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L’examen du budget de l'Etat est très important.

Il va nous
permettre de comprendre comment l'état peut influencer
l'activité économique du pays. En effet, le budget de l'État ne
constitue pas uniquement un document comptable qui recense les
recettes et les dépenses du gouvernement. Il traduit les choix des
politiques économique sociales que le gouvernement projette de
mettre en place au cours de l'année budgétaire et des années à
venir. La politique et les stratégies financières des pouvoirs
publics (actions de la puissance publique par des moyens
essentiellement financiers) sont ainsi cristallisées dans son budget.

Ces stratégies prennent deux formes qui sont toujours


cumulées : une intervention par les dépenses publiques ; une
intervention par les ressources publiques.

L'objectif de ce chapitre et de faire une présentation du


budget de l'Etat, de sa structure et d’insister sur les conséquences
économiques et financières de la manipulation des recettes et des
dépenses sur l'activité économique et sur les comportements des
agents économiques. On étudiera également l'impact de l'activité
économique sur la structure de ce budget.

Les ressources du budget général de l’État sont


principalement fiscales, Ces ressources représentent, dans la loi
de finances de 2020, environ 80 % des recettes ordinaires. Depuis

1
2005, le montant brut de ces recettes fiscales représente près de
20% du PIB.

La liste des catégories de recettes fiscales et non fiscales qui


alimentent le budget général comprend:

 Les impôts et taxes (indirects : TVA, TIC… et directs, IR, IS


,…) ;
 Le produit des amendes (de police, de justice…) ;les
rémunérations de services rendus et les redevances ;
 Les fonds de concours, dons et legs ;
 Les revenus du domaine;
 Le produit de cession des biens meubles et immeubles ;
 Le produit d'exploitation, les redevances, les parts de
bénéfices et de dividendes ainsi que les produits et les
contributions financières provenant des établissements et
entreprises publics;
 Les remboursements de prêts et avances et les intérêts y
afférents ;
 Le produit des emprunts ;
 Les produits divers.
Dans la loi de finances de 2020, les impôts directs
représentent 41,49% des recettes fiscales avec un montant de
103,25 MMDH, contre 100,67 MMDH en 2019.

Le produit de l’impôt sur le revenu (IR) s’élève à 46,18


MMDH. Celui de l’impôt sur les sociétés (IS) est d’environ 53
MMDH.

Concernant les impôts indirects, ils représentent près de


38% des recettes du budget général de la loi de finances 2020 dont

2
la TVA avec un montant de près de 65 MMDH, soit plus du 2/3
du produit des impôts indirects.

Les ressources publiques peuvent être utilisées comme les


dépenses pour intervenir soit sur les structures économiques soit
sur la conjoncture économique.

a. Effets sur les structures économiques

La politique fiscale peut contribuer à la croissance. C’est le


cas des mesures fiscales en faveur de la construction ou en faveur
de l’épargne. L’action structurelle revêt essentiellement deux
formes :

 La modernisation du système fiscal :

Permet d’adapter le système fiscal aux nouvelles structures


économiques. S’intègrent dans ces politiques la taxe sur la valeur
ajoutée (1986) et les différentes mesures de simplification fiscale.

 Les politiques fiscales :

Il s’agit de ce que l’on qualifie de « dépenses fiscales » qui


prennent la forme d’exonérations ou de réductions d’impôt en
faveur d’un secteur ou d’une initiative particulière. La dépense
fiscale représente en fait la renonciation à une recette fiscale.

b. Effets sur la conjoncture économique

 L’endettement public

Les opérations d’emprunt exercent une action sur la


conjoncture. L’émission d’un emprunt d’État, absorbe le pouvoir
d’achat excédentaire des souscripteurs et exerce un effet

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déflationniste s’il n’est pas réutilisé pour financer de nouvelles
dépenses.

 L’instrument fiscal

La fiscalité peut être utilisée dans les périodes de dépression


comme un instrument de relance de l’économie. Une réduction
globale de la fiscalité permet d’augmenter le pouvoir d’achat
disponible afin de relancer l’économie par la consommation.

La politique fiscale peut aussi servir à maîtriser l’inflation.


Après la seconde guerre mondiale ont été établis des impôts qui
n’étaient pas destinés à financer des dépenses publiques mais
à « éponger le pouvoir d’achat excédentaire ».

L’observation montre une augmentation continue des


prélèvements obligatoires dans tous les pays du monde avec
cependant, plus ou moins d’intensité.

Sur le plan théorique, à chaque époque, les prélèvements


obligatoires ont été considérés comme ayant atteint une limite
intolérable. Mais il ne semble guère possible de fixer à la pression
fiscale un plafond à ne pas dépasser. Une tentative de
détermination de ce seuil a été réalisée par l’économiste Laffer au
moyen d’une courbe « en cloche ». Par ailleurs, il semble exister
des limites constitutionnelles à l’accroissement des recettes
fiscales.

a. La Courbe de Laffer : « Trop d’impôt tue l’impôt… »

La Courbe de Laffer montre que les recettes fiscales


évoluent en cloche en fonction du taux de l’impôt. Au-delà d’un
certain seuil, mal précisé par Laffee, la matière imposable

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disparaît. Le montant des prélèvements obligatoires augmente
d’abord de la même manière que l’augmentation des taux, mais
seulement jusqu’à un seuil maximal, correspondant au sommet de
la courbe. Au-delà de ce seuil maximal, le produit des
prélèvements obligatoire diminue de manière décroissante inverse
à l’augmentation des taux. Il irait même jusqu’à disparaître si le
taux devait atteindre 100 % puisque toute activité disparaît dans
cette hypothèse théorique.

Ceci s’explique pour les économistes de l’offre par le fait que


des prélèvements obligatoires trop lourds détruisent l’assiette sur
laquelle ils reposent. Ils provoquent des phénomènes de résistance
(évasion et fraude) et de réduction de l’effort productif
(découragement) qui atteignent une ampleur telle que leur
montant total peut diminuer.

Le défaut de la Courbe de Laffer est de représenter une


situation purement formelle qui ne permet pas de chiffrer le seuil
réel d’imposition au-delà duquel la pression fiscale peut
effectivement être considérée comme excessive. Cette théorie a été

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utilisée dans les années 1980 aux États-Unis (Reagan, proposition
Jarvis en Californie) et au Royaume-Uni (Thatcher).

b. Les limites constitutionnelles à l’impôt

En droit, l’impôt semble connaître des limites assez


imprécises toutefois. Les juges constitutionnels et européens
sanctionnent deux catégories d’impôts qui dépassent le niveau
normal de contribution publique qui peut être attendue des
contribuables. Deux notions apparaissent, l’impôt excessif et
l’impôt confiscatoire :

 L’impôt excessif

Il s’agit d’un impôt qui dépasse par son ampleur les facultés
contributives des contribuables. L’impôt excessif est sanctionné
car il crée une rupture d’égalité devant les charges
publiques1.

 L’impôt confiscatoire

Il s’agit d’un impôt qui frappe le contribuable de telle façon


qu’il le prive de son patrimoine. Théoriquement, un impôt
confiscatoire impose de céder une partie de son patrimoine
pour l’acquitter2.

Malgré les tentatives et les volontés politiques, les


prélèvements obligatoires n’ont pas cessé d’augmenter dans
toutes les économies du monde.

Les charges de l'Etat comprennent :


1 Le caractère excessif est désormais examiné dans la globalité de la charge fiscale pesant sur le
contribuable et non pas seulement au sein d’un impôt isolé.
2
En France, le conseil constitutionnel rattache toutefois le caractère confiscatoire à l’égalité devant les
charges publiques, mais il semble le réserver aux impôts les plus excessifs.

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 Les dépenses du budget général ;
 Les dépenses des budgets des services de l'Etat gérés de
manière autonome (SEGMA) ;
 Les dépenses des comptes spéciaux du Trésor (CST).

Pour le budget général, les SEGMA et les CST, les


ressources sont ceux mentionnés dans les ressources de l’Etat, par
contre, les dépenses sont classées en trois rubriques.

Les charges du budget général comprennent les dépenses de


fonctionnement, les dépenses d'investissement et les dépenses
relatives au service de la dette publique.

a. Les dépenses de fonctionnement

Elles comprennent les dépenses suivantes :

 Les dotations des pouvoirs publics ;


 Les dépenses de personnel (les traitements, salaires et
indemnités et les cotisations patronales au titre de la
prévoyance sociale et de la retraite) et de matériel afférentes
au fonctionnement des services publics ;
 Les dépenses diverses relatives à l'intervention de l'Etat
notamment en matière administrative, économique, sociale
et culturelle ;
 Les dépenses relatives à l'exécution des arrêts et jugements
prononcés à l'encontre de l'Etat ;
 Les dépenses de la dette viagère ;
 Les dépenses relatives aux charges communes qui ne
peuvent comprendre que les charges ne pouvant être
imputées sur les budgets des ministères et institutions ;
 Les dépenses relatives aux remboursements, dégrèvements
et restitutions fiscales ;

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 Les dépenses imprévues et les dotations provisionnelles.

Les crédits ouverts au titre des dépenses de fonctionnement


sont annuels.

b. Les dépenses d’investissement

Les dépenses d'investissement sont destinées


principalement à la réalisation des plans de développement
stratégiques et des programmes pluriannuels en vue de la
préservation, la reconstitution ou l'accroissement du patrimoine
national.

Les crédits relatifs aux dépenses d'investissement


comprennent les crédits de paiement et les crédits d'engagement
qui constituent la limite supérieure des dépenses que les
ordonnateurs sont autorisés à engager pour l'exécution des
investissements prévus.

c. 3-Les dépenses relatives au service de la dette publique

Les dépenses relatives à la dette publique comprennent les


dépenses en intérêts et commissions et les dépenses relatives aux
amortissements de la dette à moyen et long termes.

Les SEGMA sont les services de l'Etat, non dotés de la


personnalité morale, dont certaines dépenses, non imputées sur
les crédits du budget général, sont couvertes par des ressources
propres. L'activité de ces services doit tendre essentiellement à
produire des biens ou à rendre des services donnant lieu à
rémunération. Ils créés par la loi de finances qui prévoit les
recettes de ces services et fixe le montant maximum des dépenses
qui peuvent être imputées sur les budgets de ces services. Leur

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création est conditionnée par l'existence et la justification de
ressources propres provenant de la rémunération de prestations
ou de services rendus et représentant au moins la moitié du total
de leurs ressources autorisées par la loi de finances.

Il est interdit d'imputer à un service de l'Etat géré de


manière autonome les dépenses de personnel. Sauf dérogations
prévues par une loi de finances, aucun versement au profit du
budget général ou d'un compte spécial du Trésor ou d'un service
de l'Etat géré de manière autonome ne peut être effectué à partir
d'un service de l'Etat géré de manière autonome.

Les opérations des budgets des services de l'Etat gérés de


manière autonome sont prévues, autorisées et exécutées dans les
mêmes conditions que les opérations du budget général sous
réserve des dispositions qui suivent :

Le budget de chaque service de l'Etat géré de manière


autonome comprend une partie relative aux recettes et aux
dépenses d'exploitation et, le cas échéant, une deuxième partie
concernant les dépenses d'investissement et les ressources
affectées à ces dépenses. Les dépenses d'exploitation ne peuvent
faire l'objet d'autorisation d'engagement par anticipation.
L’insuffisance des recettes d'exploitation est compensée par le
versement d'une subvention d'équilibre. L'excédent éventuel des
recettes d'exploitation sur les dépenses est affecté au financement
des dépenses d'investissement, le cas échéant.

L'insuffisance des recettes propres affectées aux dépenses


d'investissement est compensée par une subvention d'équilibre.

L'excédent des recettes réalisées sur les paiements effectués


est reporté d'année en année.

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Le solde des services de l'Etat gérés de manière autonome
supprimés par une loi de finances est pris en recette au budget
général.

Les services de l'Etat gérés de manière autonome peuvent


être dotés de crédits d'engagement correspondant à leurs
programmes d'investissement pluriannuels. Les engagements
n'ayant pas donné lieu à ordonnancement au titre d'une année
sont imputés en priorité sur les crédits ouverts au titre du budget
de l'année suivante.

Les comptes spéciaux du Trésor ont pour objet :

 Soit de décrire des opérations qui, en raison de leur


spécialisation ou d'un lien de cause à effet réciproque, entre
la recette et la dépense, ne peuvent être commodément
incluses dans le cadre du budget général ;
 Soit de décrire des opérations en conservant leur spécificité
et en assurant leur continuité d'une année budgétaire sur
l'autre ;
 Soit de garder trace, sans distinction d'année budgétaire,
d'opérations qui se poursuivent pendant plus d'une année.

Ces opérations comptables sont liées à l'application d'une


législation, d'une réglementation ou d'obligations contractuelles
de l'Etat, précédant la création du compte.

Les comptes spéciaux du Trésor comprennent les catégories


suivantes:

 Les comptes d'affectation spéciale


Retracent les recettes affectées au financement d'une
catégorie déterminée de dépenses et l'emploi donné à ces

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recettes. Ces comptes peuvent être alimentés par le produit
de taxes, de versements budgétaires ou de recettes
particulières. Sauf dérogations prévues par une loi de
finances, aucun versement au profit du budget général ou
d'un CST ou d'un SEGMA ne peut être effectué à partir
d'un compte d'affectation spéciale. La création d'un
nouveau compte d'affectation spéciale est conditionnée par
l'affectation de ressources autres que les versements
budgétaires et représentant au moins la moitié du total de
ses ressources autorisées par la loi de finances.
 Les comptes d'adhésion aux organismes internationaux
Décrivent les versements et les remboursements au titre de
la participation du Maroc aux organismes internationaux ;
seules peuvent être portées à ces comptes les sommes dont le
remboursement est prévu en cas de retrait.
 Les comptes de financement
Décrivent les versements sous forme de prêts de durée
supérieure à 2 ans ou d'avances remboursables de durée
inférieure ou égale à 2 ans, effectués par l'Etat sur les
ressources du Trésor et accordées pour des raisons d'intérêt
public. Ces prêts et avances sont productifs d'intérêts.
 Les comptes d'opérations monétaires
D écrivent les mouvements de fonds d'origine monétaire.

Les CST sont créés par la loi de finances. Cette loi prévoit les
recettes de ces comptes et fixe le montant maximum des dépenses
qui peuvent être imputées sur ceux-ci. En cas d'urgence et de
nécessité imprévue et impérieuse, de nouveaux comptes spéciaux
du Trésor peuvent être créés, en cours d'année budgétaire, par
décrets, en application des dispositions de l'article 70 de la
Constitution. Les commissions parlementaires chargées des
finances en sont préalablement informées. Ces décrets doivent

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être soumis au Parlement pour ratification dans la plus prochaine
loi de finances.

Le solde de chaque compte spécial est reporté d'année en


année. Toutefois, les profits et les pertes constatés, au titre d'une
année budgétaire considérée, sur les comptes d'opérations
monétaires, sont pris en recette ou en dépense au budget général
au plus tard la deuxième année suivant celle au cours de laquelle
ils sont dégagés.

Les revenus éventuellement produits par les sommes


inscrites aux comptes d'adhésion aux organismes internationaux
sont pris en recette au budget général au titre du produit des
participations financières. Les soldes des comptes d'affectation
spéciale sont toujours créditeurs.

Les comptes d'affectation spéciale qui n'ont pas donné lieu à


dépenses pendant trois années consécutives sont supprimés au
terme de la troisième année par la loi de finances qui suit et leur
solde pris en recette au budget général. Les comptes spéciaux du
Trésor, ne remplissant plus l'objet pour lequel ils ont été créés
sont supprimés. Leur solde et le cas échéant leurs recettes ou leurs
dépenses, afférentes aux opérations antérieures à leur
suppression, sont pris en recettes ou en dépenses au budget
général. Le solde débiteur des comptes d'opérations monétaires
est limité par la loi de finances de l'année. La tenue de ces
comptes est assurée de manière à faire ressortir les résultats
définitifs, s'il y échait.

Sauf dérogations prévues par une loi de finances, il est


interdit d'imputer directement à un compte spécial du Trésor les
dépenses résultant du paiement des traitements ou salaires ou
indemnité à des agents de l'Etat, des collectivités territoriales et
des établissements et des entreprises publiques.

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Toute somme afférente à une avance ou un prêt consentis
par l'Etat et non recouvrée dans les cinq ans de son échéance est
portée en dépenses au budget général par ouverture de crédits
d'égal montant dans la loi de finances qui suit; les recouvrements
postérieurs éventuels sont portés en recettes au budget général.

Les budgets des comptes d'affectation spéciale sont présentés


aux commissions parlementaires concernées en accompagnement
des projets de budgets des ministères ou institutions auxquels ils
se rattachent.

Les dépenses publiques peuvent exercer une influence sur les


structures économiques et sur la conjoncture économique

a. L’action sur les structures économiques

L’intervention sur les structures économiques par le biais


des dépenses publiques est à la base des politiques de grands
travaux du 20e siècle. Cette intervention a pris un essor
considérable notamment avec le développement des dépenses
d’investissement.

L’État peut intervenir par des dépenses temporaires (prêts)


et des dépenses de services qui concourent à l’amélioration des
structures économiques et sociales. L’intervention structurelle a
fait l’objet de critiques sérieuses, certaines politiques comme le
soutien au développement industriel, ont été accusées d’être très
coûteuses au plan budgétaire et inefficaces au plan économique.
De nos jours, l’intervention sur les structures se concentre
davantage sur des domaines économiques ponctuels (soutien à

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l’emploi, recherche scientifique, secteurs de pointe), sur des
secteurs en crise ou sur le secteur social.

b. L’action sur la conjoncture économique

L’idée d’utiliser les dépenses publiques pour agir sur la


conjoncture économique est plus récente que l’intervention
structurelle. Les fluctuations économiques semblaient constituer
des mouvements inéluctables et incorrigibles. Ce n’est qu’à la
suite de la crise de 1929 qu’on a pu parler de stratégies
budgétaires employées pour réguler les fluctuations économiques.
L’action conjoncturelle, constitué de crédits ouverts par la loi de
finances et réparti entre les ministères qui pouvaient être
utilisé si le ralentissement de la conjoncture justifiait une
action de relance. Trois catégories de dépenses ont essentiellement
été utilisées afin d’assurer une relance de l’économie :

 Les dépenses de rémunérations publiques et


d’allocations sociales qui, par le pouvoir d’achat,
qu’elles contribuent à créer, permettent d’augmenter la
consommation et la relance de l’économie.
 Les dépenses de travaux publics sont employées depuis
longtemps car elles sont facilement modifiables, et donc
d’une relative souplesse.
 Les dépenses d’armement permettent également
d’exercer une action sur la conjoncture.

Il est aussi difficile de réduire les dépenses que de les


augmenter.

a. La difficile réduction des dépenses publiques

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Une politique de rigueur se caractérise par la volonté de
réduire le montant des dépenses budgétaires. Or, l’examen des
différentes catégories de dépenses révèle que les possibilités de
réduction sont très limitées.

Les dépenses de fonctionnement sont constituées par les


rémunérations et les pensions versées au personnel de l’État. Leur
baisse impose soit une diminution du personnel soit une baisse des
rémunérations. Cela pose respectivement des problèmes de
structure (rôle de l’État et des services publics), et de vives
réactions. La seule solution est de ne pas pourvoir les emplois
restés vacants par suite de départs à la retraite.

Les dépenses de transfert peuvent difficilement être remises


en cause car leur suppression porte atteinte à des droits acquis (ex
: diminution du montant des transferts sociaux difficile lorsque la
conjoncture aggrave les inégalités).

Les dépenses d’investissement sont celles qui peuvent être le


plus facilement réduites. L’initiative privée devra se développer
pour éviter un ralentissement de l’activité économique (ex :
l’impact économique de la commande publique sur le PIB). La
diminution de ces dépenses présente, de plus, le risque de voir une
diminution ou une inadaptation des équipements collectifs dans
l’avenir.

b. Les difficultés d’augmentation des dépenses

Une augmentation brutale des dépenses peut rarement être


réalisée. Les budgets publics autres que celui de l’État sont
soumis de manière impérative au respect de l’équilibre
budgétaire. L’État, peut certes augmenter les dépenses mais il est
soumis à l’équilibre budgétaire et financier qui résulte des
capacités de financement de l’État, des collectivités territoriales,

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des entreprises publiques et des organismes de sécurité sociale. Si
le solde est positif, un déficit du budget de l’État est acceptable.
Au contraire, si ce solde est négatif, toute augmentation des
dépenses publiques devra se traduire par une augmentation de la
pression fiscale.

Si le phénomène de croissance des dépenses publiques sur le


long terme relève de l'évidence, l'analyse détaillée montre qu'il ne
s'agit pas d'un phénomène continu. Des écarts importants de
rythmes de croissance apparaissent selon les périodes, en termes
absolus et en rapport avec un agrégat comme le PIB.

Les deux guerres mondiales délimitent trois sous-périodes:

- Une période de croissance lente avant 1914, avec une


accélération pour la période 1872-1912. Ainsi, les taux de
croissance moyens annuels sont de 1,3 % pour la PIB et de 1,6 %
pour l'ensemble des dépenses publiques (dont 1,4 % pour l'Etat
central et 2,2 % pour les collectivités locales). C'est donc le poids
du local qui, au 19ème siècle tire à la hausse les dépenses
publiques.

- L'entre-deux-guerres constitue une période


particulièrement heurtée et irrégulière. Le haut niveau atypique
des dépenses des années 1920 et 1921 (près de 31 % de la PIB)
s'explique par les nécessités de la reconstruction, dans le cadre
d'un financement très déficitaire, ouvert dans la perspective du
paiement des réparations allemandes. La situation inflationniste
qui en découle appelle une stabilisation , obtenue par le
gouvernement Poincaré (1926-1929), appliquant une politique
budgétaire stricte. Le poids des dépenses publiques dans la PIB

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passe de 15,8 % en 1926 à 13,6 % en 1929. Suit une période de
fluctuation, marquée par la déflation Laval de 1935 (compression
des dépenses), puis une nette croissance du poids des dépenses
publiques, qui atteint un maximum en 1936 avec 21,5 % de la
PIB.

- La période d'après 1945 est marquée par une accélération


et une plus grande régularité des rythmes d'évolution. L'année
1974 constitue un seuil. D'un niveau proche de 40 % dans la
période 1960-1974, le rapport dépenses publiques sur PIB passe
brusquement à 45 % en 1975 et n'a plus décru par la suite.

Enfin, un dernier indicateur de la croissance des dépenses


publiques et de l'Etat peut être fourni par les effectifs d'agents
employés et leurs évolutions par rapport à la population active
totale. Là encore, la césure se produit au lendemain de la Seconde
guerre mondiale. Alors que la proportion des agents des services
publics restait autour de 5 à 6 % de la population active dans
l'entre-deux-guerres, elle atteint 9,1 % en 1956 et 15,8 % en 1976.

a. L’effet de cliquet

Cette notion peut se défi nir comme le caractère irréversible


d’une décision ou d’une évolution. Autrement dit, lorsqu’un
phénomène augmente ou diminue, pour une raison quelconque, il
restera au même niveau, même lorsque la cause aura disparu.
Cela se rapproche de l’effet d’hystérèse.

Appliqué à l’intervention de l’État, on constate, par


exemple, que suite à une crise ou à une guerre, les dépenses
publiques se maintiennent, après que le facteur déclenchant est
terminé.

b. La loi de Wagner

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La loi de Wagner constitue la plus célèbre explication de la
croissance des dépenses publiques. L’idée est simple :
l’industrialisation conduit à l’augmentation de l’intervention de
lʼétat et à lʼaccroissement de la part des dépenses publiques dans
le revenu national. En effet, au XIX° siècle nous assistons à
l’industrialisation et l’urbanisation qui l’accompagne et entraine
une multiplication des dépenses d’administration général,
d’infrastructure, d’éducation et d’aide sociale. Les
transformations structurelles impliqueraient que les dépenses
publiques augmentent plus vite que le PIB.

Soit G les dépense publiques, Y le revenu national et N le


nombre d’habitants : 𝑮/𝒀 == 𝒇(𝒀/𝑵) avec 𝒅𝑮/𝒅𝒀 >0 l’élasticité
des dépenses publiques par rapport au revenu national est
supérieure à l’unité. Les dépenses publiques augmentent donc
plus vite que le PIB en volume.

Cette loi de Wagner ne rend pas compte de ces discontinuités


et de ces longues phases de stabilité. Wagner ne fait que décrire
une tendance qui se développe sous ses yeux en Allemagne, plus
qu’il ne propose pas une véritable loi économique. Si l’histoire de
l’industrialisation des pays les plus avancés tend à corroborer ses
vues, l’entrée dans l’économie post-industrielle et le fait que la
croissance des dépenses publiques tende à se stabiliser depuis les
années 1980 montre que cette loi nʼa sans doute rien d’invariable

c. Lʼeffet de déplacement de Peacock et Wiseman

Les deux auteurs tentent de compléter l’analyse de Wagner


pour expliquer les discontinuités dans la hausse des dépenses. Au
sein d’une société la demande d’intervention est latente qu’elle
porte sur la redistribution de richesse, la santé, l’éducation, la
culture, la protection de l’environnement… À l’encontre de cette
demande s’oppose a priori une forte résistance à la hausse des

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prélèvements obligatoire pour financer ces dépenses. La demande
est rationnée et rien ne se passe jusqu’à ce qu’un accident
historique survienne. Certaines circonstances exceptionnelles
permettent de cristalliser une hausse des dépenses publiques. Les
guerres obligent à mettre en place une économie de circuit, la part
des dépenses publiques augmente, la pression fiscale augmente.
Au lendemain des guerres le maintien de la pression fiscale est
admis et les citoyens acceptent de voir des dépenses civiles se
substituer aux dépenses militaires.

d. Les différences de productivité de Baumol

L’idée de base est la suivante : si certaines activités ne


peuvent économiser du travail autant que les autres, et s’il est
nécessaire de rémunérer ce travail à peu près de la même manière
que dans le reste de l’économie, le coût des activités en question
va inévitablement augmenter. Cette thèse renvoie aux travaux de
Baumol sur les difficultés de gestion de certains secteurs. Dans la
société, il existe deux grands types d’activités : celles où il est
possible en permanence de capter des gains de productivité
relativement important et d’autres où c’est impossible (on peut
opposer ici l’automobile et la coiffure). Les secteurs de l’économie
qui captent les gains de productivité en font bénéficier leurs
salariés, les rémunérations augmentent. Les gestionnaires des
secteurs où la productivité n’augmente pas n’ont pas d’autres
solutions que d’accroitre les rémunérations dans ces secteurs. Il
est impossible d’imaginer en effet que les rémunérations soient
durablement divergentes entre les secteurs. Une question reste en
suspens, le gestionnaire doit pour équilibrer les comptes
augmenter le prix de vente : quelle va être la réaction des
consommateurs, acceptent-ils la hausse ? Baumol nous dit que oui
à long terme. En effet le prix de la coupe de cheveux a augmenté
alors que le service est le même. On peut transposer assez

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facilement l’analyse de Baumol à l’administration qui par nature
est un secteur qui a des difficultés à faire des gains de productivité
et comprendre les raisons de la hausse des dépenses publiques à
qualité de service public identique. On sait que dans
l’administration la part des dépenses de fonctionnement et de la
rémunération des salariés est importante.

e. La concentration différentielle des bénéfices et des coûts :

Il s’agit de l’explication proposée par le courant théorique


du « Public Choice » (l’Ecole des choix publics), qui s'est
développé dans les années 1960 et constitue certainement
aujourd'hui le paradigme principal de l'approche individualiste
de l'Etat. Le socle commun à ces analyses réside dans l'utilisation
des principes de l'individualisme méthodologique (postulats de
rationalité et d'utilitarisme, révélation des préférences...) à
l'analyse des mécanismes politiques et de l'action de l'Etat. Ce
sont essentiellement les travaux de G. Tullock et J. Buchanan
(The Calculus of Consent, 1962) qui ont jeté les bases de cette
approche. Les décisions politiques et singulièrement celles qui ont
trait aux dépenses publiques dépendent d'un calcul et d'un
raisonnement comparant coûts et avantages. Comme le marché,
l'Etat est conçu comme un mécanisme à travers lequel les
hommes tentent de réaliser leurs objectifs. Ainsi, l'homme
politique a pour but l'accès ou le maintien au pouvoir: pour y
parvenir, il tend à multiplier les actions de redistribution et
d'équipements publics, afin de satisfaire les groupes de pression
dont le soutien est jugé indispensable. En conséquence,
l'accroissement des dépenses publiques ne correspond pas à
l'intérêt général, mais à des intérêts particuliers.

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