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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO

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FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE
SOCIOLOGIE
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DEPARTEMENT DROIT

IIIème Cycle – D.E.A Droit des Affaires

L’abus de biens sociaux

Mémoire de D.E.A Droit des Affaires

Date de soutenance : 08 mars 2010

Présenté par RAKOTONDRASOA Tefinirina Landy

Année universitaire 2008 – 2010


UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
-------------
FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE
SOCIOLOGIE
-------------
DEPARTEMENT DROIT

IIIème Cycle – D.E.A Droit des Affaires

L’abus de biens sociaux

Mémoire de D.E.A Droit des Affaires

Présenté par RAKOTONDRASOA Tefinirina Landy


L’abus de biens sociaux

REMERCIEMENTS

Les mots du dictionnaire ne suffiraient pas pour exprimer ma profonde


gratitude à tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à la réussite de
ce mémoire.

Merci à tous et que Dieu vous bénisse.

i
L’abus de biens sociaux

SOMMAIRE

Titre
Remerciements .i
Sommaire .ii
Résumé exécutif .iii

INTRODUCTION 1

Partie 1- Le délinquant potentiel du délit : le dirigeant social 6

Chapitre 1- - Autour du dirigeant social 7

Chapitre 2- Le contrôle des actes du dirigeant 22

Conclusion partielle 34

Partie 2- La violation du mandat social : L’abus de biens sociaux 35

Chapitre 1- La caractéristique du délit : la confusion de patrimoine 36

Chapitre 2- Appréciation comparative de l’abus de biens sociaux et 70


des délits proches

Conclusion finale 82

Annexe I I

Annexe II VII

Bibliographie et webographie XI

Table des matières XIII

ii
L’abus de biens sociaux

RESUME EXECUTIF

L’abus de biens sociaux est le fait pour les dirigeants sociaux de faire « des
biens et du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de
celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une
autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou
indirectement ». C’est actuellement un délit spécial sur les sociétés car auparavant,
les faits constitutifs étaient réprimés par le droit commun. Il est clair que l’auteur du
délit est le dirigeant social. Les actes répréhensibles doivent être contraires à l’intérêt
de la société, notion purement jurisprudentielle. Les arrêts qui démontrent les cas
d’atteinte ou non à l’intérêt social sont nombreux et diversifiés.

Avec l’apparition des groupes de sociétés, la notion d’abus de biens sociaux a


été revue pour s’adapter aux opérations intra groupe qui se rencontrent souvent au
sein du groupe de société. Au final, le délit d’abus de biens sociaux peut être justifié
par l’intérêt commun du groupe de société, fortement structuré.

Pour apprécier la spécificité du délit d’abus de biens sociaux, il faut prendre en


compte des délits qui lui sont voisins tels l’abus de confiance et la banqueroute ;
toutes des infractions contre les biens.

iii
L’abus de biens sociaux

INTRODUCTION

La société, ainsi que son patrimoine sont protégés par la législation. Bon
nombre de systèmes de répression sont érigés afin de pouvoir optimiser la protection
du patrimoine social contre des agissements qui lui sont préjudiciables. Le droit pénal
commun, véritable arsenal de garde, est là pour renforcer cette protection. Dans la
pratique, les infractions contre les biens revêtent des formes diverses. Il en est ainsi
de l’abus de confiance ou de l’escroquerie qui sont, depuis des décennies, érigés en
infraction.

Avec l’évolution, le droit pénal commun n’est plus venu à bout de certains
actes répréhensibles dans le cadre des sociétés. Un droit pénal spécial a donc été
nécessaire pour combler le vide constaté.

En France, la création de délits spéciaux sur les sociétés s’est faite assez tôt.
Du moins, concernant l’infraction d’abus de biens sociaux qui nous intéresse ici, elle
a été consacrée par un décret-loi du 8 août 1935. Cette infraction a ensuite été
reprise dans la loi 66-537 du 24 juillet 1966 relative aux sociétés commerciales, puis
finalement intégrée au Code de commerce.

Pour le cas de Madagascar par contre, c’est dans la loi 2003-036 du 30


janvier 2004 sur les sociétés commerciales que l’infraction est inscrite. L’avènement
de cette nouvelle loi fut un grand pas pour le droit des affaires malgache. En effet,
depuis cette loi, on a pu avoir d’une part, une définition plus conséquente des
incriminations dans le cadre des sociétés, mais aussi d’autre part, la dépénalisation
de certaines infractions.

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L’abus de biens sociaux

Dans les pays tels que l’Italie ou l’Allemagne, le détournement des fonds
sociaux commis par les dirigeants sociaux est sanctionné par le droit pénal commun.
Autrement dit, il n’y a pas de délit d’affaire spécifique correspondant à l’abus de
biens sociaux comme il est admis en France et à Madagascar.

Le dirigeant social dispose des pouvoirs les plus étendus pour gérer la
société. Dans cette mission, force est de croire qu’il peut succomber à la tentation de
croquer dans la pomme que constitue le patrimoine social, pour assouvir sa faim. La
pratique le démontre car nombreuses sont les jurisprudences en la matière. C’est
dire que le péché est trop alléchant.

L’abus de biens sociaux est un délit. Il consiste pour le dirigeant social à


effectuer des appropriations frauduleuses et autres atteintes aux biens de la société,
dans son intérêt personnel, au détriment de l’intérêt de la société.

Cette appellation d’abus de biens sociaux est générique car en fait, les articles
de loi punissent l’abus des biens, du crédit, du pouvoir ou des voix de la société. Ce
délit prend cette dénomination lorsqu’il est commis dans les sociétés par action. On
parle plutôt d’abus de confiance dans les sociétés de personnes telle que la société
en nom collectif, et de délit de banqueroute lorsque l’utilisation abusive des biens
intervient postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective.

En droit français, le délit d’abus de biens sociaux est défini dans le Code de
commerce aux articles L.241-3 4° et 5° pour les Sociétés A Responsabilité Limitée
et L.242-6 3° et 4° pour les Sociétés Anonymes.

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L’abus de biens sociaux

En droit malgache, c’est l’article 931 de la loi n° 2003-036 du 30 janvier 2004


qui réprime ce délit en disposant que : « …le Gérant de la Société A
Responsabilité Limitée, les Administrateurs, le Président Directeur Général,
l’Administrateur Général ou l’Administrateur Général Adjoint qui, de mauvaise
foi, font des biens et du crédit de la société un usage qu’ils savaient contraire à
l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour
favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés
directement ou indirectement ».

La société a la personnalité morale. Son patrimoine s’est construit à travers


les apports qu’ont effectué les associés. Ces biens sont désormais la propriété de la
société et non de ses dirigeants, ni même des associés. Cependant, les tentations
sont grandes pour le mandataire social d’abuser du patrimoine social. Tant son
pouvoir de gestion lui permet de se construire des idées pour s’enrichir lui-même ou
d’enrichir une autre société dans laquelle il joue un rôle, cela au détriment de la
société qu’il dirige. Or, le contrôle de la gestion se fait en fonction des règles et des
sanctions pénales. Le transfert du patrimoine de la société dans celui de ses
dirigeants est pénalisé. Les sanctions de l’abus de biens sociaux, tant principales
que complémentaires sont assez élevées. Ceci dans le but de dissuader les
éventuels délinquants. Mais vu le nombre grandissant des condamnations en la
matière, la fonction dissuasive des sanctions est-elle encore assurée ?

Quoi qu’il en soit, le régime protecteur de la loi envers le patrimoine social se


traduit à travers ses différentes dispositions. Il en est ainsi du rôle accru du
commissaire aux comptes et même des attributs des associés dans le contrôle des
actes du dirigeant.

Interrogé sur le délit d’abus de biens sociaux, quelques dirigeants de sociétés


ont avoué leur frayeur à sa seule évocation. D’abord, un effroi dû au fait que l’abus
ne prend pas seulement en considération les seuls faits de détournement, mais aussi
les simples actes d’utilisation et d’administration. Ils arguent aussi que la latitude
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L’abus de biens sociaux

donnée au juge dans la détermination de l’intérêt social est très significative dans la
constitution du délit. En effet, c’est au juge que revient le rôle d’apprécier les
éléments constitutifs du délit. De plus, la sanction des abus est très rigoureuse : une
peine de prison de deux ans ainsi qu’une amende allant jusqu’à quarante millions
d’Ariary.

Ces différents soucis émis par les dirigeants trouvent leurs justifications. En
effet, la loi ne fait qu’énoncer l’infraction de façon générale. La poursuite de l’intérêt
personnel du dirigeant, ainsi que la contradiction de l’acte répréhensible à l’intérêt
social doivent être prouvées pour que le délit puisse être constitué. Pourtant, aucune
définition de l’intérêt social n’a été émise par le législateur. De ce fait, les juges se
sont empressés d’en déterminer le contenu à chaque cas qui leur est présenté.

Au surplus, un autre problème s’est posé concernant l’application du délit au


sein des groupes de sociétés. En effet, on a admis que dans certains cas, l’intérêt du
groupe peut primer sur l’intérêt de chaque société membre du groupe. Dans ce cas,
un agissement condamnable au titre d’abus de biens sociaux dans une société
isolée, peut ne pas l’être dans le cadre d’un groupe de sociétés.

On peut dire alors que le délit d’abus de biens sociaux est un délit complexe.
Son énoncé n’est pas clair et son interprétation imprévisible. Interprétation qui
augmenterait les chances ou les malchances d’une condamnation pénale et surtout,
difficilement compréhensible des dirigeants sociaux. L’idée d’un manuel de conduite
à l’intention des dirigeants serait incongrue car autant les formes d’abus sont
nombreuses, autant les interprétations jurisprudentielles et les divergences
doctrinales fusent et la liste des conduites à tenir n’en finirait plus.

La bonne gouvernance est une expression que tout le monde connaît et qu’on
entend partout. Bien des fois elle est employée à tort et à travers. Cependant, on
pourrait transposer cette notion dans le cadre des sociétés et donc parler de la
« bonne gouvernance au sein de l’entreprise ». Le fait est que la gestion ou
l’administration de la société est une tâche qui n’est pas évidente mais qui joue un
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L’abus de biens sociaux

rôle primordial dans la perpétuation de l’entreprise. Les résultats de l’entreprise


dépendent de la compétence et de l’intégrité de ses dirigeants. L’utilisation à bon
escient de l’actif de la société ne pourrait que lui procurer des avantages. A contrario,
si les biens de la société sont utilisés à des finalités autres que l’intérêt social, c’est la
société elle-même qui en souffrira.

Le sujet présenté est donc d’un intérêt pratique, non seulement pour le
profane qui pourrait avoir des idées fausses sur la notion d’abus de biens sociaux,
mais aussi pour le principal intéressé qu’est le dirigeant social. De plus le sujet est
d’actualité car c’est un des délits les plus fréquents en droit des affaires.

Comment se traduit alors pratiquement l’abus de biens sociaux ?

Pour y répondre il est nécessaire de consacrer une première partie sur le


délinquant potentiel qui est le dirigeant social et dans une deuxième partie, nous
délimiterons les pourtours du délit d’abus de biens sociaux qui s’exprime par la
violation du mandat social.

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L’abus de biens sociaux

PARTIE 1 - LE DELINQUANT POTENTIEL : LE DIRIGEANT SOCIAL

Les apports des associés d’une société sont dévolus à un patrimoine, celui de
la société. La personnalité morale de la société est créée du fait du contrat de
société et est différente des personnes physiques ou morales associées.

La société, personne morale ne peut exprimer sa volonté que par le biais de


personnes physiques. C’est là qu’intervient le dirigeant social. En effet, ce dernier est
appelé à gérer les biens de l’entité. Ses droits et obligations sont déterminés par la
loi et les statuts. Dans le cadre de sa mission, le dirigeant social peut voir sa
responsabilité engagée, tant civilement que pénalement. Il en est ainsi de l’infraction
d’abus de biens sociaux par lui commise dans l’entreprise qu’il dirige.

Née à partir du décret-loi du 8 août 1935 dans la loi française, l’infraction


d'abus de biens sociaux est une infraction pénale spécifique dans le droit des
sociétés. Elle a été reprise dans la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales à côté de plusieurs autres infractions.

L’auteur du délit d’abus de biens sociaux ne peut être qu’une personne


physique. Seuls les dirigeants sociaux de sociétés commerciales peuvent le
commettre. Les personnes morales ne sont donc pas sujettes du délit car la loi n’en
dispose pas expressément. En effet, en vertu de l’article 121-2 du nouveau Code
pénal, la responsabilité pénale de la personne morale doit avoir été spécialement
prévue par le texte qui définit et réprime l’infraction.

Dans la logique des choses, le juge qualifié pour traiter du délit doit d’abord
relever que le prévenu a les pouvoirs de direction de la société. Il faut donc que cette
personne ait la qualité de dirigeant - même de fait - lors de la commission des actes
réprimés.

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L’abus de biens sociaux

Etant donné son statut et sa fonction, le dirigeant social encourt des risques.
De même, en représentant la société, des responsabilités sont à sa charge,
notamment dans la contribution à la bonne marche de son entreprise. D’où la
nécessité de parler en premier lieu de tout ce qui touche au dirigeant social,
notamment ses droits et devoirs dans un premier chapitre intitulé : autour du
dirigeant social, puis dans un deuxième chapitre nous allons déterminer le contrôle
des actes du dirigeant dans le dessein de prévenir o même de divulguer certains
actes jugés suspects.

Chapitre 1- Autour du dirigeant social

Le dirigeant est à la tête de société. Il la représente dans tous les actes de la


vie sociale. De ce fait, il est un mandataire social car c’est le titulaire de la signature
sociale. Tous les biens appartiennent à la société personne morale et cette dernière
a besoin d’une personne à sa tête pour pouvoir la diriger.

En principe, les associés ou actionnaires s’associent dans le but de former


une entreprise, de partager les bénéfices et de contribuer aux pertes. Ceux-ci, ne
pouvant pas, en général être tous à la tête de la société (hormis quelques cas, par
exemple pour la Société en Nom Collectif selon les dispositions de l’article 291 alinéa
4 de la loi 2003-036 sur les sociétés commerciales), ils nomment un des leurs ou une
personne extérieure pour gérer la société. Cette personne doit être digne de
confiance et être un manager avec toutes les compétences requises. Comme on dit,
c’est la gestion qui garantit les résultats de la société. D’où bonne gestion équivaut à
bon résultat.

Section 1- La gestion de la société en bon père de famille

L’étendue des pouvoirs du dirigeant dépend essentiellement de la législation


en vigueur ou des associés par le biais des statuts, s’ils en disposent autrement.

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L’abus de biens sociaux

Le dirigeant est mis à la tête de l’entreprise dans le but de représenter celle-ci.


Il est donc présumé apte dans l’exercice de ses fonctions. La loi sur les sociétés
commerciales détermine les modalités de nomination du dirigeant, ses pouvoirs, ses
responsabilités, ses obligations, mais aussi les sanctions qui pourraient être
déclarées à son encontre s’il commet des agissements fautifs. Il peut aussi être
poursuivi sur le plan civil. Il peut être choisi parmi les associés de la société. Dans ce
cas, sa connaissance de la situation de la société serait un grand avantage pour lui.
Mais il se peut que ce soit une personne extérieure à la société. Dans tous les cas, il
est responsable de tous ses agissements, même fautifs.

Supposé être diligent dans l’administration de l’entreprise, le dirigeant ne peut


arguer de l’ignorance d’un acte abusif, par lui fait, pour s’exonérer de sa
responsabilité. En effet, il est dans la logique des choses qu’il sache tout ce qui se
passe au sein de la structure qu’il gère.

Dans la gestion de l’entreprise, le dirigeant est supposé être de bonne foi.


D’autant plus, c’est la qualité exigée pour la gestion en bon père de famille. Dans ce
cas, les actes accomplis par lui doivent être faits dans le seul intérêt de la famille,
intérêt distinct des membres qui la compose. Le patrimoine du dirigeant est
complètement distinct de celui de son dirigeant. Aucune ambigüité ne doit
transparaître dans ce sens. Il ne peut pas administrer les biens de la société comme
s’ils étaient les siens.

Le but de la société étant de faire des bénéfices à travers les activités et


services qu’elle propose. Tous les actes sont faits par la société et pour son compte
et non dans l’intérêt des dirigeants. La personnalité juridique de la société s’affirme
ici.

Le dirigeant est seul juge de l’opportunité de sa gestion. Ce pouvoir


n’appartient ni à l’administration fiscale, ni au juge, sauf principalement dans le cas

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L’abus de biens sociaux

où ce dernier a décelé des fraudes ou des malversations de la part du dirigeant de


mauvaise foi.

La gestion en bon père de famille est un grand principe de droit. Il s’ensuit


donc comme on l’a vu, que le dirigeant doit gérer les biens de la société dans les
règles de l’art et en respectant les normes réglementaires et professionnelles. Ceci
étant, quel est le fondement de ses pouvoirs ?

Paragraphe 1- Le dirigeant, mandataire social

La qualification du dirigeant social porte parfois à confusion. Elle englobe


différentes catégories de personnes : le Gérant, le Directeur Général, l’Administrateur
Général…

Au sens strict, le dirigeant est celui qui est à la tête de l'entreprise. Il dispose
de pouvoirs formels que la loi et les procédures de nomination lui octroient.

Dans une acception plus large, les missions de direction peuvent toucher tous
ceux qui exercent des responsabilités, dirigent un service et réalisent des tâches de
prévision, de commandement, de coordination ou de contrôle.

On s’accorde à dire que les dirigeants sont des organes de la société qui
occupent les fonctions de direction, d’administration et de gestion. Ces organes
agissent au nom et pour le compte de la société. Ils mettent en œuvre et exécute les
décisions prises en Assemblée.

Une personne morale peut être appelée à diriger une société. En effet, d’après
la loi il peut y avoir une ou plusieurs sociétés à la tête de la société. Cependant, la loi
malgache n’admet pas leur responsabilité pénale. .

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L’abus de biens sociaux

En principe, les dirigeants sociaux sont nommés. La procédure de nomination


est différente selon la qualité du dirigeant (par exemple la nomination du Gérant de la
Société A Responsabilité Limitée diffère de celle du Président Directeur Général
d’une Société Anonyme). Leur mandat peut être renouvelable. C’est la loi qui précise
la durée des fonctions du dirigeant, mais les statuts peuvent en disposer autrement.

En outre, l’entrée et la sortie en fonction des dirigeants sociaux doivent être


mentionnées au registre du commerce et des sociétés et publiées dans un journal
d’annonces légales.

On a énoncé plus haut que seul le dirigeant social peut être appréhendé par
les dispositions sur l’abus de biens sociaux. Mais qui sont-ils ? Quelles sociétés
gèrent-ils ?
Pour pouvoir répondre à tous ces questionnements, nous allons déterminer
dans un premier temps les dirigeants visés par l’abus de biens sociaux, autrement dit
les auteurs principaux du délit (A), puis consacrer un B pour le cas de complicité et
de tentative.

A- Les auteurs principaux du délit d’abus de biens sociaux

La loi est précise sur le fait de dire que c’est le dirigeant et lui seul qui est
concerné par le délit. Comme évoqué précédemment, l’abus de biens sociaux
n’intervient que dans le cadre des Sociétés A Responsabilité Limitée et les sociétés
par action. Il a été étendu par la suite aux sociétés coopératives et aux sociétés
civiles de placement immobilier.

Le dirigeant doit donc relever de l’une de ces formes de sociétés : la Société


Anonyme, la Société A Responsabilité Limitée, la Société en Commandite par Action,
la société coopérative, la société civile de placement immobilier, la Caisse
d’Epargne.

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L’abus de biens sociaux

Les gérants de société de personnes, de sociétés en commandite simple, de


sociétés civiles, de groupements d’intérêt économique, ne sont donc pas concernés
par ce délit.

Nous allons donc orienter notre analyse dans ce sens.

Le dirigeant visé par l’abus de biens sociaux s’agira alors :

• dans les Sociétés A Responsabilité Limitée, du Gérant et


• dans les Sociétés Anonymes, des Administrateurs, du Président
Directeur Général, du Directeur Général, de l’Administrateur Général ou
de l’Administrateur Général Adjoint, des membres du directoire et du
conseil de surveillance ;
• dans les sociétés coopératives des Administrateurs ou Gérants ;
• dans les sociétés d’assurances, du Président, des Administrateurs, des
Gérants et Directeurs Généraux ;
• dans les sociétés civiles faisant appel public à l’épargne, des membres
des organes de gestion, de direction ou d’administration ;

• de façon exceptionnelle, la responsabilité pénale du liquidateur est


également prévue par l'article L. 247-8 du Code de commerce mais
avec une peine d'amende moindre.

De même, un dirigeant qui n’est plus en fonction au moment du


déclanchement de l’action pourra toujours être poursuivi pour les actes commis par
lui durant son mandat. En effet, la responsabilité du dirigeant demeure, même s’il
n’est plus en fonction dans l’entreprise. Il peut sortir de la société par le biais de la
révocation ou de la démission. Cela ne l’empêche pas de répondre de ses fautes. Il
faut alors bien délimiter le jour de la commission de l’acte délictuel et se remettre à
cette date. Seule la prescription de l’action peut jouer en sa faveur.

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L’abus de biens sociaux

Une autre problématique peut se poser dans le cas où le dirigeant décède


durant ou après ses fonctions. Dans ce cas d’espèce, il se peut que le dirigeant ait
fait des malversations dans la société de son vivant. On ne peut plus alors
poursuivre pénalement faute d’auteur à poursuivre. Le principe de la personnalité
des peines implique que nul ne peut être poursuivi pour des faits qu’il n’a pas
commis. Pour dire que la responsabilité pénale ne se transmet pas. De ce fait,
l’action pénale n’a plus lieu d’être car seul celui qui a agi pourra être pénalement
sanctionné.

Une précision est de rigueur quant à la détermination de l’auteur du délit. Un


employé de la société ne sera pas poursuivi du délit car le dirigeant est le seul
condamnable. Ainsi, des détournements de fonds sociaux de sa part ne seront pas
constitutifs d’abus de biens sociaux mais peuvent d’être poursuivis pour un autre
chef d’accusation.

Il en est de même pour un cadre supérieur de l’entreprise. Il ne peut


commettre un abus de biens sociaux au titre d’auteur principal car il n'est pas un
dirigeant. C’est un salarié de l’entreprise dont le statut et le régime sont régis par la
législation du travail. La loi est claire sur la détermination de la qualité de l’auteur du
délit. Ce salarié pourra en revanche être poursuivi pour complicité d’abus de biens
sociaux si sa contribution effective à l’acte est prouvée.

Le dirigeant n’est pas considéré comme un salarié mais un mandataire social,


avec toutes les conséquences qui en découlent. Cependant, il peut être nommé
parmi les associés mais aussi parmi les salariés de l’entreprise. En d’autres termes,
le cumul de fonction salariale et de mandataire social est possible si certaines
conditions sont respectées, sauf dans le cas de société de personnes.
En général, le cumul n’est admis que si les fonctions salariées correspondent
à un emploi distinct subordonné et effectif, en contrepartie duquel est versé un
salaire distinct de la rémunération du mandat social. Il est aussi des cas où la loi
exige que le contrat de travail avec la société soit suspendu durant la durée d’un
mandat.

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L’abus de biens sociaux

Le mandat du dirigeant n’est pas éternel. Les statuts devraient prévoir sa


durée. La loi peut aussi prévoir la durée du mandat des dirigeants comme c’est le
cas dans les Sociétés Anonymes en droit malgache par exemple. Le principe de la
révocation ad nutum du mandat social se heurte à la protection accordée au salarié
contre une résiliation immédiate du contrat de travail. Ceci étant, le principe est que
tout dirigeant est révocable. Les associés peuvent décider leur révocation et cela
discrétionnairement. Mais il est des cas où leur révocation ouvre droit à demande de
dommages intérêts si les motifs de la révocation sont abusifs. Toujours est-il que la
rupture du mandat social n’entraine pas de fait rupture du contrat de travail que le
dirigeant a à son actif.

La participation d’une personne à une infraction peut revêtir plusieurs formes


selon les faits allégués. Les prévenus peuvent être soit auteur principal, complice ou
recéleur.

B- Le cas de complicité et de tentative

Le régime de la complicité et de la tentative doit aussi retenir l’attention au


sujet de l’abus de biens sociaux pour pouvoir apprécier la participation effective ou
non de toute personne intéressée à l’infraction.

1- La complicité d’abus de biens sociaux

Toute personne ayant contribué à l’accomplissement du délit est susceptible


de sanction pénale. Le complice est celui qui a facilité la commission des actes
délictueux par la fourniture de moyens par exemple. Cette qualification subsiste
même si la personne en question est tout à fait étrangère à l’entreprise.

13
L’abus de biens sociaux

Peu importe donc la qualité du complice. Qu’il soit dirigeant, qu’il ait une autre
qualité ou autre fonction dans l’entreprise. Il faut et il suffit que cette personne ait eu
connaissance des éléments de l’infraction pénale reprochée à l’auteur principal et ait
commis des actes positifs de manière personnelle 1 . Le complice d’abus de biens
sociaux doit donc savoir que les agissements du dirigeant étaient contraires à
l’intérêt de la société. Le droit commun de la complicité est donc de mise ici.

De manière très spectaculaire, la jurisprudence a étendu la notion de


complicité de façon très large. En effet, il a été admis la condamnation d’un complice,
membre d’un directoire, ayant eu connaissance des faits constitutifs du délit au
moment de sa commission et n’ayant rien fait pour l’empêcher alors qu’il était
légalement en mesure, de le faire.

En outre, le recel d’abus de biens sociaux est aussi réprimé. Cela a été le cas
dans un arrêt du 21 mars 2001 2 . En l’espèce l’arrêt de la Cour d’appel attaqué a
condamné un certain Iain X comme auteur d’abus de biens sociaux et un certain Olin
X pour recel desdits biens. Pour la petite histoire, Iain X, Président Directeur Général
de la société Y avait fait des avances en comptes courants à son frère Iain, dans une
totale mauvaise foi et dans son intérêt personnel (celui de sauvegarder « sa
réputation et celle de sa famille ainsi que la crédibilité du groupe… »). Les avances
étaient ruineuses pour sa société car grevaient la trésorerie sociale. Olin X avait
effectivement connaissance de la situation précaire de la société Y et savait que
l’usage des avances étaient constitutifs d’abus. Il ne pouvait donc en aucun cas
échapper à la poursuite pénale. La Cour de cassation a adhéré à la décision de la
Cour d’appel.

Le receleur est donc celui qui a profité des biens en connaissance du


caractère délictuel des actes de l’auteur et dès lors que le délit d’abus de biens
sociaux est constitué. La mauvaise foi s’explique donc par la connaissance du délit
principal d’abus de biens sociaux commis par l’auteur principal.

1 Cass Crim 28 mai 1980 D. 1981 I R 137


2 Cass crim 21 mars 2001 Arrêt n° 2220
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L’abus de biens sociaux

2- La tentative d’abus de biens sociaux

La tentative quant à elle, se situe dans la limite des actes préparatifs et de la


commission matérielle de l’infraction. Cette limite est très évidente dans le cas d’abus
de biens sociaux car en principe c’est une infraction instantanée et de plus une
infraction de commission.

Selon les dispositions de la loi pénale, la tentative n’est pas automatiquement


punissable. Il faut des dispositions particulières pour qu’elle puisse trouver
application.
La tentative du délit d’abus de biens sociaux n’est pas punissable. En effet, ce
délit suppose que le délinquant ait à sa disposition l’objet convoité, or cela semble
impossible en cas de tentative.

Si telles sont les dispositions concernant le dirigeant de droit. Qu’en est-il du


dirigeant de fait ?

Paragraphe 2- Le dirigeant de fait

Le dirigeant de fait peut, lui aussi, sous certaines conditions être déclaré
responsable du chef d’abus de biens sociaux. D’où l’intérêt, dans un premier temps
de définir le dirigeant de fait (A), puis il faudra ensuite déterminer sa responsabilité
(B).

A- Définition

Le dirigeant de fait est par définition celui qui fait immixtion dans la direction
d’une société. Il se comporte donc comme le véritable dirigeant de droit. Il exerce
effectivement toutes les fonctions du dirigeant de droit en signant les contrats et en
embauchant le personnel. En un sens, il exécute une ou plusieurs actions positives

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L’abus de biens sociaux

et indépendantes dans l’administration générale de la société. Le dirigeant de fait


engage aussi la société envers le tiers car il se présente comme étant un mandataire
de la société. Pour limiter l’immixtion de ce personnage dans la vie de la société, la
loi exige, surtout dans les sociétés commerciales, la publication de la nomination ou
de la révocation des dirigeants dans le registre du commerce et des sociétés ou dans
un journal d’annonces légales.

Les juges du fond sont les seuls habilités à apprécier, de façon souveraine
cette qualité de fait du dirigeant en examinant les faits qui sont devant eux. La
mauvaise foi est caractéristique dans cette circonstance car le dirigeant de fait
exerce en connaissance de cause.

Le dirigeant de fait peut avoir reçu ses pouvoirs par délégation du dirigeant de
droit. Ceci n’enlève rien à sa responsabilité. L’infraction est donc toujours constituée
nonobstant sa qualité de fait.

La question est de savoir dans quelles mesures on peut assimiler le dirigeant


de fait au dirigeant de droit.

B- La responsabilité du dirigeant de fait

Le dirigeant de fait peut- il être poursuivi pénalement au même titre que le


dirigeant de droit ?

La réponse est positive : les dirigeants de fait peuvent aussi être poursuivis
du délit lorsqu’il est prouvé que ceux-ci ont dirigé la société, sans avoir été
régulièrement investis par les organes sociaux du pouvoir de représenter la société,
lors de la commission des actes délictueux. Les mêmes principes que ceux admis
pour le gérant de droit demeurent. Le dirigeant de fait répond de sa responsabilité.
En effet, celui-ci répond du fait des actes liés à sa fonction « de fait ». Il peut alors
être poursuivi pénalement comme civilement. La responsabilité pénale du dirigeant

16
L’abus de biens sociaux

de fait a même été consacrée législativement car la loi sanctionne tous ceux qui ont
agi sous le couvert du dirigeant de droit.

Il faut quand même évoquer que la loi malgache ne prévoit que la


responsabilité pénale des dirigeants de droit. En France par contre, la loi vise aussi
les dirigeants de fait pour le délit d’abus de biens sociaux. Ces derniers peuvent être
aussi condamnés pour complicité si la preuve de leur mauvaise foi est effective.

Corrélativement à ses responsabilités, le statut du dirigeant social lui confère


des droits.

Section 2- Les droits du dirigeant

Il faudra distinguer les droits et obligations du dirigeant dans un premier


paragraphe, puis évoquer le cas particulier du droit à rémunération du dirigeant
(paragraphe 2), droit qui est le plus susceptible à des cas d’abus de biens sociaux.

Paragraphe 1- Les droits et obligations inhérents à son statut

L’expression de la volonté de la personne morale est faite par le biais du ou


de ses dirigeants. Ceux-ci sont nommés par les associés. Leurs pouvoirs, leurs
dénominations, leur nombre, les modalités de leur nomination diffèrent selon la
forme de la société qu’ils dirigent. Cependant, la nomination des dirigeants doit
prendre en compte leur incapacité ou incompatibilité.

Le dirigeant engage envers les tiers toutes les opérations rentrant dans l’objet
social. Il juge de l’opportunité des actes de gestion.

Pour accomplir sa mission, le dirigeant doit éviter tout conflit d'intérêt.


L’obligation de loyauté lui incombe de faire des actes exclusivement dans l'intérêt

17
L’abus de biens sociaux

social, en ne tenant pas compte de leur intérêt personnel. La confiance doit régner
dans l’entreprise pour qu’elle puisse prospérer. Ainsi, le dirigeant doit être un
homme - ou une femme !!! - de confiance car il est le titulaire de la signature sociale.

D’après la loi, et si les statuts ne prévoient pas autrement, les dirigeants


peuvent faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société, en ne
méconnaissant pas l’objet social. Cependant, comme dit l’adage, « toute liberté
s’arrête là où commence celle des autres », la liberté du dirigeant a donc aussi un
corollaire. Des organes de contrôle internes et indépendants, notamment le
commissaire aux comptes, peuvent vérifier et contrôler les actes du dirigeant. Ceci
étant, pour le cas du commissaire aux comptes, il ne leur est permis, en aucun cas
de s’immiscer dans la gestion de la société, seule prérogative du dirigeant.

Les droits inhérents au statut du dirigeant subsistent seulement durant la


durée de son mandat. Il n’en est pas de même concernant sa responsabilité pénale.
En effet, il peut et doit être poursuivi pour les actes faits par lui durant son mandat.
Même révoqué, il répondra toujours des sanctions pénales à son encontre. Il ne
pourra pas se retrancher derrière le fait qu’il ne dirige plus l’entreprise pour
s’affranchir de toute responsabilité. De plus, un nouveau dirigeant ne peut pas être
responsable des faits commis par son prédécesseur. C’est le principe de la
personnalité des infractions.

La responsabilité du dirigeant peut être engagée dès lors qu’il contrevient à


des dispositions pénales. Il est à souligner que la loi 2003-036 a dépénalisé
certaines infractions relatives à la société. Les seules infractions retenues sont les
distributions de dividendes fictifs, la présentation inexacte et infidèle des comptes
sociaux et bien entendu l’abus de biens sociaux.

Cependant, il ne faut pas non plus oublier que le dirigeant est comme toute
personne humaine devant la responsabilité pénale. Celui- ci peut également
bénéficier de la présomption d’innocence avec toutes les conséquences qui en
découlent, même dans le cadre de l’abus de biens sociaux. Il ne faut pas toujours

18
L’abus de biens sociaux

avoir l’image d’un dirigeant fourbe qui s’adonne à des malversations quasi
quotidiennes. Il est toujours présumé innocent tant qu’une décision contraire,
devenue définitive ne soit prononcée à son encontre. Il peut, à toutes les étapes de
la procédure utiliser les moyens de preuve prescrites par la loi.
Quoi qu’il en soit, le juge saisi de l’affaire a l’obligation de rendre une décision sous
peine de déni de justice.

Un des droits qui peut être accordé au dirigeant social est sa rétribution. C'est-
à-dire les sommes qu’il perçoit en contrepartie de ses services.

Paragraphe 2- La rétribution du dirigeant social

De façon générale, les fonctions du dirigeant sont rémunérées. Notre loi 2003-
036 précise cependant qu’il est possible que le dirigeant ne perçoive aucune
rémunération durant son mandat. Dans la pratique, ils sont rémunérés sous forme de
part dans les bénéfices, de jetons de présence...

De manière générale, ce sont les statuts qui précisent le montant de la


rémunération du ou des dirigeants, notamment en Assemblée Générale ou en
Conseil d'Administration. Dans le cadre des procédures de redressement et de
liquidation judiciaires, la rémunération du dirigeant, est soumise à l’autorisation du
juge commissaire.

Ceci étant, la fixation de la rémunération n’est pas soumise au régime des


conventions réglementées. Par exemple pour la Société A Responsabilité Limitée,
c’est l’article 345 de la loi malgache 2003-036 sur les sociétés commerciales qui
prévoit cette disposition.

19
L’abus de biens sociaux

A- La possibilité d’un mandat non rémunéré

Il est fort possible que les fonctions du dirigeant ne soient pas rémunérées.
Tout dépend du contrat du dirigeant avec la société. Cela ne sous-entendrait-il pas
que le dirigeant ait toutes les latitudes possibles dans la conduite de la société ?
Autrement dit, le dirigeant pourra t-il arguer l’irresponsable, étant donné qu’il travaille
gratuitement ?

La réponse ne saurait être que négative. En effet, malgré le fait qu’il ne reçoit
aucune rétribution, ou qu’il ne reçoit qu’une modique somme d’argent en contrepartie
de la gestion de la société ; sa responsabilité sera toujours engagée. L’absence de
rétribution ne l’empêche donc pas de gérer la société comme toute autre personne à
la tête d’une entreprise.

La Cour de Cassation est même allée plus loin en interdisant au dirigeant qui
ne perçoit aucune rémunération de prétendre à une quelconque prestation de travail,
lorsque la société vient à être liquidée.
Le problème qui se pose est surtout le cas de rémunérations excessives
accordées au dirigeant. Dans la majeure partie des cas, ce fait est constitutif d’abus
de biens sociaux.

B- Le problème des rémunérations excessives

Dans la pratique, le dirigeant est toujours rémunéré. Le problème qui subsiste


est le montant de cette rémunération. Les difficultés existent, surtout lorsque la
société traverse une phase difficile. Les tentations sont toujours très grandes pour le
dirigeant d’aller piller la caisse sociale ou également de s’octroyer lui-même des
rémunérations excessives. La jurisprudence relative à l’attribution de rémunérations
excessives est très riche. L’arrêt du 9 mai 1973 3 en est une illustration.

3 Cass. crim. 9 mai 1973, D. 1973 p. 271 n. B. Bouloc

20
L’abus de biens sociaux

Pour pallier à la tentation d’attribuer des rémunérations excessives, un


principe a été érigé, celui du « juste rémunération ». Cependant, le problème reste
toujours d’actualité car ce principe est assez ambigü. Comment déterminer de façon
très juste la rémunération du dirigeant ? On pourrait accepter que la rétribution du
dirigeant soit proportionnelle à son travail, et d’autant plus au résultat de la société.
Dans cet esprit, si la société périclite, il ne serait pas sage pour ce même dirigeant de
recevoir des rémunérations excessives. Quoi qu’il en soit, par principe, le dirigeant
n’est pas considéré comme un salarié de l’entreprise.

Selon la jurisprudence, est répréhensible au titre d’abus de biens sociaux le


fait pour le dirigeant de s’octroyer des rémunérations excessives, sommes qui
devraient profiter plutôt à la société qu’à lui. Plus encore lorsque la société est en
activité réduite ou qu’elle est dans un état où les capacités de trésorerie sont faibles.
C’est le cas le plus fréquent de manifestation du délit d’abus de biens sociaux. Sans
doute serait-ce dû au fait de la non soumission de cette convention entre la société
et son dirigeant au régime des conventions réglementées ? Ce qui prouve bien que
même les actes de disposition et non pas seulement les actes de dissipation ou de
détournement sont réprimés par la loi. Dans ce cas, l’agent, en d’autres termes le
dirigeant social, a disposé des sommes qui, normalement devraient rentrer dans le
patrimoine social, à titre de rémunération.

Le dirigeant pourrait aussi détourner les fonds sociaux pour s’octroyer des
commissions excessives. Ces dernières sont excessives dès lors qu’elles sont
injustifiées et dépassent le seuil de la « normalité » étant donné la mauvaise situation
de l’entreprise et sa maigre capacité financière. L’abus est également constitué
lorsque le dirigeant s’octroie des avantages en nature injustifiés, par le biais de
deniers que la société doit bénéficier 4 .

4 Cass. crim. 25 novembre 1975, Bull. crim , n° 257)

21
L’abus de biens sociaux

Cependant, il ne faut pas généraliser les cas. Tout octroi de rémunération


élevée n’est pas nécessairement un fait d’abus de biens sociaux. Ainsi, lorsque la
situation financière de la société est très bonne, notamment lorsque celle-ci voit son
chiffre d’affaire augmenter, l’augmentation de salaire du dirigeant, intervenu pendant
cette période peut ne pas être qualifiée d’abusive. Tout ceci étant, la qualification
dépend de l’appréciation du juge amené à trancher de l’affaire. Ce pouvoir
d’appréciation revient à lui seul et non au dirigeant ni aux actionnaires. Une
solution, toute aussi facile pour le dirigeant est celle de faire entrer dans son compte
personnel des bénéfices, produits des contrats de la société. Bien entendu, c’est un
abus de bien social.

Puisqu’on parle de rémunération, il est nécessaire d’évoquer un autre


problème qui se rencontre parfois dans le cas d’abus de biens de la société. Il est
des cas où le dirigeant couvre des rémunérations octroyées à des salariés fictifs. Il
en est ainsi des cas de rémunérations données à sa conjointe qui ne travaille même
pas dans l’entreprise. Puisque l’emploi est fictif, le travailleur « fantôme » n’a le droit
de percevoir une quelconque somme d’argent à titre de rémunération. Or, c’est le
dirigeant lui-même qui détourne des fonds de la société en utilisant ce procédé. La
femme du dirigeant peut être à ce moment poursuivi comme complice du délit ou
même comme recéleur selon sa participation à l’infraction.

Ces différentes malversations effectuées au sein de l’entreprise impliquent la


nécessité de contrôle. Ainsi, la loi dispose que certains actes du dirigeant sont
contrôlés, à l’interne et à l’externe. Le contrôle des actes du dirigeant fera donc
l’objet du deuxième chapitre.

Chapitre 2- Le contrôle des actes du dirigeant

D’après l’article premier de la loi malgache 2003-036 sur les sociétés


commerciales : « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes, qui

22
L’abus de biens sociaux

conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens en


numéraire, en nature ou en industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions fixées par
la présente loi.
La société commerciale doit être créée dans l’intérêt commun des associés ».

Il en découle de cette disposition que chaque associé a pris part dans la


constitution de la société à travers des apports différents, en contrepartie desquels la
société émet des titres. Ces titres correspondent à des actions dans les sociétés par
action et des parts sociales pour les autres sociétés. Ces actions représentent des
droits pour leur titulaire.

Dans la pratique, les droits de l’associé sont de trois ordres. Il en est ainsi du
droit financier, c'est-à-dire le droit au bénéfice et tous autres avantages financiers et
matériels. En deuxième lieu, il s’agit du droit patrimonial qui permet à l’associé de
disposer de ses parts sociales. Mais dans le cadre de notre étude, c’est le droit
politique des associés qui nous intéresse. C’est la raison pour laquelle il est
nécessaire de délimiter les attributs des associés dans une première section. En
réalité, ces attributs permettent d’éviter que soient accomplis des actes qui pourraient
s’avérer être contraires à l’intérêt social. Cependant, ces droits des associés ne
permettraient pas un contrôle accru car les malversations commises peuvent être
masquées, d’où la nécessité pour la société de recourir à un organe de contrôle
indépendant qui est le commissaire aux comptes (Section 2)

Section 1 - Les attributs des associés et actionnaires

La distinction entre la nature des sociétés peut se faire d’après les droits des
associés. Dans cette partie il s’agira de parler des associés et actionnaires des
Sociétés A Responsabilité Limitée et des sociétés par action car on a vu

23
L’abus de biens sociaux

précédemment que le délit d’abus de biens sociaux ne prévaut que dans le cadre de
ces sociétés.

L’une des attributions essentielles des associés est la désignation et


l’habilitation des organes représentatifs de la personne morale que sont les
dirigeants sociaux. Etant titulaires d’action, de droits dans la société, ceux-ci sont
appelés à intervenir dans la vie sociale.

Dans la pratique, l’accomplissement de certains actes est soumis à


l’autorisation des associés. En outre, le droit à être informé de la situation de
l’entreprise est inhérent à la qualité d’associé.

Paragraphe 1 - Le droit d’information et de communication

Le droit à l’information est inhérent au statut d’associé. C’est une des


prérogatives en contrepartie de l’adhésion à la société. Les informations concernent
tous les renseignements relatifs à la marche de la société. L’associé peut donc
consulter tous les documents qui lui sont nécessaires (procès verbaux des
assemblées, comptes annuels…).

Le droit d’être informé peut intervenir à toute époque de la vie sociale. Le


dirigeant social ne peut en aucun cas faire obstacle à l’exercice de cette prérogative.
Ainsi, le refus d’informer effectué par un dirigeant ouvre droit aux associés à une
action en responsabilité civile.

En outre, le gérant a l’obligation d’établir les rapports de gestion et les


comptes annuels de l’exercice écoulé et de soumettre ceux-ci à l’approbation des
associés en Assemblée Générale.

24
L’abus de biens sociaux

Avant les réunions, la loi dispose que le ou les dirigeants doivent fournir et
porter à la connaissance des associés les renseignements exigés pour la tenue des
assemblées. Les documents nécessaires sont notamment le rapport du Gérant, du
Directoire ou du commissaire aux comptes. Ils doivent en principe être envoyés par
lettre recommandée avec accusé de réception dans les quinze jours précédant les
réunions. Si le dirigeant refuse pertinemment de donner ces informations à ceux qui
en ont droit, il peut être requis du Président du Tribunal la nomination d’un
mandataire chargé de lui transmettre ces informations.

En outre, le fait de faire sciemment obstacle à un actionnaire de participer à


une Assemblée constitue une infraction pénale.

Le droit de poser des questions appartient aussi à l’associé. Il en est ainsi par
exemple lorsque le gérant de la Société A Responsabilité Limitée fait des actes qui
pourraient compromettre la continuité de l’exploitation. Ce droit peut être exercé deux
fois par an. Cette limite dans le temps est utile pour ne pas entraver à l’extrême la
direction de l’entreprise.

Les contrôles internes exercés par les associés sont faits dans le but d’éviter
au mieux la commission d’actes répréhensibles de la part du dirigeant. A proprement
parler c’est le fondement même des droits des associés. En l’absence de ces droits
d’information et de communication, le dirigeant peut être tenté de faire tout ce qui lui
plairait dans l’entreprise. Ce serait la consécration exacte de l’adage: « quand le
chat est parti, les souris dansent ». Cela pour dire que le dirigeant est mandaté
dans l’accomplissement de sa mission, il ne doit donc pas utiliser les biens de la
société comme bon lui semble. Puisque l’information des associés est obligatoire,
une obligation, fut-elle morale pèse sur la tête du dirigeant pour qu’il ne dépasse pas
les termes de son mandat.

Le droit d’être informé de la marche de la vie sociale ne suffit pas à l’associé


pour effectuer un contrôle effectif des actes du dirigeant. Ainsi pour plus de sécurité,

25
L’abus de biens sociaux

il y a été disposé que pour recevoir application certains actes nécessitent leur
autorisation.

Paragraphe 2- La nécessité de l’autorisation et du contrôle des associés pour


certains actes

Les associés participent à la vie sociale, dans la prise de décision en se


réunissant en Assemblée, qui est, dirions nous la forme normale des délibérations,
sauf si les statuts prévoient autrement. En fonction des types de décision à prendre,
un quorum et une majorité distincts sont requis. Les modalités de convocation aux
Assemblées sont clairement définies par la loi. La méconnaissance par les
dirigeants, des règles sur les convocations en Assemblée est passible de sanctions
pénales.

L’Assemblée est la réunion des associés. En principe, toutes les décisions


collectives sont prises en Assemblée générale. Les actions confèrent aux le droit de
participer aux décisions. Pour ce faire, les associés ont un droit de vote. Par principe,
le nombre de voix correspond au nombre d’action ou de part détenue. Plus un
associé a de part sociale, plus il a de voix. Dans la pratique, il n’est pas rare qu’une
seule personne détienne la majorité.

Le dirigeant, dans la direction de son entreprise est, dans certains cas, limité
dans sa marge de manœuvre. Ceci dans le but de prévenir les actes qui seraient
contraires à l’intérêt social afin de protéger la société et ses biens.

De façon générale, dans les Sociétés Anonymes et les Sociétés A


Responsabilité Limitée, il existe des conventions réglementées. Elles concernent les
conventions « intervenues, directement, par personne interposée, entre l’un de
ses gérants ou associés » et la société. Il en est de même de celles qui sont
passées entre la société et une autre société dans laquelle un associé indéfiniment
responsable, Gérant, Administrateur, Directeur Général, membre du Directoire ou du

26
L’abus de biens sociaux

Conseil de surveillance, est simultanément Gérant ou associé de la Société A


Responsabilité Limitée. Il s’agira alors de toutes conventions entre la société et l’un
de ses dirigeants ou associés. Cependant la convention sur la rémunération du
dirigeant n’entre pas dans cette catégorie. Les conventions relatives aux affaires
courantes non plus, n’entrent pas dans cette classification.

Ainsi, ces conventions, devront recevoir autorisation des associés pour


pouvoir s’appliquer. Si cela n’a pas été le cas, ce seront l’associé ou le Gérant
contractant ou même commissaire aux comptes qui engageront leurs
responsabilités. La nullité de l’acte n’est pas ici admise comme solution. L’article 371
de la loi sur les sociétés commerciales dispose que « l’Assemblée Générale
Ordinaire se prononce sur les conventions intervenues directement ou par
personne interposée entre la société et l’un de ses gérants ou associés ».

Les Assemblées prennent en général trois formes :


• L’AGO (Assemblée Générale Ordinaire) pour des décisions qui ne
bouleversent pas les statuts
• L’AGE (Assemblée Générale Extraordinaire) pour décider la
modification de certaines dispositions des statuts
• L’Assemblée spéciale

De façon exceptionnelle, des conventions sont carrément interdites. Il en est


ainsi des conventions entre la société et les gérants ou associés dans le but de
contracter des emprunts ou de se faire consentir par elle un découvert en compte
courant ou de se faire avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.

Ces diverses formes de conventions sont érigées dans le but de prévenir les
éventuels actes désavantageux pour la société. Si les conventions entre la société et
ses dirigeants sont, réglementées, voire interdites ; c’est pour freiner la marge de
manœuvre du dirigeant dans la conduite de la société, mais aussi pour faire
participer les associés à la bonne marche de celle-ci.

27
L’abus de biens sociaux

Quoi qu’il en soit, par référence au délit d’abus de biens sociaux, si des actes
ou faits délictueux sont reprochés au dirigeant dans le cadre de ces conventions
énumérées ou autres, l’autorisation ou l’approbation des associés, même
majoritaires ne sauraient effacer le délit. Dans la pratique c’est l’Assemblée
Générale Ordinaire qui donne quitus aux dirigeants. Cependant, ce quitus n’effacera
nullement le délit d’abus de biens sociaux et n’éteindra en aucune façon les actions
tendant à la poursuite du délit.

Parallèlement à tout cela, la loi sur les sociétés a édicté bon nombre de règles
ayant pour but la protection du patrimoine social, notamment contre les abus dont
seraient coupables les dirigeants. Les associés sont peu aptes à exercer le contrôle
de la société à travers l’Assemblée Générale. Ceci s’explique par le fait qu’il n’est
pas rare de constater que les associés ne sont pas doués de compétences
techniques de haut niveau pour détecter les éventuels actes délictuels du dirigeant.
La plupart du temps, les malversations frauduleuses sont inscrites au bilan mais ne
sont pas nécessairement détectables par les associés. Le rôle du commissaire aux
comptes doit donc être ici mis en exergue car il est tout aussi un personnage
important que ce soit dans la prévention ou la connaissance du délit.

Section 2-Les missions du commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes est un organe indépendant externe à la société.


La loi prévoit selon le cas, l’obligation ou la faculté de recours à ses services par la
société.

Paragraphe 1 - La nomination du commissaire aux comptes

La présence du commissaire aux comptes n’est pas obligatoire dans toutes


les formes de sociétés. C’est vrai par exemple dans les Sociétés A Responsabilité

28
L’abus de biens sociaux

Limitée car dans ce type de société, la nomination d’un commissaire aux comptes
n’est obligatoire que dans les cas limitativement énumérés par la loi. Ainsi, l’article 24
du décret 2004- 453 du 06 juin 2004 dispose que : « en application de l’article 398
de la loi sur les sociétés commerciales, les Sociétés A Responsabilité Limitée
dont le capital social est supérieur à vingt millions ( 20.000.000 Ar) d’Ariary ou
qui remplissent l’une des deux conditions suivantes :
1° chiffre d’affaires annuel supérieur à cinquante millions d’Ariary
(50.000.000 Ar),
2° effectif permanent supérieur à 50 personnes ;
sont tenues de désigner un commissaire aux comptes ».

Dans les sociétés faisant appel public à l’épargne par contre, la nomination de
commissaires aux comptes est obligatoire. La loi est très stricte sur ce point.

L’étendue des missions imparties au commissaire aux comptes permet de


déceler des faits qui pourraient être constitutifs d’abus de biens sociaux. En effet, le
dirigeant pourrait avoir commis certains actes suspects qui pourraient passer dans
les mailles du filet du contrôle des associés. De plus, ces derniers pourront être
tentés de masquer le délit. En effet, il se peut qu’en contrepartie de son silence,
l’associé réclame une compensation de la part du dirigeant. Ceci étant, l’hypothèse
de compensation ou même de régularisation ne peut en aucun cas avoir pour effet
d’effacer le délit.

Cependant, la nomination doit obéir à des conditions de forme et de fond.


Cette nomination doit à ce titre, obéir à des règles d’incompatibilité avec tout acte de
nature à porter atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes. Dans le
cadre de l’abus de biens sociaux, le but est d’éviter toute entente avec le dirigeant
social malveillant, dans le dessein de masquer des agissements délictueux au
préjudice de la société.

29
L’abus de biens sociaux

Paragraphe 2 - Les missions proprement dites

Les missions du commissaire aux comptes qui nous intéressent, dans le cadre
de la prévention et de la divulgation du délit étudié sont de deux ordres :

- L’obligation de vérification des comptes annuels (A) et


- L’obligation de déclaration des actes délictueux (B).

Ceci étant, dans l’exercice de sa fonction, le commissaire aux comptes ne


doit, à aucun moment s’immiscer dans la gestion de la société.

En outre, les dirigeants ne doivent pas entraver la mission du commissaire


aux comptes, sous peine de sanctions pénales telles que décrite dans l’article 458 de
la loi française du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales : « Seront punis
d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de deux mille francs
(2.000 F) à cent mille francs (100.000 F) ou de l'une de ces deux peines
seulement, le Président, les Administrateurs, les Directeurs Généraux ou toute
personne au service de la société qui auront, sciemment, mis obstacle aux
vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ou qui leur auront
refusé la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de
leur mission, et notamment de tous contrats, livres, documents comptables et
registres de procès-verbaux ».

A- L’obligation de vérification des comptes annuels

La principale mission du commissaire aux comptes est tout d’abord de vérifier


les comptes annuels. Cette tâche est très importante car elle constitue une balise
pour le dirigeant malveillant qui serait tenté d’abuser des biens de la société.

30
L’abus de biens sociaux

Avec toutes les compétences que requiert le poste, le commissaire aux


comptes doit également certifier que les comptes annuels sont réguliers, sincères, et
donnent une image fidèle du résultat des opérations.

Dans la pratique, il confronte le contenu des rapports des dirigeants ainsi que
les états financiers de synthèse. Il peut, soit certifier avec ou sans réserve, soit
refuser de certifier. Dans cette latitude, le commissaire aux comptes peut être tenté
de certifier des faits dommageables pour la société. Mais cet état de chose ne
pourrait en aucune manière faire obstacle à une éventuelle poursuite pour abus de
biens sociaux.

Le commissaire aux comptes est également doté d’une mission très spéciale.
Celle-ci consiste à contrôler certains postes spécifiques qui sont les plus enclins à
des cas d’abus de biens sociaux. Il s’agit par exemple des prêts accordés par la
société à ses dirigeants ou à ses associés. Le commissaire aux comptes doit alors
vérifier si ces conventions sont valables et si elles ont été faites dans des conditions
normales. En effet, celles-ci sont des sujets potentiels pour la constitution d’abus. Il
en est de même des comptes courants d’associés.

Cette fonction du commissaire aux comptes est très importante car elle est un
moyen de contrôle efficace des actes d’un dirigeant malveillant. Le commissaire aux
comptes doit donc avoir toutes les qualités et compétences requises dans la conduite
de sa mission. Ainsi la loi malgache 2003-036 sur les sociétés commerciales énonce
en son article 123 que « seuls les experts comptables inscrits au tableau ‘A’ de
l’Ordre peuvent exercer les fonctions de commissaire aux comptes ».

Le travail du commissaire aux comptes est à la fois minutieuse et très


technique. De façon générale, sa fonction ne peut être cumulée avec les fonctions de
dirigeant de la société contrôlée. D’où l’institution d’un système d’incompatibilité
énoncé par la loi.

31
L’abus de biens sociaux

En outre, il est interdit au commissaire aux comptes de s’immiscer dans la


gestion de la société. Cependant, son pouvoir de vérification peut s’étendre à toute
époque. Dans cette optique, il a toute latitude de se faire communiquer tous
documents qui lui sont nécessaires (rapports, états financiers…).

B- L’obligation de révélation des actes délictueux

Après avoir effectué toutes les vérifications possibles, la loi réserve également
un rôle très important au commissaire aux comptes. En effet, celui-ci est tenu de
révéler des faits qu’il présume délictueux au Parquet. Etant un organe indépendant
de la société, le commissaire aux comptes est souvent le premier, après le
délinquant, à connaitre des agissements qui peuvent porter atteinte aux intérêts de la
société. Avec ses capacités et compétences, il est dans la possibilité de les déceler,
pour le bien de l’entreprise.

La révélation des actes délictueux est une véritable obligation qui pèse sur la
tête du commissaire aux comptes car en cas d’omission, il risquerait des sanctions
pénales (en droit français). Dans cette optique, il pourrait s’aventurer à fournir des
informations mensongères concernant la société en cause. Seules sa bonne foi et la
preuve d’une diligence effective, dans le respect des règles professionnelles,
pourraient être invoquées par lui pour sa défense. En effet, il est disposé qu’il doit
effectuer son travail dans le respect des lois, de l’éthique, de la déontologie et des
normes professionnelles. C’est cette obligation de révélation qui permet au Procureur
de la République de déclencher l’action publique dans la plupart des cas.

Le Code de commerce français en son article L 820-7 édicte des sanctions


pénales dans le cas où le commissaire aux comptes résisterait à l’obligation de
révélation de faits délictueux et d’informations qui ne reflètent pas une image fidèle
des résultats.

32
L’abus de biens sociaux

La justification de cette obligation de révélation de faits délictueux tient au fait


de la spécialité de l’infraction d’abus de biens sociaux. La plupart du temps, le
dirigeant social fait des malversations que seul le rayon X du commissaire aux
comptes peut détecter. Souvent les actes sont occultes ou masqués et il se peut
qu’il y ait des anomalies dans la comptabilité. Or, le commissaire aux comptes est
doté de compétences techniques en la matière.

Toujours est-il que la responsabilité du commissaire aux comptes peut être


mise en cause pour les fautes qu’il commet dans le cadre de ses fonctions. La
responsabilité pénale du commissaire aux comptes trouvait son fondement dans le
délit d’informations mensongères ou dans le délit de non révélation de faits
délictueux. Ceci étant, la loi 2003-036 sur les sociétés commerciales a procédé à la
suppression de ces délits en les dépénalisant. Les sanctions pénales ne sont donc
plus actuellement de mise sur ce point en droit malgache. En tout état de cause, les
sanctions disciplinaires, notamment la radiation de l’Ordre des experts comptables,
pourraient toujours être invoquées à son encontre lorsque des fautes
professionnelles lui sont reprochées.

33
L’abus de biens sociaux

Conclusion partielle

Le système législatif a adopté bon nombre de règles conduisant à la


prévention du délit d’abus de biens sociaux. Un système de contrôle, adapté à
chaque type de société a été institué. Les associés, en tant que titulaires de droits
dans la société jouent un rôle primordial. Il en est de même des organes
indépendants ayant pour fonction d’assurer des vérifications et des interpellations
pour la bonne marche de la vie sociétaire.

Comme il a été évoqué, l’abus de biens sociaux est un délit de fonction. Il ne


peut être intenté contre le dirigeant social que par le représentant de la société. Ce
dirigeant, par essence doit gérer la société, non pas comme il le souhaite mais dans
le respect des lois et des normes professionnelles. Or, celui-ci, par mauvaise foi
serait éventuellement tenté de commettre des abus sur le patrimoine social dont il a
la fonction d’administrer en bon père de famille.

D’où l’intérêt de délimiter clairement dans la deuxième partie de cette étude


les pourtours de cet abus qui se traduit par la violation du mandat de représentation
de la société.

34
L’abus de biens sociaux

PARTIE 2 - LA VIOLATION DU MANDAT SOCIAL : L’ABUS DE BIENS SOCIAUX

L’abus de biens sociaux est un délit. C’est une notion parfois employée à tort
dès lors qu’on suppose qu’un dirigeant de société a fait un usage, jugé abusif de ses
pouvoirs de dirigeant. Or, tout usage n’est qualifié d’abusif que s’il répond à certaines
conditions.

Le pouvoir du dirigeant tient à son mandat. Il ne peut jamais agir pour le


compte de la société sans qu’il ait été mandaté par celle-ci. Il doit alors faire
grandement attention toutes les fois qu’il engage la société. Peser le pour et le contre
dans ses décisions et les exécuter de bonne foi.

L’idée de mandat repose sur la confiance. C’est principalement dans ce sens


qu’a été interprété le cas de détournement de biens tiré de l’abus de confiance.

Comme toute infraction, pour être constituée, l’abus de biens sociaux doit
nécessairement avoir des éléments constitutifs : éléments matériel, moral et légal.
Cependant, c’est une infraction complexe qui fait apparaître des éléments matériels
très particuliers. En effet, l’usage abusif est de rigueur. Le terme même d’ « usage »
est ici pris dans un sens très particulier. De plus, la reconnaissance de la mauvaise
foi de l’auteur est exigée. Mauvaise foi qui se fonde dans la recherche d’un but
d’intérêt personnel et qui lèse l’intérêt social. En d’autres termes, on peut dire que
l’auteur du délit confond, par mauvaise foi son patrimoine et celui de la société qu’il
gère.

35
L’abus de biens sociaux

Chapitre 1- La caractéristique du délit : la confusion de patrimoine

La société - personne morale - est propriétaire des biens constitués par les
apports des associés ou des biens par elle acquis durant le cours de sa vie. La
dévolution de ces biens à la société opère donc changement de titulaire. Désormais,
ces biens appartiennent à la société. Ni les associés, ni les dirigeants n’ont de droit
sur ces biens. Le dirigeant, représentant de la personne morale, est en charge de
gérer les biens de celle-ci et dans son intérêt. Une conception contraire ne saurait
être concevable pour la personne morale. Dans ce cas, on serait en présence de
deux intérêts en conflit : celui du dirigeant et celui de la société qu’il dirige.

Section 1- L’abus de biens sociaux, deux intérêts en conflit

Paragraphe 1- La primauté de l’intérêt personnel du dirigeant sur l’intérêt


social

Comme toute infraction, le délit d’abus de biens sociaux doit être caractérisé
par un élément moral. Spécialement dans le cas de cette infraction cet élément est
double. En effet, celui-ci est caractérisé par un dol général et un dol spécial.

Le dol général peut-être défini comme l'intention coupable, la faute


intentionnelle de la part du prévenu. Dans le cadre de l’abus de biens sociaux, il
s’agit pour le dirigeant d’être conscient que ses agissements incriminés sont
contraires à l’intérêt social et que la société ait subi ou risque de subir un préjudice.

L’abus de biens sociaux est donc une infraction intentionnelle. Le juge doit
obligatoirement rechercher cette intention pour pouvoir réprimer le coupable. Ce
n’est pas le cas par exemple pour un dirigeant de filiale qui n’a pas pu faire
autrement que d’exécuter des actes ordonnés par la société mère.

36
L’abus de biens sociaux

Quant au dol spécial, il s’entend comme la preuve d’un acte commis dans la
recherche d’un intérêt personnel. Il s’ensuit alors que l’intérêt du dirigeant est
primordial devant l’intérêt même de la société qu’il dirige. Cet intérêt sera direct si le
dirigeant en question profite des biens de la société au détriment des autres
associés.

La confusion de patrimoine porte donc préjudice à la société car ni la


destination du bien, ni leur profit ne reviendraient à la société, mais au contraire au
dirigeant. Cette confusion suppose donc que des biens qui appartiennent à la société
changent de destination, de façon injustifiée, du patrimoine de la société vers celui
du dirigeant.

En outre, comme le dit le texte de la loi 5 , les actes auraient pour but de
« favoriser une autre personne morale dans laquelle les dirigeants étaient
intéressés». L’intérêt personnel est indirect si le dirigeant tire profit des actes
délictueux par le biais de la deuxième société dans laquelle il est intéressé de
manière directe ou indirecte. Le profit indirect est de ce fait également réprimé par la
loi. Dès lors que les biens sortent de manière délictuelle, du patrimoine de la société,
ou sont utilisés de façon illégale, l’infraction d’abus est constituée. Il est vrai que le
délinquant en profite toujours par ricochet vu que l’entreprise dans lequel il a une
place importante en tire profit.

La poursuite de l’intérêt personnel réprimé est assez subtile. Ce qui est


certain, c’est que devant des faits de prélèvement occultes, la présomption de
l’existence de l’intérêt personnel est de mise.

Le délit consiste donc en un usage abusif des biens, du crédit, des pouvoirs,
des voix de la société victime, par un dirigeant fourbe. Cependant, ce délit est très
« délicat » à déterminer. D’où la nécessité d’aller en profondeur dans l’analyse de cet
élément moral double. L’intérêt personnel est exigé mais la preuve de la
contradiction à l’intérêt social l’est d’autant plus car en l’absence de cette dernière,

5 Article 931 de la loi n° 2003-036 du 30 janvier 2004


37
L’abus de biens sociaux

un jugement pour abus de biens sociaux est susceptible d’être cassé. En outre, si le
détournement était établi alors que ni l’intérêt personnel ni la contradiction à l’intérêt
social ne sont démontrés, une autre qualification peut être retenue.

A- L’usage abusif des biens de la société

La loi a précisé que les actes d’abus de biens sociaux doivent être faits à des
fins personnelles. Avec l’évolution, la jurisprudence française a affirmé que même si
les fins poursuivies étaient de nature morale, le dirigeant risquait toujours les
sanctions pénales. D’ailleurs, notre droit positif l’évoque expressément lorsqu’il édicte
que 6 « …le gérant …qui, de mauvaise foi, font des biens et du crédit de la
société un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins
personnelles, matérielles ou morales…» réalise un abus de biens sociaux.

L’usage abusif est celui qui est fait dans l’intérêt personnel du dirigeant et
contraire à l’intérêt social. C’est à dire l’usage des biens, du crédit, des pouvoirs et
des voix portant atteinte aux intérêts de la société. Contrairement à l’abus de
majorité, le délit d’abus de biens sociaux est constitué même si l’acte contraire à
l’intérêt social n’a pas été accompli au détriment de la minorité. En effet, Ce n’est pas
ce qui est exigé par la loi. En tout état de cause, l’abus de majorité peut être
sanctionné civilement de manière autonome.

De la part du prévenu, en l’espèce donc le dirigeant social, il n’est pas réprimé


nécessairement des actes de dissipation, ni même un acte de détournement. En
effet, au vu du terme « abus », on serait toujours tenté de l’affilier au terme
« détournement ». Or, un simple acte d’administration pourrait jouer en défaveur du
dirigeant. L’acte de détournement ne constitue pas un problème. La notion de
détournement - et de dissipation – est logique dans la mesure où l’abus de biens
sociaux s’inspire du délit d’abus de confiance. Mais à côté de cela, est aussi admis
les actes d’appropriation, l’administration sociale et de disposition dans un intérêt

6 Article 931 de la loi n° 2003-036 du 30 janvier 2004


38
L’abus de biens sociaux

personnel. C’est une différence très marquante avec le délit d’abus de confiance.
Disposer : dans le cas où des sommes qui doivent revenir à l’entreprise vont dans le
compte du dirigeant. Cela pour dire qu’il dispose des biens de la société comme bon
lui semble. L’infraction est toujours constituée même si l’appropriation n’est pas
définitive. Abuser c’est aussi utiliser la voiture de l’entreprise pour les besoins
personnels du dirigeant, dès lors que cela n’a pas été convenu et que cela lèse les
intérêts de l’entreprise.

En principe, seul le comportement est source d’un préjudice possible. Le


dommage résulte de l’abus, et le constat de ses effets n’est pas utile à la réalisation
juridique de l’infraction.

Quant au terme « usage », celui-ci est compris dans un sens très large. La
jurisprudence a ainsi déterminé que cette infraction vise généralement les actes de
disposition mais aussi les simples actes d’administration. Il en est ainsi des prêts ou
des locations abusifs. Les actes d’interversion de possession entrent aussi dans
cette catégorie. Mais même, l’utilisation, malgré une restitution, constituerait un
usage abusif.

Avec l’évolution, l’usage de la chose est toujours constitué nonobstant que le


bien en question n’ait pas été modifié ou altéré.

La jurisprudence est très partagée sur la notion d’usage. Les actes négatifs
ne font pas tomber le dirigeant sous le coup de la condamnation pénale pour abus
de biens sociaux. Il en est ainsi par exemple du fait pour un dirigeant de couvrir des
agissements délictueux d’un autre dirigeant, dès lors que sa participation n’est pas
caractérisée. Dans une autre conception, une omission d’agir est réprimée. L’abus
de pouvoirs est ici l’expression de l’abus biens sociaux. Il en est ainsi du fait pour un
dirigeant social d’avoir omis de réclamer à une société dans laquelle il était intéressé,
le paiement de livraisons faites à cette seconde société. Le dirigeant s’est abstenu
d’utiliser ses pouvoirs alors qu’il en a eu l’occasion. Tout dépend donc du cas
d’espèce. De façon spectaculaire, la jurisprudence est très souple. Quoi qu’il en soit,

39
L’abus de biens sociaux

il est nécessaire de démontrer la mauvaise foi du prévenu, ainsi que l’atteinte à


l’intérêt social.

Malgré cette divergence d’opinion, on s’accorde sur un point : les actes


positifs, tels les actes matériels d’appropriation ou de dissipation sont constitutifs
d’abus de bien social. Cette divergence d’idée est un point très important du fait que
le juge est seul maître de l’interprétation de la notion d’abus contraire à l’intérêt
social.

L’appropriation définitive du bien n’est pas un élément caractéristique du délit.


Il n’est pas nécessaire de prouver que le bien en question est entre les mains du
délinquant. La restitution de la chose est donc un moyen inopérant pour invoquer la
non culpabilité. Le délit étant instantané, le seul fait de réunir tous les éléments
matériels suffit à le constituer.

Si tels sont les pourtours du terme « usage abusif », il faut maintenant


caractériser dans quelles mesures cet usage est fait à des fins personnels.

B- L’usage à des fins personnelles

Le but du délit est la satisfaction de l’intérêt personnel du dirigeant.

Les exemples les plus fréquents de cas d’abus de biens sociaux sont les
prélèvements sur la trésorerie sociale, notamment pour le dirigeant de se faire
octroyer des rémunérations excessives.

L’abus de biens sociaux est caractérisé dès lors que le dirigeant social a fait,
de mauvaise foi, un usage abusif des biens de la société. L’usage abusif est l’usage
contraire à l’intérêt social. L’intérêt à prendre en considération dans le cadre de
l’abus de biens sociaux est donc celui de la société et non celui des actionnaires,
lequel peut être distinct de celui de la société.

40
L’abus de biens sociaux

La mauvaise foi permet de caractériser l’intérêt personnel et éclaire sur le


mobile de l’auteur de l’acte. La jurisprudence estime que l’élément intentionnel se
limite à la connaissance, voire à la conscience que l’acte porte atteinte à l’intérêt
social, sans qu’il soit nécessaire de démontrer l’intention de nuire à la société. La
mauvaise foi doit donc découler des circonstances de l’espèce.

Par principe, le patrimoine de la société est distinct de celui des associés et


par la même distinct de celui de son ou ses dirigeants. Les besoins personnels des
dirigeants ne devraient donc pas être supportés par la société qu’il dirige. Le
contraire serait préjudiciable pour la société, or la limite entre les deux patrimoines
est parfaitement distincte. Le dirigeant serait donc sanctionné si d’aventure il ferait
incomber à la société des dépenses qui ne lui reviennent pas. Il en est ainsi pour le
dirigeant de faire payer par la société ses factures personnelles, ses dettes
personnelles, ses vacances… Mais les tentations sont très grandes pour le dirigeant
et la multitude de jurisprudence en ce sens le prouve. Il en est par exemple du fait
pour un dirigeant social de faire payer à la société les amendes pour une
condamnation qui lui est personnelle 7 .

L’intérêt personnel est assez subtil. Le dirigeant, comme le juge peut être
confus dans sa détermination. Un exemple peut être évoqué ici. C’est le cas où un
dirigeant qui a fait payer par la société une amende personnelle due au fait de s’être
arrêté sur une mauvaise place de parking. Dans cet exemple, ce dirigeant, s’est
déplacé pour conclure un important contrat pour la société. Dans le retard et
l’empressement, il s’est garé sur une place non autorisée et s’est vu octroyer une
amende. Dans quelle limite se situe l’intérêt personnel ? Sera-t-il condamné au titre
d’abus de biens sociaux ? C’est la raison pour laquelle la loi a précisé que l’acte doit
nécessairement être contraire à l’intérêt de la société. Seul le juge a le pouvoir
d’interpréter cet intérêt.

7 Cass. Crim. 3 février 1992/ JURISDATA n°1992- 001258 ; bull crimn°49 ; rev sociétés
1992, 535, note Bouloc JCP G 1992, IV, n°1900
41
L’abus de biens sociaux

L’intérêt personnel n’est donc pas toujours très évident à prouver. Il a été
traduit extensivement par la jurisprudence. Elle y intègre l'intérêt matériel qui se
traduit souvent par l’octroi de rémunérations excessives ou d’avantages injustifiés et
l'intérêt moral, familial ou amical. Il en est ainsi de la recherche de prestige ou de la
sauvegarde de la réputation familiale (Arrêt n° 2220 de Chambre criminelle la Cour
de cassation du 21 mars 2001 déjà précité, page 14 du document). La dilapidation
du patrimoine social au profit de la famille étant une tentation très grande pour le
dirigeant social, c’est la raison pour laquelle le juge y fait référence. C’est toujours à
travers des jurisprudences qu’on a pu déterminer, de façon expresse quels sont les
cas de poursuite d’intérêt personnel et quels cas ne le sont pas. Cependant, avec
cette difficulté de détermination, il a été accepté que tout mobile puisse être
considéré par le juge pénal pour conclure au délit puisque l’intérêt personnel peut
être quelconque. C’est une avancée très déterminante qui pourrait, à terme réduire à
néant l’exigence de la poursuite d’un intérêt personnel.

Tels sont les cas d’abus, d’usage abusif de biens, d’usage de biens à des fins
personnelles. Cependant, la caractéristique de l’infraction se situe surtout dans la
détermination du propriétaire du bien. En effet, le bien objet de l’infraction ne doit
appartenir en aucun cas au dirigeant. Qui dit bien social dit patrimoine social.

Paragraphe 2 - Le patrimoine de la société, le pouvoir et les voix

L’abus de biens sociaux est textuellement décrit comme l’abus des biens, du
crédit, des pouvoirs et des voix dans la loi française. La loi malgache par contre ne
vise que l’abus de biens et du crédit de la société.
Le terme « abus de biens sociaux » s’est forgé par commodité de langage
pour ne pas s’attarder sur une longue appellation. Une mise en contexte des biens
sociaux s’impose car nombreux sont les personnes, même les dirigeants qui incluent
dans le terme « bien » seulement les ressources financières de la société et sans
plus.

42
L’abus de biens sociaux

A- Les biens

Les biens visés par le délit sont l’intégralité du patrimoine de la société, d’où la
légitimité d’englober en un seul terme l’objet du délit : « les biens sociaux ». En tant
que gestionnaire du patrimoine social, dans le but de faire fructifier celui-ci pour
l’intérêt de la société, les dirigeants sont éternellement en état de succomber à la
tentation de le détourner. Le patrimoine comprend donc tous les biens meubles et
immeubles. Ces premiers peuvent être corporels et ou incorporels. La seule
exigence est que le bien en question soit la propriété de la société victime d’abus ou
du moins être loué par elle. La notion de bien est généralement définie par les
auteurs à partir du principe d'appropriation :

• les biens corporels sont des biens ayant une existence matérielle
• les biens immobiliers sont les biens qui ne peuvent être déplacés
(terrain, maison...) ou les objets qui font partie intégrante d'un
immeuble, appelés biens immobiliers par destination (les cheminées…)
• les biens incorporels, qui sont des biens, valeurs économiques n'ayant
pas d'existence matérielle. Exemple : droits d'auteur, marques…

Plusieurs exemples sont évidents. Il en est ainsi des fonds sociaux, du


mobilier, des véhicules, du fonds de commerce, de la clientèle, des marchandises,
des matériels et équipements, des immeubles, des deniers mais aussi des
créances...

Cette liste n’est pas exhaustive. Le nombre, l’importance ou la valeur de la


chose importent peu. La qualification du délit est toujours de mise même si l’abus ne
porte que sur une infime partie du patrimoine social. Il faut et il suffit que l’usage ait
été fait en contradiction avec l’intérêt social.

43
L’abus de biens sociaux

B- Le crédit

De façon très particulière, le crédit de la société est englobé dans son


patrimoine. Il est normal de protéger le crédit de la société comme partie intégrante
de son patrimoine. En effet, le crédit est défini comme la « réputation de la
société » ou même sa capacité à emprunter. La société profite de sa renommée
commerciale pour pouvoir accroître son marché et ainsi s’assurer des bénéfices.
Son utilisation à des finalités autres que l’intérêt social n’est donc pas concevable. Il
est alors à craindre que le dirigeant en abuse en engageant la société, par exemple
en acceptant des effets de complaisance. Ces faits pourraient exposer la société
victime à des paiements ou à des décaissements éventuels auxquels elle ne devrait
pas s’exposer.

C- Les pouvoirs

Les termes de la loi précisent encore l’abus des pouvoirs et des voix de la
société. Comme il a été abordé précédemment, tous ces éléments sont compris dans
l’objet même du délit d’abus de biens sociaux. Les pouvoirs et les voix font donc,
partie intégrante des biens sociaux.

Les pouvoirs sont par définition les droits et facultés du dirigeant. Les pouvoirs
sont en principe conférés au mandataire social par la loi et le statut de la société. Ils
peuvent être plus ou moins étendus selon la forme de la société. Une fois admis à la
tête de l’entreprise, le dirigeant peut jouir pleinement des pouvoirs qui lui ont été
conférés. Les pouvoirs sont donc la matérialisation du mandat.

L’abus de pouvoir peut dans certains cas être vu de manière autonome. Par
exemple le cas où il y a eu la conclusion par un administrateur d’un contrat avec la
société. Cet acte n’a eu aucun profit ni perte pour la société, mais dans le dessein

44
L’abus de biens sociaux

pour l’administrateur de se faire octroyer une commission 8 . L’abus de pouvoir est


constitué par l’usage abusif de tous les droits accordés par la loi ou les statuts au
mandataire social.

En principe, l’abus de pouvoir coïncide le plus souvent avec délit d’abus de


biens sociaux car il s’accompagne presque toujours d’un détournement des fonctions
de dirigeant social pour l’obtention d’un avantage matériel.
L’abus de pouvoirs dans la société est incriminé dans le même article que
l’abus de biens. De ce fait, les faits d’abus de pouvoir pourraient porter préjudice ou
risqueraient de léser les intérêts de la société. Or, seul cet état des choses est
constitutif du délit d’abus de biens sociaux. Il en est ainsi de l’exemple du dirigeant
qui détourne à son profit les clients de la société.
Dans ce cas où la qualification d’abus de biens sociaux est seule retenue au
détriment de l’abus de pouvoirs. Cet état de chose vise à réduire la conception
même d’abus de pouvoir, en opérant confusion avec le délit d’abus de biens sociaux.
Mais c’est ce qui se passe dans la majeure partie des cas. Dans ce cas, l’abus de
pouvoirs, vu de façon autonome serait il vide de sens ?

D- Les voix

L’abus de voix puni par la loi, permet de réprimer une autre forme d’abus.
Les voix désignent « les procurations remises par les actionnaires aux
dirigeants afin de pouvoir les représenter aux assemblées générales ». Cette
représentation se traduit dans la pratique par la remise de procuration en blanc au
dirigeant qui en abusera par la suite. Il est à préciser que ce pouvoir en blanc vaut
acceptation ou refus des résolutions proposées lors des assemblées. D’où possibilité
d’en abuser.

8 Cass crim, 23 janvier 1963, Bull crim, n°44

45
L’abus de biens sociaux

Bien entendu, le délit n’existe ici encore que si le dirigeant a usé des voix dont
il disposait, de manière contraire à l’intérêt social, pour obtenir, de mauvaise foi, un
avantage personnel. Cependant, même en cas d’échec, dans le cas où le dirigeant
serait mis en minorité, l’infraction n’en serait pas moins constituée et punissable.
D’où le véritable but répressif de la loi.
De plus, l’utilisation de ce procédé de procuration en blanc a été pendant
longtemps très fréquente. La plupart du temps, nombreux sont les associés qui ne
peuvent assister aux Assemblées. Faute de temps ou manque d’intérêt ? Difficile à
dire !!! C’est la raison pour laquelle la loi a protégé l’abus des voix dans la société.

Actuellement, le vote en blanc n’est plus si souvent pratiqué. Les avancées


technologiques sont telles qu’il est maintenant possible de voter par
correspondance.

Si tels sont les biens de la société susceptibles de détournement, dissipation


ou autre utilisation abusive, il faut voir de plus près la contradiction des actes à
l’intérêt social pour affiner l’analyse.
C’est bien joli de dire : « l’acte litigieux ne doit pas aller à l’encontre de
l’intérêt social ». Mais cette notion d’intérêt social, annoncée comme telle nous
paraît- elle univoque ? Pose t- elle des difficultés quant à son acception ? il est facile
d’être tenté de répondre par la positive car nombreuses sont les décisions qui
relatent de manières différentes les divers cas contraires à l’intérêt social. Pourrait-
on alors dire que la notion d’intérêt social est difficile, sinon impossible à définir vu le
nombre très élevé des cas d’espèce ?

C’est ce qui va être analysé dans une deuxième section intitulée : l’impossible
définition de la notion d’intérêt social

46
L’abus de biens sociaux

Section 2- L’impossible définition de la notion d’intérêt social

La législation exige que les actes constitutifs d’abus de biens sociaux doivent
nécessairement être. Cependant, depuis son apparition, cette notion est sujette à
plusieurs interprétations. En effet, seul le juge a la latitude de préciser la
contradiction à l’intérêt social selon le cas d’espèce. Ce qui est sûr, c’est que dès lors
que le dirigeant social abuse des biens de la société, ce dirigeant confond son
patrimoine personnel avec celui de la société : cet acte est contraire à l’intérêt social.

De façon très simpliste, l’intérêt social pouvait être défini par l’objet social. On
s’accordait à dire alors que tous les actes n’entrant pas dans l’objet social seraient
contraires à l’intérêt social. Mais cela serait une définition trop élémentaire et rigide.

Les divergences d’opinion quant à la définition même de la notion d’intérêt


social sont très remarquées. La notion est très complexe, c’est la raison pour
laquelle la loi fait une énonciation très générale du délit et donne latitude au juge de
le définir au cas par cas. L’intérêt social n’a donc jamais été consacré par le
législateur. La définition législative a été impossible car la notion même d’intérêt
social est, par essence évolutive et changeante.

Les solutions jurisprudentielles constituent une ligne directrice dans


l’appréciation de la notion d’intérêt social. La pratique a montré qu’il ne fallait pas
figer la notion dans une définition trop carrée. L’atteinte ou le risque d’atteinte au
patrimoine social, à son avenir, sont les mots-clés. Mais tout dépend du cas présenté
au juge. Le consensus étant que l’intérêt social est analysé comme l’intérêt de la
personne morale et elle seule.

Le délit d’abus de biens sociaux est un délit très contraignant pour celui qui le
commet. Dès lors qu’un dirigeant a commis un acte contraire à l’intérêt social, celui-ci
a peu de chances d’y échapper. Cependant, le délit d’abus de biens sociaux n’est
pas un délit figé. Il s’adapte à l’évolution. Plus tard alors, avec l’apparition du groupe

47
L’abus de biens sociaux

de société, un autre problème s’est posé quant à l’application du délit. En effet, peut-
on prendre en compte des agissements d’une société membre d’un groupe, à priori
nuisible pour elle-même mais qui, dans un avenir lui profitera dans le sens de
l’amélioration de la situation du groupe ? Autrement dit, si une société aide une
autre société du groupe et que l'acte est désavantageux pour elle-même, est-ce un
abus de biens sociaux ? L’intérêt du groupe peut-il être invoqué pour échapper à
l’abus de biens sociaux ? Dans cet esprit, analysons dans un premier paragraphe la
problématique de l’intérêt de groupe avant d’aborder dans un deuxième paragraphe
la particularité du délit d’abus de biens sociaux.

Paragraphe 1- La problématique de l’intérêt du groupe

L’apparition des groupes de sociétés a eu un impact sur l’appréciation


classique de la notion d’intérêt social en droit pénal des affaires.

Le Code de commerce punit les dirigeants sociaux qui, de mauvaise foi,


auront fait usage des biens sociaux. D’après cette disposition, il n’est pas mentionné
d’hypothèse où un acte contraire à l’intérêt social puisse favoriser une autre société
d’un même groupe. Ici, c’est la jurisprudence qui joue un rôle très important.

Le 4 février 1985 la Chambre criminelle de la Cour de Cassation avait admis


dans un célèbre arrêt « Rozenblum 9 » qu’une société puisse venir en aide à une
autre société d’un même groupe sous certaines conditions. Certains actes
d’appauvrissement du patrimoine social pourront donc désormais se justifier et c’est
essentiellement le cas dans les groupes de sociétés.

Dorénavant, l’intérêt du groupe peut, dans certains cas primer l’intérêt de


l’une des sociétés qui la compose. Ceci étant, plusieurs conditions sont requises

9 Crim cass 4 février 1985 Bull crim n°54 ; JCP G 1986, II, 20585, note Jeandidier. (Cf.
Arrêt integral en annexe I)

48
L’abus de biens sociaux

pour pouvoir accepter cette position. Notamment en premier lieu l’existence du


groupe de sociétés, en deuxième lieu, la nécessité de contrepartie de l’acte et la
rupture d’équilibre entre les engagements.

La référence à l’arrêt de principe du 4 février 1985 est incontournable pour


pouvoir cerner la nouvelle interprétation de la notion d’abus de biens sociaux. Pour
cela, l’énoncé de l’arrêt est nécessaire, sinon indispensable pour légitimer un abus
commis dans le cadre d’un groupe et ainsi faire échapper à l’auteur les sanctions
pénales : « le concours financier apporté par les dirigeants, de fait ou de droit
d’une société à une autre entreprise du même groupe dans laquelle ils sont
intéressés directement ou indirectement, doit être dicté par un intérêt
économique , social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique
élaborée par l’ensemble de ce groupe, et ne doit ni être démuni de contrepartie
ou rompre l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés
concernées, ni excéder les possibilités financières de celle qui en supporte la
charge ».
Dès lors, si les conditions énoncées par l’arrêt Rozenblum ne sont pas
réunies, l’abus de biens sociaux est constitué.

En l’espèce, des Sociétés A Responsabilité Limitée membres du groupe ont


bénéficié du concours financier accordé par une autre société du groupe. Pourtant
les avances consenties étaient le fruit d’emprunts bancaires de la part de la société
qui a consenti lesdites avances.

Mais une question se pose avant d’aller plus loin : quel est le fondement de la
justification de l’intérêt du groupe ? Cette question a suscité de nombreuses
interprétations doctrinales.
- Il a été avancé tout d’abord que la justification était en premier lieu les causes
objectives générales d’irresponsabilité. Il a été argué l’état de nécessité qui
contraindrait la société dominée à effectuer l’acte, en raison des liens de
dépendance économique (et juridique), dans l’intérêt du groupe. La
permission de la loi a aussi été évoquée, dans le sens que si le groupe de

49
L’abus de biens sociaux

sociétés a été reconnu par le droit positif, le dirigeant serait corrélativement


autorisé à effectuer des actes dans l’intérêt du groupe.
- La deuxième explication soutenue est l’absence des éléments constitutifs du
délit qui ne permettrait pas son incrimination. Selon cette doctrine, l’abus est
constitué dès lors que l’intérêt de la société qui contribue à l’acte est lésé. Or,
si la contrepartie est effective, la contradiction à l’intérêt social n’est plus
remise en cause.

Cependant, ces différentes explications ont toutes trouvées leurs limites.


La solution qui a été finalement retenue est le fait justificatif autonome de
l’intérêt du groupe qui justifierait les actes du dirigeant.

Le fait est que la loi est indulgente devant des faits qui constitueraient
normalement des actes d’abus de biens sociaux, si des conditions tenant au groupe
et à l’acte même sont remplies. Il faudra alors s’attarder sur la notion de groupe de
sociétés qui est un élément intrinsèque de la justification (A), avant d’aborder l’abus
de biens sociaux dans le groupe de sociétés (B).

A- Notion de groupe de sociétés

La société a la personnalité morale. En revanche, le groupe de société ne


possède pas cette personnalité.

En droit malgache, la notion de groupe de sociétés se définit comme suit :


« un groupe de sociétés est l’ensemble formé par des sociétés unies entre
elles par des liens divers qui permettent à l’une d’elles de contrôler les autres »
(article 189 de la loi 2003-036 sur les sociétés commerciales).

Le groupe n'est pas un sujet de droit, cela se conforte par l’absence d'une
réglementation spéciale quelconque. Corrélativement, chacune des sociétés qui le

50
L’abus de biens sociaux

compose économiquement est en droit, comme on l’a précisé ci-dessus, autonome.


La jurisprudence est à cet égard très nette affirmant sans cesse cette indépendance
juridique entre toutes les sociétés composant le groupe 10 .

Chaque société membre du groupe a son existence juridique propre et elles


sont unies entre elles par des liens divers sur la base desquels l'une d'entre elles,
habituellement qualifiée de société mère, exerce un contrôle sur l'ensemble ; faisant
ainsi prévaloir une unité de décision économique.

Il est indispensable alors de délimiter la notion de groupe de sociétés pouvant


justifier des actes constitutifs d’abus de biens sociaux.

Dans un premier abord, pour qualifier le groupe, il faut que les liens entre les
sociétés membres soient assez forts et que l’ensemble soit fortement structuré. Dès
lors il est exigé une forte structure et non un artifice.

A contrario, il n’y aura pas de groupe dès lors que le lien qui subsiste au sein
de plusieurs sociétés n’est qu’un lien personnel entre les associés. La structure
suppose qu’il y ait une société à la tête de toutes les autres sans que celles-ci ne
perdent leur personnalité juridique. Cette société tête de groupe sera appelée la
société mère et les autres des filiales. Etant la mère de toutes les sociétés, elle
exerce un contrôle sur les autres, puisqu’elle détient soit « directement ou
indirectement ou par personne interposée, plus de la moitié des droits de vote
d’une société ;

soit lorsqu’elle dispose de plus de la moitié des droits de vote d’une


société en vertu d’un accord ou d’accords conclus avec d’autres associés de
cette société ;

10 Cour d'Appel de Paris 27 Janvier 1982, Gazette du palais 1982.

51
L’abus de biens sociaux

soit lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote d’une société
dont elle dispose, les décisions dans les Assemblées Générales de cette
société.
Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose, directement
ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieure à 40% et
qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou
indirectement, une fraction supérieure à la sienne » (article 191 de la loi 2003-
036 sur les sociétés commerciales).

Le dernier alinéa est important dans la mesure où la prise de participation de


la société mère dans la filiale est faite dans le dessein de contrôler cette dernière. La
détention de capital n’est pas toujours très significative, c’est l’acquisition d’une part
importante du droit de vote pour dominer une Assemblée qui est la véritable essence
du contrôle.

Le contrôle de la société par la société mère implique sa mainmise sur ses


filiales. Comme une mère, elle impose ses directives, elle édicte la politique
commune, mais toujours dans l’intérêt du groupe. L’existence d’une politique
commune est indispensable. La politique étant issue d’une concertation de toutes les
sociétés membres. La politique de groupe implique une stratégie d’ensemble qui lui
est propre. Cette stratégie déterminera la politique de gestion de groupe.

Pour réaffirmer l’effectivité du groupement, il est exigé au groupe de


consolider les opérations comptables de toutes les sociétés membres. En d’autres
termes, le résultat du groupe sera présenté de façon unitaire, donc comme s’il
s’agissait d’une société unique. Cependant, cette consolidation, prise à elle seule ne
saurait démontrer l’existence de groupe de sociétés car ce serait une porte ouverte à
des tentatives de tromperie. On ne considère cette consolidation que comme un
commencement de preuve. Les écritures ne démontrent pas l’effectivité du groupe.
Le groupe ne doit pas être fictif ni être improvisé pour les besoins de la cause. La
liaison entre les sociétés membres est primordiale. C’est important du fait que les

52
L’abus de biens sociaux

résultats positifs ou les pertes de chaque société profiteront ou seront supportés


plutôt par le groupe. La mère gère et répartit l’argent de la famille à ses filles.

L’application du délit d’abus de biens sociaux, dans le cadre du groupe est


examinée comme l’extension du champ d’application de la notion d’intérêt social.
Cela semble être contraire au principe de l’interprétation stricte de la loi pénale.
Cependant, l’interprétation extensive est permise au juge dès lors que cette
extension est favorable au prévenu. Toujours est-il que la question qui se pose est :
comment conçoit-on l’abus de biens sociaux au sein des groupes de sociétés ? C’est
ce qui fera l’objet du prochain sous-titre (B) : le délit d’abus de biens sociaux et
groupe de sociétés

B- Le délit d’abus de biens sociaux et groupe de sociétés

Le délit d’abus de biens sociaux peut se retrouver également au niveau des


groupes de sociétés. Les exemples sont nombreux. Cependant, l’intérêt du groupe
est assez souvent admis comme fait justificatif pouvant acquitter le prévenu. Son
application ne doit pas être généralisée. C’est une solution qui peut être qualifiée de
dérogatoire car tous les agissements suspects de la part du dirigeant, même au sein
du groupe, peuvent toujours être poursuivis et faire l’objet de sanctions pénales. Une
nouvelle notion est apparue : l’intérêt du groupe

1-L’intérêt du groupe mis en exergue

Le groupe de sociétés est, dit-on un groupement économique fortement


structuré. Au sein du groupe, les flux de concours financiers et d’échanges de
services ne sont pas rares .On rencontre souvent des cas où le prix des échanges
intragroupe soit rabaissé, voire même réduit à néant. Cet état de chose peut porter
préjudice à la société qui a consenti le sacrifice. Transposé dans le cadre d’une

53
L’abus de biens sociaux

société isolée, en dehors de toute appartenance à un groupe, ces actes seraient


passibles de sanctions pour abus de biens sociaux car lèseraient, en tout état de
cause, l’intérêt social. Pourtant, ce n’est pas la même solution appliquée dans cadre
d’un groupe. Ceci étant, pour échapper à la sanction pénale, il faut prouver que le
groupe, dans son ensemble ait tiré profit de l'acte. Ainsi est apparue la notion
d’« intérêt du groupe ».

Le délit d’abus de biens sociaux concerne, comme on l’a vu, les actes
contraires à l’intérêt social. Apparemment, l’intérêt social n’est plus de rigueur avec
l’arrivée du groupe de sociétés car on y évoque plutôt l’intérêt du groupe. Or, comme
l’intérêt social, l’intérêt du groupe est lui aussi une notion abstraite car n’est pas
défini. Quoi qu’il en soit, on s’accorde à dire que l’intérêt du groupe est distinct de
celui de la société mère, de celui des majoritaires et de celui des filiales prises
isolément.

L’arrêt Rozenblum exige au moins la communauté d’intérêt « économique,


social ou financier » entre les sociétés du même groupe. L’intérêt financier ne pose
à priori pas de problème car en principe l’existence du groupement sous entend des
liaisons financières. L’intérêt social quant à lui, est pris dans le sens de l’intérêt du
personnel, des employés et des salariés du groupe.

Les dirigeants sociaux vont conduire une politique tournée vers l’intérêt du
groupe et non au regard de chaque membre du groupe.

L'opération effectuée doit donc être justifiée par l'intérêt économique, social ou
financier commun aux sociétés du groupe. La référence à la notion d'intérêt du
groupe implique la prise en compte de toutes les relations à l'intérieur du groupe,
sans exclure les relations horizontales entre sociétés sœurs. Ainsi, un dirigeant ne
peut invoquer la justification tenant à l’intérêt du groupe pour échapper à sa
responsabilité lorsqu'il a imposé unilatéralement des sacrifices financiers à une
société au bénéfice d'une seconde, sous son entière maîtrise, dans le seul but de
récupérer sur les actifs sociaux les sommes investies pour prendre le contrôle de

54
L’abus de biens sociaux

l'entreprise. Il doit alors exister une véritable structure, un véritable intérêt commun
dans le groupe, une stratégie de groupe.

L’exonération ou le fait justificatif n’est accordé que si les sacrifices imposés à


une société, faits dans un intérêt commun répondent aux exigences de contrepartie,
d’équilibre ni être excessifs. Si ces conditions ne sont pas remplies, la qualification
des actes pour abus de biens sociaux est retenue.

2-L’exigence de contrepartie

Les sacrifices financiers imposés à une ou plusieurs sociétés ne doivent pas


être consentis sans contrepartie. Tel est le principe tiré des jurisprudences
antérieures et qui est toujours confirmé de nos jours.

Les sacrifices, comme son nom l’indique engendre des pertes pour celui qui
les a consentis. Les pertes en question peuvent être actuelles, c'est-à-dire
rencontrées au moment de l’acte ; mais peuvent aussi être futures. De ce fait, les
aides consenties doivent être compensées. Un gain différé par exemple, peut
constituer une contrepartie suffisante. La contrepartie est analysée au moment des
faits. Elle doit être réelle et sincère pour être acceptée. Une mascarade n’est pas
constitutive de contrepartie, notamment lorsque les parties n’avaient aucune
intention de s’engager ou bien si le dirigeant a abusé de ses pouvoirs pour ne pas
donner la contrepartie.

La contrepartie exigée par la jurisprudence peut revêtir deux formes : elle peut
être soit financière ou matérielle, soit immatérielle.

55
L’abus de biens sociaux

a- La contrepartie matérielle

Dans ce cas, il est exigé une contrepartie sous forme de numéraire


pour les biens ou services consentis. La contrepartie ne doit pas être fictive. Il
est primordial ici d’apprécier la bonne foi des personnes en présence.

b- La contrepartie immatérielle

Dans ce deuxième cas, la contrepartie immatérielle peut revêtir


différentes formes. Il en est ainsi par exemple du fait de contribuer de toutes
les manières possibles à la bonne marche du groupe en assurant que l’un
des membres du groupe ne s’effondrerait pas. En effet, l’effondrement d’un
des membres peut être nuisible au groupe si dans le cas où cette société
constitue une source de recette certaine (exemple pour l’écoulement des
produits) pour l’ensemble du groupe. C’est un intérêt certain par ricochet.

La contrepartie immatérielle peut aussi résider dans l’intérêt au


maintien de l’image du groupe. Ceci étant, elle doit être caractérisée de
manière effective pour recevoir application. Cependant, elle est souvent
difficile à déterminer et son appréciation doit être révisée avec un grand
intérêt.

3- La rupture d’équilibre

Il est très judicieux de penser qu’une société ne peut être amenée à en aider
une autre que si sa situation financière ne lui permet pas de le faire. En effet, il faut
que la contrepartie ne soit pas minime ni l’engagement trop pesant, dépassant les
possibilités de celui qui consent l’avance. La plupart du temps les avances ou les
services consentis reçoivent des couts privilégiés ou préférentiels entre groupe. Mais
en tout état de cause, cette situation ne doit pas rompre l’équilibre entre les deux
sociétés. Les sacrifices excessifs pourraient donc ouvrir la voie à un abus de biens
sociaux. Il en est ainsi des avances consenties à l’aide d’emprunt.

56
L’abus de biens sociaux

Les arrêts en la matière sont nombreux et épars. Il est clair que l’acceptation
du fait justificatif tiré de l’intérêt du groupe est le fruit d’une analyse très poussée de
la part du juge saisi. Ceci étant, les conditions tirées de la jurisprudence Rozenblum
doivent obligatoirement être présentes.

Paragraphe 2- La particularité du délit d’abus de biens sociaux

Le délit d’abus de bien social est un délit très particulier. Sa particularité tient
au fait de la généralité dans les dispositions de la loi. De ce fait donc, le délit est sujet
à différentes interprétations et happe plusieurs agissements.

On avance que l’abus doit être contraire à l’intérêt social. Par contre, est-ce
acceptable que dans l’intérêt de la société, le dirigeant soit admis à commettre des
infractions ?
De plus, le principe étant que l’on ne peut se faire justice soi-même. La
jurisprudence a donc refusé que même si les associés, par le biais de l’Assemblée
Générale ne peuvent autoriser le délit.

A- Le risque abusif d’atteinte au patrimoine social

Les idées fusent quant à l’appréciation de l’intérêt social. Dans un premier


abord, un acte contraire à l’intérêt social serait celui qui ne procurait aucun avantage
à la société. Or, un acte qui n’aurait aucun avantage pour la société pourrait
cependant, à long ou moyen terme lui faire courir des risques qui seraient
désavantageuses, voire fatales pour elle.

Les actes d’usage définis plus haut, doivent nécessairement être accomplis
dans un but personnel contraire à l’intérêt social selon les dispositions de la loi.
Pourtant, elle n’avait pas déterminé de façon précise cette contradiction à l’intérêt

57
L’abus de biens sociaux

social. La jurisprudence est venue conforter les dispositions législatives. Il a été


alors admis qu’est contraire à l’intérêt social un acte qui causerait une perte - ce qui
est normal - ; mais aussi un risque de perte pour la société. C’est donc ce risque,
dont a été exposé la société ou du moins son patrimoine ou son actif, qui prédispose
l’infraction.

1- En quoi consiste le risque ?

La jurisprudence considère que le délit est constitué dès lors que l’acte a fait
courir un risque « anormal » au patrimoine social. Il n’est pas alors exigé que le
préjudice soit toujours actuel. Donc, le délit est déjà constitué, même si aucun
dommage matériel n’a résulté de l’acte perpétré par le dirigeant. Ici encore intervient
la faculté du juge à interpréter les dispositions de la loi. En effet, cette dernière n’a
pas mentionné qu’il fallait apporter la preuve d’un préjudice matériel, actuel. Ainsi, la
notion d’intérêt social est encore soumise à une nouvelle interprétation dans ce sens.

L'abus de biens sociaux est un délit qui touche véritablement au cœur de la


mission du chef d'entreprise, notamment sa liberté de décision et ses choix de
gestion. Cette position est tout à fait inconfortable pour le dirigeant. En effet, la
fonction du mandataire social est toujours sujette à des prises de risque. Il peut être
envisagé que la prise de risque contribue à la réussite de l’entreprise. Il y a donc là
en quelque sorte un frein dans la marge de manœuvre du dirigeant. Le risque
d’exploitation est donc assumé par le dirigeant et par lui seul. Ceci étant, une
jurisprudence très perspicace a fait remarquer que le risque en question est un
risque auquel la société ne devrait pas s’exposer. Le seul fait d'exposer la société à
un préjudice est donc constitutif d'abus de biens sociaux.

Replacé dans son contexte, les actes du dirigeant ne devaient pas faire subir
à la société des risques disproportionnés, notamment si on envisage qu’aucun profit
n’aurait pu être tiré des actes en question.

58
L’abus de biens sociaux

L’acceptation du seul risque encouru par la société du fait des actes du


dirigeant est très spectaculaire. Le régime protectionnisme de l’intérêt social imposé
par la jurisprudence atteint ici son paroxysme. Pour déterminer le délit donc, le juge
ne se contentera plus seulement d’examiner les atteintes aux résultats de la société
mais aussi toutes les perspectives d’avenir de la société. Il se placera au jour où les
actes perpétrés ont été commis pour apprécier l’impact qu’ils pourront avoir sur
l’avenir de la société.

L’intérêt social étant devenu une notion jurisprudentielle, seul le juge est
compétent pour le connaître. Cependant, on serait tenté de penser que dans le cas
précité, l’intérêt personnel du dirigeant ne se révèle pas immédiatement. Pourtant de
façon extensive, le fait que la société soit dispensée de coûts fiscaux conséquents
pourrait par ricochet profiter au délinquant.

En principe, le risque sera condamné s’il relève de la négligence ou d’une


irresponsabilité de la part du dirigeant social. Par contre, si le risque est normal pour
la société, l'infraction ne trouve aucun fondement. Ceci est vrai car la société subit
fréquemment des risques normaux liés à son exploitation. Pour bien cerner cette
notion de risque, des illustrations pratiques sont nécessaires.

2- Les applications pratiques

a- Un autre aspect de l’intérêt social : un usage du patrimoine social pour la


commission d’une infraction

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, l’infraction d’abus de biens


sociaux peut en cacher une autre. En effet, un dirigeant peut être tenté d’utiliser
une partie du patrimoine social dans un but illicite, notamment en constituant une
autre infraction. L’infraction peut ici être faite dans le but de favoriser la société.

59
L’abus de biens sociaux

L’arrêt illustratif est celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation


du 17 novembre 1986 11 . En l’espèce, l’abus de biens sociaux était le fruit d’une
infraction de corruption de fonctionnaires par le biais des deniers sociaux. La
corruption avait pour but principal de faire profiter à la société d’un droit fiscal
moins pesant pour elle. Cependant, pour corroborer au délit de corruption, il faut
de l’argent. Où les trouver ailleurs que dans la caisse sociale ? Avec cette
jurisprudence, il fut de principe que tout acte qui ferait menace sur la perpétuation
de l’entreprise était nécessairement contraire à l’intérêt social. En effet, cette
infraction de corruption aura pour effet de faire courir un risque à l’entreprise ; ne
serait-ce qu’au niveau de sa réputation.

Consciencieusement, on pourrait s’attarder à dire que cette infraction est


faite par le dirigeant dans le dessein de faire percevoir des avantages à la
société. La question qui se pose est de savoir si le délit d’abus de biens sociaux
est caractérisé étant donné que l’abus avait pour but la défense de l’intérêt social.

Les solutions jurisprudentielles sont assez diversifiées. Dans un premier


temps, la Cour de cassation française avait réprimé d’abus de biens sociaux
essentiellement le fait pour un dirigeant de commettre des infractions, au mépris
des biens de la société en disposant que « l'usage des biens d'une société est
nécessairement abusif lorsqu'il est fait dans un but illicite »12 . Cette position
a mis en exergue un autre aspect de l’acte contraire à l’intérêt social. Des
revirements ont été remarqués après cette prise de position.

Plus tard, la Cour de cassation a repris sa première position et s’y est


conforté. Notamment dans la célèbre affaire CARPAYE du 24 avril 1992 13 .

11 Crim 17 nov.1986, Bull.crim, n°342)

12 Cass. crim., 22 avril 1992, Rev. Sociétés 1993, p. 124, note Bouloc ; Dr. pénal
1993, comm. 115, Robert
13 Crim 24 avril 1992, Bull.crim, n°169, Rev.soc 1993, p.124, note B. Bouloc)
60
L’abus de biens sociaux

Puis dans un arrêt du 27 octobre 1997 14 il a été disposé que « quel que
soit l'avantage à court terme qu'elle peut procurer, l'utilisation des fonds
sociaux ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption
est contraire à l'intérêt social en ce qu'elle expose la personne morale au
risque anormal de sanctions pénales ou fiscales contre elle-même et ses
dirigeants et porte atteinte à son crédit et à sa réputation ». La jurisprudence
n’a donc pas retenu la seule infraction comme constitutive d’abus. Elle a
seulement déduit que de tels actes faisaient courir à la société un risque anormal
qu’elle ne devrait normalement pas supporter. C’est cette conséquence qui
importe. Le risque étant apprécié au moment de l’acte.

b- L’approbation ou le quitus de l’Assemblée Générale inopérants

En droit pénal, le consentement de la victime est en principe impuissant


pour faire échec à la constitution d’une infraction. Ce principe est transposé dans
le cas du délit qui nous intéresse ici, c’est à dire l’abus de biens sociaux. Le juge
est seul habilité à connaître de l’infraction. Dès lors, les associés, même de façon
unanime, ne peuvent effacer le délit en donnant leur approbation. En d’autres
termes, l’approbation de l’Assemblée Générale ne fait, en aucun cas disparaître
le délit. Le délinquant est plus que jamais susceptible de sanctions pénales car
nul ne peut autoriser à commettre une infraction.

Il en est de même aussi de la régularisation des actes du dirigeant après


avoir commis le délit. En effet, dès lors que le délit a été consommé, on ne peut
plus faire marche arrière. En d’autres termes, le quitus donné par les associés ne
peut effacer rétroactivement l’acte commis (c'est-à-dire l’infraction). Qui plus est, il
se peut que les associés aient été abusés par le dirigeant. La voix de la majorité
des associés n’étant pas nécessairement celle de la société personne morale. Il

14 (Cass. crim. 27 octobre 1997, Bull. crim., n° 352 ; JCP 1998, II, 10017, note
Pralus ; Rev. sociétés 1997, p. 869, note Bouloc.)
61
L’abus de biens sociaux

n’est pas rare que le dirigeant fautif domine ladite Assemblée par la part de
capital qu’il détient. Or, c’est l’intérêt de la société qui est protégé par le régime
juridique du délit et non celui des associés : deux intérêts distincts.

Cette disposition jurisprudentielle est très sévère. Pour dire qu’il est très
difficile pour le délinquant de trouver des contournements au délit.
Par la même, ni le remboursement, ni la restitution, ni la compensation, ni
même l’immunité familiale ne peuvent avoir pour effet d’effacer le délit.

B- Le délai de prescription du délit quasi indéfini

L’une des particularités du délit d’abus de biens sociaux tient au régime


dérogatoire de la prescription de l’action.

La prescription est définie dans le code civil en son article 2219 comme «un
moyen d’acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les
conditions déterminées par la loi ». Lorsqu’une action est prescrite, la personne
soupçonnée ne peut plus être poursuivie car les demandeurs ne peuvent plus
exercer l’action.

La prescription en matière délictuelle est d’ores et déjà courte puisqu’elle n’est


que de trois ans. L’abus de biens sociaux se prescrit donc par trois ans. Mais le vrai
problème réside dans la détermination du début de la prescription.

L’abus de biens sociaux est une infraction qualifiée d’infraction instantanée.


En d’autres termes, cela se traduit par chaque usage des biens de la société,
contraire à l’intérêt social.

Il est de principe que le point de départ de la prescription était le jour de la


commission de l’infraction, c'est-à-dire au jour de la réalisation matérielle du délit. A

62
L’abus de biens sociaux

l’instar de ce qui est pratiqué au niveau de l’abus de confiance, ce principe s’applique


aussi au délit d’abus de biens sociaux.

Croisant des difficultés quant à l’application de ce principe, la jurisprudence


est venue pour y trouver une parade. La Chambre criminelle de la Cour de Cassation
avait pris position en affirmant que la prescription triennale ne courrait que du « jour
où les faits sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions
permettant l’exercice de l’action publique » 15 .

Les raisons de la dérogation sont explicables. En effet, dans le principe, c’est


la société qui est victime. Or, les actes commis sont souvent cachés. De ce fait, il est
difficile de dénoncer le délit, sauf si l’acte émerge. De plus, la détermination de cette
date n’est pas aussi aisée qu’on le pense et le délit d’abus de biens sociaux est un
délit très particulier. Retarder le point de départ de la prescription est donc très
judicieux pour la société victime.

Pour pallier encore à la difficulté de détermination de date, la Chambre


criminelle de la Cour de cassation a admis que la prescription ne courait désormais
que du « jour de la présentation des comptes annuels dans lesquels la
convention litigieuse figure », « sauf dissimulation ». La notion de dissimulation
est importante car elle corrobore à la méconnaissance de l’infraction. Dans la mesure
où parfois il peut y avoir des faits occultés, l’abus de biens sociaux est qualifié
d’infraction occulte. Le point commun entre toutes les infractions occultes est de voir
le point de départ de la prescription commencer à courir longtemps après que les
actes aient été perpétrés. On a pu en déduire de ce régime que la prescription est
quasiment indéfinie.

La justification de cette « imprescriptibilité quasiment indéfinie » est


judicieuse. En effet, la victime d’abus de biens sociaux est sans conteste la société.

15 Cass crim 10 aout 1981/ JURISDATA n° 1981/002270 ; Bull crim n°244

63
L’abus de biens sociaux

Or, la Société peut n’avoir jamais eu connaissance du délit, conforté par la possibilité
de l’acte à être occulté. La société ne peut donc commencer à poursuivre le dirigeant
indélicat que du jour où elle a vu émerger cet acte occulte. De ce fait, un régime
spécial de prescription a été instauré dans le cadre du délit d’abus de biens sociaux
afin de s’accommoder à la caractéristique du délit et d’échapper aux règles du droit
commun. Presque les mêmes problèmes ont été rencontrés au niveau du délit
d’abus de confiance, dont le régime d’abus de biens sociaux s’est inspiré.

Une présomption de transparence s’attache aux comptes sociétaires


présentés. Cependant, la jurisprudence avait estimé que la présentation des
comptes ne révèle pas nécessairement le délit. D’où une précision s’impose. Si
l’existence d’une dissimulation est avérée, le point de départ de la prescription est
retardé. On ne compte plus du jour de la présentation et de l’approbation des
comptes annuels erronés, mais au jour où les agissements délictuels ont pu être
constatés dans des conditions permettant l’action publique.

Ceci étant, une jurisprudence relativement récente 16 affirme que les juges du
fond doivent indiquer de façon précise les faits constitutifs de la dissimulation pour
pouvoir faire reculer le début de la prescription à la date permettant la connaissance
du délit. En l’espèce, « la Cour d'Appel ne pouvait faire courir le délai de
prescription à une date postérieure à celle de la présentation des comptes
annuels dans lesquels les dépenses reprochées aux prévenus figuraient". Pour
la petite histoire, il s'agissait de la prise en charge des vols Sinair entre novembre
1989 et novembre 1993 par la SEM Compagnie de chauffage ou la SA Armand Inter
chauffage, de la prise en charge du paiement des salaires de l'employée de maison
de Richard Cazenave, du footballeur professionnel Gilles Constantinian et du cadre
commercial Dominique Mule par la SEML ou par la SA Sinergie. Selon l’arrêt de la
Cour d’Appel : « ces opérations figurent bien dans les comptes annuels des

16 Arrêt n° 4783 du 27 juin 2001 Cour de cassation - Chambre criminelle DP

2001.com.129

64
L’abus de biens sociaux

entreprises considérées dans les rubriques où elles doivent trouver leur place ;
que, cependant, il convient de noter que les prises en charge litigieuses étant
noyées dans la masse, soit des frais divers, soit des charges salariales, rien ne
permettait aux actionnaires qui n'étaient pas en possession des comptes
détaillés, de connaître les affectations des frais et des salaires litigieux et de
vérifier si ces dépenses avaient été effectuées dans le seul intérêt de la
société ». Par cet état des choses, les actionnaires et le commissaire aux comptes
n'avaient pas pu déclencher l'action publique tendant à l’incrimination pour abus de
biens sociaux, à la date de présentation des comptes annuels. Plus tard en octobre
1994, un rapport d’audit, communiqué a pu déceler les faits délictueux.
Les prévenus ont soutenu fermement que l'action publique doit être déclarée
prescrite dans la mesure où le délai de prescription courrait à compter du jour de la
présentation des comptes annuels, étant donné qu’il n’y a pas eu dissimulation. Ceci
étant vrai car les trois années sont déjà passées. La Cour de Cassation a rendu sa
décision dans ce sens. La révélation entraine donc prescription.

Le problème pratique du point de départ de la prescription surgit en présence


de contrat à échéances successives. Doit-il toujours être fixé au jour de la
présentation des comptes annuels dans lesquels la convention litigieuse figure ?
Un arrêt de chambre criminelle du 28 mai 2003 17 avait estimé que le délit d’abus de
biens sociaux du fait du versement de salaires rémunérant un emploi fictif est une
infraction instantanée mais qui est consommée, non pas au jour de la conclusion des
contrats de travail mais au jour de chaque paiement indu. Du fait de l’instantanéité du
délit, le point de départ de la prescription doit être reporté à chaque présentation des
comptes de la société aux associés, puisque la charge est supportée par l’entreprise
sur plusieurs années en application d’un contrat à exécution successive.

17 Cass Crim 28 mai 2003, D. 2003, p. 2015, n°29

65
L’abus de biens sociaux

C- La répression du délit

A ce stade de l’étude, on va examiner la mise en œuvre de l’action tendant à


l’incrimination pour abus de biens sociaux (1), puis les sanctions encourues par le
délinquant (2).

1- L’action

a- L’action publique

En matière d’abus de biens sociaux, on considère que la victime est la


société, et le ministère public représente la Société. Donc, au nom de la Société,
le ministère public, par le biais du Procureur de la République peut intenter une
action publique contre le délinquant afin de le faire condamner à une peine
pénale. La plupart du temps, c’est le commissaire aux comptes qui révèle au
ministère public les faits délictueux, par l’obligation qui lui incombe.

L’action civile, c'est-à-dire la constitution de partie civile devant la juridiction


pénale a un double objet :
• Premièrement, il s’agit pour la victime d’obtenir la réparation du
préjudice causé par l’infraction.
• Dans une seconde optique, elle contribue à sa répression.

b- L’action civile

Le délit d’abus de biens sociaux lèse principalement les intérêts de la


société, d’où le fondement de l’action civile.

• L’action sociale

D’après l’article 184 de la loi malgache 2003-036 sur les sociétés


commerciales définit l’action sociale comme étant « l’action en réparation

66
L’abus de biens sociaux

du dommage subi par la société du fait de la faute commise par le ou les


dirigeants sociaux dans l’exercice de leur fonction ».

La société, personne morale est la principale victime de l’abus, étant


donné que les biens, objet de l’infraction lui appartient. Dans ce sens, la
constitution du délit même d’abus de biens sociaux lèse l’intérêt de la société.

La société victime est donc habilitée à exercer l’action civile, en se


constituant partie civile et c’est ce qui se passe dans la majorité des cas. C’est
l’action dite « ut universi ». Dans la pratique, c’est le représentant de la
société qui exerce cette action. Ce représentant peut être le Président-
Directeur Général, le Gérant, et en cas de procédure collective,
l’Administrateur judiciaire ou le Liquidateur. Dans ce cas, ils agissent comme
étant mandataire de la société. Le but étant de dédommager la société du
préjudice qui peut être tant matériel et financier que moral. Dans la plupart des
cas, la société argue le dédommagement des pertes encourues mais aussi
l’atteinte à la réputation même de la société. Cela s’explique par l’abus du
crédit social.

L’exercice de l’action sociale par le dirigeant représentant de la société


est très inconfortable en soi. En effet, dans la définition même du délit, c’est
l’acte du délinquant potentiel - le dirigeant - qui est remis en cause. Alors il
serait grotesque de penser qu’il serait assez fou pour se mettre lui-même dans
son propre piège. Si l’on ne tenait compte que de cela, le délit ne serait jamais
révélé au grand jour. Il en est de même dans le cas d’une société
unipersonnelle. Dans ce cas, la distinction du patrimoine social et de celui du
dirigeant est toujours de mise. Cependant, la tentation à l’abus de biens
sociaux est beaucoup plus grande. Or, le dirigeant social ne s’aventurerait pas
à la dénonciation du délit puisqu’il n’y aurait d’autre coupable que lui.

L’action sociale est en principe dévolue à la société par le biais de ses


dirigeants. Mais la loi a permis à un actionnaire d’intenter une action contre les

67
L’abus de biens sociaux

actes répréhensibles des dirigeants sociaux. Ainsi, l’action dite « ut-singuli »


est acceptée. Dans ce cas, c’est un associé qui agit contre le dirigeant
malveillant au nom de la société.

• L’action individuelle

Un actionnaire peut lui aussi être tenté d’arguer la réparation d’un


préjudice. Cependant, le préjudice invoqué ici est un préjudice personnel. Le
problème qui se pose est surtout la justification d'un préjudice qui leur est
propre. De ce fait, l’exercice de cette action se heurte parfois à des difficultés.
Cependant, comme on l’a vu précédemment, la jurisprudence estime que le
délit d’abus de biens sociaux ne cause de préjudice personnel en direct qu’à
la société. Aussi rejette- elle toute action civile individuelle des associés
tendant à la réparation de leur préjudice propre 18 .

Un tiers, notamment un créancier, pourrait avoir un intérêt à agir en


raison d’un préjudice indirect consécutif à un abus de biens sociaux. La
jurisprudence, notamment la Chambre criminelle s’est toujours montrée
hostile à l’exercice d’une telle action civile. En effet, dans un arrêt du 24 avril
1971 19 , il a été admis que le préjudice indirect invoqué par le créancier était
insuffisant pour exercer l'action civile.
Le créancier peut seulement transmettre un dossier au ministère public
qui sera le seul juge de l’opportunité d’intenter une action.

2- Les sanctions

Les dirigeants de sociétés par action et les Sociétés A Responsabilité Limitée


ont toujours l’épée de Damoclès au dessus de leur tête. En effet, les moindres

18Cass. crim 13 décembre 2000, deux arrêts, Dr. pénal 2001, p. 16, note Robert
et Rev. sociétés 2001, p. 394 et 399, notes Bouloc

19 Bull. crim. 1971, n° 117, p. 303 (Cf. Arrêt integral en annexe II)
68
L’abus de biens sociaux

malversations, détournements, malhonnêtetés, dissipations ; jugés contraires à


l’intérêt social seront passibles de sanctions pénales.

Les sanctions pour les personnes convaincues d’abus de biens sociaux sont
sévères.
En droit français, la peine encourue est de cinq (5) ans d'emprisonnement et
trois cent soixante quinze mille Euro (375.000 €) d'amende.

Dans la loi malgache sur les sociétés, article 931, il est prévu une peine
d’emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans, ainsi qu’une amende de cinq
millions d’Ariary (5.000.000 Ar) à quarante millions d’Ariary (40.000.000 Ar). L’article
944 édicte que, les coupables d’abus de biens sociaux « pourront en outre faire
l’objet d’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, soit toute
entreprise commerciale et toute personne morale ou une société, soit une ou
plusieurs de celles-ci pendant cinq ans au moins et dix ans au plus ».

S’il y a constitution de partie civile, les dirigeants fautifs seront condamnés à


rembourser les sommes détournées et à verser à la société des dommages et
intérêts en réparation du préjudice.

Comme il s'agit d'une infraction formelle, la répression est possible même en


l’absence de préjudice.

Les immunités familiales ne peuvent pas être invoquées, de même il n'y a pas
d'immunité si les autres membres, même de façon unanime - par le biais de
l’Assemblée Générale - donnent leurs accords.
Tout cela pour dire que le régime de sanction du délit est très rigoureux.

Cependant, en droit pénal, les preuves des faits allégués doivent être
rapportées par le parquet. Si la victime se constitue partie civile, cette même charge
incombe à elle. Et c'est ce qui se passe dans la majeure partie des cas, sauf en
présence de prélèvements occultes faits par le dirigeant. Dans cette hypothèse, la

69
L’abus de biens sociaux

charge de la preuve incombera au dirigeant et non à la victime : c’est le


renversement de la charge de la preuve.

Les peines d’emprisonnement et les sanctions pécuniaires sont sévères. On


devrait voir diminuer le nombre des incriminations dû au fait de la fonction répressive
de la peine. Malgré tout, la sévérité de la jurisprudence dans l'appréciation des
éléments constitutifs joue un grand rôle dans la détermination de l'infraction d’abus
de biens sociaux.

On a vu précédemment les pourtours du délit d’abus de biens sociaux, il


convient maintenant de le distinguer de ses notions voisines (dans un deuxième
chapitre) pour ne pas être sujet à confusion. Ainsi après avoir délimité le concept
d’abus de confiance, nous, nous attarderons sur le concept de banqueroute

Chapitre 2- Appréciation comparative de l’abus de biens sociaux et des délits


proches

La genèse du délit spécial d’abus de biens sociaux est la loi française du 24


juillet 1966 sur les sociétés commerciales, par laquelle il a été érigé en délit spécial
d’affaire. Avant cette loi, les dirigeants sociaux indélicats étaient poursuivis pour abus
de confiance pour avoir détourné des éléments du patrimoine social (section 1).

En outre, l’abus caractéristique peut aussi avoir lieu à un moment critique de


la société, notamment après l’ouverture d’une procédure collective: on parlera alors
de la banqueroute (section 2)

70
L’abus de biens sociaux

Section 1- L’abus de confiance

La caractéristique du délit est sans aucun doute le détournement abusif d’un


bien, propriété d’une autre personne.

Paragraphe 1- La nécessité d’un détournement abusif

Selon le Code Pénal malgache, article 408, le délit d’abus de confiance est
défini comme « le fait pour une personne de détourner ou dissiper, au préjudice
d’autrui, des effets, deniers, marchandises ou tous autres écrits contenant ou
opérant obligation de décharge, qui ne lui auraient été remis qu’à titre de
louage, dépôt, mandat ou nantissement, prêt à usage ou pour un travail salarié
ou non, à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage
déterminé».

Comme on avait déjà évoqué précédemment, la qualification d’abus de biens


sociaux n’est possible que dans les sociétés par actions et les Sociétés A
Responsabilité Limitée.

On ne peut faire abstraction du délit d’abus de confiance dans notre étude. La


justification est qu’il est en quelque sorte l’ascendant du délit d’abus de biens sociaux
puisque ce dernier s’en est inspiré. Avant la création d’un délit spécial, les juges ont
dû appliquer les règles du délit d’abus de confiance pour réprimer les actes abusifs
de détournement. Dans les sociétés de personne, jusqu’à nos jours, seule la
qualification d’abus de confiance est retenue. La jurisprudence a donc interprété les
dispositions de l’article 408 dans ce sens. En effet, si on transpose les dispositions
sur l’abus de confiance dans les sociétés de personne, c’est le dirigeant indélicat qui
est visé. Les détournements ou dissipations sont donc les faits du dirigeant, au
détriment de la société qu’il dirige.

71
L’abus de biens sociaux

Le mandat du dirigeant l’investit de tous les pouvoirs dans la gestion et


l’administration de la société, nonobstant les impératifs de contrôle exercé à
l’encontre de certains de ses actes. Le dirigeant n’est pas propriétaire des biens
sociaux et ne peut donc pas en disposer à sa guise, il est mandaté pour les gérer.
Les éventuels abus se heurtent à la sanction relative à l’abus de confiance.

Paragraphe 2- La particularité de l’abus de confiance au regard de l’abus de


biens sociaux

A- L’objet du délit

La particularité de ce délit tient au fait que les détournements doivent


nécessairement porter sur des meubles. Or, en matière d’abus de biens sociaux, les
biens considérés sont indifféremment meubles et immeubles. Ceci a été pour le
législateur un grand intérêt dans la création du délit distinct d’abus de biens sociaux.
Quand l’abus portait donc sur des biens immeubles, le qualificatif d’abus de
confiance était inapplicable.

Le meuble en question doit donc appartenir à une autre personne autre que
celui qui a détourné. Il peut s’agir de véhicules, de sommes d’argent, de mobilier, …
La liste est longue.

Une deuxième condition est requise : il faut un acte positif de dissipation ou de


détournement pour constituer l’abus de confiance :

• La notion de dissipation résulte de l’accomplissement d’un acte de


disposition, mettant dans l’impossibilité de rendre ou de représenter la
chose, soit par acte matériel de consommation ou de destruction, soit
par un acte juridique qui se traduit par la vente ou la donation par

72
L’abus de biens sociaux

exemple. Le bien, propriété de la victime ne sera donc plus entre les


mains du prévenu.

• Par détournement, on entend plutôt un usage ou un emploi autre que


celui déterminé par le contrat préalable. Le détournement n’est pas
seulement le passage d’un bien du patrimoine de la victime dans celui
du coupable, mais l’acte frauduleux qui empêchera la victime d’exercer
ses droits sur la chose qui lui appartient.
Il n’est alors pas exigé que le délinquant se soit approprié la chose
détournée ou en ait tiré un intérêt personnel quelconque. L’infraction
est réalisée du seul fait du détournement, indépendamment de ses
suites.

L’abus de biens sociaux et l’abus de confiance sont les délits les plus proches du
monde. Ils concernent tous deux un délit d’appropriation illégitime. Mais comme on l’a vu,
les faits d’abus de biens sociaux ne se résument pas seulement à des actes de
détournement ou de dissipation. La simple utilisation ou l’administration des biens
est réprimée. En outre, il est à souligner l’exigence du dol général et du dol spécial :
actes faits dans l’intérêt personnel du délinquant et contraire à l’intérêt social.

B- Les auteurs du délit

L’article 406 du code pénal édicte des sanctions pour quiconque aura
détourné une chose qu’elle a reçue légitimement entre les mains. Au final, cette
personne aura abusé de la confiance que le propriétaire avait en elle. La qualité de
cette personne importe peu. Dans une société de personne, il pourrait être question
du gérant qui aura à sa disposition les biens de la société. Le champ d’application du
délit d’abus de biens sociaux, qui ne prend en compte que les faits du dirigeant
social, est donc plus restreint que celui du délit d’abus de confiance.

73
L’abus de biens sociaux

En outre, la constitution du délit d’abus de confiance repose sur le contrat qui


lie le propriétaire et celui qui est convaincu du délit. Le contrat préalable constitue
donc un élément de l’infraction. La loi précise qu’il faut la violation d’au moins un type
de contrat sur ceux énumérés (« louage, dépôt, mandat ou nantissement, prêt à
usage ou pour un travail salarié ou non »). La détention du bien par le prévenu est
donc légitime car c’est le fruit d’un contrat. L’auteur est de ce fait partie au contrat. Le
propriétaire a remis volontairement le bien entre les mains du délinquant, en
connaissance de cause et dans un but précis. Le propriétaire donne à dépôt ou à
louer le bien car il a confiance. Le fait de détourner le bien de la destination qui a été
convenu constitue le délit d’abus de confiance.

Le texte sur l’abus de biens sociaux ne fait pas expressément référence à un


contrat mais puisque c’est un dirigeant social qui est visé, et ce dans le cadre de ses
fonctions, on évoquera tacitement le mandat qui présupposerait la légitimité de la
gérance des biens sociaux.

Quoi qu’il en soit, si la qualification d’abus de biens sociaux n’est pas retenue
contre le prévenu, l’appel à l’abus de confiance est toujours possible vu l’étendue de
son champ d’application. Autrement dit, lorsque les éléments constitutifs du délit
spécial d’abus de biens sociaux est difficile à réunir, le juge a souvent recours à
l’abus de confiance comme alternative.

Le Code pénal français réprime l’abus de confiance dans les sociétés en nom
collectif en son article l’article 314-1. Quant à la loi malgache c’est l’article 406 du
code pénal qui l’incrimine. L’auteur du délit «…sera puni d’un emprisonnement de
six mois au moins et cinq ans au plus et pourra même l’être d’une amende de
trente six mille Ariary (36.000 Ar) au moins et trois cent soixante mille Ariary
(360.000 Ar) au plus ».

L’action se prescrit par trois ans et commence à courir à partir du jour de la


connaissance des faits constitutifs.

74
L’abus de biens sociaux

En outre, en droit malgache, la tentative d’abus de confiance n’est pas


punissable.

Au-delà de la notion d’abus de confiance, un autre délit, tout aussi proche de


l’abus de biens sociaux doit être mis en exergue pour pouvoir apprécier dans quelle
mesure il y a une différence. C’est le cas de la banqueroute.

La banqueroute peut se traduire de différentes façons mais le cas qui nous


intéresse ici est la banqueroute par détournement d’actif.

Section 2- La banqueroute par détournement d’actif

La société naît, vit et meurt. Il se peut qu’au cours de sa vie, elle rencontre
des difficultés, surtout financières. Des infractions diverses peuvent être perpétrées
durant ces différentes phases de la vie de la société. La période qui nous intéresse
ici est celle où l’entreprise est dans une assez mauvaise posture. Autrement dit, elle
est en difficulté. Le droit pénal est venu réprimer certains agissements qui
menaceraient gravement plusieurs intérêts en cause. Ainsi la loi 2003-042 du 03
septembre 2004 punit les auteurs de faits constitutifs de banqueroute ou d’autres
infractions liées à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des
biens.

Dans cette partie, notre analyse s’articula autours de la banqueroute


frauduleuse par détournement d’actif.

La banqueroute par détournement d’actif est une infraction, à l’image de l’abus


de biens sociaux. Dans le droit français, la notion de banqueroute par détournement
d’actif est prévue par le Code de commerce en son article L.626-6.

75
L’abus de biens sociaux

Nous allons voir dans un premier paragraphe dans quelle mesure les deux
infractions - banqueroute et abus de biens sociaux - diffèrent, puis dans un deuxième
paragraphe nous évoquerons le régime de la banqueroute.

Paragraphe 1- La différence entre abus de biens sociaux et banqueroute par


détournement d’actif

La différence primordiale de la banqueroute par rapport au délit d’abus de


biens sociaux est la situation dans laquelle se trouve l’entreprise victime au moment
des actes répréhensibles. En effet, il ne peut y avoir de délit de banqueroute dans
une société prospère. Le fait de l'ouverture d'une procédure collective peut ouvrir la
voie aux diverses sanctions pénales à l'encontre des dirigeants de droit ou de fait
des sociétés.

A- L’abus de biens dans une entreprise en difficulté

Le mot « banqueroute » vient de l’Italien « banco rotta » qui veut dire « bris
de banc » car auparavant, celui qui en était frappé voyait son banc brisé à
l’Assemblée des marchands. En résumé, c’est un des évènements qui marque la fin
« pathologique » de l’entreprise.

L’infraction de banqueroute se présente de différentes manières. Elle peut être


simple ou frauduleuse selon le droit malgache. Cette distinction n’étant plus
d’actualité en France. Pour le cas de banqueroute par détournement d’actifs, qui fait
partie des cas de banqueroute frauduleuse, la définition est la suivante : « le fait
d’avoir détourné, dissipé ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur ». Le
débiteur dont on parle ici est la société victime.

L’infraction suppose donc un détournement ou une dissipation de l’actif de la


société. A l’image des faits réprimés dans le cadre de l’abus de biens sociaux, tout

76
L’abus de biens sociaux

acte de disposition et d’utilisation des biens est sanctionné. Il en est de même de tout
acte de cession des biens. En principe, il y a similitude des faits avec le délit d’abus
de biens sociaux, notamment, le fait d’utiliser les biens sociaux, de grever le
patrimoine social dans l’intérêt personnel du prévenu, de dissimuler une partie de
l’actif en omettant de déclarer certaines créances…

Les détournements d’actifs constitutifs de cette banqueroute sont faits


seulement après l’ouverture d’une procédure collective. D’où la différence essentielle
avec l’abus de biens sociaux. Les dispositions de la loi sont claires : postérieurement
à la phase de cessation de paiements de l’entreprise, la qualification de banqueroute
est seule acceptée. A contrario, la qualification d’abus de biens sociaux sera
retenue. Seule une personne qui se trouve en état de cessation des paiements peut
être poursuivie pour banqueroute. La cessation des paiements étant déterminée
lorsque le débiteur ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif
disponible.

La jurisprudence retient donc l’élément chronologique pour distinguer l’abus


de biens sociaux de la banqueroute frauduleuse. L’élément constitutif de la
banqueroute est l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du prévenu ou de
la société victime. Le juge devra donc déjà avoir procédé à la liquidation judiciaire
avant de pouvoir parler de la banqueroute.

Très curieusement, l’article 277 de la loi 2004-042 du 3 septembre 2004 sur


les procédures collectives d’apurement du passif dispose que : « une condamnation
pour banqueroute simple ou frauduleuse ou pour délit assimilé à la
banqueroute simple ou frauduleuse peut être prononcée même si la cessation
de paiement n’a pas été constaté par le tribunal de commerce ». Mais il ne faut
pas s’alarmer devant cette seule disposition car le même article ajoute dans son
deuxième alinéa que : « dans ce cas, la cessation de paiement est constatée par
le tribunal correctionnel dans les conditions prévues par la présente loi ». C’est
une compétence d’attribution d’ordre public exceptionnelle car l’ouverture d’une
procédure collective relève essentiellement du tribunal de commerce.

77
L’abus de biens sociaux

En définitive, la banqueroute par détournement d’actifs est à l’image de l’abus


dans le délit d’abus de biens sociaux. Ces délits sont tous deux des délits
instantanés. Cependant, les dispositions législatives concernant l’abus de biens
sociaux exigent expressément l’atteinte à l’intérêt social. Par contre, la banqueroute
semble tout à fait étrangère à cette exigence.

B - L’intérêt social n’est plus remis en cause

La banqueroute est un acte répréhensible uniquement dans une hypothèse de


cessation de paiements dont l’auteur peut être le dirigeant social. Les actes peuvent
se manifester sous la forme de présentation de faux bilan ou de soustraction
frauduleuse, de rémunérations excessives des dirigeants, de vente d’actifs aux
créanciers….

Le prévenu a véritablement la volonté de fraude, une intention coupable, une


mauvaise foi, dans la commission de l’infraction de banqueroute. Les faits sont à
priori simples : actes de détournement et/ou de dissipation. En général, les mêmes
faits réprimés dans le cadre de l’abus de biens sociaux. Les actifs dilapidés après la
cessation de paiements étant la propriété de la personne morale. En d’autres termes
tout acte de disposition sur un élément de patrimoine du débiteur, après cessation
des paiements et en fraude des droits des créanciers. En effet, l’intérêt qui peut être
lésé est celui des créanciers de la personne morale du fait de l’amoindrissement de
leur gage.

Cependant, les dispositions législatives sur la banqueroute ne précisent pas


que la preuve que les faits aient été perpétrés en méconnaissance de l’intérêt social
soit exigée. Ce qui est une différence très marquante avec le délit d’abus de biens
sociaux. Le juge s’arrête sur l’appréciation des détournements d'actifs faits au sein
de l’entreprise en difficulté sans en rechercher les finalités. Donc, ni la poursuite
d’intérêt personnel, ni la méconnaissance de l’intérêt social ne sont à rechercher. La

78
L’abus de biens sociaux

notion d’intérêt social est vide de sens dans le cadre de cette infraction. D’ailleurs,
les dispositions sur la banqueroute n’y fait aucunement référence. Or c’est l’élément
clé sans lequel l’abus de biens sociaux ne serait admis. La seule preuve à apporter
est le caractère personnel de la commission des actes de détournement. Peu
importe le bénéficiaire de l’acte, que se soit le prévenu ou une autre personne
physique ou morale.

En principe, l’infraction de banqueroute concerne non seulement le


commerçant mais aussi les professions libérales. En France, elle a été étendue à
l’artisan ou l’agriculteur, distinguo, avec le délit d’abus de biens sociaux. Mais elle
concerne aussi « les personnes physiques dirigeantes de personnes morales
assujetties à des procédures collectives ; les personnes physiques
représentants permanents de personnes morale dirigeantes... ». Il s’agira « de
tout dirigeant de droit ou de fait et, d’une manière générale, de toute personne
ayant directement ou par personne interposée, administré, géré ou liquidé la
personne morale sous le couvert ou aux lieu et place de ses représentants
légaux ». (Article 264 de la loi 2003-042 sur les procédures collectives d’apurement
du passif).

La détermination de l’auteur est incontournable pour constituer l’infraction.


Mais aussi, il est nécessaire, sinon primordial de déterminer les faits de
détournement de biens effectués par le dirigeant social.

La juridiction pénale est saisie soit sur poursuite du ministère public,


soit après constitution de partie civile de la part des personnes y ayant intérêt.
Lorsque le Procureur de la République est saisi pour des faits de banqueroute, il ne
constate pas la cessation de paiements mais il informe le tribunal commercial pour
qu’il se saisisse d’office en ce sens. Le tribunal pénal est donc lié par la décision du
tribunal commercial.

79
L’abus de biens sociaux

La différenciation entre banqueroute et abus de biens sociaux est essentielle


car une personne ne peut être poursuivie en même temps des deux délits. Autrement
dit, les deux délits ne peuvent cumuler : c’est la règle du « non bis in idem ».

Paragraphe 2 – Le régime de la banqueroute

Cette partie traitera des sanctions de la banqueroute (A) et du régime de la


tentative et de la complicité (B).

A- Les sanctions

Les peines principales de ce délit sont l’emprisonnement et l’amende.

En droit français, il est prescrit un emprisonnement de cinq (5) ans et deux


cent soixante quinze mille Euros (275 000 €) d’amende.

En droit malgache, c’est l’article 258 de la loi 2003-042 du 3 septembre 2004


sur les procédures collectives d’apurement du passif qui précise les sanctions. Etant
qualifiée de banqueroutiers frauduleux, les personnes convaincues de banqueroute
par détournement d’actif sont sanctionnées d’« emprisonnement de deux (2) ans à
cinq (5) ans et d’une amende de deux millions (2.000.000 Ar) à vingt millions
(20.000.000 Ar) d’Ariary ou de l’une de ces deux peines seulement ».

B- La tentative et la complicité

La tentative de banqueroute par détournement d’actif n’est pas réprimée


puisque cela n’a pas été formulé expressément par la loi.

80
L’abus de biens sociaux

Complices comme auteurs peuvent être poursuivis du chef de banqueroute


frauduleuse. Comme dans l’abus de biens sociaux, il n’est pas exigé que les
complices aient une qualité ou fonction distincte. Les complices de banqueroute,
quelle que soit leur situation et quelle que soit leur activité en droit ou en fait,
encourent les mêmes peines que les auteurs principaux. Dès lors qu’il est prouvé
qu’ils ont facilité la commission de l’infraction, ils peuvent être poursuivis.

81
L’abus de biens sociaux

CONCLUSION FINALE

Pour conclure, le délit d’abus de biens sociaux est un délit très particulier. Il
est énoncé par la loi de façon générale et est sujet à plusieurs applications
jurisprudentielles très nuancées. Le mot clé est « l’intérêt social ». Les actes
litigieux reprochés au dirigeant social sont, dit-on, contraires à l’intérêt social.
Puisqu’aucune définition législative ne le détermine, les juges s’empressent d’en
apprécier le contenu qui est toujours variable selon le cas d’espèce. C’est sans doute
cette difficulté qui retiendrait le législateur de faire le sacre législatif de la notion.
Dans l’état actuel de la jurisprudence, les décisions sont parfois imprévisibles, voire
incompréhensibles. Certaines fois, lorsqu’on ne s’y attend pas, l’abus est constitué,
certaines fois, non. Parfois, les limites sont très subtiles. « Dans quels cas l’intérêt
social sera-t-il lésé et dans quels cas ne le sera-t-il pas ? » Le juge pénal est le
maître en la matière. Il juge celui qui va en enfer et celui qui, par contre rencontrera
Saint Pierre.

Au surplus, on peut maintenant affirmer sans aucune hésitation qu’en


présence d’un groupe de société et sous certaines conditions, le droit positif infléchit
les règles réprimant le délit d’abus de biens sociaux. Désormais, l’entraide familiale
est admise au sein des sociétés membres d’un groupe et n’est pas constitutive
d’abus de biens sociaux. Cette solution est d’autant plus importante car elle n’a
qu’une valeur jurisprudentielle, d’où la diversité surprenante des interprétations. La
notion d’intérêt du groupe est encore venue ajouter une nouvelle difficulté, non
seulement pour le dirigeant mais aussi pour le législateur quant à son interprétation.
« Dans quels cas l’intérêt du groupe sera-t-il un fait justificatif et dans quels
cas ne le sera-t-il pas ? »

82
L’abus de biens sociaux

La seule solution, pour prétendre à une jurisprudence « uniforme » est de


légiférer sur les mots flous et les mots clés du délit d’abus de biens sociaux dans une
société isolée et dans le groupe de sociétés afin de limiter la marge de manœuvre du
juge. Il faut que les périmètres et les pourtours du délit d’abus de confiance soient
clarifiés pour limiter les interprétations qui sont trop contradictoires. Ainsi, le juge
pourra asseoir sa décision sur des bases légales. Serait-ce trop demander ?

Ceci étant, une nouvelle notion, à ne pas négliger nous vient des Etats Unis
d’Amérique : le gouvernement d’entreprise ou le « corporate governance ». Elle est
une perspective dans le délit d’abus de biens sociaux. Ce système ébranlerait toutes
les théories sur l’intérêt social qui étaient admises jusqu’ici. Dans cette optique, à
l’intérêt social se substituerait l’intérêt des actionnaires de la société. Au lieu de
chercher dans quelle mesure il y aurait atteinte à l’intérêt social, il faut mettre sur un
« piédestal » l’intérêt des actionnaires. Ainsi la liberté des juges serait réduite, ainsi
nos préoccupations seraient vaines. Mais cette notion nous semble encore
incompatible à notre droit.

En définitive, les nombreux contrôles au sein des sociétés devraient être


intensifiés, surtout au niveau des organes externes ; car ceux-ci ne manqueront pas
de rendre l’abus de biens sociaux difficile à commettre. Ainsi, il faudrait réviser la
dépénalisation effectuée au niveau de la loi sur les sociétés commerciales, surtout
concernant le délit de non révélation de faits délictueux, avec toutefois des précisions
quant à sa mise en œuvre.

83
ANNEXE I

I
Cour de Cassation
Chambre Criminelle
Audience publique du lundi 4 février 1985
N° de pourvoi: 84-91581

Pdt. M. Escande faisant fonctions, Président


Rapp. M. Le Gunehec, conseiller rapporteur
Av.Gén. M. Rabut, avocat général
Av. demandeur : SCP Lyon-Caen Fabiani Liard, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Statuant sur les pourvois formés par :


- X... Marc,
- Y... William,

Contre l'arrêt de la 9ème Chambre de la Cour d’Appel de Paris, en date du 14 février


1984, qui les a condamnés, le premier à trente mois d'emprisonnement avec sursis
et cinquante mille francs d'amende, pour abus de biens sociaux et abus de crédit, le
second, pour complicité de ces délits, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis
et vingt mille francs d'amende ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de Cassation, présenté par X..., pris de la violation des articles
425-4 et 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du code de procédure pénale, défaut
de motifs et de réponse a conclusions, manque de base légale,

" En ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'abus de biens sociaux pour avoir
fait consentir par certaines sociétés des concours financiers à d'autres sociétés dans
lesquelles il était intéressé ;

Aux motifs qu'il n'existait pas de lien logique minimal entre les sociétés ayant fait les
avances ou apporter leur caution et celles en ayant bénéficie, les unes ayant pour
objet la construction ou la promotion immobilière, les autres l'exploitation de fonds de
commerce divers ;

Que les concours financiers litigieux ne contribuaient pas à la réalisation de la finalité


générale de l'ensemble des sociétés mais assuraient dans le seul intérêt des
dirigeants la survie des sociétés bénéficiaires ;

Qu'il n'existait aucune structure juridique de nature à caractériser l'existence d'un


groupe ;

II
Alors que, d'une part, un groupe de sociétés existe dès lors que les sociétés
composantes sont unies par un lien de dépendance les mettant, en fait, sous le co-
contrôle d'une direction unique ;

Que, en refusant d'admettre en l'espèce l'existence d'un groupe dirigé par le prévenu
pouvant justifier les concours financiers reprochés au motif qu'il n'existait pas de lien
logique minimal entre les activités des sociétés groupées, la Cour d’Appel, qui ne
constate par ailleurs que toutes les sociétés concernées dépendaient d'une même
société contrôlée par le prévenu, n'a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations ;

" alors que, d'autre part, ne s'expliquant pas autrement que par une affirmation
gratuite sur l'intérêt qu'avait personnellement le prévenu dans la survie des sociétés
bénéficiaires des avances, la Cour d’Appel n'a pas mis la Cour de Cassation en
mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision ;

" et sur le premier moyen de cassation présenté par Y..., pris de la violation des
articles 59 et 60 du code pénal, 437-3 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a, pour entrer en condamnation, considéré que l'ensemble
des sociétés du " groupe X... « ne constituait pas un groupe de sociétés » ;

" aux motifs qu'à défaut d'une complémentarité directe ou étroite entre les objets des
diverses sociétés réputées constituer le groupe, il est toutefois indispensable que soit
constaté dans les activités de ses composantes un lien logique minimal, en vue de la
réalisation selon une stratégie bien définie au préalable, d'un objectif économique
commun, profitable a l'ensemble et, par la même, à chacun de ses éléments mis
dans une structure juridique, financière et économique suffisamment précise et
apparente pour faire ressortir une véritable entité ;

Qu’en outre, les concours financiers doivent contribuer à la réalisation de la finalité


générale de l'ensemble et non intervenir dans le seul intérêt personnel des dirigeants
ou de quelques-uns d'entre eux ;

Qu’en l'espèce, ces conditions ne sont pas réunies ;

" Alors qu'en matière pénale le groupe de sociétés suppose la mise en œuvre d'un
certain nombre de moyens, sous une direction financière unique ;

Qu’il n'est pas nécessaire, au surplus, que soit constatée l'identité d'objet, laquelle
est étrangère à la notion de groupe qui implique le simple effacement de la
personnalité morale des sociétés dans un but financier unique ;

Qu’il s'ensuit qu'en faisant état de l'absence d'identité d'objet pour admettre
l'existence d'un groupe, la Cour d'Appel a méconnu le critère de la notion de groupe
en droit répressif ;

III
" Les moyens réunis ;

attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que marc x..., en sa qualité de dirigeant de fait
de la sa SERIMO et des SARL AFICO, SIVIM, DISCALP, MAFICO, POULIQUEN &
ROUSSEL, et SOGETH et celle d'Administrateur de sa compagnie de participation et
de gestion financière CPGFA, a été poursuivi du chef d'abus des biens et du crédit
de ces sociétés, William Y... l'étant, pour sa part, du même chef, à raison de sa
qualité de gérant des SARL AFICO et SIVIM, de dirigeant de fait des SARL
DISCALP, MAFICO, POULIQUEN & ROUSSEL, et SOGETH, et de président du
conseil d'administration de sa CPGF ;

qu'il leur est reproché, essentiellement, d'avoir utilisé des fonds provenant de ces
diverses sociétés, dont l'activité était limitée à la promotion ou à la construction
immobilière, afin d'assurer, souvent par l'intermédiaire de la CPGF, la trésorerie
d'entreprises purement commerciales dans lesquelles ils possédaient une
participation personnelle importante ou dont ils assuraient la direction de fait, telles
les SARL meubles ALFA, chaussures SAFARI, Gloria voyages, coiffure Promotion
ou Pro-service Imprimerie Minute, et ce, pour un montant total de plus de 11 500 000
francs entre 1977 et 1980 ;

Attendu que les prévenus, qui ne contestent pas la matérialité de ces transferts de
fonds, ont fait développer, devant le Tribunal et la Cour d'Appel, des conclusions,
reprises aux moyens, selon lesquelles les opérations réputées frauduleuses par la
poursuite auraient été justifiées par l'existence, entre les diverses sociétés du "
groupe X... ", d'une unité économique et financière fortement structurée, reposant sur
des bases non artificielles, et exclusive du délit d'abus des biens ou du crédit d'une
société ;

attendu que la Cour d'Appel, pour rejeter ces conclusions et déclarer établies les
infractions poursuivies-en requalifiant toutefois, à l'égard de William Y..., la
prévention initiale en celle de complicité des faits commis par Marc X...- constate,
comme les premiers juges, qu'il n'existait aucun lien véritable entre les sociétés ayant
pour objet la construction ou la promotion immobilière, créées de 1964 a 1978, et
celles dont les prévenus prirent le contrôle à partir de 1977, ayant pour objet
l'exploitation de fonds de commerce divers, " ces dernières ayant bénéficié, sans
aucune convention et selon les impératifs du moment, de concours financiers ou
d'engagements de caution de la part des précédentes " ;

Que, selon l'arrêt, les avances de trésorerie des premières sociétés n'ont pu être
consenties que par le recours à des emprunts à court terme ou à des découverts
bancaires, aucune d'elles ne disposant de fonds propres suffisants, certaines d'entre
elles omettant de manière délibérée de satisfaire a leurs obligations fiscales ou
envers l'URSSAF et quelques-unes, telles les sociétés MAFICO et SERIMO, ayant
perdu les trois quarts, sinon la totalité, de leur capital social ;

Qu'en outre, en dehors de la seule circonstance que Marc X... était, de droit ou de
fait, à la tête des sociétés concernées, il n'existait aucune structure juridique de
nature à caractériser l'existence d'un groupe, celui-ci ne pouvant résulter de la tenue,
par les mêmes préposés du prévenu, des documents comptables afférents a
chacune des sociétés ;

IV
qu'enfin, énoncent les juges, les prélèvements opérés par les prévenus dans les
trésoreries sociales, à des fins personnelles, contraires a l'intérêt des sociétés dont
les deniers ont été frauduleusement appréhendés, sont dépourvus de toute
justification et " loin de traduire la mise en œuvre d'une politique financière et
économique murement délibérée en vue de la réalisation d'un objectif commun
précis ", de tels agissements ne sont, en fait, que " l'expression du seul souci des
dirigeants d'assurer, coute que coute, dans leur seul intérêt, la survie des sociétés
bénéficiaires des transferts de fonds ou des engagements de caution imposés à des
sociétés exsangues " ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, les juges, qui ont répondu comme ils le devaient
aux conclusions dont ils étaient saisis, ont donné, sans insuffisance ni contradiction,
une base légale a leur décision ;

qu'en effet, pour échapper aux prévisions des articles 425 (4°) et 437 (3°) de la loi du
24 juillet 1966, le concours financier apporté, par les dirigeants de fait ou de
droit d'une société, à une autre entreprise d'un même groupe dans laquelle ils
sont intéressés directement ou indirectement, doit être dicté par un intérêt
économique, social ou financier commun, apprécié au regard d'une politique
élaborée pour l'ensemble de ce groupe, et ne doit ni être démuni de
contrepartie ou rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des
diverses sociétés concernées, ni excéder les possibilités financières de celle
qui en supporte la charge ;

Que tel n'étant pas le cas en l'espèce, les moyens réunis doivent être écartés ;

sur les deuxième et troisième moyens de cassation propres a William Y... et pris, le
deuxième de la violation des articles 59, 60 du code pénal, 425-4, 437-3, 463 de la
loi du 24 juillet 1966, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de
base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a requalifié la prévention et déclare le demandeur


coupable de complicité par aide et assistance dans les agissements délictueux
retenus a la charge de X... ;

" Alors que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les
faits relevés par l'ordonnance ou par la citation qui les a saisis ;

qu'en l'espèce, le demandeur a été renvoyé devant le Tribunal Correctionnel pour


avoir a Paris, de 1977 a 1980, étant gérant de la Société A Responsabilité Limitée
AFICO, vice-président du conseil de surveillance de la société SERIMO, gérant de la
Société A Responsabilité Limitée SIVIM et dirigeant de fait des sociétés DISALP,
MAFICO, POULIQUEN et ROUSSEL et SOGETH, de mauvaise foi, fait des biens et
du crédit de ces sociétés un usage qu'il savait contraire a l'intérêt de celles-ci, a des
fins personnelles et pour favoriser d'autres sociétés dans lesquelles il était intéressé
directement ou indirectement, a savoir la société G. P. G. F. et les sociétés dites du
secteur commercial ;

que le demandeur a été reconnu coupable du délit d'abus de biens sociaux, que sur
Appel du prévenu et du Ministère Public, la Cour d'Appel qui a requalifié les faits

V
relevés par la prévention en déclarant le demandeur coupable de complicité par aide
et assistance dans les agissements délictueux retenus à la charge du demandeur
sans constater que le prévenu ait accepté d'être jugé sur cette nouvelle infraction
distincte de celle visée par la prévention, la Cour ajoute aux faits de la poursuite et
ainsi excède ses pouvoirs ;

sur le troisième moyen de Cassation, pris de la violation des articles 59 et 60 du code


pénal, 425-4, 437-3, 463 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale,

" En ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de complicité par aide et
assistance dans les agissements délictueux retenus à la charge de X... ;

" aux motifs qu'il apparait à l'évidence que Y... était conseiller juridique, qu'il est
nécessairement intervenu dans la construction des mécanismes juridiques qui ont
été le support indispensable des décisions de transfert ou de prélèvement de fonds
et d'engagement de caution, arrêtées par X... ;

que ceci est corroboré par les diverses déclarations de Y... devant le magistrat
instructeur, notamment celle du 31 mars 1981, par laquelle, tout en cherchant a
minimiser sa responsabilité pénale, il a précisé " finalement, mon rôle consistait à
mettre en forme les décisions que X... prenait seul ", que par là, il a par aide et
assistance, concouru à la réalisation des abus de biens ou de crédit que la Cour a
retenus à la charge de X... ;

Que la connaissance qu'avait Y... des infractions commises par X... résulte du
caractère du lien noué entre ces deux prévenus ;

" Alors que, d'une part, la complicité suppose et l'aide et l'assistance effective à des
actes délictueux ;

Qu’en l'espèce, en se bornant à faire état de la qualité de conseil juridique du


prévenu, sans aucunement caractériser sa participation active et directe prêtée a
l'auteur principal, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" alors, d'autre part, que la Cour d'Appel qui laisse incertain le point de savoir si l'aide
ou l'assistance prêtée à l'auteur principal, a été antérieure, concomitante ou
postérieure a l'infraction, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

" Alors, enfin, que l'élément fondamental de la complicité est l'intention coupable ;

Que la Cour qui se borne à faire état de la prétendue connaissance que pouvait avoir
l'intéressé du comportement délictueux de l'auteur principal n'a pas davantage donné
de base légale à sa décision ;

" Les moyens étant réunis ;

attendu que, pour requalifier en complicité des abus de biens et de crédit commis par
X... les faits dont Y... avait été déclaré co-auteur par les premiers juges, dans les
termes de la prévention, l'arrêt attaqué constate que la fonction de " conseiller

VI
juridique et non financier ", telle que la revendique le prévenu, " implique qu'il est
nécessairement intervenu dans la construction des mécanismes juridiques qui ont
été le support indispensable des décisions de transferts ou de prélèvement de fonds
et d'engagement de caution arrêtes par X... " ;

que la Cour d'Appel, qui relève en outre la déclaration de Y... selon laquelle son rôle
" consistait à mettre en forme les décisions que X... prenait seul ", ainsi que le
caractère frauduleux des relations entre les deux prévenus, d'où résulte la
connaissance, par le premier, des infractions commises par le second, énonce que
Y... a ainsi, par aide et assistance, concouru à la réalisation des abus de biens ou de
crédit retenus a la charge de X... ;

Attendu qu'en prononçant comme ils l'ont fait, alors que la peine encourue par le
complice d'un délit est identique à celle prévue pour l'auteur principal, les juges n'ont
méconnu aucun des textes visés aux moyens ;

Que, dès lors, ceux-ci ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette les pourvois

VII
ANNEXE II

VIII
Cour de cassation
Chambre Criminelle
Audience publique du samedi 24 avril 1971
N° de pourvoi: 69-93249
Publié au bulletin Irrecevabilité

PDT M. Rolland, Président


RPR M. Gagne, conseiller rapporteur
AV.GEN. M. Reliquet, avocat général
Demandeur AV. M. Garaud, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Irrecevabilité du pourvoi de :

1° X... agissant en sa qualité de Président-Directeur Général de la société


MALESSET ;

2° les établissements SERVE, parties civiles, contre un arrêt de la Cour d’Appel de


Riom, en date du 19 novembre 1969, qui a relaxé Y... et les époux Z..., prévenus
d'abus de biens sociaux et déboutés les parties civiles de leurs demandes la Cour,
vu les mémoires produits ;

Sur la recevabilité du pourvoi ;

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que le délit d'abus des biens ou du crédit d'une société ne cause de
préjudice direct qu'à la société elle-même et à ses actionnaires ;

que les créanciers de la société ne peuvent souffrir à raison de cette infraction


que d'un préjudice qui, à le supposer établi, serait indirect et dont la
réparation, dès lors, ne pourrait être demandée qu'aux juridictions civiles,
l'action civile devant les tribunaux répressifs étant un droit exceptionnel qui,
en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées
par lés articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que Y..., Président-Directeur Général de la Société Anonyme LAMEX, ainsi


que Z... et la dame A..., épouse Z..., Administrateurs de cette société, étaient
prévenus notamment d'abus des biens et du crédit de la société LAMEX ;

Que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus de ce chef de la prévention ;

IX
Que la Cour d’Appel, constatant que l'action de la société MALESSET et des
établissements SERVE, parties civiles, était uniquement fondée sur le délit d'abus de
biens sociaux, a, en raison de la relaxe intervenue, déboute les parties civiles de
leurs demandes ;

attendu qu'il ressort des conclusions régulièrement déposées par ces parties civiles
devant la Cour d’Appel qu'elles n'agissaient qu'en tant que créancières de la société
LAMEX, à raison du préjudice que leur aurait causé l'abus de biens sociaux qu'elles
prétendaient avoir été commis par les prévenus ;

Attendu que ce préjudice étant indirect, il s'ensuit que les constitutions de partie civile
des demandeurs qui ne répondaient pas aux exigences conjuguées des articles 2 et
3 du code de procédure pénale étaient irrecevables et auraient du être déclarées
telles ;

Que, dès lors, leur pourvoi est, lui-même, irrecevable ;

par ces motifs : déclare le pourvoi non recevable

X
Bibliographie

1) Ouvrages

• Aline ATIBACK « L’abus de biens sociaux dans le groupe de


sociétés » édition l’Harmattan, 2007
• Maurice COZIAN et Alain VIANDIER « Droit des sociétés » 10ème
édition Litec, 1997
• Wilfrid JEANDIDIER « droit pénal des affaires », 3ème édition Dalloz,
1998
• Honoré RAKOTOMANANA « Le droit pénal malgache des affaires »
édition JURID’IKA, juillet 2008.
• Jean Marie ROBERT « Le droit pénal des affaires » 1ère édition PUF,
1976, collection Que sais-je ?, 1976.
• Xavier SEUX- BAVAREZ « Droit des sociétés », 3ème édition Gualino
éditeur, collection Les Zoom’s, 2003

• Juris compact « Le dirigeant de société, risques &


responsabilités ». Juris classeur ; Groupe LexisNexis, édition 2002

2) Traités

• Georges RIPERT et René ROBLOT « Traité de droit commercial »


tome I, 15ème édition LGDJ par Michel Germain 1976
• Georges RIPERT et René ROBLOT « Traité de droit commercial »
tome II, 16ème édition LGDJ par Philippe DELEBEQUE et Michel
Germain, 1996
3)

XI
Codes

• Code pénal malgache


• Code pénal français
• Code de commerce français

4) Textes de lois

• Loi française n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales


• Loi malgache 2001- 026 du 31 octobre 2001 sur le contrat de société et
la société civile
• Loi 2003-036 du 30 janvier 2004 sur les sociétés commerciales
• Loi malgache 2003-042 du 3 septembre 2004 sur les procédures
collectives d’apurement du passif.
• Décret 2004-453 du 06 juin 2004, décret d’application de la Loi 2003-
036 du 30 janvier 2004 sur les sociétés commerciales

Webographie

• www.legifrance.gouv.fr
• www.courdecassation.fr
• www.juris-classeur.com
• www.creda.ccip.fr

XII
TABLE DES MATIERES

Pages

Titre

Remerciements .i

Sommaire .ii

Résumé exécutif .iii

INTRODUCTION 1

Partie 1- Le délinquant potentiel : le dirigeant social 6

Chapitre 1- Autour du dirigeant social 7

Section 1- La gestion de la société en bon père de famille 7

Paragraphe 1- Le dirigeant, mandataire social 9

A- Les auteurs principaux du délit d’abus de biens sociaux 10

B- Les cas de complicité et de tentative 13


1- La complicité 13
2- La tentative 15

Paragraphe 2- Le dirigeant de fait 15

A- Définition 15

B- La responsabilité du dirigeant de fait 16

Section 2- Les droits du dirigeant 17

Paragraphe 1-Les droits et obligations inhérents à son statut 17

Paragraphe 2- La rétribution du dirigeant social 19

A- La possibilité d’un mandat non rémunéré 20

XIII
B- Le problème des rémunérations excessives 20

Chapitre 2- Le contrôle des actes du dirigeant 22

Section 1 - Les attributs des associés et actionnaires 23

Paragraphe 1- Le droit d’information et de communication 24

Paragraphe 2-La nécessité de l’autorisation et du contrôle des 26


associés pour certains actes

Section 2- Les missions du commissaire aux comptes 28

Pargraphe1- La nomination du commissaire aux comptes 28

Paragraphe 2- Les missions proprement dites 30

A- L’obligation de vérification des comptes annuels 30

B- L’obligation de révélation des actes délictueux 32

Conclusion partielle 34

Partie 2- La violation du mandat social : L’abus de biens 35


sociaux

Chapitre 1- La caractéristique du délit : la confusion de patrimoine 36

Section 1- L’abus de biens sociaux, deux intérêts en conflit 36

Paragraphe 1- La primauté de l’intérêt personnel du dirigeant sur 36


l’intérêt social

A- L’usage abusif des biens de la société 38

B- L’usage à des fins personnelles 40

Paragraphe 2- Le patrimoine de la société, le pouvoir et les voix 42

A- Les biens 43

XIV
B- Le crédit 44

C- Le pouvoir 44

D- Les voix 45

Section 2- L’impossible définition de la notion d’intérêt social 47

Paragraphe 1- La problématique de l’intérêt du groupe 48

A- Notion de groupe de société 50

B- Le délit d’abus de biens sociaux et groupe de sociétés 53


1- L’intérêt du groupe mis en exergue 53
2- L’exigence de contrepartie 55
a- La contrepartie matérielle 56
b- La contrepartie immatérielle 56
3- La rupture d’équilibre 56
Paragraphe 2- La particularité du délit d’abus de biens sociaux 57

A- Le risque abusif d’atteinte au patrimoine social 57


1- En quoi consiste le risque ? 58
2- Les applications pratiques 59
a-Un autre aspect de l’intérêt social : un usage du 59
patrimoine social pour la commission d’une infraction
b-L’approbation ou le quitus de l’assemblée générale 61
inopérant

B- Le délai de prescription du délit quasi indéfini 62

C- La répression du délit 66
1- L’action 66
a- L’action publique 66
b- L’action civile 66
2- Les sanctions 68

Chapitre 2- Appréciation comparative de l’abus de biens sociaux et 70


des délits proches

Section 1- L’abus de confiance 71

Paragraphe 1- La nécessité d’un détournement abusif 71

XV
Paragraphe 2- La particularité de l’abus de confiance au regard de 72
l’abus de biens sociaux

A- L’objet du délit 72

B- Les auteurs du délit 73

Section 2- La banqueroute par détournement d’actif 75

Paragraphe 1- La différence entre abus de biens sociaux et 76


banqueroute par détournement d’actif

A – L’abus de biens dans une entreprise en difficulté 76

B - L’intérêt social n’est plus remis en cause 78

Paragraphe 2 – Le régime de la banqueroute 80

A- Les sanctions 80

B- La tentative et la complicité 80

CONCLUSION FINALE 82

Annexe I I

Annexe II VII

Bibliographie et webographie XI

Table des matières XIII

XVI

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