entreprise plasturgie
Manutention
La prévention passe par les travailleurs
Pour prévenir les troubles musculosquelettiques
(TMS), l’usine de fabrication de profilés en PVC
Deceuninck a mis à contribution son personnel.
Les opérateurs se sont pris au jeu et ont mis
en place un nouvel engin de conditionnement.
Simple, mais il fallait y penser.
L
e PVC est une matière
pratique et légère. Et
pourtant sa manipula-
tion est un métier très phy-
sique. Fléchir et étendre les
jambes, soulever, déplacer,
recommencer… Un véritable
entraînement sportif. « Le pire,
c’est le dos », s’exclame Éric
Dumont, opérateur, lorsqu’il
évoque le conditionnement
des profilés en PVC crachés par
les 28  extrudeuses de l’usine
Deceuninck, à Roye, dans la
Somme, 24 h sur 24, pratique-
ment toute l’année. La tâche
sollicite toujours les mêmes
parties du corps : le dos et les
bras.
La fabrication en elle-même
est presque totalement auto-
matisée. La poudre de PVC
froide est malaxée dans une
cuve à 200 °C, appelée le four-
reau, puis envoyée à travers
un moule, la filière, pour res-
sortir en forme de planches
de 6  mètres de long. Les pro-
filés ainsi formés sont ensuite
refroidis dans de l’eau à 13 °C,
traités contre la boue et les
algues, et mélangés à un lubri-
fiant pour donner un meilleur
toucher au produit. Suivant
leur épaisseur et leur largeur,
ils serviront à fabriquer des
portes, des fenêtres, des por-
tails ou des volets. En bout de
ligne, les opérateurs doivent
charger les morceaux dans des
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bacs pour les envoyer chez le
menuisier.
C’est ici que le travail physique
commence… ainsi que les
risques de TMS. Les opérateurs
ramassent les profilés, les sou-
lèvent au-dessus de leur tête
et les posent dans un conte-
neur. Lorsque ce dernier est
rempli, ils l’évacuent en le traî-
nant pour permettre au cariste
de l’emporter dans l’entrepôt.
Chaque opérateur est respon-
sable de trois machines. Il va et
vient entre les extrudeuses et
s’active pour suivre la cadence.
Boîte à idées
Pour éviter ces manipulations,
Deceuninck a tout d’abord
installé en septembre 2009
un robot tout automatique
qui apporte les profilés jusque
dans le conteneur à l’aide de
ventouses placées de chaque
côté et au-dessus de la pièce de
PVC. Mais le système n’est pas
sûr. Si l’alignement n’est pas
parfait, les ventouses n’agrip-
pent pas suffisamment les
profilés et ils tombent de façon
désordonnée. « Deux opéra-
teurs se sont coincé les doigts
peu de temps après l’installa-
tion du robot, en réalignant
les profilés. Nous avons réuni
des groupes de travail pour
améliorer la situation. Il fallait
éviter le stress que provoque la
machine à ramassage automa-
tique et prévenir les risques de
TMS dus à un système entière-
ment manuel », raconte Bruno
© Gaël Kerbaol/INRS
Sur l’extrudeuse d’origine,
dont certains exemplaires
sont encore en fonction
à l’atelier, les manutentions
sont nombreuses et pénibles.
Bednarczyk, directeur indus-
triel du site. 90  manutention-
naires sont affectés à l’atelier
de production et cette mesure
de prévention était deve-
nue prioritaire. Comme cer-
tains profilés pèsent 3  kg/m,
chaque opérateur manipule en
moyenne jusqu’à 3 600 kg par
jour. Ils ne soulèvent pas de la
fonte, mais c’est tout comme.
Et pour ce faire, Bruno
Bednarczyk a fait appel à
toutes les contributions. Son
credo : « Chacun peut participer
à l’amélioration des conditions
de travail  ». Depuis quatre
ans, dans la salle de repos, les
employés de l’usine peuvent
inscrire leurs idées pour amé-
liorer la vie dans l’atelier sur des
fiches prévues à cet effet. Les
membres du CHSCT et la direc-
tion étudient les propositions
selon leur degré d’urgence et
leur pertinence. « Nous rece-
vons près de 300 propositions
par an. Les fiches peuvent res-
ter anonymes, mais lors des
entretiens individuels avec mes
opérateurs, je donne à chacun
des objectifs sur la contribution
à la vie de l’atelier », se félicite
Bruno Bednarczyk.
Maître
de son bien-être
Éric Dumont, en sa qualité d’ex-
trudeur dans l’atelier, s’engage
très volontiers dans l’améliora-
tion des conditions de travail.
Il a ainsi participé à l’élabo-
ration de ce qu’on appelle ici
« la Machine », faute de nom
de baptême. Il s’agit tout bon-
nement d’une extrudeuse
d’origine sur laquelle des amé-
nagements importants ont été
apportés. Avec le service main-
tenance, les équipes de manu-
tention ont établi la liste des
gestes les plus douloureux et
ont progressivement amélioré
leur matériel. « Toutes les idées
sont venues au fur et à mesure.

C’est en utilisant la machine
qu’on voit ce qu’on peut modi-
fier. Le travail n’est pas très dur,
mais on voudrait limiter les
manipulations sans risquer de
se coincer les doigts, comme
avec le robot automatique »,
raconte Éric Dumont.
Ils ont tout d’abord rappro-
ché le conteneur de la table
de sortie pour que les profilés
tombent directement dedans.
Mais les problèmes de dos
subsistaient. Il fallait toujours
se pencher pour aligner les
profilés au fond du bac. Ils
ont eu alors l’idée de trans-
former le fond du conteneur
en un système amovible pour
recueillir les profilés à hauteur
d’homme. Une idée en ame-
nant une autre, la table de
conditionnement est mainte-
nant équipée de barres d’ac-
compagnement orientées vers
le bas. Les profilés glissent plus
facilement dans le conteneur.
Enfin, le groupe de travail a eu
L’extrudeuse nouvelle génération,
dénommée « la Machine », est
le résultat de réflexions menées
par la direction et les salariés
afin d’améliorer les conditions
de travail des opérateurs.
préfère éviter toute manipula-
tion répétitive et me concen-
trer sur les contrôles. Au début,
c’est difficile car très minutieux,
mais c’est moins contraignant
physiquement », explique-t-il.
Le groupe de travail a alors
rapproché l’opérateur de 5 cm
de la table de sortie. Il attrape
ainsi plus facilement le pro-
filé qui ne serait pas tombé
comme il faut.
Chaque étape d’adapta-
tion de « la Machine » a été
supervisée par le CHSCT et la
© Gaël Kerbaol/INRS
Carsat Nord-Picardie. Depuis
septembre 2010, sept autres
«  Machines  » sont venues
remplacer les anciens sys-
tèmes pour un investisse-
ment total de 13 000  euros
l’idée de poser le conteneur sur par engin. Trois autres lignes
un chariot à roues pour faciliter Deceuninck de production resteront tota-
son déplacement. « On connaît
les techniques de manipulation
en bref lement automatiques. « Mais
la totalité des lignes ne peuvent
comme plier les genoux plutôt pas bénéficier de ce système.
que de courber le dos ou faire
un demi-tour complet sur soi-
L e groupe belge
Deceuninck est implanté
à Roye, dans la somme,
Quatre d’entre elles fabriquent
de petites pièces ou des profilés
même pour charger le conte- très plats dont le conditionne-
depuis 1985. Il a réalisé
neur, mais on ne les applique ment est différent. Ils doivent
un chiffre d’affaires de
pas vraiment. On perdrait trop être parfaitement alignés dans
506 millions d’euros en
de temps », avoue Michaël le conteneur. Nous n’avons pas
2009. C’est le premier
Carbon, extrudeur également encore trouvé comment faire
fabricant de profilés en PVC
dans l’atelier. « Il y a quatre ans, autrement », explique Bruno
en France. Il transforme
j’ai dû être arrêté à cause d’un Bednarczyk. Le siège de la
chaque année quelque
lumbago. Avec le système de société, en Belgique, regarde
25 000 tonnes de poudre
chariot, on ne tire plus comme de très près cette mesure de
de PVC. La filiale française
des forcenés sur les conte- prévention. Il a en effet décidé
emploie 129 salariés et a
neurs », se réjouit-il. Tirer un d’équiper toutes ses nouvelles
réalisé un chiffre d’affaires
conteneur classique équivaut lignes de production de « la
de 90 millions d’euros. Ses
à une traction de 220 kg, contre Machine ». Le modèle n’est pas
principaux clients sont des
80 kg grâce au système de rou- revendiqué par les employés
menuiseries industrielles,
lettes. « Quand on est petit, il de l’usine de Roye, mais dans
des négociants et des
faut quand même attraper les les couloirs de l’atelier, on n’en
grandes surfaces de
profilés assez loin », tempère est pas peu fier.
bricolage, auxquels
Julien Lavieville, manutention-
s’ajoutent une centaine
naire dans l’usine, qui avoue Joël Clergiot
de menuisiers pévécistes
préférer travailler sur une
franchisés.
machine automatique. « Je
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