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Appareillage électrique

d’interruption à haute tension


par Yves PELENC
Directeur Scientifique Merlin Gerin
Professeur à l’Institut National Polytechnique de Grenoble

1. Rôle de l’appareillage électrique ......................................................... D 4 700 - 2


1.1 Généralités ................................................................................................... — 2
1.2 Définitions .................................................................................................... — 3
2. Problèmes fondamentaux...................................................................... — 4
2.1 Contacts........................................................................................................ — 5
2.2 Problèmes diélectriques.............................................................................. — 7
2.3 Généralités sur les phénomènes d’interruption des courants................. — 9
2.4 Arc inéluctable ............................................................................................. — 11
2.5 Expérimentation inévitable......................................................................... — 13
3. Interruption des circuits alimentés en courant continu............... — 14
3.1 Première approche des problèmes d’interruption en courant
continu.......................................................................................................... — 14
3.2 Modélisation du comportement dynamique de l’arc ............................... — 18
3.3 Pointe d’extinction....................................................................................... — 21
3.4 Temps de coupure ....................................................................................... — 22
3.5 Énergie de coupure ..................................................................................... — 23
3.6 Utilisation d’un condensateur en parallèle sur l’arc ................................. — 24
3.7 Avenir du transport en courant continu à haute tension ......................... — 27
4. Interruption des circuits alimentés en courant alternatif............ — 29
4.1 Comparaison des coupures en courant continu et en courant
alternatif ....................................................................................................... — 29
4.2 Coupure des courants de charge normaux ............................................... — 34
4.3 Coupure des courants de court-circuit....................................................... — 36
4.4 Comportement sur court-circuit des appareils à faible tension d’arc ..... — 37
4.5 Comportement sur court-circuit des appareils à forte tension d’arc ...... — 42
4.6 Coupe-circuit à fusibles............................................................................... — 42
4.7 Précisions concernant le pouvoir de coupure et la tension
de rétablissement ........................................................................................ — 43
4.8 Enclenchement des lignes longues............................................................ — 45
5. Grandes techniques d’interruption..................................................... — 47
5.1 Préambule .................................................................................................... — 47
5.2 Coupure dans l’air ....................................................................................... — 47
5.3 Coupure dans l’huile ................................................................................... — 48
5.4 Coupure dans l’air comprimé ..................................................................... — 50
5.5 Coupure dans l’hexafluorure de soufre ..................................................... — 50
5.6 Coupure dans le vide................................................................................... — 58
5.7 Coupure statique ......................................................................................... — 62
9 - 1988

5.8 Choix de la solution la mieux adaptée à chaque utilisation .................... — 62


Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. D 4 700
D 4 700

e domaine de l’interruption des courants électriques a ceci de caractéristique


L qu’il est le seul à devoir dominer un arc de puissance en coupure, phénomène
particulièrement délicat à maîtriser et à modéliser. Il en résulte que tout le secteur
de l’appareillage électrique échappe depuis l’origine à la possibilité d’utiliser
aisément des règles d’application générale.

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En outre, indépendamment des problèmes d’interruption, les phénomènes de


contacts électriques et de tenue diélectrique relèvent plus, eux-mêmes, de l’expé-
rimentation et du savoir-faire que du respect de modèles physiques susceptibles
de permettre la prédétermination valable du comportement des appareils en
service.
En conséquence, cet article ne peut pas avoir l’ambition d’apporter des
réponses formelles aux questions auxquelles se trouve confronté le lecteur. Il
a été conçu dans le but principal de développer son esprit critique, afin de lui
permettre de former lui-même son jugement face aux choix qu’il peut faire et
aux problèmes qu’il peut avoir à résoudre. Dans cette optique, la priorité a été
donnée aux explications physiques simples des divers phénomènes rencontrés,
illustrées de quelques exemples. Nous avons volontairement écarté les dévelop-
pements théoriques sans réelle utilité pratique, ainsi que les descriptions techno-
logiques des diverses solutions utilisées hier et aujourd’hui ; elles figurent dans
les catalogues des constructeurs [Doc. D 4 700].
Nous avons donc choisi un plan de présentation logique, à ambition princi-
palement pédagogique, mettant progressivement en évidence :
— les difficultés fondamentales auxquelles se trouve confronté l’appareillage
électrique ;
— les grandes solutions de principe adoptées pour les résoudre.
Pour les problèmes plus spécifiques qui ne peuvent trouver place dans ce texte,
le lecteur pourra se reporter utilement aux articles et ouvrages sélectionnés cités
en bibliographie [Doc. D 4 700].

Notations et Symboles Notations et Symboles

Symbole Définition Symbole Définition

C Capacité WJ Énergie de coupure


E Force électromotrice de la source :
— valeur constante en courant continu W*
J  1
 
Énergie de coupure réduite W J / ------ LI 2
2
— valeur de crête ( E ) en courant alternatif
^
w Énergie contenue dans l’arc
e Force électromotrice instantanée de la source en w0 Paramètre énergétique de l’équation de Mayr
courant alternatif  Impédance du circuit
f, ω Fréquence propre et pulsation du circuit θ Constante de temps de désionisation
fa , ω a Fréquence propre et pulsation de l’oscillation ϕ Déphasage entre le courant et la tension
arc-capacité
∆u Chute inductive
f0 , ω 0 Fréquence et pulsation industrielles (50 ou 60 Hz)
^
λu Écart entre les caractéristiques statiques et
I Valeur de crête du courant dynamiques
i Valeur instantanée du courant
i* Valeur réduite du courant instantané (= i /I)
i0 , r0 , u0 Valeurs initiales des variables
L Inductance en courant continu 1. Rôle de l’appareillage


Inductance en courant alternatif
Longueur d’arc
électrique
P Puissance de refroidissement
P0 , U 0 Coefficients de la caractéristique statique d’arc 1.1 Généralités
R Résistance du circuit en courant continu
R1 Résistance de shuntage d’arc 1.1.1 Fonctions de l’appareillage électrique
 Résistance du circuit en courant alternatif
r Résistance d’arc La parfaite maîtrise de l’énergie électrique exige la possession de
Tc Temps de coupure tous les moyens nécessaires à la commande et au contrôle de la
t Temps circulation du courant dans les innombrables circuits qui vont de la
U Tension de rétablissement centrale de production jusqu’à la plus modeste utilisation terminale.
Cette délicate mission incombe fondamentalement à l’appareillage
Un Tension assignée
électrique.
u Tension d’arc

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Le rôle de ce dernier consiste à assurer en priorité la protection


automatique de ces circuits contre tous les incidents venant en
perturber le fonctionnement ou constituant un danger pour les
exploitants et les utilisateurs. Bien entendu, l’appareillage électrique
doit aussi permettre d’effectuer sur commande les différentes opé-
rations entraînant la modification de la configuration du réseau.
Par ses deux fonctions complémentaires de commande volontaire
et de sécurité automatique, l’appareillage électrique contribue hau-
tement à la qualité de la disponibilité du réseau et à sa sûreté
d’emploi, éléments fondamentaux du service attendu par la clientèle.
C’est assez dire l’importance du rôle de l’appareillage de manœuvre
et de protection, dont la vertu principale est d’intervenir intelligem-
ment et sans défaillance, au point de parvenir à faire oublier qu’il
existe.
Pour atteindre semblables efficacité et discrétion, il lui faut domi-
ner de nombreux phénomènes dont certains sont particulièrement
délicats : phénomènes de contacts, d’échauffements, de tenue dié-
lectrique, de tenue aux efforts électrodynamiques, d’enclenchement
et, surtout, d’interruption des courants électriques.
Il lui faut aussi parvenir à des niveaux de fiabilité toujours plus
proches de la perfection, tout en exigeant de moins en moins d’inter-
ventions de maintenance, opérations à la fois coûteuses et gênantes
pour l’exploitation.
Le problème étant ainsi posé dans ses grandes lignes, on peut
être surpris de constater qu’il règne encore aujourd’hui une
ingénieuse diversité dans les solutions techniques utilisées pour le
résoudre. On pourrait en effet penser que, un siècle après les glorieux
débuts de la domestication de l’électricité industrielle, les techniques
de coupure auraient pu se cristalliser autour d’une solution optimale, Figure 1 – Évolution des techniques de coupure
à l’image de ce que l’on constate dans la plupart des domaines liés (les techniques de coupure seront explicitées au paragraphe 5)
à la production, au transport, à la distribution ou à l’utilisation de
ce vecteur d’énergie exceptionnel.
Le fait qu’il n’en est pas ainsi résulte du rôle fondamental que 1.2 Définitions
joue l’arc électrique de coupure.
1.2.1 Sectionneurs
1.1.2 Rôle fondamental de l’arc électrique Parmi les constituants classiques d’appareillage, seuls les
sectionneurs échappent à la contrainte d’avoir à dominer un arc de
Seul l’arc électrique permet, à l’heure actuelle, de dominer l’inter- coupure ou de fermeture. Ils sont en effet prévus pour ouvrir ou
ruption des courants de court-circuit considérables de nos grands fermer les circuits lorsque ces derniers ne sont parcourus par aucun
réseaux d’interconnexion, comme ceux de nos plus modestes courant.
installations domestiques. Les subtiles raisons de cette suprématie Ce sont, avant tout, des organes de sécurité chargés d’isoler, par
résident dans ses propriétés physiques et thermo-électroniques, qui rapport au reste du réseau, un ensemble de circuits, un appareil,
lui confèrent une incomparable aptitude à passer rapidement de une machine, une section de ligne ou de câble, afin de permettre
l’état conducteur à l’état isolant. au personnel d’exploitation d’y accéder sans danger.
En revanche, ce phénomène physique, dont l’existence exige des
températures tout à fait inhabituelles, échappe de ce fait aux modé-
lisations mathématiques qui permettraient d’en prévoir le compor- 1.2.2 Interrupteurs
tement avec une faible marge d’incertitude. Il en découle que sa
maîtrise reste, pour une grande part, soumise à l’imagination des Les interrupteurs sont des appareils destinés à établir ou inter-
chercheurs et que la mise au point des appareils de coupure demeure rompre un circuit dans des conditions normales de charge. Leurs
grandement dépendante de l’expérimentation et du savoir-faire. performances sont limitées ; elles leurs permettent néanmoins
Il n’est donc pas étonnant de voir coexister, en matière de tech- d’éliminer les surcharges, mais en aucun cas les courts-circuits.
niques de coupure, une diversité de solutions dont aucune n’a pu Certains interrupteurs sont suceptibles de remplir également, avec
supplanter toutes les autres dans tous les domaines d’emploi quelques réserves, des fonctions de sectionnement, c’est-à-dire
(figure 1). d’assurer la sécurité d’isolement.
Avant de poursuivre plus avant l’étude des contraintes auxquelles
l’appareillage à haute tension (HT) se trouve soumis, nous allons
définir les quelques grandes familles d’appareils qui en constituent 1.2.3 Contacteurs
les principaux piliers.
Les contacteurs jouent un rôle comparable à celui des inter-
rupteurs, mais ils sont capables d’assurer des cadences de fonc-
tionnement élevées grâce à leur commande électrique très directe.

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Ils possèdent une grande endurance électrique et mécanique et 1.2.7 Remarque


assurent généralement la commande de fours, de moteurs à haute
tension ou d’équipements industriels divers devant être manœuvrés
fréquemment. Ils ne peuvent jamais être utilisés comme section- Les constituants principaux dont nous venons de définir les
neurs et ne restent fermés que si leur bobine de commande est fonctions élémentaires sont le plus souvent associés entre eux
constamment alimentée. pour réaliser des fonctions plus complexes, en vue d’assurer les
meilleures protection et disponibilité d’un ensemble de circuits.

1.2.4 Coupe-circuit à fusibles


Les fusibles permettent d’interrompre automatiquement un circuit
parcouru par une surintensité, grâce à la fusion d’un conducteur 2. Problèmes fondamentaux
métallique calibré. Ils sont surtout efficaces pour la protection contre
les courts-circuits, vis-à-vis desquels ils agissent, le plus souvent,
en limiteurs de la valeur de crête du courant à interrompre. Ils sont Dans le schéma électrique d’un réseau, les appareils que nous
assez souvent générateurs de surtensions de coupure et exigent venons d’évoquer au paragraphe 1.2 sont, pour le plus grand
malheureusement d’être remplacés après chaque fonctionnement. nombre, symbolisés par des contacts (tableau 1) qui, selon qu’ils
sont fermés ou ouverts, autorisent ou non le passage du courant
En triphasé, ils n’éliminent que les phases parcourues par un dans les circuits correspondants. C’est assez dire que ces appareils
courant de défaut, ce qui peut présenter des dangers pour le matériel sont avant tout constitués de contacts électriques. (0)
et le personnel. En outre, dès que leur calibre en courant dépasse
quelques dizaines d’ampères, ils présentent des risques de fonc-
tionnement défectueux dans certains cas de surcharge prolongée.
Tableau 1 – Symboles normalisés pour la représentation
Pour pallier ce dernier inconvénient, les fusibles peuvent être asso- des appareils de connexion
ciés à des interrupteurs ou à des contacteurs avec lesquels ils
constituent des combinés susceptibles d’assurer la protection contre Symbole Désignation
les surcharges et les courts-circuits dans des conditions satis-
faisantes. Les combinés présentent, en outre, l’avantage d’une pos-
sible interruption triphasée en cas de fusion d’un seul ou de deux Sectionneur
fusibles.
Sectionneur à deux directions avec
position d’isolement médiane
1.2.5 Disjoncteurs
Interrupteur
Les disjoncteurs, quant à eux, sont capables de fermer et d’inter-
rompre un circuit dans toutes les circonstances.
Tous les types de relais et de systèmes de protection peuvent leur Interrupteur-sectionneur
être associés afin d’assurer, dans les meilleures conditions, l’élimi-
nation des défauts survenant dans les circuits qu’ils contrôlent, ainsi Contacteur
que la remise en service automatique de ces circuits lorsque les
défauts présentent un caractère fugitif ou ont été éliminés par un Fusible dont l’extrémité qui, après fusion,
autre appareil. demeure sous tension est indiquée par un
trait renforcé
Le disjoncteur constitue l’appareil de protection par excellence,
doué à la fois d’intelligence et d’une totale capacité d’intervention.

1.2.6 Parafoudres Interrupteur triphasé à ouverture auto-


matique par l’un quelconque des fusibles
Les parafoudres et parasurtenseurs sont des dispositifs statiques à percuteur
chargés de limiter, en un point donné du réseau, l’amplitude des
surtensions susceptibles d’y apparaître.
Ces surtensions peuvent être soit d’origine atmosphérique,
c’est-à-dire externes, soit consécutives à des manœuvres ou à des
phénomènes de résonance, auquel cas elles sont dénommées Disjoncteur
internes.
— Les plus simples de ces appareils sont les éclateurs ; chaque Parafoudre
fois qu’ils fonctionnent, ils restent amorcés et un disjoncteur doit
intervenir pour éliminer le courant de défaut qui en résulte.
Varistance (parasurtenseur à oxyde de
— Les plus perfectionnés, tels les parasurtenseurs à oxyde de zinc zinc par exemple) :
(ZnO), sont constamment connectés au réseau car ils sont pratique- 1 symbole normalisé
ment isolants à la tension nominale (dans ce traité, article 2 symbole couramment utilisé
Parafoudres [D 4 755]). En cas de surtension, leur résistance devient
temporairement très faible, mais ils redeviennent automatiquement
isolants dès que la tension retrouve sa valeur normale. Ils jouent
ainsi leur rôle d’écrêteur sans entraîner d’interruption de service.

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Ils doivent aussi posséder des éléments d’isolation permettant à


l’appareil de supporter la tension du réseau.
Enfin, la plupart d’entre eux doivent disposer de moyens propres
à assurer l’interruption des courants qui les traversent.
Ces trois problèmes (contacts, isolement et interruption) repré-
sentent les difficultés les plus fondamentales auxquelles l’appa-
reillage électrique doit faire face.

2.1 Contacts
2.1.1 Problème des contacts
Ce problème est entièrement dominé par le fait que les deux
conducteurs mis en présence ne prennent appui l’un sur l’autre qu’en
un petit nombre de points, de très faible surface (figure 2a), à travers
lesquels la totalité du courant doit passer. Les irrégularités, mêmes
microscopiques, des surfaces en contact font que seuls quelques
sommets sont initialement en appui (figure 2b).
L’augmentation de la force d’appui (improprement dénommée
pression de contact, suivant un usage courant) provoque l’écrase-
ment de ces sommets et l’élargissement des zones portantes, par
déformation du métal. Néanmoins, la surface totale de ces zones
reste de l’ordre de grandeur du quotient de la force d’appui par la
pression d’écrasement ou dureté superficielle.
Par exemple, avec une force de quelques dizaines de newtons, ces
zones d’appui ne totalisent qu’une fraction de millimètre carré.
De plus, ces zones d’appui ne sont réellement utilisables pour la
transmission du courant que si aucune pellicule isolante ne s’est
interposée entre les deux surfaces ; dans le cas contraire, seules
les fractions des zones d’appui que l’on peut qualifier de parfaite-
Figure 2 – Contact électrique
ment propres sont véritablement conductrices.
La totalité du courant doit donc passer au travers de minuscules
surfaces ; il en résulte un effet de striction des lignes de courant contacts à bas prix, il ne faut pas en déduire que tous les contacts
qui apparaît sur la figure 2a. On montre aisément, par le raisonne- sont mauvais ; il existe, en effet, tout un arsenal de matériaux et de
ment et le calcul, qu’il intervient ainsi une résistance importante, procédés de mise en œuvre qui permettent de résoudre chaque pro-
conforme à la loi d’Ohm et fortement localisée au voisinage immé- blème de contact dans des conditions satisfaisantes, compte tenu
diat de chaque zone de contact (pour plus de détails sur la de tous les facteurs qui interviennent.
striction : article Appareillage électrique à basse tension. Géné-
ralités. Principes. Technologie [D 4 860], dans ce traité). C’est cette
résistance qui est à l’origine de la chute de tension observée entre 2.1.3 Contacts pour faibles courants
les deux conducteurs et, naturellement, du fâcheux échauffement (inférieurs à 1 A)
correspondant.
On conçoit l’importance du rôle joué par des facteurs tels que la Pour les courants élevés, les forces d’appui sont importantes et
répartition au hasard des zones d’appui, la dureté superficielle et la stabilité des résistances de contact s’en trouve grandement
surtout la présence de films isolants. améliorée. En revanche, aux faibles courants, les problèmes de
stabilité sont si délicats qu’il ne faut pas s’étonner de voir employer
des solutions très élaborées ; nous allons évoquer rapidement, à titre
d’exemple, parmi bien d’autres, celle des contacts de certains relais
2.1.2 Dureté superficielle et films isolants à grande endurance.
■ La dureté superficielle est essentiellement fonction de l’état Les contacts de ces microrelais utilisent des surfaces mouillées
d’écrouissage, du recuit et du vieillissement du matériau ; elle peut au mercure par capillarité (figure 3) ; la dureté superficielle est donc
varier dans le rapport de 1 à 10 au cours de la vie d’un même contact. pratiquement nulle et la surface conductrice s’étend à la totalité de
la zone de recouvrement. Les forces d’appui peuvent être très faibles.
■ Les films isolants peuvent être constitués d’impuretés recouvrant Les films isolants sont évités grâce à une atmosphère inerte en
les contacts, mais surtout de composés chimiques dus à des attaques ampoule scellée. Cette atmosphère, constituée d’hydrogène sous
superficielles, tels que des oxydes ou des sulfures, particulièrement une pression de 15 bar, apporte des performances diélectriques et
adhérents et résistants au sens électrique autant que mécanique. de coupure inconcevables avec des contacts dans l’air à la pression
atmosphérique. Le mouillage au mercure procure de grandes
■ Cela montre toute la difficulté de réaliser des contacts infaillibles
vitesses de séparation de contact par la rupture brusque du pont
et la part très importante qui revient à l’expérimentation, lors de leur
de mercure et supprime, à la fermeture, les rebondissements
mise au point.
habituellement inévitables. Il élimine aussi l’érosion, de sorte que
Lorsqu’un appareil électrique quelconque refuse de fonctionner de tels contacts, commandés par le champ magnétique d’une petite
ou présente des anomalies, ne vient-il pas immédiatement à l’esprit bobine coiffant l’ampoule, peuvent assurer plusieurs milliards de
l’hypothèse du mauvais contact ? Ce n’est pas sans raison que le manœuvres.
langage courant a consacré cette locution péjorative. Si elle se justifie
hélas trop souvent dans maintes applications domestiques, pour des

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Figure 3 – Relais à contacts mouillés au mercure

2.1.4 Contacts pour courants moyens (1 à 500 A)

Nous ne nous étendrons pas beaucoup sur ce sujet, car il fait l’objet
de développements importants, dans ce traité, dans l’article Appa-
reillage électrique à basse tension. Généralités. Principes. Techno-
logie [D 4 860], pour lequel le problème des contacts constitue une
préoccupation tout à fait fondamentale.
Il est, en effet, généralement impossible, pour des raisons
d’encombrement et de coût, de séparer, dans les petits appareils à
basse tension, les fonctions contacts de passage du courant per-
manent et contacts pare-étincelles, soumis à l’arc. On se trouve alors
confronté à la grande difficulté de réaliser une solution de
compromis permettant de satisfaire ces deux fonctions à l’aide d’un
seul jeu de contacts.
Le choix des matériaux en présence joue évidemment un rôle
déterminant, d’autant plus que la faible longueur électrique de circuit Figure 4 – Chambre de coupure d’un disjoncteur à SF6
représentée par l’appareil fait que l’échauffement de ce dernier pour réseaux d’interconnexion THT
résulte presque uniquement de sa résistance de contact.

■ L’arc de coupure est amorcé entre des contacts dits pare-étincelles


2.1.5 Contacts pour forts courants s’ouvrant après les contacts principaux et réalisés en métaux
(supérieurs à 500 A) réfractaires par une technique de métallurgie des poudres. Une
matrice poreuse est d’abord obtenue par compression d’une poudre
constituée essentiellement de tungstène. Après frittage à haute tem-
En haute tension, les courants étant presque toujours élevés, la
pérature cette matrice acquiert une très grande résistance
stabilité des résistances de contact soulève moins de problèmes.
mécanique. Les pores sont ensuite imprégnés de cuivre par
En outre, il est pratiquement toujours possible, sinon nécessaire,
capillarité.
de séparer les fonctions, ce qui rend plus aisé l’usage de solutions
rationnelles. Néanmoins, les difficultés que nous avons évoquées La matrice en métal réfractaire donne au contact une excellente
demeurent toujours présentes ; on dispose seulement d’un choix résistance à l’érosion due aux arcs de grande puissance qui prennent
élargi de solutions pour les résoudre. racine sur ce type de pièces. Le cuivre, plus fusible mais bon conduc-
teur électrique, qui remplit les pores de cette sorte d’éponge, confère
Examinons l’exemple du système de contacts d’une chambre de
à l’ensemble une excellente conductivité électrique, bien meilleure
disjoncteurs de réseau d’interconnexion THT (figure 4). L’ensemble
que celle qui résulterait de l’emploi de contacts réalisés uniquement
du dispositif de coupure baigne dans l’hexafluorure de soufre (SF6 ),
en tungstène.
gaz possédant de remarquables propriétés à la fois diélectriques et
d’extinction de l’arc. Dans certaines techniques de coupure HT, comme celle des car-
touches à vide, le même contact sert obligatoirement de contact de
■ Les contacts de passage du courant permanent sont constitués de passage permanent et aussi de pare-étincelles. Cela explique, en
doigts multiples (plusieurs dizaines pour chaque couronne de partie, l’importance considérable que joue le choix des matériaux
contact), prenant appui sur des pièces cylindriques de grand dia- de contacts dans ces appareils et la grande difficulté de leur mise
mètre. La multiplicité des points de contact en parallèle réduit la au point.
résistance globale et garantit surtout une excellente stabilité de cette
dernière en fonction du temps.
Le nombre, le dimensionnement et la disposition des doigts de 2.1.6 Remarque
contact permettent d’assurer une parfaite compensation des efforts
électrodynamiques de répulsion qui se manifestent sur chaque En conclusion de cette évocation trop succincte de l’immense pro-
constriction de contact lors des courts-circuits. blème des contacts électriques, nous retiendrons que chaque type
Ces contacts, dits principaux, sont totalement à l’abri des arcs de de contact entraîne des choix particuliers et qu’il n’existe malheu-
coupure. reusement aucune solution universelle. L’expérimentation, souvent
longue et délicate, constitue la seule véritable méthode de mise au
point de contacts fiables.

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2.2 Problèmes diélectriques

Tout appareil appartenant à un réseau HT doit évidemment être


capable de supporter les tensions normales et accidentelles
auxquelles ce réseau se trouve soumis.
Le problème de la tenue diélectrique de l’appareillage s’appa-
rente à celui de tous les composants du réseau, mais peut revêtir
des aspects spécifiques liés, en particulier, au type de milieu utilisé
pour l’extinction de l’arc de coupure : air ou gaz, comprimé ou non,
huile, vide.
Plus la tension est élevée, plus les problèmes diélectriques sont
préoccupants. Ils sont dominés par la difficulté d’étude des champs
électriques environnant les pièces et milieux isolants et, bien plus
encore, par la complexité des phénomènes d’altération, dans le
temps, des propriétés isolantes de ces pièces ou milieux, altération
qui relève presque toujours de l’imprévisible.

2.2.1 Étude de la configuration du champ électrique

La géométrie du champ électrique environnant un appareil réel


ne peut en aucun cas être relevée directement par des méthodes
expérimentales. Toute tentative de mesure provoque, en effet, une
telle perturbation de la distribution du champ que les tracés obtenus
n’ont aucune signification.
Les moyens dont on dispose sont pratiquement limités à des
contrôles de caractère très global, tels que la détermination du seuil
d’apparition des effluves, de la tension d’amorçage sous différentes
formes d’onde ou de la tangente de l’angle de pertes à diverses
fréquences.
Les modélisations numériques viennent heureusement à notre
aide en permettant d’établir les tracés théoriques des surfaces équi-
potentielles, inaccessibles par la mesure (figure 5). Toutefois, ces
tracés ne peuvent être aisément établis que si les pièces en présence
possèdent des formes relativement simples, présentant en parti-
culier des symétries. Ils répondent, en outre, à des hypothèses
nécessairement simplificatrices qui ne sont pas toujours représen-
tatives de la réalité.
On conçoit toute l’importance qui revient à l’expérimentation et Figure 5 – Modélisation des surfaces équipotentielles
à l’art de l’ingénieur dans le simple choix des dimensions des parties dans une chambre de disjoncteur HT
isolantes d’un appareil susceptible de répondre, à l’état neuf, à un
cahier des charges donné.
les diverses pollutions dont il peut être localement l’objet. En fait,
sa rigidité diélectrique ne dépend pratiquement que de la pression
2.2.2 Altération dans le temps barométrique et du degré hygrométrique, dont il est aisé de tenir
compte.
Ce second type de problème est beaucoup plus délicat que celui
de la détermination de la géométrie du champ électrique de l’appareil ■ Si la tenue diélectrique d’un appareil résulte de l’emploi d’une
neuf ; il consiste à essayer de prévoir le comportement de l’isolement certaine pression, il est clair qu’une baisse de cette pression entraî-
de cet appareil tout au long de son existence en service. Les différents nera une dégradation de ses propriétés d’isolement. Si, à l’inverse,
milieux présentent des caractères généraux d’altération assez typés elle est due à un vide très poussé, une très légère remontée en pres-
selon qu’ils sont gazeux, liquides ou solides. sion, par introduction accidentelle d’air ou libération de gaz occlus
Nota : le lecteur pourra utilement se reporter, dans ce traité, aux articles spécifiques sur
dans des matériaux internes, pourra altérer gravement la tenue
les diélectriques et notamment : diélectrique initiale.
— Gaz isolants [D 2 530] ; Enfin, si les qualités diélectriques sont dues à l’emploi d’un gaz
— Isolation sous vide [D 2 540] ;
— Préclaquage et claquage des liquides diélectriques [D 2 450] ; spécifique, toute fuite de ce dernier ou son remplacement par de
— Huiles et liquides isolants [D 230] ; l’air atmosphérique auront évidemment des effets néfastes.
— Les verres en électrotechnique [D 240] ;
— Matériaux isolants céramiques en électrotechnique [D 274] ;
— Mica et produits micacés [D 2 360] ; ■ Dans les appareils à isolation gazeuse, la migration des poussières
— Émaux isolants (Fils émaillés) [D 2 630]. conductrices ou isolantes, sous l’effet du champ électrique interne,
doit être contrôlée afin d’éviter que leur accumulation vers les
2.2.2.1 Isolants gazeux régions de gradient de champ élevé ne risque d’entraîner des
Ce sont de beaucoup les milieux les plus stables, diélectriquement claquages indésirables. La présence de ces poussières peut être
parlant. Les gaz sont d’ailleurs tous isolants aux conditions habi- grandement limitée grâce au soin apporté au montage de ces
tuelles de température et de pression. La consécration de cette appareils.
stabilité est apportée par le fait que l’air atmosphérique est pris
comme étalon pour la mesure des tensions d’amorçage, nonobstant

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Cette remarque met en évidence l’importance fondamentale que Pour contrecarrer la formation de ces chapelets, on dispose,
revêtent les phénomènes de pollution en surface des isolants solides chaque fois que cela est possible, des écrans isolants solides, per-
plongés dans un diélectrique gazeux (§ 2.2.2.3). pendiculaires aux lignes de champ, tels que, par exemple, des tubes
en carton entre les divers enroulements d’un transformateur ou des
2.2.2.2 Isolants liquides cloisons isolantes entre les différentes phases d’un appareil ou d’un
équipement.
Si les gaz présentent globalement une excellente stabilité dié-
Parmi les impuretés courantes, l’eau (même à l’état de micro-
lectrique intrinsèque vis-à-vis des phénomènes de claquage dans
gouttelettes) est des plus dangereuses, car elle présente le double
leur masse, il n’en est pas de même pour les liquides.
inconvénient d’une permittivité très élevée et d’une absence totale
La présence, même à l’état de traces, d’impuretés en suspension de propriétés diélectriques. Les particules charbonneuses dues à la
dans un isolant liquide diminue considérablement ses propriétés décomposition de l’huile par les arcs ou les effluves sont une autre
diélectriques. En effet, lorsqu’un liquide isolant est placé dans un cause d’altération des propriétés isolantes.
champ électrique, chaque particule étrangère, dont la permittivité
Des phénomènes du même ordre, ou un peu plus complexes, se
est différente de celle du liquide dans lequel elle se trouve en
produisent à la surface de séparation entre les liquides isolants et
suspension, se charge électriquement en surface pour former un
les autres milieux (§ 2.2.2.3).
doublet électrique (de la même façon qu’un grain de limaille placé
dans un champ magnétique devient un doublet magnétique). Ces
particules sont alors soumises à des forces d’orientation et d’attrac- 2.2.2.3 Isolants solides
tion qui tendent à les aligner suivant les lignes du champ électrique ■ Parmi les isolants solides, ceux qui sont organiques sont les plus
(figure 6), d’autant plus facilement qu’elles ont une excellente mobi- altérables ; ils sont, tôt ou tard, décomposés chimiquement.
lité, puisque soumises seulement à des forces de frottement
visqueux. À l’image des spectres magnétiques, il se forme alors des Si, de surcroît, ils sont soumis à un champ électrique important,
chapelets de doublets allant d’une électrode à l’autre (figure 7). Ces ils peuvent subir dans leur masse une destruction progressive due
chapelets constituent, évidemment, les fils conducteurs de l’amor- au mécanisme d’ionisation interne. Chaque imperfection de leur
çage diélectrique. structure se traduit par une petite cavité (ou vacuole) qui devient
le siège d’un phénomène local d’ionisation, favorisé par la permit-
tivité toujours relativement élevée de ces matériaux. Des effluves
prennent alors naissance dans la vacuole et décomposent progres-
sivement les parois internes de celle-ci. Ce phénomène, s’aggravant
avec le temps, est la principale cause de la mort lente des isolants
des grandes machines tournantes.
Des mécanismes voisins, engendrés par la présence d’impuretés
ou d’irrégularités de structure dans l’isolement des câbles secs,
peuvent entraîner leur perforation.
Dans les appareillages, on devra prendre soin que les traversées
isolantes, soumises comme les câbles et isolements d’encoches
d’alternateurs à des gradients élevés de champ électrique radial,
soient largement dimensionnées pour être à l’abri de ce type de
dégradation.
Figure 6 – Formation de chapelets de doublets électriques
■ Les isolants inorganiques (verre, porcelaine) résistent mieux
dans leur masse car ils ne sont pas décomposables par les effluves
internes, mais les efforts mécaniques et les cycles thermiques
peuvent parvenir à les disloquer.
■ De toute façon, quelle que soit la nature, organique ou non, d’un
isolant solide, rien ne protège sa surface de l’altération ou du recou-
vrement par des éléments étrangers ; c’est le point crucial. Tout ce
qui peut ternir une surface modifie de façon toujours imprévisible la
répartition du champ électrique sur celle-ci. Les causes de souillure
sont multiples et, bien entendu, le matériel d’extérieur est le plus
exposé.
L’eau est encore une fois l’un des grands ennemis. Si la surface
est mouillante, ce qui est le cas de tous les isolants inorganiques,
l’eau forme un film plus ou moins conducteur sur la quasi-totalité
de la surface.
Ce n’est pas toujours sous forme de pluie qu’elle est la plus
dangereuse, car on sait donner aux isolateurs des formes de para-
pluie dont les parties inférieures restent sèches (figure 8).
La condensation est plus pernicieuse, que ce soit sous forme de
rosée (cause des incidents du matin, bien connus des exploitants),
de brouillard ou de givre.
L’eau n’est pas seule en cause, car elle véhicule d’autres
impuretés : sel dans les embruns, sable, ciment, poussières indus-
Figure 7 – Visualisation de la formation des chapelets trielles, déchets de combustion d’hydrocarbures, suies. Ces élé-
de doublets électriques ments, déposés aussi par les vents, peuvent constituer des films très
adhérents.

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Figure 8 – Isolateurs-supports longs fûts avec divers profils d’ailettes

La surface même de l’isolant peut être l’objet d’attaques


chimiques, de décomposition par les rayons ultraviolets, d’altération
par les effluves et les arcs de contournement.
Il en résulte que les propriétés diélectriques de la surface de
chaque élément d’isolation (par exemple, isolateur de ligne) pos-
sèdent une vie propre, fonction à tout instant de l’influence instan-
tanée ou cumulée de chaque facteur extérieur. Disons que la santé
de chaque isolateur passera par des hauts et des bas. Pour certains,
ces cycles seront longtemps réversibles. D’autres subiront infailli-
blement une altération progressive et définitive.
C’est évidemment cet aspect, schématisé à l’extrême, qui constitue
l’une des difficultés majeures du problème de la tenue diélectrique.
Aucune modélisation, si perfectionnée soit-elle, ne peut être ici d’un
grand secours ; on conçoit que ce problème, plus encore peut-être
que celui des contacts, ne puisse être dominé qu’à l’aide d’une très
solide expérience fondée sur d’innombrables et patientes
expérimentations.

2.3 Généralités sur les phénomènes Figure 9 – Interruption d’un courant continu
d’interruption des courants
l’interrupteur au cours de la coupure est d’autant plus faible que la
Après avoir évoqué, un peu trop brièvement, deux types de variation de la résistance de ce dernier est plus rapide. On a donc
problèmes fondamentaux qui ne sont pas propres à l’appareillage intérêt à agir dans ce sens.
électrique, il nous reste à aborder le plus spécifique, et sans doute
aussi le plus difficile : l’interruption des courants électriques. Cependant, même si cette variation est infiniment rapide, on
constate qu’il faut néanmoins dépenser dans l’interrupteur la totalité
Nous avons déjà précisé (§ 1.1.2) que ce problème était entière- de l’énergie électromagnétique emmagasinée initialement dans
ment dominé par l’inexorable nécessité de passer par l’intermédiaire
1
d’un arc électrique. Nous allons nous efforcer d’en dégager aussi l’inductance propre du circuit, soit ----- LI 2 .
2
clairement que possible les raisons profondes et faire ainsi appa-
raître le rôle irremplaçable joué par l’arc de coupure. Cette constatation logique est absolument essentielle dans les
problèmes d’interruption des courants continus ; un critère minimal
de bon fonctionnement est donc que l’interrupteur doit pouvoir
2.3.1 Interruption d’un courant continu absorber sans dommage cette énergie, qui est souvent considérable.
■ Ce critère, s’il est primordial, n’est pas le seul. Il en existe au moins
Examinons pour commencer le cas, apparemment le plus simple, un autre d’importance. Si, en effet, la variation de résistance est infi-
d’un circuit inductif (R, L ) alimenté en courant continu (figure 9). niment rapide, celle du courant l’est également et, en conséquence,
Pour réaliser l’interruption du courant parcourant ce circuit, il faut la force électromotrice induite (L di /dt ) dans l’inductance propre du
et il suffit que la résistance r de l’interrupteur, supposée initialement circuit devient infiniment grande. Cette surtension illimitée est évi-
nulle, croisse et devienne infinie, ou, en d’autres termes, que sa demment inadmissible.
conductance diminue, puis s’annule. Lorsque cette condition unique
est réalisée, l’appareil, devenu isolant, n’est plus traversé par aucun ■ Dans la pratique, il faut donc se fixer une limite à ne pas dépasser
courant. pour la valeur de la surtension. Une fois cette limite définie, la loi de
variation de la résistance se trouve imposée et le problème est théo-
■ La loi de variation de la résistance de l’interrupteur peut, à pre- riquement résolu. L’énergie dépensée au cours de la coupure est
mière vue, être quelconque. Toutefois, le raisonnement et le calcul alors supérieure à l’énergie électromagnétique du circuit, sans
montrent que l’énergie dépensée sous forme d’effet Joule dans dépasser généralement le double de cette valeur.

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Nous ne développerons pas davantage, pour le moment, ce


premier problème d’interruption, caractérisé surtout par son
aspect énergétique très préoccupant. On comprendra mieux, dès
le paragraphe 2.3.2, la raison pour laquelle les fonctions d’inter-
ruption des circuits continus se trouvent systématiquement
reportées sur la partie alternative située en amont de leurs
redresseurs d’alimentation (chaque fois que cela est possible, ce
qui est le cas de la presque totalité des applications industrielles).
Figure 10 – Circuit alimenté en courant alternatif : schéma

2.3.2 Interruption d’un courant alternatif


Abordons maintenant le cas de l’interruption d’un courant
alternatif, dont les conséquences pratiques sont infiniment plus
importantes.
Dans ce cas, la condition nécessaire et suffisante de coupure est
que l’impédance  de l’interrupteur croisse et devienne infinie
(figure 10).
Cette généralisation est cependant purement théorique, car, Figure 11 – Importance de l’instant de la coupure
pratiquement, on ne peut guère commander, par variation dans l’interruption d’un circuit alimenté en courant alternatif
d’inductance  ou de capacitance (1 /C ) (dans des conditions
d’encombrement et de prix acceptables), que de modiques puis- 2.3.3.2 Tension de rétablissement
sances. Aucun espoir de progrès significatif ne se profile actuelle-
ment à l’horizon dans ces domaines. Nous sommes donc confrontés Pour découvrir cette seconde difficulté, transportons-nous après
à la nécessité d’emploi d’une résistance, dont la loi de variation va l’instant t 0 du zéro de courant, en supposant que la synchronisation
représenter tout le problème. ait été parfaite.
Si nous ne prenons aucune précaution pour démarrer la variation La résistance de l’interrupteur est donc maintenant présumée
de cette résistance, elle pourra commencer à un instant quelconque infinie et nous observons, à ses bornes, une tension variable u
de l’onde de courant. Son départ pourra donc, en fonction des dénommée tension de rétablissement (figure 12).
caprices du hasard, coïncider justement avec un maximum de l’inten- Nota : le lecteur pourra se reporter, dans ce traité, à l’article Régimes transitoires dans
les réseaux électriques [D 4 410], où ce phénomène est plus complètement décrit.
sité du courant (courbe i1 de la figure 11). D’après ce que nous avons
vu au paragraphe 2.3.1, l’énergie de coupure atteindra alors sa valeur La tension de rétablissement tend naturellement à rejoindre la
maximale. À l’inverse, si la variation de résistance commence force électromotrice e du générateur. Or, à l’instant t 0 , cette dernière
lorsque le courant est très faible (courbe i 2 de la figure 11), l’énergie sera justement maximale si le circuit est fortement inductif
de coupure pourra être très réduite. (    ω 0 ) , ce qui est un cas particulièrement digne d’intérêt
puisqu’on le rencontre toujours lors de l’élimination des courts-
On voit même, tout naturellement, apparaître une possibilité de circuits. La tension de rétablissement ne subira pas, toutefois, une
coupure sans aucune dépense d’énergie, si la variation de résis- discontinuité brutale. La présence, en parallèle sur l’interrupteur, des
tance se produit à l’instant précis du passage à zéro du courant. inévitables et salutaires capacités propres du circuit, soit C, rend
impossible une variation brutale de tension et l’on voit apparaître
Les choses sont donc bien différentes de ce qui se passe en un régime transitoire assurant le raccordement entre la tension anté-
courant continu, où l’instant initial est sans influence et où l’on rieurement nulle et le nouveau régime imposé par la source. La forme
n’échappe pas à une certaine dépense d’énergie dans de ce régime transitoire dépend des caractéristiques du circuit et
l’interrupteur. revêt une grande importance car c’est elle qui conditionne la vitesse
d’application de la contrainte diélectrique aux bornes de l’appareil
(du /dt ).
Cette vitesse d’accroissement de la tension de rétablissement, si
2.3.3 Interrupteur idéal elle n’est pas infinie dans les conditions réelles, peut atteindre des
valeurs considérables qui se chiffrent en kilovolts par microseconde
2.3.3.1 Synchronisation (figure 13). Cela signifie que notre interrupteur idéal, encore
En courant alternatif, par une synchronisation judicieuse, on peut conducteur à l’instant t 0 , doit pouvoir supporter plusieurs kilovolts
concevoir un interrupteur idéal, capable de couper sans être le siège à ses bornes... une microseconde plus tard !
d’aucune dépense d’énergie. Il suffit que sa résistance soit nulle S’il est constitué par deux contacts se séparant précisément à
jusqu’à l’instant précis du passage à zéro naturel du courant, puis l’instant t 0 , ils devront, pour remplir cette condition, s’écarter l’un
devienne infinie tout de suite après. de l’autre à des vitesses inaccessibles, chiffrées en kilomètres par
Cette synchronisation judicieuse constitue une première difficulté seconde.
de taille. Supposons, par exemple, un courant de fréquence 50 Hz
et d’intensité maximale 10 000 A. Un millième de seconde avant le 2.3.3.3 Conclusion
zéro, il circule encore 3 000 A dans le circuit et, un dix-millième de Dans la pratique, aucun dispositif purement mécanique ne se
seconde avant, 300 A. Même une microseconde avant le zéro, il sub- révèle assez bien synchronisé, ni suffisamment rapide, pour réaliser
siste 3 A et l’on ne peut toujours pas espérer séparer des contacts cette opération avec le même succès et la même économie de
sans qu’aucune manifestation apparaisse à leurs bornes. moyens que ne le fait un arc électrique, dont l’inertie est incompa-
Sans approfondir pour l’instant cette difficulté de synchronisa- rablement plus faible, toutes les réactions se produisant à l’échelle
tion, disons tout de suite qu’il existe une seconde difficulté, bien atomique. De surcroît, le phénomène d’arc apparaît inéluctablement
plus insurmontable encore. dès que l’on interrompt la continuité électrique d’un circuit parcouru
par un courant, même modeste.

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le courant ne disparaît pas brutalement comme nous l’avons


supposé et l’arc prend naissance dès la séparation des deux
conducteurs, sans qu’il apparaisse de surtension fâcheuse.
L’arc permet alors, tout en continuant d’assurer le passage du
courant dans le circuit, d’éloigner les deux conducteurs l’un de l’autre
à des vitesses raisonnables, jusqu’à une distance suffisante pour
que, une fois la coupure terminée, l’appareil résiste diélectriquement
à la tension appliquée à ses bornes. L’arc évite, en outre, la libération
prématurée de l’énergie électromagnétique tant que le courant est
encore important. Ces avantages sont considérables, mais sup-
posent que la coupure se trouve confiée à l’arc lui-même.
Ce sont les étonnantes caractéristiques électrothermiques de l’arc
qui vont lui permettre de s’acquitter de ce rôle en lui conférant, auto-
matiquement, un comportement voisin de celui de l’interrupteur
idéal. En effet, l’arc possède, au plus haut point, une inégalable apti-
tude à passer rapidement, et au bon moment, de l’état conducteur
à l’état isolant.

2.4.2 Ionisation
L’état conducteur de l’arc résulte de l’ionisation, qui consiste en
l’expulsion d’un ou plusieurs électrons appartenant au cortège
électronique des atomes d’un gaz porté à haute température. Les
électrons ainsi libérés véhiculent le courant dans l’arc et entre-
Figure 12 – Tension transitoire de rétablissement
tiennent le mécanisme d’ionisation (dans ce traité, article Arc
électrique [D 2 870]). Les ions positifs, formés par les atomes ionisés,
contribuent eux aussi au transport du courant dans la colonne d’arc,
mais à un degré bien moindre que les électrons, dont la mobilité
est très supérieure du fait de l’énorme rapport des masses.
La chute de tension dans l’arc permet d’apporter, sous forme
d’effet Joule, l’énergie nécessaire à l’entretien des très hautes
températures exigées pour son fonctionnement, en équilibrant ses
pertes par conduction, convection et rayonnement.

2.4.3 Caractéristique d’arc


Considérons la caractéristique représentant la chute de tension u,
aux bornes d’un arc, en fonction du courant i qui le traverse, en
supposant pour le moment que ce courant varie très lentement. On
désigne cette courbe sous le nom de caractéristique statique de l’arc
(figure 14).
Cette caractéristique est très particulière ; la chute de tension
tend à décroître lorsque le courant augmente, à l’inverse de ce qui
se produit dans une résistance fixe de valeur constante R : u = Ri.
Il en résulte que la résistance d’arc r = tan α est d’autant plus faible
Figure 13 – Exemple de tension transitoire de rétablissement que le courant est grand. Cela s’explique par des considérations phy-
relevée à l’oscilloscope siques et des bilans énergétiques, mais on peut le comprendre plus
simplement : si l’on considère la colonne d’arc en régime stable,
nous savons que la chute de tension à ses bornes sert à compenser
2.4 Arc inéluctable ses pertes vers le milieu environnant ; lorsque le courant double,
par exemple, la section de l’arc tend à doubler mais ses pertes,
sensiblement proportionnelles au périmètre de cette section, ne
2.4.1 Généralités
doublent pas ; par conséquent, la chute de tension diminue.
Si le fait de séparer les deux conducteurs suffisait pour faire Ainsi, tant que le courant est important, c’est-à-dire pendant la
disparaître brutalement le courant, cela se traduirait par une valeur pleine demi-onde qui précède un passage à zéro du courant, la résis-
infinie de la vitesse de variation du courant di/dt. Celle-ci pro- tance demeure faible. Puis, lorsque le courant décroît et s’approche
voquerait, dans le circuit d’inductance propre L, une surtension de zéro, la résistance d’arc augmente automatiquement, d’autant
L di /dt, elle-même infinie, entraînant immédiatement le claquage plus vite, d’ailleurs, que le courant est plus faible.
diélectrique de l’intervalle situé entre les contacts et l’amorçage d’un Sans qu’il y ait perfection complète, on retrouve bien là le type
phénomène d’ionisation. de comportement de l’interrupteur idéal, avec l’avantage consi-
Toute l’énergie électromagnétique encore contenue dans le circuit dérable d’une synchronisation (de la variation de résistance)
se concentrerait alors dans cette ionisation, provoquant instantané- commandée par le courant lui-même.
ment les très hautes températures nécessaires à la création d’un arc L’énergie dépensée, si elle n’est pas nulle, demeure d’autant plus
électrique. Ainsi, lorsque l’on interrompt la continuité métallique faible que la tension d’arc est elle-même plus réduite.
d’un circuit électrique, l’arc apparaît comme inéluctable. En réalité,

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Figure 14 – Caractéristique statique d’un arc électrique

2.4.4 Phénomène d’interruption


2.4.4.1 Premier critère de fonctionnement

Comme pour l’interrupteur à courant continu, nous pouvons


déclarer qu’un premier critère minimal de bon fonctionnement est
que l’appareil puisse absorber sans dommage, et sans que ses pos-
sibilités d’interruption soient compromises, l’énergie dépensée dans
l’arc pendant cette période d’attente de l’instant propice.

2.4.4.2 Régénération diélectrique


On arrive alors à l’instant propice que constitue le passage à zéro
du courant. Imaginons d’abord, pour simplifier, que la résistance
d’arc devienne infinie lorsque le courant s’annule.
On conçoit facilement, toutefois, que la rigidité diélectrique de
l’intervalle entre contacts, occupé ci-devant par l’arc, n’atteigne pas
instantanément sa pleine valeur.
Compte tenu de l’état d’ionisation antérieure, cet intervalle va
récupérer progressivement ses qualités suivant une certaine loi u (t )
que nous dénommerons courbe de régénération diélectrique
(figure 15). Figure 15 – Courbes de régénération diélectrique de l’arc
On voit immédiatement que, si cette courbe ne se trouve pas
tout entière située au-dessus de la tension de rétablissement, il y
aura réamorçage et échec de la coupure. avons supposé que la résistance de l’arc devenait infinie au moment
du passage à zéro du courant (§ 2.4.4.2), c’est-à-dire qu’il devenait
2.4.4.3 Deuxième critère isolant à partir de cet instant.
Un deuxième critère de réussite se présente donc sous la forme C’est assez peu physique, étant donné que l’arc doit sa conductivité
d’une sorte de course de vitesse entre deux grandeurs qui semblent à l’ionisation du gaz, qui exige des températures se chiffrant en
à première vue indépendantes : milliers ou dizaines de milliers de degrés Celsius. Ce gaz possède
— d’une part, la tension de rétablissement qui dépend des forcément une inertie thermique qui a des répercussions sur sa
caractéristiques du circuit ; conductivité.
— d’autre part, la limite de régénération diélectrique, qui dépend Par conséquent, au passage par zéro du courant, l’arc est encore
de l’interrupteur, c’est-à-dire de l’efficacité de ses moyens de conducteur et sa résistance n’est pas infinie ; si l’on n’appliquait
désionisation, compte tenu de l’énergie dépensée pendant la période aucune tension aux bornes de l’appareil après le passage par zéro
d’attente. du courant, cette résistance continuerait de croître suivant une
Cette course présente déjà le problème sous un aspect digne certaine loi exponentielle, dont la constante de temps θ (figure 16),
d’intérêt, mais néanmoins incomplet. Il faut aller plus loin et prendre qui dépend fortement de la nature du gaz ionisé, est d’autant plus
en considération les inévitables conséquences de l’inertie thermique faible que les moyens de désionisation sont plus énergiques.
du gaz ionisé sur l’évolution de sa conductivité électrique. Nous avons vu (§ 2.3.3.2) que la tension de rétablissement aux
Lorsque le courant décroît et s’approche de zéro, la puissance bornes de cette résistance variable, dite post-arc, croissait elle aussi ;
électrique dépensée sous forme d’effet Joule dans l’arc devient par conséquent, un courant la traverse, auquel correspond naturel-
inférieure à la puissance thermique cédée par ce dernier au milieu lement un effet Joule. Si la puissance électrique ainsi dépensée reste
environnant et l’arc se refroidit. Il en résulte la recombinaison des inférieure à la puissance P cédée au milieu d’extinction, l’arc
ions et des électrons pour redonner des particules électriquement continue de se refroidir et sa résistance ne cesse d’augmenter
neutres, de sorte que l’ionisation décroît ainsi que la conductance, (figure 17).
réalisant automatiquement la synchronisation de la variation de Si, à un moment quelconque, ces puissances deviennent égales,
cette dernière avec l’approche du zéro de courant (§ 2.4.3). l’arc cesse de se refroidir, sa résistance cesse de croître et, comme
la tension de rétablissement augmente rapidement, la puissance
2.4.4.4 Phénomène post-arc et interaction appareil-circuit électrique l’emporte brusquement, provoquant un phénomène
Dans une première approche, très imparfaite puisqu’elle d’emballement thermique et l’échec de la coupure (figure 18).
s’appuyait sur la caractéristique statique (laquelle ne peut pas être
valablement utilisée lorsque le courant varie rapidement), nous

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Figure 17 – Capacité en parallèle sur l’arc : coupure réussie

Figure 16 – Constante de temps de désionisation

2.4.4.5 Troisième critère


Un troisième critère pourrait être présenté sous la forme d’une
course entre deux puissances, l’une électrique, l’autre thermique ;
mais cette course se complique d’une délicate interaction entre
l’appareil et le circuit, l’évolution de la résistance pouvant modifier
la tension de rétablissement, au même titre que l’inverse.
Nous atteignons ici les limites de la possibilité de présenter les
problèmes d’interruption à l’aide d’une logique relativement simple.

2.4.5 Notion d’échec thermo-diélectrique


On devine aisément que les phénomènes énergétiques qui
viennent d’être évoqués pourront aussi avoir des répercussions sur
l’aspect purement diélectrique considéré au deuxième critère et que
l’indépendance de la tension de rétablissement et de la limite de
régénération diélectrique paraît sérieusement compromise.
Dans la réalité, les phénomènes thermiques et diélectriques ne
peuvent pas être dissociés. L’utilisation pratique des deuxième et
troisième critères se heurte à une formidable difficulté, liée au fait
que tout phénomène d’interruption met nécessairement en jeu un
délicat mécanisme d’interaction entre l’appareil et le circuit.

Figure 18 – Capacité en parallèle sur l’arc : coupure non réussie

2.5 Expérimentation inévitable


À ces températures, les mesures physiques précises sont déli-
Nous voilà au cœur du problème. La complexité de celui-ci appa-
cates, sinon impossibles, surtout si l’on tient compte du fait que
raîtra encore mieux quand on saura que la réussite ou l’échec de
chaque grandeur évolue à des vitesses impressionnantes.
la coupure se jouent souvent en quelques microsecondes, dans un
milieu ionisé dont la température maximale dépasse couramment
20 000 K.

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De plus, malgré le volume considérable des travaux scientifiques 3.1.2 Caractéristique d’arc
accumulés dans ce domaine, maints mécanismes fondamentaux
demeurent obscurs : certaines réactions de formation des ions Nous savons que, si l’on porte sur un diagramme la chute de
négatifs et de recombinaison électrons-ions, les phénomènes tension u dans un arc en fonction du courant i qui le traverse (sup-
complexes localisés dans les zones dites de jonctions, au voisinage posé stabilisé ou lentement variable), on obtient une caractéristique
des électrodes, sans parler du rôle souvent considérable des statique qui dépend de tous les paramètres déterminant le fonc-
mécanismes de turbulence ou de respiration à la périphérie de l’arc. tionnement de l’arc en question :
Disons tout de suite qu’il n’existe actuellement aucun modèle — nature et forme des électrodes ;
théorique susceptible de représenter le fonctionnement d’un arc — nature et pression du gaz plasmagène dans lequel l’arc se
électrique avec une précision suffisante pour qu’il soit possible de développe ;
prédéterminer valablement ses performances d’interruption. — conditions de fonctionnement auxquelles est soumis cet arc
On se trouve dans une situation très différente de celle des (soufflage, turbulence, déplacement sous l’effet de champs magné-
constructeurs de transformateurs ou de machines tournantes, par tiques, etc.) ;
exemple, qui peuvent accorder une grande confiance aux modèles — longueur de l’arc, etc.
mathématiques qu’ils utilisent. La caractéristique statique présente généralement une allure
hyperbolique, la tension passant parfois par un minimum puis crois-
sant ensuite légèrement en fonction du courant (figure 19).
Il résulte de l’impossibilité de modéliser l’arc de manière
Si l’on ne fait varier que la longueur  de l’arc, on obtient toute
satisfaisante qu’une part fondamentale de la mise au point des
une famille de caractéristiques, chacune d’elles correspondant à
appareils de coupure revient à l’expérimentation qui fut, et
une longueur donnée.
demeure, l’arme essentielle des constructeurs d’appareillages ;
elle exige des laboratoires d’essais en puissance dont la taille et Pour un arc libre brûlant dans l’air à la pression atmosphérique,
les performances doivent atteindre des valeurs tout à fait spec- Herta Ayrton a proposé, à la fin du XIXe siècle, une formule empirique
taculaires. À l’échelle mondiale, seuls quelques laboratoires célèbre donnant grossièrement la chute de tension u en fonction du
sont capables de tester les plus grands appareils d’interruption courant i et de la longueur  de l’arc :
jusqu’au voisinage de leurs performances maximales.
C + D P0
u = A + B + -------------------- = U 0 + -------- (1)
i i
Dans une représentation hyperbolique de la caractéristique,
3. Interruption des circuits U 0 constitue le seuil de tension d’arc et P 0 la partie constante de
la puissance de refroidissement.
alimentés en courant continu Exemple : si l’arc est amorcé horizontalement dans l’air entre deux
électrodes en cuivre de 3 mm de diamètre, les paramètres de cette
Bien que l’utilisation du courant continu reste pour le moment peu relation ont sensiblement pour valeurs :
répandue en haute tension, l’étude des phénomènes liés à son inter-
ruption constitue un préalable dont les vertus pédagogiques sont A = 30 V ; B = 10 V/cm ; C = 10 VA ; D = 30 VA/cm
irremplaçables pour aborder, dans les meilleures conditions, la
Cette formule est acceptable dans une plage de courant limitée
compréhension ultérieure des problèmes de coupure en courant
à quelques centaines d’ampères.
alternatif. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas hésité à
donner à ce paragraphe 3 un certain développement. Nous
conseillons vivement au lecteur d’en prendre connaissance avant
d’aborder le paragraphe 4, même s’il est déjà familiarisé avec les 3.1.3 Interruption d’un circuit résistant et inductif
problèmes d’appareillage HT.
C’est le cas le plus général rencontré en courant continu, en par-
ticulier lors de l’apparition d’un court-circuit.

3.1 Première approche des problèmes


d’interruption en courant continu
3.1.1 Rappels
Nous avons vu, lors de l’évocation des problèmes fondamentaux
(§ 2.3.1), que l’interruption d’un courant continu exigeait la crois-
sance incessante de la résistance r de l’interrupteur jusqu’à ce que
sa valeur devienne infinie.
Nous avons aussi démontré que l’énergie dépensée dans r, au
cours de la coupure, était au moins égale à l’énergie électro-
1
magnétique ----- LI 2 contenue initialement dans le circuit.
2
Dans la pratique, la résistance variable r est constituée par un arc
électrique. Les semi-conducteurs de puissance, de type transistor ou
GTO (dans ce traité, article Composants semiconducteurs de Figure 19 – Caractéristiques statiques d’arc
puissance [D 3 110]), ne peuvent être utilisés actuellement, dans des pour trois longueurs différentes d’arc
conditions économiques raisonnables, que sur des circuits de faible
puissance, n’excédant pas quelques dizaines de kilowatts.

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Durant l’interruption, la loi d’Ohm donne, à chaque instant, une ■ Il existe donc, en courant continu, une caractéristique minimale
relation entre les diverses grandeurs en présence (figure 20) : d’arc au-dessous de laquelle l’interruption ne peut pas être obtenue
(si le circuit ou l’appareil ne comporte aucun artifice permettant de
di faciliter la coupure). Notons que cette caractéristique minimale ne
E – Ri – L -------- – u = 0 (2)
dt dépend que de E et de R, et non de L, qui joue en revanche un rôle
fondamental vis-à-vis du temps de coupure et de l’énergie dépensée
d’où :
dans l’arc.
di
L -------- = ( E – Ri ) – u = ∆u (3) Dans la réalité, la forme hyperbolique de la caractéristique n’est
dt
véritablement significative qu’au-dessous d’une centaine
On constate que le signe de la chute inductive ∆u définit le sens d’ampères, pour un arc fonctionnant dans l’air atmosphérique.
de variation du courant ; si ∆u est positif, i augmente et inverse- Il en résulte qu’aux fortes intensités de courant on observe plutôt
ment. une sorte de palier de tension.
Dans un plan (u, i ), la droite E – Ri est dénommée droite de Si l’on suppose que la caractéristique se résume pour l’essentiel à :
charge.
u = U0
■ Si nous supposons que la tension d’arc est donnée, pour chaque
valeur de i, par la caractéristique statique, nous constatons que, tant le problème de la coupure d’un courant continu est relativement
que l’arc est suffisamment court (longueur  ) pour que sa caracté- simple : le palier de tension d’arc U0 doit être égal ou supérieur à
ristique présente des points d’intersection (A et B) avec la droite de la tension E du générateur, sinon il n’y a pas coupure (figure 21).
charge, il existe un point de fonctionnement stable A et la coupure Si nous supposons, en revanche, que la caractéristique statique
ne peut se réaliser. peut être assimilée à une simple hyperbole :
En effet, au point A, ∆u est négatif pour les valeurs de i supé- ui = P0
rieures à IA , mais il devient positif lorsque i est inférieur à IA . Le
courant va donc se stabiliser à IA . nous constatons que la caractéristique minimale correspond à une
puissance de refroidissement constante P 0 égale au quart de la
Exemple : on en conclut immédiatement que l’interruption ne peut
puissance apparente E I du circuit, c’est-à-dire au produit de la
pas s’achever tant que l’arc n’est pas suffisamment développé pour
tension E du générateur par le courant établi I (figure 22) :
que sa caractéristique soit tout entière située au-dessus de la droite de
charge E – Ri. P0 = 0,25 E I (4)
Lorsque cette condition se trouve réalisée (longueur ′ ), ∆u est Retenons ce résultat important, car nous verrons (§ 4.1.2.3) que,
négatif pour toutes les valeurs du courant et ce dernier ne peut que en courant alternatif, les puissances de refroidissement nécessaires
décroître jusqu’à s’annuler. (et, par conséquent, les énergies de coupure) sont comparativement
beaucoup plus faibles.
Au-delà de cette caractéristique minimale, l’interruption est
d’autant plus rapide que l’écart ∆u entre la tension d’arc et la
droite E – Ri est plus grand et que l’inductance propre L du circuit
est plus faible, puisque :
di ∆u
-------- = ---------
dt L

3.1.4 Surtensions de coupure


Nous avons vu au paragraphe 2.3.1 qu’une coupure trop rapide
entraînait automatiquement une surtension L di /dt, qui risquait
d’être dangereuse pour le matériel et le personnel.

Figure 20 – Coupure d’un circuit résistant et inductif


Figure 21 – Caractéristique statique d’un arc de forte puissance

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Figure 22 – Puissance minimale de coupure


pour une caractéristique statique hyperbolique

Dans la pratique, on s’efforce de provoquer, au début de la cou-


pure, un allongement aussi rapide que possible de l’arc. Tant que
cette longueur est insuffisante, la caractéristique statique coupe la Figure 23 – Coupure avec allongement limité de l’arc
droite E – Ri.
Lorsque la longueur d’arc est devenue suffisante pour autoriser
la coupure, on maintient constante cette longueur d’arc pour limiter
la surtension (figure 23). On constate en effet que, pour une large
plage de valeurs du courant et pour une longueur d’arc donnée
(figure 21), la tension d’arc reste sensiblement constante (voisine
de U 0), sauf lorsque le courant devient très faible.
Peu avant l’annulation du courant, on observe effectivement une
surtension dénommée pointe d’extinction, dont la valeur est d’autant
plus grande que l’allongement de l’arc est plus important (figure 24).

On a donc intérêt à concevoir la chambre de coupure de


l’appareil de telle sorte que la longueur maximale de l’arc soit
imposée, autorisant la coupure mais limitant la surtension. C’est
sur ces principes que sont réalisés les disjoncteurs BT ainsi que
les disjoncteurs HT utilisés pour la traction électrique à courant
continu en 1 500 V.

3.1.5 Limitation de la valeur maximale du courant


de court-circuit
3.1.5.1 Principe
Dans la plupart des circuits alimentés en courant continu, l’induc-
tance est importante et la constante de temps du réseau L /R est
souvent un multiple du temps d’ouverture du disjoncteur de pro-
tection (L /R représente couramment 10 à 15 ms).
Si l’ouverture des contacts se produit très rapidement, dès que
Figure 24 – Coupure en courant continu
l’on détecte les premiers signes d’apparition d’un défaut, l’inter-
ruption peut avoir lieu avant que le courant de court-circuit ait atteint
sa valeur maximale ; on dit que l’appareil se comporte en limiteur. L’effet de limitation est aussi fréquemment utilisé dans les dis-
Pour obtenir ce résultat, il est nécessaire de développer rapide- joncteurs alternatifs BT dont les contacts mobiles sont assez légers
ment une tension d’arc qui soit supérieure à la différence (E – Ri ) pour s’ouvrir en moins de 2 ou 3 ms. Plus le calibre de l’appareil
entre la force électromotrice du générateur et la chute ohmique. est faible en courant assigné, plus l’effet de limitation peut être
important.
Lors de l’apparition d’un court-circuit, on constate donc que, à
partir du moment où la tension d’arc u dépasse (E – Ri ), le courant Exemple : sur un court-circuit présumé de 100 kA (en valeur effi-
ne peut que décroître. Si cette condition est obtenue assez rapide- cace, soit 140 kA de valeur de crête symétrique), un disjoncteur 25 A
ment, le courant n’a pas le temps d’atteindre sa pleine valeur et pourra limiter le courant à une valeur maximale de 7 kA, alors qu’un
l’appareil fonctionne en limiteur (figure 25). disjoncteur 2 500 A se contentera de le limiter à 70 kA, ce qui est tout
de même fort intéressant.
3.1.5.2 Limitation en courant alternatif
En HT, de pareils délais d’ouverture sont inaccessibles aux
Nous verrons (§ 4.6) qu’en courant alternatif les fusibles ont disjoncteurs, mais, surtout, l’obtention rapide d’une tension d’arc
souvent un comportement limiteur, grâce à un temps de fusion sur comparable à celle du réseau soulève des problèmes
court-circuit violent qui peut être faible en regard des 5 ms repré- insurmontables.
sentant le délai d’atteinte de la pleine valeur du courant de défaut
symétrique.

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Figure 26 – Élimination d’un défaut par un fusible HT


(en courant alternatif)

3.1.6 Utilisation de résistances en parallèle


sur l’appareil pour faciliter la coupure
3.1.6.1 Généralités

Il est bien connu que la présence d’une résistance R1 en parallèle


sur l’arc aide à la coupure.
Les équations du circuit de la figure 27 sont la relation (2) :
di
E – Ri – L -------- – u = 0
dt
et les équations :
u = R 1 i1 (5)
i = i 1 + ia (6)
On constate qu’un arc dont la longueur serait insuffisante pour
lui permettre de réaliser seul la coupure (P0 = 0,2 E I), peut y parvenir
sans difficulté grâce à une résistance de shuntage représentant dans
cet exemple sensiblement trois fois la valeur de la résistance R de
la charge. L’explication est simple : une partie du courant total passe
par la résistance R1 et le courant d’arc est donc réduit d’autant, per-
mettant à ∆u d’être constamment négatif.
Nous verrons au paragraphe 3.3.3 que la surtension de coupure
se trouve aussi réduite grâce à la présence de la résistance R1 , ce
Figure 25 – Coupure en courant continu avec limitation de courant qui constitue un second avantage appréciable.
Malheureusement, un interrupteur auxiliaire est nécessaire pour
éliminer le courant résiduel dans la résistance R1 . Cette sujétion, à
En revanche, les fusibles HT ont la possibilité de développer laquelle s’ajoutent d’autres contraintes, fait que cette solution est
rapidement des tensions d’arc suffisantes pour obtenir l’effet de limi- peu utilisée dans la pratique.
tation qui leur permet d’éliminer des défauts de valeurs présumées
très supérieures à celles qu’ils ont effectivement à maîtriser
3.1.6.2 Utilisation d’une résistance de faible valeur
(figure 26). en parallèle sur l’arc
Si la résistance R 1 a une valeur comparable à celle de la
Nous verrons par la suite (§ 3.1.6 ; 3.6 ; 3.7.4.1) que, selon la résistance R du circuit d’utilisation, la droite représentant R1i1 est
nature des circuits à commander et la valeur des courants à alors plus éloignée de la verticale et la caractéristique globale u = f (i)
interrompre, il est possible d’utiliser divers artifices pour faciliter présente inévitablement une tangente verticale (figure 28), dont
la coupure et limiter les surtensions de manœuvre : nous avions pu dissimuler la présence dans le diagramme de
— résistance en parallèle sur l’appareil ; l’exemple précédent.
— condensateur en parallèle sur l’arc ; Lorsque le point de fonctionnement, que nous avons jusqu’alors
— superposition d’un courant oscillatoire pour la coupure supposé décrire la caractéristique statique, atteint la région où
des lignes à courant continu THT. celle-ci présente cette tangente verticale, il ne peut à l’évidence plus
Nous allons commencer par l’examen, fort instructif, de la continuer à se déplacer sur cette courbe : en effet, s’il en était ainsi,
résistance en parallèle sur l’appareil. on observerait un accroissement du courant total i alors que ∆u est
négatif ; il y a incompatibilité.

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On peut essayer d’éluder cette contradiction en considérant que, Nous avons, en fait, atteint les limites de l’emploi possible des
lorsque la tangente verticale est atteinte (point F), l’arc s’éteint ! il caractéristiques statiques d’arc pour décrire les phénomènes d’inter-
faudrait donc que le point de fonctionnement se transfère instanta- ruption qui sont, par nature, fondamentalement dynamiques.
nément sur la droite R1i1 , tout le courant passant d’un seul coup Si nous voulons continuer d’analyser ces phénomènes en
dans la résistance R1 . respectant les règles essentielles de la physique, nous allons devoir
Cette présentation du problème ne peut évidemment pas se tenir compte du comportement dynamique de l’arc qui présente une
justifier physiquement. Si l’intensité du courant I à interrompre est sorte d’hystérésis (figure 29) et introduire, au moins, son inertie
par exemple de 200 A, on constate que le courant critique ia dans thermique. Pour cela nous ferons appel au plus simple et au plus
l’arc possède encore à cet instant une valeur de l’ordre de 50 A. Ce célèbre des modèles dynamiques d’arc, proposé, il y a presque un
n’est pas parce que la tangente est verticale qu’un arc parcouru par demi-siècle, par Otto Mayr.
un tel courant va subitement disparaître.

3.2 Modélisation du comportement


dynamique de l’arc
3.2.1 Hypothèses d’Otto Mayr
Ce modèle repose sur un nombre limité d’hypothèses simples et
physiquement acceptables. Il constitue le prototype de toute une
famille de modèles dits de conductance parce qu’ils s’efforcent
d’expliciter l’évolution de cette dernière en fonction des principaux
paramètres qui définissent l’arc et le circuit.

3.2.1.1 Première hypothèse


La conductance 1/r de l’arc est une fonction univoque de
l’énergie w contenue dans cet arc :
1
----- = F ( w ) (7)
r
Cela signifie qu’à une valeur w de l’énergie, il ne correspond
qu’une seule valeur de la résistance r. Ce n’est certainement pas
tout à fait exact, mais il n’y a cependant pas de différence fonda-
mentale entre la réalité et cette hypothèse nécessaire au traitement
analytique du problème.
La dérivation de la relation (7) nous donne :
d ( 1/r )/dt F ′ ( w ) dw
---------------------------- = -------------------- ----------- (8)
1/r F ( w ) dt

Figure 27 – Coupure d’un circuit inductif


avec résistance en parallèle sur l’arc

Figure 29 – Caractéristique dynamique d’arc permanent,


en courant alternatif (§ 4.1.3)

Figure 28 – Coupure d’un circuit inductif


avec une résistance de faible valeur en parallèle sur l’arc

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Si nous désignons par P la puissance de refroidissement, la dif- 3.2.2 Constante de temps de désionisation
férence entre la puissance Joule fournie à l’arc et celle qu’il cède
au milieu environnant est : La relation (14) peut se mettre sous la forme :
ri 2 – P
P0
  = ----θ- 1 – ---------
ri 2
P 
dr /dt ri 2 1
À chaque instant, l’une et l’autre peuvent varier, mais, pendant ------------------ = --------- 1 – ---------- - (15)
l’intervalle de temps dt, (ri 2 – P ) dt correspond bien à la variation r w0 P0 0
d’énergie dw, donc :
avec θ = w0 /P0 constante de temps de désionisation de l’arc.
dw
----------- = ri 2 – P (9) Lorsque ri 2 est négligeable devant P0 , la relation (15) montre
dt
que r est sensiblement une fonction exponentielle du temps, soit :
On en tire :
r = r0 exp (t / θ)
w =  ( ri 2 – P ) dt θ représente donc le temps minimal nécessaire pour que la résis-
tance de l’arc soit multipliée par e. Au paragraphe 2 (figure 16),
ou compte tenu de la relation (18) : nous avons proposé une autre définition équivalente de θ.
d ( 1/r )/dt F ′ (w ) Nous verrons, plus tard (§ 3.3.3), que cette constante de temps
---------------------------- = -------------------- ( ri 2 – P ) (10) joue un rôle très important dans les phénomènes qui se produisent
1/r F (w )
au voisinage du zéro de courant.
L’étude, au paragraphe 5, des remarquables propriétés de coupure
3.2.1.2 Deuxième hypothèse
de l’hexafluorure de soufre (SF6) sera l’occasion de montrer que la
La fonction univoque F (w ), dont nous avons supposé l’existence, constante de temps d’arc dépend considérablement de la nature du
peut être considérée comme étant une fonction exponentielle : gaz dans lequel l’arc se trouve engendré (§ 5.5). Cette constante de
1 temps résulte en réalité d’un très grand nombre de phénomènes
----- = F ( w ) = K exp ( w / w 0 ) (11) physiques concomitants.
r
À l’aide d’hypothèses bien choisies concernant la section et la
densité de conductance de l’arc, Otto Mayr est parvenu, en partant 3.2.3 Équation de Mayr
de la loi de Saha sur la thermo-ionisation des gaz, à justifier cette
variation exponentielle ; celle-ci se révèle en fait assez proche de la L’équation différentielle (15) peut s’écrire :
réalité physique.
Le coefficient constant w 0 représente la quantité d’énergie qu’il
faut apporter à l’arc pour que sa conductance s’accroisse dans le
dr r
 ri 2
--------- = ----- 1 – ----------
dt θ P0  (16)
rapport e = 2,718 28. À l’inverse, lorsqu’on retire une énergie w 0 à
l’arc, sa conductance se trouve divisée par e. C’est l’équation de Mayr, qui exprime le comportement dyna-
mique de l’arc ; elle peut être résolue numériquement si l’on pré-
K exprime la valeur absolue de la conductance et n’intervient pas
cise complètement les conditions de fonctionnement auxquelles
dans les relations qui vont nous intéresser, car ce sont seulement
l’arc se trouve soumis :
les variations relatives de la conductance qui vont être exprimées.
La dérivée logarithmique de la relation (11) nous donne en effet : — ensemble des relations définissant le circuit dans lequel l’arc
est inséré ; ces relations fournissent de nouvelles équations reliant
F ′ (w ) 1 les variations de r à celles de i ;
-------------------- = --------- (12)
F (w ) w0 — conditions initiales précisant toutes les grandeurs variables à
l’instant t 0 , considéré comme origine des temps.
Nous verrons au paragraphe 3.2.5 que l’on peut aussi la résoudre
3.2.1.3 Troisième hypothèse
graphiquement.
Nous n’avons fait jusqu’ici aucune hypothèse sur P ; nous
précisons maintenant que la puissance de refroidissement P est
supposée constante et égale à P0 . 3.2.4 Résolution numérique
Cette hypothèse, résolument simplificatrice, revient à ne garder,
dans la relation (1) que le seul terme hyperbolique : 3.2.4.1 Principe

P0 À titre d’exemple, nous allons reprendre le circuit très simple de


C + D
u = -------------------- = -------
- (13) la figure 20. Puisque nous sommes en présence de trois inconnues
i i (u, i, et r ), nous aurons besoin de trois relations indépendantes,
lorsque  est constant. qui sont les équations (3) et (16) :
Si l’on tient compte des relations (10) et (12), nous obtenons : L di /dt = (E – Ri ) – u = ∆u

d ( 1/r )/dt ri 2
 
1 – dr / dt r
---------------------------- = --------- ( ri 2 – P 0 ) = ----------------------- (14) dr /dt = ----- 1 – ----------
1/r w0 r θ P0

Cette équation différentielle est sans solution analytique, r et i étant et la relation :


tous deux fonction du temps t, tout en dépendant l’un de l’autre. u = ri (17)
On sait en revanche la résoudre par des méthodes numériques pas
à pas. ■ À l’instant initial, il faut partir d’un point de fonctionnement
supposé connu, puisque c’est une nécessité commune à toutes les
méthodes numériques d’avoir à préciser toutes les conditions
initiales.

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Dans le cas présent, nous pourrons, par exemple, choisir de


commencer le calcul à partir d’un point situé sur la caractéristique
statique, pour une valeur du courant correspondant au courant
établi lorsque l’appareil est fermé, soit :
i 0 = I = E /R (18)
2
avec r0 = P 0 /i 0 (19)

Cela correspond physiquement à l’hypothèse fictive d’un appareil


s’ouvrant suffisamment vite pour que l’arc atteigne la longueur 
avant que le courant n’ait varié, et dont la tension d’arc s’établit
instantanément à sa valeur d’équilibre statique. C’est certainement
inexact, mais ce qui importe dans le choix des conditions initiales,
c’est qu’elles ne s’écartent pas trop de la réalité, afin que le calcul
numérique converge rapidement vers la caractéristique dynamique
recherchée.
Il est important aussi que les conditions initiales adoptées ne
soient pas incompatibles avec le mode de calcul employé ; si l’on
choisissait, par exemple, r 0 = 0, la dérivée dr /dt resterait nulle :
2
r0 r0 i 0
dr

-------- = ------ 1 – -----------
dt θ P0 
Figure 30 – Construction graphique de la caractéristique dynamique
et r ne pourrait pas varier. d’un arc non shunté, en courant continu
Pour résoudre numériquement l’ensemble des trois équations,
l’ordinateur va utiliser un pas de calcul élémentaire de durée τ . 3.2.4.2 Choix du pas de calcul
■ Au bout d’un temps  correspondant à un premier pas de calcul, La valeur à donner au pas de calcul τ dépend d’abord de la pré-
la résistance de l’arc est passée de r 0 à r 1 , dont la valeur d’après la cision souhaitée.
relation (16) est : En outre, selon le type de circuit et la vitesse d’évolution des gran-
2 deurs en présence, le rapport τ / θ devra être suffisamment faible pour
τ
 
r0 i 0 qu’il n’apparaisse pas de phénomènes d’instabilités dans les opé-
r 1 = r 0 1 + ----- 1 – ----------- (20)
θ P0 rations numériques. Il existe d’ailleurs des méthodes numériques
permettant de réduire ces instabilités.
La nouvelle valeur i1 du courant vérifie la relation (21), tirée de Dans la plupart des cas, on constate qu’un pas de calcul égal au
l’équation (3) : dixième de la constante de temps donne entière satisfaction.
i1 – i0
L ---------------- = E – Ri 0 – r 0 i 0 (21)
τ
3.2.5 Résolution graphique
La tension u 1 s’en déduit immédiatement d’après la relation (17) :
u 1 = r 1 i1 (22) Les diverses opérations numériques successives qui permettent
d’obtenir pas à pas l’évolution dynamique du phénomène ont évi-
Nous sommes donc maintenant en possession d’un deuxième demment leur équivalent graphique.
point de la caractéristique dynamique, correspondant au Examinons comment nous pouvons, dans le plan (u , i ), passer
temps t 0 + τ . L’ordinateur peut alors recommencer la même série d’un point M (supposé appartenir à la caractéristique dynamique)
d’opérations pour un deuxième pas de calcul, correspondant à un au point suivant M′ correspondant au temps t + τ (figure 30).
nouvel intervalle de temps τ , et ainsi de suite, jusqu’à obtention de
la caractéristique dynamique complète de l’arc (figure 30). On remarque immédiatement que ∆u va nous donner la nouvelle
valeur i ′ de i puisque, d’après la relation (3) :
Ldi i′–i
Remarque : la troisième hypothèse de Mayr (P0 = Cte ) peut ----------- = L -------------- = ∆u (23)
aisément être remplacée par une proposition plus réaliste dt τ
donnant une description aussi exacte que souhaitée de la carac-
Par ailleurs, la relation (16) peut s’écrire en tenant compte de
téristique statique u = f (i). Il est même possible, si besoin est,
l’équation (17) :
d’introduire une évolution de cette caractéristique en fonction du
temps P = g (i, t ). La résolution numérique est alors à peine plus P0
 
dr /dt 1 i
complexe. ----------------- = ------------ ( P 0 – ri 2 ) = ------------ -------- – u (24)
r P0 θ P0 θ i
De la même manière, la constante de temps θ peut être sup-
posée variable en fonction du courant et/ou du temps : ce qui donne :
θ = h (i, t )
r′–r
  = -----------
dr ri P0 u
-------- = --------------- = ----------- -------
-–u λu (25)
Dans un premier temps, et afin de conserver à ce modèle un dt τ P0 θ i P θ 0
caractère principalement pédagogique, nous continuerons géné-
ralement de supposer P0 et θ constants. Nous allons, en effet, uti- Ainsi, λu , écart entre la caractéristique statique et la caractéristique
liser ce modèle pour établir des raisonnements fondamentaux dynamique, pour le courant instantané considéré, nous permet de
qui serviront avant tout d’introduction à la compréhension des déterminer la nouvelle valeur de la résistance d’arc.
phénomènes de coupure des courants alternatifs en haute
Le point recherché M′ se trouve à l’intersection de la droite
tension.
u = r ′i ′ et de la verticale d’abscisse i ′.

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Il est ainsi possible de construire point par point la caractéristique Théoriquement, si l’on pouvait ne faire varier que P, l’amplitude
dynamique recherchée, ce qui revient à réaliser graphiquement les 1/ 2
de la surtension (au-delà de E ) croîtrait sensiblement comme P 0 .
opérations que l’ordinateur effectue numériquement.
Si la méthode graphique est moins précise et, en pratique, moins Si la caractéristique statique possède un palier de tension U 0
rapide que la méthode numérique, elle présente l’avantage de visua- (figure 21), la remarque précédente s’applique, comme on l’a vu
liser l’évolution du phénomène. au paragraphe 3.1.4, au seul terme P 0 :
En particulier, on voit que le courant décroît d’autant plus vite que P = P0 + U0 i
∆u est plus grand, ce que nous savions déjà, et que la résistance
d’arc croît d’autant plus vite que λu est plus grand. En revanche, si
λu est négatif, la résistance ne peut que décroître. 3.3.3 Influence de la constante de temps d’arc
Avant d’examiner l’influence très importante de la constante de
Il en résulte que la caractéristique statique divise le plan en temps θ sur l’amplitude de la pointe d’extinction, il faut souligner
deux régions : que θ est, à l’inverse, sans grande action sur le temps et l’énergie
— pour tous les points situés au-dessous de la courbe ui = P, de coupure ; cette dernière dépend en effet essentiellement de l’éner-
la résistance de l’arc augmente ; 1
— à l’inverse, pour tous les points situés au-dessus de ui = P, gie électromagnétique ----- LI 2 .
2
la résistance diminue, ce qui est logique puisque la puissanceui
dépensée dans l’arc (effet Joule) dépasse la puissance de Nous verrons, au paragraphe 3.4.1, que le temps de coupure est
refroidissement et que l’arc se réchauffe (λu est alors négatif). de l’ordre de grandeur de la constante de temps L /R du circuit et,
en fait, pratiquement indépendant de θ. En conséquence, il en est
évidemment de même pour la vitesse de variation de r.
Cette remarque nous aidera à percevoir le mécanisme des oscilla- Il en résulte que λu est d’autant plus petit que la constante de
tions qui peuvent apparaître lorsqu’un arc est shunté par un conden- temps est elle-même plus réduite, puisque, d’après la relation (25) :
sateur et, surtout, à mieux comprendre les phénomènes d’échec
thermique pouvant survenir lors d’une tentative de coupure en P 0 dr
courant alternatif. λu = θ -------- -------- (26)
u dt

Il est logique qu’il en soit ainsi car, moins l’arc possède d’inertie
3.3 Pointe d’extinction thermique, moins il a tendance à s’écarter de sa caractéristique sta-
tique lorsque le courant varie. Du même coup, l’amplitude de la
3.3.1 Généralités pointe d’extinction augmente lorsque θ diminue.
Par ailleurs, nous savons que le sommet de cette pointe d’extinc-
Si la caractéristique dynamique était confondue avec la caracté- tion se produit sensiblement à un instant précédant de deux à trois
ristique statique ui = P, comme nous l’avons supposé initialement, constantes de temps le zéro de courant (§ 3.3.1). Cette pointe se pro-
la tension d’arc atteindrait une valeur théoriquement infinie au duit donc pour une valeur de courant qui décroît avec θ.
moment où le courant s’annule. Fort heureusement, la réalité est
À ce courant correspond alors, sur la caractéristique statique,
différente.
une tension d’autant plus grande que θ est petit :
La caractéristique réelle passe par un maximum peu avant l’annu-
lation du courant ; c’est la pointe d’extinction (§ 3.1.4). La valeur de u = P0 /i
cette surtension ne peut malheureusement pas être établie analy-
Nous pouvons donc en déduire finalement que la pointe d’extinc-
tiquement. Le sommet de la pointe d’extinction correspond phy-
tion possède une double raison de croître lorsque θ diminue
siquement (à l’approche du zéro de courant) au moment où
(figure 32).
l’augmentation de la résistance r n’est plus suffisamment rapide pour
compenser la réduction du courant i, de sorte que le produit ri cesse C’est bien ce que l’on vérifie numériquement et ce que l’on
de croître. À partir du sommet de la pointe d’extinction, le produit ui observe dans la réalité.
décroît rapidement et devient très vite négligeable devant P ; par
conséquent, r croît alors sensiblement de façon exponentielle avec
une constante de temps voisine de θ. Il en résulte que le courant
devient pratiquement négligeable deux à trois constantes de temps θ
après la pointe d’extinction.
Il est ainsi possible d’évaluer la constante de temps θ d’un arc
réel, à l’approche du zéro de courant, à partir d’un relevé oscillo-
graphique.
Par ailleurs, lorsque l’arc n’est pas shunté, on peut démontrer
que le sommet de la pointe d’extinction n’excède en aucun cas la
moitié de la valeur de la tension correspondant alors à la caracté-
ristique statique u = P /i. Cela permet d’évaluer la puissance de
refroidissement minimale à laquelle l’arc se trouve soumis à cet
instant.
Il est malheureusement difficile d’être beaucoup plus précis au
sujet de ce phénomène fort important sans faire appel à des modé-
lisations numériques.

3.3.2 Influence de la puissance de refroidissement


En fonction de ce que nous savions déjà (§ 3.1.4) et de ce qui vient Figure 31 – Influence de la puissance de refroidissement P 0
d’être énoncé, il est clair que la pointe d’extinction est d’autant plus sur la pointe d’extinction, pour une constante de temps d’arc invariable
importante que la puissance de refroidissement est elle-même plus
grande, toutes choses égales par ailleurs (figure 31).

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Figure 32 – Influence de la constante de temps 


sur la pointe d’extinction, pour une puissance de refroidissement
constante

Cette constatation importante est tout à fait générale ; elle


s’applique à tous les types de circuits, à toutes les natures de
courant et à tous les modèles d’appareils.
L’une des principales raisons du succès de la coupure dans l’air
en basse tension tient justement au fait que l’air, à la pression
atmosphérique, possède une constante de temps élevée qui limite
automatiquement la valeur absolue des surtensions de coupure à
des niveaux acceptables.

Remarque : en réalité, à puissance de refroidissement


P = P 0 = Cte , l’amplitude de la pointe d’extinction dépend très
précisément du rapport sans dimension θ/(L /R ). Un accroisse-
ment de la constante de temps L /R du circuit a donc le même effet
fâcheux, vis-à-vis de l’amplitude de la pointe d’extinction, qu’une
diminution de la valeur de θ.

3.3.4 Influence d’une résistance en parallèle sur l’arc

Si nous reprenons maintenant, à l’aide du modèle numérique, le Figure 33 – Coupure en courant continu avec une résistance
cas d’un arc shunté par une résistance de faible valeur R1 (§ 3.1.6.2) de faible valeur en parallèle sur l’arc : évolution des variables
nous constatons que le paradoxe rencontré précédemment n’existe
plus (figure 33).
La caractéristique dynamique ne présente à aucun moment une 3.4 Temps de coupure
tangente verticale ; elle se raccorde asymptotiquement à la droite
u = R1i1 . Le courant d’arc diminue continûment jusqu’à s’annuler 3.4.1 Généralités
au point A de tangence à cette droite. On observe aussi que la ten-
sion passe par un maximum qui représente la pointe d’extinction. Nous avons jusqu’alors représenté les problèmes de coupure en
Cette pointe d’extinction augmente ici relativement peu lorsque courant continu presque exclusivement dans le plan (u, i ), inté-
θ diminue ; à la limite, même pour θ tendant vers zéro (courbe en ressant pour la compréhension des phénomènes, mais dénué de
tireté), elle ne pourrait en aucun cas dépasser la valeur U max cor- l’échelle du temps.
respondant au transfert instantané du courant d’arc vers la Dès l’instant où l’on connaît ∆u pour chaque valeur de i, le temps
résistance R1 . On vérifie aisément que cette surtension est d’autant de coupure s’en déduit aisément. Pour une évolution donnée de la
plus réduite que la résistance R1 est plus faible. tension d’arc en fonction du courant, le temps de coupure T c est
Cette constatation est générale ; elle s’applique aussi bien aux directement proportionnel à l’inductance L du circuit, puisque,
problèmes de coupure en courant continu qu’en courant alternatif. d’après la relation (3) :
Toutefois, malgré les avantages indéniables qu’apporte la pré-
sence d’une résistance de shuntage d’arc, nous avons déjà
Tc = L 
0

i0
di /∆u (27)
souligné (§ 3.1.6.1) que le handicap d’avoir à éliminer le courant rési- E
duel qui la parcourt est, tout compte fait, tellement pénalisant que ou encore, puisque R = ----- :
I


cette solution est très peu utilisée dans la pratique.
0 E
T c = L /R --------- di /I (28)
i0 ∆u

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Cette forme d’expression est particulièrement intéressante car elle 3.5.2 Remarque au sujet du temps de coupure
permet d’expliciter le temps de coupure en fonction de la constante
de temps L /R du circuit et de deux autres variables réduites : Sans entrer dans les détails, signalons qu’il est important, lorsque
• ∆u /E, rapport entre la chute de tension inductive et la force l’on utilise le modèle de Mayr, de ne pas surévaluer le temps Tc ,
électromotrice du générateur ; au risque de surévaluer d’autant l’énergie de coupure.
• i /I, rapport entre le courant instantané et le courant établi E /R. Quand doit-on alors considérer que la coupure est terminée ? Nous
avons vu (§ 3.3.1) que, à partir du sommet de la pointe d’extinction,
la puissance Joule apportée à l’arc décroissait très rapidement, au
3.4.2 Intérêt fondamental de l’emploi point que, deux ou trois constantes de temps plus tard, elle est tota-
de variables réduites lement négligeable. L’instant correspondant à la pointe d’extinction,
majoré d’une ou deux constantes de temps θ, pourra donc valable-
L’intérêt fondamental de l’emploi de variables réduites réside dans ment être considéré comme marquant la fin des phénomènes éner-
le fait que les résultats obtenus, pour un ensemble de valeurs attri- gétiques liés à l’existence temporaire de l’arc.
buées à ces variables, sont automatiquement applicables à tous les
circuits présentant les mêmes caractéristiques réduites, quelles que
soient les valeurs absolues des grandeurs en présence. Par exemple, 3.5.3 Énergie de coupure réduite
tout circuit simple (L, R) a un comportement parfaitement homo-
thétique, en courant continu comme en courant alternatif, à celui de Revenons à l’expression (31) de l’énergie de coupure WJ , et
n’importe quel circuit présentant la même constante de temps L /R. cherchons-en la forme réduite :
On peut dépasser cet exemple élémentaire et chercher à utiliser
WJ P0 Tc P 0 T c EI ( L /R ) P0 Tc LI 2
des variables réduites sans dimension, comme dans l’exemple pré- W J* = --------------- - = -------- ---------------- ------------------------ = ----------------------- -------------------
- = ---------------
cédent du temps de coupure. Le temps de coupure réduit sera alors 1 1 EI ( L /R ) 1 2 EI (L /R ) 1
----- LI 2 ----- LI 2 ----- L I ----- L I 2
rapporté à la constante de temps L /R et pourra être repéré par 2 2 2 2
exemple, comme les autres variables réduites, par un astérisque,
soit : soit encore :

   ------------
L /R 
0 P0 Tc
Tc di * W* = 2 -------- - = 2 P* T* 0 c (32)
T *c = -----------
- = ------------- (29) J EI
L /R i *0 ∆u*
avec :
i Dans la pratique, W * J
est compris entre 1 et 2 et P *0 ne peut
i * = --- pas être inférieur à 0,25, se situant plutôt entre 0,5 et 1.
I
Il en résulte que T *c est assez voisin de 1, c’est-à-dire que le
et : temps de coupure est généralement comparable à la constante
∆u de temps L /R (quand l’appareil ne fonctionne pas en limiteur).
∆u* = ---------
E
Le fait que les variables réduites puissent s’exprimer par des
rapports adimensionnels facilite grandement l’interprétation phy- 3.5.4 Influence de la puissance de refroidissement
sique des résultats, en particulier en ce qui concerne l’influence des
divers paramètres susceptibles de modifier les conditions de Si l’on se reporte aux quelques exemples examinés précédem-
fonctionnement. ment, on constate que l’énergie de coupure, sans pouvoir devenir
1
inférieure à ----- LI 2 , est d’autant plus faible que la puissance de refroi-
2
dissement est plus grande (figure 34). On aurait donc intérêt à
3.5 Énergie de coupure accroître cette dernière.
Nous savons que plus la puissance P 0 est élevée, plus la surtension
3.5.1 Généralités de coupure est elle-même importante. C’est un des dilemmes aux-
quels tout constructeur d’appareillage se trouve sans cesse
L’énergie WJ dépensée dans la résistance d’arc variable de l’inter- confronté ; nous le retrouverons avec encore plus d’acuité lors de
rupteur est donnée par l’intégrale, durant le temps de coupure, de l’étude de l’interruption des courants alternatifs en haute tension.
la puissance instantanée dissipée dans cette résistance :

  
Tc Tc Tc
u2 3.5.5 Influence de la constante de temps d’arc
WJ = ri 2 dt = ui dt = --------- dt (30)
0 0 0 r
L’influence de la constante de temps θ sur l’énergie de coupure
Lorsque l’on utilise un modèle numérique, l’ordinateur permet
(figure 34) est très faible du fait que θ est, en réalité, toujours négli-
de calculer cette énergie.
geable devant le temps de coupure (ou la constante de temps L /R
Avec le modèle de Mayr (§ 3.2), dans lequel la puissance de du circuit). Il est donc ici sans intérêt de chercher à réduire θ.
refroidissement P est supposée constante, on obtient très simple-
En revanche, la surtension de coupure est d’autant plus grande
ment une bonne évaluation de l’énergie de coupure en multipliant
que θ est plus faible.
la puissance de refroidissement par le temps de coupure :
On comprend donc que, en courant continu, il n’est ni nécessaire,
W J = P0 Tc (31) ni souhaitable de chercher à réduire la constante de temps de l’arc.
En effet, avant l’ouverture de l’appareil, l’énergie d’arc est évi- Le milieu d’extinction universellement utilisé en courant continu est,
demment nulle ; lorsque la coupure est achevée, l’énergie d’arc est de ce fait, l’air atmosphérique.
à nouveau nulle et, alors, il y a bien égalité entre l’énergie apportée
à l’arc sous forme d’effet Joule et l’énergie P0Tc cédée par l’arc à
l’environnement pendant la durée Tc de la coupure.

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C’est donc maintenant la vitesse de variation de la tension d’arc


En courant alternatif, et surtout en haute tension, le problème qui détermine le courant capacitif iC .
est très différent car il n’existe pas, comme en courant continu,
de limite à la réduction de l’énergie de coupure ; mais cette
réduction passe nécessairement par celle de la constante de 3.6.2 Constante de temps RC grande devant 
temps de l’arc, ce qui exige la résolution du difficile problème de
la maîtrise des surtensions de manœuvre. La figure 36a donne l’évolution en fonction du temps des diffé-
rentes variables intéressantes dans le cas où RC = 20 θ (L /R est, dans
cet exemple, lui-même égal à 30 θ ).
3.6 Utilisation d’un condensateur
en parallèle sur l’arc
3.6.1 Généralités
Dans le cas où un condensateur de capacité C se trouve placé en
parallèle sur l’appareil (figure 35), nous ne pouvons plus bâtir un
certain nombre de raisonnements à partir de caractéristiques tracées
dans le seul plan (u , i ).
Contrairement à ce qui se produit lorsqu’une résistance est pla- Figure 35 – Circuit de coupure en courant continu
cée en parallèle sur l’interrupteur (§ 3.1.6), les courants dans avec condensateur en parallèle sur l’arc
l’appareil et dans la capacité ne se répartissent plus à chaque ins-
tant au simple prorata des conductances, puisque :
iC = C du /dt (33)

Figure 36 – Coupure en courant continu,


avec condensateur en parallèle sur l’arc : transfert de courant

Figure 34 – Influence de la puissance de refroidissement


et de la constante de temps sur l’énergie de coupure

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On constate que, au début de l’interruption, supposée effectuée


avec une puissance de refroidissement constante :
P0 = 0,2 E I
le courant d’arc et le courant total sont initialement confondus, grâce
à un choix judicieux de la valeur initiale u 0 de u, afin de respecter
la réalité.
Dès que la tension d’arc u commence à croître, il apparaît un
courant capacitif iC d’autant plus élevé que du /dt est plus grand,
tandis que le courant d’arc i a se trouve réduit d’une quantité
sensiblement égale.
On assiste à un transfert du courant de l’arc vers le condensateur.
Lorsque l’arc s’éteint, le courant total i se confond alors avec iC
(figure 36b). La coupure s’est produite très rapidement et le régime
oscillatoire qui s’établit ensuite entre le condensateur et l’inductance
du circuit s’amortit progressivement par dissipation d’énergie dans
la résistance R du circuit (figure 35).
Nous avons vu au paragraphe 3.1.6.1 qu’avec une puissance de
refroidissement de 0,2 E I l’appareil non shunté ne coupait pas le
courant. On voit maintenant que, grâce à un condensateur corres-
pondant à une valeur de RC égale à 20 θ, l’appareil coupe sensible-
ment au bout d’un temps de 0,5 L /R, avec une dépense d’énergie
1
voisine du cinquième de ----- LI 2 , incomparablement plus faible que
2
celles observées précédemment. L’explication vient du fait que le
courant dans l’inductance L a diminué de 10 % à peine, entre le début
et la fin de la coupure ; il reste alors dans l’inductance encore près
de 80 % de l’énergie emmagasinée initialement.

3.6.3 Apparition d’instabilités

■ Si l’on diminue la valeur de la capacité en la divisant par exemple


par deux, de telle sorte que RC = 10  , on voit apparaître les pre-
mières manifestations d’un phénomène assez complexe : celui de
l’oscillation entre le courant iC et le courant d’arc (figure 37a ). Dans
le plan (u, i ), on constate que le point de fonctionnement décrit une
sorte de boucle avant que la coupure ait finalement lieu (figure 37b).
Ce mouvement de va-et-vient résulte de fluctuations de du /dt qui ne
parvient plus à croître continûment, comme cela se produisait dans
l’exemple précédent.
■ Pour RC = 5  , les oscillations deviennent franchement specta-
culaires (figure 38). On observe une spirale divergente qui présente Figure 37 – Coupure en courant continu avec condensateur
tous les aspects d’un phénomène résonnant. en parallèle sur l’arc : apparition d’instabilités

On envisage actuellement d’utiliser un phénomène de réso-


nance de ce type pour réaliser des disjoncteurs de réseau d’inter-
connexion THT à courant continu (§ 3.7.4.3).

3.6.4 Oscillations stables

En réalité, ce n’est pas la résistance R du circuit qui conditionne


l’obtention d’oscillations stables, mais plus précisément la résis-
tance R A que possède l’arc au point d’équilibre A.
On démontre que, lorsque le produit de la résistance R A par la
capacité C se rapproche de la valeur de θ, il apparaît un mécanisme
intéressant mais assez complexe d’interaction et d’échange d’éner-
gie entre les trois réservoirs que constituent l’arc, le condensateur
et l’inductance [Doc. D 4 700].
Lorsque le produit R AC est voisin de θ, il n’y a plus coupure et
l’on assiste à un phénomène d’oscillations stables, le point de
fonctionnement décrivant dans le plan (u, i ) une boucle fermée
autour de A (figure 39). C’est l’arc chantant, bien connu des expé-
rimentateurs du début du siècle. Figure 38 – Coupure en courant continu avec condensateur
en parallèle sur l’arc : oscillations résonnantes

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On démontre que la pulsation de l’oscillation entre l’arc et la Pendant le même intervalle de temps, la tension d’arc est passée
capacité est alors telle que : de u 1 à u 2 avec, d’après la relation (33) :
ωaθ = 1
u2 – u1 iC
Dans l’air, à la pression atmosphérique, si la constante de temps ---------------------
- = ------ (34)
τ C
d’un arc donné est voisine de 50 µs, cette oscillation présente une
fréquence f a de l’ordre de : Si l’inductance L du circuit est suffisamment importante pour que
L /R soit grand devant la période 2 πθ de l’oscillation arc-capacité (ce
ωa 1 qui est pratiquement toujours vérifié), on peut admettre que le cou-
f a = --------
- = ------------- = 3 200 Hz
2π 2π θ rant total i n’a pas le temps de varier (figure 41) et reste voisin du
courant au point A, soit IA . Le courant capacitif iC se lit alors
Notons bien que la pulsation ω a est tout à fait indépendante de directement sur le diagramme de la figure 40 et nous permet de
celle relative à la fréquence propre f du circuit principal L, C : déterminer u 2 , par la relation (34).
1
f = ------------------------
2π LC
Lorsque les conditions d’oscillations stables sont remplies, cette
fréquence propre f est généralement bien plus basse (250 Hz dans
l’exemple de ce paragraphe).

3.6.5 Oscillations amorties

Pour toute valeur de C telle que R AC soit inférieur à θ, les oscilla-


tions sont amorties et le phénomène converge au point d’équilibre
stable A, comme dans le cas d’un arc non shunté.

3.6.6 Étude graphique simplifiée


du phénomène d’oscillation

Supposons que nous partions d’un point M1 situé à proximité du


point d’équilibre A (figure 40). Au bout d’un intervalle de temps τ ,
la résistance d’arc est passée de r1 à r 2 donné par la relation (25) :
r2 – r1 u
- = ------------ λu
-----------------
τ P0 θ

On peut alors tracer une droite issue de l’origine et de pente


égale à r 2 .
Figure 40 – Construction graphique de la caractéristique dynamique
d’un arc shunté par un condensateur

Figure 39 – Coupure en courant continu avec condensateur Figure 41 – Oscillations stables arc-capacité (figure 35)
en parallèle sur l’arc : mécanisme des oscillations stables

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On peut donc tracer l’horizontale d’ordonnée u 2 . Son intersection divers appareils d’utilisation étaient eux aussi montés en série dans
avec la droite de pente r 2 donne le nouveau point de le circuit, qui fonctionnait à courant constant . Pour arrêter un
fonctionnement M2 . Il est donc possible de tracer point par point la appareil, il suffisait de le court-circuiter. L’un des plus célèbres de
caractéristique dynamique recherchée. ces systèmes de transport de type série fut le système Thury qui
fut utilisé en particulier entre les usines hydroélectriques de Savoie
■ On peut vérifier ainsi que, pour R AC = θ, cette caractéristique et Lyon jusqu’en 1936 (courant constant 150 A, tension variable
décrit une boucle fermée (figure 39 et courbe I de la figure 40). jusqu’à 100 kV).
■ Si la capacité est deux fois plus importante (R AC = 2θ ), au bout du L’avènement du transformateur et la découverte de l’intérêt du
temps τ la résistance d’arc sera la même que précédemment ; en courant alternatif, dont il n’est pas de notre propos de rappeler les
revanche, u 2 – u 1 sera deux fois plus faible et le nouveau point de nombreux avantages, entraînèrent le développement rapide de ce
fonctionnement sera M3 . En continuant de tracer cette nouvelle dernier et firent disparaître pour un temps les réseaux à courant
caractéristique, on obtient rapidement une spirale divergente continu. Il n’empêche que, depuis fort longtemps, l’idée de convertir
(courbe II de la figure 40). le courant alternatif en courant continu pour le transporter à longue
distance revient régulièrement au rang des préoccupations des
■ À l’inverse, avec une capacité deux fois plus faible (R AC = 0,5 θ ), concepteurs et des exploitants de réseaux.
u 2 – u 1 sera deux fois plus grand ; le nouveau point sera en M4 et
Nota : le lecteur pourra utilement se reporter, dans ce traité, à l’article Transport
décrira une spirale convergeant au point A (courbe III de la d’énergie en courant continu à haute tension [D 4 760].
figure 40).

3.7.2 Intérêt du transport en courant continu


3.6.7 Conclusions concernant l’utilisation
d’un condensateur en parallèle sur l’arc L’utilisation du courant continu pour le transport de l’énergie élec-
trique à longue distance présente un certain nombre d’avantages
Cette solution paraît extrêmement séduisante par les gains qu’elle théoriques :
permet de réaliser en matière d’énergie de coupure. — suppression de la chute de tension inductive ;
Elle est, en fait, universellement utilisée sur les systèmes d’allu- — disparition des problèmes de stabilité et de saturation en
mage de moteurs à explosion afin d’assurer la protection des courant que l’on rencontre en courant alternatif avec les lignes très
contacts, plus connus sous le nom de vis platinées. longues du fait de leur capacité ;
— réduction des pertes grâce à un facteur de puissance égal à 1 ;
De plus, l’oscillation L,C consécutive à la coupure est tout à fait
— diminution du nombre de conducteurs ;
favorable à la génération d’une tension élevée au secondaire de la
— réduction des perturbations créées par les phénomènes
bobine d’allumage et d’une énergie d’étincelle importante et bien
d’induction.
contrôlée. Lorsqu’il s’agit de circuits de puissances industrielles,
l’existence habituelle d’un palier de tension d’arc sur la caracté- Malheureusement, le développement des réseaux de transport à
ristique statique fait que le mécanisme de transfert se manifeste courant continu de grande puissance se heurte à deux difficultés
malheureusement trop tardivement pour présenter un réel intérêt. sérieuses :
Nous verrons, en revanche, qu’en courant alternatif la situation — la réalisation de convertisseurs continu – alternatif (ou ondu-
est différente ; le condensateur placé en parallèle sur l’arc joue un leurs) de tension élevée (plusieurs centaines de kilovolts) et de forte
rôle fondamental jusqu’aux plus fortes valeurs des courants à puissance (plusieurs milliers de mégawatts) ;
interrompre (§ 4.4.1.2). — la réalisation d’interrupteurs pour courant continu capables
de fonctionner sous ces tensions élevées.
Enfin, dans le domaine du transport à courant continu en haute
tension, actuellement en pleine évolution, nous avons déjà
signalé (§ 3.6.3) qu’une des solutions les plus prometteuses au très
difficile problème de la réalisation de disjoncteurs pour réseaux
3.7.3 Réalisations actuelles
d’interconnexion pourrait consister en l’exploitation d’un phéno-
La réalisation d’onduleurs à haute tension a d’abord fait appel à
mène comparable à la résonance arc-capacité. Le mécanisme de
des valves à vapeur de mercure puis, à partir de 1970, à des valves
cette résonance est, soulignons-le, fondamentalement basé sur le
à thyristors (article Transport d’énergie en courant continu à haute
fait que la caractéristique d’arc présente une pente du /di négative.
tension [D 4 760]). Les puissances et les tensions sont allées en
s’élevant progressivement jusqu’à atteindre des valeurs très signi-
ficatives puisque l’interconnexion France-Angleterre (IFA 2000) est
3.7 Avenir du transport capable de transiter 2 000 MW sous des tensions de ± 270 kV par
en courant continu à haute tension rapport au potentiel de terre.
Toutefois, la complexité, le coût et la fragilité relative des stations
3.7.1 Rappel historique de conversion ont fait que de telles installations ont été utilisées
essentiellement pour des liaisons aériennes sur de très longues
Il est intéressant de rappeler que les premières lignes de transport distances ou pour des liaisons sous-marines. Dans ce dernier cas,
d’énergie étaient alimentées en courant continu à haute tension. Les la raison fondamentale réside dans le fait que les câbles à haute ten-
toutes premières expériences de transport sur quelques dizaines de sion dont la longueur dépasse quelques dizaines de kilomètres
kilomètres furent réalisées par Marcel Deprez entre 1881 et 1883 posent, en courant alternatif, des problèmes difficilement solubles,
d’abord à l’exposition internationale de Munich, puis au Bourget et liés à l’importance du courant capacitif qui sature le câble. La même
ensuite entre Vizille et Grenoble. À cette époque, le courant continu difficulté existe pour les lignes aériennes très longues, mais il est
était fourni par des génératrices dans lesquelles il était difficile alors plus aisé de disposer de loin en loin des stations de
d’élever la tension entre balais sans aboutir rapidement à un flash compensation.
au collecteur. En fait, le transport à courant continu n’a surtout été utilisé
Conscients du fait que le rendement d’une ligne de transport est jusqu’à maintenant, malgré ses avantages, que lorsqu’il était tech-
d’autant plus élevé que la tension est elle-même plus importante, niquement difficile de résoudre le problème autrement.
les pionniers de l’électrotechnique ont d’abord tourné la difficulté
en disposant plusieurs génératrices en série ; du même coup, les

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Les liaisons en service consistent donc à relier point à point une


station à une autre. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de disposer
d’interrupteur à courant continu car, s’il se produit un incident, il
suffit de bloquer le fonctionnement des deux convertisseurs situés
aux extrémités de la liaison pour éliminer les courants de défaut.
Dans le cas où le transport à courant continu serait utilisé pour
réaliser de véritables réseaux d’interconnexion, il serait nécessaire,
comme en courant alternatif, de disposer d’interrupteurs pour isoler
les éléments du réseau qui se trouvent en défaut, sans que
l’ensemble en subisse les répercussions.

3.7.4 Réalisation des grands interrupteurs

L’absence de nécessité a fait que, jusqu’à une époque récente, les


interrupteurs à courant continu à haute tension étaient restés à l’état
d’études et n’avaient donné lieu qu’à quelques réalisations de pro-
totypes aux performances limitées. Un grand nombre de principes
ont été avancés pour résoudre ce difficile problème.
Nous citerons, à titre d’exemple, celui qui paraît être le plus rapi-
dement accessible à partir de constituants actuellement disponibles :
le principe de superposition.

3.7.4.1 Principe de superposition


Ce principe consiste à superposer, dans l’appareil de coupure, au
courant continu à interrompre, un courant oscillatoire d’amplitude
au moins égale, de telle sorte que le courant total puisse présenter
des passages à zéro.
Dans ces conditions, un disjoncteur à courant alternatif peut
réaliser l’interruption du courant total comme il le fait au passage
à zéro d’un courant sinusoïdal.
Figure 42 – Circuit actif : principe de superposition
3.7.4.2 Circuit actif
Le courant oscillatoire est ici obtenu par la décharge d’une batterie
de condensateurs dans un circuit oscillant à l’intérieur duquel se
trouve placé le disjoncteur (figure 42).
Ce dispositif actif nécessite que les condensateurs soient préala-
blement chargés et exige la présence d’un interrupteur auxiliaire,
ou d’un éclateur commandé, pour déclencher la décharge des
condensateurs dans le circuit. En outre, il ne faut pas oublier que,
une fois l’interruption réalisée, il faudra absorber l’énergie électro-
1
magnétique ----- LI 2 de la liaison interrompue, sous peine de voir
2
apparaître une surtension inadmissible.
Si ce principe est relativement intéressant, puisqu’il permet d’uti-
liser un disjoncteur de type connu, sa mise en œuvre est assez
complexe et soulève de nombreux problèmes.

3.7.4.3 Circuit passif


Un principe plus séduisant consiste à engendrer une résonance
dans un circuit oscillant ( , C ) grâce à un phénomène assez Figure 43 – Circuit passif : principe de superposition
semblable à celui de l’oscillation arc-capacité. Le schéma est celui
de la figure 43.
soit possible d’interrompre des courants de l’ordre de 2 000 à 3 000 A
Le disjoncteur doit posséder une tension d’arc non négligeable sous 500 kV, en utilisant des disjoncteurs à air comprimé classiques
et présenter, dans la plage de courants à interrompre, une caracté- prévus pour des tensions similaires.
ristique d’arc à pente suffisamment négative pour parvenir à exciter
un phénomène de résonance dans le circuit ( , C ) placé en parallèle.
Le courant dans ce circuit allant alors en s’amplifiant, il arrive un Le difficile problème de l’interruption des courants continus
moment où il devient assez important pour provoquer une annula- à haute tension paraît donc être en voie de recevoir des solu-
tion du courant total dans le disjoncteur, annulation que ce dernier tions industriellement réalisables, même si le système disjonc-
met à profit pour réaliser l’interruption (figures 44 et 45). teur – circuit oscillant – absorbeur constitue un ensemble de
L’énergie électromagnétique, très importante, de la ligne doit taille assez impressionnante. De toute façon, il n’est guère envi-
toujours être absorbée dans un système parasurtenseur placé en sageable qu’il puisse en être autrement, ne serait-ce que du fait
parallèle sur le disjoncteur. de l’importance de l’énergie à dissiper.
À la suite d’essais effectués en laboratoire et sur une liaison exis-
tante de la Bonneville Power Authority aux États-Unis, il semble qu’il

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Figure 44 – Description de l’instabilité d’un circuit d’arc

Figure 46 – Comparaisons entre deux coupures analogues


de courant, l’une en continu, l’autre en alternatif

crête du générateur alternatif est identique à celle du générateur


continu et que les valeurs maximales des courants sont présumées
être identiques :

e = E sin ω 0 t
^

Figure 45 – Coupure engendrée par résonance dans un circuit passif


i = I sin (ω 0 t – ϕ )
^

^ ^
avec E=E et I=I
4. Interruption des circuits
alimentés en courant 4.1.1 Courant continu
alternatif Nous savons (§ 3.1.3) qu’en courant continu la condition de
coupure, lorsqu’il n’existe aucun moyen d’assistance, est que la
4.1 Comparaison des coupures caractéristique statique soit tout entière située au-dessus de la droite
en courant continu E – Ri (figure 46) ; si la puissance de refroidissement est constante,
elle doit alors être supérieure à 0,25 E I.
et en courant alternatif Rappelons que, dans le cas du courant continu, le courant ne peut
s’annuler que si la résistance de l’arc devient infinie (figure 47a ).
Pour faciliter la compréhension des problèmes rencontrés lors
de l’interruption d’un circuit alimenté en courant alternatif, nous
allons tout d’abord procéder à une comparaison dans le plan (u, i )
entre une coupure en courant alternatif et une coupure analogue
en courant continu (figure 46). Analogue signifie que la tension de

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Lors d’un court-circuit, par exemple, il est habituel d’observer


une valeur de cos ϕ voisine de 0,1, ce qui se traduit par :
 ω0
-------------
 ≈ 10

et ------
 ≈ 0,1

soit à la fréquence de 50 Hz :

------

≈ 32 ⋅ 10 –3 s

Par rapport au circuit à courant continu présentant la même


valeur de I, ce circuit alternatif possède une résistance  pratique-
ment dix fois moins grande :

------
R
≈ 0,1

En conséquence, la droite e –  i présente, pour une même valeur


^
du courant de crête I , une pente dix fois plus faible et se trouve
donc très voisine de l’horizontale. La tension e variant périodique-
^ ^
ment entre + E et – E , la droite e –  i se déplace parallèlement à
elle-même (figure 46, de A vers C).
Du fait du déphasage, voisin de π /2 puisque cos ϕ ≈ 0,1, entre le
courant et la tension du générateur, cette dernière s’inverse lorsque
le courant passe au voisinage de son maximum positif (figure 47b ).
À partir de cet instant, ∆u est nécessairement négatif, que l’appareil
soit ouvert ou fermé ; lorsque i arrive à zéro, la tension e du géné-
^
rateur est alors voisine de – E (figure 47).

Figure 47 – Comparaison entre les coupures en courant continu 4.1.2.2 Présence d’une tension d’arc
et en courant alternatif : évolution des grandeurs en fonction du temps Si l’appareil est ouvert pendant la période de décroissance du
jusqu’à l’annulation du courant courant (figure 47b ), on observe une tension d’arc u ; ∆u se trouve
majoré d’autant, ce qui accélère un peu le passage par zéro du
courant, sans constituer généralement un avantage décisif pour
4.1.2 Courant alternatif l’interruption, sauf pour les appareils dits à forte tension d’arc (§ 4.5).
Même si la tension d’arc est très modeste, le courant passe de
4.1.2.1 Rappels
toute façon par zéro et, à cet instant, la résistance d’arc possède
En courant alternatif, la tension du générateur s’inversant à chaque une valeur r 0 qui n’est pas infinie ; c’est là que réside la grande dif-
alternance, le courant passe naturellement par zéro, périodiquement, férence par rapport au courant continu.
sans qu’il soit nécessaire de développer la moindre tension d’arc Cette résistance r 0 est donnée, au point d’origine, par la pente de
(figure 47b ). la tangente à la caractéristique dynamique de l’arc (figure 46).
^
Par ailleurs, la valeur de crête I du courant est déterminée non Au passage par zéro du courant, la tension d’arc est elle aussi nulle,
plus par la résistance, mais par l’impédance  du circuit. mais nous avons vu (§ 4.1.2.1) que la force électromotrice (fém) e
Dans le cas d’un circuit à inductance prépondérante, la réactance du générateur est alors voisine de son maximum négatif – E .
^

 ω 0 joue le rôle principal, la résistance  étant faible devant elle.


Nous savons que, dans un circuit alternatif, nous avons :
À partir de cet instant, le succès ou l’échec de la coupure va
E
^ dépendre fondamentalement de l’évolution de la tension u aux
^
I = ------ (35) bornes de l’appareil et de la façon dont elle tend à rejoindre la

force électromotrice du générateur.
2
 =  2 ω 0 + 2 (36)
4.1.2.3 Rôle fondamental de la vitesse de croissance
de la tension de rétablissement
 ω0
tan ϕ = ------------- (37) Si la vitesse de croissance de la tension de rétablissement u est

trop élevée, la résistance post-arc r n’a pas le temps de varier
 suffisamment vite et la trajectoire de la caractéristique dynamique
cos ϕ = ------ (38) traverse inévitablement la caractéristique statique :

ui = P
Dès lors, le produit ui devient supérieur à P, l’arc se réchauffe et
sa résistance ne peut que décroître ; c’est l’emballement thermique
(courbes I et II, figure 48a ).

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d’évolution dans le temps à partir du zéro de courant ; cette forme


peut d’ailleurs être modifiée par la présence même de la résistance
post-arc, sous l’effet d’un délicat phénomène d’interaction entre l’arc
et le circuit. On constate aussi, sur la figure 46, qu’il n’est plus du
tout nécessaire que la puissance de refroidissement P0 soit supé-
^^
rieure à 0,25 E I pour que l’interruption soit possible. En pratique,
de nombreux appareils à haute tension utilisent des puissances de
refroidissement P0 représentant à peine moins de un millième de
^^
la puissance apparente de crête E I .

Remarque : il est nécessaire de souligner que la puissance de


refroidissement dont il est question ici concerne uniquement le
terme hyperbolique P0 et non le terme U 0 i, qui devient négli-
geable lorsque le courant s’approche de zéro (§ 3.1.3 ; figure 21).
En revanche, aux valeurs élevées de i, ce dernier terme peut pro-
voquer des dépenses d’énergie dans l’arc significatives, au point
que la puissance de refroidissement :
P = P0 + U 0 i
^^
atteint des valeurs de l’ordre de quelques pour-cent de E I . Ces
valeurs sont très supérieures à celle de P 0 , qui ne dépasse pas
^^
0,03 % E I dans les appareils modernes (figure 65).

4.1.2.4 Importance de la constante de temps de désionisation


La vitesse instantanée de variation de la résistance post-arc s’écrit,
d’après la relation (16) :

dr r
-------- = ----
dt θ  1 – -------
P 
ui
0
-

ou, lorsque i = 0 :
dr r0
-------- = ------ (39)
dt θ
Si l’on provoque une diminution de la constante de temps θ, cette
résistance augmentera plus rapidement et l’appareil pourra donc
faire face à une plus grande vitesse de croissance de la tension de
rétablissement.
En réalité, à puissance de refroidissement P0 identique, le gain est
encore plus important qu’il n’y paraît, car la résistance r 0 à l’instant
du passage par zéro du courant est d’autant plus élevée que θ est
Figure 48 – Coupure en courant alternatif :
plus faible. On constate, à la simple vue du diagramme de la
évolution des grandeurs après le passage par zéro du courant
figure 49, que plus r 0 est important, moins on court le risque de fran-
chir la courbe ui = P0 après le zéro de courant.
Pour être plus précis, on peut dire qu’à partir du moment où θ
La tentative de coupure a échoué et il faut attendre au moins le
est inférieur à 30 µs, dans un réseau à fréquence industrielle, les
passage par zéro suivant pour effectuer une nouvelle tentative. Si
courbes théoriques sont pratiquement homothétiques pour des
les conditions n’ont pas changé, elle échouera à son tour.
rapports P * 0 / θ constants et des produits ωθ (ou 1/ωθ ) constants,
Si, en revanche, la vitesse de croissance de la tension u n’excède ω étant la pulsation de l’oscillation de la tension de rétablissement :
pas une certaine valeur critique, la résistance r a le temps d’aug-
menter suffisamment vite pour que la trajectoire de la caractéristique ω=2πf
dynamique ne franchisse jamais la limite fatale ui = P. La tension de avec f fréquence propre du circuit amont, dans le cas d’un circuit
^
rétablissement u peut alors rejoindre la valeur – E de la fém du géné- simple (figure 50).
rateur après quelques oscillations amorties (figure 48b ), sans qu’il Plus cette fréquence est élevée, plus la vitesse de croissance du /dt
se produise d’emballement thermique (courbe III, figure 48a ). de la tension de rétablissement est importante, puisque ces deux
Voilà donc présentée, dans le plan (u, i ), la course entre la puis- grandeurs sont sensiblement proportionnelles.
sance ui dépensée par effet Joule dans la résistance post-arc et la
puissance P à laquelle l’arc se trouve soumis de la part des moyens
Il en résulte que si, par exemple, l’on divise θ par deux, la puis-
de désionisation, course que nous n’avions pu qu’évoquer
sance de refroidissement P0 peut être aussi divisée par deux et,
incomplètement au paragraphe des problèmes
en même temps, la fréquence propre du circuit, donc du /dt,
fondamentaux (§ 2.4.4).
multipliée par deux.
On perçoit que la frontière entre la réussite et l’échec de la coupure
dépend fondamentalement de la vitesse de croissance de la tension
de rétablissement ou, plus précisément, de la forme de sa loi

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On mesure tout l’intérêt qu’il peut y avoir, en courant alternatif En réalité, la constante de temps des arcs réels ne possède pas
et en haute tension, à réduire le plus possible la constante de une valeur fixe, pas plus d’ailleurs que la puissance P0 ; dans les
temps θ de désionisation de l’arc, surtout si l’on sait que certaines milieux d’extinction les plus performants, ces deux paramètres
fréquences propres peuvent dépasser 100 kHz. évoluent rapidement au voisinage du passage par zéro du courant,
ce qui rend le problème fort complexe. Néanmoins, les impor-
tantes conclusions auxquelles nous aboutissons grâce à l’emploi
d’un modèle simple restent valables dans leurs grandes lignes.

On comprend donc que tous les appareils de coupure


modernes HT fassent appel à des milieux d’extinction possédant
des constantes de temps très réduites. Toutefois, nous savons
que cette réduction n’a pas que des avantages, car elle favorise
l’apparition de surtensions de manœuvres ; aussi ces appareils
doivent-ils être conçus pour maîtriser parfaitement ces sur-
tensions ou, sinon, être munis de moyens propres à en limiter
l’amplitude (condensateur, résistance, parafoudre ou para-
surtenseur).

4.1.2.5 Échec diélectrique ou thermo-diélectrique


de la coupure
Le phénomène d’emballement thermique, que nous venons
(§ 4.1.2.3) de caractériser comme résultant d’une croissance trop
rapide de la tension de rétablissement, n’est pas la seule cause
d’échec en coupure des appareils HT.
Au cours d’une manœuvre d’interruption, il ne suffit pas que
l’appareil échappe à l’emballement thermique pour que la coupure
soit réussie. Il peut arriver que la tension de rétablissement dépasse
celle qui correspond à la rigidité diélectrique instantanée du gaz en
cours de désionisation et qu’il se produise alors un réamorçage entre
contacts ; c’est l’échec diélectrique, qui se manifeste généralement
au voisinage de la valeur de crête de la tension de rétablissement
(figure 51).

Figure 49 – Influence de la constante de temps


sur la résistance d’arc r 0 à l’instant du passage par zéro du courant

Figure 51 – Échec thermo-diélectrique


Figure 50 – Tension transitoire de rétablissement dans un circuit simple

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Comme l’évolution de la rigidité diélectrique de l’intervalle


séparant les contacts, dans les instants qui suivent le passage par
le zéro du courant, dépend évidemment beaucoup de l’énergie
dépensée dans l’arc avant ce passage, puis de celle dépensée ensuite
dans la résistance post-arc, il est physiquement plus exact de
nommer ce type de défaillance échec thermo-diélectrique.
Dans un article publié récemment [Doc. D 4 700], nous proposons
une démarche théorique visant à appréhender ce très délicat pro-
blème, qui ne peut, actuellement (1988), être correctement résolu
que par l’usage de méthodes empiriques basées sur l’expérimen-
tation en vraie grandeur.

4.1.2.6 Conclusion
Pour terminer cette comparaison entre coupures en courant
continu et en courant alternatif, on peut dire que, en courant alter-
natif HT, l’essentiel de l’interruption se joue après le passage par
zéro du courant, alors que, en courant continu, tout se joue avant
ce passage par zéro.

Par conséquent, les moyens les mieux adaptés à l’interruption


de ces deux types de courants sont inévitablement fort différents.
■ En courant continu , nous avons vu, au paragraphe 3.3.3,
qu’une faible constante de temps d’arc apportait plus
d’inconvénients que d’avantages. L’air atmosphérique constitue
en fait le milieu d’extinction le mieux adapté, tout au moins pour
les tensions inférieures ou égales à 1 500 V. Un allongement
important de l’arc est absolument nécessaire pour développer
une tension d’arc supérieure à celle de la source. L’énergie de
coupure étant toujours élevée, les chambres de coupure doivent
être dimensionnées en conséquence ; elles sont inévitablement
volumineuses.
■ En courant alternatif, la puissance de refroidissement et
l’énergie de coupure sont d’autant plus faibles que la constante
de temps d’arc est plus petite. On utilise donc par excellence des
milieux d’extinction à constante de temps aussi réduite que pos-
sible (par exemple le SF6 et le vide), ce qui permet de réaliser
des appareils de coupure extrêmement compacts.

Bien que cet article ne concerne pas les problèmes d’appareillage


à basse tension, il est intéressant de signaler que l’essentiel de la
coupure d’un courant alternatif sous une tension inférieure à 1 000 V
se joue avant le passage par zéro du courant, comme en continu.
Pour des raisons voisines de celles rencontrées en courant continu,
tous les appareils BT sont du type à forte tension d’arc (comparable
à celle de la source) et le milieu d’extinction universellement employé
est aussi l’air à la pression atmosphérique. Le lecteur se reportera,
dans le présent traité, aux articles Appareillage électrique à basse Figure 52 – Arc permanent en courant alternatif
tension [D 4 860] [D 4 862] [D 4 865] [D 4 867].
La tension correspondant à cette pointe de réallumage peut avoir
des valeurs très variables, mais on constate facilement qu’elles sont
4.1.3 Arc permanent en courant alternatif toujours nécessairement plus élevées que celle de la pointe
d’extinction.
Si les conditions sont telles qu’après chaque passage par zéro du
courant la caractéristique dynamique traverse la caractéristique Le phénomène se reproduisant à chaque alternance, on obtient
statique : dans le plan (u, i ) une sorte de cycle d’hystérésis enveloppant les
ui = P deux branches (positive et négative) de la caractéristique statique.
L’évolution de la tension d’arc en fonction du temps apparaît sur la
il n’y a jamais coupure et l’arc peut durer indéfiniment. C’est par figure 52b.
exemple le fonctionnement que l’on observe dans un four ou dans
Pour une puissance P donnée, la pointe d’extinction dépend sur-
une lampe à arc.
tout de θ et la pointe de réallumage de la fréquence propre du circuit.
Tant que le courant décroît, le point de fonctionnement se déplace
nécessairement dans la zone comprise entre la caractéristique
statique et l’origine en passant par la pointe d’extinction 4.1.4 Remarque
(figure 52a ). Après le passage par zéro du courant, la montée de
tension étant trop rapide, la caractéristique dynamique traverse la Nous pouvons après cette comparaison aborder maintenant
courbe ui = P . La tension d’arc passe alors par un maximum l’examen de l’interruption des principaux types de circuits que l’on
dénommé pointe de réallumage avant de s’effondrer pour une nou- rencontre dans les réseaux HT. Nous commencerons par les
velle alternance. coupures de charges dites normales (§ 4.2) pour lesquelles l’appareil

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ne risque en aucun cas de subir l’échec thermique, ce qui ne veut


pas dire que ces manœuvres ne posent aucun problème, loin de là.
Puis, nous aborderons l’élimination des courants de court-circuit, qui
représente l’une des contraintes les plus sévères auxquelles les
appareils se trouvent confrontés (§ 4.3, 4.4, 4.5, 4.6 et 4.7).

4.2 Coupure des courants de charge


normaux
4.2.1 Circuit résistant
Dans l’interruption d’un circuit supposé purement résistant, la loi
d’Ohm s’écrit simplement :
u = e – i
Le point de fonctionnement dynamique se situe nécessairement
sur la droite e – i . À l’inverse de ce que l’on observe avec un circuit
fortement inductif, le courant s’annule en même temps que la tension
du générateur (figure 53).
Après le passage par zéro du courant, du/dt est extrêmement
faible puisque la tension aux bornes de l’appareil suit la loi sinu-
^
soïdale de la fém du générateur ( e = E sin ω 0 t ) , à la fréquence 50
ou 60 Hz du réseau.
Même si les moyens de désionisation de l’appareil sont très
modestes (P faible, θ élevé), les risques d’échec thermique sont
pratiquement inexistants. La coupure d’une charge résistante ne pré-
sente aucune difficulté, même si, dans la réalité, il existe toujours
une légère inductance propre, de telle sorte que le circuit purement Figure 53 – Coupure d’un circuit résistant
résistant n’est qu’une fiction théorique.
Par contre, la vitesse mécanique d’ouverture de l’appareil doit
être suffisante pour que la tension du générateur ne rattrape pas
celle qui correspond à la rigidité diélectrique entre contacts ; si ce
n’est pas le cas, on assiste à une série de réamorçages jusqu’à ce
que la distance entre contacts soit suffisante pour faire face à la
tension de crête du générateur (figure 54).

4.2.2 Circuit inductif


4.2.2.1 Généralités

Supposons que nous ayons à interrompre un circuit présentant


une inductance élevée, un transformateur à vide, par exemple
(figure 55). Le courant inductif à couper est de faible valeur, tout au
moins si nous le comparons au courant nominal du circuit ou, a
fortiori, au courant de court-circuit du réseau au point où se trouve
installé l’appareil.
Si les moyens de désionisation de l’appareil sont aveuglément
prévus pour le cas où il a justement à faire face à l’élimination d’un Figure 54 – Coupure d’un circuit résistant
court-circuit, ces moyens seront extrêmement surabondants pour par un interrupteur à manœuvre lente
interrompre le courant à vide du transformateur (le rapport peut
être de 1 à 1 000).
Cette disproportion entre la puissance de refroidissement et le
courant à interrompre, qui se manifeste clairement dans les dis-
joncteurs à air comprimé par exemple, entraîne une surtension de
coupure élevée (si l’on ne prend aucune mesure pour en limiter la
valeur).
Le courant d’arc tend à disparaître brusquement avant le pas-
sage par zéro du courant, ce qui provoque une valeur importante
de di/dt et une surtension di /dt très élevée aux bornes du trans-
formateur. On désigne ce phénomène sous le nom d’arrachement
de courant.
Figure 55 – Circuit fortement inductif : schéma de principe

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4.2.2.2 Surtension due à l’arrachement de courant La faible valeur du courant (quelques ampères à quelques dizaines
d’ampères) fait que la caractéristique statique se situe en pleine zone
En réalité, il ne se produit pas une brusque disparition du courant
hyperbolique, favorable au transfert du courant vers la capacité.
total, ce qui entraînerait une surtension infinie, mais un transfert du
courant d’arc vers le condensateur placé en parallèle sur l’appareil Le schéma du circuit d’alimentation d’un transformateur à vide
(figure 55 ) ; ce dernier est, le plus souvent, constitué par les est en réalité un peu plus complexe (figure 57) que celui de la
modestes capacités propres du réseau. figure 55. Le principe d’arrachement du courant par transfert (vers
la capacité C ) reste identique ; la surtension sur le réseau aval n’est
Le phénomène d’arrachement d’un faible courant inductif s’appa-
limitée que par la capacité C1 .
rente donc à la coupure d’un courant continu avec condensateur en
parallèle sur l’arc, comme le démontre aisément la comparaison Si l’on néglige l’amortissement, on peut considérer que l’énergie
entre les figures 56a et b. 2
électromagnétique 1/2  1 I arr se convertit au bout d’un quart de
L’arc « ignore » évidemment qu’il se trouve inséré dans un circuit période du circuit oscillant (  1 , C 1 ) en énergie électrostatique
à source alternative plutôt que continue et se comporte de manière 2
similaire. 1/2 C 1 U max , d’où :

U max = I arr -------1- (40)
C1

Cette relation simple met bien en évidence l’influence des diffé-


rentes grandeurs en présence, sachant que le courant arraché i arr
dépend beaucoup de l’interrupteur et de la valeur de C.

4.2.3 Circuit capacitif


4.2.3.1 Généralités

La coupure d’un courant capacitif est encore plus aisée que celle
d’un courant purement résistant (§ 4.2.1).
Dès que les contacts de l’appareil sont séparés et qu’un arc, même
très court, a pris naissance, une tentative d’interruption se produit
automatiquement au premier passage t 0 par zéro du courant.
La tension e du générateur est alors maximale puisque le courant
est en avance de π /2 sur la tension ; après l’annulation du courant,
^
le condensateur C reste donc chargé à cette tension – E et la dif-
férence de potentiel u A – u B appliquée aux bornes de l’interrupteur
est initialement nulle (figure 58). Elle croît ensuite avec une extrême
lenteur puisque sa dérivée est elle-même nulle à l’instant du passage
par zéro du courant.
Dans ces conditions, on comprend qu’un appareil, même très
peu performant, puisse couper au premier passage par zéro du
courant qui se présente immédiatement après l’ouverture de ses
contacts.
Comparativement à la coupure d’un courant résistant, les pro-
blèmes viennent du fait que les réamorçages ne sont plus du tout
anodins.

4.2.3.2 Surtensions dues aux réamorçages


Ces réamorçages ont une probabilité d’autant plus grande de se
produire que, au bout d’une demi-période, la tension du générateur e
s’étant inversée, la différence de potentiel u A – u B atteint maintenant
^
2E , soit deux fois la tension de crête du générateur. Si l’appareil
ne s’ouvre pas suffisamment vite, on assiste à un réamorçage entre
contacts.

Figure 56 – Coupure d’un circuit à grande inductance, Figure 57 – Schéma pratique d’interruption du courant primaire
avec condensateur en parallèle sur l’arc d’un transformateur à vide

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réamorçage au-delà du délai d’un quart de période (5 ms à la fré-


quence de 50 Hz) après la première tentative de coupure.
On constate en effet aisément, sur la figure 58, qu’un réamorçage
se produisant avant ce délai (c’est-à-dire avant l’inversion de la
tension e du générateur) ne risque en aucun cas de provoquer une
élévation de la tension du condensateur au-delà de la valeur absolue
^
de la tension de crête E du générateur.
Les réamorçages pendant le premier quart de période, qui sont
difficilement évitables, sont donc parfaitement tolérables ; pour les
distinguer des réamorçages plus tardifs, il a été convenu de les
désigner sous le nom de réallumages.
Pratiquement, les appareils ayant à commander des capacités de
valeurs importantes (batteries de condensateurs ou câbles) doivent
posséder des vitesses d’ouverture suffisamment élevées pour les
mettre à l’abri des risques de réamorçages.

Remarque : si la capacité à commander est de faible valeur, la


décharge de la ligne dans le circuit amont est pratiquement
complète à chaque réamorçage du fait de la fréquence très élevée
des oscillations ; cette fréquence interdit les coupures au passage
par zéro du courant tant que l’amortissement est insuffisant. On
ne constate donc pas d’effet cumulatif d’élévation de tension.
C’est typiquement le phénomène que l’on rencontre lors de
l’ouverture d’un sectionneur sur un jeu de barres à vide,
manœuvre qui donne lieu à un grand nombre de réamorçages
sans gravité.
Toutefois, ces décharges à haute fréquence peuvent induire
des surtensions dans les circuits voisins ou des parasites dans
les circuits de mesure et de télécommande.

4.3 Coupure des courants de court-circuit


L’élimination des courants de court-circuit constitue l’une des
tâches les plus nobles auxquelles l’appareillage électrique ait à faire
face (tableau 2). (0)

Figure 58 – Coupure d’un circuit capacitif


Tableau 2 – Exemple de coordination de caractéristiques
normalisées d’appareils
Le condensateur C se décharge brutalement, à travers la source,
dans l’inductance propre du circuit ; il en résulte que la tension uC Pouvoir Courant assigné
à ses bornes oscille autour de la tension e du générateur et qu’un Tension assignée
de coupure en service continu
courant important, de même fréquence, traverse l’interrupteur. Ce (kV) (kA) (A)
dernier met naturellement à profit les passages par zéro de ce
courant oscillatoire pour tenter de l’interrompre. .......... ......... ..........
Supposons que l’appareil réussisse l’interruption au premier pas- 24 12,5 630-1 250
sage par zéro (ou au troisième, au cinquième,...). On constate alors 25 1 250-1 600-2 500
que le condensateur reste chargé à une tension de crête qui peut ........ ........ ..........
^
atteindre théoriquement 3E (si l’on néglige l’amortissement). 72,5 12,5 800-1 250
20 1 250-1 600-2 000
Lorsque la tension du générateur s’inverse à nouveau, une demi- ........ ........ ..........
période plus tard, la différence de potentiel aux bornes de l’appareil 245 31,5 1 250-1 600-2 000
^
atteint maintenant 4E . Une telle surtension peut évidemment pro- ........ ........ ..........
voquer un nouveau réamorçage entre les contacts de l’appareil, et 420 20 1 600-2 000
le mécanisme d’oscillations précédemment décrit se renouvelle avec 40 1 600-2 000-4 000
une amplitude accrue, entraînant une nouvelle élévation de la ten- ........ ........ ..........
sion de charge du condensateur. 765 40 2 000-3 150
Cet effet cumulatif des réamorçages successifs est évidemment
fort dangereux pour les constituants du réseau, comme pour l’appa-
reil lui-même. Avant d’examiner les comportements caractéristiques des dif-
férents types d’appareils (disjoncteurs à faible ou à forte tension
4.2.3.3 Réamorçages prohibés. Réallumages autorisés d’arc, coupe-circuit à fusibles) en présence des courants de défaut,
nous allons donner quelques définitions permettant de préciser les
Le seul moyen d’éviter que ce phénomène d’amplification ne contraintes auxquelles les appareils se trouvent alors soumis. Nous
prenne naissance est que la régénération diélectrique de l’appareil expliciterons, en particulier, ce que l’on entend par pouvoir de
soit suffisamment rapide pour qu’il ne risque pas de se produire de coupure et tension de rétablissement.

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^
4.3.1 Pouvoir de coupure en court-circuit L’amplitude U S de l’oscillation dépend de la valeur de la force
électromotrice e du générateur à l’instant du passage par zéro du
Le pouvoir de coupure d’un appareil définit la valeur efficace du courant et de la valeur du coefficient d’amortissement de l’oscilla-
courant présumé qu’il est capable d’interrompre dans des conditions tion (figure 59b ).
d’emploi prescrites. Parmi ces conditions, celle qui a le plus
■ Lorsque le circuit comporte une charge aval, la TTR est la diffé-
d’influence est la tension de rétablissement.
rence entre les tensions transitoires mesurées en amont et en aval ;
nous en verrons un exemple lors de l’étude des phénomènes liés à
l’élimination d’un défaut proche en ligne (§ 4.4.2).
4.3.2 Tension de rétablissement
4.3.2.1 Généralités
4.3.3 Conclusion
Dans l’introduction à la coupure des courants alternatifs, nous
nous sommes efforcés de mettre en évidence le rôle fondamental Le pouvoir de coupure et la tension de rétablissement étant les
que joue la tension de rétablissement dans la réussite ou l’échec deux contraintes essentielles auxquelles l’appareil se trouve soumis
de la coupure (§ 4.1.2.3). au cours d’une interruption, il est nécessaire de les définir avec une
grande précision chaque fois que l’on se propose de contrôler l’apti-
Cette tension est généralement la somme de deux composantes : tude d’un appareil à répondre à un service donné (§ 4.7).
— l’une périodique à la fréquence industrielle ;
— l’autre transitoire et amortie, oscillatoire ou non.
■ La composante à la fréquence du réseau, ou tension de réta- 4.4 Comportement sur court-circuit
blissement à la fréquence industrielle, est mesurée après la dispa- des appareils à faible tension d’arc
rition des phénomènes transitoires sur tous les pôles et s’exprime
en valeur efficace.
Tous les disjoncteurs modernes à haute tension présentent une
En triphasé, elle est égale à U n / 3 , U n étant la tension assignée faible tension d’arc (§ 4.1.2.3), ce qui signifie que cette dernière reste
du réseau. suffisamment négligeable devant la tension du générateur pour qu’il
■ La seconde composante est la tension transitoire de rétablis- n’en résulte aucune diminution appréciable du courant de court-
sement, en abrégé TTR. C’est la tension qui se développe aux bornes circuit, ni aucune modification significative du déphasage ϕ entre
de l’appareil immédiatement après le passage par zéro du courant ; le courant et la tension. Cette faible tension d’arc résulte de l’utili-
elle correspond à une tentative de coupure. En triphasé, la TTR qui sation de milieux d’extinction à constante de temps de désionisation
apparaît aux bornes du premier pôle qui coupe est généralement très réduite, permettant d’atteindre des performances très élevées
plus élevée que celles qui se manifestent ensuite aux bornes de avec des puissances de refroidissement extrêmement faibles.
chacun des deux autres pôles (§ 4.7.2.3).

4.3.2.2 Tension transitoire de rétablissement 4.4.1 Cas des circuits simples


des circuits simples
Considérons d’abord le cas du court-circuit correspondant à un
La TTR ayant une grande influence sur le pouvoir de coupure, il défaut dit aux bornes de l’appareil et le rôle fondamental que joue
est nécessaire qu’elle soit bien spécifiée. la valeur de la capacité du réseau amont située en parallèle sur l’arc,
■ Pour un circuit simple, aux bornes du disjoncteur (figure 59a ), dans un circuit simple constitué de composants ,  , C localisés
la TTR se présente sous la forme d’une oscillation amortie (figure 50).
(figure 59b ) ; les conditions de coupure sont d’autant plus sévères Nous évoquerons ultérieurement le problème des circuits à
^ constantes réparties, à l’occasion de l’examen des problèmes sou-
que la fréquence f et l’amplitude U S de l’oscillation sont plus levés par le défaut proche en ligne (§ 4.4.2).
grandes.
La fréquence propre f du circuit coupé dépend de l’inductance  4.4.1.1 Influence de la capacité du réseau amont
et de la capacité C du circuit. Lorsque l’amortissement n’est pas vis-à-vis de la TTR présumée
trop important nous avons : ■ Examinons, à l’aide de simulations, trois exemples de coupure
1 d’un même courant par le même appareil, avec trois valeurs de la
f = ------------------------ capacité C (figure 50), nous constatons qu’avec les conditions
2π C adoptées :
et ω = 1 / C — pour une première capacité C 1 du réseau telle que le
quotient 1/ωθ soit égal à 0,8 (figure 60a ), la coupure échoue par
emballement thermique du fait d’une croissance trop rapide de la
tension de rétablissement ;
— pour une capacité C 2 = 1,5 C 1 , à laquelle correspond un
quotient 1/ωθ = 1 (figure 60b ), l’appareil se trouve juste à sa limite
de coupure, ce qui se traduit par une série d’hésitations sur l’évo-
lution de la résistance post-arc avant que cette dernière ne finisse
par croître continûment ;
— enfin, avec une capacité C 3 = 3 C 1 , pour laquelle 1/ωθ = 1,4
(figure 60c ), la coupure est parfaitement réussie, sans aucune hési-
tation et sans qu’à aucun moment la puissance instantanée ui ne
s’approche de la puissance de refroidissement, comme le montre
la figure 61.
La figure 61 donne une comparaison, dans le plan (u, i ), de ces
trois cas. On peut se demander comment s’expliquent, à première
Figure 59 – Circuit d’essai de disjoncteur et tension de rétablissement vue, ces différences de comportement.

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Figure 60 – Coupure avec condensateur en parallèle sur l’arc : influence de la valeur de la capacité

■ Si l’on examine l’évolution de la tension de rétablissement pré-


sumée [celle qui serait observée avec un disjoncteur idéal (§ 4.7.2.2)]
correspondant à ces trois valeurs de capacité, on constate les
phénomènes suivants, lorsque la valeur de la capacité augmente :
— la fréquence propre diminue ( 1 /f = T = 2 π  C ) ; du même
coup, la vitesse d’accroissement de la tension de rétablissement
(VATR) diminue elle aussi (figure 62) ;
^
— en revanche, la valeur de crête U S de la tension de rétablis-
sement croît ; cette amplitude est toutefois limitée à deux fois la
valeur de crête de la tension permanente de rétablissement ; en
triphasé, la valeur de cette tension doit tenir compte du facteur de
premier pôle qui coupe (§ 4.7.2.3).
En résumé, on observe donc une double influence de l’accrois-
sement de la capacité sur l’évolution de la tension de réta-
blissement présumée :
— une influence très favorable, se traduisant par une diminution
de la VATR ;
— une influence plutôt défavorable, se traduisant par un accrois-
sement de l’amplitude de la valeur de crête de cette tension, avec
toutefois une limitation asymptotique.

En réalité, dans les appareils actuels à très faible constante de


temps d’arc, la première influence bénéfique l’emporte très
Figure 61 – Comparaison, dans le plan (u, i ), des coupures largement sur la seconde. Seuls certains appareils à forte ten-
avec trois valeurs différentes de capacités en parallèle sur l’arc sion d’arc, dont la fabrication est abandonnée aujourd’hui en
(figure 60) haute tension, ont présenté une légère sensibilité à l’accrois-
^
sement de U S lorsque C augmente.

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Figure 62 – Comparaison des tensions de rétablissement présumées


pour trois valeurs différentes de capacités (figure 60)

4.4.1.2 Influence de la capacité sur le mécanisme


d