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Introduction
De nombreux essais ont été imaginés pour évaluer la résistance à la rupture des matériaux et
certains d’entre eux sont depuis longtemps couramment pratiqués dans l’industrie. On
mesure alors l’intérêt des essais de choc sur éprouvettes entaillées mis au point notamment
par Charpy il y a une centaine d’années. Ils permettent, notamment de déterminer le risque
de rupture fragile des aciers, à certaines températures. Néanmoins, ces essais ne fournissent
pas d’indication sur les charges que peuvent supporter les pièces contenant des défauts.
C’est la mécanique de la rupture et les essais qui en dérivent qui permettent de le faire. Ils
ont connu un grand développement depuis une quarantaine d’année, particulièrement dans
les industries nucléaire, aéronautique spatiale et pétrochimique. Même s’ils sont plus
couteux et nécessitent l’intervention de spécialistes, ils se répandent. D’ailleurs, on assiste
à une rapide évolution de la normalisation dans ce domaine.
1. Historique
Durant la seconde moitie du 19ème siècle, l'usage de l'acier et d'autres alliages métalliques se
développa considérablement. Avec cet essor se multiplièrent aussi les accidents dus à
l'utilisation inadéquate de ces matériaux, de même que bien souvent à des faiblesses de
conception et dimensionnement.
Dans les années 30 et 40, plusieurs ponts « Vierendeel » franchissant le canal Albert, en
Belgique, furent victimes de ruptures fragiles, L'un deux s'effondra même complètement,
un matin de mars 1938, par temps très froid.
Bien que ces ruptures soient finalement en nombre très faible, par comparaison avec celles
causées par surcharge (plastification) ou instabilité, elles sont particulièrement dangereuses.
En effet, elles ne peuvent que difficilement être détectées à l'avance, car elles se produisent
avec peu ou pas de déformation préalable. Par ailleurs une fois initiée, la rupture fragile se
propage a une vitesse telle (2000 m/s) que toute action corrective est impossible, Ces
caractères justifient l’immense effort de recherche qui y a été consacré et qui a abouti à la
création d'une nouvelle discipline : la mécanique de la rupture.
Considérons une plaque percée d'un trou elliptique, chargée en traction. Inglis a montré que la
contrainte à l'extrémité du grand axe de l'ellipse est supérieure à la contrainte appliquée dans le
sens du petit axe.
Supposons que cette ellipse représente un défaut au sein de la plaque. La contrainte à son
voisinage peut égaler plusieurs fois la contrainte appliquée σa le facteur de proportionnalité étant
appelé facteur de concentration de contrainte KT :
En conclusion plus un matériau contient de défauts ou plus la géométrie d'une pièce est
tourmentée, plus le risque est élevé. II s'agit la du phénomène appelé «effet d'entaille».
3. Essai de Résilience
La sensibilité d'un matériau à l’effet d'entaille se mesure par un essai de résilience consistant
en un chargement statique ou dynamique d'une éprouvette entaillée. L'essai le plus
traditionnel est l'essai de flexion par choc sur éprouvette bi-appuyée, communément appelé
essai Charpy.
Au cours de cet essai, l’éprouvette est rompue par choc sous l’effet d’une masse pendulaire
(mouton-pendule). L’énergie absorbée par la rupture de l'éprouvette est appelée Résilience.
Elle s’exprime en Joules/cm2 ou simplement en Joules lorsque l'éprouvette a des
dimensions normalisée.
ENSAM/MEKNES 21 Moulay Rachid Kabiri
Comportement Mécanique des Matériaux
Des essais Charpy réalisés à différentes températures montrent que la résilience est
étroitement liée à la température (fig.1). II est en effet évident que si la température baisse,
le matériau devient «cassant», donc sujet à une rupture fragile. A température plus élevée,
on constate au contraire que la rupture s'accompagne d'une plus grande déformation
plastique, caractère révélateur d'une rupture ductile. Les températures où se manifestent ces
comportements dépendent du matériau considéré.
Résilience J/cm²
Température °C
Ces contraintes ont été calculées par Irwin à l'aide de la théorie de l'élasticité. Elles sont
exprimées par les relations ci-après, avec les notations de la figure 2 et les connotations
suivantes : coefficient de Poisson, CP : contraintes planes et DP : Déformations planes
En mode I
en CP, en DP et
En mode II
en CP, en DP et
En mode III
et
Les facteurs Kl, Kll et Klll caractérisent à la fois les géométries de l’éprouvette et celle de la
fissure, et la nature des sollicitations. Ils sont appelés facteurs d'intensité de contrainte et
s'expriment en MPa m1/2.
Considérons un solide de surface initiale S0 dans lequel on crée une fissure A(t) variable
dans le temps. L’équilibre thermodynamique du corps requiert que :
En notant S(t) = S0 + A(t) la surface totale du solide, on peut écrire, en supposant une
situation quasi-statique (dT/dt = 0) :
Où
GI : force d’extension de la fissure
a : longueur de la fissure
E* = E en CP et E* = E/(1- ²) en DP
La fissure ne peut se propager que lorsque GI atteint une valeur critique GIc caractéristique
du matériau, ce qui signifie qu’ il existe aussi une valeur critique KIc du facteur d’intensité
de contrainte telle que la fissure ne se propage de façon instable que lorsque : KI ≥ KIC
KIc appelée ténacité, caractérise la résistance du matériau à la propagation plane des fissures
en mode I. Sa valeur est indépendante de la géométrie du détail et des conditions de
chargement, à condition que le matériau soit isotrope.
Il s’ensuit que le concepteur peut théoriquement agir sur trois facteurs afin de réaliser cette
inégalité :
Sélection d’un matériau ayant une meilleure résistance à la rupture, c’est à dire
possédant un KIc plus élevé à la température de service.
Abaissement du niveau de sollicitations, soit globalement par diminution de la
contrainte nominale, soit localement en évitant les concentrations de contrainte
dans les régions sujettes à fissuration.
Contrôle des défauts de la structure de façon à abaisser la dimension critique des
fissures.
En réalité, la contrainte est bornée par la limite élastique e du matériau. Il existe donc une
zone au voisinage du front de fissure où la contrainte atteint la limite élastique. En
première approximation on peut admettre que cette zone plastique est circulaire de
diamètre rp tel que :
En fait, la limitation impose une redistribution des contraintes (figure 3), de sorte
que la zone plastique est plus étendue que ne l’indique le calcul précédent. Il est
généralement admis de considérer que la zone plastique est circulaire de rayon rp (et non
plus de diamètre rp).
Le calcul précédent est valable en état de contraintes planes seulement. Lorsque l’on est en
état de déformations planes, la triaxialité des contraintes change ce calcule, ainsi le rayon de
La forme circulaire de la zone plastique que nous avons admise au cours de cette première
approche n’est que grossière approximation. En fait, si l’on adopte soit le critère de Tresca,
soit celui de Von Mises, on obtient une forme sensiblement différente qui, de plus, varie
dans l’épaisseur de la pièce puisque la surface règne un état de contraintes planes alors qu’à
cœur l’on se rapproche davantage d’un état de déformations planes. La figure 4 illustre ce
phénomène dans le cas d’un calcule fondé sur le critère de Von Misés. On remarque que la
taille de la zone plastique est sensiblement plus faible à mi-épaisseur qu’en surface.
Dans le cas des modes II et III, la forme et la taille de la zone plastique sont sensiblement
différentes. La figure 5 indique ces zones, dans le cas d’un calcul fondé sur le critère de Von
Misés.
Dans ces deux cas, la prise en compte de la redistribution des contrainte est assez délicate et
requiert l’usage de méthodes de relaxation, ceci a été fait par Stimpson, Eaton, et Mc
Clintock. Malgré ces nombreux modèles, la taille et la forme de la zone plastique restent
mal connues. Par ailleurs, la difficulté de la mesure de la zone plastique rend quasi-
impossible toute vérification expérimentale, que ce soit par microscopie électronique à
transmission ou par rayon X.
Lorsque la taille de la zone plastique n’est pas négligeable en regard des dimensions du
corps ou de la longueur de fissure, la longueur à considérer est alors une longueur dite
effective aeff, telle que aeff = a + rp.
Si cette condition n’est pas vérifiée, on propose une correction du K Ic pour prendre en
considération les effets des dimensions de la pièce, selon l’équation ci-dessous :
Si la valeur corrigée est très supérieure à la valeur de KIc, les effets des dimensions sont trop
importants, on conclura que la mécanique linéaire de la rupture n’est pas applicable.
Les principaux mécanismes que l’on peut mettre en évidence sont les suivants :
Ces images ont été prises au MEB après rupture fragile d’un acier. La fissure se propage sur
100 microns. La rupture montre des micro-mécanismes de clivage différents selon la
microstructure locale du métal : ferritique (Fig. 9) ou bainitique (Fig. 10). Les facettes de
clivage de la ferrite sont caractérisées par leur aspect lisse qui ne montre que les rivières de
clivage. La taille des facettes dans la ferrite correspond bien à la taille de grains observée en
microscopie, qui est de 10 microns de long. Pour le clivage de la bainite (Figure 10), on
observe que les facettes sont plus petites. Sur certaines d’entre elles, on distingue des reliefs
rappelant des joints de faible désorientation entre lattes ou groupes de lattes (photo en bas à
droite de la Figure 10).
Conclusions
La mécanique de rupture ne s’applique pas pour toute taille de défaut et notamment pour
les très petits comme pour les très grands. Ces limites dépendent d’ailleurs des
matériaux. La limite inférieure est très faible pour les métaux, assez grande pour les
composites. Pour ces derniers, la dispersion des résultats ne permet d’ailleurs pas de
trancher entre un critère de rupture type mécanique de rupture ou analyse limite.
Les concepts précédemment énoncés ne sont valables que dans le cas d’un matériau isotrope
ayant un comportement élastique parfaitement plastique. Par ailleurs, la concentration de
contrainte en fond d’entaille crée une plastification locale. Il est nécessaire que la taille de
cette zone plastique reste petite par rapport à la longueur de la fissure et aux dimensions de
la structure de façon à ne pas perturber la distribution élastique des contraintes.
Exercice n°1
Un barreau en acier (Re = 1790 MPa, KIc = 90 MPa.m1/2) de section carrée 120 * 120 mm²
est soumis à une force de traction F = 12 MN. Ce barreau contient une fissure d'angle en
quart de cercle de rayon a = 1 cm (voir la figure ci-dessous).
a
Le facteur d'intensité de contraintes pour ce cas de figure K I 2 (1.12)²
Est ce que le barreau va résister à la charge appliquée ?
Exercice n°2
On donne :
La ténacité KIc = 44 MPa.m1/2 et la contrainte théorique de rupture est u = 1390 MPa.
Le procédé de fabrication et les moyens de contrôle laissent penser que des fissures radiales
de profondeur a = 5 mm peuvent exister sur la face interne du tuyau.
Exercice n°3
Un critère de rupture possible dans cette configuration est donnée par 60°
2 2
KI K II
l'équation suivante : 1 (figure 2) 2a
K Ic 2K Ic
b b
Dans le cas où b >> a, on donne K I sin ² a ; K II sin cos a
Dans notre cas, il faut tenir en compte de la largeur de la plaque, donc il faut multiplier les
deux facteurs d'intensité de contraintes par un facteur de forme correcteur :
a' a' a'
1 0.5 0.37( ) 2 0.044( ) 3
a' b b b
f( )
b a'
1
b
Où a’ est la projection de a sur la normale à la ligne de chargement.
Exercice n°4
Un réservoir cylindrique sous pression (int = 40 cm et ext = 48 cm) est fabriqué en alliage
d'aluminium (Re = 385 MPa et KIc = 44 MPa.m1/2). Ce réservoir doit supporter une
pression interne P = 70 MPa. Les techniques d'inspection ne permettent pas de déceler en
service des fissures débouchantes sur la face interne de moins 0.5 cm de profondeur et 3 cm
de largeur.