EDITORIAL

Impact du COVID-19 sur les entreprises : Quelle stratégie pour s’en sortir ?
The impact of covid-19 on business: how to deal with it
Wafi Chtourou

Professeur à l’IHEC. Université de Carthage

Docteur en Management Stratégique de l’IAE-Lyon.

résumé
Au-delà de ses conséquences sanitaires et sociales, la propagation du Coronavirus a fortement bouleversé le monde de l’entreprise. Le dérèglement
mondial des chaînes d’approvisionnement et les effets de la distanciation sociale sur les économies ont mis les Managers face à des difficultés
sans précédent : tensions financières, annulation de commandes, problèmes logistiques, pénuries, gestion et protection des équipes, etc. Une
situation réclamant une intervention immédiate afin de s’en sortir. Ainsi, cet article propose une réflexion dans ce sens structurée en trois points :
D’abord, nous explorons l’impact du COVID-19 sur les entreprises. Ensuite, nous proposons aux praticiens un plan d’action, en quatre priorités,
afin d’assurer un fonctionnement palliatif, permettant de gérer la crise qui en découle. Quelques conseils sont avancés pour dépasser les obstacles
et faciliter les aspects liés au déploiement de ce plan. Enfin, nous présentons les capacités importantes qu’il conviendrait d’avoir (ou renforcer) afin
d’assurer un retour progressif à la situation normale.
Mots-clés : COVID-19, impact, entreprises, priorités d’action, résilience.

Avec la propagation mondiale de la pandémie, le monde
des affaires est aujourd’hui bouleversé. Au-delà de ses
conséquences sanitaires et sociales préoccupantes,
le COVID-19 crée une grande incertitude, remplaçant,
ainsi, un ordre que l’on croyait immuable. La paralysie
de Wuhan, cette « usine du monde » située en Chine, a
déjà mis en péril plusieurs activités. Si le pire n’est jamais
certain, vouloir anticiper, même sur les évènements
imminents demeure difficile. Deux constats sont
déjà là. Premièrement, on assiste à un dérèglement,
sans précédent, des chaînes d’approvisionnement.
Avec la diminution de la capacité de production, la
suspension, voire même la disparition de certaines
activités, plusieurs lignes, voire carrément des usines
ont temporairement fermé leurs portes. Une pénurie
de pièces, de matériaux, mais aussi de main d’œuvre
s’en suit (la prochaine pénurie serait alimentaire).
Deuxièmement, c’est une forte chute de la demande
qui est constatée. Un effondrement alimenté, d’une part,
par l’obligation de la distanciation sociale (confinement,
mise en quarantaine, etc.) et d’autre part, par la baisse
de la croissance des PIB impactant directement la
pauvreté et les pouvoirs d’achat. Une grande baisse
des dépenses non essentielles est constatée. Les
évènements s’accumulent et brouillent les perspectives.
A ce niveau, l’évaluation de leurs impacts se présente
comme préalable à tout plan d’action pour s’en sortir.
Sortir des « sentiers battus » pour trouver le bon chemin
s’avère nécessaire. C’est le moment ou jamais de se
ressaisir, afin d’assurer sa continuité et sa survie…
L’impact du COVID-19 sur les entreprises
L’évolution très rapide des choses fait que les entreprises
sont face à un choc non maîtrisé. La situation est
menaçante, urgente, imprévue, non contrôlable,
provoquant des difficultés en cascade. Les symptômes
sont ceux d’une grande crise  ! Les Managers sont
appelés à mettre en place un management exceptionnel
pour faire face à trois enjeux. D’abord social, avec
un personnel habitué à une certaine routine de
fonctionnement, les nouvelles décisions à entreprendre
risquent de rencontrer un sérieux problème de

Correspondance
Wafi Chtourou
IHEC Carthage
Email: wafi.chtourou@ihec.u-carthage.tn

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résistance au changement. Ensuite financier, c’est la
conséquence de plusieurs problèmes (baisse du chiffre
d’affaires, difficultés rencontrées par certains clients
les rendant insolvables, absence de visibilité au niveau
du carnet de commandes, etc.). Enfin, un grand enjeu
global, menaçant la pérennité même de l’entreprise.
Ceci pousse à se poser une question immédiate : Serait-
il possible de gérer la crise et de retrouver une situation
normale ?
Face à cette situation délicate, il faut savoir que ce
n’est pas uniquement la conjoncture externe qui
pose problème, mais c’est aussi la vulnérabilité des
organisations qui les rend plus fragiles, face à la menace
de la crise. Les experts en gestion de risque s’accordent
sur une appréciation du risque, prenant en considération
la vulnérabilité de l’entreprise (en interne), l’importance
de la menace du Covid-19, ainsi que son impact sur le
Business. A cet égard, on pourrait évaluer un risque en
multipliant la probabilité qu’il se produise (qui dépend,
aussi bien, de la menace, que de la vulnérabilité) par
son impact sur l’entreprise. Le COVID-19 se présente,
ainsi comme un risque alarmant, couplé à une très
forte probabilité de propagation. Son impact est donc à
prendre au sérieux dans le milieu des affaires.
Prenons, à titre d’exemple, une situation, dans
laquelle un médecin en exercice à l’Hôpital soit testé
positif au COVID-19. En termes de probabilité, le
risque que cela se produise est fort, compte-tenu,
du contact fréquent avec les patients (note =4/5).
L’impact global, quant à lui, peut s’inscrire dans
plusieurs registres : d’abord humain (par exemple le
nombre de personnes infectées, le nombre de morts),
ensuite social (l’effet -notamment psychologique- sur
le personnel de l’hôpital), financer (avec les coûts des
soins que cela va engendrer), contractuel (l’incidence
sur les engagements de l’hôpital en termes de prise
en charge des patients), etc. Tout ceci peut nous
donner un impact global modéré à fort (note =3-4/5).
Quelle stratégie face à la crise du COVID-19 ?
L’arrivée du COVID-19 se présente comme un
événement brutal, créant une rupture dans le
fonctionnement normal des entreprises, menaçant,
ainsi, leur fonctionnement, voire même leur survie.
Dès lors, l’objectif, est de réagir, très rapidement, avec
une première solution permettant un fonctionnement
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palliatif (logique défensive de sauvetage), pour ensuite
redresser provisoirement la situation jusqu’au retour à la
normale (logique offensive d’intervention). Bien entendu,
plus la crise durera, plus l’entreprise sera affectée. Dans
une telle situation, le temps est considéré comme une
contrainte. D’abord, parce que le COVID-19 provoque
une perturbation nécessitant une attention immédiate.
Ensuite, parce que la situation se caractérise par une
certaine gravité : Ce n’est pas une urgence de routine.
Enfin, souvent l’entreprise est déjà fortement menacée...
Alors qu’habituellement, quand on fait de la Stratégie,
on se projette dans l’avenir, et donc le temps est plutôt
intégré comme une variable dans l’équation de la
formulation des choix guidant la planification.
Ainsi, les Managers gagneraient à déployer un plan
d’action avec quatre priorités absolues et simultanées.
Sans prétendre à un ordre particulier, nous les
présentons, dans ce qui suit :
La première priorité est de stabiliser les chaines
d’approvisionnement. Acet égard, les risques fournisseurs
doivent être évalués, avec la préparation de solutions
alternatives. Ensuite, en fonction de cela, il conviendrait
de prévoir des scénarios d’approvisionnement, de
production et de ventes (anticiper éventuellement sur les
pénuries et le retards). Enfin, envisager une optimisation
des capacités logistiques, compte tenu des nouvelles
circonstances.
La deuxième priorité est de protéger ses employés/
collaborateurs. A cet égard, des flexibilités supplémentaires
doivent intervenir rapidement que ce soit dans l’octroi des
congés ou pour faciliter le travail à distance. Des outils de
travail collaboratifs doivent être choisis et communiqués
dans les plus brefs délais. Un travail sur la confidentialité
des données doit être fait en parallèle. Une équipe peut
être mobilisée, afin de gérer la communication au sein
de l’entreprise, avec des feed-back réguliers, ou même
du Reporting interne. Aussi, il est attendu, de concevoir
un document d’orientation avec des scenarios d’évolution
de la crise, ainsi qu’une liste d’actions préventives. Enfin,
un détail important, auquel plusieurs entreprises ne font
pas attention, mais qui permet d’atténuer la « crainte »
des employés, c’est l’engagement avec les autorités
sanitaires officielles afin d’obtenir la bonne information à
temps et de mettre en place les bonnes pratiques.
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La troisième priorité est la communication et l’implication
des clients. Souvent, les entreprises qui s’en sortent le
mieux lors des perturbations, sont celles qui anticipent
les changements possibles du comportement client. Il
faut, également, avoir à l’esprit que les préférences des
clients peuvent ne pas revenir à ce qu’elles étaient avant
l’épidémie. Du coup la situation pourrait, aussi, être
considérée (en positif cette fois) comme une opportunité
pour l’innovation.
Exemple : Le web to store ou O2O se présente comme
un outil de veille très important. Plusieurs entreprises
ont anticipé le changement de comportement de
leur clientèle lors de la phase de consultation/
navigation sur Internet (online) afin développer des
stratégies de vente (offline) plus adaptées (comme
la recherche de solutions alternatives aux GMS
(Grandes et Moyennes Surfaces) en cette période
de distanciation sociale).
Les clients apprécient, aussi, le fait qu’on les engage
dans notre plan de communication sur les risques et/ou
changements liés à la relation client. Une récente étude
faite dans la Harvard Business Review (1) stipule que
lorsque les clients sont séparés du travail qui se fait en
« back office » pour les servir, ils apprécient moins le
service. Par conséquent, ne pas hésiter à communiquer
sur les mesures prises pour atténuer les risques et mieux
les servir tout en étant une entreprise responsable.
La quatrième priorité est de s’assurer de la résistance
financière de l’entreprise. Il est demandé, ici, d’actualiser
ses données en prévoyant différents scénarios, ainsi que
d’identifier les déclencheurs pouvant altérer les liquidités,
notamment les indicateurs clés de risques (KRI).
Ensuite, il convient de définir les mesures pour stabiliser
l’entreprise en travaillant davantage sur la réduction des
coûts inutiles (se concentrer sur son cœur de service),
ainsi que sur l’optimisation des comptes créditeurs et
débiteurs. Aussi, il convient de penser à l’éventuelle
mobilisation d’un soutien financier externe pour gérer
les modifications éventuelles apportées à la chaîne
d’approvisionnement et/ou à la relation client.
Pour une mise en pratique réussie de ces priorités,
le Top Management doit être capable de donner une
réponse immédiate et cohérente à tous les problèmes
précédemment soulevés, d’accorder plus d’autonomie
aux «  chefs de file  » engagés sur les quatre priorités
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(en les responsabilisant), de prendre l’avis des experts
le cas échéant et d’intégrer tous les flux dans une
structure agile chapeautée par l’exécutif. Un équivalent
de cellule de crise a été proposé par les experts de
McKinsey (2) afin de coordonner toutes les actions au
sein d’une seule équipe d’intégration. L’appellation
proposée est «  Centre Nerveux Intégré  ». Doté de ce
qui lui permettrait un fonctionnement minimal (ne pas
chercher la sophistication), ce centre doit être piloté
par le numéro 1 de l’exécutif, être la seule source de
vérité (couper court aux rumeurs), faire un mapping de
tous les scénarios possibles et coordonner les actions
palliatives de l’ensemble des équipes. En outre, son
fonctionnement se basera sur :
1. La mise en place d’un système de veille fiable. En
effet, l’accès à l’information va permettre d’émettre
des hypothèses et de formuler des scénarios,
2. L’élaboration d’un plan d’action et d’un mode
opératoire d’exécution dans la foulée,
3. Une communication transparente (tout en gardant
une marge de flexibilité permettant de s’adapter à
l’évolution des choses) pour garantir une adhésion
maximale.
Les priorités d’action évoquées, la sélection de certaines
personnes (plutôt que d’autres) pour le fonctionnement
de l’équipe d’intégration et la rapidité de réaction que
requiert la gestion de la crise provoquent un changement
majeur dans l’entreprise. De ce fait, il devient inévitable
de ne pas avoir de la résistance. Cette dernière peut être
accentuée par :
1. La rapidité des changements à effectuer (d’habitude
il est coutume de faire les changements en « douceur
». En effet, un changement brusque peut provoquer
de l’anxiété et une certaine peur face à la nouvelle
situation ;
2. Le manque d’engagement du personnel (surtout si
le changement n’est pas en sa faveur, cela risque
de donner à certains plus de responsabilités et à
d’autres moins de pouvoir ;
3. Les risques liés aux agents du changement
(possibilité d’opportunisme individuel ou encore
décisions prises - ou non prises - sous l’emprise de
l’émotion) ;
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4. Enfin, une perte du contrôle de la situation (et donc

d’autorité, même partielle) si les collaborateurs
jugent les décisions prises par les Managers comme
maladroites (ou aggravant la situation).

Et pour finir, les capacités à avoir pour un retour à

la normale

Au-delà de la gestion de la crise, permettant d’assurer

une certaine continuité de l’activité, il est important
pour toute entreprise d’avoir la capacité de retrouver
après le « choc » une situation normale (idéalement
meilleure). Cette capacité dépend de trois facultés
importantes : D’abord, l’absorption du choc, en étant
capable d’assimiler la situation et de se ressaisir très
rapidement en réduisant la vulnérabilité de l’entreprise
(par exemple trouver rapidement un arrangement avec
ses créanciers, les autorités ou les services bancaires
pour faire face aux problèmes de liquidités). Ensuite, le
renouvellement, en trouvant des solutions inédites dans
l’urgence de la perturbation (ne pas hésiter à mobiliser
la créativité de ses équipes, à repenser son Business
Model ou à renforcer le lien social avec ses partenaires
en travaillant davantage sur l’établissement de nouvelles
relations de confiance). Enfin le rebond, permettant aux
entreprises de sortir encore plus fortes et à moindre
perte, en apprenant des problèmes rencontrés. Plus
concrètement, si le début de la crise, requiert un plan de
crise avec comme objectif immédiat la minimisation des
dégâts. Le passage de la « tempête », peut permettre de
prévoir un plan de continuité d’affaires (3). A ce niveau,
l’objectif serait être plus ambitieux en visant un retour à
la normale…

RÉFÉRENCES
1. Reeve, M., Lang, N., Carlsson-Szlezak, P. (2020), Lead
your Business through the Coronavirus Crisis, Harvard
Business Review.
2. Craven, M., Liu, L., Mysore, M., Singhal S, Sven Smit,
S., and M. Wilson (2020), COVID-19: Implications for
Business, McKinsey, March 2020 | Executive Briefing.
3. Goh, M.H. (2015). Business Continuity Management
Planning Methodology, International Journal of Disaster
Recovery and Business Continuity, 6. 9-16. 10.14257.

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