: Quels sont les atouts de la littérature pour rendre compte des atrocités de la guerre ?
On désigne la littérature comme un ensemble d’œuvres et de récits auxquels se
rapportent des valeurs esthétiques. La littérature puise alors son inspiration dans l’âme du monde, et dépeint en toute humilité les portraits actuels et traditionnels de la société. De ce fait, la littérature ouvre bien une voie portée sur le beau, l’idéal et la sécurité du monde, mais elle plonge aussi dans la part sombre de l’humanité, celle à l’image des hommes, et de leur grande violence. La littérature ne fait que l’effet « miroir » de notre société, en reflétant impartialement la réalité à travers les écrits. On s’intéresse ici plus particulièrement aux atrocités de guerre, qui ont pour principal point de départ des conflits moraux, entraînant des civilisations entières à se battre dans des luttes perpétuelles. Mais alors quelles sont les raisons qui poussent la littérature à s’intéresser à de telles abominations ? Comment la littérature dispose -t-elle de ses moyens afin que ces horreurs soient entendues et exposées au grand jour ? Quel rôle majeur joue la littérature dans la retranscription de ces déchainements de haine ? Après avoir étudié que la littérature a le pouvoir de dénoncer des faits historiques de guerre, tout en s’adaptant à un public visé, nous verrons qu’un devoir de mémoire exercée par le lecteur est indéniable, face aux émotions que nous livre la littérature.
En premier lieu, comme le disait Jean-Claude Grumberg, grand dramaturge
français du XIX -ème s, « On doit dire les choses telles quelles le sont, tout en donnant à la jeune génération l’envie de vivre ». Ici, Grumberg met un point d’honneur à dire toute la vérité aux enfants et jeunes d’aujourd’hui, à propos de la guerre et de ses massacres. En effet, en disant la vérité, les faits sont énoncés au grand jour, et chacun peut alors mieux comprendre son histoire, sa place actuelle en société, ainsi que son passé en tant qu’individu d’une communauté. Le fait d’exposer des enfants encore « innocents et inconscients » à la brutalité de la vie, peut parfois créer un contraste avec les valeurs que les parents s’efforcent d’inculquer. Est-il vraiment nécessaire d’exposer un enfant de 8 ans, à la connaissance de la guerre et du combat ? Cela pourrait bien évidemment le choquer, et si ce rapport à la cruauté est mal amené, l’enfant pourrait se créer des fausses représentations de la réalité de guerre. La littérature joue ici un rôle primordial, puisque qu’elle permet alors, de multiples façons, d’amener en douceur l’enfant à être confronté à cette sauvagerie humaine, sans qu’il en soit pour autant traumatisé. Par exemple, L’Orangeraie de Larry Tremblay, est un roman sous forme de conte, qui retrace l’histoire fusionnelle de deux jumeaux en temps de guerre. Aziz et Amed sont deux jumeaux de 9 ans qui habitent au moyen orient. Ils auraient pu vivre à l’ombre des orangers, mais un jour la guerre éclate, et leurs grands-parents sont tués par un obus. Une nuit, leur père, sous l’effet de la menace, se voit contraint de commettre l’irréparable, au prix de perdre ses deux enfants. Il devra choisir lequel des deux jumeaux sera sacrifié, en allant se faire exploser avec une ceinture dans le village voisin. Ce roman plein de rebondissements et d’amour expose néanmoins les atrocités de guerre, par le biais d’un conte pour enfant. De plus, dans La plus précieuse des marchandises de Jean- Claude Grumberg, l’auteur expose le destin d’une enfant juive, naît dans un train de déportation, où la moitié de sa famille y laissera la vie. L’enfant grandira auprès d’une vieille dame, bienveillante, qu’on pourrait considérer comme sa bonne étoile, à qui elle devra son éducation et sa vie. A travers ce roman plein de tendresse, Grumberg s’adapte au public en poétisant les mots d’origine « crus » et en les glissant dans un univers imaginaire et enfantin. Par exemple lorsqu’il qualifie les personnages de « pauvre bucheron et pauvre bucheronne » « petite marchandise ». En outre, la littérature se traduit en termes d’avantage, dans le choix des mots, et la retranscription des faits. L’appellation violence, du latin « vis » qui signifie « exercer une force contre quelqu’un », va de paire avec les coups, les blessures et la souffrance morale ou physique. Parfois certains mots ne sont pas assez puissants pour décrire toute cette horreur. De ce fait, la littérature expose alors souvent la stupidité des combats. Tant d’horreur pour des raisons souvent puériles. La littérature sert alors de porte-parole, et à travers les tournures de phrase et les mots employés, elle décrédibilise et tourne en ridicule l’absurdité de la guerre. Par exemple, dans « Le grand combat » de Henri Michaux, extrait du recueil de poésie Qui je fus, le poète décrit de sa plume, un champ de bataille où le lecteur est pris in medias res, dans le feu de l’action. L’auteur utilise des néologismes aux connotations brutales afin qu’on comprenne la dureté des combats. Les terme « fouille fouille fouille » et « s’étonne s’étonne s’étonne » peuvent nous faire penser à des animaux assez innocents, et décrédibilise alors les hommes qui se battent. On retrouve aussi cette forme de moquerie dans le burlesque de l’œuvre Gargantua de Rabelais. L’idée du burlesque repose sur le fait de tourner en ridicule un thème sérieux et grave. Ici, l’accumulation des religions par les populations, montrent qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, et qu’ils sont tous aussi stupide de croire qu’ils sont supérieur les uns aux autres. « Les uns criaient Sainte barbe ; les autres saint Georges ; les autres sainte Nytouche ; les autres Notre dame … »
Si la littérature permet de se rendre compte des atrocités de guerre en
dénonçant les faits à travers les écrits, elle invite aussi le lecteur à se souvenir et rendre hommage à toutes ces vies perdues à la guerre.
En effet, la finalité même de la littérature est de faire passer un message à
travers les œuvres. Lorsque des romans sur la guerre sont écrits, cela à pour objectif d’émouvoir le lecteur, afin qu’il se rende compte de l’ampleur des circonstances, et soit amené à se souvenir de tous ces gens qui se sont battus et ont souffert à la guerre. La littérature trace un pond entre la fiction et la réalité, en bouleversant le lecteur qui prend alors conscience des atrocités de guerre. On peut percevoir cet argument notamment dans le texte extrait du roman de Louis Aragon, Strophe pour se souvenir. Aragon propose ici un poème haut en espoir et en couleur, un hommage à la vie, en souvenir des résistants morts pour la France. « Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre, Je meurs sans haine en moi pour le peuple Allemand ». C’est également à travers le roman Le pianiste, de Władysław Szpilman, roman d’une grande audace et grande sensibilité, que le lecteur se souvient des victimes du ghetto de Varsovie, durant l’extermination des juifs. L’histoire retrace la vie de Wladek, un pianiste polonais qui échappe aux ghettos et passe sa vie en cavale, caché , dans la peur de ne pas survivre. A travers une écriture singulière, Szpilman conquit le cœur de milliers de lecteurs touchés, par la réalité sans artifice de la guerre.
Enfin, la littérature peut être un appel direct à la rébellion, et à l’éveil des
consciences. Par ses formes complexes, la littérature détient un pouvoir : celui d’influencer, de conforter, et d’aiguillonner le lecteur dans ses décisions personnelles. Durant la guerre, de nombreux chants se sont vus censurés tant leur impact pouvait influencer les peuples à se rebeller. On peut apparenter ces chants « d’engagement » au célèbre « chant des partisans », qui est l'hymne de la Résistance française durant l'occupation par l'Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce chant écrit par Anna Marly réunira des milliers de Français dans le but de se mobiliser pour leur pays. « Ohé, partisans, ouvriers et paysans c'est l'alarme, ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes ». De plus, dans « le déserteur » de Boris Vian, qui est également un chant de rébellion, les paroles traduisent le sentiment d’un jeune homme convié à faire la guerre mais qui n’en a aucune envie. Ce chant fut censuré pour le message qu’il renvoie. « S'il faut donner son sang Allez donner le vôtre Vous êtes bon apôtre Monsieur le Président Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que je n'aurai pas d'armes Et qu'ils pourront tirer ».
La littérature peut alors rend compte des atrocités de guerre, en sensibilisant
les individus à travers des chants mythiques qui ont marqué l’histoire de la France. Finalement, la littérature peut se traduire en terme d’avantage pour retranscrire les atrocités de la guerre. En effet, aux travers de diverses formes comme les romans pour enfants ou l’humour employé pour parler des combats, elle dépeint et sensibilise le lecteur à ces formes de violences brutales. La littérature, par une approche émotionnelle, permet aussi au lecteur de se forger son propre avis vis-à-vis des abominations de guerre, et peut même exercer un pouvoir d’influence et de rébellion sur le lecteur.
Lire entre les lignes_ l'implicite et le non-dit - Februarschatten d’Elisabeth Reichart et Damals, dann und danach de Barbara Honigmann _ le non-dit sur la Shoah - Presses Sorbonne Nouvelle