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Techniques poétiques : idées métriques et

formules de style
déc 3
La versification est l’étude des vers, c’est-à-dire que l’on va dire combien un vers a de syllabes, où se place la césure…
Étudier les vers, c’est enfin s’intéresser à la qualité des rimes, à leur disposition ainsi qu’à leur nature.

1° Comment compter les syllabes


Attention, les règles de la poésie ne sont pas celles de la prose.
En effet, si le mot « maître » ne fait normalement qu’une syllabe, dans un poème, il peut compter pour deux syllabes. C’est ce
qu’on appelle la règle du « e » muet.

a) Le « e » muet
- Si un mot se terminant par un « e » est suivi d’un autre mot commençant par une consonne, alors ce mot comptera une
syllabe supplémentaire, car le « e » sera prononcé et compté.

Exemple :
Maî/tre/ Re/nard/…

Le mot « maître » compte pour deux syllabes « maî » et « tre », le « e » final du mot se trouvant devant un mot (« Renard »)
commençant par une consonne (le « r »). On place donc la coupe devant ce « e ».

- Si un mot se terminant par un « e » est suivi d’un mot commençant par une voyelle, alors le « e » ne comptera pas.

Exemple :

Il/ ou/vre un/…

Le mot « ouvre » n’est pas suivi d’une coupe puisqu’il est suivi d’un mot commençant par une voyelle.

b) Les coupes et les césures


Excepté la règle du « e », séparer les syllabes est fort simple. Chacune des syllabes d’un vers est séparée par une barre
oblique que l’on appelle la coupe (/) :

Sans/ men/tir/, si/ vo/tre/ ra/mage

On ne met pas de coupe à la fin du vers, et on remarquera que le « e » final (celui de « ramage » ne compte pas).

On appelle la césure la double barre (//) qui sépare un vers en deux parties. Chaque partie du vers s’appellel’hémistiche.
Parfois, la césure se place au même endroit que la virgule :

Sans/ men/tir//, si/ vo/tre/ ra/mage


Premier hémistiche Deuxième hémistiche

On remarquera que les deux hémistiches n’ont pas la même longueur. Le premier fait trois syllabes, le deuxième en fait cinq.

2° Les types de vers


Le type de vers dépend du nombre de syllabes. Ainsi un vers de huit syllabes est appelé un octosyllabe :
Et/pour/ mon/trer// sa/ be/lle/ voix
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Un vers de dix syllabes est un décasyllabe :

Maî/tre/ Re/nard//, par/ l’o/deur/ a/llé/ché,


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Un vers de douze syllabes est un dodécasyllabe qu’on appelle généralement un alexandrin :

Ju/ra/, mais/ un/ peu/ tard//, qu’on/ ne/ l’y/ pren/drait/ plus.
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Autres vers :

Un vers d’une syllabe est un monosyllabe.


Un vers de deux syllabes est un dissyllabe.
Un vers de trois syllabes est un trisyllabe.
Un vers de quatre syllabes est un tétrasyllabe.
Un vers de cinq syllabes est un pentasyllabe.
Un vers de six syllabes est un hexasyllabe.
Un vers de sept syllabes est un heptasyllabe.
Un vers de neuf syllabes est un ennéasyllabe.
Un vers de onze syllabes est un hendécasyllabe.

3° La qualité des rimes


Cette partie a déjà fait l’objet d’une leçon.
4° La disposition des rimes
Prenons les quatre premiers vers de la fable « La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf » :

Une Grenouille vit un Boeuf


Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,

Chaque rime est symbolisée par une lettre (A, B, C, D…). Les rimes sont disposées selon un certain ordre.

Dans ce poème, elles sont croisées :

BoeufA
tailleB
œufA
travailleB

Elles pourraient être suivies (on dit également plates) si l’on avait la disposition suivante :

BoeufA
œufA
tailleB
travailleB

Enfin, elles pourraient être embrassées :

BoeufA
tailleB
travailleB
œufA

Résumons :
Les rimes croisées ont la disposition suivante : ABAB.
Les rimes plates ont cette disposition : AA BB (CC DD…).
Les rimes embrassées ont celle-ci : ABBA.

Dans les fables de Jean de La Fontaine, on dit que les rimes sont mêlées, car on trouve souvent plusieurs voire les trois
dispositions dans un même poème.

5° La nature des rimes


Les rimes se terminant par un e sont dites féminines. Une rime féminine peut se terminer, au pluriel, par s ou nt. Toutes les
autres sont des rimes masculines.

 La versification
I – Le mètre
Il est défini par le nombre des syllabes (1). Ainsi l’alexandrin est un vers de douze syllabes :
Il se faut entraider, // c’est la loi de nature

Le mètre est donc le type de vers.


S’il ne compte qu’une syllabe, c’est un monosyllabe ; deux, c’est un dissyllabe ; trois, trisyllabe, etc.

II – Le compte des syllabes


1° Le e muet
Le e, très mal dit « muet », est l’un des seuls véritables points d’achoppement dans le calcul des syllabes d’un vers. La diction
quotidienne a tendance à « manger » les e, soit à la fin d’un mot (2) soit au milieu d’un mot (3) : « Ell’ m’pass’ le cur’dent »
(au lieu de « Elle me passe le cure-dent »).
Quand vous lisez un vers, vous devez faire très attention aux e muets : il faut les dire et donc les compter, tous sauf le dernier
du vers. Le e final d’un vers ne compte jamais :

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne

Le e de campagne ne compte pas. Le mot compte donc pour deux syllabes cam-pagne (et non cam-pa-gne).

Il reste alors deux cas à étudier : soit le e est devant une consonne, soit le e est devant une voyelle.

a) Le e devant consonne
Si, dans un vers, un mot se terminant par un e est suivi d’un autre mot commençant par une consonne, alors ce mot comptera
une syllabe supplémentaire. En effet, devant une consonne, le e sera prononcé et compté, et formera donc une syllabe.
Exemple :
J’ai vu fondre la neige (J’ai vu fon-dre la neige)

Le mot « fondre » compte pour deux syllabes « fon »  et « dre », le e final du mot se trouvant devant un mot (« la »)
commençant par une consonne (le « l »).

b) Le e devant voyelle
Si un mot se terminant par un e est suivi d’un mot commençant par une voyelle, alors le e ne comptera pas.

Exemple :
L’opaque obscurité fermait le ciel béant ;

Le mot « opaque » est suivi d’un mot commençant par une voyelle (« obscurité »). « opaque » compte alors pour deux
syllabes « o-paque »

 Le e d’« opaque » s’élide (il disparaît) si bien qu’on dit le vers ainsi : « L’o-pa-quo-bscu-ri-té ».

2° La diérèse
En français, généralement, un groupe de voyelles est prononcé en une seule fois, donc en une seule syllabe : on
ditviolon (vio-lon) et non vi-o-lon ou encore lion (et non li-on).

Il arrive que, dans un vers, une suite de voyelles soit prononcée en deux syllabes. C’est ce qu’on appelle la diérèse.

La diérèse est d’ailleurs à l’origine d’un fameux jeu de mots que l’on trouve dans bien des hôtels appelés Au lion d’or. Ce jeu
de mots, si l’on fait la diérèse, donne Au li-on d’or soit Au lit on dort.

Bref, pour avoir le nombre voulu de syllabes, il n’est pas rare qu’on trouve une diérèse dans un vers :

Parmi des flots d’écumes un monstre fu-ri-eux

Prononcer fu-ri-eux au lieu de fu-rieux permet d’avoir une syllabe supplémentaire et donc un alexandrin.

3° Les licences poétiques


La licence poétique est la liberté que donnent les règles de la poésie de modifier l’orthographe d’un mot.
Pour avoir un nombre de syllabes précis, on peut écrire « encor » au lieu de « encore » :

Un Animal paît dans nos prés,


Beau, grand ; j’en ai la vue encor toute ravie

En écrivant « encor » sans e, on perd une syllabe (« en-co-re » devant consonne faisant trois syllabes).

III – La césure
Le mot césure a été employé pour la première fois par le poète Clément Marot en 1637. Il vient du latin caesura et signifie
« coupure ».
La césure, notée par une double barre ( // ), est le point de partage d’un vers en deux parties :

Un riche laboureur // sentant sa mort prochaine

La césure ne divise pas obligatoirement le vers en deux parties égales, comme c’est le cas pour l’alexandrin ci-dessus (6 + 6).

Ainsi, l’octosyllabe ci-dessous réunit deux moitiés d’inégales longueurs (3 + 5) :


Travaillez, // prenez de la peine

La moitié d’un vers s’appelle l’hémistiche (hémi- = moitié et -stiche = vers) :

Je ne sais pas l’endroit // ; mais un peu de courage


premier hémistiche deuxième hémistiche

La césure a donc une place qui varie selon la longueur du vers, mais elle se trouve presque toujours après une syllabe
accentuée (4). De manière générale, on la trouve assez naturellement en la plaçant au moment où l’on reprend son souffle.
Les deux hémistiches peuvent d’ailleurs se comparer à une phrase avec montée et descente (5). C’est donc une diction en
accent circonflexe :
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Protase ↗ ↘ Apodose

IV – La coupe
La coupe est marquée par une simple barre ( / ). Elle est toujours de place libre, et souligne le rythme du vers. On la trouve
toujours après la syllabe accentuée :

C’est le dieu / des volcans // et le roi / des hivers !

La césure partage le vers en deux parties égales (deux hémistiches de six syllabes). Les coupes marquent la composition de
chacun de ces hémistiches :

Dans cet exemple, les coupes séparent les quatre parties (de trois syllabes) du vers révélant ainsi un tétrasyllabe(alexandrin
découpé en 4 mesures : 3/3//3/3).

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Notes :

1 - La poésie française n’est pas fondée sur la quantité ou la qualité des syllabes. On ne doit donc pas parler de pied.
2 - C’est ce qu’on appelle l’apocope (suppression d’une lettre ou de syllabes à la fin d’un mot).
3 - C’est ce qu’on appelle la syncope (suppression d’une lettre ou d’une syllabe à l’intérieur d’un mot).
4 - En français, l’accent porte sur la dernière syllabe non caduque (sans e muet) d’un mot (attention, le e final ne forme pas
une syllabe) : enDROIT, proCHAIne, couRAge…
5 - Une phrase comporte généralement une première partie ascendante (c’est la protase) et une partie descendante (c’est
l’apodose).

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