant adéquation. En effet, il n'y a toujours pas de
correspondance exacte entre la notion française de SP (notion qui revêt une dimension plus
politique qu'économique) et les notions communautaires de service d'intérêt économique
général et de service universel (notion qui repose sur une approche sectorielle, technique et
minimaliste). Malgré les tensions qui ont pu exister, l'impact des règles et principes juridiques
de l'union se limite aux modalités d'organisation de certains grands SP. En revanche, le DUE
exerce moins d'impact sur le régime juridique applicable aux activités de SP.

Section 2 - L'identification de la notion de SP


Paradoxalement la notion de service public a toujours été rebelle a toute tentative de synthèse
et de définition. A cet égard, les auteurs, comme Duguit et Jèze, n'ont laissé que des
définitions extrêmement vagues, presque totalement inutilisables (cf définition de Duguit et
Jèze). La doctrine contemporaine a renoncé à toute tentative de systématisation en
rassemblant tout au plus des éléments d'identification résultant du droit positif. D'ailleurs,
pour certains auteurs, la notion de SP se prête mal à une tentative de définition. Pour eux, le
SP apparaît davantage comme un « label » (D. Truchet) qui serait apposé selon les cas par le
juge, le législateur, le pouvoir exécutif, sur certaines activités en fonction de leurs
caractéristiques. . La difficulté propre à toute entreprise de définition est majorée dans la
mesure où le SP n'apparaît pas comme une notion objective, figée et univoque. On eput
sans doute réserve le cas des grandes activités régaliennes de l’État , il n’existe sans doute pas
de Sp « par nature » » (cf. affaire du Bac d'Eloka ). On peut dire que la nature de SP dépend
avant tout d'une appréciation portée par le juge qui peut, au surplus, varier selon les
espèces et au cours du temps. La JP a par ailleurs consacré en 1921 l'éclatement de la
catégorie des SP qui se répartissent désormais en SPA et SPIC.

I - Les facteurs d'unité : les éléments généraux d'identification

L'identification d'une activité de SP s'opère à travers un certain nombre de critères qui


devront être réunis pour répondre à la qualification. Une fois cette qualification établie, un
régime juridique particulier, exorbitant, sera appliqué à l'activité de SP. Un tel régime
découle ainsi de la qualification qui dépend elle-même d'un certain nombre de critères.
Inversant les étapes, le juge se fonde cependant parfois sur des éléments propres au régime
juridique applicable à l'activité à qualifier pour en déduire que celle-ci est bien un SP. A
travers cette méthode, le juge fait appel au régime de l'activité en qualité d'indices de la
volonté des pouvoirs publics. C'est un raisonnement de type finaliste ou téléologique. Il
importe en conséquence de distinguer la question des critères et celle des indices.

A. Les critères

Le SP peut se définir, à travers ses critères identifiants, comme une activité d'intérêt général
gérée directement ou indirectement par une personne publique. Il arrive qu'une activité
soit qualifiée de SP par les textes. Dans ce cas , , cette qualification s'imposera au juge
(notamment au JA) surtout lorsqu'elle émane d'un texte législatif. C'est un peu plus compliqué
lorsque la qualification émane d'un texte administratif réglementaire. Si les textes sont muets,
cette qualification résultera d'une analyse juridique menée par le juge qui fera appel à un
certain nombre de critères d'ordre matériel et organique. Les deux critères sont cumulatifs.
Deux séries de critères : l’existence d’une activité générale et le rattachement de cette
activité à une personne publique.

1-Une activité d'intérêt général


Conformément à sa signification littérale, l'expression « SP » renvoie à la satisfaction d'un
besoin collectif essentiel. Le SP est bien le service du public. Donc, une activité de SP
répond nécessairement à un impératif d'intérêt général. Mais, le glissement du SP à l'intérêt
général est aussi commode qu'insatisfaisant dans la mesure où la notion d’intérêt général est
aussi, si ce n'est plus, rétive à la définition que la première.

L'intérêt général s'identifie d'abord par opposition aux intérêts privés dont il ne constitue
pas la somme arithmétique et qu'il aura vocation à transcender. C'est une conception dite
volontariste de l'intérêt général, inspirée des idées de Rousseau. Contenter l'intérêt général
permet de satisfaire par ricochet les intérêts individuels. Mais cela n'est pas systématiquement
vrai. En effet, la perception des impôts est une activité d'intérêt général qui ne conduit pas à la
satisfaction d'un intérêt individuel.

Il est aisé de prime abord de classer les intérêts en présence dans une organisation sociale
donnée en déterminant ceux qui relèvent de l'intérêt général (ex : un hôpital) et ceux qui
expriment des intérêts privés (ex : une boulangerie). Cette frontière est néanmoins plus
incertaine qu'il n'y paraît. Par exemple, un boulanger dans une commune rurale isolée joue un
rôle essentiel qui ne se réduit pas à un intérêt individuel.

Faut-il pour autant attribuer la qualité de SP à toute activité qui pourrait avoir des effets
bénéfiques sur la collectivité toute entière ? Une réponse négative s'impose ici car il y aurait
là une acception large de la notion de SP de nature à y faire rentrer un très grand nombre
d'activités humaines. Plus rigoureusement il faut attribuer la qualité de SP aux seules activités
destinées à la satisfaction directe et prioritaire de l'intérêt général.

Confronté à la nécessité de qualifier une activité de SP, le juge a été conduit au fil du temps à
identifier l'intérêt général. Il l'a fait à travers à une appréciation souvent casuistique (au cas
par cas) qui échappe à une définition générale. On peut simplement dire que l'intérêt général
est souvent ce que l'administration veut qu'il soit. Il est ainsi d'abord le résultat d'un choix
émanant des pouvoirs publics. Certaines activités ne sont en outre pas toujours vouées à
l'intérêt général, cela dépend souvent des circonstances de l'espèce.

La JP est également évolutive : soucieuse d'épouser au mieux les évolutions économiques,


sociales et culturelles, les juridictions administratives ont été amenées à faire évoluer au cours
du temps leur conception de l'intérêt général. Elles la feront évoluer dans le sens d'un
élargissement. C'est ainsi par exemple que :le CE a progressivement qualifié au cours du XX
ème siècle les activités culturelles d'activités de SP. Arrêt Astruc et société du théâtre des
Champs Elysées (CE, 7 avril 1916) : sans se montrer catégorique et fermé, le CE a refusé de
voir dans l'activité théâtrale une activité d'intérêt général et donc de reconnaître à un théâtre la
qualité de SP.
Le CE a fini par considérer l'activité théâtrale comme une activité d'intérêt général (arrêt
Gheusi, 27 juillet 1923). La JP considérera par la suite que la création et la gestion des
théâtres municipaux relèvent bien d'une mission de SP (CE, 21 janvier 1944, Léoni). Il en est
de même pour l'organisation de représentations théâtrales et cinématographiques en plein air
(arrêt CE, 12 juin 1959, syndicat des exploitants de cinématographes de L'Oranie).

L'arrêt Astruc de 1916 n'excluait d'ailleurs pas cette évolution. La JP est aujourd'hui
clairement orientée dans le sens de la qualification d'activités d'intérêt général des
manifestations artistiques, musicales, théâtrales et cinématographiques.
Le CE a considéré que l'organisation d'un festival de jazz avait le caractère d'un SPA (CE, 2
juin 1995,Ville de Nice). Le CE a également jugé que l'activité d'un casino pouvait être
considérée comme un SP dès lors qu'elle contribuait, en l'espèce, au développement de la
station touristique et balnéaire de la ville de Royan (arrêt CE, 1966, ville de Royan).
Beaucoup plus récemment, le CE a cependant indiqué que les jeux de casino ne constituaient
pas en eux-mêmes un SP (CE, 19 mars 2012, SA groupe Partouche). De même, les
fédérations sportives exercent bien une mission de SP y compris lorsqu'elles organisent des
compétitions sportives professionnelles alors même que la dimension économique et
marchande est extrêmement présente (CE, 22 nov 1974, fédération des industries françaises
d'articles de sport).

La JP a cependant eu l'occasion de fixer les limites de l'extension de l'intérêt général. Ainsi,


alors que la loterie nationale fut ainsi qualifiée pendant un temps de SP (CE, 17 déc 1948,
Angrand), une telle qualification ne s'applique plus désormais à la française des jeux (CE,
1999, Rolin).

De même, si l'intérêt général n'exclut pas par principe la rentabilité financière, la recherche
exclusive de bénéfices s'oppose à la qualification de SP. La recherche du profit ne doit être
qu'accessoire. Le CE a ainsi dénié à l'activité exercée par un restaurant, même
particulièrement bien situé, le qualificatif de SP (CE, 12 mars 1999, Ville de Paris). Le
professeur Chapus distingue de manière pertinente les « activités de plus grand service »
et celles « de plus grand profit ». Les premières tendent à satisfaire d'abord l'intérêt général
alors que les secondes visent quant à elles à apporter une satisfaction maximale à l'organisme
qui les exercent. Ces dernières ne pourront pas être qualifiées de SP sauf si elles sont au
service de l'intérêt général (ex : collection des impôts).

Le rattachement à une personne publique

Pour qu'une activité puisse être qualifiée de SP, l'intérêt général n'est pas suffisant. Il faut
en plus que l'activité puisse être directement ou indirectement rattachée à une personne
publique. Les deux critères sont donc cumulatifs.

Le second critère, d'ordre organique, permet de tisser un lien entre l'activité d'intérêt général
et la personne publique. D'une manière ou d'une autre, l'admin doit exercer une certaine
emprise sur l'activité à qualifier. Le lien en question peut être direct ou indirect. Chapus :
l'activité peut être « assurée (directe) ou assumée (indirecte) » par une personne publique.

La conception héritée de l'Ecole de Bordeaux (du SP, Duguit), en vertu de laquelle seules les
personnes publiques peuvent exercer une mission de SP, est écartée depuis longtemps. Il
n'en demeure pas moins qu'une personne privée ne pourra jamais décider elle-même de
l'érection d'une activité en SP (CE, 6 avril 2007, commune d'Aix-en Provence). Autrement
dit, d'une manière ou d'une autre, l'administration doit ainsi susciter, accompagner, guider,
diriger l'activité en question. Elle doit avoir la mainmise sur ce processus. Sans ce lien, il ne
peut y avoir de SP. Il peut arriver cependant qu'une personne privée créée une activité
d'intérêt général, qui sera par la suite transformée en SP par une personne publique. Les
liens en question pourront être des droits de regard ou des activités de financement (CE, 6
avril 2007, commune d'Aix-en Provence). Dans une telle hypothèse, l'ordre normal des
interventions s'inverse : la personne privée est à l'origine d'une
activité d'intérêt général, activité qu'une personne publique érigera en SP.
♦L'hypothèse de la gestion directe (assurée → Chapus) permet de satisfaire très facilement le
critère organique. C'est le cas lorsque la personne publique prend en charge la mission en
utilisant ses propres moyens humains, matériels, financiers, logistiques... Dans ce cas, on
parle de gestion en régie. Par exemple, au niveau de l'Etat, le SP de la justice est directement
géré par l'Etat. De même, au niveau local, l'entretien de la voirie est souvent gérée en régie,
par le personnel communal. Peut également être rattachée à la gestion directe l'hypothèse dans
laquelle gestion du SP est confiée à une personne publique tierce, qui sera le plus souvent un
établissement public (CE, 1959, Navizet).

♦La gestion peut également être indirecte (assumée → Chapus). Une activité est gérée
indirectement par une personne publique dès lors qu'il appartient à une personne privée, sous
le contrôle d'une personne publique, d'exécuter la mission de SP. Il importe ici de s'assurer
que la personne privée gestionnaire du service agit bien sous l'autorité d'une personne
publique. Un lien doit donc apparaître entre la personne publique et la personne privée. Ce
lien peut prendre lui-même plusieurs formes :

-dans une première hypothèse, le rattachement organique peut résulter d'une


habilitation contractuelle ou unilatérale. Dans ce cas, on peut parler de délégation
expresse.
Cette délégation peut d'abord résulter d'un contrat qui va confier l'exercice d'une mission de
SP à une personne privée. Dans ce cas, le contrat en question précisera l'objet et la durée de la
délégation, la rémunération de la personne privée.
La délégation expresse pourra également résulter d'un acte unilatéral qui confiera une
mission de SP à une personne privée.
Dans de telles hypothèses, la personne publique conserve la maîtrise du service.

-en l'absence de délégation expresse, le rattachement organique est plus difficile à établir. Le
lien en question peut prendre la forme d'une délégation implicite. Une telle hypothèse se
rencontre quand la personne privée gestionnaire est une société dont le capital est
majoritairement détenu par une personne publique (cas des sociétés d'économie mixte
(SEM) et cas des sociétés dont la totalité du capital est détenue par une personne publique).
Dans les autres hypothèses, la JP a recours à un faisceau d'indices (Narcy) pour établir une
certaine mainmise de la personne publique sur le SP dont la gestion est dévolue à une
personne privée. La réunion d'un certain nombre d'indices pourra établir l'existence d'une
délégation implicite. Ces indices sont divers mais sont pour l'essentiel de deux ordres :
•Un premier groupe d'indices, toujours exigé par la JP, tient au contrôle que peut exercer la
personne publique sur la personne privée et l'activité. Plusieurs indices dans cette catégorie :
-l'origine de la personne privée exerçant l’activité à qualifier (a-t-elle ou non été créée par la
personne publique ?),
-l'origine des ressources de la personne gestionnaire (l’activité bénéficie-t-elle de
subventions publiques ?),
-l'origine des moyens dont elle dispose, (la personne publique met-elle à la disposition de la
personne privée des moyens divers)
-les mécanismes de contrôle à la disposition de la personne publique (nomination des
dirigeants, contrôle de la gestion, représentation des intérêts de l’administratif...).

•Une seconde série d'éléments, qui n'apparaît plus absolument indispensable,


tient dans l'existence ou l'absence de prérogatives de puissance publique : une situation de
monopole, la faculté d'édicter des actes administratifs unilatéraux etc. Cet élément sera
important puisque l'existence de telles prérogatives ne pourra provenir que de personnes
publiques.
L'arrêt Narcy (CE, 28 juin 1963) illustre cette méthode du faisceau d'indices. Étaient en cause
les centres techniques industriels (institué par une loi de 1948, organismes privés, étaient-ils
en charge d’un SP ?). Le rattachement à une personne publique a été établi par le CE à partir
de deux critères : l'organisme dispose dans son action de ppp et il est soumis au contrôle
des pouvoirs publics → les deux éléments sont présents. Le caractère général de l'activité
étant par ailleurs établi, le CE la qualifie de mission de SP.

L'arrêt Narcy évoque plusieurs indices pour permettre d’établir un lien organique et donc
d’établir le SP. La réunion de tous les indices n'est cependant pas indispensable pour
considérer le critère organique comme rempli et aucun d'eux n'est déterminant. Les ppp
peuvent prendre plusieurs formes.

Auparavant, l'absence de telles prérogatives faisait souvent obstacle à la reconnaissance d'une


mission de SP : TC, 25 janv 1982, Madame Cailloux c/ CONSUEL : le TC constate que le
décret ayant institué le CONSUEL ne lui a pas attribué de ppp. La qualification de SP ne sera
alors pas retenue alors que l'organisme en question poursuivait bien l'intérêt général.
Depuis, la JP du CE a évolué et a clairement établi qu'il ne s'agissait pas nécessairement d'un
élément indispensable : CE, 20 juillet 1990, ville de Melun : le CE a reconnu qu'une activité
gérée par une association était une activité de SP alors que l'organisation ne disposait d'aucune
ppp.

APREI (CE, 22 fév 2007), qui fait de l'existence de ppp un indice déterminant mais en aucun
cas une condition nécessaire pour identifier un organisme privé chargé d'une mission de SP.
Au delà de cette seule précision, l'arrêt APREI fixe clairement, dans un considérant de
principe, la JP en rappelant les différentes hypothèses en présence et les différents éléments ou
indices permettant d'établir le rattachement organique de l'activité à qualifier à la personne
publique. Le CE livre également une véritable grille d'indices. L'utilisation de cette grille
d'indices peut pourtant s'avérer délicate dans la mesure où elle repose sur une appréciation
largement subjective.
Malgré cette première évolution, les incertitudes demeuraient, incertitudes levées à la suite de
l'arrêt
Certains indices supposent par ailleurs une évaluation quantitative qui sera d'autant plus
délicate que la JP n'a pas fixé de seuil susceptible de s'appliquer à ces différentes hypothèses.
Par exemple, l'origine du financement, à partir de quel seuil de fonds public pourra t on établir
le rattachement à une personne publique ? La JP a tout de même a apporté quelques éléments
de réponse dans l'arrêt CE, 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence : le CE a indiqué que
l'activité exercée par une personne privée en dehors de tout contrat pouvait être
caractérisée de mission de SP dès lors que la personne publique exerce un droit de
regard sur l'activité en question et lui accorde le cas échéant un financement.

Il arrive que le JA se fonde sur l'union étroite entre la personne publique délégante et le
délégataire privé pour estimer que le SP est en réalité géré par la personne publique, la
personne privée étant en quelque sorte transparente (CE, 21 mars 2007, commune de
Boulogne-Billancourt : «lorsqu'une personne privée est créée à l’initiative d’une personne
publique qui en contrôle l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses
ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente »). Dans ce cas de
figure, le critère organique se trouve effectivement rempli.

B. Les indices : l'existence d'un régime exorbitant


Un régime juridique est en principe sans effet sur les termes d'une qualification et n’influe
pas sur elle. Il est au contraire le résultat d'une qualification. C'est parce qu'une activité est
qualifiée d'une activité de SP qu'elle bénéficiera d'un régime juridique exorbitant, particulier.
Dans la majorité des cas, ce schéma est respecté par le juge. Il arrive pourtant que le juge
s'affranchisse de ce schéma en s'appuyant sur des éléments du régime juridique pour
qualifier une activité de SP. Dans ces hypothèses, l'existence d'un régime exorbitant
apparaît comme un indice qui pourra justifier la qualification de SP. Pour le juge, si les
pouvoirs publics ont entendu soumettre cette activité à un régime juridique spécifique,
exorbitant, c'est bien parce que, à leurs yeux, cette activité constitue un SP. Cette JP se
retrouve lorsqu'il s'agit de qualifier une activité gérée par une personne privée non liée à
l'administration par un contrat.

Les indices permettant de déterminer si l'activité est soumise à un régime juridique exorbitant
sont principalement de deux ordres :

-le premier tient en la présence ou l'absence de ppp. Le juge pourra prendre


en compte un tel élément pour qualifier de SP l'activité gérée par un organisme de droit privé.
Mais, un organisme de droit privé, même non doté de ppp, peut prendre à sa charge une
mission de SP dès lors que le législateur en a décidé ainsi ou dès lors que l'admin exerce
un contrôle sur l'organisme ou la personne privée.
Dans la 1re hypothèse, en vertu des termes de la loi, une clinique chargée de soigner des
personnes atteintes de troubles mentaux exerce « une mission de SP qui ne lui confie aucune
ppp » (CE, 1968, Bernardi). Il en est de même pour une association chargée de l'animation
dans la commune de Melun dont le financement provient de la commune (CE 20 juillet 1990,
ville de Melun).

En application de la JP APREI, le CE a considéré que le centre d'étude sur l'évaluation de la


protection dans le domaine nucléaire constituait un organisme de droit privé chargé de la
gestion d'une mission de service dans la mesure où ce centre a été créé par deux
établissements publics (EDF et par le commissariat à l’énergie atomique), dont il perçoit des
subventions (CE, commissariat à l'énergie atomique, 25 juillet 2008).
-une activité de SP pourra être identifiée comme telle dès lors que l'activité est soumise à un
certain nombre d'obligations propres au régime juridique des SP. L'existence d'obligations
de SP apparaît normalement comme la conséquence de la qualification de SP, et non comme
la cause de cette qualification. Dans ce second cas, la présence de telles obligations pourra
constituer aux yeux du juge un indice déterminant justifiant la qualification de SP. Tel est le
cas pour les « lois » et les principes s'appliquant au fonctionnement des SP (principe d'égalité
ou de continuité).

II - Une notion duale : la distinction entre SP administratifs et SP industriels et commerciaux

Si le SP est unique dans son essence, il est fractionné et pluriel dans son existence. À l'unité
du concept correspond une notion duale. La notion de SP est en effet depuis 1921 atteinte
dans son unité puisqu'elle intègre en son sein 2 catégories de SP : les SPA et les SPIC.

A. Naissance et sens de la distinction

Au début du 20e, les SP vont connaître un essor prodigieux. A cette époque, le passage de
l’État gendarme à l’État-providence et la période du socialisme municipal marqueront un
renouveau de l'intervention publique.

L'évolution en question n'est pas seulement quantitative mais aussi qualitative : en


intervenant de plus en plus dans la sphère économique et sociale, les personnes publiques sont
amenées à prendre en charge de nouvelles activités de nature industrielle, commerciale et
marchande. Se posait alors la question du droit applicable à ces nouvelles activités prises en
charge par les personnes publiques (Etat et CT). Ici, le critère organique postulait l'éviction
des règles du droit privé. Mais, appliquer le DA à de telles activités eut pourtant été
problématique, et ce à deux égards :

-d'une part il était difficile de distinguer dans leur contenu et leurs modalités les
interventions des personnes publiques de celles des personnes privées exerçant les mêmes
activités. L'élément déclencheur de l'application du DA faisait défaut.
-d'autre part, la soumission de telles activités au DA aurait généré un élargissement
considérable du champ d'application de ce droit et des compétences dévolues au JA.

Dans sa décision rendue dans l'affaire du Bac d'Eloka en 1921, le juge des confits consacre
ainsi l'existence de SP à gestion privée en faisant donc par là même du SP une notion duale,
puisqu'à côté des SPA soumis au DA existent des SPIC soumis au droit privé. Cette
dichotomie ne sera par la suite jamais remise en cause par le juge.
La JP devait faire émerger pendant un temps une 3ème catégorie de SP, qui va se révéler
finalement éphémère. Cette catégorie a pris naissance dans la décision Naliato 12 janvier
1955. Le TC y considère que certains SP sociaux devaient, à partir du moment où rien ne
permettait de les distinguer d'activités similaires relevant du droit privé, relever du droit
privé et de la compétence du juge judiciaire. Cette nouvelle catégorie de SP à gestion
privée n'a pourtant pas connu le même succès que les SPIC( sercive plublique induustrielle et
commerciaix) puisque les juridictions admin et judiciaires constataient en effet des
différences entre les activités, suivant qu'elles relevaient de personnes publiques ou privées.
Les juridictions neutralisaient alors les principes de la JP Naliato, conformément à son esprit.
Quelques années plus tard, le TC a renoncé à cette catégorie : TC, 4 juillui 1983, Gambini c/
ville de Putaux.

Quelles que soient ses justifications théoriques et pratiques, la JP bac d'Eloka fut source de
difficultés. Ces difficultés tiennent à l'application d'un régime juridique complexe et
fragmenté faisant appel au DA ou au droit privé ainsi qu'à la compétence des juridictions
admin ou judiciaires. Près d'un siècle plus tard, ces difficultés se sont amplifiées. Une partie
de la doctrine contemporaine milite pour la disparition des SPIC en remettant en cause l'idée
même de SP à gestion privée. Mais il serait sans doute impossible de soumettre l'ensemble des
SP au DA et au seul JA la resolution de tout les litiges.
B. Critères de la distinction

La consécration de la distinction SPA/SPIC posait dès le départ la question de


l'identification de ces deux catégories et celle de leur délimitation. Malgré les efforts de
certains auteurs, la doctrine universitaire n'a jamais pu proposer de définition véritablement
satisfaisante des SP à service.

Par ailleurs, la thèse des SPA et des SPIC par nature (développée par Matter, commissaire du
gouvernement) se révélait assez peu opératoire et difficile à manier en pratique. Dans la
plupart des hypothèses, il appartenait au juge d'apporter lui-même un certain nombre
d'éléments permettant de distinguer les SPIC des SPA. Le législateur et les autorités
détentrices du pouvoir R peuvent elles-mêmes, sans poser de définition générale, déterminer
au cas par cas si un SP constitue un SPA ou un SPIC. À l'arrivée, la détermination de la nature
d'un SP passe finalement par une démarche en deux temps :

• La première étape consiste pour le juge à s'interroger sur l'existence éventuelle


d'une qualification textuelle. Il arrive en effet que des textes instituant un SP désignent
expressément celui-ci comme un SPA ou un SPIC. Deux hypothèses peuvent se présenter ici :

-Si la qualification émane d'une loi, le juge devra s'y soumettre, quand bien même
cette qualification serait erronée. Exemple : TC, 24 avril 1978, société boulangerie de
Kourou.

-Dès lors que la qualification découle d'un texte à valeur infra-législative, le juge
pourra la contrôler et pourra même dans certains cas procéder au besoin à la requalification
du SP. Il arrive ainsi que le juge considère qu'un EP(etablissement public), expressément
qualifié par un texte d'EPIC (établissement public industriel et commercial), ne gère en réalité
qu'un SPA (TC, 24 juin 1968, société distillerie bretonne). Le JA peut même procéder lui-
même à la qualification de l'EP à partir de la véritable nature de l'activité en question (CE, 4
juil 1986, Berger).
• En l'absence de toute qualification textuelle, il faudra faire application des critères
découlant de la JP. On a été pendant un temps dans l'incertitude puisqu'il a fallu attendre
1956 pour que le juge établisse des critères précis permettant de distinguer les SPIC et les
SPA. Le CE va déterminer des critères d'identification des SPIC fondés sur certaines
analogies entre les activités en question et certaines activités privées. Seront ainsi qualifiés
de SPIC les SP assimilables, à travers leur objet, l'origine de leurs ressources et leurs
modalités de fonctionnement, à des activités exercées par des entreprises du secteur
public (CE, 16 novembre 1956, union syndicale des industries aéronautiques (USIA)). Le CE
pose à travers cette JP le principe de « l'administrativité des SP ». Dès lors qu'un SP est assuré
par une personne publique, son caractère admin sera présumé. Une telle présomption ne
sera renversée que si la ressemblance avec l'activité d'une entreprise privée est établie à partir
des 3 critères. Les 3 critères en question apparaissent comme 3 conditions cumulatives :
-Il importe en premier lieu que l'objet du service, c'est-à-dire les opérations par
lesquelles se concrétise le service en question, soit comparable à celui qui caractériserait une
entreprise commerciale. Dans certains cas, les opérations en question seront identiques à
celles des entreprises privées. Dans d'autres cas, non. Ce critère conduit ainsi à écarter la
qualification de SPIC lorsque l'activité est exercée de façon désintéressée. Tel est le cas
lorsque l'activité a essentiellement pour objet le versement de subventions (TC, 19 novembre
1990, CNASEA). Le caractère industriel et commercial de l'activité pourra être exclu pour des
activités touchant à la préservation de la sécurité publique (TC, 23 fév 1981, Crouzel).

Au contraire, la gestion d'une activité de ramassage des ordures, d'un service de remontée
mécanique, d'un entrepôt frigorifique etc sont toutes susceptibles, par leur objet, de se
rattacher à celles gérées par une entreprise commerciale. Ces activités pourront alors justifier
la qualification de SPIC par leur objet. Le TC a ainsi eu l'occasion de souligner que « le
service de distribution de l'eau est en principe un SPIC » (TC, 2005, Mme Alberti-Scott).

-Il faut ensuite que les ressources reçues pour exercer l’activité en question aient une
origine comparable à celle qui caractérise les ressources d'une entreprise commerciale.
Ce critère laisse moins de place à la subjectivité que les deux autres. Il s'agit ici de vérifier
que le financement du service est assuré dans les mêmes conditions que pour une
entreprise privée. Si les ressources proviennent au moins en bonne partie de redevances
perçues sur les usagers, ce deuxième critère sera considéré comme rempli (TC, 2 décembre
1991, SA de Molitg-les-Bains ; CE, 20 novembre 1998, SCI la Colline). Il en est de même si
les ressources dudit service proviennent en grande partie de recettes publicitaires ou de
recettes de trésorerie. En revanche, ce n'est pas le cas si les ressources consistent en des
subventions (TC, 1994, syndicat mixte d'équipement de Marseille) ou si elles proviennent en
grande partie de recettes fiscales.

-Il faut enfin que les modalités de fonctionnement soient identiques à celles que
l'on rencontre dans une entreprise privée. Les éléments d'appréciation sont ici nombreux et
multiples. En effet, les modalités de fonctionnement concernent ainsi par exemple les
pratiques commerciales, les règles de comptabilité applicables, le système de tarification etc.
De telles modalités de fonctionnement excluent parfois le caractère industriel et
commercial du service. Tel est le cas dans l'hypothèse où tout bénéfice paraît exclu, par
exemple lorsque le service est gratuit (CE, 26 juillet 1930, Benoit). A l'inverse, dès lors qu'un
service bénéficie d'un monopole institué par la loi, on peut considérer qu'il revêt un
caractère administratif. Il en est de même lorsque les modalités d'organisation et de
fonctionnement se caractérisent par un contrôle étroit de l'autorité étatique et par l'application
des règles de la comptabilité publique (TC, 15 déc 2003, préfet du Val d'Oise : SP géré par un
GIP qui revêt d’un caractère administratif).

1re remarque : Les 3 critères qui se dégagent de la JP USIA de 1956 sont en principe
d'application cumulative. Autrement dit, le qualificatif de SPIC ne sera décerné à une activité
de SP que si cette dernière ne diffère en aucune manière de celle d'une entreprise privée au
regard des 3 critères. Si elle s'en écarte pour un seul des critères, la qualité de SPA sera alors
reconnue.
2e remarque : Il résulte d'une telle JP que les SPA sont quant à eux définis de manière
négative puisque ce sont des SPA qui ne répondent pas aux critères dégagés par la JP de 1956.
3e remarque : Le juge judiciaire est également amené à appliquer les critères en question afin
lui aussi de distinguer les SPIC des SPA (CK soc, 10 juil 1995, compagnie des eaux et de
l'ozone).
C- Conséquence de la distinction

En vertu des principes dégagés par la JP, les personnes publiques comme les personnes
privées peuvent aussi bien gérer un SPA qu'un SPIC. Cette réalité est le résultat de deux
crises du SP du début du 20e à l’origine d’une dissociation des éléments organiques et
matériels. C’est la que la situation ce complique , personne publique peut gere un SPA ou
SPIC. Une personne privée peut gere un SPA ou un SPIC . Tirant tous les effets de cette
dissociation, le juge a ainsi admis qu'un EPIC pouvait gérer à la fois un SPA et un SPIC
(TC, 12 novembre 1984, société Interfrost c/ FIOM). La même solution vaut pour un EPA,
qui peut gérer à la fois un SPA et un SPIC (TC, 14 novembre 1960, société Vandroy-
Jaspar). Une solution identique s'applique également aux EP n'ayant aucune qualification
expresse (CE, 1959, Abadie, s'agissant des ports autonomes).
Personne publique → SPA ou SPIC EPA → SPA ou SPIC
Personne privée → SPA ou SPIC EPIC → SPA ou SPIC

La distinction SPA/SPIC emporte des conséquences importantes sur le régime juridique


applicable à l'activité de SP. Les SPIC sont en principe soumis au droit privé et à la
compétence du juge judiciaire alors qu’à l’inverse les SPA sont en principe soumis au DA et à
la compétence du JA. Il arrive que les autorités, lorsqu'elles instituent un SP, tiennent compte
des effets de la qualification dans la qualification elle-même. Elles ont d'ailleurs tendance à
privilégier la qualification de SPIC pour éviter la pesanteur du DA.

La nature du SP doit se combiner par ailleurs avec le statut de son gestionnaire (pers publique
ou privée) pour déterminer le droit applicable et l'ordre juridictionnel compétent. C'est ainsi
que si les SPA sont en principe soumis au droit public et à la compétence du JA, le droit privé
pourra néanmoins s'appliquer lorsque de tels services admin sont gérés par des personnes
privées. Dans une telle hypothèse, le critère organique contribuera à attribuer au juge
judiciaire la compétence pour juger des litiges contractuels et de ceux concernant les actes
unilatéraux n'ayant pas le caractère d'AA. Les SPIC sont pour leur part soumis au droit privé
et ce, quelle que soit la personne publique ou privée qui les gère. Le droit public trouvera
néanmoins à s'appliquer dans certaines hypothèses. De manière générale, 4 séries de situation
peuvent être distinguées. On est face ici à une sorte « d'échelle de l'administrativité des SP».
En réalité, chaque situation se caractérise par une certaine mixité entre les règles de DP et de
DA et une part irréductible d'application du DA est inévitable dès lors que l'activité en
question est un SP.

1 - SPA géré par une personne publique

Il s'agit du noyau dur du DA caractérisé par la combinaison d'un critère organique et d'un
critère matériel. Sans surprise, l'application du DA sera ici quasi-exclusive et va largement
prédominer. Les règles d'organisation des SPA gérés par une personne publique relèvent ainsi
entièrement du DA. De la même manière, le statut du personnel relève aussi pour
l'essentiel du DA, qu'il s'agisse de personnel fonctionnaire ou d'agents contractuels.

Concernant les relations externes du service, le DA va également prédominer. Tel sera le cas
tout d'abord pour les relations entre le SP et les usagers (bénéficiaires du service en question).
Les usagers d'un SPA géré par une personne publique sont presque toujours dans une situation
légale et réglementaire, presque entièrement gérée par le droit public. Les rapports entre le
service et ses usagers seront donc régis par le DA.
Tel sera le cas également pour les rapports entre le service et ses co-contractants. En effet,
une grande partie des contrats passés seront des contrats admin puisqu'ils sont passés par un
gestionnaire public et en vue de la bonne exécution d'une mission de SP.

Tel sera le cas enfin pour les relations entre le service et les tiers (personnes qui n'ont pas de
relations normales avec le service, mais qui peuvent entrer en relation avec en cas d'accident
par exemple). En cas de mise en jeu de la responsabilité du service, les principes issus de
la JP Blanco s'appliquent. Il existe cependant des régimes dérogatoires de responsabilité
qui sont prévus par le législateur (ex : responsabilité du fait des enseignants loi du 5 avril
1937) et qui commandent l'application du droit privé et la compétence du juge judiciaire.

Enfin, les actes unilatéraux adoptés par une personne publique gérant un SPA seront toujours
des actes admin soumis au contrôle du JA.

SPA géré par une personne privée

Cette situation se caractérisera par une application plus importante du droit privé puisque
la nature admin du service se trouve contrebalancée par le statut privé de son gestionnaire. Le
statut de ces organismes relèvera très largement du droit privé en raison des formes de droit
privé retenues.

Le DA peut cependant trouver à s'appliquer lorsqu'est en cause la tutelle exercée par la


collectivité publique (ex : tutelle du ministère du travail sur les caisses de sécurité sociale).
Les relations entre le service et son personnel sont assez largement soumises au droit privé.
Les contrats liant l'organisme de droit privé gérant un SPA et son personnel sont en
principe soumis au droit du travail.

Dans certains cas, des personnels de droit public pourront toutefois être mis à disposition du
service et relèveront du droit public.

Les relations externes du service donneront lieu selon les cas à une application des règles de
DA ou du droit privé. Ainsi, même lorsque le SPA est géré par une personne privée, l'usager
reste le plus souvent dans une situation légale et réglementaire soumise au droit public.

Il peut en aller autrement en cas de dispositions législatives particulières contraires (art L142-
1 et s. du code de la sécurité sociale). Les relations entre le service et ses usagers relèveront
par ailleurs du droit privé. De même les contrats passés seront en principe des contrats
privés.

Les actes unilatéraux non administratifs adoptés par ces organismes seront également soumis
au droit privé et à la compétence du juge judiciaire.
De même, la responsabilité à l'égard des tiers sera en principe régie par le droit privé mais
le droit public peut malgré tout trouver dans certains cas matière à application. La JP a
reconnu la possibilité pour ces organismes privés gérant un SPA d'adopter des AA dans le
cadre de la mission de SP qu'ils gèrent dès lors qu'ils disposent de ppp. Les AA pourront alors
faire l'objet d'un REP devant le JA. La responsabilité extracontractuelle de ces organismes
pourra également être engagée sur le terrain du droit public lorsque le dommage trouve sa
source dans l'exercice des ppp dont bénéficie l'organisme en question dans le cadre de la
mission de SP qui lui est confiée.
De tels organismes sont par ailleurs soumis à des obligations de SP, comme le principe de
continuité ou encore le principe d'égalité entre les usagers devant le SP. Enfin, ces
organismes peuvent bénéficier, dans certains cas, de procédures de droit public (comme
l'expropriation).

SPIC géré par une personne publique

La part du droit privé sera encore plus importante puisque la nature industrielle et
commerciale du service va éclipser en partie la présence d'une personne publique gérant le
service en question. Les règles d'organisation des SPIC gérés par les personnes publiques
relèveront du DA et les actes admin unilatéraux relatifs à l'organisation du service seront des
actes admin soumis à la compétence du JA en cas de litige, sans que l'on ait à s'interroger à
l'existence de ppp. Mais, les actes individuels de gestion du SPIC seront toujours des actes de
droit privé même s'ils proviennent dans ce cas d'une personne publique.

Concernant le statut du personnel, la situation individuelle des agents est d'abord régie par
le droit privé et le personnel des SPIC est ainsi soumis en principe au droit du travail. Mais,
deux catégories d'agents relèvent toutefois du droit public : le directeur du service et le chef
du service de la comptabilité à condition que ce dernier ait la qualité de comptable public
(CE, 1923, De Robert Lafrégeyre et CE, 1957, Jalenques de Labeau).

Les normes R définissant le statut des personnels des SPIC relèvent par ailleurs du DA et les
relations externes du service donnent également lieu à une application assez importante des
règles de droit privé. Ainsi, les relations entre le service et ses usagers relèveront pour
l'essentiel du droit privé. L'usager d'un SPIC est en effet dans une situation contractuelle
relevant du droit privé. Les conflits les opposant à l'autorité gestionnaires relèveront du droit
privé et de la compétence du juge judiciaire, y compris dans l'hypothèse d'un dommage de
travaux publics, qui justifie habituellement la compétence du JA (TC, 24 juin 1954, Dame
Galland).

Par ailleurs, les contrats passés avec les usagers d'un SPIC sont par ailleurs toujours des
contrats de droit privé, et ce même s'ils comportent des clauses exorbitantes du droit commun
(CE, 13 oct 1961, établissements Companon-Rey). Une situation similaire prévaudra pour les
relations entre le service et les tiers. Les dommages causés par les SPIC à des tiers relèveront
en principe du droit privé, sauf dans le cas particulier des dommages de travaux publics (CE,
25 avril 1958, Dame veuve Barbaza). L'action en responsabilité sera par ailleurs portée devant
le JA, et ce en application des règles du DA, dès lors que le dommage trouve sa source dans
un AA adopté par la personne publique gestionnaire du SPIC. Les contrats passés avec les
tiers relèveront par ailleurs souvent du DA et de la compétence du JA dès lors que le critère
organique se trouve rempli et dès lors que le contrat a bien été conclu en vue de l'exécution de
la mission de SP ou comporte des clauses exorbitantes.
SPIC géré par une personne privée

Cette dernière situation est sans doute celle qui relève le plus d'un régime de droit PRIVÉE
puisque l'élément organique se cumule avec la nature industrielle et commerciale du
service. A ce titre, le régime applicable sera en quelque sorte doublement privé. . A ce titre,
le régime applicable sera en quelque sorte doublement privé. Le droit privé va donc très
largement prédominer et l'essentiel des litiges sera de la compétence du juge judiciaire.

Cependant, l'organisme de droit privé est bien chargé d'une mission de SP et peut, dans
certains cas, être doté de ppp. A ce titre, le droit public s'applique toujours dans certains
cas. C'est ainsi que les actes pris par l'organisme seront en principe des actes de droit privé,
particulièrement pour tout ce qui touche à la gestion du service. Toutefois, un organisme de
droit privé gérant un SPIC peut dans certains cas adopter des actes admin, dont seul le JA
pourra connaître, et ce en vue de l'organisation du service dont il a la charge, dès lors qu'il est
bien détenteur de ppp. La seule hypothèse en cause ici concerne les décisions réglementaires
touchant à l'organisation du SP, qui seules peuvent obtenir la qualification d'actes
admin, en vertu de la JP découlant de l'arrêt TC, 15 janv 1968, Compagnie Airfrance c/
Epoux Barbier.
Pour le reste, l'essentiel des solutions exposées précédemment s'appliquent également ici. Il en
va ainsi des relations entre le service et ses usagers qui relèveront du droit privé. Les mêmes
règles s'appliqueront également en matière de responsabilité extracontractuelle. En particulier,
en cas de dommage causé à un tiers, la mise en jeu de la responsabilité de la personne
privée gestionnaire du SPIC relèvera du droit privé et de la compétence du juge
judiciaire, sauf si le dommage en question trouve sa source dans l'usage de ppp. Dès lors que
la gestion du SPIC est confiée à une personne privée, certaines solutions valables dans
l'hypothèse précédente ne peuvent trouver à s'appliquer. Par exemple, les contrats conclus
avec les tiers relèveront en principe du droit privé et de la compétence du juge judiciaire
puisque le critère organique fait ici défaut. De même, le personnel des SPIC gérés par des
personnes privées relèvera entièrement du droit privé, sans aucun cas particulier. De manière
assez exceptionnelle, des personnels de droit public pourront cependant être mises à
disposition des personnes privés gérant un SPIC. Tel a été le cas pour France Télécom qui
gère un SPIC. Lors de la transformation du statut de France Télécom, certains agents ont
conservé leur statut de fonctionnaire.

CHAPITRE 2 : LE RÉGIME JURIDIQUE DES SP

La qualification de SP déclenche l'application d'un certain nombre de principes juridiques qui


forment leur régime juridique. Ce régime est très largement fractionné, dès lors que des
règles différentes s'appliquent selon la nature du service et de l’autorité de la personne
gestionnaire. Au-delà de ces différences, des règles communes vont fédérer l'ensemble des
SP. Ce régime juridique général porte sur la création et la suppression des SP, leur gestion et
les « lois » applicables aux SP.

Section 1 - La création et la suppression des SP


La création et la suppression d'un SP est le résultat d'une décision de l'autorité publique. Si
une personne privée peut se voir confier une activité de SP, elle ne peut pas décider elle-même
la création d'un SP. L'autorité publique dispose d'une liberté encadrée en la matière. La
création et la suppression passe nécessairement par un acte formel. Mais le CE admettait dans
certains cas que l'autorité gestionnaire d'une activité d'intérêt général soit soumise au régime
juridique d'un SP (CE 1932, société des autobus antibois) → SP virtuels.

§1- les regles de competence

A. Les SP de l’État

La présentation des règles de compétence se réduit ici, pour l’essentiel, à une question pratique : qui du
législateur ou de l’autorité réglementaire peut créer, organiser ou supprimer un SP de l’État ? Une telle question
a reçu dans le temps des réponses variables. Avant l’entrée en vigueur de la C58, on estimait qu’un SP ne pouvait
être créé ou supprimé qu’en vertu d’une loi. Une telle solution, qui ne découlait pas expressément de la lettre des
textes, se justifiait par le fait que la création d’un SP entraîne des limitations à la liberté individuelle. Tel est le
cas, en particulier, lorsque le SP est érigé en monopole, lorsqu’un SPIC vient concurrencer l’initiative
privée, ou encore lorsqu’un SPA impose des sujétions aux administrés. Seul l’acte législatif, considéré
comme plus protecteur des libertés publiques, pouvait donc consacrer la création ou la suppression des SP. Cette
compétence exclusive du législateur se justifiait par ailleurs par la conception même de loi, conçue comme
l’expression première de la volonté générale. La création d’un SP au niveau national ayant de multiples
conséquences, en particulier financières et budgétaires, le législateur devait nécessairement en conserver la
maîtrise. Sous l’égide des Constitutions antérieures, la jurisprudence du CE veillait d’ailleurs avec une attention
toute particulière au respect de cette « règle ». Le JA a
ainsi considéré comme illégale la création d’un service de fabrication de cartouches de chasse, une telle création
n’ayant pas fait l’objet d’une « autorisation législative expresse » : C.E., Section, 13 novembre 1953, Chambre
syndicale des industries et du commerce des cartouches de chasse.

Avec l’entrée en vigueur de la C58, les choses ont quelque peu évolué. On admet désormais que la plupart des
SP puissent être créés par voie réglementaire.

Notre C actuelle ne contient d’ailleurs aucune disposition réservant expressément à la loi la création de SP.
Cependant, certains articles du texte constitutionnel semblent implicitement et indirectement consacrer la
compétence exclusive du législateur pour la création et la suppression de certains SP :

-Tel est le cas tout d’abord lorsqu’un SP national déterminé doit être assuré par un ou des EP constituant une
« catégorie » au sens de l’art 34C. L’art 34 C58 affirme en effet qu’il appartient au législateur de fixer « les
règles concernant […] la création de catégories d’EP ». L’institution d’une nouvelle catégorie d’EP relève ainsi
de la compétence exclusive du législateur. En revanche, la création de divers EP au sein d’une catégorie
préétablie s’opère par décret. [Ainsi, par ex, la catégorie des universités relève du législateur, qui a institué les
« EP à caractère scientifique, culturel et professionnel ». A l’intérieur de cette catégorie, un décret peut instituer
une université (art L.711-4 du code de l’éducation).]

-Tel est également le cas, plus largement, lorsque la création d’un SP déterminé touche à l’une des
matières visées par l’art 34C. L’art 34C réserve en effet à la loi, notamment, la fixation des règles concernant
les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, ainsi que la
détermination des principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale, de l’enseignement
et de la sécurité sociale. Des SP rattachés à ces matières déterminées relèvent ainsi de la compétence exclusive
du législateur.

-Enfin, une loi est en principe nécessaire pour les SP dont l’existence est la conséquence de la
nationalisation d’une entreprise privée. En vertu de l’art 34, en effet, la loi fixe les règles concernant « les
nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé ».
Ainsi, en l’état actuel du droit, c’est bien l’autorité réglementaire qui détient, au niveau national, la compétence
de principe en matière de création, d’organisation et de suppression de SP. La compétence n’appartiendra, a
contrario, au législateur que dans les qq hypothèses dans lesquelles de telles opérations mettraient en cause l’un
de ses chefs de compétence découlant de l’art 34C.

Remarque : le jeu des art 34 et 37 C règle surtout la question de la création et de l’organisation des SP de l’Etat.
La suppression de tels services, si elle est possible, relèvera alors, selon les cas, du législateur ou de l’autorité
réglementaire, en vertu du principe de parallélisme des compétences.

Cette compétence de principe du pouvoir réglementaire a d’ailleurs été consacrée par la JP. Confronté à cette
question, le JA vérifie si la création, l’organisation ou la suppression d’un SP de l’État peut avoir un impact sur
l’une des rubriques contenues à l’art 34C. Si tel n’est pas le cas, il confortera la compétence de l’autorité
réglementaire, qui détient bien en la matière une compétence de droit commun ou de principe ; exemple : CE, 17
décembre 1997, Ordre des avocats à la cour d’appel de Paris : « Considérant qu’en vertu des articles 34 et 37 de
la Constitution il appartient au pouvoir réglementaire de fixer les modalités de l’organisation d’un SP de l’État,
sous réserve qu’il ne soit pas porté atteinte aux matières ou principes réservés au législateur » (compétence en
l’espèce de l’autorité réglementaire pour organiser le SP des bases de données juridiques, SP de l’État).

On pouvait en outre se demander si l’existence de certains SP fondamentaux pouvait être garantie à un niveau
supra-législatif et procéder de la C elle-même. Le CC a répondu par l’affirmative, en considérant en 1986 que
« la nécessité de certains SP nationaux découle de principes à valeur
constitutionnelle ». Le juge constitutionnel fait ainsi allusion à des SP dont l’existence et le fonctionnement
seraient « exigés par la C » : CC, 25 et 26 juin 1986, Privatisations. Le juge constitutionnel s’est notamment
appuyé sur les dispositions de l’alinéa 9 du Préambule de 1946, en vertu duquel « tout bien, toute entreprise,
dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un SP national ou d’un monopole de fait, doit devenir la
propriété de la collectivité ». Si les notions de « SP national » et de « monopole de fait » ne sont pas faciles à
identifier, on peut estimer que les activités essentielles de l’État doivent être maintenues par le législateur dans le
secteur public. Existe ainsi une catégorie de « SP constitutionnels », auxquels seul le Constituant lui-même
pourrait toucher (le CC indique d’ailleurs, dans la décision de 1986, que « si la nécessité de certains SP
nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, la détermination des autres activités qui
doivent être érigées en SP national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon
les cas »). Si le juge constitutionnel ne donne pas la liste de ces « SP constitutionnels », on considère
généralement que tels SP embrassent l’ensemble des activités régaliennes de l’État : défense nationale, maintien
de l’ordre public, justice, etc.

Trois grandes catégories de SP coexistent ainsi au niveau national :

- SP constitutionnels, qui ne peuvent être créés, modifiés ou supprimés que par une révision de la C
- SP de rang législatif, qui ne peuvent être institués, modifiés ou supprimés que par le législateur
-SP de nature réglementaire, qui peuvent être librement créés ou supprimés par les autorités détentrices du
pouvoir réglementaire.

L’immense majorité des SP relève aujourd’hui, au plan national, de la compétence réglementaire, les deux
autres catégories occupant une place plus résiduelle (et parfois ambiguë : on ne sait pas, notamment, ce qu’est
exactement un SP constitutionnel).

B. Les SP locaux
La création, l'organisation et la suppression des SP locaux obéissent à des principes relativement simples.
L'initiative appartient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité décentralisée (conseil municipal,
général, régional). Chaque assemblée doit régler « les affaires locales », et ce en vertu de la clause générale de
compétence. Dans certains cas, la création des SP locaux s'opérera également sur habilitation du législateur, qu'il
s'agisse de SP facultatifs ou obligatoires. En effet, les assemblées délibérantes locales devront simplement
respecter la répartition des compétences entre l’État et les diverses collectivités décentralisées. La suppression
de tels SP locaux s'opérera selon les mêmes principes applicables à leur création. L'organe exécutif au niveau
local (maire, président du conseil général, président du conseil régional) disposera ensuite d'un pouvoir
d'organisation interne. Le JA veille à cette répartition des compétences entre assemblée délibérante et organe
exécutif, et pourra annuler une décision de l'organe exécutif procédant à la création ou à la suppression d'un SP
local (CE, 1995, Ville de Paris).

II - Les degrés de contrainte

Certaines contraintes pèsent sur les personnes publiques qui ont l'initiative de la création ou
de la suppression des SP. Ces contraintes seront d'autant plus fortes que certains textes
imposent parfois la création d'un SP, ils seront obligatoires. En dehors de cette hypothèse, un
principe de liberté gouverne la création et la suppression des SP. A cet égard, le législateur ou
les autorités réglementaires disposent d'un véritable pouvoir discrétionnaire en matière de
création des SP. Ainsi, pour le CC, « la détermination des activités qui doivent être érigées en
SP national est laissée à l'appréciation du législateur ou de l'autorité réglementaire selon les
cas » (CC, 25 et 26 juin 1986, privatisation). Pour le CE, l'autorité compétente peut toujours
renoncer à exercer son pouvoir de création (CE, 9 mars 1951, ville de Villefranche sur Saone)
et peut décider à tout moment de la suppression d'un SP (CE,27 janvier 1961, sieur Vannier).
Cette distinction entre contrainte et liberté conduit à opposer les SP obligatoires aux SP
facultatifs. La liberté en question, si elle existe,
est à certains égards largement apparente et s'avère en réalité encadrée. Même lorsque la
personne publique est libre d'instituer un SP, un certain nombre d'impératifs juridiques
s'imposent à elle. (Le pouvoir discrétionnaire n’est un pouvoir arbitraire).

A. Les SP obligatoires

Le pouvoir discrétionnaire en matière de création de SP laisse parfois la place à une


compétence encadrée, voire liée. En effet, l'autorité compétente peut être dans certains cas
tenue de créer des SP. Cet impératif découle alors de règles juridiques supérieures qui
s'imposent à la personne publique.

Cette création obligatoire peut tout d'abord résulter du constituant lui-même. L'al 9 du
préambule 1946 impose ainsi la conservation dans le secteur public de toute activité
présentant les caractères « d'un service publique national » ou d'un « monopole de fait ».
Cette disposition prise au sens strict n'a pourtant pas d'impact direct sur la création des SP
mais sur la gestion des SP. En effet, elle impose la nationalisation d'un SP qui aurait le
caractère d'un SP national et exclut ainsi sa privatisation. Le CC a précisé les effets de cette
disposition en délimitant les SP nationaux insusceptibles de privatisation. Sont ainsi seuls
protégés par l'al 9 les SP nationaux dont la nécessité découle de principes ou de règles à
valeur constitutionnelle (décision privatisation). Si le CC n'apporte aucune précision sur
cette catégorie de SP, on peut considérer que sont ici visés l'ensemble des SP régaliens.
En dehors de cette hypothèse, il arrive également que la création de SP soit imposée par des
conventions internationales. C'est le cas notamment en matière de contrôle aérien ou de
protection des réfugiés et apatrides.

Plus fréquemment encore, l'obligation de créer et de gérer des SP procède de la volonté du


législateur. Dans ce cas, cette obligation s'imposera surtout aux collectivités infra-étatiques,
notamment aux CT. Ainsi, le législateur peut, sans remettre en cause le principe de libre
administration des CT, imposer la création et l'organisation de SP aux CT. C'est ainsi que les
communes sont tenues de prendre à leur charge les services d'entretien de la voirie ou les
services d'enlèvement des ordures. De même, la loi impose aux départements de gérer
différents services d'aide sociale ou encore la construction et l'entretien des collèges.

B - Les SP facultatifs ( regarde polycopie celene)

Dans la grande majorité des cas, la création de SP obéira à un principe de liberté. On parlera alors de SP
facultatifs, par opposition aux SP obligatoires, dont la création et le maintien sont exigés par les règles
juridiques. La liberté ici évoquée n’est pourtant pas absolue. Elle se heurte en effet à un certain nombre de
contraintes, qui se manifestent tout autant pour les SP nationaux que pour les SP locaux.

S’agissant des SP locaux, leur création dépendra dans la grande majorité des cas d’une appréciation des
collectivités concernées sur les besoins locaux à satisfaire par le biais de prestations de SP. Il revient même à la
CT concernée de choisir entre les différents modes de gestion de SP prévus par la loi : la « gestion directe »
(en régie), ou encore la gestion déléguée (à travers une convention de délégation de SP).

Pour autant, la faculté des CT – comme des collectivités publiques en général – d’ériger certaines activités en SP
se trouve limitée, en fait comme en droit, par le principe selon lequel les personnes publiques ne peuvent faire
concurrence aux personnes privées. Un tel principe, parfois dénommé « Principe de non concurrence entre
personnes publiques et personnes privées », découle directement de la très classique Liberté du commerce et de
l’industrie, elle-même consacrée par le Décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791. De telles limites n’ont pourtant
pas empêché les interventions économiques de collectivités publiques de se multiplier au cours du temps.
D’abord
sévère à leur égard, la JP du CE s’est considérablement assouplie, pour les admettre finalement de plus en plus
fréquemment. Les principes JP encadrent pourtant toujours de telles interventions, qui revêtent, presque par
principe, une dimension subsidiaire ou palliative. Dès lors que l’initiative privée permet de satisfaire
correctement un besoin d’intérêt général, toute intervention publique qui consisterait dans la création d’un SP
concurrent serait en effet illégale (ce principe valant tout autant pour les SP nationaux que pour les SP locaux,
même si la JP est beaucoup plus fournie à l’égard de ces derniers).

Entre la fin du 19e et le début du 20e, les communes ont eu tendance à créer de nombreux SP en vue de l’exercice
de professions libérales ou d’activités industrielles et commerciales. Ce phénomène est resté célèbre dans
l’histoire sous le nom de « socialisme municipal ».

La JP du CE, irriguée par les idées libérales très prégnantes à l’époque, fut dans un premier temps extrêmement
hostile à ce type d’intervention des communes. La Haute juridiction administrative a ainsi jugé que seules des
« circonstances exceptionnelles » pouvaient justifier légalement la création de SP susceptibles de venir
concurrencer les activités privées : CE, 29 mars 1901, Casanova (illégalité en l’espèce d’une délibération du
conseil municipal de la commune d’Olmeto ayant décidé la création d’un poste de médecin communal rémunéré
sur le budget de la commune).

Par la suite, deux décrets du 5 nov 1926 et du 28 déc 1926 (décrets « Poincaré ») favorisèrent, dans le contexte
de pénurie et de difficultés économiques propre à l’immédiat après-guerre, les interventions économiques des
communes. Ces textes leur offraient notamment la possibilité d’exploiter directement « des services d’intérêt
général à caractère industriel et commercial ».
Le CE donna pourtant, dès 1930, de ces deux textes une interprétation restrictive, voire neutralisante, en
estimant qu’ils « n’ont eu ni pour objet, ni pour effet, d’étendre en matière de création de SP communaux, les
attributions conférées aux conseils municipaux par la législation antérieure » : CE, Section, 30 mai 1930,
Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (en l’espèce, le conseil municipal de la ville de Nevers
avait, par plusieurs délibérations, et pour lutter contre la montée du coût de la vie, créé un SP municipal de
ravitaillement en denrées de toutes sortes. Subissant de plein fouet la concurrence de ce nouveau SP, les
commerçants de la ville ont saisi le Préfet de diverses plaintes. Ce dernier refusa d’y donner suite, et ce refus fut
déféré au CE. Dans un considérant de principe, le CE estime que « les entreprises ayant un caractère commercial
restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée et que les conseils municipaux ne peuvent ériger des
entreprises de cette nature en SP communaux que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu,
un intérêt public justifie leur intervention en cette matière ». En l’espèce, les « circonstances de temps et de
lieu » ne justifiaient pas, pour le CE, la création par la ville de Nevers d’un SP de ravitaillement. )

Bien que maintenant le principe de l’interdiction de l’intervention économique des communes, l’arrêt de 1930
constitue une indéniable avancée par rapport à la solution retenue en 1901 par le Conseil dans l’arrêt Casanova.
Il est en effet admis, par exception au principe précité, qu’une commune peut ériger en SP une activité
commerciale, sous réserve que deux conditions soient remplies :
-l’existence d’un besoin public à satisfaire
-la carence de l’initiative privée.

Pourtant, le principe reste que les communes ne peuvent concurrencer l’initiative privée en érigeant des activités
économiques en SP. Un tel principe se justifie par le fait que les personnes publiques fausseraient la concurrence
sur le marché, en usant notamment de leurs ppp.

Les interventions économiques des CT ont par la suite été favorisées grâce à des assouplissements importants
de la JP :
-Le JA a tout d’abord considérablement assoupli les critères posés en 1930, en interprétant notamment de
manière extensive la notion de « besoin public à satisfaire » : le CE a ainsi admis, par exemple, que devaient
être pris en compte aussi bien les besoins de la population résidente que ceux des personnes de passage ; ex :
C.E., 17 avril 1964, Commune de Merville-Franceville (prise en compte des besoins de la population estivale –
vacanciers – pour créer un camping municipal).
La JP a enfin admis qu’une personne publique avait la possibilité de satisfaire par ses propres moyens aux
besoins de ses services, sans que l’on puisse lui opposer le « principe de la liberté du commerce et de
l’industrie » ; ex : C.E., 29 avril 1970, Société Unipain (possibilité pour une boulangerie militaire de fournir du
pain à des établissements pénitentiaires). Cette possibilité, affirmée depuis longtemps par la JP, a fait l’objet
d’une consécration solennelle beaucoup plus récente : C.E, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de
l’image et autres (le CE indique clairement dans cet arrêt que « ni la liberté du commerce et de l’industrie, ni le
droit de la concurrence ne font obstacle à ce » que les personnes publiques « décident d’exercer elles-mêmes, dès
lors qu’elles le font exclusivement à cette fin, les activités qui découlent de la satisfaction » de leurs besoins,
« alors même que cette décision est susceptible d’affecter les activités privées de même nature ». Les agents
chargés de l’instruction des demandes de passeports peuvent donc légalement prendre eux-mêmes des clichés
numériques du visage des demandeurs ne fournissant pas de photographie d’identité, quand bien même ce
dispositif aurait pour conséquence de priver les professionnels de la photographie d’une partie de leur activité
liée à la réalisation des photographies d’identité exigées pour l’établissement des passeports.)

Le JA continue cependant à faire application des critères JP posés en 1930 pour contrôler les interventions
économiques des collectivités publiques (et notamment territoriales) ; ex : C.E., 20 novembre 1964, Ville de
Nanterre (concernant l’ouverture d’un cabinet dentaire municipal, le CE constate l’existence d’un « intérêt
public local ». Il souligne par ailleurs l’insuffisance de l’initiative privée (carence de l’équipement hospitalier et
nombre insuffisant de praticiens privés). La Haute juridiction a enfin été sensible au fait qu’une bonne partie de
la population était composée de salariés modestes, et que la création dudit cabinet permettait ainsi à cette partie
de la pop d’accéder aux soins dentaires. Pour toutes ces raisons, le CE admet l’ouverture du cabinet dentaire
municipal.)

La JP Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers est ainsi toujours d’actualité. Le JA n’hésite pas à
sanctionner les interventions économiques des collectivités publiques ne répondant pas aux critères posés par la
JP ; ex : C.E., 4 juillet 1984, Département de la Meuse contre Poilera : « s’il peut appartenir exceptionnellement
aux administrations locales d’intervenir pour la satisfaction des besoins essentiels de la collectivité en cas de
défaillance ou d’insuffisance manifeste de l’initiative privée, une telle circonstance ne se rencontre pas en
l’espèce, de nombreuses sociétés d’assurance exerçant leur activité dans le département ».
La JP récente montre cependant que le juge exerce une analyse beaucoup plus fine sur les critères découlant de
l’arrêt Chambre syndicale, quitte à s’en affranchir parfois :
- le critère tenant à la carence de l’initiative privée est ainsi apprécié tant d’un point de vue quantitatif (ce
qui va dans le sens de l’arrêt de 1930) que d’un point de vue qualitatif. Le CE a ainsi considéré que la création
d’un dispositif départemental de téléassistance pour les personnes âgées handicapées ne portait pas atteinte à la
liberté du commerce et de l’industrie, malgré la présence de sociétés privées offrant des prestations de
téléassistance : il souligne qu’un tel SP, « ouvert à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département,
indépendamment de leurs ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local »
(C.E, 3 mars 2010, Département de la Corrèze).

- La recherche d’un intérêt public susceptible de justifier l’intervention publique ne se réduit plus, en outre, à la
seule identification d’une carence de l’initiative privée (serait-elle qualitative). La JP récente témoigne de ce
que, de plus en plus, tout intérêt public est susceptible de fonder l’intervention publique : C.E., 31 mai 2006,
Ordre des avocats au barreau de Paris (le CE note que pour intervenir sur un marché, les personnes publiques
« doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public,
lequel peut résulter notamment de la carence de l’initiative privée »).

L’évolution récente confirme ainsi les tendances entrevues dès la seconde partie du 20e : la JP admet de plus en
plus les interventions des personnes publiques dans la sphère économique.

Apparaît pourtant, à ce stade, une nouvelle contrainte d’ordre juridique, qui émerge plus particulièrement depuis
quelques années, sous l’influence du DUE et du droit français de la concurrence. Dès lors en effet que
l’intervention économique des collectivités publiques est admise, celle-ci doit se faire « à égalité » avec les
opérateurs privés. Les personnes publiques doivent alors respecter les règles de concurrence et renoncer, en
particulier, à tout usage de leurs ppp (qui fausserait la concurrence sur les marchés).

On passe ainsi, en quelque sorte, du Principe de non concurrence entre personnes publiques et personnes privées
au Principe d’égale concurrence entre personnes publiques et personnes privées (l’assouplissement
progressif du principe de non concurrence allant finalement historiquement de pair avec l’affirmation et
affermissement du Principe d’égale concurrence).

Ce principe d’égale concurrence, dont l’émergence est relativement récente, apparaissait déjà en filigrane dans
la JP du CE il y a quelques décennies ; ex : C.E., 23 juin 1965, Société aérienne de recherches minières. Il a
cependant fait l’objet d’une consécration beaucoup plus explicite dans la JP récente : C.E., Assemblée, 31 mai
2006, Ordre des avocats au barreau de Paris.
Section 2 - La gestion des SP ( document en ligne sur celene )

La mise en œuvre d'une activité de SP initialement instituée passe également par la


détermination préalable d'un mode de gestion approprié. Au contraire de la création des SP,
qui appartient exclusivement aux pers publiques, leur gestion obéit à davantage de souplesse
puisque les missions en question peuvent tout aussi bien être confiées à des personnes
publiques qu'à des personnes privées. Cette gestion des activités de SP incombait initialement
à l’État et aux CT. Dès la seconde partie du 19e, le développement des premiers EP et le
recours à la technique de concession de SP change la donne. A partir de là, trois grands
modes de gestion des SP émergent : la gestion directe, la gestion déléguée par contrat à
une personne privée, l'EP (personne publique spécialisée chargée d'une mission de SP). Ce
tableau d'ensemble ne rend pas totalement compte de la réalité en matière de gestion des SP.
Au cours du 20e, on a assisté à une diversification et multiplication des SP. Cela a été à
l'origine d'une grande variété des modes de gestion. Il existe à la fois des modes classiques et
des modes plus contemporains.

I - Les modes de gestion classiques

3 grands modes de gestion des SP émergent traditionnellement. 2 d'entre eux apparaissent


comme des modes de gestion publique, qu'il s'agisse de la gestion par la personne publique
elle-même ou de la dévolution d'une mission de SP à un EP spécialement créé à cette fin.
L'absence ou l'existence d'une personnalité morale au profit de l'organisme gestionnaire
apparaît alors comme un critère permettant de distinguer ces 2 modalités de gestion
publique, l'EP ayant la personnalité morale au contraire du SP géré directement par la
personne morale. La concession de SP apparaît par ailleurs depuis le 19e, comme un mode
traditionnel de dévolution par contrat d'une mission de SP à un organe de droit privé. Cette
technique de la concession est aujourd'hui insérée dans une catégorie plus large : celle des
délégations de SP. Les textes plus récents remettent en avant cette notion de concession.

A. La gestion directe

La gestion directe apparaît depuis longtemps comme le mode de gestion classique des
activités des SP le plus important et le plus usuel. Dans cette hypothèse, la personne
publique assure et assume seule la mission de SP, et ce sans recourir par une logique de
délégation, d'externalisation, à une personne extérieure ou à un organisme tiers. Comme l'a
rappelé le CE récemment, toute personne publique peut répondre par ses propres moyens aux
besoins résultant de ses missions, sans avoir à recourir aux prestations et fournitures de tiers et
sans que puisse y faire obstacle le principe de liberté du commerce et de l'industrie (arrêt
association pour la promotion de l'image et autres). La régie, au sens de régie simple,
apparaît comme le mode de gestion directe par excellence. Elle caractérise ainsi la gestion
de très nombreux SP, tant au niveau national que sur le plan local. Dans cette hypothèse, la
pers publique répond elle-même à ses propres besoins en gérant directement la mission ou
l'activité de SP, et ce à travers ses propres moyens humains, matériels, juridiques, financiers,
techniques, mobiliers et immobiliers. Les services en régie ne disposent en principe d'aucune
autonomie. En particulier, ils ne bénéficient pas de la personnalité morale et dépendent par
ailleurs étroitement de la personne publique sur le plan budgétaire et financier. Cela se traduit
par l'absence de budget propre. En effet, les dépenses de fonctionnement du service relèvent
du budget général de la collectivité publique. La régie connaît quelques variantes qui
l'éloignent parfois quelque peu du modèle initial.
-Certains services des CT se caractérisent tout d'abord par une certaine autonomie financière
et comptable. Dans ces cas de figure, le service dispose d'un budget propre, annexé à celui de
la CT. On parle dans ce cas de régie autonome, instituée par une délibération de l'assemblée
locale.

-Coexistent également des régies personnalisées, dotées d'une personnalité morale propre,
distincte de celle de la CT. En réalité, ces régies s'assimilent à des EP locaux. C'est ce
qu'indique l'art L.2221-10 CGCT. Ces régies personnalisées sont instituées par une
délibération de l'organe délibérant de la CT concernée et s'assimile dans leur organisation à
tout EP. Elles vont être administrées par un conseil d'administration et un directeur.

-La régie intéressée ne constitue pas à proprement parlé une régie, mais s'assimile davantage
à une délégation de SP. Le régisseur est d'ailleurs rémunéré en fonction des résultats de
l'exploitation.

-Selon le CE, relèvent également de la gestion directe, les hypothèses dans lesquelles la
mission de SP est confiée à une pers publique dotée de la personnalité morale mais placée
dans une étroite dépendance de la politique publique, au point d'apparaître comme un service
de cette dernière (CE, 2007, commune d'Aix-en-Provence). Ce cas de figure se rencontre
lorsqu'une collectivité publique exerce sur l'organisme en question un contrôle analogue à
celui qu'elle exercerait sur ses propres services. Ce rattachement de quasi-régie aux
hypothèses de gestion directe va permettre alors de faire échapper les contrats passés dans ce
cadre aux contraintes de publicité et de mise en concurrence qui s'appliquent aux contrats de
délégation de SP.

B. La gestion déléguée

La gestion déléguée est une modalité de gestion des SP consistant essentiellement à confier
par contrat l'exécution d'une telle mission à un délégataire privé qui pourra alors se rémunérer
sur les bénéfices de l'exploitation et sur les usagers. Le recours à une pers privée permet ainsi
de distinguer la gestion déléguée de l'EP et de la régie, dans lesquels une personne publique
assure directement la gestion du SP. Par ailleurs, à la différence d'autres contrats associant les
pers privées à l'admin, le délégataire se trouve par ailleurs ici directement impliqué dans
l'exécution d'une mission de SP à travers les charges qui pèsent sur lui et les bénéfices qu'ils
pourra percevoir.

La technique de la concession de SP incarne historiquement ce mode de gestion. Il s'agit


d'une modalité de gestion d'un SP qui permet à une personne publique, le concédant, de
confier par contrat à une personne privée, le concessionnaire, le soin de faire fonctionner à ses
frais le service tout en bénéficiant en contrepartie de la possibilité de se rémunérer sur les
usagers du service. La concession a été particulièrement en vogue au 19e. A l'époque, son
utilisation exprimait sur le plan idéologique la prégnance des idées libérales et l'hostilité des
collectivités publiques à investir certaines activités, qu'il paraissait plus naturel de confier à
des personnes privées. C'est pour ces raisons, aux 19e et 20e, que l’État a concédé la
construction des réseaux de transport de la distribution de l'électricité.
Le développement de l’État social et interventionniste a contribué au déclin du procédé au
cours du 20e : l’État préfère reprendre à sa charge certaines activités. Cette technique
n'appartient pas pour autant au passé et connaît même un certain regain d'intérêt sous l'effet
du renouveau des idées libérales. Cette technique est notamment utilisée pour l'exploitation
des autoroutes ou des parcs de stationnement souterrains. Cette technique présente, il est vrai,
bien des avantages pour la pers publique concessionnaire qui n'aura pas à financer
directement sur son budget propre la construction et l'exploitation d'ouvrages publics et la
gestion des SP qui leur sont liés. Dans cette hypothèse, le concessionnaire assurera la charge
en question en percevant en contrepartie les résultats de cette exploitation. C'est la raison pour
laquelle ces concessions sont généralement attribuées pour une période longue (30 à 50 ans).
Certes il s'agit d'une modalité de gestion d'un SP mais le concessionnaire doit trouver son
intérêt sur le plan financier dans la gestion de ce SP (rentrer dans ses frais puis dégager des
bénéfices). Cela inclut donc des charges, des obligations qui font que c’est un SP. Parfois face
à ces groupes industriels, l’État peut se trouver en situation de faiblesses, car ce qui importer
c’est la puissance économique.

Existent par ailleurs d'autres modes de gestion déléguée tels que l'affermage et la régie
intéressée, qui se distinguent de la concession par la nature des droits et des obligations entre
les parties au contrat.

L'affermage est un contrat par lequel une personne publique confie à l'un de ses partenaires,
le fermier, la gestion à ses frais et risques d'un ouvrage nécessaire au bon fonctionnement d'un
SP en contrepartie de la possibilité de se rémunérer à travers des redevances perçues sur les
usagers. Contrairement au contrat de concession, le fermier ne participe pas à l'édification des
ouvrages servant de support à l'activité de SP. Il est en revanche tenu de verser lui-même une
redevance à la personne publique propriétaire de l'ouvrage. Ce procédé est encore parfois
utilisé, notamment par la perception par les communes des droits de place dans les halles et
marchés.
La régie intéressée n'est pas une véritable régie, mais un contrat par lequel la gestion d'un SP
est confiée à un régisseur agissant pour le compte de l'admin et rémunéré à travers une
redevance versée par cette dernière dont le montant dépend de la qualité de la gestion. La
personne publique perçoit les bénéfices du service.
Ces modes de gestion déléguée font partie de la catégorie de la délégation de SP instituée par
le législateur. Sans remettre en cause le principe de la liberté de choix du délégataire par la
personne publique, la loi Sapin du 29 janvier 1993 soumet la concession de tels contrats à des
obligations de publicité et de mise en concurrence. C'est le mode de rémunération du co-
contractant qui permet de distinguer la délégation de SP du marché public.
Même déléguée par contrat, la gestion de l'activité implique dans tous les cas un certain
nombre d'obligations à la charge du délégataire en raison de l'existence d'un SP. Toutes les
règles liées au régime juridique du SP lui sont appliquées. L'administration doit être en
mesure de fixer les obligations de sp à la charge du délégataire et d'en contrôler le respect.

C. L'établissement public
L'EP constitue le 3e grand mode de gestion d'un SP. Plutôt que de prendre à sa charge une
activité de SP ou d'en confier la gestion par contrat à un délégataire public ou privé, la
personne publique peut décider d'instituer un organisme public spécialisé qui sera alors
chargé de la gestion d'un SP. Ici, le principe de la gestion publique est maintenu alors que le
service bénéficie d'une certaine autonomie de gestion à travers la dévolution d'une personne
morale distincte de l’État et des CT. L'EP apparaît comme une personne publique spécialisée
distincte de l’État et des CT, tout en y étant
rattaché, à laquelle est confiée une mission de SP spécifique. Plusieurs éléments permettent
d'identifier l'EP :
-l'existence d'une personnalité morale de droit public, synonyme d'autonomie (sans
cette qualification l’EP ne sera pas qualifié de SP)
-la gestion d'un SP, qui est le propre de la quasi-totalité des EP. De manière très rares,
certaines entreprises privées qui avaient le caractère d'un EP ne bénéficiaient pas de la gestion
d'une mission de SP.
-la soumission au principe de spécialité qui gouverne avec des variantes le
fonctionnement de tout EP, en limitant le champ d'intervention de ces mêmes établissements.
-le rattachement à une personne publique, qui peut être l’État (on parlera alors d'EP
nationaux) ou une CT (EP locaux).
-l'existence d'une tutelle de l’État, qui est le propre de tous les EP, qu'ils soient
nationaux ou locaux.

Ce procédé de l'EP, très employé depuis 1 siècle, a conquis tous les domaines de l'action
publique. Plusieurs types d'EP coexistent aujourd'hui, parmi lesquels les EPA classiques
(lycées, hôpitaux), les EPIC (SNCF, RATP), les EP à caractère scientifique, culturel et
professionnel (EPSCP), les EP territoriaux (communauté de commune). Les recours à l'EP
ainsi que la naissance de personnes publiques spécialisées ou sui generis distinctes
contribuent toutefois à mettre en crise cette catégorie des EP. Malgré cela, le procédé demeure
encore utilisé aujourd'hui.

II - Les autres modes de gestion

Si la régie, la délégation de SP, et l'EP sont encore très employés aujourd'hui, on assiste à une
certaine diversification des modes de gestion des SP, à travers l'habilitation de divers
organismes ou institutions spécialisées privés ou publics.

En dehors des délégations de SP, il arrive que des organes de droit privé soient chargés par
voie d'habilitation unilatérale, en dehors de tout contrat, d'une mission de SP (CE, 1938,
caisse primaire « aide et protection »). Cette modalité s'est développée au cours du 20e, ce qui
est le cas de fédérations sportives qui gèrent de nb missions de SP (arrêt de 74) Nombreuses
sont les personnes morales de droit privé susceptibles de prendre à leur charge en toute ou
partie la gestion d'une mission de service publique. C'est le cas notamment des ordres
professionnels. Depuis quelques années, la forme sociétale est en particulier largement
utilisée. Cette forme permet aux collectivités publiques d'agir à travers des sociétés dont
elles vont contrôler le capital, soit en totalité (sociétés nationales, sociétés publiques locales),
soit en partie (société d'économie mixte). A travers de telles structures de droit privé, l'admin
va pouvoir répondre à des missions de SP tout en contournant les contraintes qui découlent du
DA. Les modes d'habilitation de ces institutions spécialisées de droit privés sont très variées :
habilitation directe, habilitation délivrée par l'admin sur la base de la loi.
Certaines personnes publiques spécialisées autres que les EP peuvent se voir confier une
mission de SP. C'est le cas en particulier des GIP (groupement d’intérêt public)

Section 3 - Les « lois » du SP

Tous les SP, quels que soient leur nature (SPA ou SPIC) ou leur mode de gestion (personne
privée ou publique), ont en commun un certain nombre de règles et de principes qui régissent
leur fonctionnement. Ces règles et principes constituent les « lois » du SP. On parle
également de « lois de Rolland » en hommage à Louis Rolland qui a systématisé ces
principes dans les années 1930.

Ces « lois » désignent des principes juridiques qui s'appliquent même sans texte au
fonctionnement de tous les SP. Trois grandes « lois » du SP peuvent être dénombrées : le
principe d'égalité, le principe de continuité, le principe de mutabilité ou d'adaptation.
S'ajoutaient auparavant à cette liste un 4 ème principe, celui de gratuité des SP. Si
aujourd'hui le législateur impose la gratuité de certains SP (enseignement
primaire/maternelle public), le principe en question a connu un tel nombre d'exceptions qu'il
n'est plus possible aujourd'hui de le présenter comme une « loi » du SP. Le fonctionnement
des SPIC est rétif à l'application d'un tel principe. Même pour les SPA, la JP du CE a refusé de
sanctionner dernièrement les violations d'un principe de gratuité du SP (CE, 1996, société
directe mail promotion). On peut par ailleurs considérer que certains principes en vogue
aujourd'hui, comme celui de transparence de l'action admin, ne peuvent accéder au rang de
lois de SP car l'application de tels principes est encore tributaire de textes. → ce sont des
principe généraux qui s’appliquent à tous les SP en dehors d’une application des textes

I - Le principe d'égalité

Le principe d'égalité apparaît comme un PGD mais aussi comme un PVC (principe à valeur
constitutionnelle) qui va puiser son fondement dans différents éléments du BC. Appliqué au
SP, le principe en question connaît différentes variantes à travers la pluralité des expressions
retenues en JP, qu'il s'agisse du principe d'égalité devant les SP, ou encore du principe d'égalité
qui régit le fonctionnement des SP. Ce principe présente toutefois une certaine unité dans son
contenu et les implications qu'il comporte. Ce même principe connaît par ailleurs dans la
période récente un certain nombre de prolongements, notamment à travers le principe de
neutralité des SP.

A. Contenu et implications du principe d'égalité

Appliqué à la matière, le principe d'égalité a une signification assez claire : le SP doit être
assuré de façon indifférenciée, sans considération des particularismes et des convictions du
personnel et des usagers. Pour les usagers du SP, les implications du principe d'égalité sont
donc évidentes : ces derniers doivent être traités sans discrimination. A ce titre, on peut parler
de principe d'égalité des usagers du SP. Un tel principe a trouvé de nombreuses manifestations
dans la JP du CE, comme l'illustrent les arrêts : CE, 25 juin 1948, société du journal l'Aurore :
le CE considère qu'une disposition réglementaire a pour conséquence de faire payer à des
tarifs différents le courant consommé par les usagers est contraire au principe de l'égalité entre
les usagers du SP et CE, 9 mars 1951, société des concerts du conservatoire : en refusant ses
antennes à cette société, la radiodiffusion française a méconnu le principe d'égalité régissant
le fonctionnement des SP.
Le principe d'égalité des usagers comporte différentes facettes et utilisations. Deux
manifestations :

-égalité devant le SP : cette première dimension du principe d'égalité impose que tous les
usagers aient un égal accès au SP. Par conséquent, il ne peut en principe exister aucune
discrimination entre les usagers dans l'accès au SP. L'arrêt société des concerts du
conservatoire illustre cette question. Le principe est clair mais la rigueur du principe mérite
d'être modulée lorsque la finalité du service impose une restriction à son accès. Affaire
commune de Dreux (CE, 13 mai 1994) : pour le CE, le principe d'égalité des usagers du SP ne
fait pas obstacle à ce que, pour un SP non obligatoire créé par une commune dont l'objet
n'exclut pas que son accès soit réservé à certaines catégories d'usagers, le conseil municipal
restreigne ce service en le limitant à des élèves ayant un lien avec la commune et se trouvant
en conséquence dans une situation différente de l'ensemble des autres usagers potentiels du
service. Mais méconnaît le principe d'égalité un conseil municipal qui limite l'accès à une
école de musique aux habitants de la commune, en refusant l'accès à des élèves bénéficiant
d'un lien suffisant avec la commune, soit parce que leurs parents y travaillent, soit parce qu'ils
y sont scolarisés.
-égalité dans le SP : ce principe impose théoriquement un traitement indifférencié de tous
les usagers ayant eu accès au service en question, ce qui prohibe toute forme de
discrimination. Autrement dit, après avoir pu accéder librement au service, les usagers doivent
bénéficier d'un traitement égalitaire, ce qui suppose en particulier des tarifs identiques (CE,
1948, société du journal l'Aurore). La rigueur d'un tel principe cède souvent dans la pratique.
En effet, si tous les usagers ont un principe un droit d'accès au service, ils ne sont pas
toujours en droit d'exiger en pratique un traitement identique. La JP sur les
discriminations tarifaires illustre ces différences de traitement. Par principe, seuls les SP
facultatifs peuvent faire l'objet de modulations tarifaires. Le JA fait application à cet égard
de principes simples : à situation égale traitement égal ; à situation différente traitement
différent. En application de tels principes, des différences de tarifs ne seront admises que si
elles s'appliquent à des situations différentes. Les discriminations tarifaires doivent être en
lien avec « des différences de situation appréciables ». Le JA va au cours du temps clairement
établir les conditions dans lesquelles les discriminations entre les usagers du sp peuvent
intervenir. Deux hypothèses :

•La discrimination établie est la conséquence nécessaire d'une loi : c'est l'hypothèse dans
laquelle une loi établit des catégories différentes d'usagers. La différence de traitement résulte
donc d'un texte de loi. Le JA ne pourra que l'appliquer (CE, 1987, association recherche pour
une communication nouvelle).

•Si la discrimination n'est pas la conséquence nécessaire d'une loi, elle ne pourra être admise
que dans deux cas de figure :
1 - Si la différence de traitement résulte d'une différence objective de situation,
2 - Si la différence de traitement correspond à un motif d'intérêt général en rapport avec le
service et à la condition qu'elle ne soit pas manifestement disproportionnée. Une condition
supplémentaire joue toutefois ici : la JP exige dans les deux cas que la discrimination soit
légitime et en rapport avec la finalité et le but du SP.
Le CE a eu l'occasion de fixer les principes JP applicables à ces questions, comme le montre
la JP Denoyez et Chorques. (cf TD). Dans ce cas, les habitants de l’ile ont une différence
objective de situation, elle est donc justifiée. Mais elle ne l’est pas pour ceux qui ont une
maison de vacances, qui ne peuvent bénéficier d’un tarif préférentiel. Pour les habitants du
département, il n’y a pas de motifs d’intérêt général justificatifs permettant d’avoir un tarif
préférentiel. Depuis cet arrêt de 1974, la JP a fait application de ces critères :

-Sous réserve que les tarifs les plus élevés demeurent inférieurs au coût de
fonctionnement du service, n'est pas jugé contraire au principe d'égalité le fait que les tarifs
d'une crèche soient fonction du revenu des familles et du nombre d'enfants vivant au foyer
(CE, 1989, centre communal d'action sociale de La Rochelle).
-Est jugée contraire au principe d'égalité une différence de droits d'inscriptions applicable aux
anciens et aux nouveaux élèves d'une école de musique (CE, 1987, commune de Romainville)
-S'agissant de la possibilité de moduler les frais d'inscriptions dans les écoles et les
conservatoires de musique en fonction des ressources des familles, la JP a connu une
importante évolution :
•Fut censurée pour violation du principe d'égalité une différence de tarif en fonction du
quotient des familles (CE,26 avril 1985, ville de Tarbes).
•Par deux arrêts de 1997, le CE va cependant revenir sur cette JP (CE ,29 déc 1997,
commune de Gennevilliers / commune de Nanterre) : les communes avaient fixé les tarifs de
leur école de musique en fonction du quotient des familles. Le CE accepte, au prix d'un
revirement de JP, qu'une telle discrimination puisse être instituée au sein des écoles de
musique. Le CE se fonde sur l'intérêt général qui s'attache à ce que le conservatoires de
musiques puissent être fréquentés par les élèves qui le souhaitent sans distinction de leurs
ressources. Il faut seulement que les droits les plus élevés restent inférieurs au coût de
fonctionnement de l'école (pas de profit possible). La JP du CE permet d'aménager les
différences de traitement pour tenir compte de certaines inégalités économiques et sociales. Il
y a là une manifestation des discriminations positives qui traduisent le
glissement de l'égalité dans le service à l'égalité par le SP. Cette faculté de moduler les tarifs
trouve
cependant ses limites : la JP interdit en particulier de fixer un prix excédant le coût de la
prestation (CE,2 avril 1997, commune de Montgeron).

B. Les prolongements du principe d'égalité : la neutralité des SP


Le principe d'égalité régissant le fonctionnement des SP implique un traitement indifférencié
entre les usagers. A cet égard, le principe d'égalité induit d'une certaine façon un principe de
neutralité des SP, qui constitue le prolongement logique du principe d'égalité. La neutralité
interdit toute forme de différenciation entre les usagers ou entre les agents du SP, quels
que soient les motifs de cette discrimination. Sans être nouveau, ce prolongement du principe
d'égalité connaît dans la période récente un développement dont devait témoigner, dès les
années 1990, la JP du CE sur le port d'un signe religieux à l'école. Ici, le principe de
neutralité rejoint le principe de laïcité qui est au cœur du débat public depuis quelques
années. D'abord, un avis des sections admin du CE du 27 nov 1989 établit sur cette question
une ligne directrice à laquelle le droit positif est resté globalement fidèle jusqu'à aujourd'hui.
Il en découle que le port de signes religieux à l'école n'est pas par principe incompatible avec
le principe de laïcité dès lors que ce port ne constitue pas un acte de prosélytisme et qu'il ne
trouble pas l'ordre public au sein de l'établissement. Appliquant de tels principes au
contentieux, le CE a parfois considéré que le principe de neutralité du SP pouvait justifier
parfois des mesures d'exclusion d'établissement scolaire. Ex : CE, 10 mars 1995, époux
Aoukili (le CE se fonde sur « le principe de laïcité de l'enseignement public » et sur « la
neutralité de l'ensemble des SP » pour considérer qu'une décision d'exclusion d'élèves qui
avaient refusé d’ôter leur voile pendant les cours d'éducation physique n'était pas entachée
d'illégalité en raison des troubles provoqués par ces incidents et du comportement des élèves
et de leur famille). Cette question a depuis fait l'objet d'une intervention du législateur qui
s'est inscrit dans le prolongement de la solution préconisée par le CE dans son avis de 1989.
La loi du 15 mars 2004 est ainsi venue intégrer au code de l'éducation un art L.141-5-1, qui
prohibe, au nom du principe de laïcité, le port d'un signe manifestant ostensiblement
l'appartenance religieuse dans les établissements scolaires, tout en prévoyant une phase de
dialogue avec l'élève qui doit précéder toute sanction disciplinaire.

Le principe de neutralité des SP est tout autant susceptible de s'appliquer aux personnels
travaillant dans des organismes chargés de mission d'intérêt général. CK 19 mars 2013
Madame X, admet l’application de ce principe à des organismes de droit privé en charge
d’une mission d’interet général Ex : affaire Baby Loup, affaire qui a trouvé son épilogue
récemment devant la CK le 25 juin 2014 → cet arrêt admet le licenciement de la salariée de la
crèche qui avait refusé d'ôter son voile pendant son service et qui s'était livré à des actes
d'insubordination. La CK note que « la restriction à la liberté de manifester sa religion
édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général mais était
suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de
l'association et proportionnée au but recherché ». La question de la neutralité du SP a trouvé
ces dernières années son prolongement dans celles de la neutralité et la laïcité de l’État et de
l'espace public. Ainsi, la loi du 11 octobre 2010 interdit la dissimulation du visage dans
l'espace public et l'art 1er interdit ainsi le port d'une tenue dissimulant le visage de la personne
dans l'espace public. Cet art a été déclaré conforme avec la C (CC, 7 octobre 2010) et
compatible avec la CEDH (CEDH, 1er juillet 2014, SAS c/ France).
Loi 20 avril 2016 relative à la déontologie /2 nov 1992 Kheroua / ville de Melun

II - Le principe de continuité. (cours du prof)

Parmi les trois grands principes régissant le fonctionnement des SP, le principe de continuité
était le seul explicitement qualifié de « loi » par Louis Rolland.

Un tel principe a depuis longtemps retenu l’attention de la doctrine, et la JP, tant du CE que du CC, l’a nettement
mis en avant. Le CC a ainsi, dès 1979, proclamé la valeur constitutionnelle d’un tel principe : CC, 25 juillet
1979, Droit de grève à la radio et à la télévision. Le CE a, pour sa part,
évoqué à son propos un « principe fondamental » (CE, 13 juin 1980, Mme Bonjean (sans que
l’on puisse en déduire l’existence, pour la haute juridiction administrative, d’un P.F.R.L.R.)).
L’importance du principe de continuité se manifeste surtout à travers ses implications.
Les exigences d’un tel principe sont, en effet, extrêmement poussées et étendues. Elles imposent à l’État
d’assurer par tout moyen le fonctionnement régulier des SP. En application de la célèbre théorie des
circonstances exceptionnelles (qui s’appliquait notamment aux périodes de guerre), l’État peut même utiliser,
pour parvenir à cette fin, des moyens qui seraient illégaux à toute autre période. Comme le montre, en
particulier, l’arrêt Heyriès de 1918 (souvent présenté comme l’arrêt fondateur de cette construction prétorienne),
le principe de continuité comporte en effet des exigences exceptionnelles en temps de guerre, qui justifient une
extension exceptionnelle des pouvoirs du gouvernement et de l’administration : CE, 28 juin 1918, Heyriès,
[Faisant application de la théorie des circonstances exceptionnelles, le CE admet en l’espèce qu’un décret de
1914 ait pu suspendre l’application de la loi du 22 avril 1905 ordonnant la communication aux agents publics de
leur dossier avant toute mesure disciplinaire.].

Même en période normale, le principe de continuité comporte, comme on l’a dit, des exigences très étendues.
Les implications d’un tel principe sont, ainsi, diverses :

-Pour l’administration, l’obligation d’assurer le fonctionnement régulier et continu des SP s’applique


strictement. Elle dépend toutefois, dans sa mise en œuvre, de la nature et de l’importance des services en cause.
Cela implique une certaine permanence pour des SP cruciaux (tels que la sécurité, la défense nationale, ou la
santé publique), qui n’est pas en revanche absolument nécessaire pour d’autres services. Même pour ces
derniers, l’administration peut toutefois se voir sanctionnée en cas d’atteinte excessive à l’exigence continuité du
SP ; ex : CE, 13 février 1987, Touchebeuf (s’agissant d’une décision de fermeture anticipée d’un collège 3
semaines avant le terme de l’année scolaire, afin de faciliter le déroulement des épreuves du bac).

-Pour les cocontractants de l’administration en charge de la gestion d’une activité de SP (en


particulier les concessionnaires de SP), le principe de continuité trouve sa traduction dans l’obligation d’assurer
le service de façon régulière, sauf hypothèse de force majeure ou dans le cas où ils sont mis par l’administration
elle-même dans l’impossibilité de continuer à exécuter le service.

-L’obligation de l’administration et de ses cocontractants de faire fonctionner le SP de manière régulière


trouve par ailleurs son pendant dans le droit des usagers de bénéficier d’un service régulier et continu (le
principe de continuité impliquant que les SP fonctionnent de façon régulière et ininterrompue, l’usager a ainsi
droit au fonctionnement régulier du service). Ce droit des usagers à un fonctionnement régulier des SP les
conduit parfois à aller devant le JA pour faire sanctionner les actes, les actions et les abstentions de
l’administration portant atteinte à leurs droits ; ex : CE, 21 décembre 1906, Syndicat des propriétaires et
contribuables du quartier Croix-de-Seguey-Tivoli, (arrêt par lequel le CE admet la recevabilité d’un recours en
annulation formé par une association de propriétaires – représentée en justice par son président, un certain Léon
Duguit – contre le refus du Préfet de mettre en demeure la compagnie concessionnaire du réseau des tramways
de Bordeaux de recommencer à desservir le quartier de la Croix-de-Seguey-Tivoli). Si le droit des usagers au
fonctionnement régulier des SP est très clairement affirmé par la JP, celui-ci connaît toutefois des limites,
s’agissant, en particulier, des SP facultatifs. Si l’administration est tenue de faire fonctionner le SP de façon
continue, elle peut en revanche, à toute époque, en décider la suppression. De son côté, l’usager a droit au
fonctionnement régulier des SP, mais ne peut, en revanche, en exiger la création ou le maintien (ce qui découle,
notamment, du célèbre arrêt Vannier : C.E., Section, 27 janvier 1961, Sieur Vannier).
-Le principe de continuité comporte par ailleurs d’importantes incidences sur les règles juridiques
applicables aux personnels des SP. Si l’usager a le droit de bénéficier d’un service régulier, l’administration a,
de son côté, le devoir de faire fonctionner les SP de manière continue. A ce titre, le principe de continuité a pu
constituer, pendant un temps, un obstacle absolu à l’exercice du droit de grève dans les SP. C’est ainsi que le
CE a considéré comme légale, en 1909, la révocation de plusieurs agents des Postes et Télécommunications qui
s’étaient mis en grève : C.E., 7 août 1909, Winkell (pour le CE, la grève dans les SP constituait une atteinte à une
« continuité essentielle à la vie nationale »). L’acte de grève plaçait même les agents publics concernés en dehors
du champ des lois et règlements fixant leurs droits et garanties (C.E., Section, 22 octobre 1937, Demoiselle
Minaire). Pour les personnels employés dans les SP, faire grève constituait donc initialement une faute (un
« crime » selon Duguit), justifiant alors la révocation des fonctionnaires concernés sans respect des garanties
disciplinaires. Un tel état de fait était parfaitement illustré par la formule du commissaire du gouvernement
Gazier, concluant dans l’affaire Dehaene, selon laquelle il ne peut y avoir « d’État à éclipses ». La
reconnaissance générale du droit de grève par le Préambule de la C46 va toutefois changer la donne et affecter
sensiblement le principe de continuité des SP (alinéa 7 : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le
réglementent »). Désormais, le droit de grève est reconnu par le Constituant lui-même au profit des tous les
salariés, du secteur public comme du secteur privé. Le principe de continuité ne peut en conséquence plus
exclure systématiquement, comme auparavant, l’exercice du droit de grève dans les SP. Par la suite, le CE et le
législateur vont toutefois tenter de concilier le droit de grève et le principe de continuité du SP, en cherchant à
cantonner le premier à ses exigences essentielles (quitte à en priver certains agents), tout en préservant au max le
second.

Le célèbre arrêt Dehaene du CE, déjà évoqué, illustre parfaitement cette logique d’équilibre et de compromis,
tenant compte tout à la fois de la consécration constitutionnelle du droit de grève et de l’absence de loi venant en
réglementer l’exercice (C.E., 7 juillet 1950, Dehaene) [Précisions : Le sieur Dehaene, chef de bureau dans un
service de préfecture, avait suivi le mot d’ordre de son syndicat, qui avait préconisé la grève. Les agents
grévistes, dont le sieur Dehaene, furent suspendus. Cette sanction fut par la suite adoucie lorsqu’ils reprirent le
travail. Ces agents allaient toutefois contester la sanction infligée devant le CE, au motif que la grève dans les SP
ne constituait plus une faute. La requête fut finalement rejetée. Le CE affirma ainsi à cette occasion que le
principe de continuité des SP pouvait toujours, malgré l’intervention de l’alinéa 7 du Préambule de 1946,
permettre d’interdire à certains fonctionnaires de faire grève en raison de leurs fonctions (l’administration avait
ici interdit au préalable aux agents de se mettre en grève).].

En vertu de la JP Dehaene, l’autorité réglementaire, voire tout chef de service, dispose ainsi du pouvoir de
limiter et de réglementer l’exercice du droit de grève, pour préserver la continuité du SP. Amené à prendre à son
tour position sur la question, le CC a considéré pour sa part que le droit de grève et le principe de continuité des
SP constituaient tous 2 des principes à valeur constitutionnelle, et qu’il appartenait au seul législateur de les
concilier l’un et l’autre pour qu’ils puissent coexister et s’exercer en harmonie : C.C 25 juillet 1979, Droit de
grève à la radio et à la télévision.

De telles prises de position successives font ressortir un désaccord de principe entre les deux hautes juridictions :

-Pour le CE, l’autorité réglementaire peut, pour les besoins du service, limiter et réglementer le droit de
grève. Cette position pragmatique s’appuie sur la lettre même de l’alinéa 7 du Préambule de 1946, en vertu
duquel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Cet « appel au législateur »
justifie pour le CE, en l’absence d’intervention de ce dernier, la réglementation de ces questions par les autorités
détentrices du pouvoir réglementaire. Si l’on excepte quelques textes législatifs épars, le constat est toujours vrai
aujourd’hui : faute de « loi cadre », la JP administrative admet ainsi encore, par défaut, l’encadrement de
l’exercice du droit de grève par l’autorité réglementaire, sur le fondement de la JP Dehaene. Aujourd’hui, ce
pouvoir relève même davantage du chef de service à l’égard de l’administration dont il a la charge (par ex,
un ministre, un maire ou un directeur d’hôpital). Il peut même appartenir aux dirigeants d’une société (personne
morale de droit privé) en charge d’une mission de SP : C.E, 12 avril 2013, Fédération Force Ouvrière Energie et
Mines (cas en l’espèce pour E.D.F.) => Par cet arrêt, le CE réaffirme sa JP Dehaene, tout en invoquant un
nouveau motif susceptible de venir restreindre l’exercice du droit de grève : s’ajoute ainsi au souci d’éviter « un
usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public » la nécessité de pourvoir « aux besoins essentiels du
pays ».

-Pour le CC, en revanche, seule une loi peut définir les modalités d’application et les conditions d’exercice du
droit de grève, pour y apporter, le cas échéant, des limitations.
Ces deux positions peuvent toutefois être conciliées, si l’on considère qu’il appartient en principe au
législateur d’intervenir, mais que l’autorité réglementaire ou le chef le service peut le faire, à titre
subsidiaire et supplétif, en l’absence de cadre législatif général.

Les limitations apportées au droit de grève pourront varier suivant la nature et l’importance des activités de SP.
Dans certains cas, la loi peut aller jusqu’à interdire la grève (tel est le cas, en particulier, pour les policiers, les
magistrats de l’ordre judiciaire et les militaires). Pour le reste, la JP laisse aux chefs de service la possibilité, tout
en respectant l’exercice du droit de grève, de prévoir des mesures de réorganisation du service afin de limiter les
perturbations liées à la grève, de recourir, au besoin, aux réquisitions, et même d’imposer un service minimum.
[Il arrive également que le législateur impose un tel service minimum dans certains domaines (ex : sécurité de la
navigation aérienne), ce qu’il n’a pas fait en revanche, contrairement à ce que l’on a pu dire, avec la loi du 21
août 2007.].

BILAN :
-Sauf cas particulier, le principe de continuité n’exclut plus par principe l’exercice du droit de grève dans
les SP. La grève n’est donc en principe pas illégale, dès lors qu’elle s’exerce, selon la formule contenue dans
l’arrêt Dehaene, « pour la défense des intérêts professionnels », ce qui exclut en principe, a contrario, un
mouvement de grève présentant un caractère purement politique (C.E., 8 février 1961, Rousset).
-Quand bien même il aurait un objet licite, l’exercice du droit de grève dans les SP peut cependant comporter des
limites, au nom du principe de continuité. De telles limites résultent parfois de la loi (interdiction de la grève
pour certains agents ou service minimum imposé à d’autres, dépôt obligatoire d’un préavis, interdiction de
certaines formes de grèves, comme les « grèves-surprise » ou les « grèves tournantes »). Elles peuvent provenir
également, en vertu de la JP du CE, de l’autorité gouvernementale, voire de tout chef de service. La
« réglementation administrative » du droit de grève s’opère alors sous le contrôle du JA. Celui-ci pourra, dans
certains cas, admettre de telles limitations, ou les sanctionner dans d’autres hypothèses, dès lors qu’elles
excèdent la nécessité de préserver la continuité du SP => exemples : C.E., 6 juillet 2016, Syndicat C.G.T. des
cadres et techniciens parisiens des SP territoriaux et autres : s’agissant d’une réglementation de la ville de Paris
imposant à chaque agent employé dans les équipements sportifs de la ville de se déclarer gréviste 48 heures
avant le début de la grève fixé dans le préavis ; une telle restriction excède selon le juge ce qui est nécessaire
pour prévenir un usage abusif de la grève dans les établissements sportifs de la Ville de Paris et n’est au surplus
justifiée ni par les nécessités de l’ordre public, ni par les besoins essentiels du pays ; C.E., 9 décembre 2003,
Mme Aguillon et autres : s’agissant d’une mesure de réquisition, décidée par arrêté préfectoral, jugée excessive
par son ampleur, alors que des mesures plus ciblées pouvaient suffire (réquisition en l’espèce, à la suite d’un
mouvement de grève chez les sages-femmes, de l’ensemble des personnels grévistes, portant une atteinte
excessive au droit de grève).

III - Le principe de mutabilité ou d'adaptation

III - Le principe de mutabilité ou d'adaptation


Les conditions dans lesquelles les SP fonctionnent ne sont jamais totalement immuables et
figées. Le contexte peut évoluer et cette évolution difficile, voire impossible à prévoir, doit
conduire à une certaine souplesse dans la mise en œuvre des activités de SP. Le principe de
mutabilité ou d'adaptation traduit cette nécessité d'évoluer pour les SP en fonction du contexte
et des circonstances. Avec le temps, le progrès technique ne fait que s'accentuer. Les SP
doivent quant à eux s'adapter à ces variations pour remplir leurs missions et mieux assurer
l'intérêt général. Ce principe conduit ainsi les personnes qui ont la charge du service à faire
face aux différentes mutations techniques en modifiant ou en adaptant celui-ci. Le principe en
question se manifeste depuis longtemps en JP : CE, 10 janvier 1902, compagnie nouvelle du
gaz de Déville-lès-Rouen. Il découle de cet arrêt qu'une personne publique peut changer le
mode d'éclairage public en passant du gaz à l'électricité afin d'améliorer la qualité du service
pour les usagers. Ce principe de mutabilité, propre aux contrats admin, permet ainsi à l'admin
partie au contrat d'obliger son co-contractant à réaliser certains aménagements dans les
conditions d'exécution du contrat pour adapter le service aux évolutions techniques ou aux
modifications des besoins de la population. Cette faculté reconnue à l'admin d'adapter à toute
époque les conditions du service peut-elle constituer un véritable impératif juridique qui
trouverait son pendant dans des droits reconnus à des usagers ? Un usager peut-il exiger de
l'admin qu'elle adapte les conditions dans lesquelles s'exerce une activités de SP ? En l'état
actuel des choses, il est difficile d'apporter une réponse à cette question car tout dépend des
activités, des circonstances nouvelles et des implications concrètes de l'absence d'évolution du
SP sur sa qualité. En réalité, et à la différence des autres lois du SP, le principe de mutabilité
n'apparaît pas réellement comme un droit au profit des administrés, il apparaît surtout comme
une véritable prérogative des personnes publiques dont elles pourront librement user
comme le témoignent les contrats admin.

TITRE 2 : LA POLICE ADMINISTRATIVE

Si les actions et interventions des personnes publiques sont diverses et variées, l'objet de
l'action admin se ramène pour l'essentiel à une double finalité. La première est la poursuite
de l'intérêt général à travers le développement de missions et d'activités de SP. La seconde
réside dans la défense et la préservation de l'ordre public à travers diverses mesures
susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles. Ce second objet correspond à la PA.
La PA est une activité guidée par l'intérêt général. Si l'intérêt général exige que l'admin
satisfasse un certain nombre de besoins essentiels, il impose aussi l'encadrement des
comportements individuels afin de préserver l'harmonie et la paix sociale. Ainsi présentée,
l'activité de police pèse de toutes ses rigueurs sur les administrés puisqu'elle cherche à
encadrer et limiter par voie de prescriptions ou d'interdictions les libertés. La PA est presque
par essence attentatoire aux droits et libertés. De telles atteintes peuvent toutefois être
admises dans un État libéral comme le nôtre dès lors qu'elles sont limitées, contrôlées,
proportionnées et justifiées par la défense d'un intérêt public supérieur qui réside dans la
préservation de l'ordre public. La PA cherche ainsi à concilier défense de l'ordre et
préservation des libertés.

Si elle renvoie pour l'essentiel dans un sens matériel à une activité, la notion de police se
révèle par ailleurs comme une notion largement polysémique. Elle se réfère en effet
également dans un sens organique aux services et institutions en charge de cette activité,
voire même parfois aux agents qui exercent ces missions sur le terrain.
Selon la définition proposée par Chapus, la PA peut se définir comme une activité de SP qui
tend à assurer, dans les différentes secteurs de la vie sociale, le maintien de l'ordre public en
prévenant les troubles qui pourraient l'atteindre :
-la PA apparaît tout d'abord comme une activité de SP. La police peut même se
rattacher à l'une des premières activités de SP qui relèvent des missions régaliennes de l’État.
La PA est cependant une activité de SP particulière puisqu'elle ne peut se déléguer
contractuellement. La JP du CE exclut depuis longtemps que des activités de PA générale
assurées par les communes puissent faire l'objet d'une délégation à une personne privée (CE,
1932, ville de Castelnaudary). Ainsi, un maire ne peut conclure avec une société privée un
contrat permettant à ladite société d'exercer des activités de surveillance sur le territoire de la
commune (CE, 1994, commune de Menton).

-La police a pour objet le maintien de l'ordre public dans les différents secteurs de
la vie sociale. Cela renvoie à la PA générale. La PA générale se distingue de la PA spéciale
qui n'a pas nécessairement pour objet le maintien de l'ordre public et qui concerne telle ou
telle activité particulière. Ex : la police des chemins de fer … Le problème tient ici au fait que
certaines autorités sont investies à la fois d'un pouvoir de police général et spécial. Tel est le
cas du préfet qui va assurer, au nom de l’État, la PA générale dans le département et qui est
investi, par les textes, de très nombreux pouvoirs de PA spéciale.

-L'objet de la PA est le maintien de l'ordre public afin de prévenir les troubles qui
pourraient l'atteindre. Cela permet de distinguer la PA de la PJ. La première s'exerce à titre
préventif et a pour but de prévenir les troubles à l'ordre public. La seconde s'exerce à titre
répressif et a pour but de réprimer les troubles à l'ordre public. Le pb tient au fait qu'il n'y a
souvent pas de distinction organique entre ces deux activités. Une opération de PA peut se
transformer au cours du temps en opération de PJ. Cette distinction emporte toutefois des
conséquences pratiques importantes quant au régime applicable : la PA relève du JA alors que
la PJ relève du juge judiciaire.

CHAPITRE 1 : LA NOTION DE POLICE ADMINISTRATIVE

La défense de l'ordre public et le maintien de l'ordre social passe par des actions diverses,
qu'il s'agisse d'éviter un trouble à l'ordre public, qu'il s'agisse de prendre les dispositions
adéquates en cas de trouble à l'ordre public, qu'il s'agisse encore de le réprimer. La notion de
PA peut quant à elle s'appréhender de deux façons :
-négativement, la PA exclut les missions de police qui relèvent, non pas de la
prévention, mais de la répression. A ce titre, la PA se distingue de la PJ.
-positivement, la PA s'identifie à travers la notion centrale d'ordre public, qui
constitue le but de toute mission de PA.

Section 1 - La distinction entre police administrative et PJ

Deux grand types de police contribue a la conservation de l’ordre public , il y a la police adm
et judicaire. Cette distinction est simple dans son principe mais se révèle toutefois délicate
dans certaines hypothèses. Elle ne peut en effet reposer sur un critère organique dès lors
que les mêmes autorités et les mêmes agents sont tour à tour conduit à participer aux
deux types d'activités de police.
Par exemple ; un gardien de la paix exerce une mission de PA lorsqu'il assure le respect de la
sécurité publique à un carrefour. En revanche, ce même gardien de la paix participe à une
mission de PJ lorsqu'il constate des infractions et les verbalise. Cette distinction entre les deux
activités de police demeure fondamentale dès lors qu'elle génère d'importants effets
juridiques. En raison de l'importance de cette distinction et de ses effets, le juge a été conduit
à dégager des critères permettant de rattacher une activité soit à la PA, soit à la PJ.

I - Le principe de la distinction

La distinction PA / PJ peut être appréhendée simplement dans son principe mais se révèle
parfois subtile dans certaines hypothèses.

A. Le critère de distinction

On souligne souvent pour distinguer les deux activités de police que la PA s'exerce à titre préventif alors que la
police judiciaire s'exerce à titre répressif. Cette clé de comprehensio ne permet pas de saisie toujours la
distinction das son applicaton concrete , elle ce releve parfois inssufisante face a des hypothses tres diverses qui
exigent des criteres precise. En effet, dans certains cas, une activité de PA sera mise en œuvre pour mettre fin à
des troubles d'ordre public. A l'inverse, une opération de PJ peut parfois avoir pour objet de prévenir la
commission d'infractions. La valeur relative de la distinction entre prévention et répression rendait finalement
nécessaire l'identification en JP d'un critère précis permettant de faire face aux diverses hypothèses rencontrées
en pratique.
Ce critère la jurisprudence la dégager en 1951. Deux décisions, l'une du CE (CE, 11 mai 1951,
consorts Baud), l'autre du TC (TC, 7 juin 1951, dame Noualek), posent à cette date un critère
finaliste qui est au but ou à la finalité de l'opération ou la décision à qualifier. L'utilisation
d'un tel critère, considéré comme exclusif de tout autre, conduit le juge à prendre en compte
l'intention dans laquelle les autorités de police ont agi.

ce critère, la qualification de PA ou de PJ s'impose selon que l'opération ou la décision à


qualifier est ou non en lien avec une infraction pénale déterminée. Deux possibilités :

-Dès lors que l'opération ou la décision à qualifier est liée à une telle infraction, la
qualification de PJ est retenue, ce qui implique la compétence du juge judiciaire (cas dans
l'affaire Baud) ;

-Si l'opération ou la décision à qualifier n'est pas en lien avec une telle infraction, la
qualification de PA prévaudra, ce qui va induire la compétence du JA (cas dans l'affaire dame
Noualek).

Le lien avec une infraction pénale doit être entendu au sens large, dès lors qu'il ne s'agit pas
nécessairement d'une infraction effectivement commise et avérée. Plusieurs hypothèses :
1er hypothses ; L'infraction peut être imminente. Dès lors que les forces de police entendent
prendre en flagrant délit les malfaiteurs pour ensuite les arrêter en cas de commencement
d'exécution de l'infraction, la décision de procéder à l'opération et l'opération elle-même
constituent des mesures de PJ (TC, 27 juin 1955, Dame Barbier).

2e hypothèses ;L'infraction peut être éventuelle. L'éventualité d'une infraction déterminée sera


prise en compte par le juge pour retenir la qualification d'opération de PJ (CE, 19 mai 1982,
Volbrecht, s'agissant de gendarmes qui s'étaient lancés à la poursuite d'une personne dont le
comportement était suspect. Le dommage subi par l'intéressé à la suite d'un coup de feu est le
fait d'une action de PJ).

3e hypothèse ;L'infraction peut ne pas être avérée et réelle. Dès lors que l'autorité de police a
cru à l'existence d'une infraction et a entendu la réprimer, l'opération est une opération de PJ.
Ex : les forces de police ordonnent la mise en fourrière d'un véhicule en pensant qu'il était en
stationnement irrégulier alors que tel n'était pas le cas. Il s'agit en l'espèce d'une opération de
PJ (CE, 1981, consorts Ferrand).

Le critère finaliste permet ainsi de déterminer la nature de l'opération de police à partir du lien
établi entre l'opération à qualifier et une infraction pénale déterminée.

B. Les régimes juridiques distincts


La distinction des deux types de police correspond une dualité de régime juridique applicable.
Pour l'essentiel, cette distinction présente en pratique un double intérêt :

Sur le plan contentieux, le contentieux de la PA relève de la compétence des juridictions


admin alors que le contentieux né d'opérations de PJ sera porté devant les juridictions de
l'ordre judiciaire. Cette incompétence de principe de JA pour connaître de ces dernières
opérations est due au fait qu'elles se rattachent au fonctionnement de la PJ. En vertu de la JP
Préfet de la Guyane (TC, 1952), seul le juge judiciaire est compétent pour connaître de litiges
liés au fonctionnement de la justice judiciaire. C'est bien le principe de séparation des
autorités admin et judiciaires qui sera à l'origine de cette différence de régime contentieux.
Les droits applicables à de telles opérations vont également différer puisque les opérations de
PA se verront appliquer le DA alors que les opérations de PJ se verront appliquer le droit
privé, plus particulièrement le droit pénal.

Les deux activités de police se distinguent également par l'identité des pers publiques
auxquelles elles se rattachent, ce qui comporte certains effets en matière d'imputation du
dommage dans le cadre d'action en responsabilité engagée en raison de l'exercice de missions
de police. La PA peut être exercée par une pluralité d'autorités (Etat, CT). En cas de
dommage, la responsabilité sera celle de la personne publique concernée. La PJ en revanche
constitue une activité exclusivement étatique car l’État est et reste le seul responsable de la
justice. La personne publique responsable dans ce cas est donc toujours l’État. En cas d'action
en responsabilité, la distinction des activités de police peut avoir des conséquences pratiques
importantes en matière d'imputabilité du dommage.

II - Les difficultés propres à la distinction

Simple dans son principe, la distinction des 2 activités de police se révèle parfois relativement
malaisée. Les difficultés tiennent pour l'essentiel à l'absence de distinction organique entre
les autorités de police susceptibles d'exercer à la fois des opérations de PA et de PJ. Cette
absence de différenciation organique permet ainsi le cumul d'opérations de police à travers la
mixité de certaines interventions. Ainsi, par ex, des gardiens de la paix peuvent recevoir à
l'occasion d'un patrouille une double mission : patrouiller la nuit pour surveiller et intercepter
les individus qui ont commis une infraction et dont l'identité est connue. Dans ce cas,
l'opération peut être qualifiée de mixte puisqu'il y a dans ce cas coexistence entre une activité
de PA et une activité de PJ. Pour résoudre la difficulté, le juge prendra ici en compte la nature
de l'opération à un moment T. Ainsi, si un dommage a été causé alors que les agents
procédaient à l'interception et à la fouille des individus signalés, alors le dommage puise sa
source dans une opération de PJ (TC, 29 oct 1990, Mademoiselle Morvan).

Il arrive par ailleurs que les opérations de police changent de nature dans le temps. Ces
changements de nature recouvrent en réalité deux hypothèses distinctes :
-il arrive que l'opération de PJ débouche sur une opération de PA. Tel est le cas
notamment pour le contentieux de l'enlèvement et de la mise en fourrière des véhicules. En
raison de l'existence d'une infraction, réelle ou supposée, aux règles de stationnement,
l'enlèvement du véhicule constitue une opération de PJ. C'est donc le juge judiciaire qui sera
éventuellement compétent pour réparer les dommages causés au véhicule avant le dépôt en
fourrière. L'opération de gardiennage et de surveillance débutant avec la mise en fourrière
constitue une activité de PA. Le JA sera compétent pour connaître des dommages causés à
cette période.

-il arrive à l'inverse qu'une opération de PA se transforme en opération de PJ. Ex : TC, 5


déc 1977, demoiselle Motsch → en l'espèce, des policiers effectuaient un banal contrôle
d'identité pendant l'été à Cannes. Peu de temps avant, une autostoppeuse prend place dans la
voiture dont le conducteur est recherché par la police. Le conducteur découvre l'existence du
barrage et force le barrage, brûle des feux rouges … Un policier se lance à sa poursuite et tire
en direction du véhicule et blesse accidentellement l'autostoppeuse. Confronté à la question de
la détermination du juge compétent, le TC devait identifier la nature de l'opération de police
au moment précis où le dommage a été réalisé. Pour le TC, il s'agit incontestablement d'une
opération de PJ qui a succédé dans le temps à une opération de PA. Ce sont le franchissement
du barrage et l'accumulation d'infractions au code de la route qui ont permis de transformer
l'opération de PA en opération de PJ.

Il arrive enfin que le critère finaliste soit impuissant à déterminer avec précision la nature de
l'opération à l'origine d'un dommage en raison de l'enchevêtrement étroit entre les deux
missions de police. Ici, pour éviter de trop subtiles distinctions et une segmentation artificielle
du litige, le
juge cherche à déterminer l'opération dans laquelle le préjudice « trouve essentiellement son
origine» (TC, 12 juin 1978, société le profil). Il s'agissait en l'espèce d'une société qui
demandait réparation du préjudice subi en raison d'un vol commis à l'occasion d'un transfert
de fonds. La caissière sort, mallette à la main, escortée par des policiers. Cette surveillance n'a
pas empêché des malfaiteurs de s'emparer de la mallette sans que les policiers puissent les
rattraper. La société requérante faisait valoir que les policiers avaient commis de fautes en ne
mettant pas en place un dispositif de protection efficace et en ne réagissant pas de manière
efficace pour rattraper les voleurs. L'utilisation du critère finaliste aurait conduit la société à
s'adresser tour à tour au JA et au juge judiciaire pour obtenir la réparation complète de son
préjudice. Le TC a opté pour solution simplificatrice en estimant que le préjudice trouvait
essentiellement son origine dans les conditions dans lesquelles a été assurée la mission de
protection, qui relève elle-même de la PA.

Section 2 - L'ordre public comme but de la police administrative

L'ordre public fait partie des notions structurantes du DA français. D'ailleurs, en 1882, le CC a
vu dans la sauvegarde de l'ordre public « un objectif de valeur constitutionnelle » (CC, 27
juillet 1982, communication audiovisuelle). La préservation de l'ordre public constitue le but
de toute activité de PA. Mais, ce but fédérateur ne peut pourtant cacher la variété des missions
de PA confiées à l'administration. On peut à cet égard établir une différenciation : les unes
relèvent de la PA générale, les autres de la PA spéciale.

I - Ordre public général et police administrative générale


L'ordre public, entendu comme le but de la PA générale, a connu diverses évolutions à travers
le temps, allant dans le sens de son extension. En effet, aux composantes traditionnelles de
l'ordre public, s'ajoutent d'autres composantes de la notion.

A. La notion classique d'ordre public

Classiquement, la notion d'ordre public est conçue comme « un ordre matériel et extérieur »
(Hauriou). De ce point de vue, l'ordre public fait référence à un trilogie traditionnelle,
contenue dans l'art L. 2212-2 CGCT : « la police municipale a pour objet d'assurer le bon
ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publics ». S'ensuit une énumération en 7 points qui
détaille diverses finalités plus spécifiques de la PA générale. Outre la défense du bon ordre,
cet article renvoie ainsi aux trois composantes traditionnelles de l'ordre public.

La sécurité publique. Il s'agira par ex pour des autorités de police de prévenir les risques
d'accident en réglementant la circulation sur les routes. A cet égard, les exigences modernes
de la sécurité publique imposent par ex la fermeture à certaines heures de certaines voies à la
circulation ou de zones de stationnement. Malgré les atteintes qu'elles portent à la liberté de
circulation et à la liberté d'aller et venir, la JP reconnaît depuis longtemps ces mesures
d'interdiction, dès lors que ces interdictions sont motivées par la nécessité de préserver la
sécurité publique : CE, 8 déc 1972, Ville de Dieppe, s'agissant de la légalité d'une mesure
d'interdiction de circulation sur une voie publique un jour par semaine.

La tranquillité publique. Cette composante traditionnelle de l'ordre public permet aux


autorités de PA générale d'adopter des mesures destinées à prévenir des troubles, susceptibles
d'affecter les activités normales et la vie quotidienne des habitants. Ex : émeutes, tapage
nocturne... C'est à ce titre que certains maires ont pu prendre les « arrêtés anti-mendicité »,
généralement annulés par le JA en raison du caractère trop général et absolu des interdictions.
Par ailleurs, la protection contre les nuisances liées au bruit intègre également cet objectif de
protection de la tranquillité publique. Ex : réglementation par les maires de l'utilisation des
tondeuses à gazon (CE,2 juillet 1997, Bricq).

La salubrité publique. Cette dernière composante de l'ordre public permet à l'autorité de


police de veiller aux conditions d'hygiène et de sécurité sanitaire en essayant de préserver la
santé publique. Il s'agira notamment de prévenir les risques de maladie en veillant par
exemple à la qualité de l'eau ou à la salubrité des denrées alimentaires apportées sur les
marchés. Au titre de ses missions de PA, le maire se doit également de lutter contre les
pollutions, les épidémies et les divers troubles pouvant affecter la santé de la population. CE
n’a pas jugé illégal un arrêté municipal interdisant la fouille des poubelles guidé par la
considération de la salubrité publique, Le CE affirme que ça n’a aucune disposition
discriminatoire (CE 15 nov 2017, ligue française pour la défense des droits de l’homme et de
citoyens)

B. L'extension de la notion d'ordre public

La notion d'ordre public apparaît comme un ordre matériel et extérieur, notamment à


travers ses 3 composantes classiques. Sans remettre en cause les éléments constitutifs
traditionnels, l'évolution va dans le sens d'une extension de la notion d'ordre public qui ne
peut aujourd'hui se réduire à la trilogie traditionnelle. D'abord étendu à la moralité publique,
l'ordre public intègre également aujourd'hui la dignité de la personne humaine. Ces divers
élargissements remettent largement en cause la notion traditionnelle d'ordre public conçue
comme un ordre matériel et extérieur.
Cf l’affaire du Burkini, qui ne peut être interdit sur le seul critère de la laïcité

La moralité publique

Il n'était guère envisageable à l'origine d'utiliser le pouvoir de police pour le compte de la


morale. Comme le soulignait Hauriou au début du XX ème siècle « la police ne poursuit pas
l'ordre moral dans les idées et les sentiments, elle ne pourchasse pas les désordres moraux
(…). Si elle essayait, elle verserait immédiatement dans l'oppression des consciences ». Cette
exclusion originelle n'a rien de véritablement surprenant puisque la morale relève du fort
intérieur et de la conscience de chacun. Dans le même temps, les activités de police visent
seulement quant à elles à prévenir les désordres extérieurs, matériels et concrets. Elles n'ont
donc pas de prise directe sur les consciences individuelles. On peut en outre remarquer sur un
plan strictement juridique que la loi n'assigne pas un tel but à la PA.

La JP tend pourtant à faire de la moralité publique l'une des composantes de l'ordre public.
C'est ainsi que le JA reconnaît à l'autorité de police le pouvoir de fermeture de lieux de
débauche portant atteinte à la moralité publique, et par là même générateur de troubles à
l'ordre public (CE, 30 sept 1960, Jauffret). La police des films et la JP sur les interdictions
municipales de certaines représentations cinématographiques illustrent cette prise en
considération de la moralité publique. Un maire peut toujours interdire la projection d'un film
dans certaines hypothèses.

-Tel est le cas lorsque la projection du film est susceptible d'entraîner des troubles matériels.
Dans ce cas, la mesure d'interdiction a pour but d'assurer directement la sécurité et la
tranquillité publique.
-Tel est le cas également lorsque la projection du film est de nature à préjudicier l'ordre public
« à raison du caractère immoral du film et des circonstances locales ».

La JP est fixée en ce sens depuis un arrêt de principe de 1959 (CE, 18 déc 1959, société « Les
films Lutetia »). Le CE a jugé « qu'un maire responsable du maintien de l'ordre public dans sa
commune peut donc interdire sur le territoire de sa commune la représentation d'un film (…)
dont la projection est susceptible d'entraîner des troubles sérieux ou d'être, à raison du
caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public ». Peu à
peu, le CE va préciser sa JP en exigeant l'existence de circonstances locales. (CE Ville de
Nice).De telles circonstances locales peuvent par exemple résider dans la sensibilisation
spéciale des habitants de la commune. Ces mêmes circonstances locales peuvent également
résider dans le fait que la commune est un lieu de pèlerinage religieux. Quant à l'immoralité
du film, cette immoralité sera liée à son
caractère pornographique, érotique ou violent. En l'absence de circonstances locales
particulières, la mesure d'interdiction sera annulée par le JA (CE, 26 juillet 1985, ville d'Aix-
en-Provence, confirmation d'un jugement du TA de Marseille qui avait annulé un arrêté par
lequel le maire de la ville d'Aix-en-Provence avait interdit la projection d'un film. Le CE
relève en l'espèce « qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette projection, quel que fût
le caractère de ce film, ait été de nature à porter atteinte au bon ordre ou à la tranquillité
publique dans la ville »).
CE, section, 30 juin 2000 association .
La JP n'exclut cependant pas, encore aujourd'hui, que des considérations tenant à la moralité
puissent, associées à des circonstances locales particulières, justifier des mesures de police
destinées à prévenir les troubles à l'ordre public. C'est ainsi que le CE a indiqué, à propos de
l'interdiction par l'autorité de police municipale de l'affichage de publicité en faveur de
messagerie rose, qu'en l'absence de circonstances locales particulières, le caractère immoral
des supposées messageries ne peut fonder légalement une interdiction de toute publicité en
leur faveur (CE, 1997, commune d'Arcueil).

Cette référence à la moralité publique comporte certains dangers. Outre le fait qu'elle
dénature quelque peu la conception classique de l'ordre public, elle peut également
conduire à faire du JA un arbitre des questions morales et un censeur des consciences. C'est
la raison pour laquelle un tel motif, assorti de circonstances locales, justifie rarement en JP
l'adoption de mesures de police.

La dignité de la personne humaine

La dignité de la personne humaine n'est pas une notion nouvelle. Elle a été régulièrement
consacrée dans les textes internationaux des droits de l'homme et est également placée en tête
des droits fondamentaux de la loi fondamentale allemande de 1949. Cette notion apparaît de
fait comme le socle du régime protecteur des droits et libertés en France et dans les autres
pays. En France, le CC a affirmé en 1994 la pleine valeur constitutionnelle de « la
sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation » 1re
phrase de l’al 1 du préambule de C46 (CC, 1994, 27 juillet bioéthique). A partir du milieu des
années 90, le CE va à son tour se référer avec prudence et parcimonie à cette notion de la
dignité de la personne humaine. Intervient à ce moment là une extension de l'ordre public qui
résulte d'une position de principe adoptée par le CE en 1995. En effet, dans deux arrêts rendus
le même jour, le CE a estimé que « le respect de la dignité de la personne humaine est une
des composantes de l'ordre public » (CE, 27 oct 1995, commune de Morsang-sur-Orge / ville
d'Aix-en-Provence). Le CE indique également que l'autorité municipale peut donc « même en
l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction portant atteinte à la
dignité de la personne humaine ». Est en cause l'attraction de « lancer de nain ». Le CE va
admettre qu'une mesure de police puisse être adoptée dans le but de préserver la dignité de la
personne humaine, et ce en dehors de toute circonstance locale particulière. Le CE souligne
précisément dans ces deux arrêts que l'attraction dite du « lancer de nain » « conduit à utiliser
comme un projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle
». En effet, la personne humaine est ramenée au rang de simple objet, ce qui affecte sa dignité.

Faut-il rattacher cette hypothèse à la moralité publique ? Une partie de la doctrine milite
clairement en ce sens. A la différence du commissaire du gouvernement, le CE n'a pas dit que
la dignité devait être rattachée à la moralité publique. Il a simplement indiqué que ce principe
faisait partie intégrante de l'ordre public, sans autres précisions. Au surplus, à la différence de
la moralité publique, la présence de circonstances particulières n'est pas exigée s'agissant de la
dignité. Il y a donc là un particularisme attaché à la dignité humaine, qui incite à en faire une
composante spécifique de l'ordre public. La dignité de la personne humaine présente bien un
certain nombre de particularismes :

-Elle se caractérise d'abord par une forme d'universalité qui fait défaut à la moralité, comme
en témoigne l'absence d'exigence de circonstances locales dans une telle hypothèse. En effet,
si une
activité humaine porte atteinte à la dignité, c'est le cas partout.
-Au surplus, la dignité humaine présente un caractère absolu. Au delà même de la personne
concernée, c'est l'être humain qui est visé. C'est la raison pour laquelle aucun être humain ne
peut renoncer à sa dignité et la dignité protège tout être humain en dehors et contre sa volonté.

L'extension de l'ordre public à la dignité humaine a été à l'époque vivement contestée par des
observateurs et par une partie de la doctrine, qui pointaient du doigt les contours incertains de
la notion de dignité et son caractère potentiellement liberticide. En effet, le CE impose sa
propre conception de la dignité dans l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, contre la volonté
du nain et contre le droit de disposer de son propre corps. La CEDH a été confrontée à la
même question lorsqu'elle a été confrontée aux cas de sadomasochisme. Par ailleurs, le CE
confirmait également à travers cette JP de 1995, l'existence d'un ordre public immatériel,
que l'autorité de police peut se donner pour mission de préserver, au risque de verser dans «
l'oppression des consciences » (Hauriou). A la suite de l'affaire du lancer de nain, le recours à
la dignité a parfois pu justifier certaines mesures d'interdiction, comme celles de la
distribution de la soupe aux cochons, jugées discriminatoire (CE, 2007, ministre d'Etat,
ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire c/ association « solidarité des
français»). L'atteinte à la dignité de la personne humaine a pu justifier l'interdiction par les
autorités de police du spectacle « le mur » de Dieudonné (CE, 2014, ministre de l'intérieur c/
société « les productions de la plume » et M. Dieudonné M'Bala M'Bala).

3- Les autres extensions potentielles de la notion d'ordre public

La notion d'ordre public pourrait apparaître comme une notion immuable et figée. Tel n'est
pas le cas : l'ordre public est même une notion évolutive et contingente, susceptible de varier
dans le temps et dans l'espace, suivant les circonstances. Ainsi, par exemple, les exigences de
protection de l'ordre public ne sont pas les mêmes en zone urbaine et dans les milieux ruraux.
De manière temporelle, les dangers susceptibles de troubler la paix sociale et d'affecter l'ordre
public ne sont pas les mêmes que par le passé. Parallèlement à ça, on assiste à la montée en
puissance de nouveaux idéaux, notamment les préoccupations écologiques et
environnementales. On peut toutefois s'interroger à la lumière de certaines décisions du CE,
sur la réalité de nouvelles extensions de la notion d'ordre public, même si la JP demeure à ce
jour encore incertaine sur ces questions.

C’est ainsi que le CE a amis par le passe que la limitation de la vitesse sur les route pouvait
etre pouvait être justifiée par des considérations tenant aux économies d'énergie . Solution
qui découle de l’arret CE, 25 juillet 1975, Chaigneau).

Le JA est en revanche plus réservé à l'égard d'une autre composante potentielle de l'ordre
public, l'esthétique. Il arrive pourtant que le CE fasse référence à de telles considérations
tenant à l’esthétique dans son contrôle des mesures de police
exemple ; CE, 22 juin 1984, société « le monde du tennis », à propos d'une mesure de police
visant à réglementer la distribution et la vente de journaux et de prospectus aux portes du
stade de Rolland Garros pendant le tournoi.
On a pu par ailleurs se demander si des mesures de police pouvaient avoir pour objet de
protéger les individus contre eux-mêmes. Autrement dit, pourrait-on considérer comme prise
pour assurer le maintien de l'ordre public pour préserver l’ordre public une mesure adoptée
par l'autorité de police afin d’interdire à une personne d'adopter un comportement qui n'est
nuisible que pour elle ? Cette question ces poser à propos du décret du 28 juin 1973, par
lequel le 1er ministre a imposé le port du casque aux conducteurs de 2 roues et le port de la
ceinture aux automobilistes. Peut-on considère que de telle mesure se rattache a l’exercice du
pouvoir de police ? ? Le CE l'a semble-t-il admis en considérant que le port de la ceinture
avait été légalement institué car elle avait pour objet de « réduire les conséquences des
accidents de la routes » (CE, 4 juin 1975, Bouvet de la Maisonneuve). Cette question rejoint
celle du lancer de nain et a trouvé un certain écho dans l'affaire de Morsang-sur-Orge, il
s’agissait d’imposer une volonté à une personne. Ces extensions potentielles de la notion
d'ordre public n'ont toutefois à ce jour rien d'officiel, tant la JP est incertaine et peu
nombreuse, peu abondante.

II- ordre public spécial et police administrative spéciales

Même après avoir la PA et la PJ , la notion de PA recouvre des réalités multiples et fort


diverse. Une telle diversité incite d'ailleurs à préférer le pluriel au singulier. C'est ainsi qu'il
convient de distinguer, au sein de la PA, la police générale et la police spéciale. La police
spéciale se décline elle-même en de multiples activités et missions.Si les polices spéciales
peuvent également être présentées comme des polices de l'ordre public, il s'agit toutefois ici
d'un ordre public spécial, distinct de l'ordre public général.

A. La distinction entre police administrative générale et polices spéciales

La volonté de préserver l'ordre public dans des domaines spécifiques précis, bien définis a
parfois conduit dans certains cas les pouvoirs publics à confier à certaines autorités des
attributions particulières, renforcées, des moyens plus étendus qui se rajoutent et se
juxtaposent aux missions générales de préservation de l'ordre public qui caractérisent elle la
PA générale.

L’élèment organique ici est de peu d’utilité Certes certaines autorités de police spéciale ne
disposent pas de pouvoir de police générale. Les ministres ne constituent pas des autorités
de PA générale, mais certains d’entre eux interviennent au titre de mission de police spéciale.

Exemple ;le ministre de la culture , la police du cinéma ou le ministre des AE pour les


étranger.

Cependant à l’inverse de nombreuse autorité détenant un pouvoir de police générale exercent


souvent des missions de police spéciale. C’est ainsi par exemple ; que le maire exerce sur le
territoire de la commune diverses polices spéciales, comme la police des cimetières, le
premier ministre c’est un police sur le territoire nationale. Mais le premier ministre c’est
récemment vu confié des pouvoirs de police spéciale dans le cadre de l’etat d’urgence
sanitaire.
En revanche un principe de spécialités permet alors de faire la distinction entre ce qui ce qui
relève de la police générale et ce qui doit au contraire rester rattaché à la police spéciale.
L’idée est la suivante la police générale s'exerce de manière générale et indifférenciée à
l’égard de toute personne et activité humaine, à l’inverse toute police spéciale se caractérise
par son objet strictement défini et son champ d'application circonscrit tels qu'ils découlent
du texte ayant institué la police spéciale en question.

Ceci étant dit il faut ajouter la coexistence entre ces deux police s’inscrit dans un principe de
complémentarité. En effet la police A est plus étendu dans son champ d’action elle permet de
toucher plus de chose mais à l’inverse elle se réduit le plus souvent à ce qui est strictement
nécessaire pour préserver l'ordre public. Elle couvre une matière plus vaste mais se réduit
quant aux mesures. Les textes attribuant à certaines autorités admin des missions de police
spéciale leur confèrent en revanche souvent des pouvoirs plus étendus et plus contraignants.
La PA générale couvre une étendue plus vaste mais reste sans doute davantage en surface
alors qu’à l’inverse la PA spéciale va permettre d'aller beaucoup plus loin. La
complémentarité elle va jouer lorsque une même autorité va intervenir comme PA de police
spéciale pourront éventuellement jouer parfois de cette complémentarité comme pour les
maires. La police spéciale pourra dans certains cas quand elle est exercée par la même autorité
prendre le relais de la police générale pour pallier les insuffisances de cette dernière.

Exemple ; Comme face à un immeuble dégradé et qu’il présente des dangers pour la sécurité
publique : le maire en tant qu’autorité de la PA générale ne pourra prendre que qq mesures
comme en interdisant l’accès en revanche s’il utilise ces compétences de police spéciale
comme celle des édifices en ruines, il pourra prendre des mesures poussées et ordonné la
réparation de l’immeuble voire sa démolition. Il y a une vraie complémentarité.

Finalement, la spécificité des champs d'intervention explique par ailleurs la précision du


régime juridique applicable aux activités de police spéciale, on a des régimes juridiques
prévus par la loi comme avec la procédure à mettre en œuvre, à l’inverse les pouvoirs de
police générale sont beaucoup moins encadrés par les textes, lié au fait que les mesures sont
plus contraignantes avec les polices spéciales.

B. La diversité des polices spéciales

Les PA spéciales sont aussi nombreuses que diverses, et il y a une vraie diversité voire
hétérogénéité avec des types des polices variés qui se caractérisent par leur champ
d’application personnelle rationné en ce qu’elles concernant des catégories particulières de
personnes pour certaines comme la police des étrangers ou la police des nomades. Bon
nombre d’entre elles s’identifie par leur champ d’application matérielle rationné en ce qu’elle
s’applique à un secteur déterminé ou des activités humaines spécifiques comme la police des
débits de boisson, de la chasse ou des édifices en ruine. Ces PA spéciales déjà diverses par le
domaine, elles se distinguent en elles par leur but et en particulier, elles entretiennent
notamment des rapports plus ou moins étroit ou distinct avec l’ordre public général qui guide,
motive les interventions des autorités détentrices de pouvoir de police générale. Certaines
polices spéciales sont guidées par un but spécifique qui peut lui-même se rattaché à la
préservation de l’ordre public comme celle des installations classées par la nécessité de
préserver la salubrité publique, de même pour la police des cimetières pour la préservation de
la tranquillité et de la salubrité publique.
Alors ces missions de polices spéciales sont parfois attribuées à des autorités distinctes et
ainsi par exemple la police des gares est confiée au préfet, elle est souvent guidée par des buts
qui se rattachent à l’ordre public mais en cas d’identité organique, la police spéciale même
orientée vers la préservation de l’ordre public général se caractérise souvent par la spécificité
de sa procédure si bien que la confusion est impossible comme la police des édifices en ruines
régies par les art L511-1 et s du code de l’habitation. Certaines se caractérisent par leur but
plus spécifique et qui se trouve parfois assez éloigné de la conception traditionnelle de l’ordre
publique comme les finalités esthétiques et culturelles guident parfois la mise en œuvre de
certains pouvoirs de polices spéciales ➔ polices : monuments historiques, de l’affichage ou
de l’environnement, il arrive que l’objet propre à une activité de police spéciale soit largement
étranger à la conception traditionnelle de l’ordre public général. On peut utiliser la notion
d’ordre public spécial et chaque police spéciale se caractérise par une intervention de
l’administration dans le but de préserver un ordre public spécifique plus ou moins proche de
l’OP général.

CHAPITRE II. LES AUTORITÉS DE POLICE

Il faut indiquer que ne sont pas investies d’un pouvoir de police et parmi celles qui le sont il
faut par ailleurs distingués les autorités titulaires d’un pouvoir de police générale et celles
titulaires de polices spéciales. Les opérations croisées posent également la question de la
concurrence entre ces diverses autorités de police.

Section 1 - les autorités titulaires d’un pouvoir de police générale

I - Au niveau national

Dans le silence des textes, la JP du CE a consacré sous la 3e Rép l’existence d’un pouvoir de
police autonome au profit du chef de l’É qui peut s’exercer en dehors de toute habilitation
législative et en vertu de ses pouvoirs propres. Ce pouvoir découle de la nature même de la
fonction exercée : Labonne 8 août 1919 : en l’espèce question d’un retrait de permis fondé sur
un décret du PR qui réglementait la circulation : reconnaît un pouvoir de police générale
même sans texte en vertu des attributions du chef de l’É et ce pouvoir s’exerce à travers un
pouvoir réglementaire autonome. Ce pouvoir de police générale applique sur l’ensemble du
territoire a bénéficié sous la 4e Rép au président du conseil, 13 mai 1960, SARL Restaurant
Nicolas. Sous l’égide de la C58, ce pouvoir de police générale profite pour l’essentiel au PM
est l’autorité disposant du pouvoir réglementaire général en vertu de l’art 21C. Le CE précise
qu’il appartient au PM en vertu de ses pouvoirs propres d’édicter des mesures de police
applicables à l’ensemble du territoire : 2 mai 1973, association cultuel Israël. Et le CE a
également indiqué qu’il appartenait au PM au titre de ses pouvoirs de police générale
d’adopter par voie réglementaire des mesures propres à assurer la sécurité des personnes sur
les autoroute et les ouvrages d’Art concédés du réseau national ; société rapide dépannage 62,
25 septembre 2013.
Mais rien n’exclut toutefois que le PR en bénéficie dans le cadre des compétences qui sont les
siennes notamment résiduel en vertu de l’art 13C, le PR pourrait bénéficier des pouvoirs de
police mais aussi au titre des pouvoirs exceptionnels en vertu de l’art 16C.

II- Au niveau local

Les choses sont simple parce Deux autorités bénéficient d’un pouvoir de police au niveau
local (une déconcentré une décentré  il s’agit du maire et préfet. En consequence de sa tout
autre autorité de police générale au niveau local est exclut. On peut toute fois ajouter ce
partage de police générale au niveau locale et le maire et le prefetn’exclue pas certains
transfers dont ne peut peuvent beneficier ajourdhui les presidents des etablissement publique
de cooperation intercomuale. Des lors que certaines competence bascule dans la commune la
coopération intercommunale lié acette competence des communes .

A. Le maire

En vertu de la loi il est détenteur de pouvoir de police générale pour assurer le maintien de
l’ordre public sur la commune, il est en charge de la police municipale L 2012-1 CGCT dont
le but est d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Ces
pouvoirs sont des pouvoirs propres du maire, le CM n’intervient en aucune manière, aucune
attribution. Ces pouvoirs de police sont toujours exercés au nom de la commune et non pas de
l’État : cas particulier de Paris avec un partage des pouvoirs de police avec le préfet de police
et le maire.

Ce pouvoir de police générale s’applique dans des hypothèses diverses, par exemple
s’agissant de la police de circulations sur les voies publiques, le maire est compétent pour
prendre les mesures de police applicables sur les voies communales ainsi que sur les portions
de routes nationales et départementales situées à l’intérieure de la commune. Le
développement de l’intercommunalité a été à l’origine de certains transferts des pouvoirs de
police du maire au profit des présidents des EPCI à fiscalité propre notamment lois du 13 août
2004 et 16 décembre 2010 en considérant que les pouvoirs de police doivent accompagnés le
transfert de compétence des communes.

Selon les termes du décret du 14 mars 1986 et de son art 9 qui dispose que le préfet est
l’autorité de police générale du département. Alors à ce titre, le préfet exerce ainsi ces
pouvoirs de police sur l’ensemble du département et il peut prendre évidemment au nom de
l’État et non du département, toutes les mesures de police dont le champ d’application va
excéder le territoire d’une commune : L2015-1 3ème du CGCT. Ainsi par exemple le préfet
peut, en raison de circonstances locales particulières, interdire pour toutes les communes de
son département la vente à emporter de boissons alcoolisées entre 22h et 6H : CE,3 mars
1993, société Carmag.

B. Le préfet
Selon les termes du décret du 14 mars 1986 et de son art 9 qui dispose que le préfet est
l’autorité de police générale du département. Alors à ce titre, le préfet exerce ainsi ces
pouvoirs de police sur l’ensemble du département et il peut prendre évidemment au nom de
l’État et non du département, toutes les mesures de police dont le champ d’application va
excéder le territoire d’une commune : L2015-1 3ème du CGCT. Ainsi par exemple le préfet
peut, en raison de circonstances locales particulières, interdire pour toutes les communes de
son département la vente à emporter de boissons alcoolisées entre 22h et 6H : CE,3 mars
1993, société Carmag.

En dehors de ce pouvoir de police générale exercé sur l’ensemble du département, il est


également titulaire de pouvoir de police dans des hypothèses plus ciblées mais toujours de
police générale. Trois hypothèses :
-En matière de police de circulation sur les voies publiques, par principe le préfet est
compétent au nom de l’État les mesures nécessaires au maintien de la sécurité publique en
dehors de l’agglo.

-Le préfet dispose en outre de pouvoirs de police générale dans les communes à police d’État
qui était celles qui contenaient plus de 10 000 habitants, aujourd‘hui sont concernés les
communes dont les besoins en matière de sécurité nécessitent la mise en place d’une police
étatisée en fonction de certains critères prévus par les textes. Dans de telles communes les
pouvoirs de police du maire sont en partie transférés au préfet qui va alors agir au nom
de l’État. Ici le préfet a en particulier la charge de la tranquillité publique à l’exception des
troubles de voisinages L2014-4 CGCT et à la charge du bon ordre à l’occasion de grands
rassemblements d’hommes. Il est compétent en ce qui concerne les grands rassemblements
occasionnels de personnes et manifestations et il peut seul interdire dans ce genre de
commune, une manifestation sur la voie publique de nature à troubler l’ordre public et donc
incompétence du maire (1989, CE, commune de Mongeron). Néanmoins, le maire conserve
néanmoins ces pouvoirs de police s’agissant des troubles de voisinages et des rassemblements
dit habituels (marchés, foire) L2014-4 al 3 CGCT.

-Le préfet dispose enfin dans certaines hypothèses définies d’un véritable pouvoir de
substitution d’action prévu par les textes, L2215-1 CGCT. Ce pouvoir s’exerce à l’égard
d’une commune ou de plusieurs communes de département et ce pouvoir intervient dans
l’hypothèse où un maire ne prend pas les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public :
défaillance du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et permet après une mise en
demeure au préfet de prendre à la place du maire les mesures de police nécessaires. Dans ce
cas, le préfet se substitue au maire et donc agit au nom de la commune, en cas de dommages
c’est la commune qui supporte la responsabilité des mesures prises : affaire Dieudonné.
Section 2 - les autorités titulaires d’un pouvoir de police spéciale

Ces autorités sont très nombreuses et il s’agit tantôt d’autorités détenant également des
compétences de police générale et tantôt des autorités qui interviennent exclusivement en
qualité de police spéciale ➔ distinction entre le niveau local et national.

I - Au niveau national

Au niveau du pouvoir central de nombreux ministres apparaissent comme des autorités de


police spéciales alors même qu’ils ne disposent d’aucunes compétences en matière de police
générale en revanche certains ont des compétences de police spéciale voire même de plusieurs
pouvoirs : le ministre de l’intérieur :compétence de police spéciale, une matière des polices de
publication de la jeunesse, le ministres des transports pour la navigation aérienne ou le
ministre de la culture avec la police des spectaclesOn considère parfois, que les fonctions de
régulations attribuées à certains Autorité Administrative Indiv au niveau national dans un
secteur précis ne sont pas sans lien avec le pouvoir de police s’exerçant à travers de
prérogatives.

II - Au niveau local

De nombreuses autorités apparaissent comme autorités de police spéciale entre celles qui sont
aussi de police générale et celles qui n’interviennent qu’en matière de police spéciale.

En premier lieu il s’agit du maire qui est une autorité de police générale qui intervient au titre
de la police des édifices menaces en ruines, la police des cimetières L2213-CGCT des
baignades et activités nautiques article L 2213-23 CGCT. Le préfet qui est également titulaire
de nombreux pouvoirs de polices spéciales comme la police sanitaire, des cours d’eaux. Il
existe par ailleurs des autorités qui n’interviennent qu’au titre de la police spéciale c’est le
cas tout d’abord du président du conseil départemental ➔ Loi du 2 mars 1982 venant
confier au PR du conseil des pouvoirs de police afférant à la gestion du domaine public
départementale qui sont toujours actuels : L3221-1 CGCT. A ce titre, le Pr du conseil est
habilité à prendre des mesures de polica applicables aux routes départementales hors
agglomération. Le CE a semble-t-il exclu toute compétence de police générale au PR du
conseil départemental (général avant), avis du 23 juillet 1996, concernant la police de
circulation de la voie publique.
On peut également retrouver les préfets de région qui disposent de certains pouvoirs de
police spéciale en matière de monuments historiques ou espaces culturels protégés.

Section 3 ; la concurrence entre les autorités de police

Le nombre des autorités de polices (générale ou spéciale), leur diversité des interventions
peuvent débouchés sur des regroupements voire même des télescopages.

I - La concurrence entre polices générales


Cette premiere situtua tion de concurrence peut naitre de la volonté de deux autorités de
police d’intervnir dans une même activité. Cette question es t classiquement réglée par les
principe de la jp LAbone, pricipe dint le CE avait déjà jeté les bases dans l’arret commune de
neris les bains 18 avril 1902 ; il s’agissait d’un arrêté du préfet pris pour interdire des jeux
d’argents. Le maire avait fait la même. Cette JP détermine l’étendue et limites des autorités de
polices de l’autorité locale. 2 situations :

-Une autorité de police de degré inférieur peut toujours renforcer les mesures prises par
l’autorité supérieure → Labonne et Neris les Bains, JP reprise dans des articles, ex :R411-8
du Code de la route.

A l’inverse une autorité de police inférieure ne peut en revanche, en principe, modifier ou


adoucir les mesures prises au niveau national. Sauf exception lorsqu’un texte spécial offre la
possibilité aux autorités inférieures d’adopter des mesures moins contraignantes comme en
vertu de l’art R 413-3 du Code de la route : faire passer en agglomération la vitesse max à 70
km au lieu des 50. L’autorité de police fixe au niveau supérieur un cadre général et l’autorité
inférieure pourra y déroger dans un sens plus rigoureux pour tenir compte de certaines
situations ou circonstances.
II - La concurrence entre autorités de police générale et de police spéciale

En principe les textes servant de fondement de police spéciale vont conférer une compétence
exclusive où l’autorité de police générale n’est en principe pas habilité à intervenir et ne
pourra prendre aucune mesure comme par ex CE 20 juillet 1935 Société établissements satin
s’agissant de l’impossibilité pour le maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police générale
pour intervenir dans les gares et les réseaux ferrés géré par ...
26 octobre 2011 commune de st Denis s’agissant d’impossibilité pour un maire de
réglementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile dans sa commune.

Il peut toutefois arriver que le texte instituant la police spéciale ne lui confère pas une
compétence exclusive ou laisse à la police générale une certaine marge de manœuvre. Dans ce
cas on applique la jp de Labonne et de Neris les Bains : Possibilité de renforcement mais pas
de possibilité de modification et d’adoucissement. → CE Société des films Lutétia
Il y a des cas justifiés par l’urgence peut justifier l’intervention de la police générale même
lorsque les textes réservent l’exclusivité à la police spéciale dès lors que cette dernière ne
peut intervenir
avec suffisamment de rapidité à une situation d’urgence ou de péril.(CE 29 septembre 2003
Houillères du bassin de Lorraine.)

III - Concurrence entre autorités de police spéciale

Tout conflit entre deux autorités de police spéciale est en principe exclu dès lors que chacune
réponde à un but spécifique et il va s’appliquer le principe d’indépendance des législations
et de non concurrence entre autorité de police. Chaque autorité de police se doit d’agir dans
son champ de compétence propre dont elle bénéficie d’une exclusivité et n’a pas à se soucier
d’une intervention éventuelle. Cette question de la coordination peut par ailleurs se poser pour
une seule et même autorité qui disposerait d’une pluralité de compétence et par exemple le
préfet doit mettre en œuvre ses différents pouvoirs de police spéciale sans se soucier de leurs
articulations.

Cette hypothèse est donc plus théorique que pratique, mais il peut y avoir télescopage. Dans
ce cas le juge devra alors déterminer en fonction des textes applicables quelle police a
empiéter sur le champ d’action de l’autre.

CHAPITRE III. LES MESURES DE POLICE

Dans le cadre de leurs compétences, les autorités de PA peuvent adopter des mesures qui
obéissent à un certain nombre de règles formant leur régime juridique, le respect de ces règles
va conditionner la légalité des mesures de police

I - Nature et typologie des mesures de police

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