La Composition Sur Un Sujet D'ordre Général by José-Maria Comas, Pierre Molimard (BIBLIO-SCIENCES - Org)

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Catégorie C C o n c o u r s
La documentation Française
Tél. : 01 40 15 7O 10
www.ladocumentationfrancaise.fr
José Comas, Pierre Molimard

La composition
sur un sujet d’ordre général
José Comas, Pierre Molimard
La composition
L’épreuve écrite de composition sur un sujet d’ordre général figure au programme
de nombreux concours administratifs. Elle porte sur les politiques publiques
sur un sujet
et l’action des pouvoirs publics. Réussir cette épreuve sélective nécessite un
savoir-faire rigoureux, que ce manuel permet d’acquérir.
La première partie propose au candidat les « clés » de la composition : la
d’ordre général
nature et les enjeux de l’épreuve, mais aussi les techniques précises à
La composition sur un sujet d’ordre général

appliquer, de la lecture du sujet à la rédaction en passant par l’élaboration
du plan. Des exemples et des exercices avec corrigé illustrent les différents
points de la méthode. La seconde partie propose trois sujets de composition José Comas
commentés et entièrement rédigés. Pierre Molimard
Les auteurs, José Comas et Pierre Molimard, ont été ou sont membres de jurys
de concours des fonctions publiques.
Sommaire
I. Savoirs et méthodes
1. Un sujet d'ordre général
2. Les enjeux de la composition
3. L'analyse du sujet
4. La recherche du contenu
5. La construction de la pensée
6. Les moments forts de la copie
II. Compositions rédigées et commentées
Imprimé en France
Prix : 12€
La
9:HSMBLA=U^^]^V: ISSN 1152-4235
ISBN 978-2-11-009989-1
DF 1FA39570
dF
documentation
Française
La composition
sur un sujet
d’ordre général
José Comas
Maître de conférences à l’IEP de Toulouse
Pierre Molimard
Professeur agrégé de lettres modernes
Formation Administration
C o n c o u r s
DILA Collection FAC en petit format

Département de l’édition dirigé par
Julien Winock L’entretien avec le jury (2015)
Collection dirigée par Chantal Perrin-Van Hille
Claire-Marie Buttin
Le droit administratif aux concours
Rédaction
Monique Tolmer
(2015)
Matthieu Houser, Virginie Donier
Conception graphique et Nathalie Droin
Michelle Chabaud
Mise en page L’Europe aux concours (2015)
Éliane Rakoto Michel Dumoulin
Les questions sociales aux concours
(2014)
Suzanne Maury
La GRH dans la fonction publique
« Aux termes du Code de la propriété intellectuelle,
(2014)
toute reproduction ou représentation, intégrale ou par- Suzanne Maury
tielle de la présente publication, faite par quelque procédé
que ce soit (reprographie, micro-filmage, scannérisation, L’économie aux concours (2013)
numérisation...), sans le consentement de l’auteur ou de
ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue Jean-Louis Doney
une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et
suivants du Code de la propriété intellectuelle. » Les finances publiques aux concours
(2013)
Il est rappelé également que l’usage abusif et collectif Chantal Perrin-Van Hille
de la photocopie met en danger l’équilibre économique
des circuits du livre.
© Direction de l’information légale

et administrative, Paris, septembre 2015
ISBN : 978-2-11-010148-8
ISSN : 1152-4235
Sommaire
Présentation�� 5
Partie I
Savoirs et méthodes
Chapitre 1
Un sujet d’ordre général��11
1. Qu’est-ce qu’un sujet d’ordre général ?��11
2. Quelles sont les connaissances à mobiliser ?��15
3. Un regard sur les grandes évolutions��18
4. Une approche comparative��20
5. Ce que vous devez connaître��21
Chapitre 2
Les enjeux de la composition��37
1. Un questionnement personnel��37
2. Un regard aussi objectif que possible��38
3. Un examen critique des valeurs et des droits��39
4. Une logique de « démonstration »��42
Chapitre 3
L’analyse du sujet��61
1. Les quatre catégories de libellé��61
2. La formulation d’une problématique��66
Chapitre 4
La recherche du contenu��91
1. La reformulation du libellé��91
2. La libre association d’idées��95
3. Le va-et-vient entre le concret et l’abstrait��96
4. La recherche des tenants et des aboutissants��97
5. L’adoption temporaire du point de vue inverse��99
6. La diversification des points de vue��100
Sommaire 3
7. De l’analyse à la synthèse : le plan détaillé��101
8. Du plan détaillé à la rédaction définitive��105
Chapitre 5
La construction de la pensée��117
1. Mise au point préalable��117
2. Le nombre d’or (ou nombre idéal de parties)��118
3. Les quatre grandes démarches intellectuelles��120
Chapitre 6
Les moments forts de la copie��139
1. L’introduction��139
2. Les liaisons et les transitions��143
3. La conclusion��147
4. La mise en évidence du plan adopté��151
Partie II
Compositions commentées et rédigées
Composition no 1��161
Bibliographie��191
4 La composition sur un sujet d’ordre général

Présentation
L’épreuve écrite de « composition sur un sujet d’ordre général » aux
concours administratifs de catégories A et B – de même qu’à l’entrée des
grandes écoles – est déterminante car elle est souvent très sélective. Cet
ouvrage a une double ambition : répondre aux nombreuses questions que
les candidats se posent sur la composition et leur proposer une méthode
rigoureuse pour les aider à en assimiler les règles. En effet, qu’elle se nomme
composition sur un sujet d’ordre général ou dissertation, l’épreuve écrite
de culture générale cesse d’être impressionnante dès lors qu’on en connaît
les présupposés et qu’on en en maîtrise les règles.
Comment utiliser cet ouvrage ?

La première partie, intitulée « Savoirs et méthodes », expose ce que vous
devez savoir et savoir faire pour réussir une composition sur un sujet
d’ordre général. La seconde partie présente, en les commentant, trois
compositions rédigées conformément aux principes et aux règles exposés
dans la première partie.
➤➤ La première partie est organisée en six chapitres proposant les « clés »
de la composition : d’abord ce qu’il faut entendre par « sujet d’ordre géné-
ral » et par « composition » (ou « dissertation »), puis la méthode à mettre en
œuvre pour analyser un sujet, comprendre la problématique qu’il contient,
construire un plan et enfin rédiger. Dans chacun des chapitres sont propo-
sés plusieurs exercices d’application ainsi que leur corrigé.
➤➤ Dans la seconde partie, vous trouverez trois compositions rédigées
dont les sujets sont conformes au nouvel esprit de l’épreuve (le premier
sujet traité est celui du concours externe d’accès aux instituts régionaux
d’administration – IRA – de février 2014). Ces sujets relèvent pleinement
de la culture générale dont ont besoin les fonctionnaires des différentes
fonctions publiques pour bien appréhender les tenants et aboutissants de
leur action professionnelle.
Présentation 5
Si nous vous conseillons de lire la partie I dans l’ordre des chapitres,
nous vous recommandons également d’avoir une lecture dynamique de
l’ouvrage. Aussi, n’hésitez pas :
– à vous reporter régulièrement aux trois compositions rédigées de la
partie II pour mieux confronter la théorie et la pratique, les conseils et
leur mise en œuvre ;
– à faire les exercices proposés dans chacun des six chapitres de la par-
tie I et à lire attentivement les corrigés proposés. Ceux-ci, comme les trois
compositions, complètent et éclairent l’exposé théorique.
Que faut-il entendre

par « savoirs et méthodes » ?
➤➤ Les « savoirs » à maîtriser sont, pour l’essentiel, exposés dans les deux
premiers chapitres.
– Le premier chapitre fait le point sur la « professionnalisation » des
concours administratifs : avec l’arrêté du 27 juillet 2012 définissant la pre-
mière épreuve écrite du concours externe d’entrée aux IRA (« Une composi-
tion sur un sujet d’ordre général portant sur la place des pouvoirs publics et
leur rôle dans les grands domaines de l’intervention publique… ») et le décret
du 22 juin 2009 fixant les modalités d’organisation des concours de recrute-
ment des attachés territoriaux (pour ne citer que ces deux concours), des
modifications importantes ont été apportées à l’esprit même de l’ancienne
épreuve de culture générale. Tout en définissant les fondements et les
contours de la culture du futur fonctionnaire, ce chapitre montre que les
sujets d’ordre général conduisent nécessairement à parler de la place et
du rôle de l’État comme de ceux des autres pouvoirs publics.
– Le deuxième chapitre, centré sur les enjeux de la composition et les
attentes du correcteur, expose ce qu’est la copie « idéale » : pour réussir
une composition, il ne suffit pas d’être cultivé, encore faut-il avoir bien
compris ce qu’on attend du candidat.
➤➤ Les « savoir-faire » propres à la composition sont présentés dans les
chapitres 3 à 6.
– Les chapitres 3 et 4 donnent les moyens non seulement de bien lire
le sujet proposé (se tromper de sujet et de problématique est toujours
rédhibitoire) mais aussi de le traiter dans toutes ses dimensions.

– Les chapitres 5 et 6, enfin, révèlent les grands principes de composition
qui permettent de construire rapidement un plan adapté à la probléma-
tique et les règles simples présidant à la rédaction de l’introduction et de
la conclusion.
Comme la composition elle-même, cet ouvrage s’efforce d’être bref et
précis. Par sa concision, il nous semble adapté à notre époque, exigeante
et pressée.
Présentation 7
I
Partie
Savoirs
et méthodes
Chapitre 1
Un sujet d’ordre
général
1. Qu’est-ce qu’un sujet d’ordre

général ?
La notion de sujet général introduit un élément d’ambiguïté qu’il convient
de clarifier. D’abord, il faut rappeler qu’un sujet d’ordre général n’est pas
un sujet technique relevant d’un seul champ disciplinaire, cloisonné et
matérialisé par un programme énonçant les matières de façon exhaus-
tive (droit, histoire, économie, etc.). Les thèmes proposés à la réflexion
relèvent d’une très grande diversité de domaines dont les problématiques
transversales peuvent se rapporter à de multiples centres d’intérêt (poli-
tique, économique, social, culturel). Le libellé du sujet peut être tellement
imprécis qu’il ouvre tous les champs du possible dans son traitement,
ce qui a parfois pu conduire un jury de concours à revoir les critères de
correction initialement envisagés.
En témoignent les propos contenus dans le rapport du jury du concours
IRA (2010) de Lyon concernant le sujet « Protéger le territoire : quels enjeux
et quelles orientations pour un pays comme la France ? » : « Le sujet se prêtait
en effet à un champ d’investigation très large, d’autant que, suite à la lecture
d’un premier panel de copies, le domaine de l’économie et de l’emploi,
considéré dans un premier temps comme hors sujet, a été admis dans le
champ du sujet. »
Partie I. Savoirs et méthodes 11

Par conséquent, il s’agit bien d’un sujet de culture générale, mais pas n’im-
porte quel sujet. Ce sont des sujets qui soulèvent des problématiques de
société et, plus précisément, qui intéressent peu ou prou l’action publique,
en prônant une réflexion sur le rôle de l’État et des collectivités territoriales.
Nous pouvons parler de sujets « politiques », au sens noble du terme, ou
de sujets susceptibles d’avoir une incidence sur les décisions prises par
les détenteurs du pouvoir politique – nationaux ou locaux. À ce propos, la
réforme du concours d’accès à l’École nationale d’administration (ENA),
entrée en vigueur à la session 2015, a réorienté l’épreuve de composition
de culture générale dans le sens que nous venons de préciser, en la libellant
de la façon suivante : « Composition sur une question contemporaine d’ordre
général portant sur le rôle des pouvoirs publics et leurs rapports à la société » 1.
À la lumière des différents libellés de l’épreuve de composition, nous pou-
vons cerner deux grandes catégories de sujet d’ordre général.
1. Première catégorie de sujet

La première catégorie concerne des sujets dont le champ est explicite-
ment axé sur des problématiques relatives aux politiques publiques
nationales ou locales.
L’arrêté du 27 juillet 2012 (modifiant celui du 6 juin 2008) déterminant la
première épreuve écrite du concours externe d’accès aux IRA ainsi que
le décret du 22 juin 2009 fixant les modalités d’organisation des concours
pour le recrutement des attachés territoriaux indiquent clairement la teneur
des sujets et ce vers quoi doit tendre votre culture générale.
Pour accéder aux IRA, il faut être capable de rédiger une « composition
sur un sujet d’ordre général portant sur la place des pouvoirs publics et leur
rôle dans les grands domaines de l’intervention publique (société, écono-
mie, emploi, santé, culture, territoires, relations extérieures…) permettant
d’évaluer l’ouverture au monde des candidats, leur aptitude à l’analyse et
au questionnement ainsi que leur capacité à se projeter dans leur futur envi-
ronnement professionnel » (article 1er).
1. Article 1er de l’arrêté du 16 avril 2014 fixant la nature, la durée et le programme des

épreuves des concours d’entrée à l’ENA.

D’ailleurs, « les grands domaine de l’intervention publique » sont précisés
par voie réglementaire. L’arrêté du 18 juin 2014 fournit la liste des thèmes
sur lesquels peut porter le sujet de l’épreuve de composition du concours
externe des IRA pour la session 2014 :
« – le rôle de l’État en matière de politiques sociales ;
– le rôle de l’État en matière économique ;
– gestion publique et performance dans les services publics ;
– le système éducatif, du premier degré à l’enseignement supérieur ;
– développement durable et politiques publiques ;
– l’État et son organisation territoriale. »
Pour devenir attaché territorial, il faut savoir rédiger « une composition portant
sur un sujet d’ordre général relatif à la place et au rôle des collectivités territo-
riales dans les problématiques locales (démocratie, société, économie, emploi,
éducation/formation, santé, culture, urbanisme et aménagement, relations exté-
rieures…). Cette épreuve doit permettre au jury d’apprécier, outre les qualités
rédactionnelles des candidats, leur ouverture au monde, leur aptitude au question-
nement, à l’analyse et à l’argumentation ainsi que leur capacité à se projeter dans
leur futur environnement professionnel » (article 5 du décret du 22 juin 2009).
● ● ● Exemples de sujets relatifs aux politiques publiques
« L’organisation administrative de l’État et des collectivités territoriales est-elle à même de répondre

aux exigences de performance du service public ? » (IRA 2011)
« Protéger le territoire et la population : quels enjeux et quelles orientations pour un pays comme
la France ? » (IRA 2010)
« L’autonomie des universités témoigne-t-elle d’une évolution de la place et du rôle de l’État ? »
(IRA 2009)
« Dans quelles mesures l’État est-il encore légitime pour conduire des politiques industrielles ? »
(IRA 2012)
« Comment l’État peut-il lutter efficacement contre la pauvreté ? » (IRA 2014)
« Les collectivités territoriales face à la mobilité des hommes et des activités. » (Attaché territorial 2011)
« L’initiative privée est-elle indispensable aux collectivités territoriales dans la conduite de l’action
publique ? » (Attaché territorial 2010)
« Le rôle des collectivités territoriales face aux inégalités socioéconomiques. » (Attaché territorial 2012)
« Management, performance, qualité, modernisation… : la distinction entre gestion des collectivités
territoriales et gestion des entreprises vous paraît-elle pertinente ? » (Attaché territorial 2014)

2. Seconde catégorie de sujet
La seconde catégorie de sujet porte sur des problématiques de société plus
vastes intéressant le domaine social, économique, culturel, etc. L’énoncé
s’apparente alors davantage au sujet de culture générale classique. Mais
leur champ d’analyse n’est pas dépourvu de lien avec les problématiques
auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics, aussi bien sur le plan
national que local.
Plusieurs épreuves de composition font référence à ce type de sujet :
« Composition portant sur un sujet relatif à l’évolution des idées et des faits poli-
tiques, économiques, sociologiques et culturels en France et dans le monde. »
(École nationale supérieure de Sécurité sociale – EN3S)
« Composition portant sur les aspects sociaux, juridiques, politiques, écono-
miques et culturels du monde actuel. » (École nationale de la magistrature)
« Dissertation sur un sujet d’ordre général relatif à l’évolution des idées et des
faits politiques, économiques et sociaux en France et dans le monde depuis
1900 jusqu’à nos jours. » (Commissaire de police)
« Une composition portant sur l’évolution générale politique, économique
et sociale du monde ainsi que sur le mouvement des idées depuis le milieu
du xviiie siècle jusqu’à nos jours, devant permettre d’apprécier l’aptitude du
candidat à exprimer, sur le sujet proposé, tant une analyse des faits et des
événements qu’une interprétation personnelle et argumentée. » (Adminis-
trateur territorial)
Mais, quels que soient les sujets proposés, ils doivent être traités à l’aune
de l’action des pouvoirs publics en y intégrant des analyses sur la démarche
adoptée ou susceptible d’être adoptée par les autorités publiques. En quoi
les pouvoirs publics sont-ils concernés ? Quelles sont, en ce domaine, leurs
responsabilités ? Quels sont leurs pouvoirs et leurs limites ? Autrement
dit, dans le cadre d’un concours, un sujet d’ordre général est donné afin
que le candidat puisse comprendre, analyser et apprécier l’action des
pouvoirs publics.

● ● ● Exemples de sujets relatifs aux problématiques de société
« La mondialisation favorise-t-elle l’expression des libertés individuelles ? »

« À quoi sert la contestation ? »
« La tolérance ne devrait être qu’un état transitoire. Elle doit mener au respect. Tolérer, c’est
offenser. (Goethe) »
« Peut-on enseigner la responsabilité ? »
« La Révolution est-elle un modèle périmé ? »
« Le pacte social français a-t-il vécu ? »
« Espace public et libertés. »
« La liberté d’expression dans une société démocratique : portée et limites. » (concours d’admi-
nistrateur territorial 2011)
« La confiance dans les sociétés contemporaines. » (concours EN3S 2013)
« Quel sens donner au progrès dans les sociétés contemporaines ? » (concours EN3S 2014)
« Existe-t-il encore des frontières ? » (concours commissaire de police 2014)
 Exercice 1
Si vous aviez à traiter le sujet « La fin de vie », comment le traiteriez-vous en y inté-
grant des éléments liés à l’action publique ?
(Voir corrigé pages 24-26.)
2. Quelles sont les connaissances

à mobiliser ?
L’analyse d’un sujet d’ordre général fait appel à un foisonnement de connais-
sances relevant de ce qu’il est convenu d’appeler la « culture générale ». Mais
la professionnalisation des épreuves des concours a eu pour conséquence
d’orienter et de circonscrire la culture générale vers des thématiques
intéressant les pouvoirs publics. Les connaissances à mobiliser ont donc
un socle de culture administrative que le candidat ne doit pas négliger. Le
jury attend qu’il s’interroge sur les enjeux du sujet du point de vue des
pouvoirs publics. Nous pouvons parler d’une « culture administrative »

dans la mesure où la connaissance des institutions publiques, de leurs
compétences, des enjeux et des difficultés les concernant est indissociable
des connaissances plus larges de culture générale.
1. Une culture générale circonscrite

Les connaissances à mobiliser pour l’épreuve écrite de composition ne
représentent en réalité qu’une petite partie de votre culture générale ; cette
culture, ni encyclopédique, ni spécialisée, ni érudite, ni originale, est tout
simplement celle qui permet au citoyen (et a fortiori au fonctionnaire) de
comprendre le monde dans lequel il vit et agit.
Sans contenu spécifique, acquise lors de vos études dans l’enseignement
secondaire et universitaire, enrichie par votre curiosité personnelle, la
culture que vous devez mobiliser dans votre copie se situe au confluent
de diverses connaissances :
– l’actualité, conçue au sens extensif du terme (les informations impor-
tantes des dernières années, les grands débats et les commentaires qu’ils
ont suscités) ;
– l’histoire (notamment l’histoire de France et celle des idées politiques) ;
– les sciences humaines que sont (outre l’histoire) la géographie, la philo-
sophie (notamment la philosophie politique), la sociologie, la psychologie
sociale, l’anthropologie ;
– les arts, dont on peut tirer exemples et arguments puisque les artistes
sont inscrits dans la cité et que les œuvres artistiques sont, directement
ou indirectement, d’excellents révélateurs d’une société donnée ;
– l’économie ;
– le droit.
Cette culture générale est utile à la réflexion sur les problèmes politiques et
sociaux, sur des questions culturelles, éthiques et morales de notre époque.
Elle n’a pas à traiter de problèmes individuels mais de problèmes collectifs,
mettant en jeu le fonctionnement et le devenir des sociétés. Elle fournit
l’« intelligence généraliste » qui rend à même tout fonctionnaire, ou futur
fonctionnaire, de prendre le recul nécessaire lorsqu’il est confronté à des
questions d’intérêt général. Ainsi, comme le rappelle la lettre de cadrage
du concours externe d’administrateur territorial, l’épreuve de composition
« a pour objet de vérifier l’intégration du candidat dans son environnement

social et contemporain. Ce n’est pas en cela une pure épreuve d’érudition,
mais une épreuve ayant pour objectif de vérifier si le candidat, en tant que
futur cadre de direction, est bien en prise avec le monde contemporain. De sa
connaissance et sa compréhension de ce monde dépend en effet une grande
partie de sa capacité à “aider à la décision” ».
 Exercice 2
En exploitant l’un après l’autre chacun des domaines cités ci-dessus (actualité,
histoire, sciences humaines, etc.), trouvez des faits et des idées susceptibles de
vous permettre de répondre (de façon contradictoire) à la question suivante : « La
culture doit-elle être gratuite ? » Puis élaborez un plan détaillé.
2. Une « culture administrative »

La dimension administrative de la culture générale est a fortiori indispen-
sable pour traiter les sujets focalisés sur des problématiques inhérentes
aux politiques publiques. Face à ce type de sujet, vous devez montrer au
jury que les grandes orientations des politiques publiques ne vous sont pas
inconnues, que vous vous intéressez à leurs enjeux et que vous n’ignorez
rien des défis qui se posent aux pouvoirs publics dans leurs domaines
d’activité. Un candidat bien préparé doit étayer son propos en mobilisant
le cas échéant des données relatives à l’organisation, au fonctionnement
et aux compétences des pouvoirs publics sur les plans national et local,
voire faire état des connaissances relatives au champ professionnel auquel
le concours postulé donne accès.
Mais, rassurez-vous, cette culture administrative ne suppose pas la maî-
trise d’un savoir technique ni de connaissances approfondies. L’épreuve
de composition n’est pas un exercice de contrôle de connaissances mais
une réflexion argumentée et étayée par des connaissances générales, y
compris administratives.
À titre indicatif, nous pouvons citer les domaines de connaissances
suivants :
– les traits généraux de l’organisation politique et administrative de la
France ;

– les grandes lignes de l’administration de l’État sur les plans national
et local ;
– les principaux caractères de l’organisation des collectivités territoriales
et des établissements publics ;
– les grands axes des interventions publiques dans les domaines écono-
mique, social et culturel ;
– les contraintes auxquelles est assujettie l’action publique (organisation-
nelles, juridiques, humaines, budgétaires) ;
– les problématiques actuelles liées aux politiques publiques de l’État, en
particulier celles de l’administration postulée ;
– les problématiques liées aux politiques territoriales, surtout si vous êtes
candidat à un concours de la fonction publique territoriale ;
– les problématiques liées aux politiques hospitalières et de santé, notam-
ment si vous êtes candidat à un concours hospitalier.
 Exercice 3
Afin d’analyser le sujet « En quoi le cadre local est-il devenu un support privilé-
gié de l’action publique ? », vous ferez appel à des connaissances issues de votre
« culture administrative ».
3. Un regard sur les grandes

évolutions
Quelle que soit leur formulation (et quels que soient les concours concer-
nés), les intitulés des épreuves de culture générale vont tous dans le même
sens : ce n’est pas l’instant T qui doit intéresser le rédacteur de la copie,
mais les évolutions – celles qui sont à l’œuvre dans le monde en général et
dans notre pays en particulier, dont il faut cerner l’origine en remontant le
cours du temps, et essayer de comprendre à quoi elles pourraient aboutir
dans un avenir plus ou moins proche.
Et même si la tendance à la professionnalisation des concours adminis-
tratifs met plus que jamais l’accent sur le présent, le passé ne peut être
ignoré puisque c’est en fonction de lui que s’apprécient l’existence et la

nature des évolutions actuelles. Parce qu’elle a vocation à éclairer le pré-
sent et, modestement, à faire un peu de prospective, la culture générale
ne peut ignorer la perspective temporelle : tandis que le présent ne peut
se comprendre qu’à la lumière du passé, les véritables enjeux du présent
sont à chercher dans le futur : ne dit-on pas, comme Émile de Girardin,
que « gouverner, c’est prévoir » ?
Cela dit, une composition de culture générale ne doit en aucun cas se
transformer en une composition d’histoire et il faut se garder de toute
confusion : l’actualité des problèmes doit rester au cœur de votre réflexion.
Si le passé est invoqué, analysé, c’est uniquement dans la mesure où il
éclaire le présent. L’évocation du passé joue un rôle important au cours
de l’analyse, mais elle ne doit évidemment pas envahir la copie. C’est ainsi
qu’un président de jury note dans son rapport : « Lorsqu’un sujet se focalise
sur l’actualité, il est inutile de rédiger deux pages d’historique, comme cela
a été le cas dans de nombreuses copies. »
Le passé n’ayant d’autre fonction que d’expliquer en quoi notre modernité
se situe tantôt dans une continuité, tantôt dans une rupture, ce sont les
sujets eux-mêmes qui imposent de remonter plus ou moins loin dans le
temps : alors qu’un sujet sur la religion peut justifier un bref rappel de ce
qui s’est produit à la Renaissance (Réforme et guerres de religion) et qu’un
sujet sur la tolérance impose des références au xviiie siècle, un sujet sur
la biologie et les droits de l’homme peut se traiter sans remonter au-delà
du xxe siècle et un sujet sur l’autonomie des universités françaises n’exige
pas que l’on remonte avant 1968.
 Exercice 4
Si vous aviez comme sujet de composition « Les droits des femmes », comment
mèneriez-vous votre réflexion, votre argumentation, pour éviter de rédiger une
composition d’histoire ?

4. Une approche comparative
Il peut arriver que des intitulés prennent la peine de délimiter le cadre
de référence, à savoir la France. Mais la plupart des intitulés officiels
restent dans un flou commode, employant l’expression passe-partout de
« monde (contemporain) », d’autres évitant même toute référence à un
quelconque cadre spatiotemporel. En réalité, ce flou ou ce silence sont
éloquents : le cadre de référence est la France (ce qui va de soi, dans le
cadre des concours administratifs) et, à certains égards, il paraît superflu
de le préciser.
Mais, de même qu’on ne peut découvrir la spécificité du présent sans
l’appréhender à la lumière du passé, il est exclu d’envisager de réfléchir
sur la société française, ses institutions, sa culture, sans établir des com-
paraisons – au moins ponctuelles – avec d’autres pays, analogues (car
développés et démocratiques) ou différents.
C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre, par exemple, les
commentaires du jury de l’épreuve de dissertation de culture générale
au concours d’entrée 2009 de l’École nationale supérieure de Sécurité
sociale. Le sujet à traiter était : « “La pauvreté, où qu’elle existe, constitue
un danger pour la prospérité de tous”. Cette déclaration de Philadelphie
(déclaration concernant les buts et les objectifs de l’Organisation interna-
tionale du travail, 1944) vous paraît-elle toujours d’actualité ? » Dans son
rapport, le jury déplorait que « trop souvent, les candidats s’arrêtent sur les
points d’actualité sociale française (ici, en majorité le RSA) ».
Pour traiter les sujets dans toutes leurs dimensions et faire saisir la spé-
cificité du cas français, vous pourrez, selon les cas, comparer la France
à d’autres pays similaires (politiquement, socialement, culturellement,
économiquement…) ou, au contraire, très différents.
Ainsi est-il classique de juger les caractéristiques de la société française à la
lumière de la société américaine, « modèle » des nations occidentales. Mais
il faut aussi savoir établir des rapprochements avec d’autres pays proches
du nôtre à bien des égards, à commencer par ceux de l’Union européenne,
en n’oubliant pas que l’intégration européenne ne cesse de s’approfondir.
D’autant que cette intégration conduit les Européens à être plus attentifs
à ce qui les rapproche ou les distingue des autres peuples de l’Union.

Il est souvent pertinent aussi de chercher des éléments de comparaison
dans des pays politiquement, économiquement et socialement en pointe
(on songe ici au fameux « modèle social scandinave », à la lumière duquel
on peut juger le « modèle social français ») ou, à l’inverse, en retard. Ainsi,
l’exemple de la Chine, qui allie aujourd’hui à une économie ultralibérale
un modèle politique hérité du communisme totalitaire, est nécessairement
éclairant sur de nombreux sujets.
 Exercice 5
Afin de traiter le sujet « Démocratiser l’école : de quoi parle-t-on ? », quels rappro-
chements avec d’autres pays pourraient servir à la réflexion ?
5. Ce que vous devez connaître

➤➤ Il vous faut donc bien connaître l’organisation des institutions centrales
et des institutions locales en France, les moyens dont disposent l’État et
les collectivités territoriales, l’histoire de l’action de l’État ainsi que celle
des rapports qu’il entretient avec les pouvoirs régionaux, départementaux
ou locaux.
➤➤ Ilvous faut aussi acquérir une bonne connaissance des politiques
publiques 2 en France. À cet égard, nous vous renvoyons au site de La Docu-
mentation française vie-publique.fr, qui vous donne une vue d’ensemble
en trois grandes rubriques – « Actualités », « Repères » et « Ressources » –
comprenant chacune quatre sous-rubriques :
Actualités
– Brèves
– Dossiers d’actualité
– Panorama des lois
– FAQ citoyens
2. Voir Suzanne Maury (dir.), Les politiques publiques, La Documentation française, coll.
« FAC », 2e éd., septembre 2015.

Repères
– Découverte des institutions
– Dossiers de politique publique
– Évaluation des politiques publiques
– Chronologies de la vie publique
Ressources
– Rapports publics
– Discours publics
– Discours dans l’actualité
– Débats et consultations.
➤➤ Ilvous faut, enfin, avoir une vue d’ensemble des diverses conceptions
philosophiques et politiques de l’État, de manière à pouvoir traiter, selon
les cas, de l’État-Nation, de l’État jacobin ou décentralisé, de l’État plani-
ficateur, aménageur, opérateur, régulateur, stratège, de l’État-providence
ou de l’État « modeste ». C’est à cette seule condition que vous pourrez
comprendre et apprécier les politiques publiques, évoquer les missions
de l’État et de ses partenaires, les collectivités territoriales.
ÎÎ Remarque
On ne peut pas analyser les pouvoirs sans analyser les contre-pouvoirs. Même si la réflexion sur le rôle
de l’État et celui des collectivités territoriales est absolument fondamentale, vous devez traiter aussi des
autres formes de pouvoir à l’œuvre dans notre pays. Il vous revient ainsi de montrer comment le rôle de
l’État, ses devoirs, ses pouvoirs, ses prérogatives, ses limites, se définissent constamment par rapport à
ces autres acteurs relevant de la société civile que sont les partis politiques, les syndicats, les organisations
patronales, les associations, les mouvements de citoyens, les ONG, les intellectuels, les journalistes, etc.
De même, il convient de savoir différencier les trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire), de distinguer
entre l’État et les collectivités territoriales puisque ces différents pouvoirs se complètent mais se limitent
aussi les uns les autres.

Retenir l’essentiel
La culture dont vous avez besoin pour l’épreuve de composition suppose des connaissances générales en
sciences humaines et en science politique (notamment sur l’organisation des différents pouvoirs publics en
France) ainsi qu’un suivi régulier de l’actualité.
Quelle que soit leur formulation, les sujets à traiter sont nécessairement inspirés par la situation actuelle en
France, par l’état présent de notre société. Toutefois, ces sujets ne peuvent être pleinement cernés que par
des rapprochements avec un passé plus ou moins lointain ainsi qu’avec d’autres pays, d’autres sociétés.
Votre réflexion ne doit jamais être « gratuite » : il vous faut chercher à anticiper les évolutions futures et envi-
sager des solutions aux problèmes soulevés. Selon les sujets, cette posture intellectuelle vous conduira à
prendre en compte l’action (réalisée, possible, souhaitable…) de l’État, des pouvoirs publics, des collectivités
territoriales, de la société civile ou encore de la communauté internationale.

Corrigé des exercices du chapitre 1  Corrigé des exercices du chapitre 1
 Exercice 1
Si vous aviez à traiter le sujet « La fin de vie », comment le traiteriez-vous
en y intégrant des éléments liés à l’action publique ?
Afin d’y intégrer des éléments de l’action publique, l’énoncé du
sujet peut être reformulé de la façon suivante : « En quoi la fin de
vie concerne-t-elle les pouvoirs publics ? »
La fin de vie est un épisode de l’existence d’une personne qui ne
relève en principe que de sa vie privée. Mais l’approche de la fin
de vie change de nature lorsqu’on soulève la question du droit à
mourir dans la dignité. Un être humain a-t-il le droit de décider du
moment de sa mort ? A-t-il le droit de décider des conditions de sa
mort ? Ce double questionnement fait apparaître le sujet de la fin de
vie sous un angle différent, intéressant les pouvoirs publics, voire
leur intervention. Ainsi, la décision de mettre fin à ses jours d’une
personne souffrant d’une maladie incurable, d’un lourd handicap ou
en phase terminale n’est pas neutre aux yeux de l’État.
Une série de constatations vont nous permettre de cerner la place
de l’action publique face à la problématique de la fin de vie.
– La fin de vie est une question limite où se mêlent confusément des
considérations juridiques, philosophiques, médicales et politiques
qui se cristallisent autour de la notion d’euthanasie – définie comme
l’acte ou l’omission dont l’intention première vise la mort d’un malade
pour supprimer sa douleur. Pendant longtemps, l’État est intervenu
en régulant la fin de vie dans une optique de droit pénal, par le biais
d’interdictions et de sanctions pénales. L’euthanasie est réprimée en
tant qu’infraction pénale classifiée sous des formes diverses selon les
moyens utilisés : aide au suicide, empoisonnement, administration
de substances illicites, non-assistance à personne en danger, etc.
– La revendication d’un droit à « mourir dans la dignité » a interpellé
les pouvoirs publics, y compris les plus hautes autorités de l’État. À
ce propos, on se souvient de la démarche de Vincent Humbert, jeune
homme devenu tétraplégique, aveugle et muet à la suite d’un accident
de la route : en 2002, il a adressé une requête au président Jacques

Chirac lui demandant le droit à mourir pour abréger ses souffrances
Corrigé des exercices du chapitre 1

et celles de ses proches. Aussi la justice, appelée à se prononcer
sur des cas d’euthanasie (administration de produits létaux à des
malades en fin de vie), a parfois déclaré des non-lieux ou des peines
de principe, ce qui peut être interprété comme un appel du juge au
législateur afin qu’il débatte d’une réforme des règles en vigueur.
– Quelle est l’attitude des pouvoirs publics ? L’État ne peut pas rester
indifférent à la fin de vie, d’autant qu’elle est de plus en plus médicale
et hospitalière – en France, 60 % des décès ont lieu en milieu hospitalier.
Le législateur a ainsi été amené à réguler l’accompagnement de la fin de
vie : une loi du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti », autorise, à la demande
du patient, l’arrêt des traitements ou le rejet de l’acharnement thérapeu-
tique (refus de l’« obstination déraisonnable »). Mais la démarche active
de donner ou de faciliter la mort – l’euthanasie active – reste interdite.
Cependant, le dispositif législatif de 2005 a fait l’objet d’interprétations
divergentes, comme le montre le cas de Vincent Lambert, plongé dans
un état de conscience minimal depuis un accident de la route. Son
maintien en vie a été au centre d’un long contentieux devant la justice :
alors que le Conseil d’État avait autorisé, en juin 2014, l’arrêt de son
alimentation, la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par
des membres de la famille opposés à l’arrêt du conseil d’État, a décidé
en janvier 2015 son maintien en vie en tant que mesure conservatoire
d’urgence en attendant que la Cour se prononce sur le fond de l’affaire.
Or, en juin 2015, la Cour a validé l’arrêt de l’alimentation prononcé par
le Conseil d’État, en estimant qu’il n’était pas contraire à la Convention
européenne des droits de l’homme.
Les pouvoirs publics ont renforcé la politique des soins palliatifs.
Ces soins constituent un maillon essentiel pour garantir les droits
des malades en fin de vie, car l’éventuel arrêt des traitements ne
saurait être confondu avec la suspension des soins.
Enfin, les plus hautes autorités de l’État restent très sensibilisées au
problème de l’accompagnement en fin de vie, comme en témoigne
la création par le président François Hollande, en juillet 2012, d’une
Mission présidentielle de réflexion sur la fin de vie. Dans son rapport,
remis en décembre 2012, la Mission constate les difficultés et les
retards dans l’organisation de la prise en charge de la fin de vie et elle
préconise de mieux prendre en compte la volonté exprimée par les

Corrigé des exercices du chapitre 1 patients. Dans la même optique, au cours du premier semestre 2015,
le Parlement a débattu d’une proposition de loi qui, tout en refusant
une aide active à mourir, prévoit une « sédation profonde et continue »
pour les malades en fin de vie ou maintenus artificiellement en vie.
Ce même texte précise que les directives anticipées dans lesquelles
chacun peut stipuler son refus d’un acharnement thérapeutique en
cas de maladie grave seront contraignantes pour les médecins, alors
qu’elles n’étaient qu’indicatives jusqu’à présent. Cette démarche
législative montre que les pouvoirs publics continuent à s’interroger
sur les choix qu’ils doivent proposer aux personnes en fin de vie, à
leurs familles et aux soignants.
 Exercice 2
En exploitant, l’un après l’autre, chacun des domaines cités ci-dessus
(actualité, histoire, sciences humaines, etc.), trouvez des faits et des idées
susceptibles de vous permettre de répondre (de façon contradictoire) à la
question suivante : « La culture doit-elle être gratuite ? » Puis élaborez un
plan détaillé.
La recherche
– Premier domaine : l’actualité. La gratuité de l’accès à la culture
fait l’objet d’un débat récurrent en France. Ce sujet apparaît toujours
d’actualité notamment en raison de l’émergence de deux nouveaux
paramètres :
• le progrès technologique, qui a placé le débat sur la gratuité sous
un jour nouveau. En effet, l’idée d’une culture gratuite a été confortée
par le développement de la culture en ligne, qui favorise l’offre de
biens culturels gratuits : la dématérialisation permet de télécharger
des contenus – musique, films, livres – directement sur le Net, sans
passer par des intermédiaires culturels tels que les libraires ou les
magasins spécialisés. Mais la gratuité de la culture en ligne semble
illusoire car les utilisateurs des moteurs de recherche et des réseaux
sociaux paient subrepticement ces services en leur fournissant des
données personnelles et des contenus ;
• les contraintes budgétaires : en imposant des restrictions au finan-
cement public dans le domaine culturel, elles jouent en défaveur
d’un modèle culturel gratuit. Depuis quelques années, le budget du

ministère de la Culture diminue, tandis que la réduction des dotations

financières de l’État aux collectivités territoriales laisse présager des
coupes dans leurs aides et subventions aux manifestations cultu-
relles. Il faut rappeler à ce propos que, même si le rôle de l’État est
considérable, la part des collectivités (communes, départements,
régions) dans le financement public de la culture s’est fortement
accrue, jusqu’à en représenter près de 60 % aujourd’hui.
– Deuxième domaine : l’histoire. La problématique de la culture
gratuite s’inscrit dans une séquence historique axée sur la démocra-
tisation de la culture, visant à ce que tout un chacun puisse accéder
à la connaissance et au patrimoine culturel. En France, le principe de
la gratuité prend racine dans l’héritage des Lumières, qui a légué une
certaine idée de l’éducation démocratique et de l’accès des citoyens
au savoir. Ainsi, c’est dans le domaine de l’accès à la connaissance
que la gratuité s’est d’abord imposée, avec les lois Jules Ferry de
1881-1882, qui ont rendu l’enseignement primaire gratuit et obligatoire.
Mais l’institution scolaire n’étant pas la seule voie d’accès à la culture,
le débat sur la gratuité s’est aussi focalisé sur l’accès aux œuvres
d’art en estimant que, comme la connaissance, la beauté doit être
accessible à tous sans entraves. Rappelons que le programme du
Conseil national de la Résistance, en 1944, prévoyait « la possibilité
effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et
d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation
de fortune de leurs parents ». Le préambule de la Constitution de
1946, auquel se réfère celui de 1958, reconnaît également le droit à
la culture : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte
à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture » ; cela lui
confère aujourd’hui une valeur constitutionnelle (voir la décision
du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 relative à la valeur juri-
dique du préambule constitutionnel). D’ailleurs, le droit à la culture
fait partie des droits-créances, lesquels impliquent non pas une
abstention des pouvoirs publics, mais une action positive destinée
à rendre ces droits effectifs. C’est ainsi qu’André Malraux comparait
les missions du ministère des Affaires culturelles – créé en 1959 – à
celles de l’Éducation, en précisant : « Il faut bien admettre qu’un jour,
on aura fait pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l’instruction :

Corrigé des exercices du chapitre 1 la culture sera gratuite » 3. Dans cette optique, il avait créé en 1961
les maisons de la culture, qui avaient pour objectif d’élargir l’accès
de la culture au plus grand nombre de citoyens, issus notamment
des classes populaires. Toutefois, cette démarche n’avait pas connu
un grand succès puisque seules sept maisons avaient été ouvertes.
– Troisième domaine : les sciences humaines. Dans une approche
sociologique, la gratuité n’est qu’un moyen d’étendre l’accès de la
culture à des publics plus diversifiés afin de ne pas laisser se creuser
un fossé culturel entre ceux qui accèdent aisément à la culture et ceux
au devant desquels elle doit aller. Néanmoins, l’impact de la gratuité
sur le processus de démocratisation est tempéré par des pesanteurs
sociales – environnement familial, origines sociales – qui peuvent
jouer en défaveur de la consommation des produits culturels.
Par ailleurs, la prégnance des clivages sociaux dans la fréquentation
des équipements culturels montre que la gratuité n’est pas toujours
synonyme d’équité. En effet, bien que destinée en principe à tous, la
gratuité favorise paradoxalement, dans la pratique, un public nanti
qui fréquente fidèlement et de façon récurrente les équipements
culturels comme les musées et les monuments historiques. Ainsi, en
2012, le musée du Louvre a supprimé la gratuité le premier dimanche
de chaque mois en haute saison après avoir constaté que, loin d’atti-
rer un nouveau public, elle bénéficiait surtout aux touristes et aux
visiteurs réguliers.
– Quatrième domaine : l’économie. Le modèle idéal d’une culture
à l’abri de toute considération économique ne correspond pas à
la réalité. La notion de gratuité n’existe pas en économie car tout
bien ou service, y compris culturel, a un coût économique qu’il faut
financer – coût de la création, de la production et de la distribution.
Par ailleurs, le secteur culturel s’inscrit dans une économie de mar-
ché, fondée sur la loi de l’offre et de la demande, qui fixe les prix
des biens et services dans un contexte concurrentiel où la gratuité
reste une exception.
3. Discours à l’Assemblée nationale, 9 novembre 1967.

Il reste à définir par ailleurs les modalités de financement des pro-

duits culturels. Qui doit en assumer la charge ? Les pouvoirs publics
ont un choix politique à effectuer en décidant soit de faire peser la
charge du financement sur l’usager qui consomme le bien culturel
– dans ce cas, l’accès à la culture est payant sous forme d’un prix,
d’un tarif ou d’un abonnement –, soit de grever la collectivité via
l’impôt – la prestation culturelle est alors gratuite pour l’usager du
service mais son coût est pris en charge par le contribuable.
– Cinquième domaine : les politiques publiques. Les pouvoirs
publics ont pris des mesures pour répondre aux revendications
prônant la gratuité d’accès aux produits et institutions culturels,
notamment aux musées et aux monuments historiques. Or, à la diffé-
rence d’autres pays tels que la Grande-Bretagne, où tous les musées
et galeries d’art nationaux sont gratuits, la France n’a retenu au
plan national qu’une gratuité partielle, réservée à des catégories
de la population que l’on souhaite sensibiliser davantage, en par-
ticulier les jeunes. Ainsi, depuis avril 2009, l’accès aux monuments
nationaux et aux collections permanentes des musées est gratuit
pour les moins de 26 ans ressortissants de l’un des pays membres
de l’Union européenne.
En outre, l’État entend protéger la création artistique d’éventuels
effets pervers de la gratuité. C’est ainsi que la protection des œuvres
de l’esprit s’inspire de deux systèmes possibles : les droits d’auteur
et le copyright. Le premier, appliqué en France, protège la création
culturelle en reconnaissant aux auteurs (personnes physiques) des
droits patrimoniaux et moraux sur leur œuvre, ce qui leur permet de
percevoir une rémunération en contrepartie de l’utilisation de leur
œuvre par des tiers. En revanche, dans le système du copyright, qui
s’applique en particulier dans les pays anglo-saxons, les personnes
morales telles que les éditeurs ou les producteurs peuvent aussi
être considérées comme des auteurs.
Cependant, la philosophie qui sous-tend le dispositif des droits
d’auteur est aujourd’hui mise en question par les nouvelles tech-
nologies ; leur impact a en effet contribué à instituer un système
de piratage grâce à la généralisation d’internet, associée à l’émer-
gence des logiciels de peer-to-peer (P2P), qui permettent le partage

Corrigé des exercices du chapitre 1 de fichiers entre internautes. C’est pourquoi le législateur a adopté
en 2009 une réglementation (lois HADOPI 4) visant à protéger les
droits des auteurs et des créateurs artistiques. Cependant, le volet
de sanctions établi par la loi a fait l’objet de vives critiques de la
part des internautes, qui ont considéré la méthode de la « réponse
graduée » – courriels d’avertissement adressés par un juge avant
coupure de la connexion internet aux internautes qui enfreindraient
la loi – comme injuste et inefficace.
Proposition de plan
Partie I. La gratuité s’inscrit dans une logique de démocratisation
de la culture
a) Argument politique de l’accès de tous à la culture ;
b) la gratuité a pour objectif d’étendre la diffusion des produits
culturels à un public plus large, notamment aux milieux défavorisés ;
c) l’accès à la culture en ligne a modifié les modes de consommation
culturelle en confortant l’idée d’une culture gratuite ;
d) l’image d’une culture gratuite fournie par internet est illusoire,
car les utilisateurs des moteurs de recherche et des réseaux sociaux
paient subrepticement ces services en leur fournissant des données
personnelles et des contenus ;
e) néanmoins, l’impact de la gratuité sur le processus de démo-
cratisation est tempéré par des pesanteurs sociales qui jouent en
défaveur de la consommation de produits culturels dans les milieux
défavorisés (environnement familial, statut social, etc.).
Partie II. Pourtant, la généralisation de la gratuité ne serait pas
dépourvue d’effets pervers
a) Les produits culturels ont un coût à financer aussi bien dans
le domaine de la création que dans celui de la production et de la
diffusion ;
4. HADOPI : Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des
droits sur internet.

b) la charge du coût des prestations culturelles incombe à l’usager

(tarification des prestations culturelles) ou à la collectivité (impôt) ;
c) les droits des créateurs doivent être protégés (droits d’auteur) ;
d) l’irruption d’internet a favorisé l’émergence des pratiques de pira-
tage, contre lesquelles les pouvoirs publics ont réagi (lois HADOPI
de 2009) ;
e) les modalités des lois HADOPI ont été critiquées par des inter-
nautes, qui ont jugé la méthode de la « réponse graduée » injuste et
inefficace.
En guise de conclusion, nous pouvons rappeler que, bien qu’ins-
crite dans une logique de démocratisation de la culture, la gratuité
demeure un outil très sensible qu’il faut manier avec prudence et
adapter à chaque secteur ou équipement culturel. Désormais, au-
delà du débat sur le caractère payant ou non de l’accès à la culture,
l’enjeu essentiel de la politique culturelle est d’accroître la qualité
des biens et services diffusés au plus grand nombre.
 Exercice 3
Afin d’analyser le sujet « En quoi le cadre local est-il devenu un support
privilégié de l’action publique ? », vous ferez appel à des connaissances
issues de votre « culture administrative ».
Bien que le niveau local ne puisse être pensé indépendamment de
l’échelon national et international, il peut être un levier essentiel
d’initiatives d’action publique et un cadre d’élaboration et de mise
en œuvre des politiques publiques. Nous pouvons avancer plusieurs
arguments en appui de ce point de vue.
1) Le cadre local est d’abord un cadre de démocratie adapté au déve-
loppement des techniques de gestion participative. Or le passage
d’un État centralisateur à un État animateur nécessite de s’appuyer
sur une participation des citoyens afin de préserver la légitimité
démocratique de l’action publique. Ainsi, la décentralisation rap-
proche le niveau de la décision du niveau de l’action et assure une
plus grande territorialisation des décisions.

Corrigé des exercices du chapitre 1 2) Certaines politiques publiques nationales ont un ancrage local.
Il en est ainsi de la politique de la ville, dont la mise en œuvre est
territorialisée. Une telle orientation se retrouve aujourd’hui dans les
quartiers prioritaires, qui ont remplacé depuis le 1er janvier 2015 les
anciens contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) et les zones
urbaines sensibles (ZUS).
3) Le territoire (région, département, commune) est le cadre où
se déclinent des politiques nationales conçues à l’échelon central
(logement, santé, éducation, etc.). Ces politiques sont gérées soit par
des services déconcentrés de l’État, soit par des collectivités locales.
À cet égard, l’État peut désigner la collectivité la mieux à même de
participer à la mise en œuvre d’une politique nationale en fonction
de ses compétences et de sa capacité d’expertise ; par exemple, le
savoir-faire du département en matière sanitaire et sociale a conduit
l’État à lui confier la gestion du revenu minimum d’insertion (RMI)
puis du revenu de solidarité active (RSA) et de la lutte contre le sida.
En 2013, les dépenses nettes d’aide sociale des conseils généraux se
sont élevées à 33,9 milliards d’euros, dont 32,1 milliards en France
métropolitaine, soit une hausse de 2 % par rapport à 2012 et de près
de 10 % depuis 2009 5.
4) Le cadre local fournit des référentiels à la définition et à l’applica-
tion des politiques publiques : par exemple, le bassin d’emploi pour
une politique de formation, le bassin hydrologique pour la politique
de l’eau, les zones sensibles pour les politiques de l’environnement,
les zones d’éducation prioritaire et les réseaux d’éducation prioritaire
pour la réduction des inégalités dans le système éducatif.
5) Le cadre local remplit l’exigence de proximité, qui est devenue
un critère de bonne gouvernance : l’appréhension directe des pro-
blèmes de terrain, diagnostiqués au plus près des attentes et des
besoins de la population, légitime une action publique plus juste
et plus efficace. En ce sens, l’idée de proximité est à la base des
réformes de déconcentration et de décentralisation menées depuis
5. Source : « Les dépenses d’aide sociale départementale en 2013 : une croissance
largement soutenue par le RSA », Études et résultats, no 905, février 2015.

les années 1980, y compris les dernières réformes de l’administration

territoriale de l’État (directions départementales interministérielles,
directions régionales).
6) Le cadre local est le support des politiques publiques locales
conçues comme des politiques d’un territoire, bâties à partir d’enjeux
et de compétences locaux, sous l’impulsion et la responsabilité des
collectivités territoriales ou d’entités les regroupant. Des pans entiers
de l’action publique sont devenus des domaines d’intervention des
acteurs locaux : par exemple, une politique régionale de l’aide à
l’innovation ou du développement touristique, une politique dépar-
tementale d’accueil des personnes âgées, une politique intercom-
munale de gestion des déchets, une politique municipale sportive,
culturelle ou éducative.
En conclusion, le local est de plus en plus un « territoire de projet »,
le lieu d’où émergent des projets de développement (économique,
aménagement de l’espace, politique des transports) ou d’appui
aux personnes (services de proximité, aide sociale, lutte contre
l’exclusion).
 Exercice 4
Si vous aviez comme sujet de composition « Les droits des femmes »,
comment mèneriez-vous votre réflexion, votre argumentation, pour éviter
de rédiger une composition d’histoire ?
La réponse est simple : en évitant l’exposé (qui dégénérerait iné-
vitablement en exposé historique) et en choisissant résolument
d’argumenter.
Le thème (« Les droits des femmes ») doit donc devenir problème (par
exemple : « Sans même évoquer le cas des femmes qui, dans de nom-
breux pays, sont privées de leurs droits élémentaires pour des raisons
culturelles ou religieuses, les femmes vivant dans des démocraties
modernes ont-elles encore des droits à conquérir pour être les égales
des hommes ? ») et la composition doit s’employer à défendre une
thèse. Par exemple, celle-ci, peu originale mais facile à argumenter :
« Si les femmes des pays démocratiques modernes ont, en théorie,
acquis les droits qui leur permettent d’être et de se sentir les égales

Corrigé des exercices du chapitre 1 des hommes (I), en pratique il reste beaucoup à faire et les réalités
socioculturelles peuvent aller jusqu’à abolir les progrès du droit (II). »
Si, de cette manière, on conçoit la composition sur le mode de la
« démonstration » et non de l’exposé gratuit, les références histo-
riques ne seront appelées qu’en appui de l’argumentation et, au
lieu d’obéir à un ordre chronologique, relèveront de la logique du
raisonnement.
Ainsi, la première partie pourrait rappeler trois dates récentes impor-
tantes – 1975 : loi Veil légalisant l’interruption volontaire de grossesse
(IVG) ; 2000 : loi modifiant le Code électoral pour les élections munici-
pales et régionales et obligeant les formations politiques à présenter,
dans les communes de plus de 3 500 habitants, autant de femmes que
d’hommes sur leurs listes, et, depuis 2015, à présenter des candida-
tures binominales composées d’une femme et d’un homme lors des
élections départementales ; 2004 : loi encadrant « le port de signes ou de
tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges
et lycées publics », appelée parfois « loi sur le voile islamique ». Puis, en
seconde partie, on pourrait établir (entre autres) un rapprochement
entre les difficultés rencontrées aujourd’hui par les jeunes filles et les
femmes des « cités » pour s’habiller comme elles le souhaitent (voir
le combat de l’association « Ni putes ni soumises » sur le port de la
jupe) et le combat mené par Molière, au xviie siècle (dans Tartuffe,
par exemple), contre l’Église catholique, qui entendait empêcher en
particulier « l’immodestie des toilettes féminines » et l’émancipation
des femmes en général.
 Exercice 5
Afin de traiter le sujet « Démocratiser l’école : de quoi parle-t-on ? », quels
rapprochements avec d’autres pays pourraient servir à la réflexion ?
Le sujet posé soulève une double interrogation : comment appréhen-
der et saisir le sens du verbe « démocratiser » ? Et à partir de quels
critères évaluer la démocratisation de l’école ?
« Démocratiser » signifie ouvrir l’école à tous. Depuis 1945, l’école
accueille un nombre croissant d’élèves aux profils scolaires et socio-
logiques toujours plus diversifiés. Ainsi, la France, comme l’ensemble
des pays développés, a fait le choix d’une scolarisation de masse dont

la séquence historique est bien connue : gratuité de l’enseignement

primaire dès la fin du xixe siècle (lois Ferry de 1881-1882), gratuité de
l’enseignement secondaire en 1933, unification du second cycle avec
les collèges d’enseignement secondaire (1963) et le collège unique
(1975), puis fixation de l’objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge
au niveau du baccalauréat (1989). Ainsi, la proportion de bacheliers
sur une génération est passée de 3 % en 1945 à 25 % en 1975, pour
atteindre 77,3 % en 2014. Pourtant, bien des pays font mieux que la
France en matière de certification du secondaire. Même s’il est diffi-
cile d’établir des comparaisons européennes du fait de la disparité
des systèmes scolaires, certains pays ont dépassé le pourcentage de
80 %, notamment l’Allemagne, bien que ce pays, à la différence de la
France, bénéficie d’un enseignement professionnel fort après le niveau
scolaire correspondant au collège français.
L’ouverture de l’enseignement à tous s’est opérée grâce à un effort
financier significatif. En 2011, la dépense en éducation représen-
tait 6,1 % du PIB, ce qui place la France dans la moyenne des pays
développés membres de l’OCDE 6. Le budget consacré à l’éducation
nationale atteint 66,3 milliards d’euros en 2015, redevenant ainsi le
premier poste du budget de l’État, devant celui du financement de
la dette. Mais la France se distingue des autres pays développés
par un « déséquilibre » dans la répartition de ses dépenses d’éduca-
tion entre le primaire et le secondaire : les dépenses par élève du
secondaire sont 20 % plus élevées en France que dans la moyenne
des pays de l’OCDE, tandis que les dépenses par élève du primaire
sont inférieures de 20 % à la moyenne de l’OCDE. Il faut remarquer
que ces chiffres datent de 2011, donc avant que le gouvernement
n’affiche la priorité au primaire comme un axe majeur de la loi de
juillet 2013 « pour la refondation de l’école ».
Mais l’école ouverte à tous est-elle obligatoirement démocratique ?
Force est d’admettre que si démocratiser suppose la nécessité
d’assurer la réussite de tous les jeunes scolarisés, le maintien des
inégalités sociales devant l’école reflète un état de démocratisation
inaboutie. En France, l’origine sociale demeure en effet un détermi-
6. Organisation de coopération et de développement économiques.

Corrigé des exercices du chapitre 1 nant essentiel de la réussite scolaire (voir les analyses critiques de
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron concernant le rôle de l’école
dans la reproduction des inégalités sociales 7).
Par ailleurs, qu’il s’agisse de sortie précoce du système scolaire ou
de choix de filière, le statut social des parents reste un facteur déter-
minant de la réussite scolaire des enfants. Ainsi, en matière d’équité
scolaire, lors de la dernière enquête internationale PISA 8 (2012), la
France figurait au 27e rang des 34 pays de l’OCDE, tandis qu’au sein
de l’Union européenne, le système éducatif français occupe une
place intermédiaire en ce qui concerne les inégalités préexistantes
à l’école et la capacité de la France à les réduire. La Suède, l’Irlande,
le Danemark et la Finlande présentent les systèmes éducatifs les plus
équitables, alors que la Belgique, l’Italie et la Grèce enregistrent les
plus fortes inégalités.
De même, l’école française affiche des performances relativement
moyennes lorsqu’on les compare à celles obtenues dans les autres
pays industrialisés. Ainsi, la France a été classée au 15 e rang sur
les 34 pays de l’OCDE pour la culture de l’écrit, au 10e rang pour la
culture mathématique et au 12e pour la culture scientifique. En outre,
l’école ne parvient plus à faire diminuer le nombre de sorties sans
qualification du système scolaire – environ 140 000 jeunes sortent
chaque année du système éducatif sans avoir obtenu le baccalauréat
ou un diplôme professionnel.
En conclusion, si la démocratisation de l’école demeure au centre de
la politique éducative, des interrogations subsistent sur la capacité
du système éducatif à assurer les missions qui lui sont assignées
pour permettre à chaque élève de s’intégrer dans la société et pour
réduire ainsi les inégalités face à la réussite scolaire.
7. P. Bourdieu et J.-C. Passeron, Les héritiers, Éditions de Minuit, 1964 et La repro-

duction, même éditeur, 1970.
8. PISA : Program for International Student Assessment (en français : Programme
international pour le suivi des acquis des élèves).

Chapitre 2
Les enjeux de
la composition
1. Un questionnement personnel
Quels que soient les concours, les textes officiels définissant l’épreuve de
composition sur un sujet d’ordre général insistent tous sur le même aspect :
l’objectif n’est pas de restituer platement des connaissances et de réciter un
cours, il est de prouver qu’on est apte au « questionnement ». Autrement
dit, que l’on est capable de penser par soi-même, de faire preuve d’esprit
critique et de se distinguer des autres, sans chercher pour autant à le faire.
Nous pouvons illustrer ce propos à l’aide de cet extrait du rapport 2008
du jury du concours interne d’accès à l’ENA :
« Le sujet était ainsi libellé : Avec bientôt deux siècles de recul, que pensez-
vous de la citation de Jules Michelet (1831) : “Avec le monde a commencé
une guerre qui doit finir avec le monde, et pas avant : celle de l’homme
contre la nature” ? Les bonnes copies sont celles qui ont traité le sujet et qui
ont montré des connaissances philosophiques, historiques, scientifiques ou/
et artistiques étayant une réflexion plus ou moins poussée. L’originalité de
la pensée a été récompensée. »
Outre que le jury commence par rappeler une évidence, à savoir qu’une
copie ne peut être bonne que si elle traite le sujet, il insiste sur le fait que les
connaissances requises sont là uniquement pour servir la réflexion person-
nelle. Réflexion qui, à son tour, ne peut exister qu’à condition d’échapper
au prêt-à-penser et aux clichés. Voilà pourquoi réfléchir sur un sujet de

composition revient d’abord à penser contre soi-même. Sans pour autant,
évidemment, croire qu’on a « pensé » parce qu’on prend le contre-pied
de ce qui est communément admis : l’originalité de la copie doit être la
résultante d’une pensée approfondie et argumentée, et non un but en soi.
2. Un regard aussi objectif

que possible
Le traitement du sujet doit conduire le candidat à exprimer non pas une
opinion, mais un véritable jugement. En somme, tout candidat a un droit
et un devoir : le droit d’être libre de ses jugements à condition, toutefois,
de s’être acquitté préalablement d’un devoir, celui d’avoir surmonté sa
subjectivité.
Il faut reconnaître que l’approche objective du sujet n’est pas toujours
aisée, d’autant que certains sujets semblent favoriser les prises de position
partisanes : par exemple, s’il est facile (presque trop) de prendre position
sur un sujet comme « Le civisme est-il une valeur dépassée ? », il n’en va pas
de même pour celui-ci : « Y a-t-il, actuellement, trop de fonctionnaires en
France ? » Dans le premier cas, il semble assez aisé de défendre l’idée que,
quoi qu’il en soit, le civisme n’est pas une valeur dépassée. En revanche,
dans le second cas, on sent bien que la pente est glissante et peut facilement
mener, y compris à son corps défendant, à une critique des gouvernants en
place. À ce sujet, il faut noter les mises en garde adressées aux candidats
par les jurys, en particulier celui du concours 2014 de l’EN3S, recomman-
dant de « faire attention à ne pas tenir des propos trop partisans » et d’éviter
de donner « des exemples ou des arguments caricaturaux et/ou polémiques
(sur le plan politique, par exemple, ou religieux) ».
Disons-le nettement : même si vous avez mobilisé le meilleur de vous-
même lors de la rédaction de votre composition, vous ne pourrez jamais
être sûr d’avoir exprimé un « véritable jugement » (comme l’attendent les
jurys) et non pas une « simple opinion » (ce qui est à la portée de tout le
monde). Néanmoins, vous aurez mis toutes les chances de votre côté si
vous avez eu le souci constant de faire primer l’argumentation sur la prise
de position, de penser avant de juger.

 Exercice 1
Comment traiteriez-vous le sujet « La rue est-elle un ennemi pour la démocratie ? »
de manière à ne pas être prisonnier d’une prise de position qui paraîtrait parti-
sane, pour « exprimer un véritable jugement » et non pas « une simple opinion » ?
(Voir corrigé pages 49-50).
Une célèbre citation de l’écrivain suisse Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)
nous aide à mieux comprendre ce que doit être la posture intellectuelle
de celui qui rédige une composition : « Qu’est-ce qu’un esprit cultivé ? C’est
celui qui peut regarder d’un grand nombre de points de vue. »
« Cerner » un problème (réfléchissez à la signification du verbe) revient à
rechercher les points de vue à partir desquels on peut observer ce pro-
blème et à retenir les plus significatifs d’entre eux.
Cet objectif peut paraître ambitieux, mais il semble déjà plus réaliste car
les points de vue à mobiliser peuvent être regroupés en deux familles
principales, elles-mêmes faciles à comprendre et à mémoriser : celle de
l’efficience et celle des valeurs. L’écrivain Jean-Paul Sartre a ainsi résumé
les deux types d’appréhension du monde que l’on doit trouver dans toute
composition : « Un jugement de fait porte sur ce qui est, un jugement de valeur
porte sur ce qui doit être. »
3. Un examen critique des valeurs

et des droits
Parfois de façon explicite, plus généralement de façon implicite, les pro-
blématiques proposées aux épreuves des concours le sont parce qu’elles
mettent en jeu la pérennité de nos valeurs fondamentales et la mise en
œuvre des droits progressivement établis.
Valeurs diverses qui, en théorie, visent toutes l’épanouissement individuel
et – plus encore – collectif des membres de la société, indépendamment
de leur sexe, de leur âge et de leur statut social. Valeurs multiples que la
République française a réunies dans la fameuse trilogie « Liberté, égalité,
fraternité », trois valeurs cardinales censées chapeauter toutes les autres.

Il est désormais traditionnel de répartir les droits de l’homme en trois
générations : les « droits-libertés », nés au xviiie siècle et sans lesquels aucune
vie démocratique n’est possible ; les « droits-créances », nés au xixe siècle
(1948 en France) et qui permettent le passage des droits formels aux droits
réels (droit de grève, droit au travail, à l’éducation, droit à la protection
contre les risques sociaux…) ; les « droits de la troisième génération », nés au
xxe siècle et qui, paradoxalement, envisagent l’homme de façon plus intime
(droits spécifiques aux femmes, droit à disposer de son propre corps, droit
à la différence…) et plus globale (droit à la paix, droit au développement,
droit à un environnement sain…).
L’émergence continue de ces derniers droits est source de conflits (car les
différents droits peuvent entrer en concurrence : ainsi en va-t-il du « droit
à l’égalité » et du « droit à la différence »). Et, sans évidemment remettre en
cause les droits fondamentaux garantis par la Constitution et par la Répu-
blique, vous pourrez être conduit à vous demander en quoi l’extension des
droits représente, certes, un progrès dans l’histoire de l’humanité, mais
aussi en quoi elle ne peut se poursuivre indéfiniment, et pourquoi il faut
veiller à hiérarchiser les droits et à permettre leur coexistence heureuse.
C’est dans cette perspective, par exemple, qu’avait été proposé le sujet
suivant à l’institut d’études politiques (IEP) de Paris, en 1993 : « L’idée de
droit à la vie a-t-elle un sens ? »
Plus subtilement encore, si vous voulez dépasser les lieux communs, il vous
faudra parfois savoir réfléchir sur le concept de « valeur », sur la légitimité
des valeurs (qui dépendent toujours d’une époque et d’une civilisation
données), sur leur hiérarchie et sur les conflits qui peuvent les opposer.
Exemples de sujet : « Peut-on tout dire sur internet ? » (Officier de police,
2011) ou « Le travail dans le système de valeurs contemporaines » (IRA, 1996).
Grâce à une bonne connaissance des idées politiques depuis le xviiie siècle,
vous devrez être ainsi capable de montrer comment, pour certains, la
liberté passe avant l’égalité ; comment, pour d’autres, le bonheur n’est pas
une valeur en soi ; comment faire du « respect » une valeur absolue peut
s’avérer pernicieux, etc.
Sachant que réfléchir sur la seule France revient aujourd’hui à réfléchir sur
un pays confronté à l’éclatement des valeurs (lié lui-même à la diversité
croissante des choix de vie, des opinions, des croyances et des itinéraires
individuels), vous imaginez sans peine à quels distinguos, à quelles mises

au point vous serez conduit quand vous réfléchirez au niveau européen
ou mondial. Sur des sujets comme l’identité, la citoyenneté, la laïcité, la
défense de l’environnement, la discrimination positive, le principe de pré-
caution, pour ne prendre que six exemples parmi une multitude, comment
ne pas montrer l’affrontement des valeurs aux niveaux national, européen
et international, même s’il faut, au bout du compte, prendre prudemment
position ?
Vous vous en sortirez par le haut, non pas en imposant vos préférences
intimes ou vos options politiques, mais en dévoilant la complexité des
choses, en montrant comment la mise en œuvre des valeurs les moins
discutables (par exemple, l’égalité des chances) peut s’avérer complexe,
difficile, etc. Vous aurez par ailleurs pris la précaution supplémentaire de
rappeler que l’intérêt commun n’est pas le même selon qu’on se situe,
là encore, au niveau local, régional, national, européen ou international :
la conférence de « Rio + 20 » sur le climat (qui s’est tenue en juin 2012) a
montré, jusqu’à l’absurde, l’impossibilité de déterminer ce qu’est l’intérêt
commun de l’humanité, alors même que sa survie est en jeu.
Oser être un citoyen (français, européen, du monde) éclairé et responsable
revient donc non pas à juger péremptoirement du mal et du bien, mais à
dévoiler la complexité du réel, à montrer que les motivations les plus
nobles peuvent se heurter à d’autres motivations non moins nobles, qu’il
existe souvent un fossé entre la théorie et la pratique, etc.
 Exercice 2
En réfléchissant au sujet suivant, « Une société inégalitaire peut-elle être juste ? »,
cherchez à comprendre en quoi la justice et l’égalité ne doivent pas être confon-
dues et en quoi l’une et l’autre sont nécessairement relatives à une société donnée.

4. Une logique de « démonstration »
Parce qu’elle naît d’un questionnement et donc de questions (elles-mêmes
dépendant d’une problématique précise), toute composition doit être
menée comme une « démonstration » argumentée aboutissant à des élé-
ments de réponse.
1. Que faut-il entendre par « démonstration » ?

Si nous utilisons le mot « démonstration » avec des guillemets, c’est qu’une
composition sur un sujet d’ordre général, même dense et riche en argu-
ments, n’a rien de comparable avec une démonstration mathématique. Il
faut être lucide et refuser cette représentation, chimérique et dangereuse.
Chimérique car il est impossible, dans une composition mobilisant à la
fois l’intelligence et le jugement éthique, de parvenir à une démonstration
irréfutable. Dangereuse parce que cette ambition finit par être encom-
brante : ainsi paraissent prétentieuses les copies qui abondent en formules
péremptoires telles que « Nous avons déjà fait le tour des trois raisons pour
lesquelles ce sociologue a tort d’affirmer… » ou « Puisque nous avons démontré
la réalité d’un retard démocratique, nous pouvons maintenant… »
De même, les copies saturées de mots de liaison sont pénibles à lire. Et
notamment de ceux qui marquent la cause – car, en effet, etc. – ou la consé-
quence – donc, ainsi, c’est pourquoi, par conséquent… S’il est légitime et
même indispensable d’employer des mots de liaison qui balisent le che-
minement intellectuel (voir chapitre 6, page 139), il est inutile de saturer
le développement d’articulations logiques.
Il ressort de ce qui précède qu’une argumentation discrète et consciente
de ses limites est plus efficace qu’une argumentation tonitruante.
Il convient, certes, d’imaginer un lecteur un peu réticent car cette réticence
donne un sens à la copie et un enjeu à la réflexion. Toutefois, fondamenta-
lement, le lecteur (et correcteur) n’est pas un adversaire ; il est un parte-
naire, sensible aux efforts d’argumentation mais sachant aussi se contenter
d’affirmations, lorsqu’elles ne constituent pas des lieux communs éculés
et qu’elles ne sont ni imprudentes ni péremptoires.

2. Des faits au service des idées
La force de l’argumentation (argumentation préparant une conclusion
nuancée mais ferme) tient, d’une part, aux arguments eux-mêmes et, d’autre
part, à l’organisation de ces mêmes arguments au sein d’un ensemble
cohérent et dynamique.
Nous reviendrons dans le chapitre 5 sur « l’art d’enchaîner des raisonnements
destinés à prouver ou à réfuter une proposition » (définition du mot « argu-
mentation » par Le Robert) mais, dès maintenant et dans la continuité du
chapitre précédent, nous insistons sur ceci : la composition doit concilier
sens des réalités et capacité d’abstraction ; les faits et les idées doivent
s’articuler entre eux et il n’est pas d’argumentation convaincante sans un
va-et-vient constant entre les analyses et les exemples. Sans exemples,
réduite aux seuls idées et jugements, la copie paraîtra au mieux brillante
mais désincarnée, au pire bavarde et fumeuse. Réduite aux seuls faits
objectifs, une dissertation devient inintéressante.
La copie idéale est celle qui présente des analyses, des thèses, des juge-
ments, mais qui, simultanément, s’enracine en permanence dans la réalité
sociologique, morale et politique de notre société passée et, surtout, pré-
sente. La bonne copie est celle qui sait tirer argument des faits comme des
analyses, et qui met constamment en rapport les idées et les exemples ;
l’exemple permet, d’une part, de vérifier la légitimité d’une affirmation géné-
rale et, d’autre part, de constituer une respiration dans le développement.
Une respiration, mais pas un temps mort ou un moment faible puisque
l’exemple est, en définitive, la preuve de la validité d’un raisonnement et
que c’est lui qui donne du « poids » et de la visibilité à la pensée.
Si l’on peut dire d’une copie totalement ou largement abstraite qu’elle
est « désincarnée » (les idées constituant le « squelette » du propos et les
exemples la « chair »), on aurait tort d’en déduire que les exemples consti-
tuent la « partie molle » de la copie et qu’ils ne nécessitent donc pas une
grande attention. S’il faut mettre l’accent sur l’importance du raisonnement,
il est aussi crucial d’insister sur le danger de citer le premier exemple qui
passe par la tête : la force de conviction d’une copie tient pour moitié aux
exemples qu’elle cite et à l’explicitation de leur lien avec les idées et les
jugements qu’ils sont censés illustrer et conforter. Il est utile de rappeler
la difficulté qu’éprouvent de nombreux candidats à illustrer leur propos

de façon pertinente : « Un très grand nombre de candidats ne mobilisent que
des faits issus d’une actualité très récente, d’autres plaquent littéralement des
références apprises sur tel ou tel domaine (l’État, l’école, la justice…) sans
même faire l’effort minimal de les raccrocher au sujet, sans vrai recul, sans
mise à distance ou perspective » (rapport du jury EN3S 2013).
 Exercice 3
Ayant à traiter le sujet « La solidarité intergénérationnelle », quels exemples vous
paraissent étayer son existence et quels autres exemples peuvent vous aider à
soutenir la thèse adverse ?
Pour rendre plus agréable la lecture de la copie, on peut d’ailleurs jouer
sur la place respective de l’idée maîtresse et de l’exemple. Si la démarche
la plus courante consiste à faire suivre l’idée de l’exemple, on peut aussi,
parfois, procéder à l’inverse et faire précéder l’idée par l’exemple.
La première démarche, dite déductive, conduit à passer de l’idée à l’exemple
grâce à des mots de liaison comme « donc, c’est ainsi que, par conséquent,
voilà pourquoi, etc. » (car la transition de l’idée à l’exemple mérite d’être
soignée). La seconde démarche, dite inductive (la pensée va des faits à la
théorie), conduit à utiliser des formules comme : « Ce malheureux exemple
prouve… », « Ces faits donnent raison à ceux qui estiment que… »
Il découle de ces derniers paragraphes qu’une copie offrant un catalogue
d’exemples est totalement proscrite et, de fait, sévèrement sanctionnée
au concours. Par « catalogue d’exemples », les correcteurs entendent une
copie dont les exemples se succèdent les uns après les autres sans que
l’argumentation ait avancé, où ces derniers ne viennent pas illustrer et
étayer une argumentation mais s’y substituer.
3. La valeur intrinsèque des exemples

Les correcteurs sont également sensibles à l’effort que fait le candidat pour
sélectionner ses exemples, car tous n’ont pas la même valeur. Ceux qui
figurent dans une copie de concours ont pour objectif implicite de montrer
que le candidat possède un bon niveau de culture générale. Mais, du point

de vue fonctionnel, l’exemple a pour objet d’établir un « espace » dans
lequel l’auteur et le lecteur de la copie, partageant les mêmes références
culturelles, communiqueront. Un exemple digne de figurer dans une copie
doit être un trait d’union entre des personnes et des esprits différents, un
moyen d’établir une connivence culturelle.
Les exemples doivent donc être choisis avec soin.
➤➤ Il est des exemples « incontournables » que le correcteur attend plus
ou moins consciemment. Ils constituent des références obligées et leur
absence dans une copie ne peut que vous pénaliser. Ainsi, comment parler
de l’erreur judiciaire née de l’intolérance et de la discrimination religieuse
ou politique sans évoquer l’affaire Calas, dont Voltaire fut le défenseur, ou
l’affaire Dreyfus, à la fin du xixe siècle ? Comment disserter sur le terrorisme
international sans évoquer les attentats du 11 septembre 2001 aux États-
Unis ou l’attaque meurtrière contre le siège de Charlie Hebdo à Paris, le
7 janvier 2015 ?
➤➤ Si, inversement, le fait a toutes les chances de n’être connu que de vous
parce qu’il est minuscule, il vaut mieux l’écarter au profit d’un exemple
que l’histoire a retenu. À cet égard, évitez de citer des faits – surtout des
faits divers – fournis par l’actualité la plus immédiate et qui appartiennent
à « l’écume des jours » ; les journaux lus par les candidats (comme par le
reste de la population) fourmillent de faits que l’Histoire oubliera. Et si
un candidat peut être tenté d’utiliser dans sa copie une information toute
fraîche, parfois entendue à la radio quelques minutes avant le début de
l’épreuve, il doit savoir résister à la tentation. Car rien n’est plus irritant
pour un correcteur que de lire vingt fois la même chose sur tel ou tel
exemple tiré de l’actualité du jour !
De fait, seule une solide culture générale permet de distinguer, dans le flot
incessant des événements, le fait qui peut avoir valeur d’exemple, voire de
deviner ce qui passera à la postérité. Dès lors, s’il ne faut pas vous interdire
de citer tout fait récent, vous devez réfléchir à son exemplarité en vous
projetant dans l’avenir et en essayant d’imaginer ce qu’il en restera un an
plus tard. Si vous pressentez qu’il s’agit d’un fait majeur, gardez-le ; sinon,
éliminez-le et cherchez-en un autre qui soit déjà validé par la mémoire
collective.

4. Les diverses catégories de « fait objectif »
Les faits objectifs susceptibles de servir d’exemples et donc d’arguments
peuvent être répartis en quatre catégories :
➤➤ ces faits objectifs peuvent être des actes, des actions, des déclarations,
des décisions… qui ont joué un rôle majeur dans l’Histoire et auxquels sont
associés pour toujours des noms d’hommes et de femmes célèbres : Voltaire
et l’affaire Calas, Robespierre et la Terreur, Gandhi et les manifestations
non violentes en Inde contre l’occupant anglais, le général de Gaulle et
l’appel du 18 juin 1940, Nelson Mandela et son combat contre l’apartheid
en Afrique du Sud, etc. ;
➤➤ ces faits objectifs peuvent être des événements plus ou moins importants
mais qui ont joué un rôle dans l’histoire de l’humanité ou de la France et
isolables, en ce sens qu’ils sont datés (ils ont un début et une fin identifiés),
qu’ils sont en rapport avec un lieu et avec des circonstances politiques,
économiques, scientifiques ou culturelles précises : la révocation de l’édit
de Nantes et les guerres de religion (xvie-xviie siècles), la séparation des
Églises et de l’État en 1905, le Front populaire en 1936, Mai 68, les Trente
Glorieuses, le vote de la loi sur l’IVG en janvier 1975, l’affaire de la « vache
folle » dans les années 1990, les élargissements successifs de l’Union euro-
péenne en 2004, 2007 et 2013, les attentats du 11 septembre 2001, etc. ;
➤➤ ils peuvent consister en des évolutions lentes mais profondes et, à ce
titre, difficiles à dater. Ils peuvent néanmoins apparaître évidents, incon-
testables et, au même titre que des actions d’hommes célèbres ou des
faits marquants de l’histoire, fonder des raisonnements (et donc des argu-
ments) : la civilisation des loisirs, le féminisme, la montée de l’individua-
lisme, le développement des ONG et l’intervention humanitaire, le retour du
religieux, la mondialisation, la transition démographique, le développement
de la préoccupation environnementale, etc. ;
peuvent, enfin, tenir à des réalités physiques sur lesquels l’homme
➤➤ ils
n’a que peu de prise comme la condition humaine (le vieillissement d’une
population, par exemple), la géographie physique, le climat (même s’il est
avéré que l’homme a contribué à le modifier), les phénomènes naturels.

 Exercice 4
Ayant à traiter le sujet « La politique familiale est-elle efficace en France ? », vous
auriez à citer des faits objectifs à l’appui de votre argumentation.
1. Rappelez quels sont les objectifs de la politique familiale en France.
2. En vous appuyant sur des faits objectifs, évaluez les résultats obtenus et mon-
trez les limites de cette politique.
Ne confondez pas « originalité à tout prix » et réflexion personnelle. La discrète personnalisation de la copie
tiendra à la manière particulière dont, sur un sujet donné, vous aurez confronté et commenté les analyses et
les avis différents que vous pouvez connaître.
Le questionnement auquel vous devez vous livrer dans la composition repose sur votre culture et votre
intelligence, mais également sur votre capacité à apprécier d’un point de vue éthique les problèmes qui vous
sont soumis.
Dans une composition, le savoir n’est jamais une fin en soi : il est un moyen au service d’une réflexion, elle-
même déterminée par un sujet précis. Sans prétention exagérée, une composition s’efforce de conduire une
« démonstration » et donc d’argumenter grâce à un va-et-vient constant entre les idées et les faits cités à
titre d’exemples.
Le point sur la notion d’originalité, les citations et les références

Que faut-il entendre par « originalité » ?
Appliquée à la composition, la célèbre formule de La Bruyère (1645-1696), « Tout est dit, et l’on vient
trop tard » 1, s’avère tout à la fois juste et trompeuse. Juste car il n’existe sans doute pas de sujet
proposé dans les divers concours qui n’ait déjà été traité par d’autres esprits. Trompeuse parce
qu’elle pourrait sembler condamner les copies à toutes se ressembler. Or l’expérience prouve qu’il
n’en est rien et que, paradoxalement, les copies les plus originales sont précisément celles qui font
un usage pertinent du savoir accumulé jusqu’à nos jours. En effet, même si les bonnes copies
s’appuient explicitement sur la pensée des autres, elles savent ne pas être impersonnelles ; elles
parviennent (avec modestie) à se positionner par rapport à des analyses ou à des thèses qu’elles
commentent, complètent, approfondissent, relativisent, approuvent, désapprouvent, etc.
Comme l’a fait remarquer le jury du concours de l’ENA en 2011, « les candidats doivent être
conscients que, si l’originalité n’est pas une qualité en soi et ne doit pas être recherchée par

principe, elle est bienvenue lorsqu’elle traduit simplement une forme de sincérité, de capacité à
raisonner par soi-même et de curiosité disponible ».
Le rôle et la place des citations

Dans cette perspective, il est intéressant de s’arrêter un instant sur le rôle des citations dans une
copie. Si elles sont purement décoratives et se substituent à la réflexion personnelle, elles sont
contre-productives ; si elles viennent judicieusement étayer vos analyses et prises de position,
elles sont alors valorisantes… et seront valorisées par le correcteur.
En bref : mieux vaut une copie dépourvue de citations mais intelligente qu’une copie truffée de
citations inexploitées ou, pis encore, déplacées et qui évite soigneusement de penser. Nous vous
conseillons de méditer cette mise en garde contenue dans le rapport 2008 du jury de l’ENA et qui
vaut pour n’importe quel concours : « Quelques candidats pensent pouvoir utiliser sans limite de
multiples et parfois fort complètes citations à leur profit. Le jury a pu remarquer que certaines
d’entre elles pouvaient être d’un usage quasiment polyvalent, quel que soit le sujet posé. » On ne
peut mieux dire que le correcteur n’est pas un naïf qu’on dupe avec quelques citations sorties
de son chapeau pour masquer le vide de sa pensée.
La pertinence des références

Les références à tel ou tel penseur, à tel ou tel auteur faisant autorité dans son domaine (sociologie,
histoire des idées, économie, etc.), peuvent également servir de cache-misère et, elles aussi,
agacer le correcteur que vous cherchez pourtant à séduire. Toutefois, à la double condition que
vous connaissiez vraiment la pensée de l’auteur que vous citez et que ce renvoi à une ou des
autorités intellectuelles soit justifié par votre propre raisonnement, ce type de référence ne présente
pas le même risque : dans la mesure où vous êtes dans la nécessité d’expliquer, avec vos mots
et dans le style qui vous est propre, ce en quoi tel intellectuel ou tel auteur apporte de l’eau à
votre moulin, vous ne risquez pas de renoncer à une réflexion personnelle. Au contraire même, les
références à des penseurs du passé ou contemporains prouvent la réalité, l’authenticité d’une
pensée personnelle, tant il est vrai que nul ne peut penser par lui-même s’il n’a pas d’abord
découvert (par la lecture) et assimilé (au sens premier du terme, c’est-à-dire « rendu semblable
à soi-même ») la pensée de divers auteurs.
Dans ces conditions, la « bonne référence » n’est pas seulement celle qui illustre le mieux votre propre
raisonnement, c’est aussi celle que vous utilisez à bon escient, en évitant deux écueils opposés :
– le premier consiste à être trop allusif ; la référence ne sert alors pas à grand-chose et peut
même sembler purement décorative ;
– le second, finalement plus dommageable, consiste à oublier le fil directeur de la copie et à
développer la référence pour elle-même, alors qu’au contraire, celle-ci doit toujours être exploitée
sous le seul angle de la problématique propre au sujet.
1. Dans Les caractères, 1688.

 Corrigé des exercices du chapitre 2

 Exercice 1
Comment traiteriez-vous le sujet « La rue est-elle un ennemi pour la démo-
cratie ? » de manière à ne pas être prisonnier d’une prise de position qui
paraîtrait partisane, pour « exprimer un véritable jugement » et non pas
« une simple opinion » ?
Un sujet comme « La rue est-elle un ennemi pour la démocratie ? » peut
s’avérer périlleux un jour de concours s’il vous conduit à chercher des
exemples dans l’actualité brûlante et, de proche en proche, à laisser
transparaître vos opinions politiques, votre avis sur le gouvernement
en place, l’opposition, les syndicats, etc. Ce type de sujet expose au
règlement de compte, ce qui est toujours sanctionné lors des concours.
Pour éviter de faire primer des opinions plus ou moins fondées au
détriment des faits, il convient, comme toujours, de prendre du recul
(en l’occurrence historique), de réfléchir à ce qui se passe ou s’est
passé en dehors de nos frontières et à ce qu’ont pu écrire des pen-
seurs reconnus sur le sujet.
Ainsi pourrait-on, grâce au plan suivant, aux exemples et aux réfé-
rences qu’il contient, espérer atteindre l’objectivité souhaitable.
I. La démocratie doit beaucoup à la rue : historiquement, la plupart
des démocraties, même récentes, sont issues de manifestations de
rue, les seules à pouvoir contester (comme celle de la place Tian’an-
men, à Pékin, en 1989) ou abattre un régime non démocratique (voir
les révolutions de 1789, 1830 et 1848 en France, celles dites « des
Œillets » en 1974 au Portugal, « de Velours » en 1989 en Tchécoslo-
vaquie, la Révolution « orange » de 2004-2005 en Ukraine ou celles du
« Printemps arabe » en 2010-2011) (a).
Le droit de manifester est souvent un droit constitutionnel et la rue
peut être un mode de régulation démocratique quand le pouvoir
(politique, technocratique, économique…) est sourd à de légitimes
revendications (b). Dans l’histoire française récente, de grandes
manifestations ont été menées au nom des valeurs et des principes
républicains et ont servi l’idéal démocratique : pour la laïcité, contre
les discriminations, pour les libertés publiques…

Corrigé des exercices du chapitre 2 II. Néanmoins, la rue reste une menace permanente pour une
démocratie : la démocratie moderne suppose que soient respectées
la représentativité des élus (citer Montesquieu) et la légitimité du
gouvernement sorti des urnes (a).
La rue est d’autant plus dangereuse qu’elle consacre souvent le
triomphe des passions sur la raison (voir l’Essai sur les libertés de
Raymond Aron, les analyses de Machiavel sur le Prince et la popu-
lation), qu’elle peut conduire au triomphe de la démagogie et à la
fin des libertés publiques (voir le coup de force du 6 février 1934
contre la République française) (b).
La rue exige donc, de la part du pouvoir démocratique, une vigilance
extrême : un maintien de l’ordre intelligent et responsable (voir la
manière dont le pouvoir, en mai 1968, a su éviter le pire lors des
émeutes étudiantes) et, plus encore, une intelligence politique per-
mettant d’éviter que la rue ne soit le seul recours. Voir notamment
le lien qu’on peut établir entre des adultes qui, dans les quartiers
difficiles, refusent de participer aux élections et ne se sentent plus
concernés par la vie démocratique, et des bandes de jeunes qui,
sous divers prétextes, exercent une violence contre des biens, des
bâtiments ayant valeur de symboles ou contre des personnes, en
particulier des policiers (c).
ÎÎ Remarque
On peut imaginer l’ouverture finale de la conclusion sur ce mode : « S’il est toujours
inquiétant de voir la rue prendre le pouvoir, même temporairement, aux dépens des
institutions légitimes, un tel basculement des rapports de force ne doit pas manquer
d’interpeller les dirigeants des démocraties : puisque, à l’évidence, la rue tire son pouvoir
d’une insuffisance de vie démocratique, puisqu’une part des citoyens ressent le besoin
de s’exprimer autrement que par le vote, ne pourrait-on pas voir dans la démocratie
participative le meilleur rempart contre les débordements démagogiques de la rue ? »

 Exercice 2

En réfléchissant au sujet suivant, « Une société inégalitaire peut-elle être
juste ? », cherchez à comprendre en quoi la justice et l’égalité ne doivent
pas être confondues et en quoi l’une et l’autre sont nécessairement relatives
à une société donnée.
Les sujets provocants ont ce mérite de stimuler l’esprit critique :
en l’occurrence, parce qu’on est tenté dans un premier temps de
répondre spontanément « une société inégalitaire est forcément
injuste », il faut absolument, dans un second temps (celui de la véri-
table réflexion), s’efforcer de penser contre soi-même et chercher à
remettre en cause toutes les « évidences ».
Plus ou moins conditionnés par des décennies de politique redistri-
butive pratiquée par l’État-providence, les Français se sont habitués
à superposer les notions de « justice sociale » et d’« égalité » : puisque
l’État juge normal de prendre aux plus riches (voir l’emblématique ISF
– impôt de solidarité sur la fortune) pour donner aux plus pauvres
(voir l’ampleur des transferts sociaux en France), n’est-ce pas la
preuve que la justice sociale et l’inégalité des conditions sont radi-
calement incompatibles ? Que l’inégalité est peut-être inévitable,
mais qu’elle est toujours un mal ? Ce qui, par exemple, justifierait
les tollés qu’ont provoqués ces dernières années le « bouclier fiscal »
ou les « retraites-chapeaux » des dirigeants des grandes entreprises.
Mais, finalement, est-il certain que toutes les inégalités soient
injustes ? Est-on assuré qu’une société dite « égalitaire » est forcément
juste lorsqu’on se rappelle que les sociétés s’étant revendiquées
comme telles se sont révélées, dans les faits, non seulement injustes
mais totalitaires et mortifères ? On pense ici au livre de Pin Yathay,
rescapé du génocide commis par les Khmers rouges au Cambodge,
dont le titre, L’utopie meurtrière 1, résume à lui seul la contradiction
atroce entre une idéologie égalitariste et le génocide qui fut perpétré.
De ce point de vue, il est effrayant de constater que le Manifeste des
égaux, écrit en 1796 par le révolutionnaire français Sylvain Maréchal,
contient en germe le génocide cambodgien : « Il nous faut, écrivait-
1. Robert Laffont, 1979, rééd. Complexe, 1989.

Corrigé des exercices du chapitre 2 il, non pas seulement cette égalité transcrite dans la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen, nous la voulons au milieu de nous,
sous le toit de nos maisons. Nous consentons à tout pour elle, à faire
table rase pour nous en tenir à elle seule. Périssent, s’il le faut, tous
les arts, pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle. »
Sans même pousser jusqu’à ces extrémismes, on peut prendre en
compte les analyses d’Alain Minc qui, dans La machine égalitaire 2,
s’emploie à démontrer que la politique redistributive de l’État-
providence s’avère contre-productive et, paradoxalement, favorise
les inégalités qu’elle prétend combattre. On peut aussi songer à
Raymond Aron parlant de « l’idéal bureaucratique de l’égalité ».
Le mot clé du libellé est l’expression « peut-elle », qui doit nous amener
à réfléchir sur la relativité des notions de « justice » et d’« égalité » (I),
sur l’éventuelle légitimité de certaines inégalités qu’on a l’habitude
de dénoncer comme injustes, voire scandaleuses (II) et, enfin, sur
la légitimité relative des diverses formes de lutte contre les inégali-
tés (III). Sans chercher à vous fournir un plan détaillé de dissertation,
examinons successivement ces trois points.
I. La relativité des notions s’apprécie dans le temps et dans l’espace
Prendre du recul historique, c’est se souvenir que les sociétés
antiques, archaïques ou traditionnelles ne liaient nullement la justice
et l’égalité. L’inégalité des droits ne gênait autrefois personne : en
témoignent l’esclavage institutionnel présent en Grèce ou à Rome,
ou encore le sermon de Bossuet (1627-1704) « sur l’éminente dignité
des pauvres dans l’Église » (dans lequel il se réjouit que les pauvres,
par leur existence, permettent aux riches de sauver leur âme en
pratiquant la charité). Aujourd’hui encore, au sein de nos pays démo-
cratiques, beaucoup d’inégalités de fait (liées au sexe, par exemple)
paraissent « naturelles » et donc « normales ».
Ce sont l’émergence de l’individu comme sujet de droit, à partir du
xviiie siècle, et l’effacement de l’ordre divin au profit de l’ordre humain
qui ont rendu possible la confusion relative des notions de « justice
2. LGF, 1988.

sociale » et d’« égalité ». Mais cette confusion dépend aussi largement

de l’histoire des sociétés : comment, par exemple, la société indienne,
qui a été pendant de longs siècles (et est toujours) une société de
castes, pourrait-elle avoir la même perception de la justice sociale
que la société française, qui a fait de la nuit du 4 août 1789 – au
cours de laquelle les privilèges ont été abolis –, un des événements
fondateurs de la République ?
On ne s’étonnera pas que les Français soient particulièrement enclins
à trouver suspecte l’inégalité des conditions sociales : là où un Anglo-
Saxon évoquerait une conséquence normale de l’inégalité des compé-
tences et des mérites, un Français invoquerait plutôt une défaillance
du modèle républicain. Ainsi, la plupart des Français ont trouvé
choquante la position des adversaires de la réforme de l’assurance
maladie aux États-Unis, conduite par le président Obama en 2010 :
comment un pays riche et démocratique pourrait-il, de fait, refuser
aux plus démunis l’accès aux soins ? Et cela en invoquant la liberté
individuelle et en avançant l’idée que toute socialisation des risques
de santé constitue une forme de « communisme ».
II. Toutes les inégalités sont-elles scandaleuses ?
II. 1. Cette question appelle, dans un premier temps, une réponse
négative :
– la liberté individuelle (notamment d’entreprendre) débouche
nécessairement sur des inégalités ;
– la République est la première à affirmer que chacun doit être
récompensé en fonction de ses mérites personnels. Ainsi, l’inégalité
de rémunération peut découler de niveaux inégaux de qualification
ou d’expérience, de pénibilité ou de dangerosité du travail, des res-
ponsabilités assumées, etc. ;
– l’égalité des chances peut paradoxalement renforcer les inégali-
tés. Ainsi, pour accéder à un emploi, une formation ou un logement,
l’égalité des chances consiste à placer tous les candidats sur la ligne
de départ en veillant à ce que le processus de sélection ne prenne en
compte que les compétences de chacun. Cette démarche a le mérite
de s’attaquer aux privilèges, aux rentes de situation et autres passe-
droits, réduisant ainsi des inégalités flagrantes et choquantes, mais les

Corrigé des exercices du chapitre 2 inégalités qui persistent deviennent légitimes et supportables parce
qu’elles sont fondées sur des critères justes.
L’ouvrage de référence sur le sujet, Théorie de la justice 3, du phi-
losophe américain John Rawls (1921-2002), permet de soutenir
l’idée que certaines inégalités de fait (économiques et sociales)
sont justifiées :
– quand elles sont attachées à des fonctions, des emplois accessibles
à tous, dans des conditions impartiales d’égalité des chances. Cela
suppose que la société doit atténuer au maximum les éventuelles
différences naturelles ;
– lorsqu’elles contribuent, même indirectement, à l’amélioration
de la condition des plus désavantagés, car la société doit être une
entreprise de coopération et non de compétition.
Pour Rawls, une société juste n’est donc pas égalitaire mais c’est une
société équitable où les situations sociales donnant le plus d’avan-
tages sont accessibles à tous et où les avantages obtenus par certains
profitent aussi aux laissés-pour-compte.
II. 2. Malgré tout, la plupart des inégalités constatées restent injustes.
Et s’il est, en théorie, loisible d’imaginer qu’une société soit à la fois
inégalitaire et juste, en pratique c’est impossible.
D’abord, de très nombreuses inégalités n’ont aucun rapport avec
les mérites individuels : l’exemple du scandale quasiment universel
provoqué par l’énormité des « bonus » versés aux traders vaut, à lui
seul, argument.
Ensuite et surtout, les inégalités « font système » et se cumulent :
aux inégalités économiques s’ajoutent très souvent les inégalités en
matière de culture, de relations, de logement, de santé, etc. Même
dans les sociétés les plus méritocratiques, l’égalité des chances reste
un mythe. Et puisque la condition déterminant le caractère « accep-
table » des inégalités de fait n’est jamais remplie, il est impossible
de soutenir que nos sociétés, où subsistent et même s’accroissent
les inégalités, puissent être justes.
3. Points, coll. « Essais », 2009 (1re éd. 1971).

Si les sociétés qui se sont le plus approchées de l’égalité (notamment

économique, grâce à la forte croissance des Trente Glorieuses et à
l’interventionnisme de l’État-providence) sont restées injustes, que
dire de notre époque où triomphe le capitalisme financier, où les
écarts de revenus augmentent constamment et peuvent devenir
astronomiques ? La loi de 2007 qui a instauré un droit au logement
opposable (DALO) répond à la problématique suivante : quand une
société évoluée s’avère incapable d’empêcher l’exclusion des plus
pauvres, elle bafoue la justice et il est normal qu’elle ait à en répondre
éventuellement devant un juge.
III. Le problème est d’autant plus épineux que la lutte contre les
inégalités peut devenir elle-même injuste
Nous ne développerons pas ce point ici, mais on pourrait évoquer
les classes moyennes qui ont le sentiment d’être sacrifiées sur l’autel
de la lutte contre les inégalités, l’assistanat d’une partie de la popu-
lation, les ambiguïtés de toute politique de discrimination positive
ou de quotas, etc.
 Exercice 3
Ayant à traiter le sujet « La solidarité intergénérationnelle », quels exemples
vous paraissent étayer son existence et quels autres exemples peuvent vous
aider à soutenir la thèse adverse ?
En appui de l’existence de la solidarité intergénérationnelle – forme
de solidarité entre des personnes d’âge différent –, nous pouvons
citer les exemples suivants.
Sur le plan social, la solidarité intergénérationnelle s’exprime dans le
domaine de la protection sociale, notamment en matière de finance-
ment des retraites. Le système de retraites par répartition en vigueur
en France finance les prestations de retraite grâce aux cotisations
versées par les actifs, autrement dit les générations en âge de tra-
vailler paient les pensions des générations plus âgées.
Sur le plan écologique, la logique de solidarité intergénérationnelle
constitue l’un des fondements du développement durable. Dès 1987,
le rapport Brundtland proposait une définition du développement
durable qui fait toujours référence : « Un développement qui répond

Corrigé des exercices du chapitre 2 aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs. » La stratégie du développement durable
paraît proscrire toute dépense nouvelle qui ne correspondrait pas à
un investissement profitable aux générations futures.
Sur le plan familial, la solidarité s’exprime sous forme d’aide ou
d’assistance financière ou matérielle à des membres de la famille
en difficulté économique et sociale (chômage, précarité, manque de
logement). D’après les sondages, un Français sur deux déclare avoir
aidé ou aider ses enfants. Remarquons que la solidarité intrafamiliale
est le plus souvent réglée par des obligations sanctionnées par le
Code civil : il en est ainsi de l’obligation dite « alimentaire » (nourriture
mais aussi habillement et logement) entre descendant et ascendant.
En revanche, d’autres exemples illustrent des entorses à la solidarité
intergénérationnelle. Ces dernières années se sont développées
des critiques sur l’héritage que nous léguerons à nos enfants. Elles
sont fondées sur des considérations écologiques comme financières
et économiques.
D’un point de vue écologique, les partis politiques, associations et
artistes se sont emparés de l’héritage que laisse une génération à la
suivante (voir la chanson du groupe Mickey 3D, Respire, en 2003).
Le réchauffement climatique, la pollution et les atteintes à la biodi-
versité augurent mal de l’état du monde dont les jeunes générations
vont hériter.
D’un point de vue financier, l’accent est mis sur le niveau de la dette
publique, qui a fortement crû ces dernières années – elle repré-
sentait 95 % du PIB fin 2014 contre 20,8 % en 1980 – pour financer
des dépenses de fonctionnement courant servant au bien-être de la
génération des baby-boomers. Ce transfert de la charge financière
aux futures générations grève les perspectives de développement
de la société dans l’avenir, constituant de ce fait un transfert de
richesses des « jeunes » vers les « vieux ».
D’un point de vue économique, il existe en France un fort désé-
quilibre dans la répartition des richesses en faveur des seniors.
Les plus de 60 ans représentaient, en 2012, 23,4 % de la population
mais percevaient près de 20 % du PIB via les transferts intergéné-

rationnels, alors que les 76,6 % restants (les moins de 60 ans) ne

bénéficiaient à ce titre que de moins de 10 % du PIB. La taxation plus
lourde des revenus du travail par rapport à ceux du capital ou de
l’immobilier est aussi défavorable aux jeunes générations. En outre,
les inégalités intergénérationnelles sont également manifestes en
ce qui concerne la concentration des patrimoines au sein des caté-
gories les plus âgées. Certes, la constitution d’un patrimoine est
l’aboutissement d’une vie de labeur, mais sa concentration est
favorisée aussi bien par le fait que les Français héritent de plus
en plus tard – l’âge de l’héritier moyen est de 50 ans – que par
l’allègement de la fiscalité sur les successions.
D’un point de vue politique, le poids électoral des seniors, certai-
nement plus important que leur poids démographique – les plus de
60 ans votent davantage que les jeunes –, semble avoir dissuadé les
responsables politiques d’adopter une politique de rééquilibrage
entre les générations.
 Exercice 4
Ayant à traiter le sujet « La politique familiale est-elle efficace en France ? »,
vous auriez à citer des faits objectifs à l’appui de votre argumentation.
1. Rappelez quels sont les objectifs de la politique familiale en France.
2. En vous appuyant sur des faits objectifs, évaluez les résultats obtenus
et montrez les limites de cette politique.
L’État veille à protéger la famille par un ensemble d’actions et de
dispositifs dont les grandes lignes furent adoptées à l’unanimité au
lendemain de la Libération. En 2010, malgré la crise, la politique
familiale représentait une dépense publique de l’ordre de 3,8 % du
PIB, si l’on tient compte des seules prestations familiales, et de 5,1 %
du PIB (99,7 milliards d’euros) si l’on se réfère à l’ensemble des
prestations en faveur des familles.
(Remarque sur le sens des mots : rappelons que l’efficacité consiste
à comparer les objectifs affichés et les résultats obtenus, tandis
que l’efficience évalue le rapport entre les moyens déployés et les
objectifs poursuivis.)

Corrigé des exercices du chapitre 2 Par conséquent, la comparaison des objectifs et des résultats obte-
nus en matière de politique familiale doit permettre d’en évaluer
l’efficacité.
1. Les objectifs de la politique familiale
La politique familiale est ouverte à tous – principe d’universalité –
sous forme de prestations et de services. Elle poursuit depuis l’ori-
gine deux objectifs : l’objectif démographique de soutien à la natalité,
dans une perspective nataliste ; l’objectif économique de compen-
sation du coût de la charge d’enfants, qui se traduit par une perte
de niveau de vie et un déficit d’épargne, qui vont croissant avec le
nombre d’enfants.
Progressivement, de nouveaux objectifs ont été assignés aux poli-
tiques familiales :
– mieux lutter contre la pauvreté des familles en privilégiant, parmi
ces dernières, celles dont les revenus sont les plus modestes ;
– mieux articuler vie professionnelle et vie familiale en neutralisant
l’incidence des charges de famille sur l’activité des parents ; par
exemple, en facilitant les interruptions de carrière lors de l’arrivée
d’un enfant sans pénaliser les parents (grâce au congé parental) ou
en proposant une organisation du travail et des temps favorables
aux familles ;
– améliorer l’accueil de la petite enfance (politique de développe-
ment des crèches publiques et privées) et la prise en charge des
jeunes adultes.
2. Des résultats tangibles
Plusieurs indicateurs témoignent de l’efficacité des mesures adop-
tées dans le cadre de la politique familiale. D’abord, le niveau de
la fécondité : avec un taux de 2,01 enfants par femme en âge de
procréer en 2014, la France est l’un des pays de l’Union européenne
(UE) où la fécondité est la plus forte. Dans une Europe promise à un
vieillissement démographique dramatique, la France dispose ainsi
d’un atout démographique fort, à l’inverse d’autres pays (comme
l’Allemagne, où le taux de fécondité est de 1,41 enfant par femme
en âge de procréer).

Outre les prestations directes versées au profit des familles (allo-

cations familiales, aides au logement et autres) et les dispositifs du
droit fiscal (quotient familial), c’est le nombre des infrastructures
destinées aux enfants qui donne à la France son avance en matière
de politique familiale. Ainsi, l’offre d’accueil des jeunes enfants est
relativement étoffée. À la fin de l’année 2012, près de 12 200 établis-
sements accueillaient des jeunes enfants en France métropolitaine.
Ils offraient 387 100 places, soit 9 700 de plus qu’en 2011, tandis que
l’accueil individuel par une assistante maternelle était estimé à
944 300 places.
3. Des résultats cependant limités
La politique familiale a-t-elle su s’adapter aux changements inter-
venus dans les structures de la famille ? Malgré son niveau élevé,
la compensation des charges de famille n’est pas exempte de cri-
tiques : les allocations familiales ne compensent en effet ces charges
qu’à partir du deuxième enfant, alors que les coûts liés au fait fami-
lial sont pourtant avérés dès le premier enfant. La France est le seul
pays de l’UE à ne pas avoir d’allocation familiale au premier enfant.
La persistance de l’existence d’enfants pauvres semblerait égale-
ment justifier une plus grande socialisation des politiques familiales,
c’est-à-dire un soutien renforcé aux familles les plus modestes. Cette
démarche conduirait à placer les allocations familiales sous condi-
tion de ressources, comme l’avait proposé en 2010 la Commission
pour la libération de la croissance française (dite « commission
Attali »). La loi de financement de la Sécurité sociale 2015 va dans
ce sens puisqu’elle établit, en fonction de plafonds de ressources, une
modulation des allocations familiales dont les modalités devraient
entrer en vigueur en juillet 2015. Auparavant, seulement 27 % des
allocations familiales étaient soumises à conditions de ressources ;
mais ce taux s’élevait à près de 70 % si l’on y intégrait toutes les
prestations sociales versées par la branche famille.
Enfin, la prise en charge des jeunes adultes reste un chantier ouvert,
aux résultats encore insuffisants.

Corrigé des exercices du chapitre 2 En conclusion, l’avenir de la politique familiale est tributaire des
contraintes financières et budgétaires qui grèvent le système de pro-
tection sociale. À court terme, des réformes structurelles semblent
difficiles, soit en raison d’un niveau d’acceptabilité sociale limité,
soit du fait de leur coût.

Chapitre 3
L’analyse
du sujet
1. Les quatre catégories de libellé

Puisqu’un des enjeux fondamentaux de la composition est, nous l’avons vu,
le questionnement personnel sur un sujet donné, tout part d’une question
contenue dans le libellé. Le problème (si l’on peut dire) est que les candi-
dats n’ont pas toujours affaire à une question explicitement formulée et
qu’ils se retrouvent fréquemment face à la responsabilité de formuler eux-
mêmes la question à laquelle ils répondront tout au long de la composition
avec, en prime, cette inquiétude : ai-je formulé la bonne question initiale ?
Ma problématique n’est-elle pas réductrice ou, pis encore, « hors sujet » ?
ÎÎ Remarque
La formulation du sujet, indépendamment de sa difficulté propre, peut adopter des formes diverses. Ainsi,
au concours d’entrée à l’ENA, les libellés sous forme de question (« L’individu est-il encore la mesure du
siècle ? » – concours externe de 2012 ; « Que vous inspire l’expression “au bénéfice de l’âge” ? » – 2010 ;
« La révolution est-elle un phénomène périmé ? » – 2009) côtoient ceux constitués de mots thèmes (par
exemple, le sujet du concours externe de 2011, « Les démocraties face aux guerres », ou de 2006, « Les
valeurs européennes »). Nous vous donnerons plus loin des conseils précis pour surmonter cette difficulté
première qui consiste à formuler soi-même la problématique. Mais, sachez-le, votre meilleur atout sera
toujours votre culture générale, en particulier votre connaissance de la manière dont, hier et aujourd’hui,
s’instaurent et se développent les débats contradictoires sur tous les grands sujets de société.

Les divers libellés proposés aux épreuves de composition des concours
peuvent être classés en quatre grandes catégories distinctes.
1. Les libellés sous forme de question

C’est le type d’énoncé qui fait spontanément le moins peur dans la mesure
où il semble indiquer d’emblée la problématique (qui doit cependant être
précisée et développée), limitant ainsi le travail à la seule recherche des
réponses. Lesquelles semblent se réduire parfois à « oui » ou à « non » : c’est
ainsi que la question « Le travail est-il une valeur en déclin ? » paraît d’emblée
plus facile que celle-ci, formulée de façon ouverte : « Que convient-il de
penser du travail comme valeur ? »
Si les sujets posés sous forme de question sont ceux qui déroutent le moins,
c’est qu’ils orientent très souvent la réflexion dans une direction précise :
– celle d’une réponse sur le mode « certes oui, mais non » (ou l’inverse) ;
– celle d’une interrogation sur la nécessité d’une mesure ou d’une action
(pour des raisons morales ou matérielles) : « Faudrait-il, dans les démocraties
modernes, rendre le vote obligatoire ? » ;
– celle d’une interrogation sur la faisabilité de quelque chose, sur le carac-
tère réalisable d’une hypothèse : « Peut-on imaginer une société moderne
sans prisons ? » ;
– celle d’une interrogation sur une définition : « Qu’est, selon vous, une
politique de la ville digne de ce nom ? »
 Exercice 1
Cherchez en quoi le sujet A, « Qu’attendre de l’État ? », diffère du sujet B, « À quoi
sert l’État ? » ; par voie de conséquence, en quoi le propos issu du sujet A diffé-
rera-t-il de celui issu du sujet B ?
2. Les libellés reposant sur une bipolarité

Ces libellés s’appuient, pour les uns, sur la conjonction de coordination
« ou », pour les autres sur la conjonction de coordination « et ». Les libellés
reliant deux éléments par « ou » peuvent indifféremment être formulés de
façon interrogative (« Métissage culturel ou communautarisme ? ») ou décla-

rative (« Surveiller ou punir »). Ceux qui associent deux éléments par « et »
sont formulés de façon déclarative (« Espace public et libertés »).
Les libellés reposant sur la conjonction « ou » peuvent sembler les plus
commodes puisqu’ils suggèrent d’emblée sinon un plan, du moins une
approche amenant à réfléchir sur une opposition, voire une alternative ou
un dilemme. Sachant qu’une composition de culture générale constitue, fon-
damentalement, un prétexte pour évoquer un problème (politique, social,
éthique…) et pour réfléchir à sa nature, ses causes, ses conséquences et ses
solutions, on devine que ce type de libellé est intellectuellement stimulant.
Mais, en pratique, les libellés reposant sur la conjonction « et » ne sont pas
plus difficiles à traiter : d’abord, les rapprochements proposés sont souvent
attendus, du moins des candidats ayant une culture suffisante (« Environ-
nement et croissance économique », « Vengeance et justice », « Démocratie et
opinion publique », « Individualisme et démocratie ») ; ensuite, il s’agit de cher-
cher en quoi les deux termes du libellé peuvent « poser problème », entrer
en contradiction ou coexister difficilement (« Indignation et décision »).
Dans tous les cas, vous devrez considérer les conjonctions de coordination
« et » et « ou » comme les mots clés du sujet et, surtout, vous vous garderez
de traiter séparément les deux pôles du sujet ; au contraire, il faut constam-
ment rechercher en quoi ils interfèrent l’un sur l’autre. Y compris quand
l’un des deux termes est si vague qu’on est tenté de l’oublier, ce qui est
par exemple le cas du mot « société » dans les divers libellés qui l’utilisent
(« Pauvreté et société », « École et société », etc.).
 Exercice 2
En comparant le libellé A, « La sécurité publique », avec le libellé B, « Sécurité
publique et libertés », vous chercherez à comprendre en quoi, dans le libellé B,
la présence du vocable sécurité publique, relié à libertés par le mot clé et, déter-
mine une approche différente du thème et, de fait, change la nature du problème.
3. Les libellés comportant une citation

Les sujets relevant de cette catégorie impressionnent souvent les candi-
dats, qui ne savent pas toujours ce qu’il convient de faire de la citation et
de son auteur, si ce dernier est connu ou censé l’être.

Commençons par une mise au point rassurante : certes, il est préférable
de connaître l’auteur de la citation (ne serait-ce que pour mieux la mettre
en perspective) ; mais au cas où vous ne sauriez rien de l’auteur, vous
éviteriez le piège tendu à ceux qui « savent » et qui, oubliant le sujet, se
lancent dans des commentaires hors de propos sur l’auteur de la citation,
son époque, etc. Les rapports de jury sont nombreux à dénoncer ce travers
et à rappeler que la citation n’a pas de statut privilégié par rapport au reste
du libellé qui la présente et qui, généralement, oriente la réflexion à venir.
Les sujets appartenant à cette catégorie exigent une lecture particulière-
ment attentive puisqu’il faut comprendre, d’une part, la citation prise en
elle-même, et, d’autre part, ce en quoi le libellé, dans sa globalité (phrase
de présentation de la citation, question formulée avant ou après celle-ci),
donne à la citation une portée particulière.
 Exercice 3
En quoi, dans le sujet suivant, la citation doit-elle être, certes, comprise pour elle-
même mais aussi lue à la lumière de tout le libellé ? « Il n’y a pas de gouvernement
populaire. Gouverner, c’est mécontenter », Anatole France (Monsieur Bergeret à
Paris, Calmann-Lévy, 1901). Dans quelle mesure cette affirmation vous paraît-elle
vraie dans les démocraties contemporaines ?
4. Les libellés lapidaires,

réduits à des mots thèmes
Les plus lapidaires de ces sujets comportent uniquement deux mots, un
nom commun précédé d’un article : « La ville », « La santé », « La décentra-
lisation », « La famille », etc. Ils peuvent être un peu plus longs, sans pour
autant sembler plus faciles : « Le principe de précaution », « Les discrimina-
tions positives », « L’éthique aujourd’hui ».

ÎÎ Remarque
L’évolution de l’esprit des concours administratifs (voir chapitre 1) est susceptible de favoriser ce type de
sujet formulé a minima. En effet, même si elle reste « générale », la culture à mobiliser dans la composition
devient explicitement le socle d’une réflexion sur « la place des pouvoirs publics et leur rôle dans les grands
domaines de l’intervention publique » ; et cela, de surcroît, dans le cadre d’une évaluation de l’aptitude
des candidats « à se projeter dans leur futur environnement professionnel ». Dès lors, on jugera sans
doute normal qu’un candidat averti de ces nouvelles orientations puisse trouver seul une problématique
sur un sujet relevant, plus ou moins directement, d’une action des pouvoirs publics.
Si ces sujets impressionnent les candidats, c’est qu’ils semblent les placer
face à un mur infranchissable : comment, se disent-ils, formuler à partir de
presque rien un questionnement qui soit fiable et accepté par le correc-
teur ? Or, précisément, ces sujets ne demandent ni une réflexion ex nihilo,
ni l’invention d’un débat inédit : si l’on possède une culture politique suf-
fisante, non seulement on a des lumières sur les grands domaines ouverts
à l’intervention de la puissance publique mais, de plus, on connaît les
débats qu’ils suscitent.
Et dans cette épreuve, les correcteurs attendent justement que vous soyez
capable de reprendre à votre compte les questions communément posées
par les hommes politiques, les intellectuels, les journalistes… dès lors que
l’État intervient dans un domaine précis.
D’ailleurs, de même qu’il ne faut pas exagérer la difficulté des libellés réduits
à un mot thème, il ne faut pas surestimer la « facilité » des sujets reposant sur
une question explicite… car une question réduite à elle seule ne fait pas une
problématique. S’il est difficile d’extraire une problématique d’une phrase
thème limitée à deux mots, la situation a cependant l’avantage d’imposer la
formulation de questions ; on ne peut avancer – réfléchir et écrire – que si
on se les pose. Tandis qu’un libellé de sujet formulant la question centrale
de la problématique peut laisser croire qu’il est inutile d’aller au-delà et
de chercher à préciser cette question, alors qu’il est toujours nécessaire
de le faire si l’on veut traiter le sujet dans toute sa richesse.

 Exercice 4
Comment traiteriez-vous, dans une composition de culture générale qui n’est ni
une composition d’histoire ni une composition juridique, le sujet suivant : « La
décentralisation aujourd’hui » ?
2. La formulation
d’une problématique
Le libellé, quelle que soit sa formulation, vous est donné et il s’impose à
vous. La problématique à laquelle il doit donner naissance ne vous est
jamais donnée (même si une question est fournie dans l’énoncé) et c’est
à vous de la trouver.
Qu’appelle-t-on « problématique » ?
➤ Une problématique, c’est la reformulation intelligente du libellé sous forme d’une série de
questions (ou d’affirmations découlant de ces questions) de telle sorte :
– que toutes les potentialités du sujet soient prises en compte ;
– que ce qui n’était que thème soit devenu problème ;
– que l’on ait désormais affaire à une succession de questions (et, donc, de réponses implicites)
dont l’enchaînement impose le plan à suivre.
➤ Une problématique est donc plus qu’une liste de questions qui se posent à propos d’un
thème précis (sinon, votre composition se bornerait à une juxtaposition hasardeuse de questions-
réponses) ; elle suppose une hiérarchisation et une articulation dynamique de ces questions,
orientant ainsi le devoir vers une conclusion dans laquelle seront formulées avec la plus grande
force possible les réponses aux questions posées en introduction.
Réfléchir sur un sujet avec méthode, ce n’est pas chercher immédiatement à donner une ou
plusieurs réponses, c’est d’abord questionner le sujet. Votre premier travail commence donc
là : dans la lecture et la relecture du sujet (même réduit à un seul mot), qui vous permettront de
dégager une problématique et, par voie de conséquence, un plan.

 Exercice 5
Après avoir défini le sujet « Vieillissement et dépendance en France », vous pose-
rez des séries raisonnées de questions permettant de cerner sa problématique et
de recenser des connaissances utiles pour son analyse.
Comme il est illusoire de croire que l’inspiration seule vous soufflera cette
problématique, il faut vous appuyer sur un minimum de méthode pour
analyser le sujet dans cette perspective.
1. Premier conseil : ne pas se précipiter

Le risque de se méprendre sur la nature exacte du problème à traiter est
permanent. Il est d’autant plus grand qu’une fois le sujet mal compris et
mal interprété, on a toutes les chances d’écrire pendant plusieurs heures
à côté de la problématique… C’est souvent après l’épreuve, une fois la
copie rendue, en parlant avec d’autres, que le candidat réagit (trop tard !)
et comprend son erreur… et la raison de son échec.
➤➤ Se joue donc, dans les premières minutes de l’épreuve, une manche
décisive : l’analyse attentive du libellé, de manière à traiter le bon sujet et
pas un autre. Surtout, il faut éviter de céder à la panique, de s’abandonner
aux premières impressions, aux idées qui viennent à l’esprit dès la première
lecture et qui sont rarement les bonnes. Ce sont souvent des idées vagues,
convenues, parfois fausses, suscitées par le thème du sujet et pas par le
problème exact, qui reste à découvrir et ne s’imposera peut-être à l’esprit
que de longues minutes plus tard.
➤➤ Pour empêcher votre esprit de divaguer, de partir hors sujet, nous vous
conseillons de vous obliger à fixer longuement les mots imprimés sur la
feuille qu’on vous a distribuée : un sujet, même long, doit être su par cœur
et constamment présent à l’esprit tout au long de l’épreuve (surtout, ne
faites pas comme ces candidats qui, après avoir jeté un œil rapide sur le
sujet, se mettent à écrire sans fin…). Il s’agit ici d’« hypnotiser » le sujet,
et la bonne méthode consiste à recopier tout le libellé sur sa feuille de
brouillon. Recopier des mots, de sa main et de son écriture, c’est déjà
commencer à les assimiler, à les faire siens.

L’objectif, en définitive, est de réfléchir sur le sens et les potentialités de
chaque mot du libellé, de peser leur poids relatif sans jamais perdre de
vue l’essentiel, à savoir que c’est le tout (le libellé complet) qui donne un
sens aux éléments (chaque mot du libellé), beaucoup plus que l’inverse.
2. Deuxième conseil :
se méfier de l’impression de « déjà-vu »
Retenez ceci, qui ne va pas de soi : comme il n’existe pas deux sujets iden-
tiques, le fait d’avoir déjà traité un sujet voisin de celui proposé au concours
(ou d’y avoir réfléchi longuement) peut s’avérer une grande chance ou,
au contraire, un piège ; une chance si cela vous permet de réutiliser des
idées, des thèses ou des exemples dans la perspective exacte du sujet ;
un piège si cet apparentement vous conduit à méconnaître la spécificité
du sujet et à écrire hors sujet.
 Exercice 6
En vue de l’analyse du sujet « En quoi la vie associative contribue-t-elle à l’ex-
pression de la citoyenneté ? », vous exposerez les arguments qui vous paraissent
confirmer ou infirmer le sens de la question.
3.Troisième conseil :
vous demander « Pourquoi un tel sujet ? »
Si vous voulez vraiment saisir les enjeux d’un sujet, il faut vous demander,
avant de vous lancer dans la recherche d’idées, pourquoi on vous a donné
ce sujet et en quoi, pour le jury, il était important que vous y réfléchissiez.
En d’autres termes, il s’agit de trouver quelle problématique générale se
cache derrière la question posée ou le thème proposé. Car rédiger une
composition de culture générale, c’est aussi aller dans le sens des concep-
teurs du sujet et, par la façon de le traiter, prouver qu’il était nécessaire
de s’interroger dessus. C’est en outre une manière efficace de se motiver,
car il est toujours décourageant de traiter un sujet dont on ne perçoit pas
l’intérêt.

D’une manière générale, un sujet tire sa légitimité du fait :
– qu’il renvoie à un problème actuel (même si celui-ci ne retient pas en
continu l’attention des médias) ;
– qu’il nécessite une action des pouvoirs publics à court ou, plus généra-
lement, à long terme ;
– qu’il pose authentiquement problème.
Ce dernier point est particulièrement stimulant du point de vue intellectuel :
se dire que le sujet soulève (soit explicitement, soit implicitement) des
questions épineuses, c’est lancer sa réflexion. À la manière d’Archimède
s’écriant « Donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde », vous
pourriez dire : « Dites-moi où se situe le paradoxe, la contradiction, l’aporie 1
et je n’aurai aucune difficulté à passer du thème au problème, à trouver le
contenu de ma copie et à en construire le plan. »
 Exercice 7
Définissez les termes du sujet « En quoi la fracture numérique est-elle un problème
politique ? » et posez sa problématique.
4. Quatrième conseil :
distinguer « thème » et « prédicat »
Le thème, pris au sens linguistique, c’est ce dont on parle. C’est ce thème
qui, après les épreuves, conduit souvent les candidats à dire que le sujet
était intéressant ou inintéressant, facile ou difficile. Pourtant, quelle que
soit l’importance du thème, l’essentiel, dans un sujet de composition, est le
prédicat. Le prédicat, c’est ce qu’on dit de nouveau, d’original, d’unique par
rapport au thème. Il faut savoir qu’un même thème peut donner naissance à
un nombre considérable de prédicats, dont chacun commande une réflexion
spécifique. C’est ce qu’ignorent souvent les candidats qui, coûte que coûte,
quel que soit le prédicat, veulent placer le « topo » qu’ils ont mémorisé sur un
thème. Or, aussi séduisant soit-il, le thème ne doit pas occulter la nécessité
d’adopter un angle de vue particulier, imposé par le prédicat.
1. Difficulté d’ordre rationnel paraissant sans issue.

● ● ● Exemple
Ainsi, un candidat ayant à traiter le sujet « Le chômage endémique et les démocraties » n’a ni à
s’interroger sur la démocratie ou le chômage considérés en eux-mêmes, ni à rédiger sur ces deux
thèmes des exposés successifs ou, à plus forte raison, exhaustifs : il doit « seulement » analyser
les effets du chômage endémique sur une démocratie en général et sur la démocratie française
en particulier, s’interroger sur la nature des remèdes envisagés par les pouvoirs publics (État,
collectivités territoriales), etc.
Le tableau suivant montre comment, à partir d’un même thème, on peut

faire varier les prédicats et, par conséquent, les sujets.
Thème Prédicat
Diversité culturelle… et unité nationale.
La diversité culturelle… et l’école républicaine.
La diversité culturelle… est-elle l’affaire de l’État ?
La diversité culturelle… est-elle une chance pour la paix ?
La diversité culturelle… est-elle encore possible quand les échanges se
mondialisent ?
Handicap… et société.
Handicap… et responsabilité de l’État.
Handicap… et discrimination positive.
Handicap… et libertés.
Environnement… et enjeux économiques.
Environnement… et emploi.
Environnement… et gouvernance mondiale.
La défense de l’environnement… passe-t-elle avant le droit au éveloppement
revendiqué par les pays émergents ?
La défense de l’environnement… est-elle d’abord l’affaire des individus ?
Le thème et le prédicat doivent toujours être analysés conjointement, de

sorte que leur interdépendance apparaisse clairement.
➤➤ D’un point de vue statistique, le thème apparaît généralement au début
des libellés, mais ce n’est pas une règle. Tout dépend de la manière dont est
formulé le sujet ; le thème peut aussi n’arriver qu’à la fin : par exemple, dans
un sujet sur le thème de l’insécurité (« Selon vous, peut-on lutter efficacement
contre l’insécurité ? »), le mot thème est le dernier. Dans ce type de cas, il ne

faut pas hésiter à reformuler la phrase, de façon à bien distinguer le thème
(le général) et le prédicat (l’angle de vue particulier), ce qui donnerait,
en l’occurrence : « L’insécurité [thème], peut-on lutter efficacement contre ?
[prédicat] ». Une fois la démarche comprise, il est facile de l’appliquer à
tous les sujets ne commençant pas par le thème : « Pourquoi obéir aux
lois ? » devient « Les lois, pourquoi leur obéir ? », etc.
➤➤ Plus délicats sont les libellés bipolaires, juxtaposant deux mots d’égale
nature (deux substantifs génériques) qui paraissent ainsi de même impor-
tance et, de plus, interchangeables. Au point qu’on puisse alors croire avoir
affaire à deux thèmes et non pas à un thème et à un prédicat. Exemples :
« Religion et politique dans le monde contemporain », « Démocratie et opinion
publique ». Dans cette configuration, il faut considérer le premier terme
comme le thème et le second comme le prédicat ; mais il peut aussi être
utile, pour déterminer la problématique, d’intervertir les termes du libellé
(exemples : « Politique et religion », « Opinion publique et démocratie ») et de
découvrir précisément que cette interversion a modifié le sujet.
 Exercice 8
Ayant à traiter le sujet « Espace public et libertés », vous cernerez la notion d’es-
pace public et montrerez en quoi le caractère public de l’espace peut justifier des
limitations ou des restrictions à l’exercice de libertés.
L’analyse du sujet doit vous occuper un certain temps et il ne faut surtout pas vous arrêter à une première
impression ou interprétation.
Vous devez vous demander « d’où vient le sujet » pour comprendre comment et vers quoi orienter votre
réflexion. Vous devez aussi vous méfier des questions apparemment « transparentes » et partir du principe
que derrière le thème le plus neutre se cache un problème qui mérite votre attention.
Tout thème doit devenir problème et être décliné en questions auxquelles la composition tente de répondre.
« Problématiser », c’est déployer les potentialités d’un sujet et en découvrir les dimensions essentielles.
La problématique se trouve dans les relations qu’entretiennent le thème et le prédicat. Le sujet à traiter n’est
ni dans le thème, ni dans le prédicat mais dans leur rapprochement, tantôt attendu, tantôt inattendu, mais
toujours intellectuellement stimulant. On pourrait évoquer ici l’étincelle naissant entre deux électrodes : du
rapprochement du thème et du prédicat naît une problématique qui constitue le sujet même.

Le bon usage du temps imparti
Selon la résistance plus ou moins importante que vous oppose le sujet, vous passerez évidemment
plus ou moins de temps sur l’analyse du sujet ou sur la recherche du contenu. Mais quelles que
soient la nature et la difficulté du sujet, vous devez gérer au mieux les trois ou quatre heures que
dure l’épreuve. Le plus grave serait de manquer de temps, à la fin de la rédaction, pour l’avoir
imprudemment gaspillé auparavant.
La répartition du temps que nous proposons ci-dessous (pour une épreuve de trois et de quatre
heures) est purement indicative et elle n’a d’autre objet que vous rappeler l’équilibre des tâches
successives le jour du concours.
Tâches à réaliser Découpage approximatif

du temps
Épreuve Épreuve
de 3 heures de 4 heures
Analyse du sujet 5 minutes 10 minutes
Recherche du contenu 15 minutes 20 minutes
Mise au point du plan détaillé 10 minutes 15 minutes
Rédaction (ajustement incessant du contenu 2 heures 20 3 heures

et du plan choisi)
Relecture (correction des fautes d’orthographe, 10 à 15 minutes 15 minutes

rétablissement des mots oubliés, etc.)
Bien que tout découpage du temps paraisse un peu arbitraire, souvenez-vous de ce conseil :
même si vous êtes décidé à raccourcir au maximum le temps préparatoire à la rédaction, vous
ne pourrez pas réussir votre devoir en commençant à écrire au bout de dix minutes, sur des idées
vagues et un plan tout aussi vague.
À l’inverse, il ne faut pas faire durer exagérément ce temps qui précède le moment où vous vous
jetez à l’eau et écrivez sur votre copie la première phrase, car :
– seule la rédaction permettra de parfaire votre recherche d’idées et la mise au point d’un plan
qui demande à être confronté à la réalité de l’écriture ;
– si l’on consacre moins de trois heures (sur quatre) à la rédaction proprement dite de la copie,
on ne peut aller assez loin dans le développement de sa pensée.

Pour connaître vos points forts et vos points faibles avant le jour J, il est nécessaire d’avoir traité,
pendant votre préparation, quelques sujets en temps limité, même si vous travaillez seul et
que personne ne corrige vos travaux, de manière à :
– « vivre » ce temps à la fois très long et très court que représentent les quatre heures d’épreuve ;
– mesurer votre vitesse d’écriture ;
– estimer comment le passage effectif à la rédaction modifie les éléments de contenu et de plan
trouvés pendant la phase précédente ;
– voir l’usage que vous faites alors du brouillon, sachant que le recours à celui-ci prend du temps,
certes, mais permet aussi de faire « repartir » une inspiration qui faiblit, d’éviter des ratures, etc.

 Exercice 1
Cherchez en quoi le sujet A, « Qu’attendre de l’État ? », diffère du sujet B,
« À quoi sert l’État ? » ; par voie de conséquence, en quoi le propos issu du
sujet A différera-t-il de celui issu du sujet B ?
Qu’on ait affaire au sujet A ou au sujet B, le thème reste le même :
le rôle de l’État. Donc le traitement des deux sujets fera appel à un
socle commun de connaissances (fonctions régaliennes – sécurité,
justice, défense, diplomatie –, interventions économiques, sociales,
culturelles, etc.). Mais la sémantique des verbes modifie sensiblement
l’approche des sujets, les plaçant dans des perspectives différentes.
Le sujet A se situe dans l’optique des réponses que l’État est suscep-
tible d’apporter aux demandes des citoyens, tandis que le sujet B est
plutôt axé sur l’offre des services et prestations que l’État est censé
fournir aux citoyens. Ainsi, pour le sujet B (« À quoi sert l’État ? »),
la question posée aboutit à la formulation suivante : quels sont les
contours de l’action de l’État ? Ce qui pose implicitement la question
de la légitimité de l’action étatique. Quels sont les domaines où celle-ci
apparaît légitime ? Est-il légitime que l’État intervienne dans le domaine
économique et social ? Ou bien doit-il s’en tenir aux seules fonctions
régaliennes ? Doit-on remettre en cause les missions de l’État ? Ce sont
bien les questions posées tant par le libéralisme que par les partisans
d’un certain étatisme.
Pour le sujet A (« Qu’attendre de l’État ? »), la reformulation est plutôt
la suivante : compte tenu des contraintes et des difficultés auxquelles
l’État est confronté, jusqu’où peut aller son rôle ? Comment l’État
réagit-il aux sollicitations que les citoyens lui adressent ? L’État est-
il en situation d’apporter les réponses attendues par les citoyens ?
Le sujet A s’intéresse donc davantage à la faisabilité et à l’efficacité
de l’action publique. Les propos de l’ancien Premier ministre Lionel
Jospin – « L’État ne peut pas tout » – illustrent ce nouveau positionne-
ment des pouvoirs publics. L’action de l’État doit tenir compte des
contraintes budgétaires et financières (ne pas augmenter la dette
publique), des limitations imposées par ses obligations internatio-
nales (par exemple, les transferts de compétences à l’Union euro-

péenne ont limité la marge de manœuvre de l’État, en particulier

sur les plans budgétaire et monétaire) et de la nécessité d’intégrer
les nouvelles menaces (terrorisme, instabilité financière, menaces
environnementales, etc.).
Pour l’essentiel, le sujet B s’interrogera sur les contours des missions
de l’État, tandis que le sujet A intégrera en plus, dans la composition,
l’analyse des contraintes auxquelles est assujettie l’action publique,
cernant le décalage entre les fonctions de l’État et leur faisabilité
pratique (politique, budgétaire…).
 Exercice 2
En comparant le libellé A, « La sécurité publique », avec le libellé B, « Sécurité
publique et libertés », vous chercherez à comprendre en quoi, dans le
libellé B, la présence du vocable sécurité publique, relié à libertés par le
mot clé et, détermine une approche différente du thème et, de fait, change
la nature du problème.
Un sujet simplement libellé « La sécurité publique » (sujet A) peut
justifier (même si ce n’est pas le seul plan possible) une réflexion
sur les enjeux et les défis des politiques publiques de sécurité et de
maintien de l’ordre. Dans cette approche, l’incidence des mesures
de sécurité sur l’exercice des libertés n’est qu’un élément d’analyse
parmi d’autres.
En revanche, un sujet libellé « Sécurité publique et libertés » (sujet B)
invite à une approche sensiblement différente du problème (même
si une réflexion sur les politiques sécuritaires reste aussi incontour-
nable que dans le sujet précédent). Le sujet B, énoncé sous la forme
de deux termes reliés par la conjonction et, est un sujet interactif qui
porte sur les rapports entre la sécurité et les libertés. Une analyse,
et a fortiori un plan dissociant les deux termes du sujet seraient un
contresens.
La délimitation du sujet B doit tenir compte du mot « libertés » au
pluriel, ce qui le différencie de la « liberté » au singulier : la liberté est
un principe souche d’où découlent un certain nombre des libertés
(au pluriel), celles qui sont reconnues et garanties dans une société
donnée. Ainsi, les libertés apparaissent comme des facultés d’agir

Corrigé des exercices du chapitre 3 ou d’exiger affirmées sur le plan institutionnel ; ce sont des libertés
individuelles et collectives telles que la liberté d’opinion, d’expres-
sion, de déplacement, de réunion, de manifestation. En revanche,
l’expression « sécurité publique » a une délimitation plus stricte : elle
désigne la problématique du maintien de l’ordre au sens matériel
du terme.
Par conséquent, l’analyse du sujet B doit concerner la dialectique
entre les impératifs de sécurité et les exigences des libertés. La
sécurité est-elle nécessaire à l’exercice des libertés ? La sauvegarde
de l’ordre peut-elle justifier des limites à l’exercice des libertés ?
Comment concilier la sécurité et les libertés ? La refléxion autour
de ces questions laisse apparaître que l’absence de sécurité peut
entraîner la disparition des libertés, par exemple dans une société
où l’anarchie – au sens courant du terme – régnerait. Mais la pratique
montre aussi que les politiques publiques de sécurité imposent sou-
vent des limites à l’exercice des libertés, rendant difficile la recherche
d’un compromis entre sécurité et libertés.
Bien que la sécurité soit la première des libertés, la lutte contre
l’insécurité doit-elle se faire au prix du sacrifice des libertés ? Les
décisions prises aux États-Unis après les attentats du 11 septembre
2001, notamment le Patriot Act, allaient dans le sens d’une obstruction
à l’exercice des libertés. En France, après les attentats de janvier
2015, le projet de loi sur le renseignement présenté par le gouverne-
ment a soulevé de fortes oppositions, mettant en lumière les difficul-
tés à trouver un compromis entre la sauvegarde de la sécurité et le
respect des libertés. Aussi les nouvelles technologies mettent-elles
à la disposition des politiques les moyens de contrôler l’activité des
individus et leurs libertés. En matière de lutte contre l’insécurité, les
pouvoirs publics utilisent ainsi la vidéosurveillance et la biométrie,
des techniques que certains estiment dangereuses pour les libertés
individuelles (par exemple, les données biométriques constituent
un identifiant intime et universel qui rend très facile le « traçage »
des individus).

 Exercice 3

En quoi, dans le sujet suivant, la citation doit-elle être, certes, comprise pour
elle-même mais aussi lue à la lumière de tout le libellé ? « Il n’y a pas de
gouvernement populaire. Gouverner, c’est mécontenter », Anatole France
(Monsieur Bergeret à Paris, Calmann-Lévy, 1901). Dans quelle mesure cette
affirmation vous paraît-elle vraie dans les démocraties contemporaines ?
1. La citation
Le caractère laconique, voire péremptoire, de l’affirmation justifie
(dans l’introduction mais aussi dans le développement) une reformu-
lation plus claire et plus précise, mettant au jour le fait que les deux
phrases de la citation s’inscrivent dans une logique de causalité :
« il n’y a pas de gouvernement populaire » parce que « gouverner, c’est
mécontenter ».
En effet, si la citation d’Anatole France (1844-1924) met l’accent
sur l’art ingrat de gouverner et l’impopularité qui l’accompagne
inéluctablement, c’est bien parce que gouverner n’a jamais été une
tâche aisée et que les peuples ont très souvent exprimé, avec plus
ou moins de violence, de vives critiques envers les gouvernants.
Mais que faut-il entendre par « gouvernement populaire » ? Quels cri-
tères déterminent la popularité des gouvernants ? Un gouvernement
peut être qualifié de populaire lorsque son action reçoit sinon le sou-
tien, du moins l’assentiment d’une large partie de la population. D’ail-
leurs, qu’est-ce que gouverner ? Le concept de gouverner englobe
l’ensemble des actes des personnes et des institutions investies
d’un pouvoir de décision pour gérer les affaires de la société. Dès
lors, l’action de gouverner peut se décliner en trois temps : d’abord,
prévoir et anticiper ; ensuite, choisir et décider ; enfin, exécuter et
évaluer. Or, c’est la deuxième phase qui est le plus souvent à l’ori-
gine d’un sentiment de mécontentement exprimant l’insatisfaction,
l’indignation, le refus d’adhérer, voire de se résigner, face aux choix
et aux décisions des gouvernants. Le mécontentement apparaît donc
comme inhérent à l’action de gouverner, dans la mesure où celle-ci
comporte des choix à faire entre de multiples intérêts divergents et
parfois contradictoires, ce qui engendre inévitablement une insatis-
faction chez ceux qui sont pénalisés par les choix politiques.

Corrigé des exercices du chapitre 3 2. Le libellé pris dans son intégralité
Le caractère prégnant de la citation d’Anatole France ne doit cepen-
dant pas vous empêcher de réfléchir sur les autres informations
contenues dans le libellé.
La date – 1901 – doit vous rappeler le contexte politique de la
Troisième République à la fin du xixe siècle, ponctué de scandales
politico-financiers (affaire du canal de Panama, trafic des décora-
tions) et de conflits politiques (affaire Dreyfus) qui contribuent
à créer un climat de désenchantement à l’égard des institutions
politiques ; celui-ci nourrit un fort courant antiparlementaire qui
s’épanouira surtout entre les deux guerres.
Mais c’est sur la question accompagnant la citation d’A. France, et
elle seule, qu’il faut centrer votre analyse.
Aujourd’hui, comme à l’époque d’A. France, l’un des traits saillants
des démocraties, dont la France, est un sentiment de mécontente-
ment politique et d’insatisfaction dans la population. Or, de prime
abord, il peut paraître paradoxal que des régimes démocratiques,
fondés sur le consentement populaire – leur principe est le « gouver-
nement du peuple, par le peuple et pour le peuple », selon la formule
d’Abraham Lincoln (1863), reprise par la Constitution française de
1958 (article 2) –, engendrent des phénomènes de mécontentement
au point d’affaiblir, voire de briser, le pacte de confiance qui lie les
gouvernants aux gouvernés en démocratie. Pourtant, le méconten-
tement des citoyens n’est pas dépourvu de vertus démocratiques :
ainsi, n’est-t-il pas, dans une certaine mesure, le moteur de la vie
démocratique ?
Comment expliquer l’insatisfaction des citoyens ? Quelles en sont
les causes ? Bien que le mécontentement des gouvernés à l’égard
des gouvernants soit pour partie structurel dans les démocraties
représentatives, de nombreux facteurs sont liés à la conjoncture
sociale et économique (crise économique, chômage, hausse des
impôts, etc.) ainsi qu’à la perception qu’ont les gouvernés des gou-
vernants et des politiques qu’ils mènent (discrédit des politiques,
corruption, promesses non tenues, absence de résultats ou, en tout
cas, sentiment de vivre moins bien que dans le passé, etc.).

Comment s’exprime ce mécontentement ? Il est perceptible tantôt

sous la forme de mouvements sociaux et de manifestations dans la
rue (citoyenneté protestataire), tantôt dans les urnes (citoyenneté
politique), par une abstention électorale élevée ou le vote pour des
partis extrémistes (voir la poussée des partis populistes dans les
démocraties européennes).
Enfin, vous devez vous interroger sur les conséquences du mécon-
tentement. Dans quelle mesure trouble-t-il les relations entre gou-
vernants et gouvernés ? Affecte-t-il la capacité à gouverner ? Or, si
l’action de gouverner consiste bien à anticiper autant qu’à répondre
aux revendications des gouvernés, les gouvernants peuvent-ils rester
insensibles à l’expression du mécontentement ? Quel est l’impact de
celui-ci sur l’orientation des politiques publiques ?
 Exercice 4
Comment traiteriez-vous, dans une composition de culture générale qui
n’est ni une composition d’histoire ni une dissertation juridique, le sujet
suivant : « La décentralisation aujourd’hui » ?
Si le thème du sujet est « la décentralisation », la problématique est,
elle, à chercher dans le lien qu’entretient la décentralisation avec le
présent. En d’autres termes, l’adverbe « aujourd’hui » constitue le pré-
dicat du sujet et nous impose de rechercher ce qui « fait problème »
dans le statut de la décentralisation actuellement.
La composition doit évidemment rappeler les dates et les grands
textes législatifs dont le lecteur a besoin pour appréhender la nature
de la problématique actuelle de la décentralisation. Il est donc utile,
au début de la copie, de faire référence aux lois fondatrices de 1982-
1983, à la deuxième vague de réformes intervenue dans les années
2003-2007, ainsi qu’aux derniers développements de la réforme des
collectivités territoriales – janvier 2014 : loi de modernisation de
l’action publique territoriale ; janvier 2015 : loi réduisant le nombre
de régions métropolitaines de 21 à 12 (la collectivité territoriale de
Corse non comprise) ; début 2015 : projet de loi portant nouvelle
organisation territoriale de la République (« loi NOTRe »). Mais la
composition deviendrait un exposé fastidieux si elle se bornait à

Corrigé des exercices du chapitre 3 décrire la décentralisation à la française ou à relater son histoire
depuis les années 1980.
Pour donner sens à la copie, il convient d’envisager la question sous
l’angle politique, au sens large du terme : en matière de décentra-
lisation, quels sont aujourd’hui les desseins de nos gouvernants ?
Veulent-ils la développer, l’approfondir, l’amender ? En quoi la décen-
tralisation, actuellement, joue-t-elle ou non un rôle important et
positif dans la vie des Français ? Quelle appréciation ces derniers
portent-ils sur elle ? En mesurent-ils bien la configuration et les
enjeux ?
Ainsi posé, le problème devient passionnant. Car, à l’évidence, la
décentralisation pose aujourd’hui problème, aussi bien aux yeux des
gouvernants qu’à ceux des citoyens. Ce qui était apparu en général
comme un immense progrès en 1983 peut paradoxalement apparaître
aujourd’hui comme une source de graves difficultés, notamment
financières. Au point que le citoyen, qui est aussi un contribuable,
se met parfois à regretter l’État centralisé.
Le rapport de la Cour des comptes sur « la conduite par l’État de
la décentralisation », paru en octobre 2009, est, de ce point de vue,
bien éclairant : il parle du « pilotage incertain de la deuxième vague
de décentralisation », montre comment cette dernière est restée un
processus inabouti, comment la carte territoriale des compétences
n’a pas été rationalisée, comment l’État n’assume pas toutes ses
responsabilités financières, etc.
Cependant, le questionnement de la décentralisation est aussi lié à
des dysfonctionnements qui découlent de l’organisation territoriale
de l’État (rôle des services déconcentrés, régulation des compé-
tences, etc.). Ainsi, le rapport publié par la Cour des comptes en
juillet 2013, L’organisation territoriale de l’État, précise que « l’exces-
sive complexité de l’organisation de l’État et l’entrecroisement des
compétences accentuent les inconvénients du “mille-feuille” des col-
lectivités territoriales. La France est le seul pays européen dans lequel
l’État n’a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation, et où
subsistent, à côté de véritables transferts de compétences, des secteurs
de cogestion ».

Toutes choses expliquant que la décentralisation, censée résoudre

les difficultés liées à l’existence d’un État jacobin, puisse apparaître
elle-même comme une source de problèmes. Et c’est à la Cour des
comptes que nous emprunterons notre conclusion : « Aux questions
simples posées par le citoyen, “qui fait quoi et combien cela coûte ?”, il
reste encore après la réforme de 2004 malaisé de répondre. […] Si la
Cour n’a pas à se prononcer sur l’organisation des compétences, elle
suggère que celle-ci s’ordonne au moins selon des critères de lisibilité
par échelon territorial, de simplicité des découpages des responsabilités
au sein des compétences décentralisées et de réduction des dépenses
administratives de gestion locale. »
 Exercice 5
Après avoir défini le sujet « Vieillissement et dépendance en France », vous
poserez des séries raisonnées de questions permettant de cerner sa problé-
matique et de recenser des connaissances utiles à son analyse.
Le libellé binaire du sujet met en rapport deux termes qui ne sont pas
tout à fait disjoints, le vieillissement pouvant comporter un risque
de dépendance physique. Seule la dépendance liée à l’âge est donc
à analyser, ce qui exclut la dépendance des personnes handicapées
en général. Ainsi, le vieillissement de la population, défini comme le
processus par lequel la proportion des personnes âgées augmente
dans la population totale, est souvent un facteur de dépendance,
c’est-à-dire de manque d’autonomie pour réaliser les actes de la vie
quotidienne.
Plusieurs questions permettent de cerner la problématique du sujet.
Quel est l’état des lieux du vieillissement en France ?
Le vieillissement de la population française constitue une tendance
structurelle qui aboutit à une modification de la pyramide des âges.
En France, au 1er janvier 2013, les habitants âgés de 65 ans et plus
représentent 17,5 % de la population, soit 1,4 point de plus qu’en
2003. Près d’un habitant sur dix a au moins 75 ans. Le nombre de
personnes de 60 ans ou plus a crû de 23,4 % en dix ans, et leur part
dans l’ensemble de la population française (23,8 %) est presque
équivalente à celle des jeunes de moins de 20 ans (24,7 %). D’après

Corrigé des exercices du chapitre 3 l’INSEE, l’augmentation de la part des seniors est inéluctable, car elle
est inscrite dans la pyramide des âges actuelle : les 65 ans et plus
représenteront 20,9 % de la population en 2020, et 28 % en 2040. Mais
le vieillissement n’est pas un phénomène uniquement hexagonal.
Selon Eurostat, près de 18 % des citoyens européens avaient plus
de 65 ans au début 2013, tandis que dans certains pays, comme
l’Allemagne ou l’Italie, ce chiffre frôle le cap des 20 %.
Quelles sont les causes du vieillissement de la population française ?
Le vieillissement est la conséquence d’une transition démographique
correspondant au passage de taux élevés de fécondité et de mortalité
à des taux faibles. La hausse de l’espérance de vie à la naissance
constitue un facteur essentiel de l’accroissement du vieillissement
puisque, chaque année, nous gagnons un trimestre d’espérance de
vie. En 1900, la durée de vie moyenne n’était que de 43,4 ans pour les
hommes et de 47 ans pour les femmes. De 1946 à 2014, l’espérance
de vie à la naissance est passée de 65 à 85,4 ans pour une fille et de
60 à 79,2 ans pour un garçon. En outre, le vieillissement de la popu-
lation française est accentué par l’avancée en âge des générations
nombreuses du baby-boom (1947-1973).
Quelle est la portée de la dépendance des personnes âgées ?
La grande longévité s’accompagne souvent de diverses pathologies
conduisant à une perte d’autonomie. Mais la dépendance n’est pas
un phénomène inéluctable ; sa survenue constitue un aléa puisque
92 % des personnes de plus de 60 ans n’en sont pas frappées. D’ail-
leurs, l’augmentation de l’espérance de vie s’est accompagnée d’un
accroissement de la durée de vie sans incapacité. Ainsi, l’INED 1
a calculé que les années de vie gagnées favorisent davantage les
troubles fonctionnels que les situations lourdes de dépendance, ce
qui semble montrer que, lorsque la longévité augmente, l’apparition
des pathologies liées au vieillissement est retardée.
1. Institut national d’études démographiques.

Qu’en sera-t-il de la dépendance dans l’avenir ?

Quoique toute projection soit hasardeuse, la DREES 2 a estimé que le
nombre de personnes âgées dépendantes prises en charge devrait pro-
gresser à raison de 1 % en moyenne par an jusqu’en 2040, sans toutefois
que cette évolution soit linéaire. Selon d’autres sources, une personne
sur quatre issues des générations du baby-boom sera dépendante. Néan-
moins, de nombreuses incertitudes demeurent concernant aussi bien
l’influence des politiques de prévention sur l’évolution des pathologies
responsables d’un état de dépendance – accidents vasculaires céré-
braux (AVC), maladies cardiovasculaires, etc. – que les progrès de la
recherche médicale dans le traitement des maladies dégénératives.
Quelle réponse apporte-t-on aujourd’hui à la dépendance ?
La prise en charge des personnes dépendantes s’effectue dans des
établissements spécialisés (maisons de retraite médicalisées) ou à
domicile (services à la personne). Les réponses apportées par les
pouvoirs publics prennent la forme d’aides sociales (notamment
l’allocation personnalisée d’autonomie – APA). En 2004 a été créée
la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont le
champ d’action s’étend à la prise en charge de la dépendance et du
handicap. En outre, l’État a institué une journée de solidarité et a
mis en place des plans Solidarité-grand âge et Alzheimer.
Qui finance le coût de la dépendance des personnes âgées ?
En 2011, la dépense publique consacrée à la prise en charge de la
dépendance atteint 22,9 milliards d’euros et équivaut à plus de 1,1 %
du produit intérieur brut (PIB). Elle est principalement abondée par
les organismes de Sécurité sociale (60 %), mais aussi par les dépar-
tements (20 %), l’État n’intervenant que par des dépenses fiscales.
Depuis les lois de décentralisation, les départements ont la charge
de l’ensemble des prestations d’aide sociale, dont l’APA. Les res-
sources proviennent notamment d’une fraction de la contribution
sociale généralisée (CSG), perçue sur les revenus d’activité, et de la
2. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (minis-

tère du Travail).

Corrigé des exercices du chapitre 3 contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA), étendue depuis
2013 aux retraités imposables. Mais une part des dépenses reste à
la charge des personnes âgées et de leur famille.
Quelles perspectives d’avenir pour le financement de la dépendance ?
Toute augmentation du financement public est conditionnée par
la dégradation de la dépense publique et le taux des prélèvements
obligatoires, déjà très élevé. Dans ce contexte, doit-on étendre l’effort
contributif aux retraités eux-mêmes ? Le financement doit-il se faire
entièrement par la solidarité nationale ? Quel peut être le rôle de
la prévoyance individuelle ? Fin 2013, 5,7 millions de personnes en
France étaient déjà couvertes contre le risque de dépendance. Doit-
on envisager un financement mixte se traduisant par l’introduction
d’une dose « assurantielle », tout en maintenant un socle solidaire ?
Mais que doit-on entendre par « système assurantiel » ? Une assurance
obligatoire ou facultative ? Publique ou privée ? Les réponses à ces
questions renvoient à des problématiques touchant à la fiscalité et
aux inégalités intergénérationnelles.
En conclusion, on peut dire que la réforme de la dépendance, ne
pouvant s’affranchir d’un débat sur la fiscalité, apparaît désormais
comme un enjeu politique car le problème posé par le financement
de la dépendance ne concerne pas tant les seniors d’aujourd’hui que
les jeunes actifs, qui seront les contributeurs de demain.
 Exercice 6
En vue de l’analyse du sujet « En quoi la vie associative contribue-t-elle à
l’expression de la citoyenneté ? », vous exposerez les arguments qui vous
paraissent confirmer ou infirmer le sens de la question.
Les associations sont des groupements créés conformément à la loi
du 1er juillet 1901, qui pose le principe de la liberté d’association.
Mais les associations constituent-elles un relais de la citoyenneté ?
S’intéressent-elles au sort de la cité ?
La teneur de la question conduit à exposer successivement les argu-
ments favorables et les arguments défavorables à l’idée que les asso-
ciations contribuent à l’expression de la citoyenneté.

1. Arguments favorables

Les associations jouent un rôle de médiation de la citoyenneté en
palliant les déficiences du système représentatif (abstentionnisme
électoral, baisse de l’engagement partisan, discrédit de la classe poli-
tique). La désaffection des citoyens vis-à-vis de la politique classique
dénote un comportement de refus bien plus que de retrait : loin de
traduire un état d’apathie ou de dépolitisation, la vie associative
reflète l’image d’une société mobilisée autour de l’idée qu’il ne faut
plus tout attendre des gouvernants.
Les associations constituent un espace de débat et de délibéra-
tion qui exprime la citoyenneté par la proximité : en véhiculant
une culture de terrain, le tissu associatif reflète les aspirations et
les doléances d’une population au contact des réalités de la vie
quotidienne.
Le militantisme associatif s’inspire des valeurs éthiques proches
de l’esprit citoyen : le désintéressement, à travers le volontariat et
le bénévolat ; la vie associative pourvoyeuse de solidarité (« Subs-
tituer à l’égoïsme individuel la loi féconde de la fraternité », d’après
le mot de Waldeck-Rousseau, inspirateur de la loi de 1901) ; l’esprit
de service (militer, c’est se rendre utile à autrui) ; la valorisation
de l’engagement civique (militer pour des causes collectives qui
intéressent la vie publique).
Les associations agissent en force de proposition auprès des pou-
voirs publics. En révélant des besoins sociaux, elles font émerger un
problème public et contribuent à l’inscrire dans l’agenda politique
(voir les associations de défense des minorités sexuelles). Elles
deviennent également, grâce à leur expertise, des interlocuteurs
des pouvoirs publics qui les consultent (voir le Grenelle de l’envi-
ronnement en 2007), parfois même les sollicitent, dans l’exécution
des politiques publiques (voir le rôle des associations dans la lutte
contre les phénomènes d’exclusion).
Des associations peuvent devenir des agents de contestation
citoyenne en dénonçant une situation sociale et économique ou les

Corrigé des exercices du chapitre 3 décisions du pouvoir politique (voir l’action du DAL, d’Act Up 3, etc.).
Souvent, des associations naissent localement, de façon ponctuelle,
pour contester des projets d’infrastructures publiques (exemples :
opposition à la construction de lignes de TGV, d’aéroports, etc.).
2. Arguments défavorables
Quelle légitimité accorder à des associations peu représentatives ?
Leur action est-elle crédible ? Certaines associations ne représentent
qu’un petit groupe d’individus engagés dans une action locale, par-
fois surdimensionnée par l’écho médiatique (exemple : protesta-
tion des riverains d’une autoroute contre les nuisances sonores).
D’autres associations défendent des causes civiques, tout en étant
peu représentatives par le nombre de leurs membres (associations
de lutte contre la violence routière, par exemple).
Des associations défendent les intérêts d’un groupe agissant dans une
démarche consumériste (visant à recevoir des prestations, par exemple)
qui s’éloigne de la quête de l’intérêt général (voir les nombreuses asso-
ciations centrées sur les loisirs de leurs membres – association de
pêcheurs à la ligne, etc.). Toutefois, les intérêts particuliers peuvent
être compatibles avec l’intérêt de la citoyenneté (par exemple, une
association de quartier peut prôner un projet de protection de l’environ-
nement ou du patrimoine tout en défendant les intérêts des habitants).
La vie associative reflète la parcellisation de la société, donc la frag-
mentation de la nation. Par conséquent, l’engagement associatif va
être déterminé autrement que par son caractère citoyen : le citoyen
tend à disparaître derrière des catégories d’individus configurées
par divers critères associatifs – profession, orientation religieuse ou
sexuelle, statut social, condition économique.
Enfin, les associations sont-elles toujours aussi démocratiques
qu’elles le proclament ? La loi de 1901 n’oblige en rien une associa-
tion à fonctionner démocratiquement. Alors peut-on défendre l’idée
que la vie associative est un atout démocratique lorsque certaines
associations ont une organisation peu démocratique ?
3. DAL : Droit au logement ; Act Up : association de lutte contre le sida.

 Exercice 7

Définissez les termes du sujet « En quoi la fracture numérique est-elle un
problème politique ? » et posez sa problématique.
Qu’est-ce que la fracture numérique ? Qu’entend-on par problème
politique ? De prime abord, il convient de distinguer retard numé-
rique et fracture numérique. On parle de retard numérique lorsque
le nombre global d’internautes est jugé faible dans un pays, alors
que l’expression « fracture numérique » renvoie à des catégories de
population ayant accès ou non à internet. La fracture numérique
désigne des inégalités d’accès sur le plan territorial, social et géné-
rationnel. Ces disparités dépendent à la fois des possibilités d’accès
– disponibilité géographique d’une offre, prix de l’offre – et des usages
que les individus sont capables de faire de ces accès – compétences
numériques des usagers. À la différence des anciennes générations,
les jeunes ont une plus grande aptitude au maniement du matériel.
En ce qui concerne la notion de problème politique, ce terme désigne
toute question débattue dans l’espace public et inscrite dans l’agenda
des pouvoirs publics. À titre comparatif, citons des questions esti-
mées naguère non politiques et qui, aujourd’hui, intéressent pourtant
les pouvoirs publics : c’est le cas de l’environnement, de la violence
au sein des couples, de la fin de vie.
Il faut donc se demander si les disparités que recouvre la fracture
numérique apparaissent problématiques d’un point de vue politique.
Deux argumentations confortent cette idée.
1. Le web est un nouvel espace public de communication et d’échange,
si bien que les individus qui ne peuvent pas l’utiliser sont exclus des
nouvelles activités sociales qui se sont développées en ligne (par
exemple, le blogging). Le développement du web 2.0 et la multiplication
des blogs, chats, forums et sites favorisent une information alternative
et critique dont l’accès doit être ouvert à tout citoyen.
2. Un nombre croissant d’activités sociales traditionnelles font appel
à la maîtrise de ces technologies, ce qui fait de l’accès aux réseaux
numériques un facteur d’intégration sociale. « L’internet haut débit
constitue aujourd’hui, comme l’eau ou l’électricité, une commodité
essentielle. Accéder à internet haut débit, c’est accéder à l’information,

Corrigé des exercices du chapitre 3 à l’éducation, à la formation, à la culture, aux loisirs, au télétravail, au
commerce à distance, aux formalités administratives en ligne. En être
durablement privé, c’est être progressivement exclu d’un nombre sans
cesse croissant de services, d’échanges et de relations », souligne le
rapport France numérique 2012. Plan de développement de l’économie
numérique, publié fin 2008.
Le développement de l’e-administration – l’administration électro-
nique – a placé les rapports entre l’administration et les administrés
sous un jour nouveau, selon que l’administré y ait ou non accès.
En ce sens, la fracture numérique traduit une inégalité d’accès à
l’information administrative et aux téléprocédures (inscription aux
examens et concours, recherche d’emploi, paiement des impôts,
suivi personnalisé des dossiers, etc.).
Enfin, cet état de fait a conduit les pouvoirs publics à mettre en place
une politique d’égalité d’accès afin de combler le fossé numérique
(voir le plan « France numérique 2012 » ; des espaces numériques sont
gérés par les collectivités territoriales – dont certaines bénéficient du
label « territoires, villes et villages internet » – ou par des associations).
 Exercice 8
Ayant à traiter le sujet « Espace public et libertés », vous cernerez la notion
d’espace public et montrerez en quoi le caractère public de l’espace peut
justifier des limitations ou des restrictions à l’exercice de libertés.
Le libellé du sujet – deux vocables reliés par la conjonction et – nous
amène à analyser l’incidence de l’espace public (vocable thème)
sur l’exercice des libertés (mot prédicat). D’où la nécessité de bien
cerner la notion d’espace public, terme polysémique qui recouvre
plusieurs acceptions (spatiale, sociale, politique, communication-
nelle) autour d’une double dimension : physique et symbolique.
En tant qu’espace physique, l’espace public admet plusieurs sens :
1) au sens courant, qui relève de la géographie, l’espace public est un
lieu de passage, de rassemblement et de rencontre accessible à tous
(réseau viaire, rues et boulevards, places et parvis, parcs et jardins) ;
2) au sens juridique, l’espace public est assimilé au domaine public
(affecté à l’sage de tous) ou au domaine affecté à un service public

dont la gestion relève des décisions des institutions publiques (État,

collectivités) ;
3) au sens large, l’espace public peut se définir par opposition à
l’espace privé, celui-ci désignant l’espace de la clôture, de l’intime,
du secret, de la protection de soi et des siens à l’écart du regard
et du contrôle de la puissance publique. Mais, dans les sociétés
actuelles, la frontière entre les deux espaces, public et privé, n’a-t-elle
pas tendance à s’estomper ? En outre, rappelons que l’opposition
entre espace public et espace privé n’est pas toujours nette, car tout
lieu accessible au public ou recevant du public peut être considéré
comme un espace semi-public dont l’usage est régi par des règles de
libre accès et de libre circulation, assorties d’éventuelles restrictions
en termes d’horaires et de comportements des usagers. Se situent
dans cette catégorie les espaces commerciaux (du moins leur partie
ouverte au public), les halls de gare, les galeries marchandes, les
terrasses de bar et de restaurant, etc.
En tant qu’espace symbolique, l’espace public désigne :
1) un espace de communication, d’échange d’idées et d’informations
qui peut être virtuel (sur internet, par exemple) ;
2) un lieu de discussion et de délibération – qualifié par le sociologue
allemand Jürgen Habermas de « communicationnel » – où s’opposent
les discours, pour la plupart contradictoires, tenus par les différents
acteurs politiques, sociaux, religieux, culturels et intellectuels ;
3) un espace politique quand il est sphère de décision ; c’est alors
un espace où il ne s’agit plus de discuter, mais de décider et d’agir.
Quoi qu’il en soit, l’espace public est par nature le lieu où tout
un chacun est légitimé à exercer ses libertés et à faire valoir son
point de vue. Mais c’est un espace fragile remis en question par
les actes d’intolérance et de violence, de dénigrement et d’exclu-
sion. Donc, qu’il soit matériel ou virtuel, l’espace public ne peut
fonctionner que dans un cadre juridique imposant des règles qui
peuvent éventuellement justifier des limitations ou des restrictions
à l’exercice des libertés.

Corrigé des exercices du chapitre 3 Quels sont les caractères de l’espace public qui peuvent justifier ces
limitations ?
– L’espace public doit rester un espace neutre. Appartenant à tous,
il est indivisible : aucun citoyen ou groupe de citoyens ne doit y
imposer ses convictions aux autres. Ainsi, la laïcité française exige
une conception de neutralité de l’espace public, où l’on cherche à
ne pas manifester les particularités qui seraient de nature à heurter
les autres parce qu’elles relèvent de la vie privée. Rappelons aussi
que la neutralité de l’espace public impose des limites à l’exercice
des libertés par les fonctionnaires (devoir de réserve).
– L’espace public doit rester un espace sûr ; il peut faire l’objet de
mesures de surveillance et de contrôle par différents moyens tech-
nologiques afin de lutter contre l’insécurité et la délinquance (vidéo-
surveillance) ; or, bien que ces moyens assurent la protection des
personnes circulant sur l’espace public, ils ne sont pas exempts de
risques pour l’exercice des libertés individuelles (liberté de déplace-
ment, droit à l’image, droit à la vie privée). La liberté d’aller et venir,
qui s’exerce à titre principal sur la voie publique, entre en conflit avec
la préservation de la sécurité civile, dont les exigences en matière
d’ordre public et de circulation vont toujours croissant. En France,
des raisons de sécurité ont conduit à interdire la dissimulation du
visage dans l’espace public (loi du 11 octobre 2010).
– L’égal accès à l’espace public impose des limites : la liberté d’accès
à l’espace public se conjugue avec la nécessité d’assurer l’égalité d’ac-
cès à tous ; par exemple, la liberté d’expression artistique sur la voie
publique (spectacles de rue) doit respecter le droit d’accès et de circu-
lation, ouvert à tous. Ainsi, si une manifestation culturelle contrevient
à l’égalité d’accès parce qu’elle met en cause la liberté de circulation
des autres usagers du domaine public, elle peut être interdite.
– L’espace public est régi par le principe de l’ordre public (au sens
juridique), qui y interdit la tenue de discours de haine et de discrimi-
nation. Mais ne risque-t-on pas, au nom de l’ordre public, de voir ban-
nis de l’espace public certains discours minoritaires, atypiques ou
iconoclastes, au seul motif qu’ils heurteraient l’opinion majoritaire ?

Chapitre 4
La recherche
du contenu
1. La reformulation du libellé
Chacun d’entre vous a lu ou entendu au moins une fois qu’il fallait refor-
muler le sujet pour mieux le comprendre. Certes, mais que veut dire pré-
cisément « reformuler le sujet », lorsqu’on sait par ailleurs que changer un
seul mot du libellé revient à modifier le sujet ?
Reformuler le sujet, c’est en pratique se l’approprier en convoquant autour
de lui des mots nouveaux, de manière à en dépasser le caractère sibyl-
lin, dont nous avons vu qu’il était délibéré : si les concepteurs de sujets
occultent délibérément l’intérêt, l’ampleur, la portée du problème à traiter,
ses tenants et ses aboutissants, c’est parce qu’ils veulent tester la culture
du candidat, lui laisser la responsabilité de retrouver le contexte qui confère
sens et valeur au sujet.
Aussi, quand le sujet « ne dit rien » spontanément, une première procédure
peut être d’une grande utilité : celle de l’expansion lexicale du libellé, qui
s’avère particulièrement productive lorsque celui-ci est réduit à l’extrême.
Pour être plus précis, il s’agit de trouver des adverbes, des adjectifs, des
propositions relatives, des compléments circonstanciels ou des verbes
qui viennent étoffer la phrase à commenter, enrichir le contexte, ouvrir
des perspectives nouvelles.
Sachant que la majorité des libellés de concours sont des phrases mini-
males (auxquelles on ne peut retrancher un mot sans les rendre incohé-

rentes ou incompréhensibles), le travail d’expansion s’impose de lui-même.
Ainsi, le sujet suivant, pourtant relativement long, repose sur une phrase
minimale : « Que pensez-vous du rôle que l’État devrait jouer à l’égard de
la création ? » ; ici, l’ajout de l’adjectif « artistique » à la fin du libellé est
absolument indispensable.
Comment pratiquer l’expansion du libellé ? Sans prétendre faire le tour
des moyens disponibles, nous pouvons vous indiquer six procédures
complémentaires.
1. La qualification par le biais d’adverbes

Cette qualification permet de faire intervenir des paramètres auxquels
on n’aurait peut-être pas pensé autrement. Ainsi, les adverbes de temps
peuvent vous ouvrir sur la perspective historique, qui ne doit jamais être
négligée.
● ● ● Exemple
Prenons le libellé : « Que pensez-vous du rôle que l’État devrait jouer à l’égard de la création artis-
tique ? » Il suffit d’y glisser l’adverbe « maintenant » ou « enfin » pour obtenir : « Que pensez-vous
du rôle que l’État devrait jouer maintenant… ? » ou «… que l’État devrait enfin jouer ? ». Cette
modification très modeste du libellé peut permettre de songer au rôle joué par l’État monarchique
(Louis XIV et le classicisme) ou républicain (voir le refus par l’État, en 1883, de soixante-sept
tableaux impressionnistes que le peintre et collectionneur Gustave Caillebotte voulait léguer à la
nation). On peut juger des réussites, des errements, des erreurs, des tentatives des dirigeants
d’autrefois et, donc, réfléchir plus lucidement au présent et au futur.
On peut aussi utiliser des adverbes de manière (« Que pensez-vous du rôle que l’État devrait jouer
directement ou indirectement à l’égard de la création artistique ? ») ou des adverbes de degré
(« plus, aussi, moins, le plus, le moins, très ») accompagnant des adjectifs qualificatifs (« L’État
devrait-il jouer un rôle plus, moins, aussi important qu’autrefois ? »).

2. La qualification par le biais d’adjectifs
Venant qualifier des substantifs (noms), des mots clés, les adjectifs (quali-
ficatifs ou autres, indéfinis par exemple) peuvent faire apparaître d’autres
paramètres auxquels on n’aurait pas songé spontanément.
● ● ● Exemple
Soit le libellé « Y a-t-il des limites à la protection de la nature ? ». Il suffit d’accoler à « limites »
les adjectifs « naturelles, techniques, économiques, humaines, morales… » pour que s’ouvrent
des horizons d’abord insoupçonnés.
3. La qualification par le recours

à la locution adverbiale « c’est-à-dire »
Cette démarche conduit à redéfinir les mots clés avec d’autres mots, à
décliner un tout dans les parties qui le composent.
● ● ● Exemple
Reprenons le libellé « Y a-t-il des limites à la protection de la nature ? ». Précisée à l’aide du
recours systématique à « c’est-à-dire », l’expression « protection de la nature » peut produire la
série suivante : « Protection de la nature, c’est-à-dire le fait de ne pas permettre des installations
défigurant un site ; c’est-à-dire le fait de ne pas autoriser des installations polluantes ; c’est-
à-dire le fait de surveiller et d’améliorer constamment la fiabilité des installations existantes ;
c’est-à-dire le fait de diminuer la production et la consommation de biens et d’énergie pour
ménager les équilibres naturels. »
4. La qualification et l’expansion
par le biais de relatives
La proposition relative est la voie syntaxique naturelle qui permet de livrer
des informations secondaires mais dépendantes d’(relatives à) une infor-
mation principale : elle constitue une des voies royales pour dilater le
libellé et lui donner toute son ampleur potentielle.

● ● ● Exemple
Le libellé « Les banlieues incitent-elles à la violence ? » peut être développé ainsi : « Les banlieues
(qui sont aussi appelées “cités”, “quartiers”, “ghettos”) incitent-elles à la violence, violence qui
fait ensuite la une des journaux, qui constitue désormais un des principaux sujets d’inquiétude
des Français, qui vise parfois des personnes, notamment des fonctionnaires investis de l’autorité
de l’État, mais plus souvent des biens privés et des équipements collectifs, etc. ? »
5. L’expansion grâce à des compléments

circonstanciels
Comme la terminologie l’indique, les compléments circonstanciels enra-
cinent une réalité dans un contexte historique, géographique, culturel,
social et politique.
● ● ● Exemple
Le même libellé, « Les banlieues incitent-elles à la violence ? », développé grâce à des complé-
ments circonstanciels, devient : « Dans le cadre d’une crise sans précédent, avec la poursuite
d’un chômage nettement supérieur à la moyenne, avec la montée d’un communautarisme
nouveau dans notre pays et malgré les efforts déjà significatifs des pouvoirs publics (dans le
cadre d’une politique de la ville volontariste), de diverses associations s’employant à rendre
la vie plus agréable et même à promouvoir des comportements plus citoyens, les banlieues
incitent-elles à la violence ? »
6. L’expansion grâce à d’autres verbes possibles

Les verbes viennent alors prolonger dans d’autres directions celui ou ceux
que contient le libellé.
● ● ● Exemple
Dans le libellé « La démocratie peut-elle, et doit-elle, prendre en compte toutes les opinions ? »,
le verbe « pouvoir », déjà prolongé par le verbe « devoir » (ce qui ouvre déjà deux perspectives
très distinctes), peut l’être encore par d’autres verbes. On peut proposer aussi les verbes ou
tournures verbales « veut-elle, songe-t-elle, se donne-t-elle les moyens… »

ÎÎ Remarque concernant les limites de cette procédure
Celle-ci, comme la suivante, constitue seulement un moyen pour lancer la réflexion. Il ne faut donc pas
lui consacrer plus de deux ou trois minutes et il faut rapidement passer à autre chose, dès lors qu’elle
vous a ouvert quelques pistes.
 Exercice 1
Dans le but de lancer la réflexion, procédez à l’expansion lexicale du sujet suivant :
« Selon vous, l’État peut-il être irréprochable ? »
(Voir corrigé page 108).
2. La libre association d’idées

Les mots du libellé peuvent aussi appeler d’autres mots et, donc, des idées.
Dès lors qu’on est à peu près sûr d’avoir cerné la problématique (voir cha-
pitre 3, page 61), on peut recourir, de façon très contrôlée, à l’association
d’idées. Un mot en appelant un autre, on peut ainsi sortir d’un éventuel
« blocage » et obtenir un matériau (un ensemble de mots renvoyant eux-
mêmes à des concepts, des situations, des événements) sur lequel il sera
ensuite possible de travailler rationnellement.
➤➤ L’association d’idées peut faire émerger des concepts, des exemples
auxquels on n’aurait pas songé si l’on s’en était tenu constamment à la
stricte rationalité.
➤➤ L’association d’idées rend visible (on relit et on voit ce qu’on a écrit)
ce qui était jusqu’alors uniquement inconscient et, donc, impossible à
maîtriser. On peut ainsi découvrir en quoi notre représentation sponta-
née du problème était partielle, partiale, et ce qu’il convient de faire pour
traiter le sujet de manière plus complète et plus objective. Parce qu’elle
fait émerger les représentations inconscientes et les préjugés, eux-mêmes
solidaires de nos affects, l’association d’idées permet de faire le « ménage ».
Réfléchir revient ici à observer ses idées préconçues, ses intuitions, ses
réactions spontanées comme dans un miroir, de façon à juger froidement
de leur légitimité ou de leur manque de fondement.

➤➤ L’association d’idées (aussi paradoxal que cela paraisse, car la démarche
est en elle-même aléatoire) peut aider à définir ou redéfinir les limites du
sujet : en relisant chacun des mots jetés à la hâte sur la feuille de brouillon,
on est en effet amené à réfléchir sur sa pertinence et à rayer un mot qui
s’avère, après coup, sans vrai rapport avec le sujet.
3. Le va-et-vient entre le concret

et l’abstrait
Il y a des sujets qui sont immédiatement évocateurs dans la mesure où
ils sont reliés d’une façon ou d’une autre à notre vécu et font naître des
images ou songer à des situations concrètes que la télévision, par exemple,
pourrait illustrer ; il en va ainsi pour ces sujets : « Peut-on dire qu’il y ait une
montée de la violence dans la société actuelle ? », « La rue est-elle un ennemi
pour une démocratie ? » ou encore « La santé est-elle un secteur d’activité
comme un autre ? »
D’autres sujets, au contraire, ne mobilisent pas spontanément l’imaginaire
et semblent s’adresser à la seule pensée conceptuelle : « L’Occident a-t-il
encore un sens ? », « Droit à la différence et différence des droits » ou « Quelle
est la légitimité de l’État aujourd’hui ? »
On peut préférer la première catégorie de sujets puisqu’on a alors immé-
diatement des exemples à noter sur sa feuille de brouillon ; toutefois, la
médaille a son revers car, avec ce type de sujet (autre exemple : « Le principe
de précaution »), on court le risque de faire passer les analyses au second
plan et de rédiger des devoirs intellectuellement pauvres. Ces sujets incitent
au catalogue d’exemples plus ou moins déguisé, le raisonnement étant
alors réduit à la portion congrue.
La seconde catégorie de sujets risque, à l’inverse, de pousser à un excès
d’abstraction, alors que nous savons qu’une composition ne convainc
que si elle est enracinée dans la réalité de notre temps, si les idées sont
justement illustrées. Ces sujets incitent aux considérations générales mais
parfois superficielles, voire fumeuses.
Dans la recherche d’éléments qui alimenteront le devoir, il convient donc de
passer sans cesse de l’idée à l’exemple et de l’exemple à l’idée. À partir de

situations concrètes, d’événements précis (historiques ou non), de chiffres,
de dates qui vous viennent à l’esprit lors des premières minutes, il faut
construire des analyses, des thèses, des jugements, des arguments ; et à
partir de ces éléments abstraits, rechercher d’autres exemples différents
ou plus pertinents que les premiers, lesquels, à leur tour, vous permettront
d’aller plus loin dans la réflexion théorique.
Les plus cultivés ou les mieux entraînés d’entre vous iront facilement des
idées aux exemples, les autres ne devront pas hésiter à s’aider de faits
objectifs (qu’ils ont eux-mêmes observés ou découverts en lisant la presse
ou des ouvrages divers) pour aller vers le monde des idées, des jugements
(méthode inductive).
Ainsi, quand vous aurez noté sur votre feuille de brouillon un exemple dont
vous avez l’intuition qu’il est significatif alors qu’il reste pour le moment
« orphelin » (c’est-à-dire associé à aucune idée), il faudra toujours le garder
en mémoire et chercher à théoriser à partir de lui. Cet effort peut parfois
s’avérer vain (auquel cas, essayez sans tarder d’autres procédures) mais il
porte souvent ses fruits, ravivant des souvenirs culturels, éveillant l’intelli-
gence. Seconds dans le devoir, les exemples sont souvent premiers dans
la réflexion et certains faits, anecdotiques ou anodins, peuvent présen-
ter l’intérêt de permettre une transition intellectuelle vers d’autres faits,
incontestables, eux, reconnus comme importants par les historiens, les
spécialistes des sciences humaines, les intellectuels ou les enseignants.
4. La recherche des tenants

et des aboutissants
Pour faire « parler » les sujets dont on ne voit pas toujours très bien, d’une
part, en quoi ils sont révélateurs d’une époque, d’une civilisation ou d’une
société donnée, et, d’autre part, en quoi ils ont un certain impact sur notre
présent ou notre avenir et, donc, en quoi ils concernent l’action publique,
l’une des procédures les plus efficaces consiste à en rechercher les tenants
et les aboutissants : il s’agit de voir en quoi le problème soulevé est à la
fois effet (produit d’une évolution historique) et cause (facteur de progrès
et/ou de difficultés).

L’ordre dans lequel vous examinerez les tenants et les aboutissants d’un
problème est bien sûr indifférent ; à ceci près que nous sommes générale-
ment plus conscients des conséquences d’un problème que de sa genèse
et qu’il ne faudrait pas oublier de réfléchir sur les tenants.
Réfléchir sur les tenants d’un problème permet d’en appréhender l’ampleur
et, donc, de le traiter dans ses véritables dimensions. On pourrait croire
que cette démarche vaut essentiellement pour les sujets les plus rares, ceux
qui ne portent pas sur les grands thèmes de société 1, mais l’expérience
montre qu’il en va tout autrement : les sujets les plus courants souffrent
précisément d’être rebattus, une sorte d’accoutumance anesthésiant alors
l’esprit critique. Tous les problèmes, quels qu’ils soient, méritent qu’on
fasse l’effort intellectuel d’en comprendre la genèse, de saisir ce en quoi
ils sont solidaires de notre époque et de notre société, même si cette
« recherche des origines » est de fait limitée par le temps imparti et par
l’absence de toute documentation.
Réfléchir sur les aboutissants d’un problème permet aussi de réfléchir sur
l’ampleur du sujet (car « l’effet papillon » a depuis longtemps prouvé qu’une
petite cause peut avoir de grands effets). C’est aussi, très fréquemment, le
moyen de mesurer le fossé qui sépare les intentions des résultats : chacun
sait que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ; et comme
vous devez réfléchir sur les politiques publiques, il est souvent pertinent
d’évaluer dans quelle mesure les solutions qu’on essaie d’apporter à un pro-
blème donné sont, ou non, à la hauteur de son importance et de sa gravité.
 Exercice 2
Réfléchissez en termes de tenants et aboutissants sur le sujet suivant : « La ségré-
gation urbaine. »
1. Voir Culture générale – Thèmes de société, ouvrage collectif, La Documentation fran-

çaise, coll. « FAC », 2014.

5. L’adoption temporaire
du point de vue inverse
Ce procédé consiste à prendre systématiquement (ne serait-ce que très
provisoirement) le contre-pied de ce qui est affirmé, proposé dans le libellé ;
il a ses limites mais il a aussi un mérite, fondamental. Ses limites tiennent
essentiellement à deux arguments :
– d’une part, on ne peut contester que ce qui est affirmation explicite (ou
implicite). Dès lors, le procédé est sans objet pour tous les sujets reposant
sur des phrases thèmes (« Publicité et libertés », par exemple) ou sur des
questions dont le fondement est une alternative : en évoquant une position
et son inverse, les concepteurs du sujet vous ont coupé l’herbe sous le
pied (par exemple, « La construction de l’Europe vous paraît-elle procéder
d’une idée ou d’une nécessité ? ») ;
– d’autre part, tout postulat ne peut pas être contesté : ainsi, le libellé
« Sur un mur de la crypte de la Déportation est inscrite cette phrase de Paul
Éluard : “Pardonne, n’oublie jamais.” Qu’en pensez-vous ? » ouvre la porte
à la mise en perspective historique, aux explications, aux commentaires
sur l’actualité de cette phrase, mais pas à sa contestation.
Le mérite essentiel de l’adoption du point de vue adverse est de conduire
à une remise en question, même transitoire et éphémère, de ce qui paraît
évident : il faut en effet se méfier des évidences qui découragent la réflexion
et démobilisent l’esprit critique. Le fondement même de la démarche car-
tésienne n’est-elle pas le doute systématique, l’épreuve du doute ? Dans
le Discours de la méthode (1637), Descartes définit ainsi la première règle
à respecter pour atteindre la vérité : « Le premier [précepte] était de ne
recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment
être telle ; c’est-à-dire d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention
et de ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait
si clairement et si distinctement à mon esprit que je n’eusse aucune occasion
de le mettre en doute. »

6. La diversification
des points de vue
Si les débats auxquels renvoient les libellés restent éternellement ouverts,
c’est qu’en matière de gouvernance des sociétés humaines, il est impossible
d’affirmer l’existence d’une Vérité et d’un Bien absolus. C’est pourquoi, pour
trouver les exemples, les idées, les arguments qui nourriront votre copie,
il est nécessaire d’observer le sujet proposé de différents points de vue :
vous dépasserez ainsi le caractère généralisateur (et donc simplificateur)
des libellés et découvrirez la complexité du problème, tout en montrant
qu’un sujet peut légitimement engendrer des conclusions complètement
opposées.
Pour arriver à ce résultat, vous pouvez :
– soit procéder par couples de points de vue antagonistes, sachant que
ces couples sont, du moins partiellement, suggérés par le sujet même et
qu’il est donc impossible d’en donner ici une liste type ;
– soit procéder en fonction des six catégories selon lesquelles on peut
argumenter :
• la morale (le bien/le mal ; le juste/l’injuste ; le légitime/l’illégitime),
• l’esthétique (le laid/le beau),
• l’hédonisme (le confort/l’inconfort ; le bien-être/le mal-être ; le plaisant/
le déplaisant),
• la vérité (le vrai/le faux ; la réalité profonde/les apparences trompeuses),
• le raisonnable (le possible/l’impossible ; le réalisme/l’irréalisme ; le bon
sens/l’excès),
• le pragmatisme (l’utilité/l’inutilité ; l’efficacité/l’inefficacité ; le rentable/
le non-rentable).
 Exercice 3
En utilisant des couples de points de vue antagonistes (par exemple : risques pré-
visibles/imprévisibles, naturels/technologiques, etc.) et en mobilisant les six caté-
gories en fonction desquelles on peut argumenter, recherchez des idées et des
exemples qui vous permettraient de traiter le sujet suivant : « Les risques ».

7. De l’analyse à la synthèse :
le plan détaillé
Les six procédures dynamiques que nous venons d’exposer et auxquelles
vous pouvez faire appel au cours de votre réflexion sur la matière de la copie
ont toutes un point commun : elles participent d’un « remue-méninges »
qui, pour être contrôlé, n’en est pas moins centrifuge et donc source de
dispersion.
Or, la composition de culture générale vaut par la rigueur de l’enchaînement
des idées et par ses qualités de synthèse.
Cette première étape du travail ne doit donc pas s’éterniser et doit rapide-
ment faire place à la deuxième, celle du classement des divers éléments
trouvés et notés au brouillon (informations, idées, exemples et arguments).
Et c’est par le biais du plan détaillé que s’effectue le passage de l’éclatement
et de la dispersion (matériellement visibles sur le brouillon) à la synthèse.
Le recours au plan détaillé est indispensable et un candidat qui voudrait
passer directement de l’analyse à la rédaction serait bien mal armé pour
assurer la continuité logique de l’exposé.
Cela dit, l’effort de synthèse ne doit arriver ni trop tôt, ni trop tard.
Ni trop tôt parce que la recherche d’idées et d’arguments (on vient de le
voir) nécessite le recours à des procédures diversifiées ; et ce n’est qu’au
terme de celles-ci que l’on peut espérer cerner le problème et concevoir
le plan qui soit en rapport avec lui. Choisir prématurément un plan exclu-
sif reviendrait donc à limiter la recherche, à empêcher le foisonnement
intellectuel…, voire à fausser le sujet.
Ni trop tard parce que le plan détaillé, loin de n’être qu’un aboutisse-
ment, est aussi un moyen supplémentaire de trouver des idées et des
arguments, d’autant que, paradoxalement, la richesse de l’analyse peut
finir par décourager, déboussoler et empêcher la structuration du devoir.
Tous ceux qui ont conduit assez loin une recherche (les étudiants rédigeant
un mémoire, les chercheurs écrivant une thèse…) savent par expérience
que la réflexion, en avançant, ruine les premières hypothèses de plan ; ils
savent également que ce champ de ruines est une bonne chose (il prouve
que le plan d’abord envisagé était réducteur) mais aussi un handicap : car
encore faut-il reconstruire, plus large et plus cohérent.

C’est pourquoi il est indispensable de ne jamais perdre de vue la perspective
du plan auquel il faut nécessairement aboutir, de formuler régulièrement
des hypothèses de plan, de voir en quoi les découvertes successives de
nouvelles pistes (nouvelles idées et nouveaux arguments) confirment ou
infirment ces hypothèses.
On peut donc parler d’un va-et-vient dialectique entre le mouvement
analytique et le mouvement synthétique, sachant que ce dernier doit, en
définitive, l’emporter. Car, rappelons-le, mieux vaudrait encore une copie
pauvre mais fortement structurée qu’une composition riche mais informe,
émiettée. Il faut donc savoir arrêter, à un moment donné, la recherche
d’un contenu et passer résolument et sans état d’âme au travail de struc-
turation du matériau élaboré.
Les six fonctions du plan détaillé

➤➤ Succédant à l’analyse du sujet, au travail d’idéation, le plan détaillé a
pour première fonction de contraindre son auteur à voir clair en lui-même
et à matérialiser sur la page le cheminement de sa pensée. Tant qu’on n’a
pas conçu ce plan de A à Z et qu’on ne l’a pas reproduit noir sur blanc,
on n’a pas les moyens d’assurer correctement la suite du travail. Se jeter
sans délai dans le travail de rédaction revient à ruser avec soi-même, et
cette fuite en avant aura des conséquences fâcheuses : le flou et l’à-peu-
près se traduiront dans le devoir par des redondances, des coq-à-l’âne,
une conclusion fleuve tentant, lorsqu’il n’est plus temps, de compenser
les carences et les impasses du développement.
➤➤ Le plan détaillé a pour deuxième fonction de parfaire l’analyse du sujet,
de permettre la découverte de nouvelles idées, de nouveaux arguments,
de nouveaux exemples.
➤➤ Le plan détaillé a pour troisième fonction de faciliter la conception des
différents paragraphes en leur donnant corps et forme grâce à l’association
aussi systématique que possible d’une idée et d’un ou plusieurs arguments
qui en prouvent la validité (citation, référence à un auteur faisant autorité,
exemple probant…).
➤➤ Leplan détaillé a pour quatrième fonction d’expliciter les différents
rapports qu’entretiennent les paragraphes entre eux : ainsi peut-on, dans
une certaine mesure, anticiper sur la rédaction finale et prévoir certaines

des attaques de paragraphe. On peut, pour certains paragraphes, noter
par avance le(s) mot(s) ou formule(s) de liaison adéquat(s) (« En premier
lieu, ensuite, par conséquent… »), le point de vue adopté – qu’on explicitera
(« économiquement… », « du point de vue collectif… ») –, la hiérarchisation
qu’on établira (« plus grave… », « mais l’essentiel est ailleurs… »).
➤➤ Le plan détaillé a pour cinquième fonction de permettre la rédaction de
l’introduction et de faciliter celle (forcément ultérieure) de la conclusion.
De l’introduction, on dit toujours, et à juste titre, qu’elle ne peut se rédiger
qu’à la fin… Mais, par « fin », il faut entendre la fin de l’analyse, la mise en
évidence de la problématique et la mise au point du plan détaillé : dès lors
que celui-ci est conçu, on sait ce que sera la composition et on a toutes les
cartes en main pour rédiger l’introduction (les modifications qui intervien-
dront ne devraient pas, sauf exception, rendre l’introduction caduque).
➤➤ Le plan détaillé a une sixième et ultime fonction qu’on invoque rarement
et qui, pourtant, est peut-être la plus importante de toutes : rendre le style
plus correct et plus fluide (donc, plus élégant). Certes, tous les candidats
ne sont pas également armés pour bien écrire : selon la manière dont ils
maîtrisent le vocabulaire abstrait et la construction des phrases longues
et complexes (celles de l’analyse), ils écrivent confusément ou clairement,
laborieusement ou élégamment. Mais, à côté des raisons profondes et
difficilement guérissables pour lesquelles certains d’entre nous écrivent
mal, il existe des causes conjoncturelles sur lesquelles il est plus facile
d’agir car elles sont d’ordre méthodologique. Vous en avez fait vous-même
l’expérience : quand on ressent une difficulté particulière à rédiger, neuf
fois sur dix, c’est qu’en réalité, on ne sait pas ce qu’on écrira quelques
secondes ou quelques minutes plus tard. Parce que la pensée est prison-
nière de la phrase qui se forme elle-même difficilement, qu’elle est privée
de toute hauteur de vue, les mots et les phrases s’enchaînent mal : d’où
des redites, des obscurités, des ruptures de construction, des phrases
pleines de méandres et mal ponctuées. Au seul examen du style, fluide ou
haché, aisé ou incorrect, un correcteur un peu averti a vite fait de repérer
dans une copie les moments où le candidat a été inspiré et ceux où il ne
l’a pas été, les passages où la main semble dominer la pensée, alors qu’elle
doit docilement la suivre. Nicolas Boileau (xviie siècle) a admirablement

résumé cela 2 : « Avant donc que d’écrire, apprenez à penser. Selon que notre
idée est plus ou moins obscure, l’expression la suit, ou moins nette, ou plus
pure. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire
arrivent aisément. »
Pour éviter d’avancer dans la copie comme la taupe dans son tunnel, le
moyen le plus sûr est de concevoir un plan détaillé :
– grâce à lui, on peut savoir constamment d’où l’on vient et où l’on va ;
étant ainsi en mesure de dépasser la phrase (qui est une unité grammaticale
mais nullement une unité de pensée), on est en capacité d’écrire un texte,
au sens premier du mot, c’est-à-dire un tout rendu cohérent par un solide
fil conducteur, un ensemble de phrases dont chacune doit sa forme et son
sens à celles qui précèdent et celles qui suivent ;
– grâce à lui, on peut franchir les petites difficultés particulières – d’ordre
lexical ou syntaxique – qui ne manquent jamais d’apparaître au détour des
phrases (car il faut compter avec la fatigue, un passage difficile du point
de vue de l’argumentation, etc.). Seul le plan détaillé permet de limiter la
rédaction au brouillon, qui doit être exceptionnelle, réservée à certains
passages de l’introduction (l’entrée en matière, notamment), à la conclusion
si le temps ne manque pas… et, précisément, à tous ces moments où l’on
bute sur une difficulté conjoncturelle. Raturer au brouillon est encore le
meilleur moyen de rappeler les mots à l’ordre, de les contraindre à exprimer
aussi exactement que possible ce que l’on a à dire.
 Exercice 4
Ayant à traiter le sujet « Peut-on tout dire sur internet ? », recherchez les axes de
sa problématique et donnez un plan détaillé.
2. L’art poétique, 1674.

8. Du plan détaillé
à la rédaction définitive
Cela étant dit, il est normal que votre plan définitif diffère peu ou prou du
plan détaillé jeté sur votre brouillon et il serait même curieux qu’il en soit
autrement : rédiger un devoir, c’est nécessairement se surprendre un peu,
formuler soudainement des analyses dont on ne se serait pas cru capable
quelques minutes auparavant et qui naissent d’une sorte de « survoltage
intellectuel » caractéristique des épreuves de concours, où l’on est à la fois
pressé par le temps et dopé par l’enjeu.
Ce dernier point est d’ailleurs de nature à nous faire réfléchir sur le rôle que
doit jouer ce premier plan, plus ou moins détaillé, noté sur une feuille de
brouillon. Il faut en effet se garder de deux défauts exactement antagonistes.
➤➤ Le premier consiste à considérer comme gravé dans le marbre un plan
nécessairement immature puisque conçu au début de l’épreuve, alors qu’on
n’est pas encore totalement imprégné du sujet. Ce n’est pas un hasard
si beaucoup de conclusions sont incomparablement plus riches que le
reste du devoir et contiennent des idées fondamentales qui auraient dû
inspirer le développement. Il est tout à fait normal, par exemple, que le
passage du « plan détaillé » à la rédaction effective conduise même à une
révision du nombre final de parties (et plus encore, bien sûr, du nombre
de paragraphes). Dans certains cas, en effet, on se rend compte en rédi-
geant qu’on est en train de traiter en une seule partie des éléments qui
devaient « théoriquement » engendrer deux parties distinctes (par exemple,
une thèse et une synthèse) ; à l’inverse, dans d’autres cas, on s’aperçoit
progressivement qu’une troisième partie est nécessaire pour traiter tel
aspect des choses auquel on n’avait d’abord pas pensé.
➤➤ Le second défaut consiste, à l’inverse, à se libérer totalement du plan
initial sous prétexte qu’il est incomplet : en effet, mieux vaut un plan insuf-
fisant que pas de plan du tout et rien n’est plus dangereux que d’écrire en
ne sachant plus d’où l’on vient ni où l’on va. Le plan détaillé est certes fait
pour évoluer, puisqu’il n’est pas un aboutissement mais un tremplin pour
la future rédaction (donc la future réflexion) ; mais il est aussi un garde-fou,
le seul qui puisse nous éviter de prendre une partie pour le tout (et, donc,
de développer exagérément une idée qui nous a semblé séduisante sur
l’instant), de partir hors sujet, de céder au vertige des associations d’idées.

Un libellé est toujours plus ou moins parlant : pour faire « parler » ce libellé, en expliciter l’implicite, la pre-
mière démarche consiste à le dilater grâce à des qualificatifs, des propositions relatives et/ou des complé-
ments qui en révèlent progressivement la richesse cachée.
Sachant que tout libellé commence toujours plus ou moins par inhiber celui qui le découvre, la libre asso-
ciation d’idées permet de lancer la réflexion et même de commencer à deviner la nature exacte du sujet.
Pour avancer dans la réflexion, il faut savoir aussi bien utiliser les exemples qui viennent à l’esprit pour en
tirer des idées que chercher à illustrer des idées qui, sans exemples précis, resteraient un peu vagues.
Il faut, de même, penser à utiliser le couple « tenants-aboutissants » afin de mieux cerner les enjeux du
problème.
Réfléchir sur un sujet de culture générale, c’est enfin, et surtout, l’examiner méthodiquement à partir de
points de vue dont il est facile de mémoriser le nombre et la nature.
Après le temps de l’analyse, et donc d’une certaine dispersion, vient le temps de la synthèse, du plan détaillé
(dont les fonctions sont aussi multiples que fondamentales), incontournable et ultime étape avant le passage
à la rédaction de la copie.
Retenons, pour finir, que mieux vaut une copie relativement courte mais constamment centrée sur le sujet
qu’une copie longue et partant dans toutes les directions.
Le bon usage du brouillon

Il est impensable de rédiger au brouillon l’intégralité de la copie ou même des paragraphes
entiers : on risquerait, dans ce cas, de manquer de temps.
Mais, à l’inverse, comment espérer livrer au correcteur un développement abouti sur le fond et
la forme en ayant fait l’économie du tâtonnement premier, de la dispersion, de l’expérience de la
fausse route et de la rature, de la construction lente et hasardeuse du propos ? L’esprit humain
est ainsi fait que, confronté à une question inédite, il commence par errer peu ou prou avant
de trouver la voie de la vérité, il a besoin d’un support, même « bancal » (ce qu’est un premier
brouillon), pour progresser vers la lumière.
Le brouillon constitue un moyen irremplaçable à plusieurs égards.
➤ Afin d’accéder progressivement au sens du sujet (sachant que votre premier réflexe doit
consister à recopier le sujet, serait-il réduit à deux mots, en haut de la feuille de brouillon).
➤ Afin de trouver la matière de la copie aussi rapidement et efficacement que possible.
Pour avoir souvent constaté que la fin d’une copie, et particulièrement la conclusion, contiennent
des idées et des exemples essentiels qui auraient dû figurer au début du devoir, les correcteurs

savent que l’« illumination » peut se produire durant la dernière demi-heure de l’épreuve, c’est-
à-dire trop tard. Aussi faut-il se servir du brouillon pour « arracher » à l’esprit le contenu de la
copie. En particulier, notez immédiatement sur votre feuille de brouillon tout élément qui vous
passe par la tête et qui est en rapport avec le sujet : ne croyez pas que ce qui a été pensé à un
moment donné sera forcément retrouvé plus tard. À certains égards, la réflexion silencieuse est
comme un fleuve… : elle court, elle est en constante évolution. Ce que vous aurez noté s’avérera
peut-être, après plus ample réflexion, hors sujet… Mais vous n’aurez pas perdu votre temps
puisque, précisément, le retour sur cet élément noté à la hâte vous aura permis de cerner peu à
peu ce qui relève du sujet et ce qui n’en relève pas.
Par ailleurs, le simple fait de noter une idée ou un exemple manquant de pertinence peut appeler
d’autres idées ou exemples qui s’avéreront, eux, adaptés. L’important est d’amorcer grâce au
brouillon la réflexion qui, peu à peu, se structurera et deviendra plus assurée : c’est souvent par
des éléments insignifiants et parfois carrément hors sujet qu’on arrive au cœur de la problématique
et qu’on trouve des idées, des exemples ou des jugements qui, eux, sont parfaitement pertinents.
Il faut donc, quand on travaille au brouillon, savoir se dédoubler : laisser s’exprimer une pensée
spontanée, intuitive, imaginative et, simultanément, faire preuve d’une grande vigilance pour en
limiter le caractère centrifuge.
➤ Pour ordonner les idées grâce à un plan d’abord ébauché, puis détaillé. Dernière étape du
travail au brouillon (il est même recommandé de prendre une nouvelle feuille de brouillon), le
plan détaillé doit tenir sur le verso d’une page et comporter :
– les titres des deux ou trois grandes parties du devoir ainsi que ceux des sous-parties qui les
composent ;
– le contenu très résumé et non rédigé de ces sous-parties ;
– les exemples, citations et références auxquels vous avez déjà pensé.
➤ Pour rédiger sans l’angoisse de la rature les passages délicats de la copie, qu’ils correspondent
à un moment fort de la composition (par exemple, l’introduction, au moins partiellement) ou à
un moment où vous manquez d’inspiration, où la pensée discursive vous fait momentanément
défaut et où vous éprouvez le besoin de pouvoir raturer librement.

 Exercice 1
Dans le but de lancer la réflexion, procédez à l’expansion lexicale du sujet
suivant : « Selon vous, l’État peut-il être irréprochable ? »
1. L’État, les institutions publiques mais aussi le personnel politique
qui les gère ;
2. peut-il encore ;
3. être, demeurer et même devenir ;
4. irréprochable dans son organisation et son fonctionnement ? Voir
dans quelles conditions interviennent les nominations à des postes
de responsabilité publique ;
5. irréprochable dans la prise de décisions publiques ; voir com-
ment est défini l’intérêt général ; voir le respect de la légalité et de
l’impartialité ;
6. irréprochable sur les plans intérieur et international ; voir les rela-
tions avec les administrés, le respect des droits et libertés indivi-
duelles ; voir le respect des traités et des engagements internationaux ;
7. irréprochable sachant que la prise de décision est souvent soumise
à l’influence des groupes d’intérêt qui agissent pour obtenir des
décisions publiques conformes à leurs intérêts particuliers ;
8. irréprochable dans une société où la corruption est une ressource
politique ;
9. irréprochable dans un contexte international où la défense des inté-
rêts stratégiques et économiques peut conduire à des compromis-
sions mettant en cause des valeurs démocratiques et républicaines.
Fausse note12
1.
2.

 Exercice 2

Réfléchissez en termes de tenants et aboutissants sur le sujet suivant : « La
ségrégation urbaine. »
Pour se donner la possibilité de traiter un sujet dans toutes ses
dimensions, il convient d’en expliciter tous les enjeux et, donc, de
réfléchir aux tenants et aux aboutissants du problème.
1. Les tenants du problème : comment évaluer l’ampleur de la ségré-
gation urbaine ? Quelles en sont les causes ?
La ségrégation urbaine, en tant qu’isolement à la fois social et spatial
d’un groupe au détriment de son intégration sociale globale, est
d’abord le produit de facteurs géographiques liés à un processus
d’urbanisation créateur d’inégalités : les ménages les plus fortunés
disposent d’un choix d’implantation plus large pour leur habitat
et privilégient la qualité du site (meilleur ensoleillement, vue plus
agréable ou terrains plus fiables).
Les ségrégations urbaines sont induites également par des causes
économiques liées à la loi d’airain du marché, qui répartit riches et
pauvres dans l’espace en fonction du prix du foncier. Or, le coût du
logement étant la conséquence directe du fonctionnement du marché
foncier, les ménages les plus aisés peuvent acquérir les logements
situés dans les lieux les plus prisés, tandis que les ménages les plus
pauvres ne peuvent accéder qu’aux endroits dont plus personne
ne veut.
La ségrégation urbaine est également le résultat de facteurs sociaux
nourrissant un processus de séparation symbolisé par la volonté de
« vivre entre soi » (endogamie sociale) qui, traversant toutes les caté-
gories sociales, conduit à se rapprocher de ceux que l’on connaît et
avec qui on a des affinités – « Qui se ressemble s’assemble », dit le pro-
verbe. Or, pour se regrouper entre soi, on s’éloigne nécessairement
des autres, même s’il n’y a aucune hostilité envers eux, de sorte que
les groupes sociaux défavorisés se concentrent dans certains quar-
tiers, surtout dans les anciennes zones urbaines sensibles, tandis
que les groupes les plus aisés occupent des ensembles d’habitation
privés et sécurisés (« gated communities »). Ainsi, les mêmes raisons
poussent à se détourner des « ghettos pauvres », président à la séces-

Corrigé des exercices du chapitre 4 sion des « ghettos chics » et alimentent les tensions séparatistes qui
traversent toute la société car, comme le montre le sociologue Éric
Maurin, dans son ouvrage Le ghetto français. Enquête sur le sépara-
tisme social 3 : « À ce jeu, ce ne sont pas seulement des ouvriers qui
fuient des chômeurs immigrés, mais aussi les salariés les plus aisés
qui fuient les classes moyennes supérieures, les classes moyennes
supérieures qui évitent les professions intermédiaires, les professions
intermédiaires qui refusent de se mélanger avec les employés, etc. »
2. Les aboutissants du problème : quelles sont les conséquences de
la ségrégation urbaine ? De quelle manière les politiques publiques
peuvent-elles la réduire ?
La ségrégation n’est pas qu’affaire d’espace dans la mesure où elle
devient un obstacle à l’intégration sociale des habitants des quar-
tiers les plus pauvres, qui souffrent d’un accès dégradé au travail,
à l’école, au logement et aux équipements collectifs. Par ailleurs,
le creusement des fractures dans les quartiers défavorisés, où se
concentrent tous les handicaps et difficultés, est l’un des ferments du
communautarisme ; celui-ci, au-delà du repli social, favorise l’émer-
gence des contre-sociétés closes dont les valeurs et les normes
sont le plus souvent en décalage, voire en rupture, avec celles de la
société démocratique qui les entoure.
La réduction de la ségrégation urbaine est une préoccupation majeure
des pouvoirs publics, qui entendent la combattre dans le cadre
de la politique de la ville, conjuguant des actions autant sociales
(lutte contre l’exclusion) qu’urbanistiques (rénovation urbaine)
en faveur des zones urbaines où la précarité sociale est forte. Or,
censée s’attacher de manière transversale et pluridimensionnelle
à resserrer le lien entre les quartiers défavorisés et l’ensemble du
système urbain, cette politique, mise en œuvre depuis une trentaine
d’années, n’est parvenue qu’à des résultats mitigés, voire décevants
(dans ces quartiers, le taux de pauvreté demeure près de trois plus
élevé et le taux de chômage deux fois et demi plus fort que sur
l’ensemble du territoire français). Récemment, afin de mieux cibler
3. Seuil, coll. « La République des idées », 2004.

les mesures d’aide aux quartiers défavorisés, les pouvoirs publics

ont défini de nouveaux périmètres géographiques – 1 300 quartiers
prioritaires – qui se sont substitués aux 751 anciennes ZUS à partir
du 1er janvier 2015 4.
Face à la ségrégation urbaine, la mixité sociale devient une priorité de
la politique de l’habitat afin de faciliter la cohabitation sur un même
territoire de groupes divers par la nationalité, le statut social ou les
revenus. Mais comment concrétiser la mixité sociale ? Des textes légis-
latifs ont été adoptés, dont la loi d’orientation pour la ville (« loi LOV »)
en juillet 1991, afin de développer le logement social et de promouvoir
ainsi une redistribution territoriale des populations défavorisées. Dans
ce sens, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains
(« loi SRU ») de décembre 2000 a imposé aux communes de plus de
3 500 habitants de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux ; en
mars 2014, ce taux a été porté à 25 % à l’horizon 2025 par la « loi ALUR »
(loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové). Cette dernière
loi a aussi renforcé les sanctions applicables aux communes qui ne
respectent pas le seuil d’habitat social fixé – d’après l’Agence nationale
pour l’information sur le logement, en septembre 2014, 364 communes
n’avaient pas encore respecté leurs engagements.
Pourtant, quelles que soient les vertus de la mixité pour atténuer les
distances sociales, des interrogations demeurent concernant l’effica-
cité d’une telle politique. Peut-on affirmer que la proximité spatiale
soit toujours synonyme de proximité sociale ? D’aucuns considèrent
que le discours sur la mixité sociale a une portée incantatoire car
le rapprochement physique (ou spatial), tout en ayant des valeurs
de sociabilité incontestables, n’implique pas automatiquement un
développement des échanges sociaux (voir l’ouvrage La société de
cour, dans lequel l’auteur, Norbert Elias 5, en analysant le fonction-
nement de la cour à Versailles, note que les domestiques au service
du Roi étaient très proches de lui physiquement mais très éloignés
socialement).
4. Les périmètres des 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville ont été
fixés par le décret no 2014-1750 du 30 décembre 2014.
5. Éditions Flammarion, coll. « Champs essais », 2008.

Corrigé des exercices du chapitre 4  Exercice 3
En utilisant des couples de points de vue antagonistes (par exemple : risques
prévisibles/imprévisibles, naturels/technologiques, etc.) et en mobilisant les
six catégories en fonction desquelles on peut argumenter, recherchez des
idées et des exemples qui vous permettraient de traiter le sujet suivant :
« Les risques ».
1. Recherche d’idées, de domaines à explorer (et donc d’exemples)
grâce aux points de vue antagonistes.
Couples de points Premières pistes de réflexion

de vue antagonistes
Risques prévisibles/ Réfléchir sur la responsabilité des dirigeants
imprévisibles (gouverner c’est prévoir, donc anticiper sur les
risques), sur la place et les enjeux du principe de
précaution désormais inscrit dans notre Constitution.
Risques naturels/ Réfléchir sur le fait que les risques naturels majeurs
technologiques frappent plus durement les pays pauvres, preuve que
le progrès permet sans doute d’aller vers plus de
sécurité, même s’il engendre lui-même des risques.
Risques à court terme/ Réfléchir sur le fait que les sociétés modernes, qui
à long terme se sont pourtant dotées de moyens de prospective
particulièrement performants, ont beaucoup de mal à
appréhender réellement les risques à long terme (les
risques environnementaux notamment).
Risques vie privée/ Réfléchir sur le fait que, s’il est relativement
vie professionnelle facile, pour un État, de lutter contre les risques
professionnels, il est plus difficile de le faire dans
le cadre de la vie privée (exemple des conduites à
risque).
Risques acceptés Réfléchir sur le fait que, pendant longtemps, les

par la société, voire risques liés à la consommation de tabac, d’alcool,
recherchés/estimés à une conduite automobile indisciplinée ont été
inadmissibles et évités relativement bien tolérés par notre société.
Risques pris en charge Réfléchir sur le coût social des risques (secours,
par la collectivité/non soins, indemnités diverses…), alors même que la
pris en charge responsabilité individuelle est manifestement engagée.
Etc. Etc.

2. Recherche d’arguments susceptibles de fonder à leur tour

des jugements sur ce que doit faire, en matière d’acceptation ou
de prévention des risques, une société moderne, humaniste et
démocratique.
Points de vue Premiers éléments d’appréciation

en fonction desquels sur le sujet « Les risques »
on peut émettre
un jugement
La morale Le principe de précaution consacre une approche
éthique du risque, elle-même liée au progrès de
notre civilisation en général et de notre démocratie
en particulier.
L’esthétique Sans doute parce que l’homme n’a plus à se battre

constamment pour survivre, parce que nos sociétés
modernes protègent et même surprotègent, un
certain nombre de nos contemporains estiment
qu’il est « beau » de prendre des risques (pensons,
par exemple, aux « sports de l’extrême »), quitte,
d’ailleurs, à demander ensuite à la société de secourir
les personnes en difficulté.
L’hédonisme Une prise de risque raisonnable fait partie du plaisir

de vivre et une société ne doit pas aliéner cette
liberté individuelle.
L’exigence collective de sécurité est une conséquence
d’une revendication plus générale : celle d’un droit au
bonheur.
La vérité Il est faux de dire que nos sociétés modernes sont

plus dangereuses que les sociétés traditionnelles :
mieux connus, les risques sont aussi mieux maîtrisés.
Le raisonnable Vivre, c’est prendre des risques. Le « risque zéro »

n’existe pas. La volonté de prévenir les risques
comporte elle-même un risque : celui de vicier
le principe de précaution en lui donnant une
importance exorbitante.
Le pragmatisme La réduction des risques passe par des politiques de

prévention et de répression (par exemple, la lutte
contre les différents types d’addiction et les accidents
de la circulation) et l’État doit se donner les moyens
de ses ambitions.

Ayant à traiter le sujet « Peut-on tout dire sur internet ? », recherchez les
axes de sa problématique et donnez un plan détaillé.
La problématique peut être cernée en posant quelques questions
pertinentes.
Internet est-il un vecteur technologique favorable à l’expression des
idées et des opinions ? Il est évident que la technologie de l’outil
internet facilite la libre expression des internautes. Internet est un
« lieu » de communication mondialisée des idées, des opinions et
des informations qui a également favorisé la pluralité de l’informa-
tion, dans la mesure où les sources d’information se sont largement
diversifiées (blogs, sites d’information…). En plus, l’anonymat des
intervenants leur donne la possibilité de s’exprimer sans le regard
contraignant d’un interlocuteur physique. Dans un registre plus
politique, le web est apparu comme un outil précieux dans les pays
où la liberté d’expression est menacée (voir le « Printemps arabe »).
L’expression des idées et des opinions sur internet présente-t-elle
des risques ? Elle n’est pas exempte d’effets pervers, notamment
la diffusion de pornographie aux mineurs, la propagation d’idées
racistes, mais aussi la fiabilité incertaine de l’information et le risque
de surinformation (« Trop d’informations tue l’information »).
La liberté d’expression est-elle absolue ? Quelles sont ses limites ?
La loi du 29 juillet 1881, dite « loi sur la liberté de la presse », qui
s’applique notamment à l’expression sur internet, encadre cette
liberté en posant des restrictions afin de trouver un équilibre entre
la liberté d’expression, la protection des citoyens et le maintien de
l’ordre public. Ces limites concernent la provocation aux crimes et
délits (apologie des crimes, incitation aux actes de terrorisme et
apologie de ceux-ci, incitation à la discrimination, etc.) ainsi que
les délits contre les institutions publiques et contre les personnes
(diffamation, injure). Mais, en dehors de ces limites, l’expression de
la pensée est libre, même dans les cas où elle est critique ou caricatu-
rale (Cour de cassation, arrêt no 904 du 6 octobre 2011). Cependant,
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la loi du 13 novembre
2014 a prévu la possibilité pour l’autorité administrative de faire

retirer de sites internet les contenus provoquant directement à des

actes de terrorisme ou faisant publiquement l’apologie de ces actes,
ou d’en faire bloquer l’accès.
La libre expression sur internet doit-elle conduire à la plus absolue
transparence ? A-t-on le droit de rendre publiques des informations
confidentielles obtenues par des moyens détournés et illicites ? Est-il
suffisant d’invoquer l’objectif démocratique de transparence pour
justifier ce type de démarche ? L’affaire WikiLeaks (2010-2011) a sou-
levé un large débat mondial sur les limites de la liberté d’expression
sur internet. Sans prétendre trancher ce débat, nous pouvons retenir
que, si le fonctionnement d’un régime démocratique comporte une
exigence de transparence dans la prise de décisions publiques, la
sauvegarde des intérêts de l’État justifie que certains de ses actes
soient couverts du sceau du secret pour des raisons relevant de la
sécurité publique. En tout cas, la liberté d’expression a toujours
pour corollaire la responsabilité des auteurs des propos ou des
informations.
Plan proposé
La problématique du sujet s’articule autour de deux axes : la liberté
de s’exprimer et ses limites. Dès lors, le plan peut prendre en compte
ces deux idées majeures : internet est un espace de liberté (I) et un
espace de responsabilité (II).
I. Internet est un espace de liberté propice à l’expression des
idées et des opinions
a) Grâce aux moyens techniques, internet favorise la libre commu-
nication des idées en multipliant les lieux de débat, tels les blogs
ou les chats.
b) Le web est apparu comme un outil politique dans les pays où la
liberté d’expression est menacée (voir le rôle d’internet dans les
révolutions du « Printemps arabe »).
c) La liberté d’expression sur internet dispose d’une protection juri-
dique sur les plans interne et européen, notamment par l’application
de la Convention européenne des droits de l’homme.

Corrigé des exercices du chapitre 4 d) Internet a également favorisé la pluralité de l’information, dans
la mesure où les sources de celle-ci se sont largement diversifiées ;
des effets pervers risquent de se produire (informations peu fiables,
surinformations difficiles à traiter).
e) La liberté d’expression sur internet est parfois utilisée pour assu-
rer une plus grande transparence dans des affaires publiques (affaire
WikiLeaks).
II. Mais internet est un espace de responsabilité qui comporte
l’obligation de respecter les limites à la liberté d’expression
a) L’internaute est tenu de respecter les limites à la liberté d’ex-
pression qui s’appliquent aux médias (injures, diffamation, propos
racistes ou discriminatoires, protection de l’enfance et de l’adoles-
cence, incitation ou apologie du terrorisme, etc.).
b) L’anonymat des intervenants facilite des dérives dans l’expression
des opinions en leur donnant une fausse impression d’impunité dans
le « monde virtuel » d’internet.
c) La loi a instauré un régime de responsabilité pénale qui concerne
aussi bien ceux qui tiennent des propos réprimés par la loi que les
hébergeurs (responsables de blogs).
d) Mais le caractère extraterritorial d’internet rend difficiles les pour-
suites contre les responsables des propos incriminés.

Chapitre 5
La construction
de la pensée
1. Mise au point préalable

Disons-le tout de suite : il n’existe pas de plan passe-partout. Le « bon plan »
ne préexiste pas au sujet mais il découle de celui-ci, de la problématique
contenue explicitement ou implicitement dans le libellé. Un même sujet
justifie divers plans qui, pour être parfois apparentés, n’en sont pas moins
distincts.
Cette mise au point étant faite, il importe de savoir que :
– les plans toujours particuliers que l’on conçoit procèdent de grands
principes d’organisation de la pensée parfaitement identifiés et dont il faut
se servir consciemment pour être efficace ;
– bâtir un plan revient à combiner d’une manière toujours renouvelée
des logiques intellectuelles qui sont tout à la fois fondamentales et en
petit nombre.
En cela, la composition sur un sujet d’ordre général relève de figures libres
et imposées, et elle est simultanément une œuvre personnelle et un exposé
obéissant à des « standards » : chaque composition a beau être spécifique,
en principe originale (elle n’est pas la récitation d’un cours), le correcteur
doit être capable à tout instant de discerner quelle logique intellectuelle
est mise en œuvre derrière telle grande partie, tel paragraphe, tel enchaî-
nement d’idées.

Si l’on peut légitimement affirmer qu’il existe autant de plans que de com-
positions (leur nombre est donc indéterminé), il est non moins légitime de
dire que les grands principes d’organisation dont ils s’inspirent et qu’ils
combinent se comptent sur les doigts d’une main.
C’est en ce sens que la composition de culture générale relève d’un appren-
tissage relativement accessible : nous ne pouvons pas vous dire quel plan
vous devrez élaborer le jour du concours, mais nous pouvons vous exposer
les quatre grands principes d’organisation de la pensée qui, nécessai-
rement associés, différemment « dosés » d’un sujet à l’autre, donneront
naissance à ce plan.
Ces grands principes de composition sont :
1) la démarche d’approfondissement progressif ;
2) la démarche chronologique : hier, aujourd’hui, demain ;
3) la démarche « faits-causes-conséquences-remèdes » ;
4) la démarche dialectique : thèse-antithèse-synthèse.
Après avoir rappelé les qualités formelles d’un plan de composition,
nous consacrerons l’essentiel du chapitre à l’étude de ces quatre grands
principes, notre souci premier étant de montrer que ces démarches (ou
logiques) intellectuelles s’articulent nécessairement entre elles dans une
« composition » ; mieux, qu’elles se superposent et que le traitement de
n’importe quel sujet de composition implique leur incessante combinaison.
2. Le nombre d’or
(ou nombre idéal de parties)
Même les candidats les plus éclairés se posent la question légitime du
nombre idéal de grandes parties (elles-mêmes divisées en sous-parties)
qui doivent composer le devoir : le nombre d’or, en quelque sorte, qui
s’appliquerait à tous les sujets.
Si l’on détermine empiriquement ce nombre d’or, soit à partir des bonnes
copies de candidats, soit à partir des corrigés établis par des correcteurs
ou des enseignants, on parvient sans contestation possible à deux. Avec
deux grandes parties, elles-mêmes divisées en deux ou trois sous-parties

(pouvant elles-mêmes comprendre jusqu’à deux paragraphes), on peut en
effet espérer traiter de manière satisfaisante la grande majorité des sujets.
Toutefois, il ne faut en aucun cas considérer ce chiffre deux comme une
norme à respecter absolument, et le plan en trois parties est assez sou-
vent légitime (à la différence de celui en quatre parties qui, lui, doit être
complètement exclu).
Le « bon plan » est d’abord celui qui vous permet d’aller au bout de vos
raisonnements successifs et de votre démonstration générale : c’est le plan
qui doit être au service de la pensée et non l’inverse.
Autant que possible, les différentes parties du devoir doivent être équi-
librées et vous avez toujours intérêt à faire en sorte que vos deux (ou
trois) grandes parties soient de longueur sensiblement égale. C’est d’abord
séduisant du point de vue de l’architecture de la copie (même s’il est for-
tement déconseillé de rédiger des paragraphes vides d’idées comme on
peint des fausses fenêtres sur une façade de maison, pour la rendre plus
harmonieuse).
C’est ensuite, et surtout, intellectuellement et stratégiquement rentable.
Même si, en effet, ce n’est pas le nombre de mots qui fait la force d’une
partie, une partie deux fois moins longue que l’autre, à la lettre, « ne fait
pas le poids ». Il en va un peu autrement pour un plan en trois parties, où la
dernière peut légitimement être un peu plus brève. Mais, là encore, il faut
être lucide : réduire une troisième partie à un seul paragraphe revient à
donner l’impression d’avoir délayé dans le développement ce qui aurait pu
être dit de façon plus concise et donc plus vigoureuse dans la conclusion.
ÎÎ Remarque importante
Il n’y a pas de contradiction entre ce que nous venons d’écrire, c’est-à-dire que la plupart des compositions
de concours s’accommodent bien d’un plan en deux grandes parties, et ce que nous allons exposer dans
la suite de ce chapitre, à savoir que votre pensée s’inspire de démarches qui se développent en plus
de deux temps (« faits-causes-conséquences-remèdes » ou « hier-aujourd’hui-demain »). En effet, une
composition de concours ne repose jamais sur une seule démarche intellectuelle ; les logiques utilisées
presque inconsciemment par toute personne qui doit développer un peu longuement un propos écrit ou
oral (journaliste, rédacteur d’un rapport, enseignant, formateur…) se conjuguent pour construire un plan
particulier, celui d’une copie donnée, et restent sous-jacentes.

Alors que le plan du devoir est une réalité manifeste, perceptible au premier
coup d’œil (les parties sont identifiées par des lignes sautées, voire des
titres et des sous-titres), les démarches intellectuelles dont nous allons
traiter constituent l’infrastructure invisible de toute la copie, y compris
l’introduction et la conclusion : néanmoins, ce sont elles qui déterminent
la superstructure qu’est le plan apparent de la copie.
3. Les quatre grandes démarches

intellectuelles
1. La démarche d’approfondissement progressif
Pour retenir l’attention, un journaliste ou un homme politique est souvent
amené à brûler les étapes et à livrer immédiatement les informations ou
les arguments les plus décisifs. Il en va autrement de la rédaction d’une
composition de culture générale, où l’on se donne le temps de développer
et, plus encore, d’approfondir.
Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille commencer par des propos
superficiels, mais que le lecteur doit avoir l’impression, sinon la certitude,
qu’on le conduit vers des analyses et des jugements de plus en plus décisifs.
De ce point de vue, il faut vous représenter une composition comme un
escalier qu’on monterait de l’introduction à la conclusion, celle-ci consti-
tuant le point culminant de la pensée : nous sommes donc aux antipodes
d’un journal, où le lecteur découvre en une les informations les plus impor-
tantes, avant de parcourir plus rapidement les pages intérieures, qu’il
sait moins importantes. La démarche d’approfondissement progressif est
celle que vous utiliserez quand, soit au niveau du devoir tout entier, soit
au niveau d’une partie ou d’un paragraphe, vous jugerez bon de montrer
que la réalité profonde est bien différente des apparences.
La notion d’intérêt croissant est nécessairement un peu subjective et varie
d’un individu à l’autre. Toutefois, elle se fonde sur des réalités que l’on
peut expliciter et sur lesquelles, plus ou moins consciemment, le lecteur
et l’auteur de la copie se retrouvent.

Si le sujet conduit à trouver et à expliciter des éléments de même nature
(des faits, des causes, des conséquences, des remèdes…), il est logique
d’aller – ou de tenter d’aller – du plus évident au moins évident. Ainsi
associerez-vous le lecteur à cet effort intellectuel que l’on attend de vous
et qui consiste à dépasser les apparences, les constats communs, voire
les truismes. Si l’on dit parfois que la composition de culture générale doit
être aux antipodes des conversations du type « café du commerce », c’est
précisément parce qu’elle repose sur l’ambition de dévoiler les dimensions
les moins visibles mais aussi les plus déterminantes des problèmes (d’où,
par exemple, l’intérêt d’aller chercher dans l’histoire, proche ou lointaine,
les racines de ceux-ci).
Aller du moins important au plus important suppose une bonne analyse du
sujet et une bonne connaissance des faits… Seule votre culture générale
peut vous permettre de répondre à cette exigence. Néanmoins, il convient
de rappeler ici ce que nous avons déjà dit : dans une bonne hiérarchisation
des arguments, les points de vue politique (l’intérêt de la cité) et humaniste
(l’intérêt de l’individu) doivent toujours l’emporter sur des points de vue
plus pragmatiques ou économiques.
 Exercice 1
Les épidémies, a fortiori les pandémies, ont des impacts sur les sociétés actuelles.
En appliquant la démarche d’approfondissement progressif à la notion d’impact,
classez les impacts des épidémies en allant du plus évident au moins évident.
2. La démarche chronologique :
hier-aujourd’hui-demain
Parce que la nature, les choses, les événements et les êtres sont inscrits
dans le temps, nous sommes constamment amenés à distinguer entre le
présent, le passé et le futur : ces trois dimensions du temps et leur distinc-
tion jouent un rôle considérable, quoique généralement peu visible, dans
les problématiques et donc les plans de composition.
D’abord, certains libellés de sujets imposent tout à fait expressément la
prise en compte de la chronologie, la réflexion sur les rapports entre hier,

aujourd’hui et demain. C’est le cas des libellés contenant les adverbes
« encore » ou « aujourd’hui ».
Exemples : « La France est-elle encore une grande puissance ? », « L’Europe
fait-elle encore rêver ? », « L’État-nation existe-t-il encore à l’ère de la mondiali-
sation ? », « Le travail est-il encore une valeur qui compte dans notre société ? »,
« La place de l’État aujourd’hui, en France » ou « Le civisme aujourd’hui ».
Celui qui ignorerait l’injonction explicitement contenue dans les deux
adverbes et qui, par conséquent, ne se sentirait pas obligé de juger du
présent à la lumière du passé s’interdirait de réussir. Car comment juger des
progrès ou des régressions, de la continuité ou des ruptures sans comparer
le présent (cadre de référence d’une composition de culture générale) et
le passé (qui ne doit pas être évoqué pour lui-même mais comme critère
servant à juger du présent) ?
Relativement nombreux sont aussi les libellés qui contiennent des mots
clés supposant, de même, une prise en compte du passé, proche ou plus
lointain : « La laïcité française entre tradition et modernité », « Le civisme est-il
une valeur dépassée ? », « Assistons-nous à la fin des idéologies ? ».
Mais, d’une manière générale, l’appréhension historique des problèmes
est nécessaire à qui veut comprendre et faire comprendre ce qu’est leur
actualité : comment même évoquer la « modernité » si l’on est privé de
mémoire et de points de comparaison situés dans le passé ? Ainsi doit-on,
à un moment ou à un autre et souvent plusieurs fois, établir des parallèles
entre hier et aujourd’hui quand on a à traiter de sujets comme « Le culte
de la jeunesse dans la société contemporaine », « La violence urbaine est-elle
devenue un fait de société incontournable ? », « Le progrès scientifique peut-il
s’accommoder de contraintes éthiques ? ».
Même les sujets apparemment les plus intemporels (« La fraternité », « Une
société juste est-elle une société sans conflits ? ») ne peuvent pas être traités
intelligemment et en profondeur si, à un moment du devoir, on n’a pas pris
en compte la dimension temporelle.
Et si cette prise en compte conduit naturellement à établir des relations et
des comparaisons entre le passé et le présent, il convient de ne pas oublier
le futur : certes, vous serez plus fréquemment amené à faire référence au
passé qu’au futur ; néanmoins, celui-ci doit avoir sa place dans la copie :

souvent en conclusion, lorsqu’on « ouvre une fenêtre » après avoir « fermé
la porte », mais aussi dans le développement.
D’autant que certains sujets, parfois explicitement (« “Le xxie siècle sera
religieux ou ne sera pas.” Cette affirmation de Malraux vous semble-t-elle
devoir se justifier ? »), souvent implicitement, nous invitent à traiter de
l’avenir de nos sociétés et de l’humanité, l’exemple emblématique étant
la question de l’environnement.
Si les problèmes que l’on soumet à votre esprit critique et à votre jugement
moral sont cruciaux, c’est avant tout parce qu’ils mettent en jeu l’avenir
même de notre société. Si l’on ne vous demande jamais d’imaginer un avenir
lointain dont personne ne sait rien, on attend de vous, en revanche, que
votre copie s’ouvre à certains moments sur le futur proche, sur ce qu’on
peut légitimement prévoir, craindre ou espérer en fonction des difficultés
et des solutions que vous avez vous-même exposées.
Toutefois, il ne faudrait pas déduire de nos propos que vous seriez en droit,
dans votre copie, d’exposer chronologiquement des faits. La référence au
passé n’est là que pour éclairer le présent et il est par exemple exclu que
la première partie d’une composition soit consacrée tout entière au passé :
cela reviendrait à n’aborder vraiment le sujet que dans la deuxième partie,
ce qui constituerait une erreur méthodologique majeure. De même, s’il est
logique que l’introduction (notamment l’entrée en matière) et le début du
développement soient statistiquement les moments du devoir où le passé
est le plus souvent évoqué, il n’est nullement exclu de commencer par le
présent et d’évoquer ensuite le passé (pour expliquer, par exemple, qu’une
des causes du problème se situe dans le passé).
 Exercice 2
Cherchez à comprendre pourquoi un sujet comme « La laïcité française entre tra-
dition et modernité » ne pourrait en aucun cas justifier un plan en deux parties
comme celui-ci :
I. La laïcité autrefois (sous la iiie République, héritière du siècle des Lumières et
de la Révolution)
II. La laïcité aujourd’hui (confrontée au développement de l’islam en France et à
des revendications de type communautaire).

3. La démarche
faits-causes-conséquences-remèdes
Comme les sujets de concours vous conduisent toujours à réfléchir sur des
problèmes auxquels sont confrontées les sociétés modernes en général et
la société française en particulier, il va de soi que la démarche consistant
à rechercher et à exposer les faits, les causes, les conséquences et les
remèdes est souvent sollicitée : elle vient naturellement à l’esprit dès lors
qu’est soulevé un problème dont il importe d’exposer les aboutissants
(ce à quoi il aboutit, autrement dit ses répercussions, ses conséquences),
les tenants (ce à quoi il tient, c’est-à-dire ses racines, ses causes) et, plus
encore, ses solutions. Cette démarche intellectuelle s’impose quand le
sujet que vous traitez apparaît, de prime abord, comme une difficulté, une
faiblesse, une anomalie, etc.
Mais elle a aussi toute sa légitimité dans le cas de libellés apparemment
« neutres » et qui, de fait, sous le caractère anodin du thème, vous invitent
implicitement à chercher les difficultés, les dangers, les risques : n’oubliez
pas que l’on veut tester votre esprit critique, que le correcteur veut appré-
cier votre lucidité. C’est à vous de découvrir qu’il y a « anguille sous roche ».
L’utilisation de la démarche « faits-causes-conséquences-remèdes » doit
être souple et intelligente :
➤➤ d’abord,il n’existe pas de succession « obligatoire » ; en effet, s’il n’est
guère possible de traiter des remèdes ailleurs qu’à la fin de la copie, on
peut inverser à son gré causes et conséquences. Il est d’ailleurs courant et
logique d’évoquer les conséquences avant les causes : les conséquences
relèvent du constat, les causes de l’explication.
➤➤ ensuite, on n’est jamais obligé d’utiliser la démarche entière et, selon
les cas, on est en droit de passer rapidement sur les causes ou, à l’inverse,
sur les conséquences parce qu’elles sont évidentes ou parce qu’elles font
partie, par exemple, des données du problème et qu’elles ont été évo-
quées rapidement dans l’introduction. Dans ce type de démarche, on peut
réduire les causes ou les conséquences à la portion congrue, particuliè-
rement les conséquences. En effet, vous n’êtes pas un journaliste qui fait
du sensationnel avec un sujet pénible (la misère, la violence…) ; vous êtes
un analyste qui recherche les causes, toutes les causes si possible, afin
de pouvoir proposer des solutions. Dès lors, il est courant d’évoquer les

conséquences en introduction (c’est une bonne façon de capter l’atten-
tion) pour se consacrer ensuite aux phénomènes souterrains, à ce qui a
déterminé ces conséquences.
Le grand mérite de cette démarche sera de vous obliger à envisager un
problème jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’aux solutions le concernant :
des solutions déjà mises en œuvre – bonnes ou mauvaises – ou simplement
possibles. Selon la nature du sujet, la manière dont il est posé, ou selon le
caractère général ou précis des solutions envisageables, l’évocation des
remèdes prendra place au sein du développement (vers la fin) ou dans la
conclusion : ainsi l’ouverture finale d’une conclusion peut-elle être fondée
sur l’évocation de solutions souhaitables, possibles ou illusoires. L’intérêt
essentiel de cette démarche est de vous conduire à parler de l’État, car il
faut toujours mentionner celui-ci dans une copie de concours : même si, on
le sait, il n’a pas les moyens de résoudre toutes les difficultés auxquelles
est confrontée notre société, il est absolument nécessaire d’évoquer le
rôle qu’il peut jouer.
Dans une composition sur un sujet général, envisager les remèdes revient
toujours, en pratique, à évoquer les mêmes « instances de décision », à
savoir :
– l’État agissant par l’intermédiaire du Parlement (qui vote des lois propo-
sées par l’exécutif) ou de ses grandes institutions : justice, police, éducation
nationale, etc. Il est très fréquent de mentionner, à la fin d’un devoir, l’enjeu
considérable de l’éducation dans la solution d’une difficulté sociétale ;
– les collectivités territoriales : région, département, commune ;
– les médias, qui influencent l’opinion publique dans un sens ou dans
l’autre ;
– la société civile, qui peut contribuer à la solution d’un problème par le
biais des associations, des syndicats… ;
– les individus, sachant que la solution aux problèmes de société passe
souvent par une prise de conscience, un changement de comportement,
une mobilisation.
 Exercice 3
Cherchez à analyser le sujet « Le harcèlement au travail » en réfléchissant sur des
faits, sur leurs causes, leurs conséquences et les solutions possibles.

4. La démarche dialectique
thèse-antithèse-synthèse
La dialectique est l’art de dépasser les contraires, donc l’opposition de
la thèse et de l’antithèse. Par conséquent, la démarche n’est pleinement
dialectique que lorsqu’elle débouche sur une synthèse.
Qu’est-ce qu’une thèse ? C’est un point de vue, une proposition qu’on tient
pour vraie et qu’on s’engage à défendre par des arguments. Puisqu’une
composition veut convaincre, il est logique qu’elle avance une thèse.
Qu’est-ce qu’une antithèse ? C’est un point de vue, une proposition radica-
lement opposée à celle exposée dans la thèse et qui constitue, avec elle,
une antinomie.
Qu’est-ce qu’une synthèse ? C’est l’ultime étape d’un raisonnement, grâce
à laquelle s’opère un dépassement des contraires, donc des points de vue
antagonistes exposés successivement dans la thèse et l’antithèse.
Deux raisons importantes expliquent que la démarche dialectique (com-
plète ou réduite au seul mouvement thèse-antithèse) soit souvent utilisée
dans la composition de culture générale.
➤➤ Première raison : de nombreux sujets, tantôt explicitement (« Le progrès
technique est-il vraiment un progrès pour l’homme ? »), tantôt implicitement
(« La place de l’État-nation à l’ère de la mondialisation »), appellent une
approche contradictoire et, de fait, une réponse nuancée. Nous vivons dans
un monde trop complexe pour que les réponses puissent être univoques ; et
l’on attend logiquement d’un futur fonctionnaire qu’il soit capable d’envisa-
ger cette complexité afin de ne pas prendre de décisions infondées, hâtives.
➤➤ Seconde raison : tous les sujets, d’une manière ou d’une autre, appellent
votre avis, une prise de position, un choix raisonné et argumenté ; dès lors,
la démarche thèse-antithèse (ou thèse-antithèse-synthèse) est souvent
incontournable.
Les erreurs à éviter : comme toute démarche intellectuelle, la démarche
dialectique exige d’être utilisée avec souplesse et lucidité. Pour cela, il
importe de connaître les trois dérives, parfaitement identifiées, auxquelles
elle peut conduire.

➤➤ Première erreur : tirer mécaniquement un plan d’ensemble de cette
démarche, alors que certains sujets n’appellent nullement deux parties
antagonistes. Vouloir à tout prix traiter tous les sujets sous la forme thèse-
antithèse reviendrait tantôt à créer de fausses fenêtres (imaginer une pre-
mière partie où l’on avancerait des arguments qu’on saurait faux pour
pouvoir les réfuter dans la partie suivante), tantôt à soutenir des positions
moralement inacceptables.
➤➤ Deuxième erreur : se contredire d’une partie à l’autre. Si la démarche
thèse-antithèse consistait à anéantir dans la deuxième partie les arguments
qu’on aurait avancés dans la première, il va sans dire qu’elle serait absurde.
➤➤ Troisième erreur : ne pas prendre clairement position dans la copie
sous prétexte qu’on a formulé des arguments opposés. Contrairement à ce
que l’on pourrait croire, l’exposé de points de vue antagonistes est la voie
royale d’une prise de position convaincue et convaincante (en conclusion,
notamment) : les juges se sentiraient-ils en droit de prononcer un verdict
si l’accusation et la défense ne s’étaient pas toutes deux exprimées ?
En fait, si cette démarche est pleinement légitime et intellectuellement
féconde, c’est parce qu’elle permet d’explorer et d’exposer la complexité
des problèmes : un même phénomène peut engendrer des conséquences
opposées, une chose peut être vraie ou juste selon un certain angle de vue
et fausse ou injuste selon un autre angle. La démarche dialectique permet
notamment de traiter les sujets pour lesquels il importe de distinguer
entre apparence et réalité, théorie et pratique : en effet, une chose peut
être théoriquement juste et pratiquement injuste.
Si la démarche thèse-antithèse peut inspirer le plan d’ensemble, on la
retrouve plus souvent encore à l’intérieur d’une même partie, d’un même
paragraphe. En effet, comme une pensée riche est nécessairement une
pensée nuancée, le mouvement « certes… mais » est incontournable dans
les copies qui argumentent véritablement et, donc, s’emploient à réfuter
les arguments qu’on pourrait leur opposer.
La synthèse, on l’a dit, constitue un dépassement de l’opposition entre la
thèse et l’antithèse. Ce dépassement peut prendre essentiellement trois
formes.
➤➤ Tantôt
le dépassement consiste à montrer que la vérité se situe à mi-
chemin de la thèse et de l’antithèse. La synthèse cherche alors à dégager

une vérité médiane, plus complexe que celle envisagée jusque-là. Il faut
réserver cette démarche aux sujets qui s’y prêtent expressément car il
faut pouvoir, dans la synthèse, exposer des idées, des exemples et des
arguments nouveaux et ne pas répéter platement, sous une autre forme,
la thèse et la l’antithèse.
➤➤ Tantôt le dépassement consiste à montrer que le problème doit être
replacé dans un contexte plus large, reconsidéré d’un point de vue supé-
rieur. La synthèse cherche alors soit à relativiser le problème, soit, à l’in-
verse, à montrer qu’il est encore plus grave qu’on pouvait le croire, ou
encore à montrer que l’on pourrait reposer le problème en des termes
différents, sous un autre angle de vue.
Cette forme de synthèse pourrait convenir, par exemple, au sujet « Fon-
dements et limites de la discrimination positive ». 1) Thèse : les mérites de
la discrimination positive. 2) Antithèse : les dangers de la discrimination
positive. 3) Synthèse : la discrimination positive n’est, de toute façon, qu’un
pis-aller et un palliatif : certes, dans l’urgence et pour faire face à la crise
actuelle (notamment la montée des inégalités), la discrimination positive
peut apporter des correctifs. Il n’empêche que la solution véritable est de
s’attaquer aux causes profondes des inégalités en général et, plus encore, de
l’inégalité des chances. En tout état de cause, il ne faudrait pas que la mise
en œuvre d’une politique de discrimination positive soit un alibi commode
et hypocrite pour ne pas mettre en œuvre une politique de justice sociale.
➤➤ Tantôt le dépassement consiste à envisager des solutions, des remèdes.
La démarche dialectique rejoint alors la démarche « faits-causes-consé-
quences-remèdes » et nous vous renvoyons, quant au contenu de la syn-
thèse, à ce que nous écrivions plus haut à propos des « remèdes ».
Dans tous les cas, il faut redouter de sortir des limites exactes de la pro-
blématique car, s’il est toujours intellectuellement gratifiant de dépasser
une contradiction, on est toujours sanctionné lorsqu’on sort du sujet.
Aussi convient-il de rappeler que, très fréquemment, la conclusion de la
copie sert à elle seule de synthèse et que, parfois même, la dernière ou
les dernières phrases suffisent à jouer ce rôle. Ainsi, une ouverture finale
(éventuellement sous forme de question) peut esquisser un dépassement.

 Exercice 4
Délimitez le sujet « S’informer est-il un droit en démocratie ? », établissez les axes
de la problématique et donnez une ébauche de plan.
Parce qu’ils se combinent naturellement entre eux, quatre grands principes de composition suffisent à créer
le plan original dont vous avez besoin pour traiter un sujet.
Contrairement à ce qu’on entend dire parfois, il n’existe aucune règle qui imposerait, pour certains concours,
un plan en deux parties. Cela dit, n’envisagez trois parties que si le plan en deux parties ne vous permet pas
d’aller au terme de votre raisonnement.
Les deux ou trois grandes parties du devoir doivent être, autant que possible, équilibrées.
Un premier principe d’organisation veut qu’on aille du moins au plus important et du plus au moins évident.
Selon un deuxième principe, la réflexion, axée sur le présent lui-même éclairé par des rapprochements avec
le passé, doit s’ouvrir sur le futur. Un troisième principe veut que la réflexion envisage, dans un ordre variable,
les faits (c’est-à-dire les problèmes), leurs causes, les conséquences qu’ils entraînent et les remèdes que les
décideurs peuvent proposer. Suivant un quatrième principe, la réflexion doit se faire dialectique et, dans la
mesure du possible, l’antagonisme de la thèse et de l’antithèse doit être dépassé dans une synthèse.

 Exercice 1
Les épidémies, a fortiori les pandémies, ont des impacts sur les sociétés
actuelles. En appliquant la démarche d’approfondissement progressif à la
notion d’impact, classez les impacts des épidémies en allant du plus évident
au moins évident.
Classement des impacts des épidémies, du plus évident au moins
évident (nous vous invitons à réfléchir à ce classement, que vous
pouvez contester car il ne peut pas prétendre à une objectivité
démontrée)
1. Le premier impact évident d’une épidémie est l’impact sanitaire, qui
recouvre aussi bien les conséquences sur la santé humaine que sur
le système de santé lui-même. Il se traduit par la mortalité (nombre
de décès) et la morbidité (nombre de personnes malades dans une
population). Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les
maladies infectieuses (sida compris) entraînent chaque année le
décès de 17 millions de personnes, dont 97 % se situent dans les pays
en développement. Une épidémie impose aussi une charge énorme
aux systèmes de santé, provoquant une surcharge des hôpitaux et
une sur-utilisation des professionnels de la santé, même dans les
pays les plus développés. Mais c’est dans les pays en voie de déve-
loppement que les conséquences d’un processus épidémique se
font le plus durement sentir, sur un système de santé déjà précaire.
2. Une épidémie a aussi un impact économique : elle a un coût éco-
nomique direct (coût des prestations sanitaires) et indirect (pertur-
bations de l’activité économique des communautés affectées). Ainsi,
certaines pandémies, en particulier celle du VIH/sida, peuvent être
analysées aussi bien comme un problème de développement écono-
mique que comme un problème de santé publique. Rappelons que,
dans les pays en développement, notamment en Afrique, les consé-
quences économiques des épidémies se sont traduites par une baisse
de la croissance et des revenus des ménages, une hausse du déficit
budgétaire et des prix, ainsi qu’un accroissement de la pauvreté.
Ainsi, les dernières enquêtes de la Banque mondiale concernant les
effets du virus Ebola dans les pays africains (Libéria, Sierra Leone)

ont révélé un recul de l’emploi, un problème d’insécurité alimentaire

et des risques pesant sur le bien-être des populations à long terme.
3. Impact sur les politiques publiques : une épidémie exige l’élabora-
tion par les pouvoirs publics d’une stratégie de sécurité sanitaire
passant par l’adoption de mesures de prévention et de précaution
dont l’objectif est double : d’une part, protéger le système de soins
pour qu’il puisse assurer la prise en charge des malades et faire face
aux enjeux sanitaires habituels ; d’autre part, mettre en œuvre une
stratégie de réduction de la contagion et, si possible, d’immunisa-
tion de la population, afin d’assurer la continuité des activités dans
les secteurs privé et public, ainsi que la protection de la santé des
salariés de ces deux secteurs, dans l’intérêt du bon fonctionnement
de la société dans son ensemble.
Or une perception inexacte du risque épidémique peut parfois
conduire à des décisions politiques erronées ou inefficaces. Ainsi,
lors de la pandémie de grippe A (H1N1) en 2009-2010, les autorités
sanitaires françaises, ayant surévalué la portée réelle du risque,
avaient dû annuler la commande de la moitié des 94 millions de
doses de vaccins prévues.
4. Impact sociétal : l’incidence sanitaire de l’épidémie, conjuguée
parfois à une réaction de panique, entraîne l’adoption de mesures
qui affectent le mode de vie des populations (mise en quarantaine
de communautés, blocage de routes, fermeture d’écoles, interdiction
de rassemblements publics, etc.).
5. Impact scientifique : les épisodes épidémiques, a fortiori pan-
démiques, sont susceptibles de jouer un rôle de catalyseur de la
recherche scientifique en vue du développement de traitements
spécifiques (vaccins, sérums, antiviraux), comme cela s’est pro-
duit pour le sida. Pourtant, force est de constater que les grandes
entreprises pharmaceutiques, qui agissent souvent en fonction des
expectatives financières du marché, se montrent peu enclines à
développer la recherche sur des maladies qui ne concernent que
des populations très localisées et/ou peu solvables (c’est le cas de
certaines épidémies en Afrique).

Corrigé des exercices du chapitre 5 6. Impact international : les épidémies sont perçues comme des
menaces pour la sécurité des États car elles peuvent être à l’origine
de mesures visant à isoler les pays concernés du reste de la commu-
nauté internationale (fermeture des frontières, suspension des vols
internationaux, interruption du trafic maritime, etc.), afin d’éviter
que l’épidémie ne se transforme en pandémie. Mais les épisodes
épidémiques peuvent également constituer un puissant moteur de
coopération intergouvernementale dans le cadre de politiques sani-
taires définies par l’OMS. Cependant, il est arrivé que les Nations
unies, dans certains cas, considèrent un phénomène épidémique
comme une menace pour la sécurité et la paix internationales (voir
les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies portant sur
la pandémie du sida en 2000 et sur l’épidémie d’Ebola en Afrique de
l’Ouest en 2014).
 Exercice 2
Cherchez à comprendre pourquoi un sujet comme « La laïcité française
entre tradition et modernité » ne pourrait en aucun cas justifier un plan en
deux parties comme celui-ci :
I. La laïcité autrefois (sous la iiie République, héritière du siècle des Lumières
et de la Révolution)
II. La laïcité aujourd’hui (confrontée au développement de l’islam en France
et à des revendications de type communautaire).
Si ce plan, strictement chronologique, ne peut convenir, c’est pour
au moins deux raisons.
D’abord, parce qu’avec un tel plan, le sujet, qui porte nécessairement
sur le présent (et le futur prévisible), ne serait abordé véritablement
que dans la seconde partie, la première n’étant qu’un long préam-
bule. Ensuite, parce que dans ce cadre purement chronologique,
l’auteur de la copie serait tenté de s’en tenir aux différences et aux
ressemblances entre la situation passée et la situation présente,
alors que le véritable sujet est à la fois beaucoup plus exigeant…
et bien plus facile.

En effet, lire attentivement le libellé revient à comprendre qu’il ne

s’agit pas de faire une histoire de la laïcité (ce qui, sans documents,
est difficile), mais de réfléchir et de prendre position sur ce que doit
être la laïcité aujourd’hui, de façon qu’elle demeure une valeur au
service de la République.
Le plan suivant conviendrait mieux :
I. Certes, la laïcité ne peut ignorer ni l’émergence de revendications
communautaires nouvelles (en rapport avec un progrès des inté-
grismes), ni les mentalités actuelles – qui font souvent passer la
liberté individuelle avant les règles collectives –, ni l’existence d’une
société multiculturelle ; elle se doit d’être, par conséquent, ce qu’on a
appelé une « laïcité de dialogue », inspirée elle-même de l’humanisme
tolérant des Lumières.
II. Mais la laïcité ne peut pour autant renoncer aux principes qui la
fondent : quitte à sembler renouer avec l’esprit combatif de 1905,
elle ne peut transiger sur des valeurs de liberté et d’égalité. D’où
la loi de mars 2004 sur la laïcité à l’école, qui est caractéristique
d’un retour aux sources et d’une « laïcité de combat ». D’où aussi la
mobilisation des pouvoirs exécutif et législatif sur le problème que
constitue le port de la burqa ou du niqab par environ 2 000 femmes
en France, ce qui a conduit à l’adoption de la loi de 2011 qui inter-
dit la dissimulation du visage dans un espace public. (Remarque :
toutefois, le fondement juridique de l’interdiction est la sauvegarde
de la sécurité, pas le respect de la laïcité.)
Ainsi, ce sujet, comme tous les autres, exige une réponse personnelle,
nécessairement nuancée et argumentée, ce qu’interdirait un exposé
chronologique et factuel. Il montre que l’évocation du passé ne se
fait pas nécessairement en première partie : en l’occurrence, si les
deux parties font référence au passé, c’est incontestablement dans
la seconde que le parallèle présent/passé sera le plus approfondi.
La démarche chronologique doit donc se soumettre, comme les
autres, aux exigences de la composition et des problématiques,
toujours différentes : elle sert à penser, elle ne fournit pas de plan
tout prêt.

Cherchez à analyser le sujet « Le harcèlement au travail » en réfléchissant
sur des faits, sur leurs causes, leurs conséquences et les solutions possibles.
L’analyse du sujet se prête à une démarche pragmatique du type :
faits-causes-conséquences-remèdes.
Quels sont les faits constitutifs de harcèlement ? Le harcèlement
traduit une conduite portant atteinte à la dignité et aux droits des
travailleurs, quelle que soit la forme de harcèlement, sexuel ou moral.
Il peut se manifester entre des collègues de travail ; des personnes
en position d’autorité peuvent aussi harceler des subalternes et,
à l’inverse, des salariés peuvent harceler leurs supérieurs. Le har-
cèlement moral se manifeste par des agissements répétés qui ont
pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail
susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité,
d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son
avenir professionnel.
Le harcèlement sexuel est défini précisément par le Code pénal
comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos
ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa
dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent
à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». De
même, est « assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété,
d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent
d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au
profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers » (Code pénal, article
222-33, paragraphes I et II).
Quelles sont les causes ? Le harcèlement relève de plusieurs facteurs :
– l’organisation du travail : travail exécuté dans le stress, mauvaise
communication, absence d’appréciation et de reconnaissance de
la part des supérieurs, phénomène du bouc émissaire, mauvaise
atmosphère au travail ;
– les relations au sein du groupe : compétition pour obtenir une
promotion, refus d’accepter la différence d’autrui (personnes en
situation de handicap ou vulnérables), difficultés à s’intégrer dans
le groupe ;

– profil de l’auteur du harcèlement : ego surdimensionné, volonté

de contrôler exagérément les autres ;
– profil de la personnalité de la victime : manque d’assurance, inca-
pacité à bien s’exprimer, sentiment d’infériorité ; parfois, le com-
portement et le profil de la victime sont en partie renforcés par les
actes de harcèlement.
Quelles sont les conséquences ? Le harcèlement a des répercussions
aussi bien sur la victime que sur l’organisation et l’environnement
du travail.
Pour la victime : une détérioration graduelle de sa santé physique et
psychologique (baisse de l’estime de soi, isolement, exclusion, peur,
méfiance, culpabilité, dépression ; à l’extrême, risque de suicide…).
En ce qui concerne l’environnement de travail : une dégradation
progressive du climat de travail (perte de motivation, détérioration
des conditions de travail, etc.). S’agissant de l’organisation du tra-
vail : une diminution de la mobilisation et du rendement (baisse de
productivité, absentéisme, épuisement professionnel…).
Quels sont les remèdes ? La lutte contre les pratiques de harcèle-
ment se fonde sur des mesures de prévention, de médiation et de
répression. À titre préventif, la loi oblige l’employeur à prendre des
mesures visant à empêcher le harcèlement – sexuel et moral – au sein
de son organisation, ainsi qu’à protéger la santé physique et mentale
des salariés. La victime peut engager une procédure de médiation
afin de trouver un règlement à l’amiable en évitant le recours à la
justice. Sur le plan répressif, outre les sanctions disciplinaires pro-
noncées à l’encontre des auteurs du harcèlement, ces agissements
sont passibles de sanctions civiles et pénales. Le harcèlement moral
est passible d’amendes et de peines de prison. En ce qui concerne
le harcèlement sexuel, la loi du 6 août 2012, adoptée à l’unanimité
par le Parlement, rétablit dans le Code pénal le délit de harcèlement
sexuel ; il avait été abrogé par le Conseil constitutionnel dans sa
décision du 4 mai 2012 en raison de l’imprécision de sa rédaction,
qui résultait de la précédente loi du 17 janvier 2002.

Délimitez le sujet « S’informer est-il un droit en démocratie ? », établissez
les axes de la problématique et donnez une ébauche de plan.
Le droit de s’informer ne doit pas être confondu avec le droit d’infor-
mer. Ce dernier relève de l’exercice de la liberté d’expression et de
communication des idées et des opinions (voir l’article 11 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789). En
revanche, le droit de s’informer se décline, tant sur le plan quantitatif
– égal accès de tous les citoyens à tous les supports d’information –
que qualitatif – fiabilité de l’information reçue.
S’informer est un attribut du citoyen qui souhaite participer de
façon éclairée à la vie de la cité, donc au processus démocratique.
Le progrès de la démocratie exige la disponibilité d’une information
plurielle et complète, qui permette aux citoyens de juger en connais-
sance de cause les politiques gouvernementales. Un citoyen informé
est un citoyen éduqué apte à faire vivre la démocratie. A contrario,
lorsque les citoyens n’ont pas les moyens – matériels, culturels,
financiers – de s’informer sur les enjeux d’une décision ou d’une
élection, ils risquent de se laisser abuser par des slogans démago-
giques, ce qui nuit au bon fonctionnement de la vie démocratique.
C’est pourquoi l’accès des citoyens à des sources d’information
diversifiées, notamment aux médias, demeure un objectif des pou-
voirs publics, qu’il s’agisse d’aider les journaux en difficulté ou de
favoriser le développement d’internet. En France, le Conseil consti-
tutionnel a établi que le « pluralisme des quotidiens d’information poli-
tique et générale » est un « objectif de valeur constitutionnelle » 1. Aussi
la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009 – Hadopi 1 –
a-t-elle précisé qu’« en l’état actuel des moyens de communication et
eu égard au développement généralisé des services de communication
au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour
la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des
opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services ».
1. Décision no 84-181 DC du 11 octobre 1984.

A contrario, l’accès restreint aux sources d’information – a fortiori

la censure – met en cause le droit de s’informer. La censure, c’est-à-
dire tout procédé visant à établir ce qui peut être publié ou diffusé,
constitue l’une des armes favorites des régimes non démocratiques.
Mais, même en démocratie, les modes d’expression de la pensée et
d’accès à l’information peuvent être soit limités par des réglemen-
tations exceptionnelles et conjoncturelles (révoltes, révolutions,
guerres), soit contrôlés de manière insidieuse.
S’informer est aussi un droit des administrés face à l’administra-
tion. Le citoyen doit avoir un accès aux documents publics pour
obtenir plus d’informations sur les priorités du gouvernement, mieux
comprendre les questions qui le touchent de près et pour connaître
la nature et l’étendue des droits que la loi lui accorde. En France,
la liberté d’accès aux documents administratifs a été reconnue par
la loi du 17 juillet 1978, modifiée notamment par l’ordonnance du
6 juin 2005. Ce texte reconnaît à toute personne le droit d’obtenir
communication des documents détenus par une administration,
quels que soient leur forme ou leur support.
Mais ce droit d’accès peut être limité pour protéger l’intérêt public
et les droits et libertés individuelles. Dans ces cas, l’administration
sollicitée a la possibilité d’opposer un refus à la demande de commu-
nication, sous le contrôle de la Commission d’accès aux documents
administratifs (CADA) et, ultérieurement, du juge.
Plan proposé
Le plan de la composition peut relever de l’approche dialectique en
trois parties, conformément au schéma suivant.
Introduction : L’accès à l’information n’est envisageable que si le droit
de communiquer librement ses pensées est respecté. De ce fait, le
droit à s’informer est le corollaire du droit à informer. Mais l’accès à
l’information, bien que garanti par l’État, n’est pas un droit absolu.
I. Le droit de s’informer est inhérent au fonctionnement de la
démocratie libérale : en tant qu’attribut de la citoyenneté – s’infor-
mer pour se forger une opinion, porter des jugements sur les pro-

Corrigé des exercices du chapitre 5 blèmes de la société, connaître ses droits – et en tant que droit des
administrés – afin d’accéder aux documents administratifs.
II. Mais il existe des limites : soit des limitations imposées par le
pouvoir politique pour préserver l’intérêt public (censure en cas
d’événement exceptionnel : guerre, attentat terroriste, sauvegarde
de l’ordre public), soit des limites liées au respect des droits d’autrui
(droit à la vie privée, droit à l’honneur, communication des docu-
ments personnels aux seuls intéressés), soit des limites inhérentes
aux inégalités dans l’accès à l’information (raisons financières, cultu-
relles, matérielles).
III. En démocratie, les pouvoirs publics doivent assurer les condi-
tions d’un libre accès aux sources d’information : l’État doit garantir
le pluralisme des médias et des informations, ainsi que la transpa-
rence sur les pratiques et la gestion des affaires publiques.

Chapitre 6
Les moments
forts de la copie
1. L’introduction
Même si une très bonne introduction ne peut, à elle seule, sauver une copie,
il n’empêche que c’est elle qui crée la première impression et réalise ce que
les Latins appelaient déjà la captatio benevolentiae, autrement dit ce qui
« capte la bienveillance » du lecteur. L’introduction doit donc, sur la forme
et le fond, être très soignée : c’est pourquoi il est souvent conseillé de la
rédiger au brouillon, du moins partiellement.
L’introduction doit remplir trois fonctions :
– amener et présenter le sujet : c’est le rôle de l’entrée en matière ;
– formuler le sujet et en expliciter la problématique ;
– annoncer le plan de la composition.
1. Première fonction :
amener et présenter le sujet
« Introduire », étymologiquement, signifie « conduire dans… » : l’introduction
a entre autres pour fonction de conduire jusqu’au sujet. De ce fait, partir
du sujet, c’est-à-dire reproduire, dès la première phrase, la question ou la
citation inscrites dans le libellé, revient à nier l’idée même d’introduction, à
brûler les étapes et à bousculer le lecteur, alors qu’il convient au contraire
de l’amener progressivement (mais rapidement) au sujet et d’éveiller ainsi
son intérêt.

L’entrée en matière découle d’une analyse précise de la nature du sujet et
ne peut donc pas être passe-partout. Si celle que vous avez rédigée peut
convenir à un sujet différent, voire à plusieurs…, vous avez la preuve qu’elle
n’est pas véritablement pertinente.
Pour dire les choses encore plus nettement, il faut que l’entrée en matière
soit en rapport non seulement avec le thème, mais aussi avec le problème
à traiter. Il faut que, dès les premières lignes, sinon les premiers mots, le
lecteur devine la nature du problème qui sera au centre de la réflexion :
puisque vous partez d’une réflexion plus large que celle commandée par
le sujet, il faut éviter d’ouvrir plusieurs pistes avant de vous limiter à une
seule, de divaguer d’une idée à une autre. Bref, de considérer l’entrée en
matière comme une sorte de hors-d’œuvre entretenant un rapport assez
lâche avec la problématique.
L’un des premiers mots de liaison (sinon le premier) que vous utiliserez
dans la composition aura donc pour mission d’assurer la continuité de la
pensée entre l’entrée en matière et la formulation du sujet. Ces mots de
liaison peuvent être divers (« ainsi », « aussi », etc.), puisqu’ils dépendent du
rapport intellectuel existant entre les premières lignes et le sujet même.
Sans que cela soit contraignant pour vous, sachez que la meilleure façon
de piquer la curiosité du lecteur, d’accrocher son attention, est souvent
d’utiliser des mots de liaison comme « paradoxalement », « or », « toutefois »,
« néanmoins » : en effet, expliciter une contradiction (entre l’apparence
et la réalité, l’idéal et la pratique…) au seuil d’une composition est intel-
lectuellement stimulant. Cela revient en quelque sorte à renchérir sur la
nécessité d’assurer la cohérence interne de l’introduction.
La restitution du sujet dans sa lettre et, surtout, dans son esprit est obliga-
toire mais elle peut prendre des formes très variées dans la mesure où les
libellés diffèrent profondément dans leur forme. Le cas le plus simple est
celui où le libellé se résume à une question brève : il suffit alors d’intégrer
celle-ci au texte que l’on rédige, en opérant les changements nécessaires…
puisque la question qu’on vous a posée est désormais la vôtre et que vous
devez la reprendre à votre compte. Dans le cas où le libellé comprend
une citation brève, il convient de la reproduire intégralement et de citer
le nom de son auteur.

2. Deuxième fonction :
formuler la problématique
Ce deuxième moment de l’introduction, celui où l’on formule la probléma-
tique, poursuit le travail d’éclairage du sujet ; mais, cette fois, il ne s’agit
plus d’un éclairage d’ambiance, d’un éclairage indirect par le contexte
(c’était un des rôles de l’entrée en matière) mais d’un éclairage direct :
c’est le sujet même qui s’éclaire comme de l’intérieur et qui dévoile ainsi
sa richesse, ses potentialités, son ampleur.
➤➤ Lorsque le libellé pose une question, il convient de prolonger celle-ci
par d’autres questions et/ou par un commentaire.
➤➤ Quand le libellé consiste en une phrase thème, la nécessité de formuler
la problématique est encore plus nette : il convient alors de considérer que
toute l’introduction, notamment sa deuxième partie, est un commentaire
qui explicite et décline dans ses principales composantes le problème
fondamental associé au thème (« la tolérance ») ou aux thèmes (« la ville
et les pouvoirs publics ») imposé(s) par le libellé.
3.Troisième fonction :
annoncer le plan du développement
L’annonce du plan, qui sert de transition vers le développement, est abso-
lument obligatoire : il s’agit de la troisième règle de l’introduction. Grâce
à cette annonce, le lecteur peut anticiper sur la suite et sera donc mieux
armé pour suivre le détail d’une pensée dont il connaît d’emblée les grandes
étapes.
Sachant qu’une phrase peut suffire pour annoncer le plan, soyez de toute
façon concis et clair.

Le bon « tempo »
Deux défauts contraires nuisent à l’introduction : son caractère expéditif et, à l’inverse, son
anormale longueur.
Une introduction doit être tonique et ne pas s’éterniser : certes, il ne faut pas donner l’impression
que vous bâclez ce moment fort de la copie, mais il ne faut pas non plus donner le sentiment
que vous faites durer les préliminaires, soit par peur d’aborder un sujet sur lequel vous n’auriez
pas grand-chose à dire, soit par maladresse. Or, la maladresse courante consiste à transformer
l’introduction en un exposé laborieux dans lequel sont définis les « mots clés » du sujet, ou encore
en un long exposé historique.
À ce propos, s’il est souvent opportun de rappeler brièvement en introduction les éléments passés
qui éclairent la problématique contenue dans le sujet, il est hors de question d’entrer dans les
détails : en effet, si vous pensez que les rappels historiques doivent être conséquents, ils doivent
prendre place dans le développement.
De la même manière, votre introduction ne doit apporter aucune réponse prématurée et ne
comporter aucune affirmation argumentée : sinon, elle perdra de son identité, se diluera et le
lecteur aura la pénible impression que vous êtes en train de traiter un sujet qui n’a pas encore
été posé !
De la longueur idéale d’une introduction (comme d’une conclusion, qui doit être de longueur
analogue), on peut dire :
– d’abord, que cette longueur varie en fonction du volume global de la copie tout entière ;
– ensuite, qu’une introduction ne doit pas déséquilibrer la copie et qu’elle doit, de ce fait, repré-
senter environ 1/10e de celle-ci (une copie de 2 500 mots doit donc consacrer environ 250 mots
à l’introduction, autant à la conclusion et 2 000 au développement).
 Exercice 1
Rédiger l’introduction qui, remplissant correctement ses trois fonctions, pré-
senterait le sujet suivant : « Peut-on parler d’entreprise citoyenne ? » Pour vous
amener à réfléchir plus précisément sur la nécessité d’imaginer une entrée
en matière qui soit bien centrée sur la problématique, nous vous proposons,
comme exemple à ne pas suivre, une introduction (incomplète) centrée mala-
droitement non pas sur le problème (l’entreprise citoyenne), mais sur le thème
(l’entreprise) ; ce qui fait qu’au bout du compte, le sujet, quand il est enfin for-
mulé, paraît « parachuté ».

Exemple à ne pas suivre :
« Dans notre pays, la bonne santé des entreprises est devenue une préoccupation
collective, un sujet d’inquiétude majeur. C’est que les Trente Glorieuses sont der-
rière nous et que la compétition internationale se fait chaque jour plus dure : les
pays émergents font une concurrence si déloyale aux entreprises des pays déve-
loppés que le combat est devenu totalement inégal dans des secteurs toujours plus
nombreux. Aux États-Unis, dans l’ancienne Europe industrielle (dont évidemment
la France, qui connaît un taux de chômage important), se multiplient les déloca-
lisations et les plans sociaux. Les hommes politiques et les citoyens eux-mêmes
s’interrogent sur les chances des entreprises françaises et aussi sur les mesures
qu’il s’agit de prendre en leur faveur. Mais, à ce propos, si les citoyens s’inquiètent
du sort des entreprises, celles-ci s’intéressent-elles au sort de la cité ? Peut-on
dire qu’elles sont encore citoyennes ? Etc. »
2. Les liaisons et les transitions

Au-delà de l’introduction, tout le développement doit donner au lecteur
l’impression d’être pris en charge, guidé vers une conclusion qu’il devine
et attend. Le fil directeur de la pensée doit être assuré par les transitions,
par l’emploi judicieux des mots de liaison – notamment au début des para-
graphes –, par la fin de ces derniers et par l’emploi de formules exprimant
explicitement ce qui est essentiel dans le raisonnement.
Il convient de maîtriser chacun de ces « marqueurs » de la progression
intellectuelle car il ne suffit pas que la pensée progresse régulièrement
et logiquement : encore faut-il que le lecteur ait une conscience claire de
cette progression et qu’il puisse suivre le raisonnement sans jamais être
désorienté. Le lecteur doit constamment pouvoir se situer par rapport à
ce qui précède et à ce qui suit et, par ailleurs, repérer et mémoriser ce qui
est fondamental dans le discours.

1. Les transitions entre les grandes parties
Lire, on ne le répétera jamais assez, c’est se souvenir et anticiper, et le texte
est d’autant plus lisible qu’il facilite ces deux opérations mentales. Certes,
grâce à l’annonce du plan située à la fin de l’introduction, le lecteur est
immédiatement en mesure d’imaginer le devoir dans ses grandes lignes.
Toutefois, cette image ne tarderait pas à s’effacer si le concepteur de la
copie ne prenait pas la précaution de rafraîchir la mémoire du lecteur, de
marquer nettement le passage d’une partie à l’autre.
Une transition, par définition, commence par rappeler sous forme conden-
sée ce qui vient d’être exposé puis annonce (avec toujours le même souci
de concision, donc de clarté) ce qui va suivre. Concrètement, une transition
entre deux parties, même concise, comporte au minimum deux phrases :
la première résume ce qui précède et la seconde annonce ce qui suit. Ainsi
le lecteur peut-il mémoriser l’essentiel de ce qui vient d’être établi avant
d’être confronté à une nouvelle approche du problème : il n’est donc pas
surpris par un changement de cap qui, sinon, pourrait apparaître comme
un coq-à-l’âne ou une incohérence intellectuelle.
Les transitions les plus abouties constituent des moments clés de la pensée
puisqu’elles condensent ce qui était plus ou moins diffus et explicitent avec
les mots abstraits les plus appropriés ce qui, parfois, était resté encore
insuffisamment explicite. Par ailleurs, le mot de liaison situé au cœur de
la transition (entre la première et la deuxième phrases : « or », « pourtant »,
« par conséquent », etc.) éclaire fortement le rapport logique entre ce qui
précède et ce qui suit.
Il n’est donc pas excessif de dire qu’une transition aboutie (au même titre
que l’introduction, les amorces et les fins de paragraphe ou encore la
conclusion) est un élément fondamental d’une composition et relève de
ce qu’il faudrait garder si l’on décidait de ramener celle-ci à 200 mots.
2. Les amorces de paragraphe et les liaisons

Comme l’objectif général est de renseigner le lecteur sur la progression de
la pensée, l’attaque de chaque nouveau paragraphe doit être particuliè-
rement soignée. Grâce à l’amorce d’un paragraphe, vous pouvez réaliser
trois opérations différentes, séparément ou simultanément.

➤➤ À l’aide d’un mot abstrait qui catégorise, d’une formule qui résume, vous
pouvez aider le lecteur, sans même qu’il s’en rende compte, à se faire une
représentation synthétique du paragraphe précédent. Vous utiliserez alors
des mots ou des formules souvent introduits par un adjectif démonstratif
(ce, cet, cette, ces…), comme :
« Cette marchandisation des services a un autre inconvénient… »
« Ce pouvoir de nuisance ainsi révélé, il faut encore… »
« Cette primauté de l’opinion publique sur les décisions politiques vaut aussi… »
« C’est ce mécanisme qui explique… »
« Une telle augmentation des coûts signifie… »
➤➤ À l’aide d’un mot (un adverbe de manière, par exemple) ou d’une formule
plus longue, vous pouvez préparer le lecteur à un changement de point
de vue. Vous utiliserez alors des mots ou des formules comme :
« Économiquement, le problème ne nous paraît pas moins grave… »
« Si, socialement, la vieillesse est un handicap préoccupant, elle ne l’est pas
moins du point de vue individuel… »
« Mais, du point de vue politique, la menace n’est pas non plus à négliger… »
« Dans le domaine éducatif… »
➤➤ À l’aide des mots de liaison (en effet, néanmoins, donc, etc.), de mots ou
de formules qui nomment le rapport logique unissant le paragraphe qui
s’ouvre à ce qui précède, vous pouvez et devez éclairer le lecteur sur la
nature du raisonnement que vous êtes en train de conduire. Vous utiliserez
alors des mots ou des formules tels que :
« Mais les conséquences sont encore plus insidieuses qu’on pourrait le
croire… »
« Quant aux causes les plus souterraines… »
« Les remèdes définitifs n’existent pas mais on peut toutefois imaginer ce
palliatif : … »
« Comme l’explique Tocqueville… »
« Dans ces conditions… »
« Ainsi, la politique de l’environnement… »
« C’est ce qui amène Hannah Arendt à soutenir la thèse selon laquelle… »

3. La mise en relief de l’essentiel
Le bon lecteur, paradoxalement, est celui qui ne lit pas tous les mots d’un
texte : de multiples expériences l’ont prouvé. Du coup, ce lecteur, habitué
à circuler rapidement entre les mots et les lignes, va prélever dans le texte
ce qui est signalé comme important, plus important que le reste.
C’est pourquoi il convient d’aller vers des considérations de plus en plus
essentielles ; et, aux moments qui vous semblent opportuns par rapport au
développement de votre raisonnement, n’hésitez jamais à éveiller l’atten-
tion du lecteur par des mots ou des expressions qui donnent du relief à
un paragraphe.
Quelques exemples permettront d’illustrer notre propos et de vous faire
pressentir la variété quasi infinie de ces formules, qui vous laisse toute
possibilité d’innover :
« Mais il y a plus grave… »
« Ce qui reste à dire n’est pas le moins important… »
« Toutefois, il ne faut pas s’arrêter à ces constats et, en réalité, … »
« Plus largement… »
« Paradoxalement, ce qu’on croyait bénéfique… »
« Au reste, l’imprudence d’une telle prise de position apparaîtra évidente dès
lors qu’on aura écarté toutes les considérations économiques… »
« Il apparaît donc urgent de… »
4. Les fins de paragraphe

Elles doivent constituer des conclusions partielles s’imposant à l’esprit du
lecteur. Il convient donc de soigner particulièrement la dernière phrase d’un
paragraphe car celle-ci doit, si possible, en condenser l’esprit : choisissez
avec soin les mots abstraits qui disent précisément, explicitement, ce qui
peut rester encore plus ou moins implicite. Cela demande une certaine
adresse car, sans répéter ce qui vient d’être dit, il faut pousser le raison-
nement partiel jusqu’au bout et s’exprimer en termes nouveaux.
Si vous n’y êtes pas parvenu, ce sera au début du paragraphe suivant (voir
plus haut, « Les amorces de paragraphe et les liaisons ») de tenter ce résumé
synthétique, par l’intermédiaire d’un mot ou d’une formule bien choisis.

3. La conclusion
L’introduction ouvre la copie, la conclusion la ferme, c’est-à-dire lui donne
son sens et son unité. Privée de conclusion, une composition semble s’être
déployée pour rien et confine à l’absurde : qu’est-ce qu’une question (et
l’introduction a nécessairement posé une ou plusieurs questions) qui non
seulement n’aurait pas de réponse mais qui, de surcroît, aurait mobilisé
pour rien l’énergie du rédacteur et le temps du lecteur ?
Voilà pourquoi une copie de concours doit absolument conclure, même
s’il faut pour cela (mais nous ne le conseillons pas) tronquer le dévelop-
pement. Suscitant généralement moins d’inquiétude que l’introduction,
la conclusion, on le voit, n’en est pas moins importante. Ainsi, les jurys
de concours mettent souvent les candidats en garde contre la tendance
à négliger la conclusion de leur analyse, ce qui « est regrettable car c’est
souvent un demi-point ou un point qui est ainsi perdu “bêtement” » (rapport
du jury IRA de Nantes, 2014).
La conclusion constitue l’image inversée de l’introduction. Alors que
celle-ci est constituée des trois temps « entrée en matière – formulation du
sujet – annonce du plan », la conclusion, elle, se compose de trois autres
temps : le résumé des grandes lignes du développement, la formulation
d’une réponse claire à la question posée dans l’introduction et l’ouverture
finale éventuelle.
1. Première fonction :
résumer la démonstration
Quelles que soient les précautions prises par l’auteur de la copie pour
« marquer » la progression intellectuelle (soit à la fin de l’introduction, soit
à intervalles réguliers dans le développement), arrivé à la fin, le lecteur a
nécessairement perdu de vue certains aspects du devoir ; le dessin d’en-
semble du développement peut même lui échapper. D’où la nécessité de
rappeler les grandes étapes de la pensée ; cela présente l’avantage, juste
avant la formulation d’une réponse longuement préparée, de formaliser
une dernière fois la démarche intellectuelle suivie.
Il convient, là encore, d’être concis et clair sans être redondant. Pour résu-
mer ce qui précède, le mieux est de trouver d’autres mots, si possible plus

frappants, de façon qu’ils se gravent dans l’esprit du lecteur. Et pour ne pas
lasser sa patience, il faut éviter tout pointillisme et s’en tenir strictement
aux grandes lignes du développement.
Le rôle de la première partie de la conclusion n’est pas de prolonger le
développement en exposant des idées ou des exemples oubliés, de pallier
in extremis et sommairement les carences de la copie, mais de faire le
point sur ce qui a été acquis : il faut viser une abstraction de bon aloi et
ne jamais hésiter à faire des mots clés du libellé les sujets grammaticaux
des phrases. Ainsi, on gomme tout aspect anecdotique, on va à l’essentiel
en recentrant bien la réflexion sur le cœur du problème.
2. Deuxième fonction : formuler une réponse

Cette réponse doit être prudente, nuancée (car les problèmes sont com-
plexes et le développement a apporté des réponses différentes et parfois
même antagonistes) … mais claire et franche. On ne vous pardonnerait
pas, au terme d’un devoir qui a nécessité des efforts d’attention, de vous
dérober devant votre responsabilité majeure : celle de formuler un avis
circonstancié, argumenté. Cette responsabilité est d’ailleurs celle que doit
assumer un fonctionnaire après avoir étudié attentivement un dossier.
Comme cette réponse découle de tout le développement, elle ne doit
pas surprendre : elle doit notamment être en cohérence avec l’ordre des
parties et le poids relatif des thèses en présence et des arguments qui les
soutiennent.
Pourtant, nombreuses sont les conclusions de copies de concours qui ne
répondent pas à la question posée initialement et/ou qui répondent à une
tout autre question. On peut être surpris d’une telle inconséquence mais
l’esprit, naturellement centrifuge, est porté à de tels errements. Pour que
la conclusion apporte effectivement une réponse adaptée à la question
posée, il convient de prendre les précautions suivantes :
– quand le libellé comporte une citation à commenter, il est nécessaire
d’y faire explicitement référence soit en la reproduisant à nouveau (mais
le risque est de paraître alors excessivement insistant), soit (ce qui est
préférable) en ayant recours à des formules qui font référence à l’auteur
et à l’esprit de la citation : par exemple, « L’analyse de X nous semble justi-
fiée » ou « La prise de position de Y est, tout compte fait, surprenante », etc. ;

– comme la première partie de la conclusion, la seconde partie doit
reprendre sous forme déclarative les mots clés du sujet, et une phrase (au
minimum) doit formaliser la réponse à la question posée dans l’introduction.
3.Troisième fonction : ouvrir l’angle de vue

Aussi intéressant et important soit-il, un sujet ne représente toujours qu’un
aspect particulier d’un plus vaste questionnement. C’est une pierre incluse
dans le mur d’une maison. Voilà pourquoi l’entrée en matière « a balayé »
(comme on dit d’une caméra qu’elle balaie un lieu) une certaine surface du
mur avant que l’attention ne se fixe durablement sur cette pierre précise.
À ce stade, il peut être intéressant d’effectuer la même opération mais en
sens inverse, afin de relancer l’intérêt du lecteur : certes, on a largement
fait le tour d’un problème, mais la réflexion n’est pas close car ce problème
est solidaire d’autres – qu’on se contentera cependant d’évoquer. Si la
conclusion doit obligatoirement fermer la porte, elle n’ouvre une fenêtre
qu’à bon escient.
L’ouverture finale, qui permet au lecteur de prendre du recul par rap-
port à la question posée (et, donc, par rapport à la réponse qui lui a été
apportée), est toujours souhaitable… mais n’est jamais obligatoire. Au
point qu’il vaut mieux y renoncer franchement plutôt que de créer une
impression de coq-à-l’âne. Elle doit être prospective, amener le lecteur
vers une considération inédite, et pas le ramener au début de la réflexion.
En outre, l’ouverture finale ne doit jamais être improvisée : elle suppose
une démarche rationnelle, jamais une simple association d’idées. Il doit
exister, entre le sujet traité dans le devoir et la considération finale, un
rapport intellectuel clair. Si vous doutez vous-même de la légitimité du
rapprochement ou de son intérêt, mieux vaut conclure sur la seule réponse
à la question précisément posée par le libellé.

 Exercice 2
Lisez la conclusion suivante. Après avoir distingué les trois parties canoniques de
la conclusion, tentez de retrouver (sinon dans sa lettre, du moins dans son esprit)
le sujet qui l’a inspirée.
« Commémorer le passé revient d’abord à payer une dette, à rendre hommage à
des hommes, tantôt victimes des tragédies qui ont marqué notre histoire, tantôt
acteurs décisifs d’un progrès dont nous bénéficions. Au-delà, toute commémo-
ration fournit une excellente occasion de rassembler la communauté autour des
valeurs fondatrices d’une démocratie ou de l’unité nationale. Toutefois, on l’a vu,
la pente est dangereuse qui conduit de l’hommage respectueux à la récupéra-
tion médiatique, de la vérité à la déformation mensongère, du courage politique
au désir malsain de fuir la réalité présente. Par conséquent, si la commémoration
du passé doit mobiliser la sensibilité, elle ne doit pas pour autant étouffer l’esprit
critique et empêcher le nécessaire rétablissement de la vérité historique, même
quand elle dérange. La passion actuelle pour les commémorations de toutes sortes
n’est donc pas nécessairement bon signe et peut témoigner de crises s’ajoutant
les unes aux autres : crise de la mémoire, crise de la solidarité, crise des valeurs.
Comme l’écrit Tzvetan Todorov, un culte excessif de la mémoire peut être relié au
besoin d’une identité collective mythique quand sont détruites les identités tradi-
tionnelles. Cela étant dit, l’oubli ou le mensonge par omission ne sont-ils pas plus
redoutables encore que les commémorations, même critiquables… et, de toute
façon, critiquées ? »
 Exercice 3
Rédigez la conclusion correspondant au sujet « En quoi la vie associative favorise-
t-elle l’expression de la citoyenneté ? », sur lequel vous avez déjà réfléchi.
(Voir corrigé page 157.)

4. La mise en évidence du plan
adopté
Le plan d’une composition s’entend au sens rhétorique et au sens architec-
tural : cette architecture suppose le respect de règles canoniques (intro-
duction, développement, conclusion ; développement divisé en parties,
elles-mêmes subdivisées en paragraphes et reliées entre elles par des
transitions).
Cette architecture suppose, pour être parfaitement perçue – et il faut qu’elle
le soit –, une matérialisation, c’est-à-dire une utilisation signifiante de la
surface de la page. Ainsi, ce qui est abstrait devient concret, visible, repé-
rable au premier coup d’œil.
1. Les marqueurs typographiques majeurs

➤➤ Horizontalement, on marque par un alinéa (un retrait à droite par rap-
port à la marge) tout paragraphe (quelles que soient sa nature et sa place :
introduction, développement, transitions, conclusion).
➤➤ Verticalement, on marque par un blanc (une ligne sautée) le passage de
l’introduction au développement, d’une partie du développement à une
autre, du développement à la conclusion. Plus précisément, le passage
d’une partie du développement à une autre doit se marquer par deux
blancs, l’un précédant la transition obligatoire, l’autre la suivant.
On se demande parfois si une transition doit conclure la partie précédente
ou ouvrir la partie suivante et, donc, se rattacher à l’une ou l’autre. Le plus
simple et le plus clair est d’opter pour un isolement de la transition entre
les parties (en sautant une ligne avant et après), de façon à la détacher
visiblement sur la page.
Le rôle d’une transition étant de préparer le lecteur à un changement
majeur de point de vue, le mieux est encore de lui permettre d’anticiper
– par la vue – sur cette préparation.

ÎÎ Remarques
Remarque 1
Certaines copies de concours renchérissent sur ces exigences légitimes en numérotant les parties et
paragraphes (exemples : I, I.1, I.2, I.3, II, II.1, II.2, etc.). S’il est intéressant de numéroter pour soi-même
parties et paragraphes dans le plan détaillé, il nous paraît superflu de maintenir cette numérotation dans
la rédaction finale car une copie correctement présentée et structurée n’a pas besoin de ces « béquilles ».
Remarque 2
Si vous êtes habitué à donner un titre à vos parties et si vous estimez qu’il est plus prudent de conserver
une telle pratique, contentez-vous de le faire pour les deux ou trois grandes parties de votre copie. Et, si
vous recourez aux titres, veillez toujours à ce qu’ils « viennent en plus » et puissent toujours être supprimés
sans que la rédaction et la lisibilité de la copie aient à en souffrir. En d’autres termes, les titres, quand ils
existent, ne doivent en aucun cas remplacer les transitions et les phrases de liaison.
Remarque 3
Dans certains concours, la matérialisation du plan de composition est jugée comme une maladresse. Ainsi,
dans les concours de la fonction publique territoriale, les notes de cadrage de l’épreuve de composition
précisent que le plan ne doit pas être matérialisé (pas de numérotation des parties ni des sous-parties
dans l’annonce du plan ; pas de titrage ni de numérotation des parties, sous-parties et paragraphes dans
le développement). En revanche, le plan doit être rendu apparent par une utilisation cohérente des sauts
et des retraits de ligne.
2. Les marqueurs typographiques secondaires

Les candidats se posent parfois des questions comme celles-ci : ayant une
unité rhétorique forte, une introduction ou une conclusion peuvent-elles
être divisées en paragraphes ? Un paragraphe constitue certes une unité
de pensée, mais peut-on le couper s’il s’avère trop long ?
L’introduction, légitimement et presque obligatoirement (« presque » pour
ménager la liberté de chacun), isole l’annonce du plan et se termine donc
par un court paragraphe. Est-ce à dire qu’une introduction bien présentée
doit comporter deux paragraphes, un long et un court ? On peut, pour des
raisons qui tiennent à l’équilibre et à la présentation, qu’on souhaite aérée,
imaginer une introduction contenant en tout trois ou quatre paragraphes.
Le changement de paragraphe se fera alors toujours sur un mot de liaison.
La conclusion, de même, peut être subdivisée en paragraphes, chacun
d’entre eux matérialisant la progression de la pensée.

En ce qui concerne les longs paragraphes, il y a là une difficulté, une contra-
diction. Par convention, changer de paragraphe signifie changer d’idée
(d’argument, de point de vue…) ; couper en deux ou trois un paragraphe
sous le seul prétexte qu’il est long, c’est troubler la convention au profit
d’un confort visuel et non pas intellectuel. Toutefois, le doigté, l’expérience
et (surtout) l’emploi d’un mot de liaison approprié, ainsi que la coupure
à un moment judicieux (celui où l’on passe de l’idée à l’exemple) peuvent
rendre cela tout naturel.
Réaffirmons-le pour conclure ce chapitre : la présentation de votre copie
est parlante et il est préférable qu’elle le soit en votre faveur et non pas à
votre insu ou contre votre volonté.
C’est le cas, par exemple, d’une présentation exagérément compacte :
l’absence de paragraphes dans une composition (ou leur rareté) prouve à la
fois une difficulté à synthétiser sa pensée et une difficulté à communiquer.
Matérialiser la progression de sa pensée par des paragraphes revient en
effet à dire : « Je n’écris pas pour moi mais pour les autres. »
C’est déjà mettre en œuvre une qualité cardinale du fonctionnaire : le souci
du public.
Parce que c’est elle qui donne la première impression, l’introduction doit être particulièrement soignée. Elle
doit remplir trois fonctions :
1. amener et présenter le sujet ;
2. formuler le sujet et en expliciter la problématique ;
3. annoncer le plan de la composition.
Au-delà de l’introduction, tout le développement doit donner au lecteur l’impression d’être guidé vers une
conclusion qu’il devine et attend. Le fil directeur de la pensée doit être assuré par les transitions, par l’emploi
judicieux des mots de liaison – notamment au début des paragraphes –, par la fin de ces derniers et par
l’emploi de formules qui disent explicitement ce qui est essentiel dans le raisonnement.
La conclusion constitue l’image inversée de l’introduction. Elle se compose de deux ou trois temps :
1. le résumé des grandes lignes du développement ;
2. la formulation d’une réponse claire à la question posée dans l’introduction ;
3. l’éventuelle ouverture finale.

 Exercice 1
Rédiger l’introduction qui, remplissant correctement ses trois fonctions,
présenterait le sujet suivant : « Peut-on parler d’entreprise citoyenne ? »
Pour vous amener à réfléchir plus précisément sur la nécessité d’imaginer
une entrée en matière qui soit bien centrée sur la problématique, nous vous
proposons, comme exemple à ne pas suivre, une introduction (incomplète)
centrée maladroitement non pas sur le problème (l’entreprise citoyenne)
mais sur le thème (l’entreprise) ; ce qui fait qu’au bout du compte, le sujet,
quand il est enfin formulé, paraît « parachuté ».
Exemple à ne pas suivre :

« Dans notre pays, la bonne santé des entreprises est devenue une préoc-
cupation collective, un sujet d’inquiétude majeur. C’est que les Trente
Glorieuses sont derrière nous et que la compétition internationale se fait
chaque jour plus dure : les pays émergents font une concurrence si déloyale
aux entreprises des pays développés que le combat est devenu totalement
inégal dans des secteurs toujours plus nombreux. Aux États-Unis, dans
l’ancienne Europe industrielle (dont évidemment la France, qui connaît un
taux de chômage important), se multiplient les délocalisations et les plans
sociaux. Les hommes politiques et les citoyens eux-mêmes s’interrogent sur
les chances des entreprises françaises et aussi sur les mesures qu’il s’agit
de prendre en leur faveur. Mais, à ce propos, si les citoyens s’inquiètent du
sort des entreprises, celles-ci s’intéressent-elles au sort de la cité ? Peut-on
dire qu’elles sont encore citoyennes ? Etc. »
Dans l’introduction que nous avons soumise à votre esprit critique,
la liaison « Mais, à ce propos, si les citoyens… » indiquait, à elle seule,
l’absence de lien réel entre l’entrée en matière et le sujet à traiter.
Nous vous proposons cette autre introduction, qui laisse rapidement
deviner le cœur de la problématique :
« Si les entreprises ne peuvent exister sans un État et une société qui
les prennent en charge, l’inverse est également vrai : que vaut, par
exemple, cet article du Préambule de la Constitution de 1946, “Chacun
a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi”, si les grandes

entreprises n’embauchent pas et préfèrent licencier leurs employés plu-

tôt que de voir baisser leurs profits ? Dans les pays développés, de plus
en plus de citoyens sont ainsi choqués de voir des entreprises, toujours
plus nombreuses, sacrifier à la seule logique du profit ; et leur rancœur
est encore plus forte quand ces entreprises, qui nuisent à l’emploi, à
l’environnement, bref à la cité, sont des entreprises nationales qui
ont été autrefois nationalisées. Ce à quoi beaucoup d’entrepreneurs
rétorquent qu’ils ont à faire face à une guerre économique sans merci,
qu’une entreprise ne faisant pas assez de profit est condamnée par
ses actionnaires et que sa faillite nuit davantage encore à la cité. Dès
lors, on est en droit de s’interroger sur la capacité des entreprises à
être encore “citoyennes”, même si elles font régulièrement savoir leur
attachement au bien collectif : actions contre le travail des enfants dans
les pays émergents, actions en faveur du développement durable ou
d’autres grandes causes.
Après avoir exposé les raisons pour lesquelles tant d’entreprises, et
notamment les plus grandes, mettent en œuvre des politiques nuisibles à
l’intérêt de la cité (I), nous verrons que le concept d’entreprise citoyenne
n’est pas encore totalement dépassé et qu’à terme, le civisme – local,
national ou planétaire – est peut-être, pour les dirigeants, le seul moyen
d’assurer la pérennité de leur entreprise » (II).
 Exercice 2
Lisez la conclusion suivante. Après avoir distingué les trois parties canoniques
de la conclusion, tentez de retrouver (sinon dans sa lettre, du moins dans
son esprit) le sujet qui l’a inspirée.
« Commémorer le passé revient d’abord à payer une dette, à rendre hommage
à des hommes, tantôt victimes des tragédies qui ont marqué notre histoire,
tantôt acteurs décisifs d’un progrès dont nous bénéficions. Au-delà, toute
commémoration fournit une excellente occasion de rassembler la commu-
nauté autour des valeurs fondatrices d’une démocratie ou de l’unité nationale.
Toutefois, on l’a vu, la pente est dangereuse qui conduit de l’hommage
respectueux à la récupération médiatique, de la vérité à la déformation
mensongère, du courage politique au désir malsain de fuir la réalité présente.
Par conséquent, si la commémoration du passé doit mobiliser la sensibi-
lité, elle ne doit pas pour autant étouffer l’esprit critique et empêcher le

Corrigé des exercices du chapitre 6 nécessaire rétablissement de la vérité historique, même quand elle dérange.
La passion actuelle pour les commémorations de toutes sortes n’est donc
pas nécessairement bon signe et peut témoigner de crises s’ajoutant les
unes aux autres : crise de la mémoire, crise de la solidarité, crise des valeurs.
Comme l’écrit Tzvetan Todorov, un culte excessif de la mémoire peut être
relié au besoin d’une identité collective mythique quand sont détruites les
identités traditionnelles. Cela étant dit, l’oubli ou le mensonge par omission
ne sont-ils pas plus redoutables encore que les commémorations, même
critiquables… et, de toute façon, critiquées ? »
1. Les trois parties de la conclusion sont les suivantes
Le résumé synthétique des grandes lignes du développement, qui,
en l’occurrence, comprend deux parties :
– première partie (thèse) : les mérites des commémorations (du
début de la conclusion jusqu’à « … ou de l’unité nationale ») ;
– seconde partie (antithèse) : les risques de voir les commémora-
tions se pervertir (de « Toutefois, on l’a vu, la pente est dangereuse… »
à « … même quand elle dérange »).
La formulation d’une réponse claire à la question posée dans l’in-
troduction : de « La passion actuelle pour les commémorations de
toutes sortes n’est donc pas nécessairement… » jusqu’à « … quand
sont détruites les identités traditionnelles. »
L’ouverture finale permettant au lecteur de prendre du recul par
rapport à la question posée est contenue dans la dernière phrase :
« Cela étant dit, l’oubli ou le mensonge par omission ne sont-ils pas plus
redoutables encore que les commémorations, même critiquables… et,
de toute façon, critiquées ? »
2. Le sujet, tel qu’il se lit dans la conclusion
Étant donné les trois parties de la conclusion qui, toutes, évaluent les
mérites et les limites (sinon le danger) des commémorations, on est
conduit à rétablir un libellé comme celui-ci : « Les commémorations
constituent un des fondements de la vie nationale : faut-il s’en réjouir
ou s’en inquiéter ? »

 Exercice 3

Rédigez la conclusion correspondant au sujet « En quoi la vie associative
favorise-t-elle l’expression de la citoyenneté ? », sur lequel vous avez déjà
réfléchi.
« La vie associative est un creuset de la démocratie qui joue le rôle d’in-
terface entre le citoyen et les pouvoirs publics. Ainsi, les associations se
trouvent sollicitées par la démarche de rénovation de la citoyenneté, à
un moment de déclin des formes conventionnelles de participation aux
affaires publiques. Nombre d’associations, constituées sur un terreau
civique, entendent jouer un rôle d’aiguillon auprès des pouvoirs publics
dans la quête d’un renouveau démocratique, au demeurant encore
incertain. En ce sens, la vie associative constitue un révélateur de
l’état de santé d’une démocratie, dans la mesure où elle permet l’inter-
vention de citoyens dans le débat public. Néanmoins, les associations
ne parviendront à construire un véritable espace citoyen que si elles
transcendent leurs luttes ponctuelles, trop souvent liées à l’urgence
sociale et environnementale, en les insérant dans une démarche plus
globale de poursuite de l’intérêt général. Mais cela supposerait qu’elles
soient davantage associées à la formulation et à la mise en œuvre
des politiques publiques, car force est de constater que leur rôle dans
la “gouvernance démocratique” est encore faible. Pourtant, l’essor du
mouvement associatif donne de l’épaisseur à la société civile, créant
une nouvelle voie de participation et de solidarité hors des pôles du
marché ou de l’État. C’est pourquoi, face au déficit démocratique dont
souffre notre société, la vie associative constitue un rempart, voire un
recours, que les pouvoirs publics ne sauraient négliger. »

Des critères utiles à connaître
Bien que les critères de correction varient suivant les concours, nous pouvons rappeler quelques
critères d’appréciation.
Une composition est correcte lorsqu’elle a les qualités suivantes :
– elle constitue une démonstration convaincante, sous-tendue par un plan annoncé et suivi ;
– elle traduit la maîtrise des connaissances requises par le traitement du sujet ;
– elle est rédigée dans un style clair et précis.
Une composition n’est pas correcte si elle a au moins l’un des défauts suivants :
– elle juxtapose des connaissances sans démonstration ;
– elle expose des idées sans lien avec le sujet à traiter ;
– elle traduit des connaissances approximatives et lacunaires ;
– elle est rédigée dans un style particulièrement incorrect ;
– elle est inachevée.
L’évaluation du niveau global de maîtrise de la langue dont le candidat aura fait preuve fait
partie intégrante de la notation du devoir. Les copies présentant un défaut global d’expression
(nombreuses fautes d’orthographe et de syntaxe, expressions maladroites, familières) sont sanc-
tionnées par le jury.

II
Partie
Compositions
commentées
et rédigées
Composition no 1
Concours externe d’entrée aux instituts régionaux d’administration (IRA),
février 2014 : composition sur un sujet d’ordre général (durée : 4 heures).
Sujet
« L’administration électronique : que doit-on en attendre ? »
1. Commentaire
1. Un sujet à circonscrire
En dépit de son apparence technique, le sujet proposé en 2014 au concours
externe des IRA est un véritable sujet d’ordre général pour au moins deux
raisons. En premier lieu, son thème ne concerne pas les procédés de
l’administration électronique eux-mêmes mais leur éventuel impact sur
le déroulement de la vie administrative. En second lieu, il s’agit d’un sujet
transversal qui concerne l’ensemble des administrations – administrations
d’État, territoriale et hospitalière –, leurs modes de fonctionnement et
leurs activités.
Pourtant, ce sujet ne peut pas être qualifié de « facile » en raison du caractère
peu directif de son libellé. Il faut donc en fixer les contours à partir de son
énoncé. Celui-ci, libellé sous forme de question, est composé d’un thème
– l’administration électronique – et d’un prédicat – que doit-on en attendre ?
D’emblée, nous constatons que le thème du sujet – l’administration élec-
tronique ou e-administration 1 – fait partie des notions que tout candidat
à un concours administratif, s’il s’est préparé correctement, est censé
connaître. Ainsi, le sens de l’expression « administration électronique », qui
évoque l’intégration des techniques numériques d’information et de com-
1. Les termes d’« administration électronique » et d’« e-administration » étant interchan-

geables, nous les utiliserons désormais de façon indistincte.
Partie II. Compositions commentées et rédigées 161

munication au sein de l’administration, exclut toute extrapolation vers des
sujets voisins tels que l’apport de ces techniques au fonctionnement de
la démocratie politique (par exemple, les modalités de vote électronique)
et, a fortiori, il proscrit toute référence à leur utilisation dans le cadre du
commerce électronique ou « e-business ».
Or, si la notion d’administration électronique ne doit pas poser de pro-
blème particulier à un candidat averti, en revanche la question « que doit-on
en attendre ? » peut susciter des interrogations à cause de sa formulation
imprécise. En effet, cette question a une portée ouverte et dynamique qui
a besoin d’être circonscrite pour éviter le risque d’une analyse hors sujet.
Le sens de la phrase « que doit-on en attendre ? » dépasse le cadre de la
simple description des procédures et s’inscrit dans l’analyse des attentes
– tant en termes d’opportunités que de limites – liées à l’application des
technologies numériques de l’information dans l’administration.
2. Un sujet à problématiser
L’énoncé du sujet ne fournissant pas une problématique précise, nous
devons la déduire du contexte et la développer en déclinant les termes du
sujet à travers une série de questions. D’abord, la phrase « que doit-on en
attendre ? » peut être déclinée en fonction des différents acteurs concernés :
que doit-on en attendre pour les usagers de l’administration, puis pour le
personnel de l’administration et, enfin, pour l’administration elle-même,
pour son organisation, son fonctionnement et ses activités ?
Nous devons ensuite poser des questions susceptibles d’alimenter notre
réflexion. L’administration électronique constitue-t-elle une opportunité
de moderniser le fonctionnement de l’administration ? Quels sont les
gains attendus ? Quelles charges nouvelles de travail sont liées à l’e-admi-
nistration ? L’administration électronique porte-t-elle en germe une nou-
velle administration ? Ou bien est-elle une simple greffe électronique sur
l’administration traditionnelle ? Quelles conclusions peut-on tirer de la
coexistence entre l’administration électronique et l’administration tradi-
tionnelle ? Quels sont les impacts du déploiement de l’administration en
ligne sur la gestion et le travail des agents publics ? Comment les struc-
tures d’emploi de la fonction publique peuvent-elles en être affectées ? En
quoi l’administration électronique améliore-t-elle les relations avec ses
usagers ? Permet-elle de mieux réagir aux sollicitations que les citoyens lui

adressent ? Dans quelle mesure améliore-t-elle l’accessibilité des services
publics ? Le principe d’égalité des usagers devant le service public est-il
respecté ? L’administration électronique est-elle à même de mieux person-
naliser les relations administration-usagers ? Quelles sont les limites et les
insuffisances de l’administration électronique ?
En réfléchissant à ces questions, nous pouvons dégager une probléma-
tique comportant une double dimension : d’abord, une dimension institu-
tionnelle, orientée vers l’analyse des répercussions sur l’administration
elle-même, et ensuite une dimension relationnelle, mettant l’accent sur
les échanges entre l’administration et ses usagers. Mais, dans le traite-
ment de cette problématique, nous devons éviter deux types de chausse-
trape (ou pièges) : en premier lieu, nous devons écarter l’adoption d’une
approche chronologique, voire historique, consistant à dérouler les dif-
férentes phases de l’implantation de l’administration électronique, ce
qui aurait pour conséquence de masquer l’actualité du sujet ; en second
lieu, nous sommes également amenés à proscrire l’approche sous forme
d’état des lieux, ce qui aurait pour conséquence de dresser un catalogue
– aussi laborieux qu’ennuyeux – des différents usages de l’e-administration,
oubliant ainsi l’analyse de leur incidence sur le fonctionnement et l’action
de l’administration.
3. Plan détaillé
Le plan peut donc être bâti autour des deux axes traduisant les expectatives
ouvertes par l’administration électronique :
– d’une part, au regard des relations que l’administration entretient avec
ses usagers ;
– d’autre part, au regard de l’administration elle-même, de son fonction-
nement, de ses modes d’organisation et de ses performances.
Dès lors, le plan binaire proposé adopte la structure suivante :
I. L’administration électronique : des attentes ouvertes dans les rapports
avec les usagers :
– des voies d’accès à l’administration plus variées et simplifiées, mais non
exemptes de risques ;
– vers plus d’égalité dans l’accès à l’administration ?

– la quête d’une plus grande personnalisation dans les relations avec les
usagers.
II. L’administration électronique : des opportunités en vue de la moderni-
sation de son fonctionnement et de l’optimisation de ses performances :
– la démarche vers le décloisonnement de l’administration ;
– l’incidence sur l’efficience de l’administration ;
– des effets contrastés sur la gestion et le travail du personnel de
l’administration.
2. Corrigé proposé 2
Au cours de la dernière décennie, le recours aux technologies numériques
de l’information a développé une administration en ligne, qualifiée d’admi-
nistration électronique ou e-administration, dont l’évolution a fait naître
l’espoir d’une gestion publique renouvelée, comme le montre le fait qu’elle
soit devenue progressivement un axe central de la politique de réforme
de l’État, que ce soit dans le cadre de la Révision générale des politiques
publiques (RGPP) ou de la Modernisation de l’action publique (MAP). Or,
l’émergence de cette nouvelle forme d’administration n’est pas tant une
question technique d’informatisation que de transformation progressive
de la culture administrative – longtemps axée sur la gestion centralisée
et le cloisonnement des services – dans un sens favorable à la culture de
la société de l’information, qui fonctionne en réseaux, de façon transver-
sale, et qui repose sur le partage en temps réel des informations. Ainsi,
en mettant à profit les potentialités technologiques, l’administration déve-
loppe des services dématérialisés et numérisés qui – par opposition à
l’administration « classique », caractérisée par des actes matérialisés sur
support papier et une constante interaction physique – sont voués à être
la clé de voûte d’une stratégie de réforme. L’e-administration fait naître des
attentes de modernisation en matière de gestion administrative interne,
de performance de l’action administrative et de prestation des services
aux administrés. Mais dans quelle mesure l’administration électronique
2. La longueur de la composition étant limitée par la durée de l’épreuve, le corrigé

proposé ici comprend environ 2 200 mots.

est-elle à même de créer les conditions d’une amélioration des relations
avec les usagers ? Jusqu’à quel point représente-t-elle une opportunité de
moderniser le fonctionnement de l’administration ?
Après avoir vu les expectatives ouvertes par l’administration électronique
dans les échanges avec ses usagers (I), nous examinerons en quoi elle
peut être aussi un facteur de modernisation du fonctionnement interne
de l’administration et un accélérateur de son efficacité (II).
***
L’administration électronique se veut au service des usagers – ce qui est
l’une de ses raisons d’être – mais surtout elle se construit autour d’eux,
portant ainsi en germe une transformation radicale de leurs relations avec
l’administration. D’ores et déjà, elle offre aux usagers des services plus
variés, plus rapides et plus simples qu’auparavant, en leur fournissant des
informations – grâce à ses sites internet – leur permettant de simplifier
leurs démarches administratives et, le cas échéant, de les réaliser directe-
ment en ligne. Les téléprocédures et les téléservices en sont la meilleure
illustration (inscription aux examens et aux concours, recherche d’emploi,
paiement des impôts, suivi personnalisé des dossiers, etc.). En outre, la
quête d’information publique par les usagers accentue la transparence
de l’action publique, notamment à travers la diffusion des données dites
« ouvertes » (open data), qui offre aux administrés la possibilité de les utili-
ser à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été conçues. Pourtant,
si ces différents types de procédé électronique confortent sans aucun doute
les objectifs de transparence et de simplification administrative – affirmés
notamment par les lois du 12 novembre 2013 et du 20 décembre 2014 3 –,
ils ne sont pas pour autant sans risques pour la sécurité et la fiabilité des
données administratives, en particulier les données personnelles traitées
par les services publics. C’est pourquoi l’administration électronique doit
non seulement respecter la confidentialité des informations fournies par
les usagers, mais aussi les protéger face aux menaces d’intrusion dans le
système informatique (hackers, cybercriminalité, etc.). À cet égard, les
pouvoirs publics ont aménagé des garde-fous techniques, tels les dispo-
3. Bien que le sujet traité ait été donné en février 2014, le corrigé que nous vous propo-
sons intègre des éléments de connaissance disponibles à la date de sa rédaction (mai 2015).

sitifs de signature électronique et de cryptage des données, censés mieux
sécuriser les échanges électroniques.
Par ailleurs, l’un des intérêts majeurs de l’e-administration est la personna-
lisation des relations entre usagers et administrations. En effet, la souplesse
de l’outil informatique permet d’adapter instantanément la panoplie des
moyens que l’administration met à la disposition de l’usager, en fonction
de son profil et de sa demande. Ainsi, l’administration a mis en place des
guichets virtuels – comme le portail « mon.service-public.fr » – permettant
à l’usager d’avoir accès de façon personnalisée aux services publics, en
faisant en sorte que l’administré soit reconnu dès qu’il entre en contact
avec l’administration. Néanmoins, la personnalisation permise par l’e-admi-
nistration ne fait pas disparaître les risques potentiels de déshumanisation
qui guettent les relations entre l’usager et l’administration, notamment
en raison de la substitution des rapports entre ordinateurs aux rapports
entre personnes – usagers et agents – qui prévalaient dans l’administration
traditionnelle. Ainsi, en dépit des avantages que présente l’administration
électronique, la persistance du risque de déshumanisation témoigne de
l’intérêt à ne pas négliger les vertus d’une administration de proximité
dans les relations avec les usagers.
Au-delà de l’amélioration de la qualité des services, l’administration élec-
tronique peut déboucher aussi sur une offre plus performante de services
aux usagers, grâce notamment aux technologies du Web 2.0. Celles-ci,
en favorisant le passage d’une logique de mise à disposition de services
publics à une logique de participation où l’usager devient pleinement
partie prenante, ouvrent des perspectives de création d’un nouvel espace
de communication et d’interaction avec les administrés. À ce propos, rap-
pelons que l’administration peut utiliser les réseaux sociaux comme outils
de communication, mais aussi comme instruments d’écoute active des
usagers, en suscitant éventuellement leur participation au débat public.
Citons à cet égard l’expérience du ministère des Affaires étrangères, très
présent sur les réseaux comme Facebook et Twitter. Il reste que, pour
éviter les dérives, la communication des administrations sur les réseaux
sociaux doit être organisée de façon que les responsables puissent être
bien identifiés et leur action encadrée par une charte éditoriale et/ou par
un processus de validation auprès de la hiérarchie.

Il convient de souligner enfin que l’administration électronique peut être
un facteur d’égalité, dans la mesure où l’on est en droit d’attendre que
la neutralité des procédés électroniques fasse disparaître les inégalités
de traitement entre usagers. Mais cela suppose que ceux-ci y aient accès
effectivement, c’est-à dire qu’ils disposent des moyens informatiques et
d’un savoir-faire leur permettant de « naviguer » sur les sites concernés. Or,
la fracture numérique peut obérer l’égalité des usagers face à l’e-administra-
tion, compte tenu du fait qu’une partie de la population a des difficultés à y
accéder soit par manque de matériel, soit par défaut de maîtrise de l’outil
informatique. De surcroît, notons que les groupes sociaux qui présentent
les niveaux d’accès les plus bas à l’outil informatique tendent à être aussi
ceux qui, parmi les plus défavorisés, sont souvent les cibles d’interventions
de la part de l’administration dans le domaine social – à travers notam-
ment la détermination des droits à assistance – ou encore dans le domaine
médical – en raison de l’état de santé précaire des personnes concernées.
Parmi ces administrés, victimes de précarité sociale, nombreux sont ceux
dont les situations particulières – difficiles à prendre en compte par une
démarche d’administration électronique – nécessitent une prise en charge
directe par des agents publics, ne serait-ce qu’en raison d’une éventuelle
absence de case pertinente dans les formulaires électroniques proposés.
Dans ce contexte, si l’on veut éviter que la généralisation des procédures
électroniques ne devienne la source de nouvelles formes d’exclusion, il est
indispensable d’écarter tout risque de voir émerger une administration à
deux vitesses, l’une moderne, efficace et rapide, destinée aux internautes
avertis, et l’autre lente, laborieuse et traditionnelle pour les exclus de la
modernité électronique. C’est justement pour relever ce défi que certaines
administrations développent des bornes spécifiques permettant l’accès aux
services aux administrés en situation d’exclusion numérique. On remarque
ainsi que les exigences du principe d’égalité devant le service public risque-
raient d’être bafouées si jamais on conférait à la voie électronique l’exclu-
sivité des échanges entre administration et usagers, privant ainsi ceux-ci
d’autres canaux d’accès comme le téléphone, les guichets, le courrier, etc.
***

En plaçant l’usager au centre de la stratégie de l’administration électro-
nique, celle-ci tend à évoluer vers une administration des services dont le
but principal est la satisfaction des besoins et des attentes des usagers.
Cependant, l’amélioration des relations avec les usagers suppose que
l’administration adapte son organisation, son fonctionnement ainsi que
son action au nouveau contexte créé par l’intégration des technologies
numériques de l’information.
***
Force est de constater qu’il n’y a pas de simplification possible de la vie
de l’usager par les outils modernes en réseau sans décloisonnement en
profondeur des administrations, tant elles sont étanches. Décloisonner les
services administratifs, c’est favoriser le passage d’une administration en
silos – cloisonnée et fonctionnant de façon verticale – à une administration
en réseau – où les services administratifs interagissent grâce à l’interopé-
rabilité des systèmes d’information. Rappelons à ce propos le rôle que
le réseau interministériel de l’État (RIE) est appelé à jouer en renforçant
les interconnexions entre les ministères et en facilitant la communication
des services de l’administration centrale avec les services déconcentrés.
Par ailleurs, la dématérialisation des procédures et la circulation de l’infor-
mation par voie électronique favorisent un fonctionnement plus rapide et
plus réactif des services administratifs, ce qui permet de réduire sensible-
ment les délais de traitement et de mutualiser les informations détenues par
les administrations. On trouve une illustration de cette caractéristique dans
la dématérialisation du contrôle de légalité, qui permet aux collectivités
territoriales de transmettre leurs actes à l’État par voie électronique. Reste,
en tout état de cause, que l’effectivité de la mise en réseau de l’administra-
tion dépend de sa capacité à surmonter les pesanteurs sociologiques et les
inerties culturelles existant au sein des services administratifs, marqués
de l’empreinte d’un modèle centralisé et hiérarchisé.
En outre, l’emploi de nouvelles technologies permet de dégager des gains
de productivité dont les répercussions se font sentir, notamment sur le plan
financier. En effet, l’e-administration peut avoir un impact sur l’allègement
des coûts de fonctionnement par de multiples voies : la suppression de
manipulations physiques devenues inutiles, l’automatisation de certaines
tâches répétitives, la suppression de doubles saisies d’informations, par
exemple. En outre, l’impact sur l’efficience financière peut aussi être indi-

rect, comme c’est le cas dans la dématérialisation des marchés publics,
désormais obligatoire pour les marchés supérieurs à 90 000 euros. Ainsi,
la publication en ligne et la possibilité de répondre à distance permettent
d’accroître le nombre de réponses aux appels d’offres et d’obtenir poten-
tiellement de meilleurs prix ou de meilleures propositions, tout en réduisant
les coûts de traitement.
Dans le même ordre d’idées, il convient de rappeler que les gains de pro-
ductivité supposent un changement des processus internes de travail, voire
de la culture des agents publics. Ainsi, les modifications organisationnelles
induites par les innovations technologiques influent sur les conditions de
travail des agents, en les libérant des tâches secondaires – susceptibles
d’être informatisées – et en favorisant leur recentrage sur l’essentiel de
leurs missions. La dématérialisation favorise aussi la mobilité territoriale
des agents, en augmentant les possibilités de travailler en dehors du cadre
bureautique classique, sur plusieurs sites d’une même administration ou
en déplacement (réunions, conférences…), ainsi qu’une requalification et
un enrichissement de leurs tâches, en induisant une plus grande polyva-
lence, notamment grâce à la dématérialisation des pratiques de gestion.
De même, les métiers de l’accueil sont particulièrement impactés par les
technologies numériques, dans la mesure où la montée en charge de l’uti-
lisation des téléservices permet d’alléger les attentes aux guichets et de
bonifier ainsi le travail des agents. En tout cas, l’évolution des conditions
de travail rend nécessaire l’adaptation des agents publics aux spécificités
de l’administration électronique par des actions de formation profession-
nelle en adéquation avec les postes occupés.
Toutefois, il ne faudrait pas sous-estimer le fait que ces changements, aussi
bénéfiques soient-ils, sont nécessairement sources de tensions pour les
agents publics. Parmi celles-ci, nous pouvons évoquer le stress lié à la
surinformation – en particulier l’usage intensif des mails – et un risque de
modification de l’identité professionnelle des agents, voire de la conception
qu’ils ont de leur rôle, d’autant que la plupart des opérations administra-
tives en ligne s’effectuent en l’absence de toute intervention physique des
agents. Enfin, il ne faut pas négliger l’incidence que les gains de productivité
peuvent avoir sur la gestion des ressources humaines au sein de la fonction
publique, notamment en permettant de procéder à des ajustements de
la politique de recrutement et, le cas échéant, en facilitant le redéploie-

ment des effectifs vers les secteurs de l’administration liés aux politiques
publiques estimées aujourd’hui prioritaires (éducation, sécurité, justice).
***
En conclusion, l’administration électronique ne vise pas à maintenir le statu
quo, en se greffant aux structures et aux procédures déjà existantes, mais
elle a vocation à transformer à terme la nature même de l’administration,
tout en respectant les missions d’intérêt général qui lui sont assignées.
C’est pourquoi il n’existe pas une administration duale – électronique et
traditionnelle – mais une seule administration qui mue progressivement,
évoluant des modes de fonctionnement traditionnels (documents et pro-
cédures papier) vers des modes électroniques (documents et procédures
numérisés circulant sur des réseaux accessibles). Pourtant, en dépit du
volontarisme affiché par les pouvoirs publics et de l’engagement des agents
publics, force est de constater que l’implantation de l’administration élec-
tronique demeure encore trop éparse pour satisfaire pleinement les attentes
des acteurs et des usagers de l’administration. Or, si l’administration en
ligne est désormais un enjeu stratégique de la gouvernance publique par
son rôle catalyseur et d’accompagnement des évolutions administratives,
il ne faut pas tomber pour autant dans l’illusion de croire que les nouvelles
technologies constituent en elles-mêmes, au-delà de leur valeur instrumen-
tale, la finalité d’une politique de réforme. Dès lors, pour conclure, nous
pouvons rappeler que, quels que soient ses avantages, la modernisation
virtuelle de l’administration ne peut aucunement remplacer les réformes
de structure nécessaires à une amélioration de la gestion publique.

Composition no 2
Sujet
« La culture du résultat. »
1. Commentaire
1. Le sujet
➤➤ Un thème d’actualité important
Il semble peu probable qu’un candidat à un concours n’ait jamais eu à réflé-
chir sur ce thème, soit pendant sa formation, soit pendant sa préparation
personnelle. L’expression « culture du résultat » apparaît régulièrement dans
les discours politiques et syndicaux et il n’est pas besoin d’être fonction-
naire pour avoir entendu parler de l’« évaluation des services publics », de la
« mesure de leur performance ». Même s’ils ignorent généralement ce qu’est
la LOLF 1 (ignorance impardonnable pour les candidats aux concours admi-
nistratifs), beaucoup de nos concitoyens ont entendu un ancien président
de la République vanter les mérites de la culture du résultat, et ont retenu
que les ministres eux-mêmes feraient l’objet d’une évaluation comparable
à celles pratiquées dans les secteurs public et privé.
Ce type de sujet pourrait être proposé à l’épreuve de culture générale d’un
concours pour plusieurs raisons :
– la culture du résultat est censée résumer à elle seule le nouvel esprit qui
doit animer l’ensemble des agents des fonctions publiques, au bénéfice
aussi bien des financeurs des services publics (l’État ou les collectivités
territoriales) que des usagers (l’ensemble des Français) ;
1. LOLF : loi organique relative aux lois de finances, votée en 2001, qui enclencha un
processus de transformation radicale des règles budgétaires et comptables de l’État.
L’ambition de cette loi était de réformer complètement la gestion de l’État.

– la promotion continue de la culture du résultat, dans les années 2000, a
été fortement révélatrice des difficultés économiques et des contraintes
budgétaires croissantes auxquelles ont été confrontés la France, ses par-
tenaires européens et, d’une manière générale, les pays occidentaux. Le
futur fonctionnaire doit avoir réfléchi sur ce qu’on appelle, depuis plusieurs
décennies, la « crise » ;
– le glissement d’une « culture de moyens » à une « culture de résultats »
constitue une évolution si profonde qu’il n’est pas exagéré d’y voir une sorte
de révolution. Il est impensable qu’un futur fonctionnaire n’ait pas réfléchi
aux tenants et aboutissants de ce bouleversement dont, dès son entrée en
fonction, il éprouvera la prégnance et mesurera les enjeux. Gardons aussi
en mémoire le fait que, désormais, les épreuves de culture générale des
concours administratifs sont placées sous le signe de la « professionnali-
sation » des concours ;
– ce n’est pas un hasard si la France a découvert la culture du résultat plus
tardivement que d’autres pays occidentaux (notamment anglo-saxons) et
si cette découverte a provoqué des polémiques et des mouvements de
protestation importants ; en proposant ce sujet, le jury attendrait évidem-
ment des considérations sur le rôle et la place exceptionnels qu’a tenus
et tient encore l’État en France, sur sa perception par le corps social, des
sujets sur lesquels tout candidat bien préparé a nécessairement réfléchi.
➤➤ Un sujet qui reste d’ordre général
Par ailleurs, il est probable que beaucoup de candidats, de par leur forma-
tion, ont une connaissance précise de ce qu’implique la culture du résultat.
Avec ce sujet, le risque est précisément là : qu’on en ait une approche de
spécialiste et qu’on se perde dans le maquis des procédures d’évaluation,
dans l’exposé minutieux des objectifs et des méthodes. En bref, il ne faut
pas que l’arbre (la pertinence des indicateurs de performance, par exemple)
cache la forêt, à savoir les enjeux politiques, au sens premier du terme
(« qui concernent la vie de la cité »).
Ce sujet restant un « sujet d’ordre général » et le nombre de mots étant
forcément limité (le corrigé proposé page 175 compte un peu plus de
2 000 mots), il faut s’en tenir à l’essentiel, c’est-à-dire à une réflexion sur
les tenants et les aboutissants de la « culture du résultat » dès lors qu’elle
met en jeu le fonctionnement et l’avenir des services publics, dont chacun
sait, en France, le rôle historique.

➤➤ Une problématique assez facile à formuler
Même si le libellé, lapidaire, ne nous fournit que le thème et nous laisse
la responsabilité de formuler nous-même la problématique, la tâche reste
assez aisée. En effet, ce thème est depuis plusieurs années au cœur du débat
public et nul ne peut ignorer que la culture du résultat a ses partisans et
ses détracteurs, donc qu’elle présente des avantages et des mérites, tout
comme des inconvénients et des dangers.
Il est donc relativement facile de « problématiser » le thème, en tenant
compte toutefois du principe de réalité : la culture du résultat est incon-
tournable car non seulement elle est inscrite dans la loi (la LOLF), mais elle
est aussi la seule capable de répondre aux exigences financières actuelles
comme aux nouvelles attentes des usagers des services publics.
Dès lors, il ne peut être question d’être sommairement « pour » ou « contre »
la culture du résultat. Il est plus judicieux d’exposer ce qui peut et doit
inquiéter dans la culture du résultat si elle est mal présentée, mal conçue
et mal appliquée (on pense, par exemple, à sa transformation en « culture
du chiffre »), puis de chercher à comprendre pourquoi la culture du résultat
a fini par s’imposer aux élus, par-delà les clivages politiques, indice que
cette « culture » a une vraie légitimité républicaine.
➤➤ Un sujet « sensible » qu’il faut traiter avec hauteur de vue
Le risque est grand, dans un sujet comme celui-ci, de privilégier la critique,
voire de faire de la composition un brûlot contre la culture du résultat, et
cela pour au moins deux raisons :
– d’une part, le débat public français a fait la part belle aux détracteurs,
et leurs manifestations ont pu être largement médiatisées ;
– d’autre part, la culture du résultat se développe dans un contexte de
crise financière anxiogène et il est tentant de lui attribuer des causes et
des effets négatifs qu’il faudrait, en réalité, chercher ailleurs.
Aussi, pour ce sujet comme pour bien d’autres, il faut savoir faire preuve
de « réserve », prendre de la hauteur et du recul afin d’éviter les polémiques
faciles.

2. La composition, le plan
➤➤ Un propos délibérément resserré : le cadre très contraint de la com-
position oblige à se concentrer sur le cœur du sujet. Aussi est-ce délibé-
rément que, dans le corrigé proposé ci-contre, nous n’avons traité ni de la
rémunération au mérite, ni du stress au travail, deux questions pourtant
solidaires de la culture du résultat et qui, de surcroît, intéressent beaucoup
les fonctionnaires et leurs syndicats.
On aurait certes pu choisir d’évoquer ces effets collatéraux de la culture
du résultat dans le développement ou dans la conclusion. Mais il y avait
tant à dire sur la problématique proprement dite qu’il nous a fallu faire
des choix… et choisir, c’est exclure.
➤➤ Un plan en deux parties : nous avons adopté un plan qui s’inspire à
la fois de la démarche dialectique et de la démarche « faits-causes-consé-
quences-remèdes ». En effet, la seconde partie, qui s’attache à justifier la
culture du résultat (alors que la première partie s’efforce d’en montrer les
limites ou les perversions possibles), met en avant une condition sine qua
non : cette culture doit être, au sens noble du terme, une culture « politique »
et ne pas être confisquée par les grands commis de l’État, seraient-ils très
bien intentionnés. Loin de devenir un dogme, la culture du résultat doit,
au contraire, rester au centre du débat démocratique.
➤➤ Desexemples : ils permettent de suggérer (faute de place et de temps)
que tous les services publics et toutes les politiques publiques sont concer-
nés par la culture du résultat. D’où des références à la police, à l’éducation
nationale, aux hôpitaux et à la politique de la ville.
➤➤ Une mise en perspective : avec un rappel de ce qui se fait dans d’autres
pays (en introduction ou en conclusion) et d’un passé encore proche où
la croissance économique autorisait non seulement une « culture des
moyens », mais surtout une augmentation incessante de ces derniers pour
développer les services publics.
➤➤ Un usage réfléchi des guillemets : le sujet, tel qu’il est libellé, invite à
réfléchir à deux niveaux. À un premier niveau, sur les tenants et aboutis-
sants d’une nouvelle approche de l’action de l’État. Mais aussi, à un second
niveau, sur les mots composant l’expression « culture du résultat ». Celle-ci
constitue un néologisme où le mot « culture » mérite un examen particulier.

C’est pourquoi, dans la composition proposée ci-dessous, l’expression
entière ou l’un des mots qui la composent sont fréquemment utilisés entre
guillemets. Ceux-ci permettent d’attirer l’attention sur les mots tout en
gardant avec eux une distance, de manière à évaluer leur légitimité relative
ainsi que les enjeux qu’ils révèlent ou masquent, selon les cas.
2. Corrigé proposé
L’Histoire retiendra peut-être que les années 1990 furent celles où l’on vit
les premiers pays développés entreprendre de mesurer, à l’aide d’indica-
teurs nombreux, variés et précis, la performance de leurs services publics.
Suivant le modèle de l’Australie, qui fut pionnière en la matière, puis des
États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et des États scandinaves, la France
s’est convertie plus tardivement à la « culture du résultat » mais elle l’a fait
de façon très solennelle par le vote, en 2001, de la loi organique relative
aux lois de finances (LOLF). En effet, la LOLF, qui exige que les administra-
tions introduisent dans leurs documents budgétaires des objectifs et des
indicateurs de résultat, a officiellement marqué le passage d’une « culture
des moyens » à une « culture du résultat ». Du succès immédiat qu’a ren-
contré cette dernière expression, on serait tenté de déduire que le pays
entier a été conquis par ce souci affiché d’efficacité. D’autant que la culture
du résultat repose sur un devoir et un droit difficilement contestables :
le devoir, pour les fonctionnaires, d’utiliser au mieux l’argent public ; le
droit, pour les Français, de savoir à tout moment si cet argent est utilisé
au mieux de l’intérêt général. Mais, en pratique, les choses sont beaucoup
plus ambiguës. Comment être sûr, en effet, que les objectifs recherchés
et les résultats mesurés vont vraiment dans le sens de l’intérêt général ?
Comment être certain que les détracteurs de cette nouvelle « culture » n’ont
pas raison de prétendre qu’elle incarne, en réalité, la défaite du politique
au profit du comptable et du technocrate ?
Après avoir examiné quelles sont les précautions à prendre pour empêcher
le rejet de la culture du résultat par les fonctionnaires ou par le corps
social (I), nous verrons en quoi cette culture est légitime dès lors qu’elle
est promue par les représentants du peuple et qu’elle n’est pas confisquée
par les experts (II).
***

Sachant que le législateur n’a validé la « culture du résultat » qu’à l’aune
d’une amélioration continue des services publics, un des premiers dangers
serait évidemment qu’elle ne serve qu’à justifier une politique d’économies
à courte vue et qu’elle contribue ainsi à dégrader le service rendu ou qu’elle
nuise aux équilibres territoriaux. C’est d’ailleurs ce que craignent de nom-
breux Français, comme l’indiquait un sondage commandé en février 2010
par la Direction générale de la modernisation de l’État. Une large majorité
des personnes interrogées estimait en effet qu’en se modernisant, l’État
cherche surtout à faire des économies. Il faut, certes, ne pas confondre les
opinions et la réalité objective. Il n’en reste pas moins qu’en politique, les
représentations collectives jouent un rôle essentiel et qu’elles montrent, en
l’occurrence, combien il est difficile de passer d’une culture à une autre : les
Français ont encore en mémoire l’époque « heureuse » où l’État providence
pouvait, d’une année sur l’autre, garantir non seulement la reconduction
des moyens financiers nécessaires pour assurer le bon fonctionnement
des services publics, mais même leur augmentation.
L’image plutôt positive dont bénéficient en France les services publics
complique paradoxalement les choses : chacun sait ce qu’il aurait à perdre
si les services publics devaient se retrouver en difficulté pour assurer
leurs missions sociales et territoriales (missions qu’ils ont pu assurer
jusqu’à maintenant, pour l’essentiel). En revanche, les bénéfices autres
que financiers d’une politique du résultat n’apparaissent pas clairement.
Et le citoyen devient même carrément méfiant quand on lui explique que
peuvent se concilier le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la
baisse des budgets de fonctionnement et l’efficacité croissante des services
publics. Ainsi reste-t-il dubitatif devant l’exemple d’une police nationale
modernisée qui, tout en étant de moins en moins nombreuse, lutterait
toujours plus efficacement contre la délinquance et l’immigration clan-
destine ; ou celui d’un hôpital public qui, malgré les réductions d’effectifs
et/ou les fermetures de lits, soignerait toujours mieux les malades. Les
nombreuses manifestations d’usagers ou de fonctionnaires mécontents
qui ont ponctué la vie sociale ces dernières années montrent bien que, si
la culture du résultat séduit les élites et les décideurs, elle est loin d’avoir
conquis ce qu’on appelle parfois la « France profonde ».
C’est d’autant plus vrai que, dans les médias, voire dans les interventions
publiques de certains dirigeants politiques, la « culture du résultat » est
fréquemment réduite à une « politique du chiffre » qui tend parfois à la

caricature. Le citoyen français est certes le premier à se plaindre du gas-
pillage de l’argent public par les services de l’État ou par des collectivi-
tés territoriales, et il peut souvent en citer de nombreux exemples. Mais,
simultanément, il est assez lucide pour imaginer les effets dévastateurs de
ce que les opposants à la nouvelle philosophie de l’État appellent le « court-
termisme », attitude consistant à se concentrer sur un objectif immédiat
(les économies de personnel, par exemple) en négligeant les effets à long
terme. Dans notre démocratie, où les élus sont toujours plus ou moins en
campagne, où les sondages d’opinion enferment le débat politique dans
les limites du moment présent, la culture du résultat peine à exister serei-
nement, à la différence d’une culture des moyens qui, elle, était apaisante.
Les adversaires de la culture du résultat ont donc beau jeu de rappeler ses
travers : cette « culture » ne signifierait-elle pas, tout d’abord, qu’on soup-
çonne les agents publics d’avoir été, depuis la Libération et dans le cadre
d’un État « bienveillant », des gaspilleurs et des incompétents ? S’il faut les
évaluer aujourd’hui uniquement quant à leurs « résultats », cela indique-t-il
qu’ils ont durablement failli à leur mission ? Il est ainsi significatif que le
président de la République lui-même ait voulu rassurer les fonctionnaires
sur l’esprit de la modernisation de l’État : l’évaluation précise des perfor-
mances des administrations ne signifie ni une suspicion de principe, ni une
punition collective ; c’est simplement un outil que se donnent l’État et le
Parlement pour aider les agents publics à améliorer le service rendu à la
nation. Cette mise au point faite, il n’en reste pas moins à éviter les effets
pervers des procédures d’évaluation, que les plus sceptiques résument en
ces termes : lorsqu’on se polarise sur la mesure, on perd rapidement de
vue l’objectif et, plus rapidement encore, les personnels évalués pensent
davantage à se protéger (quitte à tricher peu ou prou) qu’à servir l’intérêt
général.
***
Les raisons sont donc nombreuses de douter des chances, voire de la
légitimité, d’une « culture du résultat » dans un pays où les services publics,
quoique coûteux, apparaissent comme les piliers du temple. Pourtant, il ne
faudrait pas oublier que le vote de la LOLF a fait l’objet d’un large consensus
et que les élus de gauche comme de droite ont estimé que, l’ordonnance
de 1959 étant désormais dépassée, il fallait aller vers plus de transparence
et de responsabilisation des agents publics.

L’ordonnance de 1959, portant loi organique relative aux lois de finances,
était caractéristique d’une époque : celle d’une France en pleine expansion
économique et qui, lassée de l’instabilité chronique de la ive République,
voulait aller de l’avant, quitte à laisser le pouvoir exécutif et les hauts fonc-
tionnaires prendre le pas sur le Parlement. Aujourd’hui, dans un contexte
budgétaire désormais très contraint, il n’est plus possible de signer une
sorte de blanc-seing aux administrations. Car, même si elles n’ont pas
démérité et ont largement contribué à moderniser la France, il est temps
qu’elles rendent précisément des comptes et ne puissent plus, selon une
image qu’on doit aux militaires, « faire tourner les camions » afin de retrouver
d’une année sur l’autre les mêmes crédits, augmentés du taux de l’inflation.
Et quelle instance autre que le Parlement, représentant de la nation, serait
mieux placée pour contrôler les résultats des administrations, apprécier le
bon usage des crédits qui leur sont alloués et, in fine, évaluer le travail des
fonctionnaires rémunérés par l’argent public ? On s’est trop souvent plaint,
par le passé, de l’opacité qui présidait à l’utilisation des crédits par certains
services de l’État pour ne pas se réjouir de cette nouvelle transparence.
Étant donné le contexte actuel – forte compétition internationale, triomphe
du modèle libéral (qui ouvre, pour satisfaire les besoins collectifs, d’autres
voies que le recours à l’État) et, plus encore, déficits publics –, les agents
publics doivent comprendre qu’il est de leur intérêt de rendre des comptes.
En prouvant qu’ils utilisent au mieux les deniers publics, qu’ils mettent
tout en œuvre pour atteindre au meilleur coût les objectifs fixés, qu’ils se
plient aux mêmes exigences que les salariés du privé, les fonctionnaires
de l’État ou territoriaux ne peuvent que gagner en légitimité et en cré-
dibilité. Qu’ils s’en réjouissent ou le déplorent, les personnels des trois
fonctions publiques doivent admettre qu’ils œuvrent dans une société
où nul n’échappe à l’évaluation et à l’exigence de performance. En tant
que citoyens, contribuables ou usagers des services publics, les Français
useront du droit de regard qu’on leur a reconnu sur les administrations
et sur leurs décisions ; c’est ainsi, par exemple, que les enseignants et les
chefs d’établissement ont appris, dans les conseils d’administration, à
rendre des comptes aux parents d’élèves, voire aux élèves eux-mêmes,
ou, dans un autre registre, que les personnels hospitaliers ont dû accepter
que l’évaluation des établissements de santé en matière de lutte contre les
infections nosocomiales soit accessible sur internet.

Mais la « culture du résultat » ne peut et ne doit pas être portée par les seuls
agents des fonctions publiques : certes, ce sont eux qui, y ayant gagné en
responsabilité et en autonomie, sont sommés de la mettre en œuvre. Mais,
au-delà, il incombe aux élus du peuple de lui donner ses lettres de noblesse,
de la rendre à la fois réaliste et compatible avec les valeurs républicaines et
d’en faire en tout cas un moyen et non une fin en soi. La culture du résultat,
née dans l’entreprise privée, est en effet typique d’un monde soucieux d’effi-
cacité, d’efficience, de « rendement », un monde où la dimension économique
et financière semble l’avoir emporté sur la dimension politique et sociale.
Pourtant, si les politiques publiques restent « politiques » (au sens noble) et
donc soucieuses de l’intérêt de la cité, la culture du résultat ne devrait pas
dégénérer en un « fétichisme des indicateurs », en un « prêt-à-penser » ou, pis
encore, en un dogme dispensant de tenir compte de la complexité des pro-
blèmes. Pour prendre un exemple précis, celui de l’augmentation constatée
du total des heures supplémentaires effectuées par les enseignants, on peut
tout aussi bien en déduire qu’elle marque un progrès de l’action éducative
ou, à l’inverse, qu’elle est un indice de l’effort restant à faire pour mettre un
nombre suffisant d’enseignants compétents au service des élèves.
Aussi intelligente et fine soit-elle, l’évaluation de la performance des ser-
vices publics en fonction d’indicateurs objectifs restera toujours subor-
donnée à d’autres évaluations, notamment celle des limites inévitables de
l’action politique, surtout quand elle se veut à la fois morale et volontariste.
De ce point de vue, l’exemple de la politique de la ville est très parlant. Si,
plus que les Américains, les Français ont l’impression que les résultats en ce
domaine sont décevants étant donné l’importance des sommes engagées,
voire inquiétants du point de vue des résultats constatés, c’est que l’État
en France, dépendant de son histoire jacobine et inspiré par les valeurs
républicaines, est autrement plus ambitieux que les autorités fédérales
américaines : là où les États-Unis, du fait de leur propre histoire, peuvent
s’accommoder de l’« identité communautaire » et y voient même un atout
pour amener les populations à prendre en main leur destin, la France, elle,
parie essentiellement sur l’« État social et émancipateur ». Peut-être, dans
ce domaine comme dans d’autres, faudra-t-il réduire le périmètre d’action
de l’État et faire évoluer les idéaux. Mais, dans tous les cas, chacun en
conviendra, c’est aux citoyens et aux élus d’en décider plutôt qu’à des
experts s’appuyant sur des indicateurs de performance.
***

Désormais promue dans toute l’Union européenne, la « culture du résultat »
semble, au premier abord, relever d’un désenchantement profond : plus les
difficultés économiques et financières s’aggravent dans les anciens pays
industriels, plus il est difficile de financer l’État providence, plus il devient
urgent d’évaluer les performances des services publics et de le faire savoir
publiquement. Ainsi considérée, la « culture du résultat » s’avère une sorte
de mal nécessaire, aux antipodes de l’optimisme des Trente Glorieuses
que résumait ainsi de Gaulle : « La politique de la France ne se fait pas à la
corbeille. » S’inscrivant dans le cadre actuel de la MAP (modernisation de
l’action publique), la culture du résultat pourrait se borner à marquer la fin
d’une époque où la politique pouvait encore faire rêver. Mais si la culture du
résultat n’était que cela, ne serait-il pas abusif alors de parler de « culture » ?
Les mots ayant un sens, l’expression « culture du résultat » n’est légitime
que si elle renvoie à des valeurs et pas seulement à des contraintes. Or,
dès lors qu’elle est bien comprise, la culture du résultat a bel et bien partie
liée avec deux valeurs fondamentales de la République : la transparence et
la responsabilité, qui confèrent toutes deux légitimité et dignité à l’action
politique. Disons-le sans ambages, si elle est d’inspiration politique – au
meilleur sens du terme – et non pas purement technocratique, la culture
du résultat pourra contribuer à préserver nos acquis sociaux dans un
monde dominé par la brutalité des marchés. Restera toutefois à régler un
problème qui pèse lourdement sur la vie politique française : comment faire
en sorte que les promesses électorales, souvent excessives, ne viennent
pas saper régulièrement les fondements mêmes de la culture du résultat ?

Composition no 3
Sujet
« Expertise et décision publique. »
1. Commentaire
1. Le sujet
De prime abord, le sujet « Expertise et décision publique » peut apparaître
comme un sujet technique. Pourtant, il s’agit d’un sujet d’actualité, comme
le montrent les développements médiatiques concernant des expertises
aussi différentes que celles relatives à la compétitivité des entreprises ou à
la question controversée de la dangerosité des organismes génétiquement
modifiés (OGM).
Le libellé dual – deux termes reliés par le mot et – nous invite à analyser
les rapports qu’ils entretiennent et à ne pas les dissocier : quelle relation
existe-il entre l’expertise et la décision publique ? L’interactivité du sujet
peut être cernée en l’analysant autour de deux questions : la décision
publique a-t-elle besoin du concours de l’expertise ? Quelle est la part prise
par l’expertise dans l’action publique ? À titre introductif, nous pouvons
rappeler le sens des termes du sujet. Au sens large, le substantif expertise
définit l’action de personnes ou d’organismes investis des compétences
et des savoirs spécialisés et susceptibles d’éclairer une décision ou une
situation. Quant au vocable décision publique, son sens est évident : toute
décision qui émane d’un acteur public – politique ou administratif – et qui
s’impose à l’ensemble des personnes soumises à son autorité.
Loin d’être ardue, l’analyse du sujet est à la portée de tout candidat ayant
suivi l’actualité politique et administrative et faisant preuve de bon sens,
c’est-à-dire étant à même de se poser des questions simples au sujet des
rapports entre le processus de décision au sein des pouvoirs publics – un

aspect que tout candidat à un concours est censé connaître – et les nom-
breux avis et rapports dont les médias se font régulièrement l’écho.
2. Problématique
La problématique du sujet peut être induite par une réflexion autour d’une
série de questions.
Pourquoi l’expertise est-elle devenue l’un des moments du processus
décisionnel ? Quelles sont les raisons qui poussent les pouvoirs publics à
faire appel à l’expertise ? En réponse à ces questions, il est important de
s’intéresser aux objectifs poursuivis aujourd’hui par l’action publique :
satisfaire une demande sociale complexe dans un contexte instable où se
développent sans cesse des risques et des dangers (alimentaires, sanitaires,
environnementaux, etc.) souvent difficiles à évaluer. Or, l’objectif des pou-
voirs publics étant de prendre de façon éclairée des décisions adaptées
et efficaces, il s’en suit la nécessité de faire appel à l’aide de l’expertise
scientifique ou technique.
Dans quelles conditions l’expert intervient-il ? Est-il indépendant des inté-
rêts privés ? Lorsque l’expert est un membre de l’administration, l’influence
de sa hiérarchie risque-t-elle de mettre en cause son objectivité ? Quelle est
l’attitude de l’opinion publique face à l’expertise ? La trame de ces questions
nous conduit à estimer que le recours à l’expertise ne se justifie, aux yeux
du décideur mais aussi de l’opinion publique, que si elle apparaît fiable,
objective et indépendante. À la lumière d’exemples fortement médiatisés
(voir les OGM), il est facile de constater que, dans le déroulement de
l’expertise, une logique d’information et de communication prime souvent
sur la logique de la connaissance, ce qui risque de mettre en cause la fiabi-
lité des conclusions émises. Or, la fragilisation de l’expertise aux yeux de
l’opinion publique est symptomatique de la méfiance que le citoyen ressent
à l’égard des élites. Mais comment restaurer la confiance dans l’expertise
et, par conséquence, dans les décisions publiques ? La démocratisation de
l’expertise pourrait-elle aider à combler le fossé qui les sépare ?
Quelle est l’incidence de l’expertise sur la décision à prendre ? Le décideur
entérine-t-il les propositions de l’expert ? Ces questions peuvent susciter
une réflexion autour des rapports entre le savoir et le pouvoir, et, plus
largement, entre le politique et la science. Mais, plus concrètement, nous

devons répondre à la question essentielle : « qui fait quoi » dans le processus
de décision ? Les pouvoirs publics restant maîtres de leur décision, nous
pouvons montrer, à partir d’exemples concrets, le hiatus entre l’expertise
et la décision, ce qui serait a priori de nature à parer au risque techno-
cratique qui guette toujours la prise de décision publique. Enfin, le rôle
de chaque acteur étant défini, nous pouvons soulever la question de la
responsabilité. Qui assume la responsabilité de la décision prise ? Peut-on
parler d’une responsabilité de l’expert ? Si oui, de quelle nature est-elle ?
3. Plan proposé
Les rapports dialectiques entre l’expertise et le décideur public peuvent
être analysés à deux moments différents : lors de l’appel à expertise et
lors de la prise en compte de l’expertise. Cette approche s’inspire des
deux séquences de la démarche pragmatique : causes (l’appel à expertise)
et conséquences (les suites données à l’expertise). En fonction de cette
approche, le canevas du plan adopté serait le suivant :
I. Dans quelles conditions le décideur public fait-il appel à l’expertise ?
– La complexité des problèmes publics et l’évolution de la gestion publique
favorisent l’appel à expertise.
– La question de l’indépendance de l’expert risque d’oblitérer l’objectivité
de l’expertise.
II. Quelle est l’incidence de l’expertise sur la décision à prendre ?
– Les paramètres intervenant dans la prise de décision publique limitent
la portée de l’expertise.
– Le partage des responsabilités entre le décideur et l’expert reste
controversé.
2. Corrigé proposé 1
De l’affaire du sang contaminé dans les années 1980 aux incertitudes du
changement climatique, du dossier de l’exposition à l’amiante à celui de
1. Dans ce corrigé, certains exemples ne sont qu’énoncés. Sur une copie de concours,
il faudrait les traiter de façon plus étoffée.

l’ESB 2, du nucléaire aux organismes génétiquement modifiés (OGM), les
décideurs publics ont largement fait appel aux savoirs spécialisés des
experts afin d’évaluer une activité ou d’éclairer une décision.
La relation entre l’expert et le décideur, entre le savoir et le pouvoir, n’est
pas un thème nouveau. Il fait écho, depuis quelques années, au face-à-
face traditionnel entre « le savant et le politique », qui était au cœur de
la réflexion de Max Weber. L’usage de l’expertise – comprise comme la
connaissance mise au service de l’action – est révélateur des évolutions
contemporaines de la société et de l’action publique. Face à la complexité
du monde actuel, l’expertise devient un outil indispensable pour la prise
de décisions publiques ; le terrain d’action de l’expert paraît s’étendre
continûment, au point de donner l’impression de recouvrir celui du poli-
tique. Néanmoins, si le travail de l’expert s’impose aujourd’hui comme une
ressource de gestion publique en apparence incontournable, sa fiabilité
fait l’objet d’un débat récurrent au sein de l’opinion publique. Par ailleurs,
l’influence de l’expertise sur la prise de décision publique soulève des
interrogations, y compris sur le plan démocratique. Comment décide-t-
on sur la base d’un avis d’expert ? Qui doit rendre compte de la décision
prise ? Quelle est la responsabilité de l’expert ?
L’expertise est aujourd’hui l’essence de l’action publique, dans un contexte
où le décideur doit faire face à des problématiques de plus en plus com-
plexes (I). Mais son incidence sur les décisions publiques demeure ambiguë
et contrastée, ce qui pose la question de la responsabilité de l’expert dans
la prise de décision (II).
***
La montée de l’expertise tient à des facteurs aussi divers que l’exacerbation
des incertitudes et des risques, la complexification des affaires publiques
et la redéfinition du management de l’action publique (avec notamment
les exigences de diagnostic et d’évaluation).
Il convient de rappeler que l’État est de plus en plus sollicité par ses
citoyens pour intervenir dans des domaines où se nouent des dangers et
des risques empreints d’incertitudes scientifiques. C’est le cas notamment
2. Encéphalopathie spongiforme bovine ou « maladie de la vache folle ».

en matière de santé et de protection de l’environnement. Cette complexité
est renforcée par une interpénétration et une interaction croissantes des
domaines d’action publique qui échappent aux analyses traditionnelles ;
ainsi, dans les sciences de la vie, le développement des nanotechnologies,
qui mélangent la biologie et la technologie, ou encore l’apparition des « ali-
caments », qui dépassent le simple cas des compléments alimentaires sans
pour autant entrer dans la catégorie des médicaments. Un autre élément
de complexité est le fait qu’une gestion responsable des affaires publiques
s’insère désormais dans une stratégie à moyen ou long terme dont les
résultats ne sont pas immédiatement perceptibles par les citoyens ; par
exemple, les décisions prises pour lutter contre le réchauffement clima-
tique n’apporteront éventuellement leurs fruits que dans une perspective
de long terme d’un siècle ou d’une génération.
Mais l’expertise reflète également une évolution des représentations de
l’action publique, en particulier des formes de management public. Désor-
mais, le besoin d’expertise se manifeste à tous les niveaux du processus
de décision publique, aussi bien dans la conception et la mise en œuvre
que dans l’évaluation des résultats. Cette évolution dénote le choix d’une
approche pragmatique de la gestion publique qui tend à extirper tout
relent idéologique du processus de décision : les experts sont appelés à
établir des diagnostics des problèmes publics et à proposer des traite-
ments adéquats afin de donner plus d’efficience à l’action publique. Mais
cette vision neutre de l’expertise ne masque-t-elle pas une réelle emprise
technocratique sur l’action publique ?
En outre, l’appel à expertise est favorisé par le besoin d’avoir recours
à des arguments d’autorité – techniques ou savants – pour conforter le
bien-fondé de la décision et renforcer sa légitimité. Dans ce contexte, la
complexité des questions traitées ainsi que la recherche d’une plus grande
objectivité favorisent la tendance à préférer une expertise collective et
pluridisciplinaire à l’expertise individuelle. Ainsi ont été créées des agences
nationales – comme l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimen-
tation, de l’environnement et du travail (ANSES) ou l’Agence nationale de
sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – et des entités
internationales – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat (GIEC), par exemple.

Le recours à l’expertise, désormais courant dans de nombreuses politiques
publiques en France, est particulièrement prégnant dans la gestion de crise.
En effet, face à une crise de sécurité alimentaire – celle dite de « la vache
folle », par exemple – ou à un danger d’épidémie – comme la menace de la
grippe A –, la nécessité de prendre des mesures d’opérabilité immédiate
impose une gestion de l’expertise plus simple et flexible, en associant les
experts aux décideurs publics au sein des cellules de crise constituées ad
hoc. Mais ce système n’est pas exempt d’inconvénients dans la mesure
où il réduit le temps de production de l’expertise, ce qui peut nuire à une
gestion satisfaisante de la situation de crise.
L’expertise, tout en étant au cœur même de l’action publique, ne se jus-
tifie que si elle apparaît comme objective et indépendante. Or, la fiabi-
lité de l’expert est parfois contestée en raison de son manque présumé
d’indépendance.
Aujourd’hui, la parole de l’expert ne suscite plus la confiance immédiate de
l’opinion publique, qui lui reproche sa soumission à des intérêts économiques
ou de pouvoir. Cette prétendue soumission est associée à la notion de conflit
d’intérêt, qui définit la situation dans laquelle l’auteur d’une expertise est
susceptible de retirer un avantage matériel de l’avis qu’il émet. Mais, sans
parler des conflits d’intérêt, peut-on envisager la production d’avis non
biaisés ? Aucun expert ne semble en mesure d’émettre un avis dénué de
biais d’influence, ne serait-ce qu’intellectuels ; aucune prise de position ne
paraît exempte de parti pris puisque toute expérience est porteuse de biais
d’interprétation personnelle (exemple : le cas de l’expert engagé dans la
défense d’une cause). Aussi le biais d’influence peut-il être lié à une exces-
sive médiatisation de l’expertise : pris au jeu du vedettariat, l’expert peut
être tenté de transgresser les limites de son savoir au profit d’un activisme
militant.
***
Le questionnement de l’indépendance peut donc conduire à une dévalori-
sation de l’expertise dans le processus décisionnel. Mais, quelle que soit
la place de l’expertise, son incidence sur l’action publique est contrastée
car la décision répond à des paramètres – politiques, économiques et
sociaux – qui limitent la portée pratique de l’expertise.
***

Le contenu de l’expertise ne préjuge pas de la décision à prendre, même
si, logiquement, elle a vocation à l’inspirer. Ce hiatus entre l’expertise et la
décision traduit le fait que la première répond à des critères techniques,
tandis que la décision publique est un choix d’opportunité politique. Seul le
politique a la légitimité de prendre une décision publique, il garde tout son
pouvoir d’appréciation pour agir dans l’intérêt général, l’expert se bornant
à éclairer le décideur sans se substituer à lui. Des politiques publiques
ont été inspirées par de nombreux rapports d’expertise, sans pour autant
prendre en compte l’ensemble des propositions faites (voir, entre autres, le
rapport Gallois de novembre 2012 sur la compétitivité des entreprises, qui
a inspiré des mesures gouvernementales). Ce décalage répond au fait que
le décideur doit apprécier la faisabilité des recommandations en fonction
des contraintes – financières, organisationnelles, humaines – auxquelles
il est confronté et en évaluer le degré d’acceptabilité sociale. Dans cer-
taines circonstances, le décideur public peut estimer que l’application
des recommandations comporte trop de risques politiques ou soulève des
oppositions sociales trop fortes. La pratique institutionnelle fournit à cet
égard des exemples significatifs. En 2010, le rapport de la commission Attali
sur la croissance faisait un certain nombre de propositions judicieuses en
soi, mais que le pouvoir politique avait jugées en l’état peu viables compte
tenu du contexte social et politique. Par ailleurs, le sort fait souvent aux
propositions contenues dans les rapports de la Cour des comptes témoigne
des réticences des pouvoirs publics à entériner une expertise.
Mais les atermoiements du décideur sont également parfois liés au caractère
non univoque de l’expertise : la connaissance, aussi rationnelle qu’elle puisse
être, est traversée de controverses qui divisent entre eux les spécialistes.
Ainsi, les expertises contradictoires sur les OGM témoignent de la persistance
d’incertitudes scientifiques ; par exemple, l’étude publiée en septembre 2012
par le Pr Séralini sur les effets sanitaires à long terme d’un maïs transgénique
sur des rats a été contestée sur le plan scientifique et déclarée insuffisante
par plusieurs organismes scientifiques français et européens. Or, face à
l’incertitude scientifique, le décideur applique le principe de précaution,
qui rompt le lien traditionnel entre l’expertise et l’action. S’il fallait naguère
« savoir avant d’agir », il convient dorénavant d’agir sans se reposer sur
les certitudes du savoir. Dans ce contexte, à défaut d’éclairer le décideur,
l’expertise lui sert de rempart dans des domaines où la recherche des res-
ponsabilités apparaît comme une menace (santé publique, environnement).

En tout cas, si la production de l’expertise ne lie pas l’autorité publique, la
décision relève de sa seule responsabilité, le devoir de rendre des comptes
étant le corollaire du pouvoir d’agir. L’autorité décisionnelle assume sa
responsabilité, y compris pour un défaut d’expertise ; par exemple, l’État a
été condamné en 2004 par le juge administratif dans l’affaire de l’amiante,
parce qu’il n’avait pas diligenté les « études ou enquêtes complémentaires »
nécessaires en vue de connaître les risques réels de cette substance pour
les travailleurs qui y étaient exposés. Mais qu’en est-il de la responsabilité
de l’expert ? En acceptant de contribuer à un processus décisionnel, les
experts endossent une réelle responsabilité, même si elle est difficile à isoler
en raison des liens souvent ambigus qui lient l’expert et le décideur public.
Parfois, le politique tend à s’affranchir de sa responsabilité de gouvernant
en se défaussant sur l’expert, qui joue ainsi un rôle de fusible, comme l’ont
montré un certain nombre d’« affaires » (sang contaminé, etc.). Or, s’il est
communément admis que l’expert a une responsabilité éthique et profes-
sionnelle, sa responsabilité juridique est controversée dans la mesure où
il n’est tenu qu’à une obligation de moyens. Toutefois, l’implication des
experts est de plus en plus prise en compte, l’erreur commise étant sou-
vent assimilée à une faute ; par exemple, en Italie, des scientifiques ont été
condamnés pour avoir sous-estimé les risques avant le séisme meurtrier qui
a dévasté la ville de L’Aquila en 2009. Mais une responsabilité excessive des
experts ne risque-t-elle pas de nuire à leur rôle de conseil et d’éclairage ?
***
Désormais, gouverner consiste à s’entourer de compétences et d’avis
fondés sur un savoir spécialisé, que ce soit lors de la prise de décision ou
lors de son évaluation. Ainsi, la légitimité de l’action publique apparaît de
plus en plus liée à celle de l’expertise, même si le rôle de celle-ci se borne
à recommander des choix. Pourtant, une relation ambiguë s’établit entre
l’expert et le pouvoir de décision : le décideur est en quête d’avis clairs
et objectifs, tandis que l’expert ne peut souvent communiquer qu’une
conviction, instruite par son expérience et ses compétences. Dès lors,
l’apparente neutralité de l’expert n’évacue pas le risque de voir s’affirmer
une emprise technocratique peu compatible avec le processus démocra-
tique de décision. Ainsi, l’expertise, pour être généralisée, n’en reste pas
moins lourde d’incertitudes au regard notamment d’empiètements entre
le savoir et le pouvoir, d’enchevêtrements entre les recommandations et
les décisions. Ces ambiguïtés sont accentuées par le fait qu’une logique

de communication prime souvent sur la logique de la connaissance, ce
qui risque de mettre en cause la fiabilité de l’expertise. Dans ce contexte,
cette dernière est de plus en plus perçue, selon le mot de François Ewald,
comme une « illusion nécessaire », l’éclairage attendu se conciliant mal avec
le doute et la suspicion qui l’entourent souvent. En tout état de cause, le
devenir de l’expertise semble lié à sa capacité de démocratisation, c’est-à-
dire d’ouverture à des points de vue contrastés, y compris ceux émanant
des citoyens. Une telle ouverture, même si elle renforce la légitimité de la
décision, ne risque-t-elle pas toutefois d’affaiblir la fiabilité de l’expertise ?

Bibliographie
Ouvrages de base
Emmanuelle Huisman-Perrin et Thierry Leterre, Éléments de culture géné-
rale, La Documentation française, coll. « FAC », 2015. Thèmes traités : De la
culture au culturel, la crise de la culture dans les sociétés contemporaines ;
Les frontières de la modernité ; L’histoire : renouveaux et retours ; Nations,
conflits, mondialisation ; État, démocratie, République ; Permanence de la
morale, nouveaux enjeux des mœurs.
Jean-Michel Charbonnel, Samuel Charlot, José Comas et alii, Culture générale
– Thèmes de société, La Documentation française, coll. « FAC », 2014. Thèmes
traités : la famille, l’éducation et l’école, la religion, la sécurité, la santé, le
travail, sport et sports, la justice, la ville, l’environnement, l’immigration,
médias et communication, l’histoire ou l’horizon de la modernité.
L’état de la France, 2013-2014, ouvrage collectif, La Découverte, 2013.
Thèmes traités : la société française, la culture, l’économie, la politique
(dont les politiques publiques), les territoires, l’Union européenne.
Olivier Galland et Yannick Lemel (dir.), La société française. Pesanteurs et
mutations : le bilan, Armand Colin, 2011. Sont abordés successivement : la
stratification sociale ; être jeune, être vieux dans la société française ; l’éga-
lité des sexes ; l’immigration ; les modèles de parenté ; les systèmes scolaire
et universitaire ; le travail ; les transformations de la fonction publique ;
les inflexions de l’État social ; système politique et attitudes politiques ;
attitudes et pratiques religieuses ; déviances et violences.
Pierre Bréchon et Jean-François Tchernia (dir.), La France à travers ses
valeurs, Armand Colin, 2009. Thèmes traités : appartenance et identité,
sociabilité et lien social, morale individuelle et normes sociales, environ-
nement, famille, travail, économie, religion, politique.
Les rapports publics téléchargeables à partir du site www.ladocumen-
tationfrancaise.fr : le moteur de recherche vous permettra de trouver le
Bibliographie 191
rapport qui vous intéresse sur la situation de la France, l’état de notre
société ou les politiques publiques.
Revues et collection de référence

Alternatives économiques : publication mensuelle et numéros hors-série sur
l’économie, les politiques publiques, l’emploi, les revenus, les entreprises,
la société, le développement durable, l’Europe, la mondialisation.
Cahiers français : revue publiée par La Documentation française, dont
les sommaires et certains articles sont accessibles à partir du site cité
page 191. Parmi les thèmes récemment abordés : Les inégalités, La fonction
publique, quelles évolutions ? Quel avenir pour la protection sociale ? La
place de l’État aujourd’hui.
« Doc’ en poche » : collection éditée par La Documentation française, dont les
sommaires sont également accessibles sur le même site. Parmi les thèmes
récemment abordés : France 2015 – les données clés, Parlons Europe en
30 questions, Parlons justice en 30 questions, Parlons mondialisation en
30 questions, Parlons école en 30 questions, Parlons dette en 30 questions.

La Composition Sur Un Sujet D'ordre Général by José-Maria Comas, Pierre Molimard (BIBLIO-SCIENCES - Org)

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Direction de l’information Formation Administration

José Comas, Pierre Molimard

La composition sur un sujet d’ordre général

DILA Collection FAC en petit format

© Direction de l’information légale

4 La composition sur un sujet d’ordre général

Comment utiliser cet ouvrage ?

Que faut-il entendre

6 La composition sur un sujet d’ordre général

1. Qu’est-ce qu’un sujet d’ordre

Partie I. Savoirs et méthodes 11

1. Première catégorie de sujet

1. Article 1er de l’arrêté du 16 avril 2014 fixant la nature, la durée et le programme des

12 La composition sur un sujet d’ordre général

● ● ● Exemples de sujets relatifs aux politiques publiques

« L’organisation administrative de l’État et des collectivités territoriales est-elle à même de répondre

Partie I. Savoirs et méthodes 13

14 La composition sur un sujet d’ordre général

« La mondialisation favorise-t-elle l’expression des libertés individuelles ? »

2. Quelles sont les connaissances

Partie I. Savoirs et méthodes 15

1. Une culture générale circonscrite

16 La composition sur un sujet d’ordre général

2. Une « culture administrative »

Partie I. Savoirs et méthodes 17

3. Un regard sur les grandes

18 La composition sur un sujet d’ordre général

Partie I. Savoirs et méthodes 19

20 La composition sur un sujet d’ordre général

5. Ce que vous devez connaître

Partie I. Savoirs et méthodes 21

22 La composition sur un sujet d’ordre général

Partie I. Savoirs et méthodes 23

24 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

Partie I. Savoirs et méthodes 25

26 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

Partie I. Savoirs et méthodes 27

3. Discours à l’Assemblée nationale, 9 novembre 1967.

28 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

Partie I. Savoirs et méthodes 29

30 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

Partie I. Savoirs et méthodes 31

32 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

Partie I. Savoirs et méthodes 33

34 La composition sur un sujet d’ordre général

Corrigé des exercices du chapitre 1

6. Organisation de coopération et de développement économiques.

Partie I. Savoirs et méthodes 35

7. P. Bourdieu et J.-C. Passeron, Les héritiers, Éditions de Minuit, 1964 et La repro-

36 La composition sur un sujet d’ordre général

Partie I. Savoirs et méthodes 37

2. Un regard aussi objectif

38 La composition sur un sujet d’ordre général

3. Un examen critique des valeurs

Partie I. Savoirs et méthodes 39

40 La composition sur un sujet d’ordre général

Partie I. Savoirs et méthodes 41

1. Premier conseil : ne pas se précipiter