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LA PENSEE DE HEGEL

L’ABSOLU À VISAGE HUMAIN

« Quand vous ouvrez un livre de Hegel pour la première fois, non seulement vous
ne comprenez rien, mais vous ne savez même pas de quoi il est question ! » Cette mise
en garde vaut pour tout nouveau lecteur de Hegel. Mais elle ne doit pas décourager, car il
y a une raison simple à cette difficulté, qui n’est d’ailleurs pas insurmontable. Hegel
participe à l’une des plus extraordinaires périodes de la création philosophique :
l’idéalisme allemand. En quelques années se sont cô toyés, succédés et combattus
quelques-uns des plus grands esprits de l’histoire de la pensée. Kant n’est pas mort que
commence le règne de son disciple, Fichte, rapidement supplanté par Schelling, à son
tour détrô né par Hegel. La philosophie est alors une affaire de famille : qu’on se cajole,
qu’on se déteste ou qu’on se déchire, chacun est initié, tous se connaissent et les
allusions suffisent à faire savoir de qui et de quoi on parle. Il faut donc décrypter ce que
cache cette familiarité.

Une philosophie de la réconciliation


Dans cette famille philosophique, le grand aîné, à la fois admiré et jalousé, c’est
Kant (1724-1804). L’auteur de la Critique de la raison pure (1781) est celui qui, aux yeux
de ses contemporains, a « fait époque » : il représente l’apothéose de la pensée des
Lumières en même temps que l’entrée dans un nouvel â ge de la philosophie. Quelle est
sa contribution ? Brièvement énoncée, elle consiste dans la mise en cohérence de
l’humanisme. L’homme est un être fini, limité qu’il est dans son savoir (par l’ignorance et
l’erreur), dans son pouvoir (par la faiblesse et la faute) et dans son destin (par la
souffrance et la mort). Cette finitude essentielle de l’homme, on peut la concevoir, de
manière négative, comme le signe d’une imperfection par rapport à un être parfait posé
au départ : Dieu, l’Etre omniscient, omnipotent et éternel. On peut pourtant envisager
une autre conception de la finitude, et c’est celle à laquelle Kant donnera toute sa
portée : poser que la finitude humaine n’est pas une imperfection, un défaut ou un
manque, mais la condition première et indépassable de l’homme. Rien n’abolira jamais
ni l’ignorance, ni le mal, ni la mort : aussi faut-il plutô t, dit Kant, faire avec … le mieux
possible.
Tel est le sens profond des fameuses trois questions qui, pour Kant, définissent
tout le champ de la philosophie : Que puis-je savoir (en dépit de mon ignorance foncière)
? Que dois-je faire (de cette liberté qui me rend responsable de mes actes) ? Que m’est-il
permis d’espérer (malgré la mort inéluctable) ? Et ces trois questions, disait Kant, se
résument en une seule : qu’est-ce que l’homme ? Voilà pourquoi la philosophie
kantienne est la plus grande fondation de l’humanisme : l’homme y est le tenant et
l’aboutissant.
Hegel ne va pas contester cette orientation humaniste de la philosophie qu’il va
chercher à accomplir : l’esprit humain, la liberté, pour lui aussi, sont la source et l’objet
de toute entreprise philosophique ; mais il en dénonce certains des « effets pervers ».
Pour fonder son humanisme et identifier la spécificité de l’homme, Kant est en effet
obligé de procéder à des distinctions : séparation, d’abord, en l’homme, des différentes
facultés de connaissance (le sensible et le rationnel) ; séparation, ensuite entre l’homme
(le monde de la liberté) et la nature (le monde de la nécessité) ; séparation, enfin et
surtout, entre l’homme (fini) et le divin ou l’absolu (infini). Si l’homme est enfermé dans
les chaînes de sa finitude, quel sens donner à son aspiration à l’absolu ? Hegel
reprochera à Kant de ne plus savoir réunir ce qu’il a si subtilement distingué et
d’humilier l’homme qu’il prétendait glorifier. Au yeux de Hegel, Kant est le grand
séparateur — le diable, au sens étymologique — ; lui se verra dans le rô le du grand
réconciliateur.

La sagesse, c’est se sentir «chez soi»


«L’homme doit s’honorer lui-même et s’estimer digne de ce qu’il y a de plus élevé.
De la grandeur et de la puissance de l’esprit, il ne peut avoir une trop grande opinion».
En prononçant ces mots, lors de l’inauguration de ses cours à l’Université de Berlin en
1818, Hegel entend réaffirmer la pleine confiance dans la pensée humaine capable de
tout appréhender.
C’est cette réconciliation suprême qu’est censé produire le système hégélien :
réconcilier l’homme avec lui-même, avec le monde (qui lui semble extérieur) et surtout
avec l’absolu (qui lui paraît transcendant). Par quoi Hegel retrouve la tâ che
traditionnelle de la philosophie comme quête de la sagesse : être sage, dit Hegel, c’est
atteindre le « savoir absolu », mais c’est aussi être libre, c’est-à -dire se sentir « chez soi »,
aussi bien dans son esprit que dans le monde. Programme à la fois simple et grandiose
d’un home sweet home de la vie humaine, mais que, selon Hegel, la plupart des
philosophies ont échoué à réaliser, parce qu’elles ont toujours négligé ou nié une
dimension de l’expérience humaine.
D’un cô té, il y a les philosophies dogmatiques qui, souhaitant atteindre la vérité et
la sagesse, se fondent sur une critique virulente des illusions «vulgaires» de la vie
quotidienne, comme le sentiment d’être libre, la crainte de la mort, la vénération des
dieux, etc. ; d’un autre cô té, les philosophies sceptiques qui, à l’inverse, défendent que la
vérité et la sagesse consistent en un renoncement à toute idée de vérité absolue.
Aucune de ces doctrines ne parvient à offrir un espoir plausible de réconciliation :
les premières parce qu’elles méprisent les illusions communes de la vie ; les secondes
parce qu’elles dénigrent cette aspiration à l’absolu qui est le propre de l’homme. Or,
toute l’histoire de la philosophie semble offrir ce spectacle désespérant et vain d’un
affrontement incessant entre dogmatisme et scepticisme.

Une « science de l’expérience de la conscience »


La solution de Hegel pour sortir de ce conflit ancestral est en fait fort simple : elle
consiste à montrer que l’absolu, loin d’être un idéal inaccessible, est déjà présent dans
l’expérience quotidienne la plus naïve et la plus courante. Simplement nous n’en avons
pas conscience. La sagesse ou, comme dit Hegel, le « savoir absolu », but de sa
philosophie et moment ultime de la réconciliation, est le trajet de cette prise de
conscience. L’histoire de la philosophie n’est elle-même que l’auto-déploiement de cette
idée : loin d’être vaine et désespérante, elle est capitale comme voie de réalisation de
l’absolu. La sagesse ne consiste ainsi nullement à changer le monde présent au profit
d’un idéal désincarné de pures vérités : il ne s’agit ni d’éliminer l’illusion et l’erreur, ni
d’abolir le mal, ni d’ignorer la mort, mais de les intégrer comme des moments
nécessaires du vrai, du bien et de la vie. «Le vrai, écrit Hegel existe aussi peu que le mal»

C’est cet itinéraire de la conscience naïve se réconciliant avec l’absolu déjà
présent en elle que raconte la Phénoménologie de l’Esprit (1807), sans aucun doute le
chef d’œuvre de Hegel. Ouvrage étonnant où les expériences les plus communes de la vie
quotidienne y sont travaillées par les concepts les plus abstraits. Ce savoir absolu, qui
est en nous, ne se gagne pas par une révélation subite, mais tout au long d’un trajet
difficile, rempli de doutes, d’illusions et de désespoirs. La Phénoménologie de l’esprit,
cette «science de l’expérience de la conscience», s’apparente au projet grandiose d’une
autobiographie universelle des individus, des peuples et de l’humanité dans l’esprit de
ce que le maître de Hegel, Lessing, avait esquissé (voir encadré). Parcourons-en les
grandes thématiques.

Qu’est-ce que la dialectique ?


La dialectique rythme toute la philosophie de Hegel et, selon Hegel, toute la vie.
Elle en est comme la respiration. Le principe de la dialectique est que l’on ne peut se
poser qu’en s’opposant. Une métaphore, utilisée par Hegel lui-même, permet de
comprendre ce mouvement qui ne définit pas seulement (comme chez Platon ou
Aristote) une méthode pour accéder à la science, mais le mouvement même du réel. 1)
Le «germe» correspond au premier moment (ce que Hegel appelle « l’en soi ») : il
contient «en puissance», mais de manière non déployée, toute la richesse de la réalité à
venir ; 2) le germe passe ensuite à « l’existence » (« Dasein ») qui est le développement
diversifié des potentialités : c’est le moment de la différence et de l’opposition ; 3) Le
troisième moment est le « pour soi » qui marque le retour à l’unité  : c’est le fruit, qui est
à la fois le produit ultime du développement et le porteur de nouveaux germes. Le
« pour soi » à la fois dépasse et conserve les deux moments précédents. Exemple.

La lutte pour la reconnaissance : le maître et l’esclave


C’est sans doute la plus célèbre « dialectique ». Sa postérité est considérable :
Marx l’a reprise pour décrire la relation salariale, Nietzsche pour parler du rapport à la
vie, Sartre a développé cette «intuition géniale» pour analyser la relation avec autrui et
notamment amoureuse ; Charles Taylor (voir encadré) l’utilise pour penser le
multiculturalisme. Elle a inspiré de nombreux récits en littérature et même au cinéma
(The Servent). De fait, chacun y retrouvera aisément son quotidien et la difficulté des
relations avec les autres.
1) Quand je m’interroge sur mon identité (qui suis-je ?), une réponse évidente
arrive : « je suis moi ». Mais cette certitude est dépourvue de tout contenu : qu’est-ce que
cela veut dire «je suis moi » ? Si je veux expliciter cette réponse, il me faut utiliser des
médiations : je vais faire appel à autrui pour qu’il me dise qui je suis.
2) J’attends donc de l’autre qu’il me reconnaisse comme un Moi. Mais l’autre a la
même prétention. S’engage alors une lutte pour la reconnaissance. Le vainqueur sera
celui qui mettra la reconnaissance plus haut que la vie elle-même : mieux vaut la mort,
pense-t-il, qu’une vie en laquelle mon identité n’est pas assurée. Celui qui prend ce
risque, Hegel (relisant Jacques le Fataliste de Diderot) l’appelle le Maître ; celui qui ne le
prend pas sera l’Esclave. Une relation inégale s’établit alors en laquelle le rô le de
l’Esclave se réduit à reconnaître le Maître et le rô le du Maître, oisif, à être reconnu par
l’Esclave. Mais cette relation s’inverse peu à peu dans la mesure où l’Esclave devient si
indispensable au Maître (il est le garant de son identité) que celui-ci finit par dépendre
de son Esclave.
3) Pour que la reconnaissance s’établisse enfin de manière équilibrée et mutuelle,
il faudra «un moment dans lequel le maître fasse vis-à -vis de soi ce qu’il fait vis-à -vis de
l’autre et où l’esclave fait vis-à -vis de l’autre ce qu’il fait vis-à -vis de soi», c’est-à -dire où
les deux individus se réconcilient ensemble et avec eux-mêmes, comme des hommes
libres.

Concilier religion et liberté


Bien d’autres réconciliations viendront ponctuer, dans les différents domaines
qu’explore la Phénoménologie (raison, esprit, religion) le trajet vers le savoir absolu. A
chaque fois, les conflits qu’elles apaiseront s’illustreront dans des figures et des
événements exemplaires de la culture humaine : Antigone et Créon, la Révolution
française, etc. La totalité achevée du système sera présentée dans l’Encyclopédie (voir
encadré).
Sans qu’il soit possible de présenter ici l’ensemble du dispositif, on peut donner
une des trajectoires, peut-être la plus parlante et la plus éclairante, qui conduit au savoir
absolu. Alors qu’il est encore tout jeune étudiant, Hegel formule la question qui va servir
de fil conducteur à toute son œuvre : « Quelle est, se demande-il, la religion d’un peuple
libre ? » Question très profonde et qui n’a aujourd’hui rien perdu de sa brû lante
actualité. Selon Hegel, toute l’histoire humaine se définit par le progrès de la liberté.
D’abord limitée à quelques grandes individualités (despotisme oriental), puis à
quelques-uns dans la cité antique, puis à certains peuples, la liberté est vouée à s’étendre
à l’humanité tout entière, dès lors que les hommes se reconnaissent comme
mutuellement égaux. C’est cet avènement de la liberté universelle que Hegel décèle dans
l’histoire politique contemporaine : depuis la Révolution française jusqu’à l’épisode
napoléonien et la formation de l’unité allemande. Elle est le théâ tre de l’action des
grands hommes, c’est-à -dire des hommes qui, sans toujours le savoir eux-mêmes (c’est
la fameuse « ruse de la raison »), agissent au service de la volonté profonde de leurs
contemporains et selon l’esprit de leur temps. Ce sont les « génies » de l’histoire :
Alexandre, César, Napoléon …. Mais cet avènement de la liberté, Hegel le repère aussi
dans les manifestations les plus hautes de la vie de l’esprit que sont l’art, la religion et la
philosophie.

La fin de l’histoire
Selon Hegel ces trois grands domaines de la culture obéissent à une seule et
même visée : exprimer l’absolu ou le divin, c’est-à -dire l’idée qu’il y a, en l’homme, « du
plus grand que l’homme ». Ils se distinguent simplement dans leur mode d’expression.
L’art représente le divin dans une œuvre, c’est-à -dire qu’il traduit cette grandeur
supra-humaine dans une matérialité qui s’adresse aux sens. Tout art en ce sens est sacré,
mais le sacré échappe nécessairement à l’art, puisque celui-ci exprime le sacré dans un
élément (le sensible) qui n’est pas le sien. C’est ainsi qu’il faut comprendre la fameuse
thèse hégélienne de la «mort de l’art» selon laquelle l’art appartiendrait à une époque
révolue de l’histoire humaine. Elle ne signifie pas que l’art est voué à disparaître. L’art
nous plaît et continuera de nous plaire, mais il ne fait que nous plaire, il ne définit plus
essentiellement notre rapport au monde et à la transcendance.
Face à cet épuisement de l’esthétique, c’est la religion qui prend le relais. Elle va
aller beaucoup plus loin que l’art, car elle exprime le divin, non dans une œuvre, mais
dans le for intérieur (la foi). Pour ce faire, elle va avoir recours, comme le Christ, à des
paraboles, à des mythes, à des métaphores qui parlent à la conscience des hommes. Mais
cette expression reste encore limitée, car la religion s’adresse aux hommes comme à des
enfants (voir l’encadré sur Lessing). Ici non plus Hegel ne prédit pas la disparition des
religions ; il constate seulement que le discours religieux a cessé de nous guider comme
avant dans toutes les étapes de notre vie individuelle et collective.
Penser la grandeur de l’homme
Seule la philosophie — et évidemment, pour Hegel, la sienne — pourra accomplir
la tâ che de penser et de dire convenablement le divin : c’est dans l’élément de la raison,
ou comme dit Hegel, du concept, que l’absolu se retrouve « chez lui ». L’homme alors
grâ ce à la philosophie devient véritablement « grand ». Grand, au sens d’adulte, parce
qu’il accède enfin à l’autonomie et à l’expérience qui caractérise cet â ge ; grand aussi, au
sens où l’on parle de la grandeur d’un « grand homme», c’est-à -dire d’un individu qui se
dépasse lui-même, qui, comme on dit, se « transcende ».
Bref, la religion d’un peuple libre, c’est la philosophie ; la philosophie, c’est la
philosophie hégélienne qui en achève l’histoire conflictuelle ; la philosophie hégélienne
c’est le point de vue de l’humanité enfin parvenue à l’â ge adulte, réconciliée et
transcendée. Tel est le sens de la formule célèbre sur la «fin de l’histoire» (voir F.
Fukuyama). Elle ne signifie pas qu’il ne se passera plus rien dans la vie des peuples ou
dans la vie de la pensée, mais que l’humanité est parvenue à un état de lucidité (le savoir
absolu) tel que tous les événements pourront désormais être interprétés et compris.
Etre adulte, avoir de l’expérience, ce n’est pas avoir tout expérimenté, c’est être capable
de faire face à la nouveauté.

La philosophie hégélienne est certainement celle qui a poussé le plus loin le


projet d’englober dans la pensée toute l’expérience humaine. En ce sens, elle représente
sans doute le premier et le dernier système philosophique accompli. Aujourd’hui, cette
prétention agace et fascine à la fois. Elle agace, car elle paraît bien orgueilleuse ; car le
totalisant, pense-t-on, n’est jamais très loin du totalitaire ; car notre temps semble être
plutô t, pour le meilleur et pour le pire, celui de l’éclatement, du relativisme et de la
déconstruction. Et pourtant Hegel n’a rien perdu de sa force d’attraction, ne serait-ce
que parce que, dans notre univers aux repères fragiles et incertains, il nous dit que la vie
de l’individu démocratique n’est pas vouée au consumérisme désenchanté et à la
production utilitaire ; il nous dit que l’homme moderne, maître de son destin et de ses
idées, n’est pas condamné à tourner en rond dans la cage plus ou plus dorée d’un monde
qu’il façonne à son image : quelque chose de la grandeur divine lui demeure accessible.
Bref, la vie moderne vaut toujours la peine d’être vécue. Ce qui n’est pas rien …

[ENCADRES]

Idéalisme
La « défaite » du marxisme, qui prétendait faire une relecture matérialiste du système hégélien, n’a pas
vraiment servi l’idéalisme. Avec les progrès de la biologie et de la connaissance du cerveau, l’idéalisme, qui
affirme le primat de l’esprit sur la matière, semble être devenue une théorie définitivement périmée.
Gardons-nous pourtant de l’enterrer trop vite : l’antagonisme entre idéalisme et matérialisme a de beaux
jours devant lui, pour la simple raison qu’il a été, est et sera avant tout une querelle philosophique que la
science ne saurait venir trancher. La thèse idéaliste de Hegel ne consiste pas à nier l’existence des corps ou
de la matière, — ce serait évidemment absurde — mais à constater que nous avons toujours accès à cette
matérialité par l’esprit. C’est en ce sens qu’il y a un primat de l’esprit : même le plus matérialiste des
savants a besoin pour défendre son matérialisme de le « mettre en idée » et de le réfléchir dans le domaine
de l’esprit (c’est le sens premier du terme spéculation). Chez Hegel, cela s’exprime par cette formule
célèbre qui identifie l’être et la pensée : «le réel est rationnel et le rationnel est réel».

L’Encyclopédie
L’ensemble du système hégélien est présenté dans un « manuel » à destination des étudiants publié sous
le titre Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé (1817 à 1830). Cette somme philosophique
donne la structure circulaire du système sans en épuiser tout le contenu, qui fait l’objet de publications
séparées ou de cours édités plus tard par les élèves de Hegel. Pour autant, Hegel ne prétend pas intégrer
tout le réel dans son système, mais seulement achever l’interprétation du sens du réel. Le cercle suprême
de l’Encyclopédie se parcourt selon trois cercles qui se superposent et s’enchaînent (selon une
dialectique) : la Logique (les règles de l’esprit seul), la Philosophie de la nature (l’esprit en tant qu’il
s’oppose à la nature) et la Philosophie de l’esprit (l’esprit réconcilié avec lui-même).

A quoi sert la philosophie ?


«Saisir et comprendre ce qui est, telle est la tâ che de la philosophie, car, ce qui est, c’est la raison. En ce qui
concerne l’individu, chacun est le fils de son temps. Il en est de même de la philosophie : elle saisit son
temps dans la pensée.» (Principes de la philosophie du droit, Préface)

G. E. Lessing (1729-1781) : le maître


Figure majeure des Lumières allemandes, philosophe, théologien, dramaturge, critique, son
œuvre a une influence considérable sur Hegel. Son dernier ouvrage édité, l’Education du genre
humain(1780), repose sur une analogie entre l’histoire humaine et le destin individuel : l’histoire est à
l’humanité ce que l’éducation est à l’individu. Les grandes textes spirituels sont ainsi envisagés comme
des « manuels scolaires ». L’Ancien Testament parle à l’enfance de l’humanité, il présente un Dieu
autoritaire, jaloux et toute une série de mythes ; le Nouveau Testament parle à la jeunesse de
l’humanité en proposant une conception plus abstraite du divin (la trinité) et des paraboles plus élaborées
; la philosophie (des Lumières) doit désormais parler à l’â ge adulte de l’humanité : « cet â ge de la
perfection où l’homme fera le bien parce que c’est le bien ». C’est le projet même de Hegel.
VIE DE HEGEL
Georg Wilhelm Friedrich Hegel naît le 17 aoû t 1770 à Stuttgart, capitale du duché de Wü rtemberg,
où son père est fonctionnaire. Il est l’aîné de trois enfants : Christiane, sa cadette, dont il sera toujours très
proche, et son petit frère Ludwig, qui deviendra militaire. Sa mère meurt alors qu’il a quatorze ans. Après
de brillantes études au lycée de Stuttgart, il obtient une bourse ducale pour intégrer en 1788 le Stift de
Tü bingen. Il s’agit d’un célèbre séminaire de théologie protestante, où se forment les futurs ecclésiastiques
du duché. L’enseignement y est traditionnel, bien éloigné du bouillonnement intellectuel qui règne en
Allemagne depuis quelques années. Hegel s’y lie d’une amitié profonde avec deux autres jeunes hommes
voués à un grand destin : Hö lderlin et Sch elling (voir encadré).
Jeune étudiant, il se passionne pour la Révolution française
Ensemble ils subissent les rigueurs et l’ennui de l’enseignement dogmatique ; ensemble ils se
passionnent pour les polémiques de l’époque, lisent en secret Spinoza, le maudit, et Kant, l’inédit.
L’annonce de la Révolution française les enthousiasme : ils y voient la réalisation politique de la
philosophie kantienne de la liberté. Hegel ne reniera jamais le souvenir cette émotion, quand bien même il
n’aura pas de mots assez durs pour dénoncer les dérives de la Terreur : «Depuis que le soleil se trouve au
firmament, écrira-t-il plus tard, et que les planètes tournent autour de lui, on n’avait pas vu l’homme se
placer la tête en bas, c’est-à -dire se fonder sur l’idée et construire d’après elle la réalité […] C’était donc là
un superbe lever de soleil. Tous les êtres pensants ont célébré cette époque. Une émotion sublime a régné
en ce temps-là , l’enthousiasme de l’esprit a fait frissonner le monde, comme si à ce moment-là seulement
on était arrivé à la véritable réconciliation du divin avec le monde». La légende voudrait même que les
trois compagnons se soient secrètement réunis pour planter à cette occasion un arbre de la liberté.
Diplô mé en 1793, Hegel n’a aucune envie d’embrasser la voie pastorale. Comme beaucoup de
jeunes philosophes de l’époque, il préfère le poste incertain de précepteur. Il atterrit à Berne dans une
grande famille de la ville, où , isolé, réduit au rang de valet, il ronge son frein tout en poursuivant ses
recherches personnelles. Hö lderlin l’aide à obtenir un autre poste à Francfort où les deux amis se
retrouvent. Séjour funeste, puisque Hö lderlin vit alors une relation amoureuse tragique (voir encadré).
Disposant à la mort de son père d’un petit héritage, il quitte alors Francfort pour Iéna (1801) où son ami
Schelling est devenue la « star » de l’université.
Dans Iéna ravagée, il aperçoit Napoléon « le Grand »
Iéna est alors une des universités les plus brillantes d’Allemagne grâ ce à la notoriété de ses professeurs
(Schiller, Fichte, les frères Schlegel), mais aussi et surtout de son ministre de tutelle : Goethe, le plus grand
des poètes. Hegel n’y occupe qu’un poste fort modeste, rémunéré chichement par ses étudiants-auditeurs.
Mais peu importe : enfin il participe publiquement à la vie intellectuelle. Il enseigne, il publie et peut
perfectionner son système. C’est là qu’il compose la Phénoménologie de l’Esprit dont la rédaction s’achève
en octobre 1806. Quelques jours plus tard, les armées napoléoniennes défont les Prussiens aux portes de
la ville. Iéna est ravagée ; la chambre de Hegel est pillée ; lui-même est molesté par des soudards. Il trouve
refuge chez des amis avec son manuscrit dans la poche. Il a avec lui sa logeuse, qui est aussi sa concubine
et … qui est enceinte. Le lendemain de la bataille, il aperçoit fugacement Napoléon entrant dans la ville :
«c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré sur un point,
monté sur un cheval, s’étend sur le monde et le domine».
Hegel est désormais sans emploi, sans argent avec bientô t un enfant naturel à charge, le petit
Louis qui naît en 1807. Un de ses amis lui trouve alors un poste de rédacteur dans une gazette de Bavière
(la Bamberger Zeitung). Hegel saute sur l’occasion : il devient journaliste. Lui qui avait écrit que «la lecture
du journal est la prière du matin moderne», il s’investit dans ce travail passionnant par la richesse des
événements de l’époque mais délicat du fait de la censure sévère. Le même ami lui propose alors une
situation beaucoup plus stable : proviseur et professeur au Lycée royal de Nuremberg (1808-1816). Le
budget y est réduit et le salaire irrégulier, mais dans le contexte troublé, cet emploi lui est profitable : il
peut venir à bout d’un de ses grands ouvrages la Science de la Logique (1812-1816). Sa vie personnelle
aussi se stabilise : à 41 ans, il épouse Marie von Tucher, â gée de 20 ans, fille d’une famille aristocratique
ruinée. Ensemble, ils eurent deux fils, Karl et Emmanuel, et le foyer accueillit un temps Louis, le fils
illégitime, avant que les rapports entre le père et le fils se détériorent.
En 1816, alors que son poste est de plus en plus menacé par la restauration, Hegel reçoit une offre
inespérée de l’Université de Heidelberg : on lui propose enfin une vraie chaire de philosophie. Hegel se
lance alors à corps perdu dans l’enseignement universitaire. Il rédige dès la première année son propre
« manuel », l’Encyclopédie des sciences philosophiques (voir encadré), qui est aussi l’exposé de l’ensemble
de son système. La réputation de Hegel grandit dans le pays. A Berlin, la chaire qu’occupait Fichte était
vacante. Le ministre prussien de l’éducation la lui propose et, en 1818, il est nommé dans la plus célèbre et
pourtant la plus récente université d’Allemagne.
Le plus grand philosophe d’Allemagne
C’est la reconnaissance suprême. Berlin est la capitale de la Prusse, devenue un foyer culturel de
première importance. Hegel devient la plus grande figure de la philosophie allemande. Ses recherches et
ses cours embrassent alors des champs vastes et variés : théologie esthétique, histoire, droit, politique,
aucun savoir humain ne semble lui être étranger. Ses rapports avec le pouvoir sont moins intimes qu’on l’a
dit parfois : en aucun cas il n’est le «philosophe officiel de l’absolutisme prussien». Certes il reste très
prudent et la complexité de sa philosophie — ses Principes de la philosophie du droit paraissent en 1821 —
lui sera ici bien utile pour ne pas risquer d’offusquer le pouvoir en place. Politiquement, Hegel n’est pas du
tout révolutionnaire, ni franchement libéral, mais il n’est pas conservateur non plus. Hostile à la
souveraineté populaire, favorable au corporatisme et partisan de la bureaucratie, sa position témoigne
pourtant d’une compréhension profonde des sociétés et des Etats modernes. Son dessein est bien de
concilier l’ordre collectif et la liberté individuelle. Simplement, cette liberté ne doit pas rester abstraite ou
strictement juridique. Elle doit s’ancrer au cœur de la vie éthique de l’homme concret (voir l’entretien
avec R. Legros).
Hegel a alors plus de loisir pour voyager. Il se rend en France en 1827 sur l’invitation du jeune
philosophe français, Victor Cousin, qu’il a contribué à faire libérer des geô les prussiennes quelques années
auparavant. En 1829, au sommet de sa gloire, il est élu recteur de l’université. Son succès est considérable
et les étudiants viennent de toute l’Europe pour assister à ses leçons. Le 14 novembre 1831, alors qu’une
épidémie de choléra sévit dans la ville (celle-là même que Giono met en scène dans Le Hussard sur le toit)
il meurt subitement. Suivie d’un long cortège formé d’étudiants, de collègues et de disciples, sa dépouille
est inhumée à cô té de celle de Fichte. «L’intérêt de la biographie, écrivait-il, semble être directement à
l’opposé d’un but universel, mais elle a elle-même pour arrière-fond le monde historique avec lequel
l’individu est entremêlé ; même ce qui est initialement subjectif, l’humoristique, etc. renvoie à ce contenu
et rehausse son intérêt». On ne saurait mieux dire …

[ENCADRES BIOGRAPHIE]
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Le professeur Hegel
Hegel n’est pas un orateur flamboyant. Rien à voir avec les brillantes conférences de Fichte ou de
Schelling, à la même époque. Il dicte des paragraphes de ses manuels en les explicitant sans grande
vivacité, la tête penchée sur ses notes qu’il n’arrête pas de fouiller, presque renfrogné, s’interrompant
fréquemment pour se racler la gorge ou tousser. Et pourtant il fascine. Comme si sa faiblesse oratoire, loin
de le desservir, mettait en valeur la puissance et la profondeur de sa pensée. Lui-même, à partir d’une
expérience d’enseignement riche et variée (préceptorat, lycée, université), a longuement réfléchi sur la
relation pédagogique. Le rô le de l’école, écrit-il, est d’arracher l’enfant à son milieu. La culture scolaire doit
le dépayser, le déstabiliser et même, au sens propre, l’aliéner, c’est-à -dire le faire devenir autre qu’il n’est
au départ. C’est grâ ce à cela que l’élève pourra s’élever à l’universel en dépassant sa particularité égoïste
et limitée. Cette attitude explique sans doute aussi le nombre incroyable de disciples que Hegel suscita : en
l’écoutant, ceux-ci avaient le sentiment de « naître », d’accéder enfin à la liberté et d’effleurer l’absolu ! Un
maître mystique, mi raison …

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Les trois compagnons de Tübingen
Des trois compagnons, qui, au séminaire (Stift), partagent la même chambre, Hegel apparaît au départ
comme le moins brillant. Ses camarades le surnomment «le vieil homme». • C’est Hölderlin (1770-1843)
qui semble le plus doué. Beau, cultivé, extraordinairement fin et sensible, il préférera la poésie à la
philosophie, mais selon une décision profondément philosophique. Son destin tragique en fera une figure
emblématique. Précepteur à Francfort, il tombe amoureux de la femme de son maître, Suzette Gontard,
qu’il surnomme Diotima. Elle est aussi sentimentale et poète que son mari est besogneux et affairiste. Les
deux belles â mes s’éprennent l’une de l’autre. Prévenu par une amie envieuse, le mari se fâ che. Hö lderlin
doit quitter son emploi et surtout son aimée. Suzette-Diotima mourut peu de temps après, en 1802, â gée
de trente-trois ans. Hö lderlin sombre bientô t dans une démence totale. Il finira tristement ses jours dans
une célèbre tour surplombant le Neckar, à quelques pas du Stift où lui et ses amis s’étaient promis la
gloire. • Schelling (1775-1854) est le plus précoce, à tel point que malgré la différence d’â ge on parlera de
Hegel comme de « son disciple ». A peine â gé de 22 ans, et déjà auteur reconnu, il succède à Fichte comme
professeur à l’Université d’Iéna. Ses rapports avec Hegel vont toutefois se détériorer après que ce dernier
eut marqué de manière un peu raide sa différence dans la Phénoménologie de l’Esprit (1807). Rattrapé par
le poids de l’existence, Schelling va payer cher sa précocité. Sa production se tarit. Il souffre de la
renommée de Hegel qu’il accuse de l’avoir pillé. C’est plein de ressentiment et sans grand succès qu’il
occupera, après la mort de Hegel, sa chaire à l’Université de Berlin.
Les trois amis furent aussi des potaches comme les autres : en témoigne cette inscription par Schelling et
Hö lderlin sur l’Album de Hegel : «Le dernier été s’est bien terminé ; celui-ci se termine encore mieux. La
devise de celui-là était : le vin ; la devise de celui-ci : l’amour». Il est arrivé plus d’une fois que Hegel soit
puni pour ses sorties intempestives et … nocturnes.
HEGEL AUJOURD’HUI

Francis FUKUYAMA : Après la fin de l’histoire

L’article de F. Fukuyama sur «la fin de l’histoire» avait déclenché au début de l’année 1989 une
polémique mondiale. Le politologue américain y expliquait que la démocratie libérale capitaliste
représente le stade ultime de l’évolution des régimes politiques et économiques, l’horizon indépassable de
notre temps. Il reprenait ainsi une conception hégéliano-marxiste de l’histoire, mais pour la détourner de
son objet : ce n’est pas la lutte des classes qui mène l’histoire, mais l’aspiration humaine au respect des
droits individuels et à la prospérité économique. Quelques mois plus tard, la chute du mur de Berlin et
l’effondrement du bloc communiste transformaient cette analyse en prophétie, suscitant du même coup
une gigantesque controverse. Accusé de naïveté, de néo-conservatisme, de cynisme,
d’occidentalocentrisme, Fukuyama défendra sa position pied à pied. Le dernier épisode étant son analyse
de l’attentat du 11 septembre 2001, qui pouvait apparaître comme un cinglant démenti de sa thèse. 
Bien au contraire, écrit-il dans un article paru peu après : «nous sommes toujours à la fin de
l’histoire, parce qu’il n’existe qu’un système qui continuera de dominer la politique mondiale». L’idée d’un
«choc des civilisations» (défendue par son collègue Samuel Huntington) est, dit-il, une absurdité tant est
manifeste la différence de puissance entre l’Islam et l’Occident. Fin de l’histoire «ne veut pas dire un
monde sans conflits, ni la disparition de la culture qui caractérise et distingue les sociétés. Mais
l’affrontement auquel nous assistons ne vient pas du choc de plusieurs cultures qui s’opposent entre elles
à égalité […]. Ce choc consiste en une succession d’actions d’arrière-garde menées par des sociétés dont le
fonctionnement traditionnel se trouve en réalité menacé par la modernisation. La violence de la réaction
est à la mesure de la gravité de la menace». Le terrorisme musulman n’est donc que la face hideuse de la
modernisation inéluctable des sociétés.
Pourtant, malgré cette conviction inébranlable, Fukuyama a sensiblement infléchi sa thèse
générale. Dix ans après son premier article, en 1999, il publie «La post-humanité est pour demain», où il
fait amende honorable. Oui, écrit-il en substance, le libéralisme a gagné, mais je m’étais trompé quand
même : avec les biotechnologies, c’est la nature humaine qui change. Après la fin de l’histoire, l’histoire
continue, en ouvrant la perspective de la fin de l’homme : « il ne peut pas y avoir de fin de l’histoire sans
une fin des sciences naturelles et de la technique moderne ».
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Ouvrages de Francis Fukuyama
La fin de l’histoire et le Dernier Homme (Flammarion, 1994)
La fin de l’homme. Les conséquences de la révolution biotechnique (La Table ronde, 2002)
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Charles TAYLOR
Le multiculturalisme et la politique de la reconnaissance

Le philosophe canadien Charles Taylor (né en 1931) a eu un rô le central dans le débat surtout
anglo-saxon entre libéraux et communautariens sur la question de l’identité moderne. Au cœur de cette
polémique : la nature de l’individualisme démocratique. Deux positions s’affrontent que Taylor s’attachera
à réconcilier.
La première (communautarienne) insiste sur le « malaise » que cet individualisme provoque et qui
se manifeste par le sentiment d’une triple perte : 1) La perte du sens, parce que chaque individu, réduit à
sa sphère consumériste et narcissique, risque à tout moment de se retrouver face au propre vide de son
existence. 2) La perte des fins, pour autant que semble triompher une rationalité qui ne se préoccupe plus
que des moyens et vise, de manière absurde, l’efficacité pour l’efficacité … 3) La perte de la liberté, enfin,
dans la mesure où l’individu isolé se rend vulnérable à une domination, certes douce et confortable, mais
d’autant plus redoutable que nul frein ne peut plus l’arrêter. Cette triple décadence inviterait presque à
regretter le bon vieux temps de la « communauté », quand l’identité personnelle était intégralement prise
en charge par la collectivité.
Tout le problème est que ce diagnostic pessimiste, pour convaincant qu’il soit, n’est pas complet.
Charles Taylor montre qu’à cô té de ces pertes, l’individualisme représente également un gain auquel nous
serions bien en peine de renoncer. Ce gain passe par la reconnaissance, au travers de la Déclaration des
droits de l’homme, de la valeur centrale de l’individu, dégagé de ses appartenances communautaires et
traditionnelles ; il passe également par l’investissement considérable de la vie privée (rô le de l’amour,
place de la famille, …), et, enfin, par la reconfiguration de l’ordre éthique (valorisation de l’autonomie).
C’est cet aspect que la position libérale privilégie.
Comment penser l’individu moderne sans sombrer ni dans l’abstraction libérale ni dans
l’allégeance à une tradition culturelle communautaire ? C’est afin de répondre à cette question que Taylor
retrouve Hegel : «La quête moderne d’une subjectivité en situation nous renvoie inévitablement à Hegel.
L’image même de cette quête, à quoi, s’ajoute la conscience de plus en plus aiguë d’une crise écologique,
fait de la pensée hégélienne une incontournable référence». C’est à partir de Hegel que Taylor forge la
notion de « politique de la reconnaissance » : les différences culturelles sont trop souvent négligées du fait
d’une conception trop abstraite et neutre du politique. Contre cette conception, Taylor plaide pour une
vision plus «hospitalière» de la société libérale à l’égard des identités culturelles. Il prô ne une
réconciliation pragmatique entre la politique de l’égalité (non-discrimination de principe) et la politique
de la différence (discrimination positive). On est là au cœur d’un débat brû lant …

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Ouvrages de Charles Taylor
Multiculturalisme. Différence et démocratie, Flammarion «Champs», 1994
Les sources du Moi. La formation de l’identité moderne, Seuil, 1998
Hegel et la société moderne, Cerf, 1998
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