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LA PASSION DE LA TERRE

CHAPITRE 16. UNE GERBE DE BLÉ COUPÉ


L’orateur Latin Cicéron, qui est réputé avoir été initié à Eleusis, écrivit: «Dans les Mystères,
on apprend plus au sujet de la Nature que des Dieux» (Sur la Nature des Dieux, 1.42). Ayant
placé le mythe de la Sophia Déchue au coeur de leur vision du monde, les initiés Païens se
consacraient à la dimension surnaturelle de la Nature. Afin de maintenir leur état de
communion vivante et réceptive avec la Déesse, et afin d’harmoniser leur mental avec les
finalités transhumaines de Gaïa, ils se plongaient très souvent dans une immersion profonde et
sensorielle avec la Nature. La méthode qu’ils utilisaient pour faire l’expérience de
l’instruction suprême était conférée par la Déesse elle-même, tel qu’il est écrit dans l’hymne
Homérique à Déméter:

«Elle leur enseigna le ministère de ses rites

Et leur révéla ses mystères magnifiques

Qu’il est impossible de transgresser, de sonder et de dévoiler

Car le grand respect des Dieux réprime la voix».

L’hymne également évoque le sacrement partagé dans les rites de la Déesse: «et dérobant
l’orge blanche par la volonté de Déméter aux jolis pieds».206

Le Bas-Relief d’Eleusis

Hippolyte, le chasseur d’hérésies, (170-236 EC) rapporta le témoignage d’un épisode


saisissant qui a déconcerté les érudits de toutes les époques: au moment où les initiés
émergeaient de leur rencontre avec la Lumière des Mystères, le hiérophante, qui conduisait la
cérémonie, leur montrait “une gerbe de blé coupé”. Cet acte était considéré comme «le grand
et merveilleux mystère de la révélation suprême» (Réfutations de toutes les hérésies. 5. 28-
31). Les vestiges des ruines d’Eleusis présentent trois gravures qui illustrent l’organisation, la
méthodologie et la source surnaturelle de l’illumination Gnostique et qui permettent de
comprendre cette allusion ésotérique. La frise de l’architrave du petit propylée d’Eleusis
montre la gerbe de blé coupé, “l’orge blanc”, la source biologique de l’illumination mystique.
Elle montre ensuite une rosette à seize pétales intérieurs et extérieurs et puis la représentation
d’une urne dressée ou d’un pilier à anneaux.207

La rosette était le symbole de l’organisation des cellules des Mystères constituées de seize
adeptes, huit hommes et huit femmes tels qu’ils sont dépeints sur le bol Orphique du serpent
ailé et sur le bol de Pietroasa, deux rares artéfacts qui sont des vestiges des rituels des
Mystères.208 Sur le bol Orphique sculpté à partir d’albâtre, de couleur vert-blanc, seize initiés
nus, en alternance d’hommes et de femmes, sont allongés sur le dos avec les pieds qui se
touchent. Au centre du bol se trouve le serpent ailé de la Kundalini, la source occulte de la
super-vitalité, de la régénération et des facultés paranormales.

Huit et le double de huit sont les signatures universelles des cellules des Mystères. Le temple
de Dendera présente, au sommet de sa façade extérieure, une grande rosette à huit pétales à
proximité de la tête d’un taureau. Ce code graphique informe, ceux qui peuvent le lire, que la
cellule des Mystères opérant à partir de ce temple fit remonter son origine à l’Age du Taureau
qui commença en 4480 avant EC. Bien que le Temple de Dendera soit une construction
tardive de la Période Ptolémaïque (332-30 avant EC), son zodiaque témoigne de la
connaissance intime du synchronisme cosmique fondée sur le cycle précessionnel intégral de
25 920 années. Les axes inscrits sur le Zodiaque de Dendera désignent des dates spécifiques
de l’époque de l’Age du Taureau et même plus tôt, dates qui sont connues pour avoir été
corrélées avec des moments-clés de l’histoire dynastique. Les membres de la cellule des
Mystères de Dendera – une source possible des Codex de Nag Hammadi, ainsi que nous
l’avons suggéré ci-dessus – auraient été pleinement conscients de l’importance de la
préservation des connaissances sacrées remontant à des milliers d’années. La
méthode télestique reposait sur des initiés possédant une très vaste vue d’ensemble de
l’évolution planétaire et humaine afin qu’ils pussent déterminer les leçons appropriées à
l’humanité durant chaque Age Zodiacal. Dans le code des Mystères, le huit, ou l’Ogdoade,
indiquait la sphère du zodiaque tout autant que le cercle des adeptes qui lisaient, dans les
structures zodiacales, les motifs directeurs de l’évolution Gaïenne.209

Dans le rituel de méditation Tibétaine, l’invocation de la Tara Blanche implique la


visualisation d’une “roue blanche à huit rayons au centre du chakra du coeur”. La roue
émerge d’un déluge de lumière blanche perçue par l’adepte lorsqu’il fusionne avec la
représentation de la Bouddha femelle. La divinité spécifique à cette visualisation est appelée
Chintachakra Tara, “La Tara à la roue qui exauce les voeux”. 210 Il est probable que la Roue
Octuple du Dharma, symbole du Dharma du Bouddha, soit une variante Asiatique de la
rosette des Mystères. La fertilisation croisée entre les mouvements Bouddhiste et Gnostique
eut lieu dans la région de Gandhara, dans l’Hindu Kush, qui est la région la plus lointaine de
l’Asie intérieure en laquelle Alexandre le Grand pénétra*.

Les pétales intérieurs de la double rosette à Eleusis représentent les initiés qui se consacraient
à maintenir et à développer les instructions reçues lors des rencontres récurrentes avec la
Lumière des Mystères, tandis que les huit pétales extérieurs représentent les huit initiés qui se
dédiaient à l’interprétation, à la traduction et à la transmission extérieure de ces instructions.
Les adeptes permutaient de rôle périodiquement, ce qui leur permettait de se concentrer sur
différentes tâches. Ils prodiguaient également de nombreux efforts dans le maintien des
opérations secrètes (orgia, “oeuvres”) de la cellule et dans la continuation des activités
extérieures d’apprentissage et d’instruction réalisées par les membres de la cellule. Les rôles
changeaient au fil des saisons et reflétaient les techniques d’initiation très antiques
d’accompagnement de la société par des rites, centrés sur la déesse, de mort et de
régénération. Les temples étaient orientés vers les points cardinaux afin que ces rites pussent
être mis en oeuvre in situ.

Avant la construction des temples, tous ces rites se déroulaient dans la pleine Nature, dans
l’environnement majestueux des cercles mégalithiques, des dolmens et des menhirs, sous les
étoiles en mouvement.
Tous les anciens témoignages des Mystères évoquent la rencontre sublime avec la Lumière
Divine. C’est une forme de luminosité qui n’apparaît pas à la conscience ordinaire, en raison
des filtres de la perception humaine, et plus particulièrement le filtre égoïque. Le lustre mental
du reflet de soi est à l’image de la lumière qui se réverbère sur la vitre d’une fenêtre
empêchant de voir au travers. Une fois que l’ego se dissout, les paramètres de la perception
sont modifiés et la Lumière apparaît, une présence substantielle dans le monde, douce,
blanche et ne générant pas d’ombre. Elle est également sensible, animée et animante,
consciente d’elle-même et de qui vient en contact avec elle. Le mystique illuminé dans le
texte Gnostique, “Sophia de Jésus Christ”, fait l’éloge de la beauté de «la Lumière qui brille
sans projeter d’ombre, empreinte de joie et d’exubérance indescriptibles» (Codex de Berlin,
115). La Lumière Organique est partout et imprègne toute chose. Elle ne brille pas sur ce qui
est vu mais de ce qui est vu, en émettant une luminosité douce et blanche, de la consistance de
la guimauve, en laquelle la matière est en état d’apesanteur.

Les initiés rencontraient la Lumière vivante lorsque leur perception était altérée par la mort
temporaire de l’ego induite par l’ingestion du breuvage sacré, le kykeon. Une fois dans sa
présence, ils étaient instruits par la Lumière elle-même. Une des leçons les plus importantes,
émanant de cette expérience, concernait la nature de la perception. Nous présupposons,
normalement, que notre perception de l’univers émane de nous, les observateurs. Ce point
semble tellement évident qu’il est à peine besoin d’en débattre ou de le valider. Mais,
cependant, ce que les anciens initiés des Mystères apprenaient au sujet de leur perception du
monde était aux antipodes de cette supposition.

Un Mental Différent

L’urne cylindrique ornant le bas-relief du fronton d’Eleusis représente le courant de la


Lumière Organique conçu comme une transmission massive qui se forme en colonnes rondes
et érigées. Le telesterion, ou sanctuaire intérieur, dans lequel les initiés rencontraient la
Lumière, était composé de nombreuses colonnes. Les mystes, dans un état altéré de
conscience, se déplaçaient parmi elles comme s’ils dansaient dans un lent Niagara de marbre
en fusion. Au coeur des chutes immobiles siégeait le calme immaculé, aussi profond et dense
que le puits sans fond du tonnerre qui roule, le son du silence, AUM. Lorsque les adeptes se
concentraient sur certains signaux et certaines signatures, le silence roulant éclatait en un
silence sonnant d’une orchestration riche de tonalités. Pratiquant la clairaudience,
les Telestai écoutaient avec une oreille aiguisée et étaient capable de suivre la cadence de
tonalités spécifiques comme s’ils remontaient à la source d’une veine de métal précieux. Le
bas-relief du fronton représente à la fois une urne (le son creux du silence roulant) et un
cylindre poli agrémenté d’anneaux (cadences élevées du silence sonnant). Les jaillissements
massifs de la Lumière Organique étaient des courants de sons tout autant que des vagues
visibles de luminosité pâle et lustrée.211

Certains textes des Mystères, dans les Codex de Nag Hammadi, comparent la Lumière
Blanche à une fontaine débordant d’un doux jaillissement de torrents massifs. Dans le texte
Gnostique “Discours sur le Huitième et le Neuvième”, l’initié s’exclame:

«Je suis un Intellect mais, cependant, je perçois un autre Intellect, celui qui anime mon âme.
Je vois celui qui me pousse à l’oubli total de moi-même… J’ai trouvé l’origine de la
puissance qui est au-dessus de toutes les puissances, celle qui n’a pas de commencement. Je
vois une fontaine qui déborde de vie”»(58).

Ceux qui peuvent maintenir leur attention sur la Lumière Organique pénètrent dans
“l’assemblée du Huitième”, un terme codé des Mystères pour indiquer les membres de la
cellule réceptrice (les pétales intérieurs). “L’Apocryphe de Jean” et la “Sophia de Jésus
Christ” (Codex de Berlin) décrivent aussi des torrents d’illumination mystique. Cette
transmission de la Lumière des Mystères était illustrée par le pilier stylisé sur le fronton
d’Eleusis. La Lumière Organique sans ombres est blanche et visible, elle se manifeste partout
bien qu’elle ne puisse pas s’observer en tout lieu, en un seul regard englobant, car elle
submerge littéralement la capacité humaine de vision.

Afin de protéger le caractère sacro-saint des Mystères, les Telestai mirent en place des lignes
de conduite précises pour l’initiation. Ils réalisèrent que la porosité douce et sans masse de la
Lumière Organique ne peut pas être détectée dans un état de conscience ordinaire et égoïque.
Ils appréhendèrent également, cependant, l’inclination de l’ego à se détourner de la
dissolution ainsi que sa tendance tenace à se réaffirmer sans cesse. La plus grande partie du
temps consacré au processus d’initiation impliquait des conseils et une instruction
préliminaires dont la finalité était d’amener le postulant à un niveau de transparence
impersonnelle tel que, lorsque l’ego était dissous, ses tendances coriaces à la réification
étaient minimales. Bien avant le moment de leur initiation, les participants avaient déjà
accompli une réduction extraordinaire de la fixation de l’ego. La préparation préliminaire
pouvait prendre jusqu’à 21 années, tandis que le processus réel d’initiation pouvait être
réalisée en l’espace de quelques jours.

Les anciens rites célébrés à Eleusis, et ailleurs, requéraient un sacrement pour dissoudre l’ego
et pour induire un état de perception non-ordinaire: la potion concoctée à partir de l’orge
blanche. Cette pratique explique la présence de la troisième image sur le fronton d’Eleusis: la
gerbe de blé coupé. La vision sacramentelle de la Nature doit être induite par le sacrement
donné par la Nature parce que l’abandon de l’ego requis ne peut pas être réalisé de façon
volontaire, ainsi que pour d’autres raisons. Les Telestai utilisaient un breuvage de plantes
psychoactives pour affaiblir et ôter les filtres cognitifs qui bloquent la perception directe de la
Lumière Organique. Ce faisant, ils suivaient la sagesse antique des peuples Indigènes de toute
la planète. Andy Fisher observe dans son ouvrage Radical Ecopsychology:

«Notre vie parmi les autres est “un échange spirituel constant” par lequel les pouvoirs
signifiants de la Nature sont transmis par diverses sortes de prises de contacts. Ainsi, une
personne peut acquérir les pouvoirs d’une plante ou d’un animal en en mangeant… Selon une
croyance Amérindienne commune, “notre humanité reste incomplète et déséquilibrée” tant
que nous n’avons pas reçu un tel pouvoir des entités non humaines».212

Les initiés des Mystères découvrirent que la Déesse requiert, de ceux auxquels elle se révèle,
l’humilité de concéder qu’ils ne peuvent pas pleinement appréhender ce que cela signifie
d’être humain sans l’accompagnement inspiré des êtres non-humains, incluant les plantes.

Très concernés par les effets collatéraux schizophréniques, et les jeux de contrôle
égocentriques caractéristiques des Illuminatis et de leurs sujets, les Telestai des Mystères
Païens se reposaient sur le monde des plantes pour la guidance lors des processus d’initiation.
Par opposition, le programme des Illuminati interdisait l’expérimentation avec les plantes, les
champignons et autres organismes naturels et psychoactifs. Dans la narration biblique, Yahvé
(le souverain des Archontes ou le Démiurge) interdit à Adam et à Eve de consommer de
l’Arbre de Connaissance mais le mythe Gnostique inverse le scénario: il fait du Serpent un
allié et du fruit défendu la source de l’illumination. La finalité du tabou patriarcal est de
dénier l’expérience religieuse originelle qui s’épanouit chez les êtres humains grâce à la
communion avec la Nature par l’intermédiaire de plantes-instructrices sacrées. Selon la thèse
proposée par G. Gordon Wasson, l’ingestion rituelle de plantes sacrées était non seulement au
coeur des pratiques shamaniques, lorsque l’on remonte aux époques Paléolithiques, mais c’est
en fait la source de toute expérience religieuse authentique pour l’espèce humaine.213

Les initiés à Eleusis ingéraient une potion enthéogénique, le kykeon, afin de susciter une
réceptivité, dégagée des filtres de l’ego, à la communication interspécifique. 214 Dans les
anciens Mystères, tout comme dans les rites de psychopharmacologie shamanique tout autour
de la planète, les plantes sacrées jouaient le rôle d’intermédiaire entre le témoin humain et la
Lumière Organique, le corps de substance primordiale de Sophia. La conscience qui anime le
monde non-humain des plantes maintient l’humanité dans l’humilité et nous encourage à
observer et à préserver la frontière appropriée entre la Nature et la culture.

La Perception de Gaïa

“Les implications perceptuelles de Gaïa”, un article de David Abram écrit pour la revue The
Ecologist (1985), est un exposé exceptionnel de la théorie de Gaïa en termes de science
cognitive et de noétique. Bien qu’il ne fasse aucune allusion aux Mystères, cet essai lucide
évoque le secret ultime de l’initiation. Abram affirme que la perception est «un phénomène
réciproque organisé tout autant par le monde environnant que par soi-même». Il suggère une
dynamique de la perception à deux voies, en contraste avec le processus unidirectionnel de
perception qui n’influence pas l’observateur mais qui présente tout simplement un monde à
l’observation. Abram, qui écrivait une bonne décade avant l’émergence de l’écopsychologie,
dit que «la psyché est une faculté de l’écosystème en tant qu’ensemble» et conseille
implicitement que nous allions au-delà de «la conviction selon laquelle notre mental est tout
autre chose que le corps lui-même.»215

Les trois points d’Abram sont intimement corrélés à l’instruction par la Lumière, l’expérience
d’initiation suprême qui culmina à Eleusis avec ce geste mystérieux du hiérophante. La
signification de la gerbe de blé coupé, sur le fronton d’Eleusis, est plus clairement perçue dans
un bas-relief gravé de Cécrops à la queue de serpent, le gardien du sanctuaire
d’Eleusis.216 Cécrops tient la gerbe sur sa poitrine et fait un geste de ses doigts sur les lèvres.

Hippolyte, qui ne fut pas initié, rapporta que le hiérophante montrait aux initiés une “gerbe de
blé moissonnée en silence”. Ce geste révélait «le secret profond, merveilleux et le plus parfait
pour celui qui était initié aux vérités mystiques les plus élevées» (Réfutations de toutes les
hérésies. 5. 3). Ce secret, qui ne pouvait être transmis directement que par la Lumière Divine,
révèle comment notre perception du monde est donnée de l’extérieur mais cependant donnée
de telle façon que nous ayons la possibilité d’en faire l’expérience comme si elle procédait de
l’intérieur de nous-mêmes.

Les initiés, qui contemplaient le geste du hiérophante, avaient été soigneusement préparés
pour accomplir plusieurs choses en même temps. La tige de blé contenant en son panicule la
semence pour se reproduire reflétait leur expérience lorsqu’ils en ressentaient l’effet
biochimique. Se tenant en groupe, ils prenaient conscience que leur mental était maintenant
fertilisé par les semences de sagesse à transmettre aux générations futures. Le grain, dans le
panicule de blé, posséde le pouvoir de se reproduire mais aussi, en raison du champignon
d’ergot, un pouvoir de révélation. Les mystai concevaient les deux pouvoirs, biologique et
mystique, comme une unité. Ils participaient, physiquement et mentalement, à un niveau
supérieur de génération, la transmission épigénétique de la sagesse initiée.

La gerbe de blé coupé révélait aux mystai la nature réelle de leur activité cognitive: le mental


humain est en dehors de la Nature, coupé de son enracinement, de sa source naturelle. Le
mental semble être indépendant, comme si notre perception du monde procédait de nous-
mêmes. La leçon du geste final du hiérophante était amplifiée par le spectacle des champs tout
autour d’Eleusis, pleins de grain ondoyant, aux premières lueurs du jour, lorsque les initiés
émergeaient du sanctuaire. (Les Grands Mystères étaient célébrés à l’automne, juste avant les
récoltes). Ils voyaient la gerbe de blé coupé dans la main du hiérophante et tout autour, les
champs ondulants de blé mûr jaillissant de la terre. C’est à ce moment que se révélait la
faculté d’illumination fondamentale, ce qu’ils avaient appris à connaître au travers de
l’instruction par la Lumière: de même que le blé nous est donné par Déméter, il en est ainsi de
notre cognition du monde naturel, l’endroit où il croît. Au moment où les initiés émergeaient
de leur état d’absorption dans la Lumière Organique, la révélation qui leur était donnée
intentionnellement était la certitude que notre cognition du monde extérieur nous est donnée
de l’extérieur de par le pouvoir de la déesse de la Terre, Gaïa, plutôt qu’intérieurement
comme nous avons l’habitude de le croire.

Maintenant qu’ils possédaient Son Mental, ils pouvaient découvrir la source de


l’enracinement de leur cognition.

La certitude que notre processus cérébral de perception du monde nous est donné de
l’extérieur, et soutenu à tout moment par le champ environnant de la biosphère, est une
expérience sublime et extatique: la signature de la conscience initiée. Cette certitude informe
l’essai de signature d’Abram sur les implications perceptuelles de Gaïa. Le fait que la
perception soit «un phénomène réciproque organisé tout autant par le monde environnant que
par soi-même» était une connaissance acquise directement au cours de l’initiation.
Les mystai prirent conscience que la perception est réciproque, il est vrai, mais plutôt dans le
sens d’une réciprocité par laquelle je donne une partie de ma fortune à quelqu’un qui n’a rien
et nous la dépensons libéralement ensemble. Ils découvrirent que le champ cognitif intégral
des êtres humains, et de toute la biosphère, est organisé et soutenu par le monde extérieur, une
projection de l’intelligence vivante de la planète – dans les mots d’Abram “une propriété de
l’écosystème en tant qu’ensemble”.

Lorsqu’ils recevaient Son Mental, les mystai devenaient des instruments de la Nature tout


autant dépourvus d’ego que les blés dorés ondulant dans les champs autour d’eux. Pour
eux «la conviction selon laquelle le mental n’est rien d’autre que le corps lui-même» n’aurait
pas même été une conviction mais une réalité vivante, directe et irréfutable. La Gnose est une
illumination de tout le corps physique et, qui plus est, psychosomatique. Vous ne percevez pas
la Lumière Organique dans votre mental ou dans votre tête ou même dans votre coeur: vous la
rencontrez avec tout votre corps, en position érigée. Les voyants des Mystères contemplaient
la Lumière Organique en se tenant devant elle sans hallucinations ou distractions
introspectives. Ce faisant, ils recevaient une transmission d’intelligence Gaïenne, un flux
direct procédant de l’Esprit Planétaire.
La perception de Gaïa, telle que la pratiquaient les initiés, était également un acte d’amour
parce que la prise de conscience que notre mental n’est pas le nôtre inspire une immense
affection pour l’Autre. L’humanité ne peut pas survivre sans observer le lien interspécifique.
Ce qui nous rend humains, c’est d’aimer tout ce qui n’est pas humain, les animaux et les
plantes, les insectes, l’atmosphère. L’amour pour Gaïa est la vocation la plus élevée de
l’humanité. C’est également le chemin de l’illumination qui peut nous conduire à la co-
évolution de la manière la plus directe, la plus harmonieuse et la plus sûre.

Lorsque les initiés émergeaient de la chambre intérieure d’Eleusis, dans la lumière claire de
l’automne, et lorsqu’ils contemplaient les blés dorés de la plaine Rharienne et, sur les collines
environnantes, la silhouette effilée des peupliers et des cyprès, ils percevaient la Nature grâce
à la faculté de perception donnée par la Nature même, une faculté sacrée et inviolable.

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