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Dr BAMBA Salikou

(Maître-Assistant)

HISTOIRE DE L’ART 2 (ARCHI 238)


NIVEAU : LICENCE 2

L’ART EN OCCIDENT
DEPUIS LE DÉBUT DU XXème SIÈCLE

Année académique : 2020-2021


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2
Dr BAMBA Salikou
(Maître-Assistant)

HISTOIRE DE L’ART 2 (ARCHI 238)


NIVEAU : LICENCE 2

L’ART EN OCCIDENT
DEPUIS LE DÉBUT DU XXème SIÈCLE

Année académique : 2020-2021


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HISTOIRE DE L’ART 2 (ARCHI 238)
NIVEAU : LICENCE 2

L’ART EN OCCIDENT
DEPUIS LE DÉBUT DU XXème SIÈCLE

4
SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE .............................................................................................. 6


I- LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR .............................................................................. 8
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 9
1.1- L’EXPRESSIONNISME ...................................................................................................... 9
1.2- LE FAUVISME .................................................................................................................... 14
CONCLUSION ............................................................................................................................ 16
II- LA RÉVOLUTION DE LA FORME.................................................................................. 19
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 20
2.1- LE CUBISME ....................................................................................................................... 20
2.2- LE FUTURISME .................................................................................................................. 26
2.3- L’ART ABSTRAIT .............................................................................................................. 32
CONCLUSION ............................................................................................................................ 44
III- LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE .................................................................................................. 45
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 46
3.1- LE MOUVEMENT DADA .................................................................................................. 46
3.2- LE SURRÉALISME ............................................................................................................. 51
CONCLUSION ............................................................................................................................ 58
IV- L’ART CONTEMPORAIN ................................................................................................ 59
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 60
4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART .................................................................................... 60
4.2- LE POP ART ........................................................................................................................ 68
4.3- L’HYPERRÉALISME .......................................................................................................... 73
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES ................................................................... 78
CONCLUSION ............................................................................................................................ 84
V- LECTURE D’ŒUVRE D’ART : APPROCHE
ICONOLOGIQUE ..................................................................................................................... 85
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 86
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE ........................................... 87
5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART ........................................................................................ 88
5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE ICONOLOGIQUE ........................ 93
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART ................................................................ 96
CONCLUSION ............................................................................................................................ 108
CONCLUSION GÉNÉRALE ................................................................................................... 109
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................... 111
TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................................. 112
TABLE DES MATIÈRES ......................................................................................................... 115

5
INTRODUCTION GÉNÉRALE

6
L’histoire de l’art n’obéissait jusqu’à une date récente qu’à la doctrine
évolutionniste. Elle ne s’attachait qu’aux progrès réalisés dans la manière de
rendre la nature avec autant de vérité que possible. On croyait que l’humanité
avait besoin de milliers d’années pour arriver à dessiner correctement d’après
nature. On se souciait beaucoup moins de la volonté créatrice. Or, c’est de ce
côté que s’orientent, aujourd’hui plus que jamais, les études sur l’art.

L’école historico-culturelle, à l’encontre des doctrinaires évolutionnistes,


admet plutôt des variétés innombrables dans l’histoire de l’art qu’une évolution
enfermée dans une formule.

Les formes plastiques que proposent les artistes occidentaux dès le début
du XXème siècle corroborent les thèses des partisans de l’école historico-
culturelle. En effet, le XXème siècle s’ouvre avec l’éclatement des codes
traditionnels hérités de la Renaissance et jusqu’alors conservés dans leur
ensemble. L’art se renouvelle et toutes les formes d’expression deviennent
possibles.

Par ailleurs, le XXème siècle est celui de la mondialisation des échanges, en


particulier, des échanges culturels : ainsi, par exemple Pablo Picasso dépasse les
frontières européennes, comme les arts africains dépassent celles du continent
noir, et Andy Warhol et Jackson Pollock, celles de l’Amérique.

On assiste au XXème siècle à plusieurs révolutions au niveau du fait


artistique : d’abord la révolution de la couleur initiée par l’Expressionnisme et le
Fauvisme dès le début du siècle, ensuite celle de la forme sur l’instigation des
cubistes, des futuristes et des adeptes de l’Art abstrait, enfin celle du processus
même de la création plastique avec le mouvement Dada et le Surréalisme.

La seconde moitié du siècle voit l’éclosion de nouvelles formes plastiques


avec de nouveaux systèmes de création plastique notamment avec l’Art cinétique
et l’Op Art, le Pop Art, l’Hyperréalisme et autres mouvements et tendances.

7
I

LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR

8
INTRODUCTION

Le début du XXème siècle coïncide avec celui de l’art moderne. Il est


marqué par une première grande révolution : celle menée au niveau de la
couleur avec l’Expressionnisme et le Fauvisme. Ces deux mouvements vont
donner à la couleur ses lettres de noblesse en en faisant un sujet de
représentation en soi.

1.1- L’EXPRESSIONNISME

1.1.1- Définition et historique


L’Expressionnisme est un mouvement littéraire mais aussi et surtout
pictural et cinématographique. Il naît en Allemagne vers 1910 et se démarque
nettement de l’Impressionnisme. D’une part, il se refuse à reproduire le réel et,
d’autre part, cherche à s’éloigner de la logique et du rationalisme. Lotte Eisner,
paraphrasant Casimir Edschmid, théoricien du mouvement, écrit :
« L’Expressionisme réagit contre le dépècement atomique de l’Impressionnisme
qui reflète les chatoyantes équivoques de la nature, sa diversité inquiétante, ses
nuances éphémères ; il lutte en même temps contre la décalcomanie bourgeoise du
naturalisme et contre le but mesquin que poursuit celui-ci de photographier la
nature ou la vie quotidienne. Le monde est là, il serait absurde de le reproduire tel
quel, purement et simplement. L’homme a cessé d’être un individu lié à un devoir,
à une morale, à une famille, à une société ; la vie de l’Expressionnisme échappe à
toute logique mesquine et au ressort des causalités ». (Les Arts, Paris, Centre
d’Étude et de Promotion de la Lecture, 1978, p. 215-216).

À l’instar du Futurisme et du Surréalisme, l’Expressionnisme illustre


l’angoisse qui se fait jour un peu partout en Europe entre 1910 et 1930.
L’Expressionnisme pictural révèle volontairement l’anxiété, extériorise une
réalité intérieure violente. Il se démarque des écoles de Paris et de toute la
tradition latine. Allemand et scandinave, il est un art nordique. Wilheim
Worringer dépeint le peintre expressionniste en avançant que pour celui-ci :
« Tout devient bizarre et fantastique. Derrière l’apparence visible d’une chose
rode sa caricature, derrière l’absence de vie d’une autre, une vie spectrale et
inquiétante et, de la sorte, toutes choses réelles deviennent grotesques ». (Ibid. p.
216).

Les artistes expressionnistes sont des individus isolés, en revanche, ils se


sont organisés dans certains centres : le premier groupe, die Brücke (Le Pont),
s’est constitué à Dresde en 1905, et le second, der Blaue Reiter (Le Cavalier
bleu) à Munich en 1911.

9
À l’origine de cette tendance artistique, il y a d’une part la révolte. En
effet, comme dans tous les mouvements d’avant-garde, on veut détruire une
esthétique passéiste considérée comme dépassée et pourtant toujours présente
dans les salons. Il y a d’autre part un esprit nouveau qui rejoint les
préoccupations symbolistes à travers les thèmes : le nu dans la nature, le rejet de
la ville oppressante et tentaculaire, la société hypocrite et son absence de
communication, etc. Il y a aussi et surtout la découverte des arts d’Afrique et
d’Océanie dans lesquels les artistes pensent trouver l’élan pur et primitif qu’ils
recherchent. Par ailleurs, le peintre norvégien Edvard Munch et sa peinture
angoissée, le Hollandais Vincent Van Gogh et sa touche passionnée, sont pour
eux des précurseurs, des pionniers.

Face aux tracasseries du pouvoir nazi qui voyait en eux les germes d’une
« dégénérescence », de nombreux artistes partent pour les Etats-Unis et c’est
l’interruption de l’Expressionnisme allemand, à partir de l’année 1925.

1.1.2- Caractéristiques

Du point de vue thématique, la peinture expressionniste reflète un monde


en crise. En effet les artistes expriment sans gêne la misère physique et morale,
l’érotisme et la mort. Ils peignent des sujets mystiques et, comme nous l’avons
dit plus haut, le nu dans la nature, le rejet de la ville oppressante et tentaculaire,
la société hypocrite, etc. Ils accordent la primauté au visage et négligent l’objet.
Quant à la technique expressionniste, elle consiste en l’organisation de la
surface à peindre en laissant souvent le support apparent. Les personnages sont
disposés au premier plan dans une composition fondée sur le contraste des
formes et des couleurs. Certains éléments anatomiques sont volontairement
caricaturés, exagérés pour mettre en évidence le drame. Les cernes délimitent les
formes et les arabesques accentuent l’émotion. Les couleurs violentes et les tons
salis sont dominés par le noir et le rouge. Les touches de pinceau sont
apparentes à travers des traces empâtées et rugueuses.
Les expressionnistes affectionnent aussi la gravure sur bois fondée sur des
procédés à base de traits modulés et très contrastés, sombres et torturés. Elle leur
permet de traduire et de mettre en exergue ce qu’ils portent et ressentent au plus
profond d’eux-mêmes.

10
1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives
Les précurseurs de l’Expressionnisme sont :
- Jérôme BOSCH (vers 1450-1516) ;
- Francisco GOYA (1746-1828);
- Caspard David FRIEDRICH (1774-1840);
- Paul GAUGUIN (1848-1903) ;
- Vincent Van GOGH (1853-1890) ;
- James ENSOR (1860-1949) ;
- Edvard MUNCH (1863-1944).
Les principaux artistes expressionnistes sont:
Allemagne :
Die Brücke :
- Emil NOLDE (1867-1956) ;
- Otto MUELLER (1874-1930);
- Ernst Ludwig KIRCHNER (1880-1938);
- Max PECHSTEIN (1881-1955);
- Erich HECKEL (1883-1970);
- Karl SCHMIDT-ROTTLUFF (1884-1976).
Der Blaue Reiter:
- Alexej Von JAWLENSKY (1864-1941) ;
- Vassili KANDINSKY (1866-1944, Français d’origine russe) ;
- Gabriele MÜNTER (1877-1962) ;
- Franz MARC (1880-1916);
- August MACKE (1887-1914).
Autriche :
- Oskar KOKOSCHKA (1886-1980) ;
- Egon SCHIELE (1890-1918).
France :
- Marc CHAGALL (1887-1985) ;
- Chaïm SOUTINE (1893-1943).

11
Les œuvres représentatives de l’Expressionnisme sont entre autres :
- Au Café, Emil NOLDE, 1911, Museum Folkwang, Essen;
- Auto portrait avec modèle, Ernst Ludwig KIRCHNER, vers 1910, huile
sur toile, 150,4 x 100 cm, Kunsthalle, Hambourg;
- Tête d’un violoniste, Erich HECKEL, 1907, gravure sur bois;
- Repos dans l’atelier, Karl SCHMIDT-ROTTLUFF, 1910, Kunsthalle,
Hambourg;
- Femme à la mèche, Alexej Von JAWLENSKY, 1913, Städtisches
Museum, Wiesbaden;
- Improvisation, Vassili KANDINSKY, 1910, coll. privée ;
- Cri- paix-couleur rose, Vassili KANDINSKY, 1924, Wallraff- Richartz-
Museum, Cologne ;
- Petit rêve en rouge, Vassili KANDINSKY, 1925, coll. privée ;
- Cheval bleu, Franz MARC, 1911, coll. Privée ;
- Kairouan I, August MACKE, aquarelle, coll. privée ;
- Couple amoureux avec un chat, Oskar KOKOSCHKA, 1917, Kunsthaus,
Zurich ;
- Autoportrait, Egon SCHIELE, 1911, coll. privée ;
- La Fiancée, Chaïm SOUTINE, vers 1922, coll. W. Guillaume, Musée du
Louvre, Paris ;
- Paris par la fenêtre, Marc CHAGALL, 1913, Salomon R. Guggenheim
Museum, New York.

En résumé, on retiendra de l’Expressionnisme qu’il est un mouvement né


en Allemagne au début du XXème siècle. Il regroupe de fortes personnalités
d’intellectuels qui renient la notion de beau supposée chère à la bourgeoisie. Les
peintres usent d’un langage plastique suggestif ; ils gravent leur perception
angoissée du monde dans la couleur autant que dans le trait.

12
Planche 1 : Le Cri, Edvard Munch, 1893, tempera et pastel sur carton, 91 x 74
cm, Nasjonalgalleriet, Oslo.
Source : Alain MÉROT, dir. Histoire de l’art 1000 – 2000, Paris, Hazan, 1999,
p. 420.

13
1.2- LE FAUVISME

1.2.1- Définition et historique

C’est le critique d’art Louis de Vauxcelles qui est à l’ origine du mot


« Fauvisme ». En effet, à l’ occasion du Salon d’Automne de 1905, au milieu de
la salle où étaient rassemblées les œuvres de Matisse et de ses amis, anciens
élèves de l’atelier de Gustave Moreau à l’École des beaux-arts de Paris, ce
critique d’art, à la vue d’une statuette d’Albert Marquet réalisée dans un style
renaissant, s’écria : « Donatello chez les Fauves ! ». De cette boutade, le
qualificatif « fauve » qui convenait bien à l’art violent de ce groupe de peintres,
est resté. Le mot « fauvisme » devait apparaître un peu plus tard, pour désigner
et définir ainsi en terme de mouvement ce qui était depuis 1899 une dynamique
de recherche pour une dizaine de peintres aux individualités très fortes, groupés
autour de Matisse, qui refusera cependant d’être considéré comme chef de file.

A cette époque ont lieu des rétrospectives qui sont des révélations pour
ces jeunes artistes : Van Gogh chez Bernheim Jeune en 1901, puis au Salon des
Indépendants en 1905 et Cézanne au Salon d’Automne en 1904, 1905, 1907.
L’influence de Delacroix, Turner, Degas, Manet, Odilon Redon, Monet,
Gauguin et d’Edvard Munch, est également déterminante.

Bien que constitué de peintres français, le Fauvisme aura une portée


internationale, mais par son caractère expérimental, il est amené à disparaître
très tôt en faveur de voies nouvelles, s’éteignant ainsi vers 1908. Chacun
désormais cherche sa voie dans l’indépendance et la solitude retenant toutefois
du mouvement ses principes généraux.

1.2.2- Caractéristiques

Les sujets favoris des fauves sont : les paysages, les nus, les portraits.
Contrairement aux expressionnistes, ils expriment une certaine joie de vivre ; la
violence de leurs émotions est vécue dans le présent, dépourvue de tout aspect
visionnaire.

Les peintres fauves affirment l’autonomie de la couleur par rapport à


l’objet. Ce faisant, leurs techniques se caractérisent par une distorsion des
volumes, par le refus du ton local, c’est-à-dire les couleurs fidèles à la réalité. Ils
traitent les tableaux en aplats avec des couleurs pures, chaudes, mises en
contrastes puissants les unes avec les autres, traduction des émotions du peintre.
L’exaltation des couleurs vise à amplifier le choc éprouvé et recherché dans la
14
contemplation de la nature. Matisse déclare : « Il faut trouver des sensations
arbitraires permettant de signifier le monde réel ».

La perspective n’est pas linéaire, elle est, selon Matisse, une « perspective
de sentiments », eu égard au rapprochement des plans, qui laisse transparaître la
présence de l’artiste. L’influence de la sculpture d’Afrique et d’Océanie se
traduit par une schématisation, une plus grande simplification de la peinture des
fauves. En somme, on peut s’accorder avec Matisse pour spécifier le
mouvement fauve comme suit : « Des beaux bleus, des beaux jaunes, des
matières qui remuent le fond sensuel des hommes, c’est le point de départ du
Fauvisme, le simple courage de retrouver la pureté » (Ibid. p. 222).

1.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes fauves sont:

- Henri MATISSE (1869-1954) ;


- Georges ROUAULT (1871-1958) ;
- Henri Charles MANGUIN (1874-1949) ;
- Albert MARQUET (1875-1947) ;
- Maurice De VLAMINCK (1876-1958) ;
- Raoul DUFY (1877-1953);
- Kees Van DONGEN (1877-1968);
- Charles CAMOIN (1879-1964) ;
- Othon FRIESZ (1879-1949) ;
- André DERAIN (1880-1954) ;
- Georges BRAQUE (1882-1963).
Les œuvres représentatives du Fauvisme sont :
- Portrait de Madame Matisse à la raie verte, Henri MATISSE, 1905,
huile sur toile, 40 x 32 Cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague ;
- 14 juillet à Saint- Tropez, Henri Charles MANGUIN, 1905, coll.
Manguin, Gal. de Paris ;
- La Plage à Fécamp, Albert MARQUET, 1906, Musée National d’Art
Moderne, Paris ;
- Les Arbres rouges, Maurice De VLAMINCK, 1906, Musée National
d’Art Moderne, Paris ;
- La Rue pavoisée, Raoul DUFY, 1906, Musée National d’Art Moderne
Paris ;

15
- Printemps, Kees Van DONGEN, vers 1908, huile sur toile,
81 x 100,5 cm, Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg (auparavant coll. S.
Chtchoukine) ;
- Portrait de Fernand Fleuret, Othon FRIESZ, 1907, Musée National
d’Art Moderne, Paris ;
- La Cathédrale Saint Paul, Londres, André DERAIN, 1906, coll. Perls
Galleries, New-York ;
- L’Estaque, Georges Braque, Musée National d’Art Moderne, Centre
Georges Pompidou, Paris.

Somme toute, il est à retenir que le Fauvisme rend manifestes les tendances
prédominantes de l’art moderne, à savoir l’autonomie de la couleur et
l’intervention des émotions du peintre comme composantes picturales.

CONCLUSION
Les expressionnistes et les fauves ont permis à la couleur d’être appréciée
pour sa valeur propre. Ils l’ont affranchie de l’objet, lui ont donné son
autonomie, son indépendance. C’est la première grande révolution artistique du
XXème siècle.
Les mouvements qui suivent vont s’intéresser au dessin, à la forme.

16
Planche 2 : La Femme au chapeau, Henri Matisse, 1905, huile sur toile,
80, 6 x 59, 7 cm, Museum of Modern Art, San Francisco.
Source: Jean-Louis FERRIER, Les Fauves, le règne de la couleur, Paris,
Pierre Terrail, 1992, p. 12.

17
Planche 3 : Trois personnages assis dans l’herbe, André Derain, 1906, huile
sur toile, 38 x 55 cm, Paris, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
Source : Idem, p. 87.

18
II

LA RÉVOLUTION DE LA FORME

19
INTRODUCTION

Deux mouvements artistiques, à savoir le Cubisme et le Futurisme, par le


traitement de la forme, libèrent au début du XXème siècle le dessin de l’objet.
C’est la seconde grande révolution artistique du siècle que l’Art abstrait
poussera jusqu’à son stade suprême.

2.1- LE CUBISME

2.1.1-Définition et historique

Le Cubisme doit son nom au critique d’art Louis de Vauxcelles. En effet,


rendant compte d’une exposition de Georges Braque à la Galerie Kahnweiler, il
fut le premier à employer le mot ¨cube¨ dans la revue le Gil Blas du 14
novembre 1908, en y écrivant : « Monsieur Braque méprise la forme, il réduit
tout à des cubes ». Cependant, c’est le tableau de Pablo Picasso Les Demoiselles
d’Avignon, peint en 1907, qui est considéré comme l’acte de naissance même du
Cubisme.

À l’origine du mouvement, il y a Paul Cézanne (1839-1906) qui


préconisait de représenter la nature par le cône, le cylindre, la sphère, et dont
une rétrospective a eu lieu en 1907. IL y a aussi la découverte des masques et
statuettes d’Afrique et d’Océanie.

L’évolution esthétique du Cubisme s’est faite en trois phases : la période


cézanienne (1907-1909) qui est marquée par l’influence de Cézanne et des arts
africains et océaniens ; la période analytique ou hermétique (1909-1912) qui
multiplie les angles de vue et fragmente le fond et le sujet. La palette est d’abord
celle de l’objet qui domine la composition, ensuite elle se simplifie, puis se
réduit à des tons de convention. Ce faisant, la gamme des gris et des ocres
envahit la surface au point de rendre la figuration illisible. La période
synthétique (1912-1914) intègre des éléments réels dans le tableau. Braque, dans
Compotier et verre, colle trois morceaux de papier sur un dessin au fusain en
1912. Quant à Picasso, il utilise une toile cirée dans Nature morte à la chaise
cannée, la même année.

2.1.2- Caractéristiques

Dans la première période du Cubisme, les thèmes sont essentiellement les


paysages, les natures mortes et les portraits. Ils sont interprétés géométriquement
en référence à Cézanne.
20
Le thème principal au cours de la seconde période est la nature morte
inspirée de l’univers des cafés et de la musique : les tables de bistrot, les
bouteilles, les verres, le journal, la pipe, la guitare, la clarinette et le violon.

La dernière phase du Cubisme est celle où les motifs imprimés des


produits manufacturés (papier peint, papier faux bois, etc.) puis les objets réels
assument la représentation pour éliminer le travail du pinceau.

Le Cubisme est défini en 1912 par Guillaume Apollinaire comme suit :


« L’art de peindre de nouvelles compositions avec des éléments formels
empruntés non à la réalité de la vision, mais à celle de la conception » (Ibid. p.
95).

Avec la technique des papiers collés, les cubistes redécouvrent la


perception tactile et sont stimulés par les sculptures de l’Afrique au Sud du
Sahara. En effet, lesdites sculptures comportent en général des objets surajoutés
(plumes d’oiseaux raphia, coquillages, écorces d’arbres battues, etc.). Ces objets
sont censés donner la force, la puissance au masque où à la statuette.

Le nouvel espace des cubistes dans lequel cohabitent éléments picturaux


déstructurés et objets réels se généralise et entraîne une série
d’expérimentations. Ces recherches associent à la fois les matériaux détournés et
les effets de matières qui jouent à imiter la réalité : collages de sable, pigments
imprégnés de sciure. Les deux catégories fusionnent et sont intégrées par des
reprises au fusain ou des touches de peinture, créant ainsi des prolongements de
lignes ou des échos plastiques.

Peut-être est-ce Guillaume Apollinaire qui avait vu juste lorsqu’il


présentait l’exposition des toiles de George Braque, le 9 novembre 1908 chez
Kahnweiler après qu’elles avaient été refusées par le jury du Salon d’Automne.
Apollinaire présentait ainsi ladite exposition :
« Qu’on ne vienne point chercher ici le mysticisme des dévots, la psychologie des
littérateurs ni la logique démonstrative des savants ! Ce peintre compose des
tableaux selon son souci absolu de pleine nouveauté, de pleine vérité » (Ibid. p.
94).

Ce qui a été ainsi dit de Braque s’applique incontestablement tous les


artistes de toutes les différentes phases du Cubisme.

21
2.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux peintres cubistes Sont :


- Pablo PICASSO (1881-1973) ;
- Georges BRAQUE (1882-1963) ;
- Juan GRIS (1887-1927) ;
- Fernand LEGER (1881-1951) s’oriente vers le cylindrisme ;
- Louis MARCOUSIS (Ludwig Markus, dit, 1878-1941) ;
- Henri Le FAUCONNIER (1881-1946) ;
- Albert GLEIZES (1881-1953) ;
- Jean METZINGER (1883-1957) ;
- Roger de la FRESNAYE (1885-1925) ;
- André LHOTE (1885-1962).
Les principaux sculpteurs cubistes sont :
- Alexander ARCHIPENKO (1887-1964) ;
- Constantin BRANCUSI (1876-1957) ;
- Ossip ZADKINE (1890-1967) ;
- Henri LAURENS (1885-1954) ;
- Raymond DUCHAMP-VILLON (1876-1918).

Les principales œuvres représentatives du Cubisme sont:

- Les Demoiselles d’Avignon, Pablo PICASSO, 1907, Museum of Modern


Art, New York;
- Homme à la mandoline, Pablo PICASSO, 1911, Musée Picasso, Paris;
- Bouteille de vieux marc, verre et journal, Pablo PICASSO, 1912, Musée
National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris ;
- Route à l’Estaque, Georges BRAQUE, 1908, M.N.A.M., Centre
Georges Pompidou, Paris ;
- Le Guéridon ou Nature morte au violon, Georges BRAQUE, 1911,
M.N.A.M., C.G.P., Paris ;
- Compotier et Verre, Georges BRAQUE, 1912, collection particulière ;
- Le Petit déjeuner, Juan GRIS, 1915, M.N.A.M., Centre Georges
Pompidou, Paris ;
- Baigneuses, Albert GLEIZES, 1912, Musée d’Art Moderne de la ville de
Paris.

22
Somme toute, on retiendra que les cubistes révolutionnent l’art de peindre.
Ils décomposent les objets et les personnages dont ils éparpillent ensuite les
fragments sur toute la surface de la toile. Après 1912, ils expérimentent la
technique du collage au service d’une représentation synthétique de l’objet.

23
Planche 4 : Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso, 1907, huile sur toile, 244
x 234 cm, Museum of Modern Art, New York.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Histoire de la Peinture,
Paris, Hatier, 2000, p. 104.

24
Planche 5 : Nature morte à la chaise cannée, Pablo Picasso, 1912, huile sur
toile cirée sur toile et corde, 29 x 37 cm, Musée Picasso, Paris.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 443.

25
2.2- LE FUTURISME

2.2.1- Définition et historique

Mouvement d’avant-garde italien, le Futurisme naît officiellement avec la


parution d’un manifeste du poète Filippo Tommaso MARINETTI (1876-1944)
dans Le Figaro, le 20 février 1909 :
« Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté
nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile est plus belle que la Victoire de
Samothrace… détruisons les musées, ces cimetières » (Ibid. p. 226).

À l’origine du mouvement qui, comme son nom l’indique, se veut anti-


traditionaliste, il y a un rejet de l’académisme, du passéisme, de toutes les
valeurs consacrées. Tournés donc vers l’avenir, les artistes font l’éloge d’un
monde technologique prometteur : les découvertes scientifiques transformant la
vie moderne, doivent remplacer les anciennes iconographies. Ce courant se
développe en littérature, au théâtre, au cinéma, en musique, en architecture, en
sculpture et en peinture.

Le premier manifeste futuriste est suivi de beaucoup d’autres. Jamais


courant artistique n’a suscité de si nombreux écrits à savoir entre autres :

- Le Manifeste technique de la peinture futuriste, du 8 mai 1910 ;


- Le Manifeste de la sculpture futuriste, du 11 avril 1912 ;
- Le Manifeste des sons, des bruits et des odeurs, du 11 aout 1913.

2.2.2- Caractéristiques

Les futuristes, exaltant la civilisation industrielle, cherchent à exprimer


celle-ci par des thèmes et des techniques qui évoquent un monde en action, en
mouvement. Aussi déclarent-ils :
« Nous recherchons un style du mouvement. Le geste que nous voulons
reproduire sur la toile ne sera plus un instant fixé du dynamisme universel ; ce
sera la sensation dynamique elle-même. Le dynamisme universel doit être donné
en peinture comme sensation dynamique » (Ibid. p. 226).

Dès lors, les thèmes de prédilection des artistes ne peuvent être que les
moyens de transport, les gares, les rue, les signaux lumineux, en somme, tout ce
qui est lié à la ville et à ses activités.

Du point de vue de la technique picturale, les futuristes sont influencés au


départ par les impressionnistes et les néo-impressionnistes. Ils pratiquent

26
d’abord la juxtaposition des tons (larges aplats, petites factures divisionnistes)
avant de trouver dans le Cubisme les bases de leur système. Comme les cubistes,
les futuristes aussi décomposent l’objet, mais à la différence de ceux-ci qui le
reconstituent de manière statique, ils le recomposent simultanément, dans ses
phases successives de déplacement. La représentation du mouvement apparaît
ainsi par l’effet de simultanéité, comme l’ont exprimé les chronophotographies,
et par tous les procédés de composition dynamique qui traduisent la mobilité :
chevauchement des formes, opposition des rythmes heurtés, interpénétrations
des plans, etc. Dans cette peinture qui fait la synthèse de la réalité de la vision et
de celle de la conception, tout l’accent porte sur l’irrationnel :
« Étant donné la persistance de l’image dans la rétine, les objets en mouvement se
multiplient, se déforment en se poursuivant comme des vibrations précipitées dans
l’espace qu’ils parcourent. C’est ainsi qu’un cheval courant n’a pas quatre pattes,
mais il en a vingt, et leur mouvements sont triangulaires » (Le Manifeste
technique de la peinture futuriste du 8 mai 1910).

Ainsi, le Futurisme qui avait emprunté aussi les papiers collés au Cubisme,
retient l’effort de synthèse plastique de la forme et de l’espace et y ajoute
l’intensité des effets colorés et lumineux, aux fins de magnifier tout le
dynamisme de la vie moderne et des technologies nouvelles dans une sensation
de puissance et de mouvement.

2.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes, peintres et sculpteurs, futuristes sont au nombre de


cinq :

- Giacomo BALLA (1871-1958) recherche, dans les premières années,


l’expression directe du mouvement par une multiplicité de touches pointillistes
juxtaposées en dégradés.
- Carlo CARRA (1881-1966) n’a appartenu au mouvement que quelques
années. Son intérêt pour le Cubisme analytique l’a fait évoluer des
fragmentations de formes aux apports du collage.
- Umberto BOCCIONI (1882-1916) est à la fois sculpteur et peintre. Son
œuvre de théoricien n’est pas pour autant moins importante. Elle est concentrée
sur l’idée du dynamisme plastique. Ses sculptures étirent les personnages dans
l’espace par un développement exagéré des courbes et les oppositions de pleins
et de vides. Dans ses œuvres picturales, les lignes et les plans, la lumière et la
couleur créent un espace discontinu mais très structuré.
27
- GINO SEVERINI (1883-1966) s’installe à Paris dès 1906 et reste très
proche du Cubisme, ce qui ne l’empêche pas de réaliser des œuvres dans un
esprit de recherche très personnel.
- Luigi RUSSOLO (1885-1947) est à la fois peintre et musicien, il invente
une machine qui produit toute sorte de son.

À ces cinq pionniers, on peut ajouter les noms d’autres artistes qui ont
flirté un tant soit peu avec le Futurisme. Ce sont : Mario SIRONI (1885-1961),
Giorgio MORANDI (1890-1964), Ottone ROSAI (1895-1957) et Enrico
PRAMPOLINI (1896-1956).

Les œuvres représentatives du Futurisme sont entre autres :

- Petite fille courant sur un balcon, Giacomo BALLA, 1912, Musée d’Art
Moderne, Milan ;
- Cavalier à Cheval, Carlo CARRA, 1915, coll. G. Mattioli, Milan ;
- La Mère, Umberto BOCCIONI, 1912, coll. G. Mattioli, Milan ;
- Formes uniques de continuité dans l’espace, Umberto BOCCIONI,
1913, sculpture, Musée d’Art Moderne, Milan ;
- Le Canon en action, Gino SEVERINI, 1915, coll. P. Guarini, Milan.

Malgré tous les écrits et déclarations ou, peut-être, à cause d’eux, la


révolution futuriste semble n’avoir qu’une portée superficielle, car la mise en
œuvre formelle passe par un certain nombre de procédés plastiques qui n’ont
rien de novateur : l’éclatement des formes, comme nous l’avons dit plus haut,
est une résurgence du Cubisme, et la technique par touches ne fait qu’exploiter
le pointillisme de Georges Seurat. En outre, les tendances à l’abstraction et au
dadaïsme, à un moment donné, ont abouti sinon à un déviationnisme, du moins à
une limitation de la portée du Futurisme. Toutefois, ce mouvement n’en a pas
moins marqué l’histoire de l’art du XXème siècle. Il a le mérite d’avoir semé, à
travers les thèmes et l’iconographie, le goût du modernisme en Italie, alors, sous
l’emprise de l’académisme. Par ailleurs, il a révélé, même en dehors de ce pays,
l’importance des notions d’espace et de simultanéité pour l’art moderne, avant
de s’éteindre définitivement en 1917.

28
Planche 6 : Nu descendant un escalier no 2, Marcel
Duchamp, 1912, huile sur toile, 147,3 x 88,9 cm, Museum of
Art, the Louise and Walter Arensberg Collection,
Philadelphie.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 446.
29
Planche 7: Le Canon en action, Gino Severini, 1915, coll. P. Guarini, Milan.
Source: Gaston DIEHL, La Peinture moderne dans le monde, Paris,
Uffucipress S. A. Lucano, 1966, p. 66.

30
Planche 8 : Forme unique de continuité dans l’espace, Umberto Boccioni,
1913, bronze, 101,2 x 86,3 cm, collection particulière, Rome.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 445.

31
2.3- L’ART ABSTRAIT

2.3.1- Définition et historique

À la suite de l’Expressionnisme, du Fauvisme, du Cubisme et du


Futurisme, la peinture s’écarte définitivement de la description d’une nature
existante. Elle refuse la copie et la figuration du monde extérieur. Le peintre
organise la peinture pour sa propre qualité et sa propre valeur d’expression.
Libérée de l’imitation, la surface de la toile devient le sujet du tableau. L’artiste
utilise librement les formes et les couleurs pour exprimer ses sentiments et ses
sensations, pour traduire son paysage intérieur. Cette peinture, qui n’a de
référent qu’elle-même, relève de l’art abstrait.

L’art abstrait naît avec la première aquarelle du Russe Vassili


KANDINSKY. Réalisée en 1910 à MURNAU en Bavière, cette peinture est
sans relation avec les apparences du monde extérieur. Le peintre raconte lui-
même les circonstances dans lesquelles l’idée lui est venue de se libérer de
l’objet :
« Un jour que j’étais à Munich, explique-t-il, j’ai eu une expérience hallucinante.
C’était au crépuscule, je venais de rentrer chez moi (…), mon regard se posa sur
un tableau d’une beauté indescriptible qui était imprégné d’une lumière
intérieure. Pendant un moment, je restai saisi, puis rapidement j’allai vers cette
peinture énigmatique dans laquelle je ne pouvais voir que des formes et des
couleurs dont le contenu m’était incompréhensible. Ma réponse de l’énigme vint
immédiatement : c’était l’un de mes tableaux couché sur le côté, contre le mur
(…) alors je sus pour de bon que le sujet portait préjudice à mes tableaux ».

Kandinsky ayant tiré la conclusion que les objets nuisent à sa peinture,


dira : « Il faut éliminer l’objet, cet obstacle » (R. Bordier, 1978, p. 123)

Si Kandinsky est le premier peintre abstrait, il ne faut cependant pas


perdre de vue que certaines tentatives de Francis PICABIA datent de 1909. Il est
à noter aussi que dès 1909, les cubistes détruisaient l’objet et le reconstruisaient
autrement, improvisant librement les formes plastiques sans tenir compte de la
réalité objective. Ils ont découvert ainsi implicitement l’inutilité de l’objet et
passent donc pour être les précurseurs de la peinture abstraite. En réalité, ils ne
rejetèrent pas entièrement l’objet, seulement ils ne se laissèrent pas dominer par
lui.

Force est de constater que l’attitude de l’artiste à l’égard du modèle, pour


ou contre le réel, fut toujours contradictoire : « Il ne s’agit pas de faire une belle
femme, il s’agit de faire une belle sculpture » fait dire Roger Bordier à Aristide
32
Maillol (1861-1944), (Idem, p. 125), avant de deviner la réponse d’un artiste
abstrait à ce propos : « Dans ces conditions, même la femme est de trop » (Ibid.
p. 125).

Frantisek Kupka (1871-1957) qui peint, vers 1912, sa première œuvre


abstraite, affirme que l’œuvre d’art doit être composée d’éléments inventés.
C’est dire que pour les abstraits, l’art n’a pas de modèle, ou devient alors son
propre modèle. Il se suffit à lui-même. Il tient tout entier dans sa seule écriture,
hors de toute représentation du monde. Mais si les artistes sont d’accord sur un
point fondamental qui est la primauté de l’élément plastique isolé de recours au
sujet, au motif, aux aspects extérieurs, des personnalités, des tempéraments se
distinguent par rapport aux principes d’école, ou mieux, constituent chacun son
école.

Né au début du XXème siècle (1910), l’Art abstrait s’épanouit sous


différentes formes tout au long du siècle jusqu’à nos jours. Ces différentes
approches peuvent être regroupées suivant quatre périodes.

2.3.2- Les pionniers (1910-1920)

La première période de l’Art abstrait est marquée par les fondateurs de


ladite tendance.

2.3.2.1- Vassili KANDINSKY (1866-1944)


Le peintre anime les surfaces de ses tableaux à travers un double système
d’éléments graphiques décalés et indépendants l’un par rapport à l’autre,
modifiant ainsi la relation figure-fond (droites et courbes noires, et formes
couleurs). Il utilise parfois le tire-ligne et le compas. Il choisit des titres non
référentiels pour ses tableaux – Impressions, Improvisations, Compositions –
qu’il ne distingue que par numérotation chronologique. « Toute œuvre, écrit-il
dans Du spirituel dans l’art, naît, techniquement, comme est né le cosmos – par
des catastrophes qui, du hurlement chaotique des instruments, finissent par
former une symphonie, la musique des sphères » (1912).

2.3.2.2- Piet MONDRIAN (1872-1944) et le Néoplasticisme


La règle du Néoplasticisme, telle qu’énoncée par le peintre néerlandais,
Mondrian, exige l’emploi de formes rigoureusement abstraites et géométriques
fondées sur l’orthogonalité des lignes ainsi que le traitement lisse, sans
empâtements et en aplats des couleurs pures fondamentales (le jaune, le bleu, le
33
rouge), associées aux couleurs neutralisantes : le noir, le blanc, le gris. Ainsi
toute notion de subjectivité et donc de dynamisme, de mouvement et de
profondeur, est écarté. L’équilibre des lignes horizontales et verticales, de la
couleur et des non-couleurs, permet la création d’une beauté nouvelle, non
dépendante de celle de la nature. Ses premiers tableaux abstraits datent de 1913.
En novembre 1918 paraît le premier manifeste du Néoplasticisme signé
notamment par le peintre et écrivain, et compatriote de MONDRIAN, Théo Van
DOESBURG (1883-1931), le peintre et sculpteur belge Georges
VANTONGERLOO (1966-1965).

2.3.2.3- Kazimir Severinovitch MALEVITCH (1878-1935)


et le Suprématisme

Né à Kiev, Malevitch y fait ses études à l’Académie des Beaux-arts. En


1912, sa peinture est marquée par le Fauvisme, le Cubisme et le Futurisme. En
1913, il expose son tableau Carré noir sur fond blanc. A cette forme
d’abstraction géométrique, il donne le nom de « Suprématisme ». En 1915, il
publie à Saint-Pétersbourg, le Manifeste du Suprématisme et en 1916, expose
ses théories dans un essai intitulé Du Cubisme et du Futurisme au
Suprématisme.

Il affirme l’autonomie de la forme abstraite et géométrique. Le cercle, le


carré, le rectangle, etc., se touchent, se superposent ou s’ignorent. En 1919, il
peint son fameux tableau Carré blanc sur fond blanc. C’est le stade suprême de
l’abstraction. Il joue ici avec la relation du blanc sur blanc (cosmos, espace
infini) pour évoquer la forme (peinture) par la seule inclinaison des coups de
pinceaux posés différemment : « Le carré est le symbole de la révolution ou de
la sensation pure et, à la fin, du néant ».

2.3.2.4- Paul KLEE (1879-1940)


Il est influencé par les lumières de la Méditerranée après un voyage en
Tunisie : « La couleur et moi ne faisons plus qu’un, je suis peintre », écrit-il en
1914. Klee s’oriente donc vers l’abstraction en disposant et en organisant un
réseau d’idéogrammes, de signes et de formes graphiques sur des fonds colorés
doux et sensuels. Professeur à l’école du Bauhaus, il est persécuté par les nazis
et est obligé de quitter l’Allemagne pour se refugier en Suisse où il meurt en
1940.

34
2.3.2.5- Robert DELAUNAY (1885-1941) et l’Orphisme
Par l’opposition des couleurs pures complémentaires, et celles des tons
froids et chauds, Delaunay peint des tableaux qui suggèrent un mouvement
perpétuel et les évolutions de la lumière en réseaux de lignes circulaires.
Guillaume Apollinaire qualifie cette peinture d’« orphisme ». Ce terme désigne,
selon lui, une abstraction purement imaginaire, dérivée du Cubisme, mais
rendue lyrique par l’emploi de couleurs pures appliquées selon le principe du
contraste simultané, ou par des analogies avec la musique. Le peintre préfère
plutôt le terme de « Simultanisme » et non « Simultanéisme ». Sa femme, Sonia
Delaunay-Terk, également peintre, travaille dans le même registre.

2.3.3- Diffusion de l’abstraction en Europe (1920-1930)

À partir des années 1920 et même peu avant, jusque dans les années
trente, de nouvelles formes d’abstraction foisonnent en Europe.

2.3.3.1- Le Vorticisme en Angleterre


Ce mouvement est fondé en 1914 en Angleterre par Percy Wyndham
Lewis (1882-1957). Le terme vorticisme est utilisé par le poète Ezra Pound. Il
est issu de vortex, « tourbillon », (lieu où naissent les émotions). Ce mouvement
cherche à se démarquer du Futurisme britannique et du Cubisme par un
rayonnement de lignes évoquant un mouvement giratoire. Les peintres
Christopher N. Nevinson Edward Wadsworth et David Bromberg (1890-1957)
sont des adeptes du Vorticisme.

2.3.3.2- Le Rayonnisme
Mikhaïl LARIONOV (1881-1964) fonde à Moscou vers 1909, le
Rayonnisme. Ce mouvement s’éteint en 1915. Le Manifeste du Rayonnisme est
publié en 1913. Il est signé par onze artistes. Larionov et sa compagne, le peintre
Natalia Gontcharova (1881-1962) s’inspirent de sujets de la vie moderne. Ces
sujets éclatent en faisceaux de couleurs aux angles aigus et deviennent
quasiment abstraits. Ils affectionnent les couleurs pures : rouges, bleus, jaunes.

2.3.3.3- Le Constructivisme
Mouvement russe d’avant -garde (1913-1922) animé par les frères
Antoine Pevsner (1886-1962) et Naum GABO (1885-1953), le Constructivisme

35
est présenté dans le « Manifeste réaliste » publié en 1920. Il est écrit dans ledit
Manifeste :
« Nous nions le volume comme expression spatiale. La profondeur est l’unique
forme d’expression de l’espace. Nous rejetons la masse (physique) comme
élément plastique. Nous annonçons que les éléments de l’art ont leur base dans
la rythmique dynamique ».

Gabo et Pevsner vont aller au-delà de la sculpture pour concevoir une


expression totale et unique : « Nous nous sommes engagés, écrira Pevsner, dans
des recherches nouvelles dont l’idée directrice est la quête d’une synthèse des
arts plastiques : peinture, sculpture et architecture » (Les Arts, op cit. p. 88).

Au cours des années 1930, l’abstraction devient un phénomène de mode


grâce aux écrits des pionniers. De nombreux groupes se forment auxquels
adhèrent les artistes à travers l’Europe. Ce sont entre autres : Cercle et Carré, Art
Concret, Abstraction-Création.

2.3.4- L’Art abstrait dans le monde après la seconde guerre mondiale.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale l’art abstrait se manifeste


sous toutes les formes et toutes les dénominations à travers le monde : Op Art,
Tachisme, Action Painting, Art informel, Minimal Art.

Dans les années soixante-dix, la crise de l’abstraction est davantage une


querelle de mots, de gens qui s’adonnent à des spéculations intellectuelles
d’ordre définitionnel, qu’un problème d’approche plastique au niveau des
créateurs. Faut-il dire Art abstrait ? Art non figuratif ? Art informel ? Figuration
libre ou autre ? Les vocables abondent. Les artistes semblent avoir tranché : ils
ont offert aux uns un bonnet blanc et aux autres un blanc bonnet. En effet,
abstraction et figuration ne s’opposent plus puisqu’aujourd’hui des œuvres
existent, qui sont classées dans un registre dit figuration abstraite et d’autres
dans un registre dénommé abstraction figurative.

Au regard de tout ce qui précède on peut s’accorder avec George Mathieu


(peintre français né en 1921), pour présenter les différents mouvements de l’Art
abstrait en deux groupes : l’Abstraction géométrique et l’Abstraction lyrique.
Dans le premier groupe on a le Néoplasticisme, le Suprématisme, l’Orphisme, le
Vorticisme, le Rayonnisme, le Constructivisme, l’Op Art, le Minimal Art. Dans
le second groupe on a l’art de Kandinsky, le Tachisme, l’Art informel.

36
Planche 9 : Improvisation VII, Vassili Kandinsky, 1910, huile sur toile,
131 x 97 cm, Gallerie Tretiakov, Moscou.
Source : Kandinsky, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1994, PL. 24.

37
Planche 10 : Dur et mou, Vassili Kandinsky, 1927, huile sur toile, 100 x 50 cm,
The Museum of Fine Arts, Bostom.
Source: Idem, PL. 59.

38
Planche 11 : Nuit bleue, Paul Klee, 1937, gouache sur toile de coton montée sur
toile à sac, 50,3 x 76,4 cm, Öffentliche kunstsammlung, Bâle.
Source : Klee, Paris, Les Editions Cercle d’Art, 1995, PL. 51.

39
Planche 12 : Hommage à Blériot, Robert Delaunay, 1914, Coll. Particulière,
Paris.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 75.

40
Planche 13: Tableau I, Piet Mondrian, 1921, coll. Müller Wickmann, Bâle.
Source: Gaston DIEHL, Ibid. p. 92.
41
Planche 14: Vision spectrale, Antoine Pevsner, 1959, bronze oxide.
Source: Histoire visuelle de l’art, Paris / Bruxelles, Elsevier Séquoia,
1979, p. 282 (PL. 4).
42
Planche 15 : Construction linéaire dans l’espace no 2, Naum Gabo, plastique et nylon.
Source : Ibid. p. 282 (PL. 5).
43
CONCLUSION

En guise de conclusion on retiendra que les cubistes représentent l’objet


non tel qu’il leur apparaît mais tel qu’eux le conçoivent sous ses différents
angles connus, visibles ou pas. Leur manière de peindre est présentée par
Guillaume Apollinaire comme relevant de la réalité de la conception et non de
celle de la vision. Quant aux futuristes, on peut dire qu’ils font la synthèse des
deux réalités : celle de la vision et celle de la conception. Ces deux mouvements
approfondissent les acquis des révolutions menées au niveau de la couleur par
les précédents. En libérant la forme de l’objet, ils donnent au dessin son
autonomie. Cette seconde révolution ouvre la voie à une peinture et une
sculpture autoréférentielles : c’est l’avènement de l’Art abstrait.

L’abstraction est un art qui refuse la copie et la figuration du monde


extérieur. Libérée de l’imitation, la surface de la toile devient le sujet du tableau.
Les formes et les couleurs se multiplient librement, l’espace s’étale dans tous les
sens. L’artiste exprime ses sentiments et ses sensations, il traduit son paysage
intérieur.

Les générations qui vont suivre vont remettre en cause l’art et ses
procédés de création.

44
III

LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE

45
INTRODUCTION

Le mouvement Dada et le Surréalisme sont deux expériences artistiques


totales : littérature, poésie, peinture. Elles contestent et remettent en cause les
valeurs traditionnelles de l’art : Dada est un cri de révolte contre l’ordre
bourgeois, le Surréalisme conteste les conventions esthétiques.

3.1- LE MOUVEMENT DADA

3.1.1- Définition et historique

Le 08 février 1916, le poète roumain Tristan TZARA (1896-1963) lance à


Zurich, au Café Voltaire, le mouvement Dada. Il a trouvé le nom du mouvement
en ouvrant un dictionnaire au hasard. Le mouvement est baptisé en pleine guerre
mondiale (1914-1918) et s’insurge contre des principes de civilisation au nom
desquels tant de massacres sont perpétrés et qui continuent pourtant de s’appeler
raison, logique, humanité, culture, science, traditions, etc. En ce qui les
concerne, il s’agit désormais de mettre en relief l’effondrement de la société et
des valeurs occidentales en n’organisant que des manifestations fondées sur le
défi au « bon goût », la gratuité pure, le scandale. Ils rejettent l’art, la pensée et
ne trouvent désormais concevables que les pseudo-fêtes dont le spectateur devra
sortir ahuri, déçu et furieux.

Le 02 mars 1918 est publié à Zurich le Manifeste dada de Tzara, et un


mois plus tard, à Berlin, le Manifeste dadaïste que signeront Tzara, Franz Jung,
George Grosz, Marcel Janco, Richard Hülsenbeck, Gérard Preisz, Raoul
Hausmann. Mais avant d’être baptisé et constitué en mouvement, le dadaïsme
était un état d’esprit qui se répandait partout simultanément à New York avec
Francis Picabia (1879-1953) et Marcel Duchamp (1887-1968), à Paris avec Jean
Arp (1887-1966) et Man Ray (1887-1968), à Cologne avec Max Ernst (1891-
1976) et à Berlin avec Raoul Hausmann (1886-1971), Hannah Höch (née en
1889), John Heartfield (1891-1968) et Georges Grosz (1893-1959).

En 1920, est organisée la première et dernière foire internationale dada où


sont offertes à la raillerie du public 147 pièces. Cette date correspond par
ailleurs à la dissolution de Dada-Cologne par les autorités. En 1922, a lieu à
Weimar le congrès dada qui est le prélude à la disparition totale du mouvement.

46
3.1.2- Caractéristiques

Les dadaïstes remettent en question les limites de la représentation


artistique. Ils renient toutes les références culturelles au passé, rejettent toutes
les normes esthétiques. Sans style propre, ils relèvent, dans leur expression
plastique indifféremment de l’Expressionnisme ou de l’Abstraction. Leurs
trouvailles les plus typiques se firent dans le domaine du photomontage.
L’expérience la plus originale est celle de Marcel Duchamp avec ses fameux
ready-made. La négation de l’art devient alors la connaissance de l’art : l’artiste
n’intervient plus du tout pour créer, façonner ; au contraire il désigne, il choisit
ce qui par d’autres, a été façonné.

En 1913, Marcel Duchamp signe son premier ready-made avec un objet


composé d’une roue et d’une fourche de bicyclette montée sur un tabouret et, en
1917, avec un urinoir dressé verticalement sur une base qu’il envoya au Salon
des Indépendants de New York, et qui, bien entendu, fut refusé. Le jury lui
opposa que son urinoir qu’il avait baptisé Fontaine et signé Richard Mutt, du
nom d’un entrepreneur de plomberie, était immoral. Par ailleurs, il a estimé
qu’on ne pouvait, en aucun cas, parler d’œuvre d’art puisqu’il s’agissait d’un
ustensile fabriqué en grande série. En effet, l’art, tel que communément accepté,
exige avant tout une technique, une pensée, des dons tout à fait particuliers, et
dès lors, des individus exceptionnels. Il ne saurait être produit par des
travailleurs quelconques, anonymes dans l’usine ou l’atelier.

Avec cette promotion de l’objet proprement dit, ce qui apparaît toutefois


c’est encore moins une mise en cause de l’art que de l’artiste lui-même. Ce
dernier abandonne son rôle, détruit son personnage, et bien qu’il cesse alors de
se prendre au sérieux, se découvre plutôt une mission. En renonçant au « faire »
il montre à ses semblables que nul n’est artiste et que tout le monde l’est.
« Merde à la beauté », dira le peintre et architecte roumain Marcel Janco avant
de se demander : « qui diable en ces jours d’effondrement croyait encore aux
« valeurs éternelles », aux « conserves » du passé, aux académies, aux écoles
d’art ? » (L’Art, op cit, p. 98). Cependant l’artiste demeure un privilégié car il
est celui qui révèle une vérité jusqu’à ce jour insoupçonnée. Kurt Schwitters
(1887-1948), peintre, illustrateur, photographe, se joint aux dadaïstes dès 1917,
rencontre Arp à Berlin en 1918, et conservera des liens étroits avec lui toute sa
vie. Mais il cherche une voie plus individuelle (ses réalisations sont faites à
partir de déchets-morceaux de papier, bouts de bois qu’il ramasse dans les rues).

47
3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux adeptes du mouvement Dada sont :

- Francis Picabia (1879-1953) compose des œuvres mécanomorphes


jusqu’en 1922 ;
- Raoul Hausmann (1886-1971) crée le photomontage. Il est peintre et
écrivain de nationalité tchèque ;
- Kurt Schwitters (1887-1948) abandonne les matériaux traditionnels de la
peinture en 1918 et assemble les éléments de rebut dans ses œuvres ;
- Marcel Duchamp (1887-1968) crée en 1913 le « ready-made » qui
rejette la nécessité de la technique pour s’exprimer en art ;
- Jean ou Hans Arp (1887-1966), plasticien et poète français, ses peintures
et collages naissent du hasard et de l’imagination ;
- Hans Richter (1888-1976) s’associe aux dadaïstes de Zurich ;
- Man Ray (1890-1976), peintre et photographe américain, invente le
« rayogramme » et pratique le collage ;
- John Hearfield (1891-1968) développe à Berlin un art militant antinazi ;
- Max Ernst (1891-1976), peintre français d’origine allemande, anime le
groupe Dada de Cologne ;
- George Grosz (1893-1959), peintre américain d’origine allemande,
anime Dada à Berlin.

Des œuvres représentatives du mouvement Dada on peut retenir entre


autres :
- Manifeste Dada, L.H.O.O.Q., Marcel Duchamp, 1919, ready-made
rectifié - Reproduction de la Joconde à laquelle l’artiste a ajouté barbe et
moustache au crayon, 19 x 12 cm, Musée National d’Art Moderne, Centre
Georges Pompidou, Paris ;
- Ready-made-Fontaine, Marcel Duchamp, urinoir renversé, 63 x 48 x 35
cm, New York ;
- Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 95,5 x 73 cm,
Martin G. Newmann Collection, Chicago ;
- L’Enfant carburateur, Francis Picabia, 1919, Musée Guggenheim, New
York;
- Construction pour dames nobles, Kurt Schwitters, 1922, collage,
Country Museum of Art, Los Angeles.

48
En résumé, Dada est un cri de révolte contre l’ordre bourgeois. Refusant les
gestes et les outils de la peinture, les peintres dadaïstes adoptent un principe de
provocation artistique, de négation de l’art. Le mouvement vise à détruire le
savoir-faire traditionnel du peintre et à briser les conventions de l’ordre
artistique bourgeois.
André Breton et ses amis, qui étaient restés jusqu’en 1919 assez ignorants
de l’activité dadaïste, vont reconnaître dans le Manifeste Dada 1918 de Tzara
une inquiétude semblable à la leur et partageront sa conviction de la nécessité
d’ « un grand travail négatif à accomplir ». Le Surréalisme est en gestation.

49
Planche 16 : Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 96,5 x
73 cm, Martin G. Neumann Collection, Chicago.
Source: Alain MÉROT, Ibid. p. 448.

50
3.2- LE SURRÉALISME

3.2.1- Définition et historique

En 1921, à Vienne (Autriche), le poète français André BRETON (1896-


1966) rencontre Freud qu’il interroge sur les possibilités de libération du
psychisme profond par les activités automatiques. Parallèlement, il milite à Paris
aux côtés de Louis ARAGON (1897-1982), Paul ELUARD, benjamin PERET,
dans les rangs des dadaïstes qui, venus de Zurich, se manifestent pour la
dernière fois en 1923. Par ailleurs, il a la révélation des arts africains et
océaniens. Aussi cherchera-t-il désormais, par la destruction des images
stéréotypées, à rendre la réalité du rêve et du désir. Il déclare : « La réalité sera
convulsive ou ne sera pas ».

D’abord activité limitée à quelques poètes, le Surréalisme prend forme


comme mouvement avec le premier Manifeste du Surréalisme de BRETON,
publié le 1er décembre 1924, dans le premier numéro de la revue La Révolution
surréaliste.

On avance que le terme « surréaliste » a été employé pour la première fois


par Apollinaire le 18 mai 1917 lors de la présentation du ballet « Parade » d’Erik
Satie mis en scène par les Ballets russes. André BRETON le définit comme
suit :
« Surréalisme, nom masculin. Automatisme psychique pur par lequel on se
propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit ; soit de toute autre manière,
le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en dehors de toute
préoccupation esthétique ou morale. »

3.2.2- Caractéristiques

« L’œil existe à l’état sauvage » : Cette phrase de BRETON à propos des


liens entre le Surréalisme et la peinture, indique que les recherches plastiques
qui voudront se réclamer du surréalisme ne pourront que s’opérer à rebours de
ce que l’Occident nomme « civilisation ». Il s’agit dans la pratique d’opter pour
l’automatisme tel qu’il l’entend. Il indique comment conduire ou plutôt ne pas
conduire l’inspiration :
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi
favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-
vous dans l’état le plus passif, ou réceptif que vous pourrez. Faites abstraction de
votre génie, de vos talents et de ceux des autres. Ecrivez vite sans sujet
préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire... »

51
Mais ce processus de l’automatisme ne semble pas suffisant et d’ailleurs
Pierre Naville dans le N°3 de La Révolution surréaliste va nier l’existence d’une
telle peinture :
« Plus personne n’ignore qu’il n’y a pas de peinture surréaliste ; ni les traits de
crayon livrés au hasard des gestes, ni l’image retraçant les figures de rêve, ni les
fantaisies imaginatives, c’est bien entendu, ne peuvent être ainsi qualifiés ».

Pour répondre à Naville, BRETON rédige « Le Surréalisme et la


peinture » publié d’abord dans La Révolution surréaliste, puis en volume
(ouvrage) en 1928. Il y définit le critère devant permettre de reconnaitre la
peinture surréaliste de la même façon que l’automatisme distingue
originellement un texte surréaliste de ce qui « n’est que littérature ». Ce critère
est l’existence d’un « modèle purement intérieur ». Désormais, c’est selon son
abandon du « modèle extérieur » qu’une peinture pourra être présentée comme
surréaliste. C’est à dire que la peinture devra « rendre visible » ce qui échappait
jusqu’alors à la vision objective : introduire dans le visible des éléments qui en
étaient tenus pour étrangers. Cet enrichissement du déjà visible par un visualisé
réalisera l’union recherchée du réel actuel et du subjectif (imaginaire, onirique).
L’objet extérieur que l’on pourra éventuellement reconnaitre dans l’œuvre, ne
sera qu’un support lointain dont le sens sera entièrement modifié par la position
qu’il occupera par rapport aux éléments de l’œuvre. C'est-à-dire par les relations
nouvelles, inédites que l’artiste lui fera entretenir avec les autres composantes
en fonction d’exigences internes.

Afin de laisser libre cours à l’expression de leur inconscient, Picasso, Max


Ernst (1891-1976), Joan Miro (1893-1983), André Masson (1896-1987) ont, de
1924 à 1928, recours à diverses techniques d’écriture automatique.

La technique du collage consiste à faire coexister des éléments figuratifs


(prélevés dans des magazines, des catalogues, des illustrations de romans
populaires, etc.) dans un contexte qui ne leur convient pas : un sens nouveau
surgit de ces rapprochements arbitraires, sens qui n’a aucun rapport avec une
figuration traditionnelle : le dépaysement de l’objet reconnu entraîne un
dépaysement mental et ouvre ainsi le domaine du merveilleux. Le merveilleux
ainsi constitué n’a pas seulement valeur de nouveauté, il implique la substitution
d’un autre monde à celui auquel nous étions habitués. Par le collage, le fictif,
l’imaginaire se trouvent liés au réel: le surréel n’est pas au-delà du réel, mais
derrière lui occulté.

52
Le frottage ou grattage est une technique inventée par Max Ernst en
1925. Il consiste à appliquer une feuille de papier sur diverses surfaces
rugueuses et inégales et à frotter ensuite le papier avec une mine de plomb afin
de faire apparaître certaines formes de la surface sous-jacente. L’artiste ne
décide donc pas de l’orientation des formes dans son œuvre mais obéit à ce que
lui propose la matière frottée. Ce procédé réduit à l’extrême la part active de
celui qu’on appelait jusqu’alors l’ « auteur » de l’œuvre. Le rôle du peintre est
de cerner et de projeter ce qui se voit en lui.

La décalcomanie est le procédé du monotype souvent à la gouache. Son


inventeur Oscar Dominguez (1906-1957) retouche les tirages en employant
souvent d’autres techniques comme le raclage. Son invention date de 1935. Le
procédé consiste à étendre de la couleur sur une surface lisse et à plaquer dessus
en appuyant plus ou moins une feuille que l’on décolle si tôt après. Mais Max
Ernst, Marcel Jean et André Masson le réalisent sur toile. Cependant, les plus
célèbres parmi les peintres surréalistes, sont surtout ceux qui ont opté pour une
iconographie précise de l’imaginaire dans une technique classique. C’est le cas
de Salvador Dali (1904-1989) avec sa méthode paranoïaque-critique qu’il
définit comme étant une « méthode spontanée de connaissance irrationnelle
basée sur l’association interprétative critique des phénomènes délirants ». Il
s’agit en fait d’être à un certain degré d’excitation fabulatrice pour réussir une
fusion de l’imaginaire et du réel dans la création artistique.

En 1925 a lieu la première exposition des peintres surréalistes : Arp,


Giorgio de Chirico (1888 -1978), Paul Klee (1879-1940), André Masson (1896-
1987), Joan Miro (1893 -1983), Pablo Picasso (1881-1973), Man Ray (1887-
1968), Pierre Roy (1880-1950). En 1926 s’ouvre la « Galerie surréaliste ». Les
deux importantes expositions internationales organisées, l’une à Londres en
1936, l’autre à Paris en 1938, apparurent alors comme l’apothéose du
Surréalisme. Yves Tanguy (1900 -1955), René Magritte (1898 -1967), Salvador
Dali (1904 -1989), Roberto Matta (1911- ), Paul Delvaux, Hans Bellmer (1902 -
1975), Victor Brauner (1903-1966), forment avec le groupe de 1925 les
principaux adeptes du Surréalisme pictural.

À l’approche de la seconde guerre mondiale l’exode des surréalistes vers


les Etats-Unis est général à quelques exceptions près : Matta, Tanguy et Max
Ernst partent en 1939, Breton et Masson en 1941 ; Miro retourne en Espagne en
1940.

53
3.2.3- Les œuvres représentatives du Surréalisme

Les principales œuvres qu’on peut retenir du Surréalisme sont :

- Le Grand Masturbateur, Salvador Dali, 1929, huile sur toile, 110,1 x


150 cm, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid ;
- Construction molle avec des haricots bouillis, Prémonition de la guerre
civile, Salvador Dali, 1936, huile sur toile, 100 x 99 cm, Museum of Art,
Philadelphie ;
- Le Sommeil, Salvador Dali, 1937, huile sur toile, 51 x 78 cm ; musée
Boymans, Rotterdam ;
- La Trahison des images ou Ceci n’est pas une pipe, René Magritte,
1929, Country Museum of Art, Los Angeles ;
- Le Réveil de l’aube, Joan Miro, 1941, aquarelle et huile sur papier, 48 x
38 cm, collection particulière, New York ;
- La Femme chancelante, Max Ernest, 1923, huile sur toile, 130 x 96 cm,
Kunstsammlung, nordrhein-westfalen, Düsseldorf.

Avant notre point final, il est intéressant de noter que le Surréalisme a


succédé au mouvement Dada et a poursuivi des buts différents. Mouvement de
conquête et d’approfondissement de l’inconscient, le Surréalisme dynamite les
codes esthétiques traditionnels. L’automatisme et le hasard guident les gestes
qui créent librement en l’absence de tout contrôle exercé par la raison et en
dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

54
Planche 17 : Le Thérapeute, René Magritte, 1937, coll. Urvater, Bruxelles.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 100.

55
Planche 18 : Le Cabinet anthropomorphique, Salvador Dali, 1936, huile sur
panneau, 25,4 x 44,2 cm, Kunstsammlung, Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf.
Source : Salvador Dali, sa vie, son œuvre, Gründ, p. 188.

56
Planche 19 : Nature morte vivante, Salvador Dali, 1956, coll. Reynold Morse
Foundation.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 107.

57
CONCLUSION

Le mouvement Dada est animé par un groupe d’intellectuels qui veut faire
table rase de toute la culture existante ; il manie la dérision, le nihilisme et la
provocation ; il aspire à un retour à l’authentique et remet la peinture en
question. Le mouvement naît simultanément à Zurich, autour de l’écrivain
Tristan Tzara et à New York avec marcel Duchamp, Francis Picabia et Man ray.
Il va connaître son apogée et son déclin à Paris respectivement en 1920 et 1923.

À la suite du mouvement Dada les artistes surréalistes renouvellent les


codes esthétiques. Influencés par la psychanalyse et les travaux de Sigmund
Freud, ils revendiquent en 1924 dans le premier Manifeste du Surréalisme le
rôle de l’inconscient dans la sensation esthétique, lequel dicte des montages et
des combinaisons de signes que le peintre traduit sur toile. L’automatisme et le
hasard guident les gestes qui créent librement en l’absence de tout contrôle
exercé par la raison et en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

Si Dada prône la négation de l’art sans rien proposer, le Surréalisme quant


à lui dynamite les codes de représentation et propose l’exploration de
l’inconscient, du modèle intérieur pour atteindre à un automatisme psychique
pur qui donne libre cours à la création plastique.

Ce faisant, l’artiste ne se connaît plus de limites ou de frontière, les


formes sont désormais soumises à sa seule volonté créatrice, il peut les déformer
à sa guise sans contrainte esthétique ou morale. Et après la seconde guerre
mondiale, les générations qui vont suivre s’autorisent toutes les
expérimentations plastiques.

58
IV

L’ART CONTEMPORAIN

59
INTRODUCTION

L’art contemporain correspond à l’art de la seconde moitié du XXème


siècle, à partir de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours. Notre époque
est celle des Technologies de l’Information et de la Communication. Elle est
difficile à cerner au plan artistique. Il serait utopique de s’efforcer à tout prix à la
vision choisie pour les périodes précédentes : avec la distance temporelle, une
unité surgissait. Mais pour notre époque, nous sommes exposés au risque d’être
victimes d’un effet de myopie dû à la proximité des artistes, des événements et
des œuvres.

Une vision pour être normale ne doit être ni myope, ni presbyte. Avec un
minimum de recul on peut observer qu’après la seconde guerre mondiale les
peintres américains s’affranchissent de la tradition européenne. Ils
expérimentent des matériaux nouveaux, modernes et affirment l’importance du
geste. Quant aux artistes européens d’après seconde guerre mondiale, ils
évoluent dans des mouvements d’avant-garde. Ils imaginent de nouveaux
moyens pour exprimer une image poétique du monde moderne.

4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART


4.1.1- Définition et historique

Le besoin d’exprimer le mouvement, fondamental depuis l’Antiquité,


dans la peinture ou la sculpture, exige le recours à un certain nombre de codes
pour arriver à « représenter » sur une image ou un bloc de marbre l’illusion du
déplacement. Après 1950, c’est à la géométrie élémentaire que certains essaient
alors d’intégrer le mouvement. C’est l’avènement de l’Art cinétique et de l’Op
Art.

Le mot « cinétique », du grec kinesis, caractérise le « mouvement » en


physique et par extension dans l’art. L’Op Art, abréviation d’Optical Art, nom
américain donné par le rédacteur de la revue Time Magazine aux œuvres proches
du cinétisme, dont Joseph Albers est l’initiateur, définit l’illusion optique du
mouvement. Laszlo Moholy-Nagy, artiste d’origine hongroise, est l’un des
précurseurs de l’art cinétique et de l’Op Art par ses recherches d’avant-guerre
comme les artistes sculpteurs d’avant-garde russe, Naum Gabo et Antoine
Pevsner, qui participent à l’éclosion du constructivisme (sculpture d’une
plastique dynamique).

60
Les années soixante sont marquées par les innovations technologiques et
scientifiques, l’envoi des premiers hommes dans l’espace et l’enthousiasme pour
la vitesse. Les échanges internationaux se développent à la Biennale de Venise,
(créée en 1895), de Sao Polo (inaugurée en 1951) et de Paris (fondée en 1959).

Avec l’Op Art, le nouvel objectif de l’abstraction géométrique consiste à


utiliser la forme pour engendrer des perturbations visuelles et des illusions
d’optique après 1950.

L’art cinétique a pour origine certaines créations spontanées : toiles de


Turner, des futuristes ou dynamisme immobile de Delaunay. Véritable
précurseur, Moholy Nagy, en 1930, intègre déjà les effets lumineux aux
mouvements de la sculpture mobile. De même Calder, avec ses « mobiles »,
refuse l’inertie de la sculpture figée en permettant la mobilité d’éléments
métalliques qui pivotent sur leur axe selon les déplacements d’air. Enfin, Victor
Vasarely dépasse la toile à deux dimensions pour superposer des volumes
transparents et solliciter l’intervention du spectateur.

Un Groupe de recherche d’Art Visuel, le G.R.A.V. naît en 1960 et se


propose d’éliminer la catégorie « œuvre d’art » et de déplacer l’art dans la rue
comme un bien de consommation. Il est animé par six artistes : Horacio Garcia-
Rossi, Julio Le Parc, François Morellet, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-
Pierre Yvaral. Les années 1965-1968 marquent l’apogée de l’art cinétique. Le
foisonnement des foyers de production et de diffusion de l’art cinétique, stimulé
par son éclatant succès en Europe et aux Etats-Unis, favorise une circulation
internationale des œuvres.

4.1.2 – Caractéristiques

Dans toutes les œuvres de l’Op Art le mouvement est purement optique
jamais réel. Dans l’art cinétique, l’œuvre et/ou le spectateur peuvent bouger.
Tous les artistes cinéticiens ont réalisé des œuvres cinétiques et optiques. En
revanche, les artistes de l’Op Art n’ont pratiquement jamais réalisé d’œuvres
cinétiques.

Avec l’Op Art, la problématique de l’espace pictural est détournée au


profit d’une lecture illusionniste de la surface plane : les concavités, convexités,
les profondeurs ou les reliefs sont suggérés par des jeux formels de graphismes
et de couleurs. En revanche, avec les artistes cinéticiens, la traduction du

61
mouvement se développe selon deux tendances souvent combinées par rapport à
la participation du spectateur :

- Soit l’œuvre reste inerte et le déplacement du spectateur entraîne une


multitude de lecture possible ;
- Soit l’œuvre elle-même s’anime et prend vie, grâce aux procédés liés
aux nouvelles technologies et engendre le mouvement.
Ainsi, les créations sont effectuées par les artistes sur petits ou grands
formats selon le matériau utilisé et la destination de l’œuvre. Les petits formats
sont réalisés avec des panneaux striés, imprimés, martelés, en verre ou en métal,
en vue d’être accrochés sur un mur. En revanche, les grands formats sont
polychromes ou en panneaux d’aluminium composés. Ils animent l’architecture
de lieux publics. Les artistes cinéticiens et les op artistes ont recours à des
matériaux nouveaux, notamment : le plexiglas, le métal, les circuits électriques,
les ampoules électriques et les néons. Ils font aussi usage des moteurs et des
sources d’énergie artificielle.
À la différence des artistes cinéticiens, les op artistes n’utilisent jamais de
peinture. En revanche, ceux-ci exploitent la durée, l’espace et la lumière. La
notion de peinture traditionnelle autour d’un sujet disparaît pour faire place à la
peinture de construction, de machine, d’objets, d’environnement, immobiles à
rendre mobiles. Les formes plastiques sont conçues de façons géométriques et
élémentaires. Leur permutation permet de créer une variété infinie d’œuvres.

4.1.3 – Principaux artistes et œuvres représentatives


Les principaux adeptes de l’Art cinétique et l’Op Art sont :
France:
- Victor Vasarely (Viktor Vasarhelyi, 1908-1997), artiste français
d’origine hongroise, fondateur du cinétisme, met les formes géométriques en
perspective pour créer une impression de volume concave ou convexe, de vague
ou de creux. Le graphisme de chaque panneau varie au gré du déplacement du
spectateur.
- Julio Le Parc (né en 1928) crée des tableaux à reflets lumineux et
organise ses recherches à partir de plaques de métal poli suspendues qui reflètent
la lumière, miroirs concaves et convexes qui modifient les images ; c’est sur le
regard qu’il agit.

62
- Joël Stein (né en 1926) est l’un des pionniers de l’utilisation du laser.
- Jean Dewasne (1921-1999) réalise de grandes fresques au circuit
géométrique dans des espaces architecturaux.
- François Morellet (né en 1926) suit un système de règles géométriques :
nombre de trames et degré de leur inclinaison par rapport aux angles droits du
carré de la toile.
- Nicolas Schöffer (1912-1980), Français d’origine hongroise, théoricien
du mouvement, il réalise des projections mobiles à partir de ses sculptures
spatio-dynamiques sur lesquelles la lumière projetée réfléchit une autre lumière
colorée qu’il projette sur un écran.
- Jean-Pierre Yvaral (né en 1934), Fils de Vasarely, il travaille sur
ordinateur pour décliner l’image digitalisée selon diverses trames colorées.
- Yaacov Agam (né en 1928), Français d’origine israélienne, invente le
tableau transformable à lamelles, qualifié de peinture « polymorphique » : en se
déplaçant le long du panneau, le spectateur voit progressivement la composition
se transformer et les plans qui lui étaient cachés, alors que disparaissent les
précédents.
- Hugo Rodolfo Demarco (1932-1995), d’origine argentine, invente le
tableau à reflets lumineux.
- Raphael Soto (né en 1923), d’origine vénézuélienne, élabore un principe
de réflexion optique systématique de la forme géométrique à partir de points
colorés.
- Carlos Cruz-Diez (né en 1923), d’origine vénézuélienne lui aussi, réalise
des tableaux en lamelles de Rhodoïd translucide qui décompose et recompose la
lumière colorée et provoque des effets optiques.
Italie :
- Luis Tamasello (né en 1915) travaille comme Agam sur le principe de
réflexion de la lumière.
Allemagne :
- Heinz Mack (né en 1931) et
- Otto Piene (1928) créent le groupe zéro (1957-1960).

63
Grande-Bretagne :
- Bridget Riley (née en 1931) juxtapose de fines lignes ondulantes,
strictement parallèles, noires et blanches, insoutenables au regard qui les fixe
plus de quelques secondes.
Hollande :
- Jan Schoonhoven (né en 1914) appartient au groupe « Grœp Nul »
(1957-1967) et réalise des monochromes animés d’effets optiques qui donnent la
sensation de vide et de plein.
Yougoslavie :
- Ivan Picelj (né en 1924) réalise des œuvres scientifiques, abstraites et
géométriques de caractère cinétique à partir de la pureté de la ligne souvent mise
en volume.

Etats-Unis :
- Alexander Calder (1898-1976) a réalisé en fil de fer et en tôle peinte les
poétiques mobiles qu’agite l’air (à partir de 1932-1934, à Paris).

Les principales œuvres représentatives de l’Art cinétique et de l’Op Art


sont entre autres :
- Army, Victor Vasarely, 1967-1968, collage de carton sur contreplaqué,
252 x 252 cm, Musée National d’Art Moderne, Paris ;

- Ambigu, Victor Vasarely, 1969, peinture sur toile, 200 x 191 cm, Galerie
Denise René, Paris ;
- Cheyt-ond, Victor Vasarely, Musée Vasarely, Gordes;
- Environnement et relation, lumière noire, Hugo Rodolfo Demarco,
1968, Galerie Denise René, Paris ;
- Boite couleur-lumière à transformation, Julio Le Parc, 1965, Galerie
Denise René-Hans Meyer, Düsseldorf ;
- Mouvements, Yaakov Agam, 1953, coll. W. Benenson, New York;
- Décoration murale de maison du plateau Beaubourg à Paris, 1970-
1971.

64
La représentation du mouvement sur la surface de la toile avait préoccupé
les artistes futuristes italiens. Leurs recherches s’étaient limitées à la
décomposition du modèle et à sa reconstitution dans ses différentes phases de
déplacement, de manière simultanée. Avec les cinéticiens et les op artistes
l’image devient mobile et requiert la participation du spectateur par le jeu des
déplacements simultanés. Mais plus que l’image ou la sculpture, ce sont leurs
constituants qui révolutionnent surtout les approches traditionnelles.

65
Planche 20 : Mobile « 31 janvier », Alexander Calder, 1950, tôle
d’aluminium et fils d’acier, MNAM, Paris.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 474.

66
Planche 21 : Army, Victor Vasarely, 1967-1968, collage de carton sur
contreplaqué, 2,52 x 2,52 m, Musée national d’Art moderne, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid., p. 121.

67
4.2- LE POP ART

4.2.1- Définition et historique

Le Pop Art se définit comme un mouvement anti-culturel et qui est à la


portée du plus grand nombre : la simplicité et l’accessibilité de son message
permettent de sensibiliser toutes les classes sociales et non pas uniquement
l’intelligentsia. Le critique d’art anglais Lawrence Alloway utilise ce mot pour
la première fois en 1955. La même année et la suivante, il organise deux
expositions manifestes avec l’Independent Group constitué pour rapprocher l’art
de la vie contemporaine. Le Pop Art, forme abrégé de Popular Art, désigne une
production artistique britannique et américaine inspirée par la culture populaire
entre 1955 et 1970. L’art du musée, réservé à une frange culturelle, est remis en
question car les idées qu’il véhicule sont relayées par une contre culture
marginale, celle de l’environnement immédiat, communiqué par les média :
affiches publicitaires, bande dessinée, roman-photo ou photo-roman, télévision,
cinéma. C’est un mouvement essentiellement anglo-saxon. Il apparaît en
Angleterre avant de trouver son épanouissement aux Etats-Unis.

4.2.2- Caractéristiques

Les Pop artistes puisent leurs thèmes essentiellement dans la société de


consommation. Ladite société leur fournit une iconographie permanente. Des
acteurs de cinéma aux denrées alimentaires en passant par les produits
d’entretien, la consommation est « magnifiée » par eux ou peinte objectivement
sans intention de dénonciation, au contraire des démarches voisines
européennes, notamment avec le Nouveau Réalisme et la Nouvelle Figuration.

La dénonciation s’effectue cependant au plan purement artistique et ce, à


l’encontre de l’abstraction dominante de l’après guerre en Europe et aux États-
Unis. Il est reproché à cette approche plastique d’être trop axée sur les
« pulsions intimes » et le « nombrilisme narcissique » de ses adeptes. Aussi les
artistes du Pop Art refusent-ils de s’impliquer dans leur œuvre. Ce faisant, celle-
ci présente un aspect mécanique par la froide exécution de l’aérographe chez
certains. En effet, les artistes expérimentent les procédés techniques les plus
récents de l’industrie et du commerce : la peinture acrylique, le collage sur toile
de matériaux étrangers à la peinture, la sérigraphie, etc. La figuration s’inspire
de la publicité, des magazines, de la télévision et de la bande dessinée. Les
peintres ne distinguent pas le bon du mauvais goût. L’art témoigne du monde
moderne quotidien, des objets ménagers, de la publicité, des vedettes et du rebut.
68
Les peintres affectionnent le cadrage frontal et les vues perspectives. Les
toiles apparaissent simples et lisibles. Les modelés lissés et les aplats des
affiches se retrouvent sur les tableaux des peintres américains. Le cerne et la
trame de la bande dessinée, le découpage et la mise en page de la planche
contact, le cadrage insolite de la photo sont autant de procédés adoptés en
peinture pour affirmer le fait que ces moyens de communications peuvent être
artistiques.

Par ailleurs, le désir d’incorporer la réalité à la peinture, depuis le


Cubisme synthétique avec Nature morte à la chaise cannée de Pablo Picasso, a
pris la voie de la sublimation des éléments de rebut avec Schwitters pour arriver
à son épanouissement dans le courant « assemblagiste » du Pop Art. Ce courant
intègre des animaux empaillés avec Rauschenberg ou aboutit à de véritables
environnements chez Wesselman et Kienholtz.

4.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes du Pop Art sont :


États-Unis :
- Roy Lichtenstein (1923-1997) prend ses sujets dans la publicité et dans
les produits de la vie courante. Il s’intéresse à la bande dessinée américaine,
subordonne son style à leur traitement graphique froid, recompose le tramage
démesurément agrandi de l’image et restitue en peinture les bulles et les
exclamations.
- Andy Warhol (1928-1987) recherche un art anonyme et le trouve par le
biais technique de la sérigraphie et en intégrant la photographie à l’œuvre peinte.

- Tom Wesselmann (né en 1931) pratique le collage et peint en larges


aplats colorés des nus féminins linéaires et sensuels vus dans leur intimité.

- Ronald Kitaj (né en 1932) son style est vivement coloré et pictural.
- James Albert Rosenquist (Né en 1933) opte pour la précision réaliste du
style publicitaire dans de vastes formats.
Grande Bretagne :
- Richard Hamilton (né en 1922) pratique le photomontage et traduit
l’imagerie des magazines américains avec un métier pictural traditionnel.

69
- Peter Blake (né en 1931) se sert de techniques variées, par exemple le
collage, la peinture à l’huile, la Photographie, le dessin.
- Derek Boshier (né en 1937) donne une représentation critique de la
société.
- Allen Jones (né en 1937) réalise des images érotiques, stéréotypées et
bariolées.

Les œuvres représentatives du mouvement Pop Art sont :

- Nine Jackies, Andy Warhol, 1964, acrylique et sérigraphie sur toile,


154,5 x 122,5 cm, coll. Ilena Sonnabend, New York ;

- Flag, Jasper Johns, 1955, encaustique sur toile, coll. Jean Christophe
Castelli ;

- Tracer, Robert Rauschenberg, Mrs Frank Tielman;

- Hot Dog, Roy Lichtenstein, 1964, émail sur tôle, Musée National d’Art
Moderne, Paris ;

- Gold Marilyn Monroe, Andy Warhol, 1962; 211 x 145 cm, museum of
Modern Art, New York;

- Whaam, Roy Lichtenstein, 1963, acrylique, 172 x 406 cm, Tate Gallery,
Londres;

- Canyon (Combine painting, Robert Rauschenberg, 1959, huile sur toile


et matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61cm, The Sonnabend Collection, New
York

- Marylin Turquoise, Andy Warhol, 1964, sérigraphie et acrylique sur toile,


101, 6 x 101,2 cm, collection Stefan T. Eblis.

En résumé, le Pop Art est un mouvement anglo-saxon qui naît en


Angleterre et se développe aux Etats-Unis dans les années 1950-1960. Les
artistes détournent les moyens d’expression de la culture de masse dominante,
utilisent les moyens techniques de reproduction de l’image : sérigraphie,
photographie et puisent les sujets dans la banalité de la vie quotidienne. Ce
mouvement artistique minimise l’expression personnelle, intègre
l’environnement et se développe dans les arts plastiques, la musique et la danse.
Il constitue un véritable phénomène de société et reçoit un large accueil.
70
Planche 22 : Canyon (Combine painting) (détail), Robert Rauschenberg, 1959,
huile sur toile et matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61 cm, The Sonnabend
Collection, New York.
Source: Alain MÉROT, Ibid. p. 488.

71
Planche 23: Whaam! Roy Lichtenstein, 1963, Acrylique, 172 x 406 cm.
Source: Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 122.

72
4.3- L’HYPERRÉALISME
4.3.1- Définition et historique
L’Hyperréalisme est nommé aussi en anglais Photorealism ou
Supperrealism. Il désigne un courant de peinture et de sculpture né vers 1965
aux Etats-Unis. La figuration, « Plus vrai que vrai » et sans émotion, observe le
réel à travers la photographie. Héritier de son prédécesseur, le Pop Art,
l’Hyperréalisme reprend l’agrandissement de l’image figurative en y ajoutant un
souci de ressemblance parfaite. Le précisionnisme de Hopper et Wood avait
déjà, dans les années 1930, donné le sentiment de vouloir copier la réalité en
toute impartialité avec un maximum de fidélité.
Le désir de reproduire le réel tel qu’il est n’est pas nouveau et n’est par
conséquent pas spécifique de ce mouvement : un recul dans le temps permet
d’observer au XVème siècle les savants reflets sur les cuivres des Annonciations
de Van Eyck, ou, plus tard au XVIIème siècle, la transparence du verre et la
matité du pain de la Nature morte à l’échiquier de Baugin. La même virtuosité
picturale et le même effacement de la touche sont perceptibles de part et d’autre.
Mouvement pictural et sculptural, l’Hyperréalisme va à l’encontre de
toutes les remises en question conceptuelles ou minimalistes de l’époque. Il est
favorablement accueilli par le public et les collectionneurs.

4.3.2- Caractéristiques

Pour l’artiste hyperréaliste, le choix du référent ne constitue pas une


priorité puisque qu’il refuse toute sentimentalité ou toute implication
personnelle dans l’exécution de l’œuvre. Les artifices de surface, en
l’occurrence les agents plastiques, ne sont porteurs d’aucun message intelligible,
l’image se voulant dépourvue de toute connotation esthétique ou métaphorique :
la traduction de l’ « américanité » dans toute son acception avec ce qui compose
l’univers de l’américain moyen (drugstores, vitrines, enseignes lumineuses,
portraits ou carrosseries automobiles) relève d’une totale objectivité.

Les tableaux sont peints à l’huile ou à l’acrylique. La technique favorise le


rejet de toute subjectivité : les peintres travaillent d’après des projections de
diapositives sur la toile. Ils s’évertuent à rendre la réalité visible avec autant de
précision que possible. Le résultat ressemble à s’y méprendre à une véritable
photographie. Alors la question qui se pose est celle-ci : quel intérêt y a-t-il à

73
mettre quelquefois plusieurs mois pour arriver à réaliser ce qu’un simple déclic
de l’appareil photographique permet d’obtenir instantanément ?

La réponse pourrait être que si l’œil du peintre se substitue à celui de


l’appareil photographique, c’est aux fins de nous faire prendre conscience, d’une
part, de la vanité que l’on pourrait avoir à essayer d’égaler la photographie,
d’autre part, de la vision que nous avons de la réalité non plus directement mais
interprétée à travers ses codes, le cadrage et la prise de vue. En effet, en prenant
la photographie pour base (diapositives et clichés projetés à l’aide d’un
épiscope), les artistes hyperréalistes modifient certains aspects à leur gré
(agrandissement, déformation, netteté). Ils choisissent les cadrages arbitraires et
variés. L’exécution procède de la virtuosité froide du trompe-l’œil traditionnel et
confère un aspect clinquant aux objets représentés.

4.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives

Les principaux artistes hyperréalistes sont :

- Raph Goings (né en 1928) obtient au début des années soixante-dix, un


illusionnisme limpide à l’aide de l’aérographe.

- Robert Bechtle (né en 1932) peint la société des banlieues dans les
grands formats.

- Robert Cottingham (né en 1935) s’intéresse aux placards publicitaires


tronqués et aux enseignes lumineuses.

- Richard Estes (né en 1936) épure la représentation et peint avec de


petites touches sensibles.

- David Parrish (né en 1939) reproduit des motos d’après des diapositives.

- Chuck Close (né en 1940) réalise des portraits en noir et blanc sur de
grands formats à partir de photos d’identité. Ce faisant, il exagère le flou ou la
netteté ainsi que l’aspect figé et déformant de la photographie.

- Don Eddy (né en 1944) s’intéresse aux carrosseries de voitures et aux


vitrines de magasins.

Les principales œuvres représentatives de l’Hyperréalisme sont :

- Femme debout s’appuyant sur une table, John de Andrea, 1973,


sculpture en polyester peint. Galerie Isy Brachot, Bruxelles ;
74
- Palmiers dattiers, Robert Bechtle, 1970-1971, huile sur toile, Nene
Galerie, collection Ludwig, Aix-la-Chapelle ;

- Richard, Chuck close, 1969, acrylique sur toile, Nene galerie, collection
Ludwig, Aix-la-Chapelle ;

- Art, Robert Cottingham, 1971, peinture acrylique sur toile. Collection Dr


Marylinn et Ivan C. Karp, New York ;

- Gordon’s gin, Richard Estes, 1968, huile sur toile, Galerie Isy Brachot,
Bruxelles ;

- Air Stream, Raph Goings, 1970, acrylique sur toile, Nene Galerie,
collection Ludwig, Aix-la-Chapelle ;

- Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et polyester,


collection Saul P. Steinberg, New York ;

- Moto, David Parrish, 1971, huile sur toile, collection Jacky Ickx, Grez-
Doiceau (Belgique).

L’artiste d’aujourd’hui s’interroge, à travers l’objet même qu’il


réalise, sur le processus de sa réalisation, sur les fondements de sa fabrication et
sur son sens. Aussi l’Hyperréalisme répond-il par une mise en question de
l’image, de la vision qui la transmet, des procédés qui la reproduisent. Notre
conditionnement par les mass-médias est tel que nous considérons comme
naturelle l’image photographique. Elle est à réduire à sa plus simple expression
car elle n’est qu’une convention. Elle est le perfectionnement et l’aboutissement
mécanique de la perspective telle que codifiée par les artistes de la Renaissance,
au XVème siècle. L’abandon de l’illusion de la profondeur au profit de la surface
plane a été et demeure l’une des caractéristiques de l’art moderne. Aussi
paradoxal que cela puisse paraître, c’est en utilisant l’appareil photographique
que les peintres hyperréalistes remettent en question cette image si coutumière
comme pour donner raison à Jean Cocteau qui soulignait la tricherie du cinéma
en ces termes : « Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image », ou
encore pour s’accorder avec René Magritte dont le tableau, La Trahison des
images ou ceci n’est pas une pipe, montre bien que toute image est après tout un
mensonge organisé.

75
Planche 24 : Richard, Chuck Close, 1969, Acrylique sur toile, Neue Galerie,
collection Ludwig, Aix-la-Chapelle.
Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

76
Planche 25 : Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et
polyester, collection Saul P. Steinberg, New York.
Source : Ibid.
77
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES

4.4.1- Les années cinquante

Partout dans le monde, les lendemains de la seconde guerre mondiale


correspondent à une tendance à la consommation. Une nouvelle sensibilité est
suscitée par l’essor de la publicité et le développement sans précédent de
l’électroménager domestique. Des élévations sans précédent envahissent le
paysage suburbain. Elles visent à loger en périphéries des villes le plus de gens
possible, dans un habitat à loyer modéré (HLM), susceptible d’accompagner le
« Baby boom » nécessaire à l’essor industriel et à une main d’œuvre abondante.
Lesdites élévations résultent du fonctionnalisme moderniste des architectes les
plus efficaces qui alignent de grands immeubles sur les plans-masses.

Par ailleurs, Le Corbusier réalise l’ « Unité d’habitation » de Marseille


dont la construction s’étendra de 1946 à 1952. Il adapte les 337 appartements en
duplex, selon vingt trois types différents, à des foyers d’une à dix personnes,
dans ce qu’il qualifie de « Laboratoire social ». Ce grand architecte propose une
nouvelle approche de l’espace collectif avec ses rues intérieures, ses commerces,
son hôtellerie communautaire pour les parents et les visiteurs des résidents.
Cette unité d’habitation comprend aussi une crèche et une école maternelle dont
les larges baies vitrées ouvrent sur le toit-terrasse. Mais dès l’achèvement, tous
les appartements, à l’exception de l’école, sont mis en vente. Il ne faudra pas
moins de sept ans pour qu’ils trouvent des acquéreurs.

Le Corbusier publie en 1950, le premier traité du Modulor mis au point


dès 1943. Ce système de mesure est fondé sur la figure de « l’homme-le-bras-
levé ». Il est réglé sur une unité de 2,16 m et propose de mettre fin au désordre
régnant dans la production industrielle de l’habitat et de vaincre les
contradictions de la « civilisation machiniste ». Il replace un « homme de six
pieds » au cœur de la coordination modulaire internationale. L’année suivante,
Le Corbusier, le visionnaire de la charte d’Athènes (1933) et des quatre
fonctions d’urbanisme (« Habiter », « Travailler », « Cultiver le corps et
l’esprit », « Circuler ») est nommé Planning Advisor de l’Etat du Pendjab en
Inde. Il se voit confier la construction de Chandigarh, sa capitale, qui sort de
terre dès 1958. Plusieurs générations d’architectes iront en pèlerinage visiter
cette « Mecque » de l’architecture moderne.

Avec de larges avenues et de gigantesques bâtiments administratifs,


Brasilia est conçue par les Brésiliens Lucio Costa et Oscar Niemeyer. Elle trace
78
au cœur de la grande forêt amazonienne la logique symbolique d’axes
rectilignes et d’édifices monumentaux de la nouvelle capitale du Brésil. Celle-ci
deviendra bien vite un centre ville déserté et lunaire, cerné par les bidonvilles.

Aux États-Unis, Franck Lloyd Wright réalise, de 1948 – date de


construction de la Jacobs House à Middleton dans le Wisconsin, son manifeste
de l’architecture organique – jusqu’à sa mort en 1959, plus de 120 maisons et,
au cours des trois dernières années de sa vie, commence la construction du
musée Guggenheim de New York, son œuvre phare dont le projet remonte à
1943. Ferro Saarinen conçoit en 1956 le terminal de la TWA à Kennedy Airport.
Il l’achèvera en 1962. Un an plus tard, la même prouesse est renouvelée dans
l’emploi du béton, quand est lancée l’arche monumentale de Saint Louis. C’est
au contraire une rigueur transparente qui est à l’ouvrage en 1958 quand Mies
Van Der Rohe et Philip Johnson érigent le formidable parallélépipède de verre et
d’acier du Seagram Building.

À Paris, le palais de l’UNESCO est construit de 1953 à 1957, par Marcel


Breuer, l’un des derniers maîtres du Bauhaus, Pier Luigi Nervi, l’Italien des
voiles de béton, et le Français Bernard Zehrfuss. Il est décoré par les œuvres de
plusieurs artistes du monde entier. En 1958, le Centre des nouvelles industries et
technologies (CNIT) jette sur l’esplanade de la Défense, qui prolonge au-delà de
Paris la perspective ouverte par les Champs-Elysées, un voile de béton de 230 m
de portée pour donner forme à la plus grande voûte du monde.

Au contraire, Carlo Scarpa offre ses lettres de noblesse à l’architecture


intérieure par son réaménagement du musée de l’Académie proposé en 1949 et
celui de Castelvecchio de Vérone auquel il travaille de 1956 à 1964. Il construit
en 1956, dans les Giardini de la Biennale, le pavillon du Venezuela et réhabilite,
en 1973, le Palais Querini. En plus des salles d’exposition, il y invente un jardin
et même un nouveau pont sur un petit canal de Venise. Ce calligraphe des
volumes et des plans, d’un raffinement extrême, modelant la lumière et sculptant
le béton avec mesure et rigueur, sait comme personne tirer le meilleur parti de
l’ancien pour régénérer avec ferveur. L’entrée de la faculté d’architecture de
Venise où il enseignait, témoigne de son influence posthume. Elle a été réalisée
d’après un projet de 1972 à 1985, sept ans après sa mort.

79
4.4.2- L’apport new-yorkais

La montée des fascismes chasse une bonne part de l’intelligentsia


européenne qui se retrouve, pendant la guerre, à New York. Un nouveau foyer
de création artistique s’y constitue autour de grands artistes tels que Piet
Mondrian, Max Ernst ou le poète André Breton. Le peinture Roberto Matta
connaît bien Le Corbusier pour avoir travaillé dans son agence, mais aussi
Picasso et les surréalistes ; aussi joue-t-il un rôle d’intermédiaire entre les jeunes
artistes américains et ces mythiques initiateurs de l’avant-garde européenne. Le
peintre Cubain Wifredo Lam, riche de sa connaissance de l’œuvre de Picasso
mais aussi de son ancrage aux arts premiers, renouvelle l’exploit des
Demoiselles d’Avignon avec La Jungle en 1943. Il avait fait le voyage
jusqu’aux Antilles avec André Breton en 1941. Ce tableau est exposé à l’entrée
du Museum of Modern Art de New York. L’apparence des formes végétales
entremêlées et des figures totémiques associées au mystère d’une cérémonie
mystérieuse, tire toute sa force de la diversité culturelle et révèle une nouvelle
facture picturale.

En marge d’une Europe en proie au nazisme, New York devient le centre


où se conçoivent les formes de la liberté d’expression à venir. Ce foyer
cosmopolite donne naissance à une école new-yorkaise dont Jackson Pollock
sera le porte-drapeau. Il est propulsé par les photos du magazine Life avant que
ses peintures ne soient réellement connues. Artiste d’origine modeste, il aime la
route, les voitures et les grands espaces, et importe pour la première fois le
« Star system » cher au show-business dans le monde des arts plastiques.
Comme tous les artistes de sa génération, il est passé par le grand atelier des
décorations publiques des années trente, fortement influencées par les muralistes
mexicains. Entre 1948 et 1950, avec une rare témérité Pollock offre à
l’Expressionnisme abstrait une peinture libérée de toutes les conventions :
« Il me semble, dit-il, que la peinture moderne ne peut exprimer notre époque,
l’avion, la bombe atomique, la radio, à travers les formes héritées de la
Renaissance ou de toute autre culture du passé » (J.-L. Pradel, Paris, 1999, p.
32).

La toile travaillée au sol s’apparente à un ring. Le critique Harold


Rosenberg parle d’ « Action painting ». À la suite des expériences de Max Ernst
ou d’André Masson, Pollock utilise le dripping qui consiste à laisser goutter sur
la toile la peinture versée dans des boîtes percées. Ainsi est ménagée une
distance en même temps qu’un jeu avec le hasard devant quoi le regard est

80
condamné à errer : « On devrait écouter, précise-t-il, l’immobilité de la peinture
avec la même terreur qui nous fait entendre le silence des déserts et des
glaciers ». Mais, en 1951, Pollock revient à Picasso (et à « Guernica » placé en
« dépôt » au MOMA de New York) auquel il rend hommage par des formes en
noir et blanc. Cinq ans plus tard, il est victime d’un accident de la route et meurt
à quarante quatre ans, fondateur et héros de l’émergence de l’école new-
yorkaise.

81
Planche 26: La Jungle, Wifredo Lam, 1943, Museum of Modern Art, New
York.
Source: Gaston DIEHL, Ibid. p. 104.

82
Planche 27 : Sept, Jackson Pollock, 1950, coll. C. Cardazzo, Vevise.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 157.

83
CONCLUSION

L’art contemporain s’affranchit de toutes les normes conventionnelles, de


toutes les contraintes de la création plastique. Il ne se connaît ni contraintes, ni
limites, ni frontières. Il remet en cause tout ce qui est convention communément
acceptée par les artistes des périodes précédentes. Expressionnisme abstrait, Op
Art, Pop Art, Land Art, Minimal Art, Hyperréalisme, Nouveau Réalisme,
Figuration narrative, Trans-avant-garde italienne, Nouveaux Fauves, Bad
Painting, etc., dans leur diversité s’orientent dans des voies nouvelles avec pour
maître mot : l’innovation. Le trait caractéristique commun à cet art de la seconde
moitié du XXème siècle est qu’il s’en prend aux catégories artistiques, aux
supports de l’art, à l’espace. Il s’exprime sous toutes les formes, avec les
supports les plus insoupçonnés (des néons de Dan Flavin aux installations
d’objets divers, en passant par les compressions de César).

84
V
LECTURE D’ŒUVRES D’ART : APPROCHE ICONOLOGIQUE

85
INTRODUCTION

Images fixes peintes, dessinées ou photographiées, images en


mouvement de la télévision et du cinéma, l’image quelle qu’elle soit est un
complexe d’éléments morphologiques en un certain ordre agencés. Ce complexe
est, à n’en point douter, porteur d’un sens qu’il importe de savoir décoder, lire.
Notre espace socioculturel actuel est envahi par l’image. L’initiation à sa lecture
est devenue une nécessité. La lecture de l’image consiste dans l’identification et
l’appréciation des éléments la constituant. L’iconologie se présente donc comme
un moyen tout indiqué pour l’exercice à sa pratique en milieu universitaire.
Cependant, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le fondement et la portée
réelle d’une méthode d’approche scientifique de ce qui est supposé s’adresser à
notre émotivité. En effet, il n’échappe à personne que l’œuvre d’art peut être
appréciée et interprétée différemment. Pour dire la même chose, en d’autres
termes, l’œuvre d’art est investie des intentions de son auteur qui en est par voie
de conséquence le premier interprète. Elle se prête ensuite aux interprétations de
ses spectateurs. Au bout du compte, le sens d’une œuvre d’art est la somme des
multiples interprétations produites par ce que Marc Le Bot appelle « cette sorte
de machinerie à sens qu’est toute œuvre d’art »1. Par ailleurs, nous observons
que ce qui est en jeu dans l’art, particulièrement en ce vingt-unième siècle, c’est
moins le souci de représenter des objets qui seraient sujets à interprétations que
celui de mettre au premier plan les structures propres à une œuvre. D’où la porte
ouverte aux appréciations les plus subjectives de la part des spectateurs surtout
les moins avertis. Néanmoins, nous pensons que l’œuvre d’art, en tant que
combinaison de formes, ne saurait se limiter aux artifices de sa surface. Les
éléments morphologiques qui la composent ne sont que la partie visible d’un
iceberg. Il faut donc, pour mieux l’appréhender, atteindre à sa dimension cachée.
Aussi notre approche s’articule-t-elle autour de quatre axes essentiels.
Dans un premier volet, nous explicitons les concepts d’iconologie et
d’iconographie ; dans un second, nous levons un coin de voile sur la notion
d’œuvre d’art ; dans un troisième nous procédons à une présentation théorique
de la méthode d’analyse iconologique, enfin dans le quatrième et dernier, nous
donnons deux exemples d’application de ladite méthode à travers un tableau du
peintre cubiste Pablo PICASSO et un autre de l’hyperréaliste Robert
COTTINGHAM.

1
M. Le Bot, « François Rouan, l’image dans l’entrelacs », Écrit-Voir, Revue d’Histoire des Arts, Collectif pour
l’histoire de l’art et Publication de la Sorbonne, No 5, Paris, 1984-1985, p. 5.
86
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE

5.1.1- Définition et historique

L’iconologie comme méthode de l’histoire de l’art s’affirme en 1912, au


Congrès international d’histoire de l’art à Rome. En effet, Aby Warburg y
présenta un rapport sur les fresques réalisées par Francesco Cossa et ses
collaborateurs au Palais Schifanoja de Ferrare. Ces fresques qui, jusqu’alors
n’avaient pas pu être expliquées par les exégètes de l’art et les historiens, ont été
interprétées par Warburg d’une manière très pertinente et convaincante. Celui-ci
défend son approche théorique en ces termes :
« En osant présenter ici cette esquisse provisoire touchant une question de détail,
je voulais en même temps m’exprimer en plaidant pour l’élargissement des
limites méthodologiques de notre érudition de l’art, en ce qui concerne le
matériel d’étude ainsi que son étendue (…) J’espère, qu’au moyen de la méthode
employée par moi pour analyser les fresques du palais Schifanoja de Ferrare, j’ai
démontré qu’une analyse iconologique, qui ose considérer l’Antiquité, le Moyen
Âge et les Temps modernes comme des époques liées entre elles, et analyser les
œuvres des arts les plus libéraux et les plus appliqués comme des documents
d’expression égale, en s’efforçant de jeter de la lumière sur une tache sombre,
éclaire en même temps des grandes suites de développement entre nouées ». 2

Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’ouvrage qui a introduit ce


concept est celui de Cesare Ripa intitulé Iconologia et publié en 1593. Au
départ, l’iconologie est perçue comme étant la science des images qui détermine
les règles pour la représentation figurée des idées abstraites et morales et ce, du
XVIème au XIXème siècle. À partir du siècle suivant, le terme est utilisé pour
désigner une méthode d’interprétation des œuvres d’art. L’adjectif
« iconologique » est employé au début du XXème siècle dans cette acception
quant au substantif « iconologie », il l’est en 1931 et 1939 respectivement dans
les recherches de G. J. Hoogewerff et Erwin Panofsky. Ces pionniers de la
nouvelle méthode du contenu des œuvres d’art ont eu recours au terme de départ
« iconologie » pour distinguer leur méthode de l’iconographie qu’ils définissent
comme étant l’identification et la description des sujets, thèmes, symboles et
attributs dans l’art. Pour Panofsky, l’iconologie est une iconographie
interprétative, qui devient une partie intégrale de l’étude de l’art, au lieu de se
limiter à n’être qu’une constatation préalable à d’autres analyses. Elle procède à
une interprétation de la signification qu’un sujet ou un symbole possède dans

2
Aby WARBURG cité par J. BIACOSTOCKI, « Iconologie », Encyclopædia universalis, volume 8, Paris, 1980,
pp. 710-711.
87
une œuvre en tant qu’expression d’une philosophie et d’une conception du
monde.
5.1.2- Rapport entre iconographie et iconologie
Pour Hoogewerff, le rapport entre l’iconographie et l’iconologie est
comme celui entre la géographie et la géologie. Les premières observent,
constatent, décrivent, les dernières s’intéressent à la structure, à la formation
intérieure, au contenu. L’iconographie identifie, décrit et l’iconologie a pour
objet les œuvres d’art sans les classer selon la technique appliquée ou selon la
perfection atteinte mais elle les contemple en les rangeant uniquement d’après
leur signification. Elle cherche à savoir quelle signification sociale on peut
attribuer à certaines formes, manières d’expression et de figuration, dans une
époque déterminée.

5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART

5.2.1- Définition, catégories et genres

5.2.1.1- Définition

Dans le domaine de l’art, une œuvre est une production, un ouvrage


unique réalisé par un artiste dans une technique donnée : ce peut être une œuvre
picturale, une œuvre sculpturale, une œuvre architecturale, une œuvre
graphique, etc. Le terme peut être employé au pluriel et est toujours au féminin
pour désigner des productions artistiques, des ouvrages réalisés par un ou des
artiste(s) dans des techniques données. On écrira donc une œuvre d’art et des
œuvres d’art.

Employé au masculin et au singulier, le terme œuvre (un œuvre) se


rapporte à l’ensemble des œuvres (au féminin et au pluriel) d’un artiste, réalisées
dans une technique particulière. On parlera ainsi de l’œuvre peint de Picasso, de
l’œuvre sculpté de Michel-Ange, de l’œuvre gravé d’Albrecht Dürer, etc.

5.2.1.2- Catégories et genres

Les différentes catégories de représentation plastique sont : les sujets


historiques, les sujets mythologiques et allégoriques, les sujets religieux, le nu,
le portrait et l’autoportrait, le paysage, la peinture de marines, la peinture de
genre, la nature morte, la peinture d’architecture, l’enluminure, la miniature, la
peinture murale, la peinture des voûtes et des plafonds, le polyptique, etc.

88
Les œuvres traitant de sujets historiques traduisent la grandeur de la
royauté, de l’empire ou de la république. Elles magnifient les faits et les gestes
les plus nobles. Les sujets historiques dans les représentations plastiques
remontent à l’Antiquité égyptienne. Les temples et les pyramides sont décorés
par des fresques relatant les victoires des pharaons sur les ennemies.

À partir de la Renaissance, les artistes empruntent à l’art antique gréco-


romain les sujets mythologiques. Ils s’inspirent des sculptures, recherchent
l’idéalisme au service de l’apparat, du luxe des habitations aristocratiques et
royales. Quant à l’allégorie, elle est un procédé de personnification d’une idée
religieuse, morale ou philosophique, etc.

Les sujets religieux sont en rapport avec la foi et la présence divine.


Les scènes bibliques sont traitées sur des supports de prédilection tels que les
retables et les vitraux.

Le nu met en exergue la beauté plastique, formelle du corps humain. Il


évolue avec le temps à travers les sujets historiques, religieux, mythologiques,
pour être idéalisé pendant la Renaissance et chercher à rendre fidèlement la
réalité visible au XIXème siècle avant de devenir un prétexte d’expériences
depuis le siècle dernier.

Le portrait est une représentation où l’artiste vise la ressemblance


physique et psychologique avec son modèle. De l’Antiquité au XIX ème siècle, il
a eu ses lettres de noblesse avant de disparaître au fil du temps pour laisser la
place à la photographie. Dans l’autoportrait, l’artiste se choisit comme sujet de
représentation, matérialisant ainsi une sorte de narcissisme.

Le paysage, la peinture de marines et la peinture d’architecture


représentent respectivement la nature de manière autonome, le paysage de la
mer avec ou sans les bateaux et le paysage urbain.

La peinture de genre est celle de la vie quotidienne relative au travail, aux


loisirs, aux divertissements, etc.

La nature morte est la représentation des éléments sans vie notamment des
objets, des fruits, des fleurs, des gibiers. L’artiste met en évidence la valeur
symbolique desdits éléments.

L’enluminure et la miniature prêtent souvent à confusion. L’enluminure


est une forme de peinture ou de dessin que l’artiste de la période médiévale
89
réalisait sur les manuscrits ou dans les livres. Quant à la miniature, elle est une
peinture ou un dessin autonome de petites dimensions qui s’affranchit du livre et
du manuscrit pour devenir une œuvre à part entière.

La peinture murale, la peinture des voûtes et des plafonds se réalisent avec


pour supports respectivement les murs, les voûtes et les plafonds.

Le polyptique est une peinture constituée de plusieurs tableaux à la fois.


Ces tableaux forment ensemble une seule et même œuvre. Ils se présentent sous
forme de paravents, se fermant et s’ouvrant pour s’étendre dans l’espace. Depuis
le XXème siècle, des peintres notamment les adeptes de l’abstraction
affectionnent l’assemblage monumental de tableaux juxtaposés.

5.2.2- Supports, techniques de réalisation et agents plastiques

5.2.2.1- Les supports

Dans le cas de la peinture, un support, autrement appelé projectile, est une


surface sur laquelle l’artiste dispose des formes et des couleurs en un certain
ordre agencées. Le support s’impose au peintre en fonction de la destination de
l’œuvre : il peut être autonome (tableau de chevalet) ou non (mur, plafond, etc.).
La nature du support (souplesse, rigidité, fragilité, etc.) détermine les techniques
de préparation (apprêtage, encollage, enduisage, marouflage) mais aussi et
surtout les procédés picturaux.

5.2.2.2- Les techniques de réalisation

Les techniques sont tributaires des différents domaines d’expression


plastique : peinture, gravure, sculpture, céramique, tapisserie, etc. Nous
prendrons ici en exemple le domaine pictural. Maurice Denis dit qu’un tableau
de peinture « avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une
quelconque anecdote, est une surface plane recouverte de couleurs en un certain
ordre assemblées »3. Ces couleurs à l’origine minérales ou organiques et
aujourd’hui chimiques adhèrent aux différents supports grâce à des liants qui les
fixent. Ce faisant, nous avons les principales techniques suivantes :

- La peinture à l’huile (peinture dont le liant est l’huile et le diluant


l’essence de térébenthine de préférence) ;

- La détrempe est une peinture à la colle avec pour diluant, l’eau ;

3
Maurice DENIS, cité par Roger BORDIER, L’Art moderne et l’objet, Paris, Albin Michel, 1978, p. 121.
90
- La tempera est une peinture à l’œuf ;

- L’aquarelle est une peinture à la détrempe qui se fait directement sans


esquisse préalable (procédé d’alla prima) ;

- Le lavis est un procédé de camaïeu (utilisation d’une seule couleur),


l’eau servant à diluer et à étendre la teinte de départ ;

- Le pastel se présente en bâtonnets de forme ronde ou carrée. Il est connu


depuis le XVème siècle. Il y a le pastel traditionnel composé de pigments
finement broyés, de gomme arabique et de miel ; il y a aussi le pastel
gras ou à l’huile qui est récent.

- L’acrylique est un procédé qui date des années 1950. C’est une matière
soluble à l’eau, utilisée pour les grandes surfaces et prisée par les artistes
du Pop Art. L’acrylique se prête à tous les supports et permet tous les
effets.

5.2.2.3- Les agents plastiques

Les agents plastiques sont : le point, le trait, la ligne, les hachures, la


tache. Traditionnellement, le processus de création pictural consistait à faire
d’abord un dessin donc à organiser des lignes et ensuite à appliquer la couleur
dans les limites du contour des tracés. Le dessin précédait la couleur. Depuis la
Renaissance italienne, deux approches s’opposent : les partisans du dessin
(Poussin, Ingres) et les coloristes (Rubens, Delacroix, Matisse). Il ne faut
cependant pas oublier le troisième groupe qui apporte une solution médiane en
optant pour un geste à la fois graphique et pictural : il s’agit d’André Masson
avec l’automatisme du collage de sable sur le support et de Jackson Pollock avec
sa technique du dripping (égouttage).

La forme renvoie, en peinture, à la surface et à l’aplat. C’est, en d’autres


termes, une étendue d’une seule couleur. Elle est généralement délimitée par des
cernes ou par la rencontre avec une autre forme.

Il existe trois couleurs primaires que sont : le bleu, le jaune et le rouge.


Ces trois couleurs permettent d’obtenir toutes les autres. Il existe aussi trois
formes géométriques primaires qui sont à l’origine de toutes les autres. Ce sont :
le carré, le triangle et le cercle. Les formes géométriques construites sur les
lignes horizontales et verticales (croix, rectangles, etc.) appartiennent à la
famille des carrés. Les formes basées sur des lignes diagonales (losange, trapèze,
91
zigzag, etc.) sont liées à la famille des triangles. Les formes ovoïdes, circulaires
et sinusoïdales se classent dans la famille des cercles.

Les couleurs primaires sont associées aux formes primaires par


Kandinsky4 comme suit : carré et rouge, triangle et jaune, cercle et bleu. Pour
lui, les couleurs aiguës font mieux retentir leurs qualités dans une forme pointue,
c’est le cas du jaune et du triangle, les couleurs profondes sont renforcées par
des formes rondes, c’est par exemple le bleu et le cercle. Le carré donnant un
caractère de stabilité et de solidité et se déployant dans l’espace verticalement et
horizontalement, s’apparente chromatiquement au rouge.

L’artiste organise et met en relation les formes et les couleurs, dans un


souci d’harmonie ou de contraste les unes avec les autres. Ce faisant il adapte
ses outils et ses gestes à l’effet plastique recherché. Pour mettre en exergue un
élément, un détail ou une partie de la représentation, il choisit la nature et la
source de la lumière, de l’éclairage. Enfin de compte l’œuvre produite est une
machinerie à sens où le message intelligible des artifices de surface ne doit pas
faire perdre de vue la matérialité sensible du support utilisé et les techniques de
réalisation.

Accéder aux œuvres d’art dans le cadre de l’enseignement des Arts


plastiques, c’est satisfaire le désir de lever des coins de voile sur leurs
dimensions sous-jacentes. Il importe donc de s’imprégner de la démarche
créatrice pour être à même de se délecter au mieux, esthétiquement et
intellectuellement, desdites œuvres.
5.2.3- La démarche créatrice
La force du créateur réside dans sa disposition à l’émotion autrement dite
inspiration. L’artiste inspiré est pour ainsi dire en proie à une irruption de
sensation profonde. L’acte créateur consiste à exprimer par la forme cette
sensation volcanique. Pour ce faire, l’artiste opère par étapes, par choix
successifs : il trie, regroupe, oriente le travail en fonction de ses intentions. À
chaque étape il est mis en face de plusieurs problèmes nouveaux, donc de
décisions, somme toute imprévisibles à un stade antérieur. Le rendu final,
l’œuvre achevée est donc la somme des résultats provisoires qui jalonnent le
parcours du créateur. Quant à la démarche créatrice, elle est à l’image de la

4
Vassili KANDINSKY (1866-1944), peintre français d’origine russe, il est l’un des fondateurs du groupe
expressionniste Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) à Munich en 1905 et l’un des initiateurs de l’art abstrait en
1910. Il a enseigné en 1932 au Bauhaus en Allemagne, avant de s’établir à Paris, en 1933.
92
marche, c'est-à-dire : une suite de déséquilibres imposant un perpétuel
balancement des bras.
Il apparaît donc que l’émotion qui engendre l’inspiration, et
l’intelligence sont les maîtres d’œuvre de la création artistique. Si l’émotion
opère seule, elle mène à la dérive. En revanche, si le raisonnement prend le pas
sur la sensibilité, on produit une œuvre sans âme, apte à être reproduite puisque
fondée sur des données opérationnelles. Autrement dit, il peut y avoir blocage
chez l’artiste. Pour que la création puisse se faire, il faut que la sensibilité se
manifeste librement en dehors de tout contrôle de la raison. Mais il ne faut
cependant pas tomber dans le piège surréaliste qui veut que la création soit
purement et simplement une dictée de la pensée en dehors de toute censure de la
raison, de toute préoccupation morale ou esthétique : « un automatisme
psychique pur », selon André Breton.
En effet, après la création instinctive où l’artiste a dû suspendre son
jugement, il prend du recul et perçoit mieux ses intentions. Il les achèvera de
manière consciente. Ce faisant, le goût, l’intelligence, la conception que l’artiste
se fait de l’art, son expérience du métier se révèlent très déterminants dans
l’orientation et l’achèvement du travail créateur originel. Aussi sommes-nous
d’accord avec Marcel GIMOND pour dire :
« Tout homme étant un être sensible peut avoir des sentiments ; ce qui
distingue l’artiste, c’est qu’il est capable de donner une forme à ses sentiments
pour émouvoir à son tour » (M. Gimond, Paris, Arted, 1967, p. 38).

Durant des siècles, les artistes et plus particulièrement les peintres se


sont préoccupés à rendre l’environnement extérieur et leur monde intérieur en
images en ayant recours à trois inventions techniques essentielles : la
perspective qui donne, aux représentations sur surfaces planes, l’illusion de la
profondeur ; le modelé qui fait des surfaces plates des volumes dans l’espace
que crée la perspective et le clair-obscur qui anime l’espace du tableau par les
intensités infinies de la lumière. La perspective a été initiée par les peintres
flamands et florentins au XVème siècle, le modelé par les Italiens de la
Renaissance, enfin le clair-obscur au XVIème siècle par Léonard de Vinci.

5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE


ICONOLOGIQUE
Toute œuvre d’art informe doublement : elle est avant tout une image
dont la signification primaire, pour reprendre l’expression de Panofsky, est celle
93
de son thème ; elle est ensuite le résultat de techniques de fabrication. L’une
dans l’autre, ces deux informations instruisent l’observateur attentif et lui
permettent de lever un coin de voile sur la dimension sous-jacente de l’œuvre. Il
lèvera autant de voiles qu’il interprètera l’œuvre à la lumière du contexte
socioculturel de l’appartenance de celle-ci. Pour toutes ces raisons, il convient
de distinguer trois principaux niveaux d’approche dans l’analyse d’une œuvre
d’art : l’identification, la description et l’interprétation.
5.3.1- Identification de l’œuvre
Il s’agit d’inventorier les formes telles les configurations de lignes, de
couleurs et de taches ou les volumes taillés dans la pierre, le bois ou coulés dans
le bronze qui représentent des êtres humains, des animaux, des plantes, des
objets. On essaie ensuite de tracer les liens que ces derniers entretiennent entre
eux en tenant compte de l’aspect général de l’œuvre du point de vue expressivité
(vide ou plein, couleurs chaudes, froides, douces, claires contrastées, etc.). En
somme il s’agit de décrire rapidement le genre (portrait, scènes à personnages,
paysage, intérieur, nature morte, tableau abstrait, etc.).
5.3.2- Description de l’œuvre
Elle consiste dans l’analyse des motifs et de leurs agencements entre
eux. D’abord, on dégage les lignes de composition, le schéma géométrique à
partir duquel sont disposés les personnages, les objets et autres motifs ; dans le
cas où il s’agit d’une œuvre picturale, on tient compte des données matérielles
du tableau, c'est-à-dire : le format, la taille et la forme du champ pictural
(cadrage) qui peut être rectangulaire, carré, rond, ou ovale. On fait ensuite une
analyse de l’espace, de son mode de représentation en ayant à l’esprit ces mots
de René Huyghe qui rappelle en substance que l’intelligence humaine a du mal à
saisir les choses dans leur globalité, qu’elle divise l’espace en plan comme elle
divise le temps en années, en mois en jours, en heures, en minutes, etc. On
relèvera donc la nature de la perspective qui régit l’espace (linéaire,
atmosphérique, cavalière…) et s’il n’y a pas de profondeur, on notera la manière
dont les registres sont superposés. On s’intéressera aussi au point de vue (direct,
plongeant ou d’en bas). Par ailleurs, il convient de mettre en évidence
l’utilisation des couleurs et/ou des lignes, le traitement que l’artiste en fait :
utilise-t-il la couleur pure ou mélangée ? Peut-on parler de platitude ou de
modelé, de cerne ou non, d’ombre ou non ? Enfin on ne manquera pas de
mentionner si l’artiste procède par métier lisse ou touche séparée, constructive,
par coups de ciseau apparent ou par polissage, patinage, etc.
94
5.3.3- Interprétation
5.3.3.1- Dénotation et connotations
Il importe ici de revenir sur le sujet, sur les techniques d’élaboration, en
considérant l’œuvre par rapport à l’ensemble des réalisations artistiques de son
auteur et en tenant compte du milieu socioculturel de celui-ci. On devra avoir à
l’esprit ces mots de Maurice Delafosse : « L’art n’est vraiment de l’art que s’il
correspond, dans son expression comme dans son inspiration, à la civilisation
dont il est le produit pour ainsi dire sublimé »5.
La portée symbolique des couleurs et des éléments constitutifs de
l’œuvre ne devra pas faire perdre de vue les effets purement plastiques voulus et
recherchés par l’artiste et vice versa. Il importe de mettre au même diapason le
message intelligible des formes et la matérialité sensible du support. L’intérêt
pour cette autre dimension de l’œuvre d’art, permet au spectateur de développer
son sens de l’observation, de s’interroger sur le processus de création plastique
et par voie de corollaire de comprendre les structures de l’expression plastique.

5.3.3.2- Commentaire historique

À ce niveau de lecture de l’image, les structures propres à une œuvre, si


elles sont bien comprises, si elles ne nous voilent pas les yeux, révèlent des
informations sur le contexte socioculturel qui a vu naître l’œuvre en question et
ledit contexte éclaire en retour celle-ci. À ce degré d’interprétation, ce qui
s’identifie est un enjeu intellectuel et affectif qu’il convient d’analyser et de
situer dans le courant de l’histoire de la pensée créatrice.

Il importe également de confronter ces différentes données aux réalités


politiques, économiques, religieuses ou philosophiques de l’espace
géographique et temporel dont relève l’artiste. Il est indiqué, ici, de considérer
l’œuvre par rapport à l’ensemble des œuvres de l’artiste, d’une part, et de situer
celui-ci dans le courant général de l’histoire de l’art. On relèvera alors les
convergences et les divergences entre lui et ses contemporains du point de vue
des thèmes et des techniques de réalisation artistique et on mettra en exergue les
influences ou les stimulations reçues mais aussi celles exercées sur d’autres, à
l’effet de mettre l’accent sur son style, son écriture plastique. Enfin, on
s’intéressera à l’impact produit par l’œuvre sur l’entourage de l’artiste et sur les
générations qui lui ont succédé.

5
M. DELAFOSSE, Les Nègres, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 59.
95
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART

5.4.1- Guernica de Pablo PICASSO

Planche 28 : Guernica, Pablo PICASSO, 1937, huile sur toile, 349,3 x 776,6 cm, Museo
nacional, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid.
Source : Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1997,
pp. 18-19.

96
INTRODUCTION

Guernica est une œuvre de Pablo PICASSO, réalisée en 1937, avec de la


peinture à l’huile sur toile. Ce tableau monumental, de dimensions : 349,3 x
776,6 cm, est conservé au Museo nacional, Centro de Arte Reina Sofia, à
Madrid. L’image que nous avons retenue pour notre étude est extraite du livre de
Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1997,
pp. 18-19.

Notre analyse de cette œuvre s’appuie sur la méthode panofskyenne, à


savoir : l’iconologie. Il s’agit de procéder, de prime abord, à l’identification du
thème, appelée pré-iconographie par Panofsky, ensuite à la description de
l’œuvre, correspondant à l’iconographie proprement dite, et enfin, à
l’interprétation de l’œuvre, c’est-à-dire : l’iconologie, en termes de
significations des composantes plastiques et des symboles de références.

IDENTIFICATION DU THÈME

La première impression qui se dégage de ce tableau de peinture est que le


spectateur se croirait devant un collage de morceaux d’images prélevées dans
différents journaux. Aussi peut-il redécouper, charcuter l’œuvre à l’effet d’en
retrouver un à un les éléments constitutifs. Ainsi cela donne, au milieu de la
toile, une tête de cheval retournée vers l’arrière et hennissant, le reste du corps
disloqué. On observe ensuite, du côté droit, une tête d’être humain qui vole dans
l’air, bouche béante. Dans la partie gauche du tableau, en haut, un énorme
taureau se retourne, juste au-dessous, une femme, la bouche largement ouverte,
crie à gorge déployée. Elle porte dans ses bras un enfant apparemment mal en
point, nous en voulons pour preuve son visage renversé et les paupières fermées.
Dans la partie droite de la représentation, un personnage féminin, les deux bras
levés, les doigts écarquillés, la tête inclinée en arrière, a le regard levé vers ce
qui constitue l’unique ouverture du tableau et qui ne semble conduire nulle part,
une sorte de fenêtre rectangulaire. Traînant dans la partie gauche, au bas du
tableau, un personnage masculin (eu égard à la forme du bras gauche et à la
main droite tenant un objet pointu), apparaît en « pièces détachées ». Il prolonge
l’élan de la femme de droite qui fonce, tête en avant, pour échapper assurément
à un danger.

L’ensemble des éléments recensés s’identifie à une sorte de caricature


présentant des personnages et des animaux déchiquetés, blessés dans la chaire et
dans l’âme. Leurs cris, celui du cheval et ceux des personnages, semblent
97
refléter l’intensité des atrocités dont ils sont victimes. L’utilisation des non-
couleurs (noir, gris, blanc), par Picasso, accentue l’atmosphère de terreur et le
caractère macabre de la scène. Le tableau représente donc une scène d’atrocités,
de violence physique et morale dont Guernica, une ville espagnole, au regard du
titre de l’œuvre, fut le théâtre.

DESCRIPTION DE L’ŒUVRE

Au plan morphologique, l’œuvre se présente en trois grandes parties


comme s’il s’agissait d’un triptyque. Les parties gauche et droite laissent
apparaître deux rectangles dressés verticalement dans le sens de la largeur du
tableau. À l’intérieur de chacun d’eux, sont disposés respectivement, d’une part,
le taureau retournant la tête, la femme à l’enfant, le bras gauche avec la main
ouverte et la tête de l’homme gisant en bas et, d’autre part, la femme aux bras
levés sous laquelle traîne la jambe gauche de celle qui s’élance de la droite vers
la gauche. Le grand rectangle du milieu est animé par le cheval, le corps du
personnage couché tenant dans sa main droite un objet brisé et pointu, la femme
à droite en mouvement. Les formes anguleuses et les lignes obliques inscrivent
l’ensemble des éléments ainsi représentés dans une figure triangulaire avec au
sommet une lampe. Les personnages se présentent dans un élan de fuite, allant
de la droite vers la gauche, y compris celui qui est couché. Gravement blessé, ce
dernier, la main tendue, cherche vaille que vaille à se traîner loin de là. En
revanche, le taureau et le cheval sont disposés dans une position opposée.
Picasso les représente se détournant à gauche. Ce faisant, il les inscrit dans le
mouvement d’ensemble.

Du point de vue du chromatisme, la dominante des gris mise en exergue


par le noir, constituent le fond du tableau, duquel se détachent les blancs
jaunâtres ou légèrement bleutés, appliqués sur les personnages et les deux
animaux.

La répartition des valeurs, d’une part, accentue subtilement les gestes et,
d’autre part, intensifie les cris des personnages et le hennissement du cheval.
Elle contribue, avec l’option délibérée de Picasso pour les couleurs
neutralisantes, à conférer à la représentation une atmosphère de frayeur
généralisée, de terreur.

S’agissant de la technique et de la spatialité, nous relevons que les aplats


appliqués sur le fond contrastent avec les dégradés dans les volumes géométrisés
ainsi que les aplats légèrement nuancés des corps déchiquetés. Le corps du
98
cheval apparaît comme des morceaux de journaux éparpillés au milieu de
l’ensemble. La représentation des personnages de profil et en partie traduit
l’apport de la photographie à la peinture et contribue à mettre l’horreur et la
désolation en exergue.

INTERPRÉTATION DE L’ŒUVRE

Dénotation et connotation

Le tableau de Pablo PICASSO, Guernica, dans l’ensemble, donne à voir


des personnages, des animaux et des objets déchiquetés, disloqués, répartis de
manière disparate. On peut alors comprendre que cela traduit un désordre, un
bouleversement. Le mouvement horizontal, qui uniformise et caractérise les
éléments représentés, va de la droite vers la gauche et renvoie à une fuite
généralisée, une terreur, un sauve-qui-peut : la fuite d’un danger. Le hurlement à
gorge déployée de la mère, au-dessous du taureau, portant son enfant qui ne peut
être que mort (le visage renversé et les yeux clos), le hennissement du cheval
avec, sous ses sabots, l’homme étendu sur le dos, tenant dans sa main droite un
objet pointu et le geste de supplication de la femme, dans la partie droite du
tableau, les bras levés, les doigts écarquillés, le regard vers le ciel, ne sachant
apparemment plus « vers quel saint se tourner », nous autorise à parler d’un
événement horrible, d’un désarroi, d’une scène de grande atrocité. La gamme
des couleurs neutralisantes (noir, gris et blanc), voulue et utilisée par Picasso,
donne une atmosphère crépusculaire à la scène et la situe dans une cacophonie
qui semble étouffer les cris, les hennissements et les appels au secours venant de
toute part et finalement de nulle part. Si ce n’est pas la guerre, c’est quelque
chose qui lui ressemble.

À contre-courant du mouvement de fuite généralisée des personnages, de


la droite vers la gauche, y compris celui étendu au bas du tableau tenant un objet
pointu dans sa main droite et, par instinct de survie, tendant la main gauche, les
doigts écarquillés pour saisir tout objet susceptible de l’aider à s’éloigner du
danger, le taureau et le cheval avancent naturellement de la gauche vers la
droite, donc vont où il y a danger de mort. Ils se retournent tout au plus pour
voir vers où tout ce monde court. En effet, Guernica a été réalisée par Picasso en
réaction contre le bombardement de la ville du même nom par les Allemands en
avril 1937. Ce massacre d’innocents s’apparente, au figuré comme au propre, au
sort généralement réservé aux deux animaux cités plus haut. Claude Roy
explique :
99
« Il y a dans l’enchantement lugubre qui émane de ce tableau des éléments dont
on peut percevoir qu’ils avaient été réfléchis […] L’utilisation […] de thèmes
qui avaient depuis longtemps hanté Picasso : la tauromachie, avec l’innocence
bestiale du toro qui semble ici suggérer la vie martyrisée bien plus que la
puissance furieuse, et l’agonie du cheval étripé. (Le cheval et le taureau sont,
dans la corrida, les seuls qui meurent sans savoir pourquoi, comme les paysans
du marché de Guernica moururent sans comprendre.) (C. ROY, 1997, p. 25).

Commentaire historique

Du point de vue historique, Pablo Picasso a réalisé Guernica du 1er mai au


4 juin 1937 après qu’une petite ville espagnole du même nom, de 7 000
habitants, a été bombardée sous le général Franco, par des troupes allemandes,
le dimanche 26 avril 1937, jour du marché hebdomadaire, tuant plus d’un millier
et demi de ses habitants et faisant près d’un millier de blessés. Sans avoir été
témoin oculaire du massacre ainsi perpétré, Picasso, après plusieurs croquis
préparatoires, plusieurs compositions, conçoit et réalise une peinture
monumentale à la mesure de son indignation, de sa révolte. « Guernica est un cri
du cœur cent fois sur le métier repris, corrigé, gouverné. Ainsi, une des figures
qui semblent maintenant la clef de voûte, le point vélique de l’œuvre, celle du
cheval hennissant sa mort, ne prend sa place que dans le cinquième état de
l’œuvre » (C. ROY, 1997, p. 26).

Pablo PICASSO a entrepris de peindre Guernica le 1er mai 1937, soit


trente ans après Les Demoiselles d’Avignon (1907) et quinze ans avant ses deux
autres peintures monumentales, à savoir : La Guerre (5 x 10 m, 1952) et La Paix
(5 x 10 m, 1952). Des Demoiselles d’Avignon à La Paix en passant par Guernica
et La Guerre, Picasso pousse la « réalité de la conception » (G.
APOLLINAIRE) à la vérité sous toutes ses formes : « Picasso, je l’éprouvais au
plus profond de ma nuit, ne me parlait pas de la réalité de la guerre, mais son
génie avait su aller droit, porté par la colère et une composition furieuse, à la
vérité de la guerre » (C. ROY, 1997, p. 27). Picasso définit son approche de la
peinture par rapport à ses contemporains, à l’art moderne :
« Dans la peinture moderne, chaque touche est devenue une opération de
précision, fait partie d’un travail d’horlogerie. Tu peins la barbe d’un
personnage, elle est rousse, et ce roux t’amène à tout remettre en place dans
l’ensemble, à repeindre, comme par une réaction en chaîne, tout ce qui est

100
autour. Je voulais éviter cela, peindre comme on écrit, aussi vite que la pensée,
au rythme de l’imagination »6

L’œuvre qui fait l’objet de notre analyse et qui est en rapport avec le
massacre des paysans du marché de Guernica, n’est pas la description dudit
marché tel que bombardé le 26 avril 1937, encore moins celle des ruines d’une
localité donnée. Ici comme quinze ans après, dans La Guerre, Picasso ne fait pas
voir particulièrement ce qui est horrible à l’effet de susciter une quelconque
réaction chez le spectateur. En effet, Claude ROY souligne qu’il y a dans La
Guerre, non seulement l’inacceptable mais aussi et surtout la mise à nu de ce
qu’elle a de bête autrement dit de ridicule : « Ces signes de mort qui griffent
l’espace du tableau sont profondément tragiques, insoutenables, funestes. Mais
ils portent également en eux une signification qui peut réconforter : celle de leur
grotesque absolu. Ce que Picasso crie ici ce n’est pas seulement que la guerre est
laide, c’est aussi qu’elle est idiote » (C. ROY, 1997, p. 125).

CONCLUSION

Avec Les Demoiselles d’Avignon, PICASSO avait marqué une rupture


totale avec les systèmes académiques de représentation, passant de la réalité de
la vision à celle de la conception. Avec Guernica, il pousse la réalité de la
conception à son stade suprême, celui de la vérité. Ce faisant, Guernica et les
œuvres qui suivent, notamment La Guerre et La Paix, sont « des entreprises
d’éclatement de la peinture par les moyens (apparents) de la peinture » (C.
ROY, 1997, p. 129). Les formes et les couleurs, désormais soumises à sa seule
volonté créatrice, peuvent être simplifiées, réparties sur la surface du tableau
suivant la fertilité de son imagination et traduire en toute vérité ses intentions.

6
Pablo Picasso cité par C. ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Cercle d’Art, p. 129.
101
5.4.2- Signs ou ART de Robert COTTINGHAM

Planche 29 : Signs ou Art, Robert COTTINGHAM, 1971, peinture acrylique sur


toile, 78 x 78 cm, collection Dr Marylinn et Ivan C. Karp, New York.

Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

102
INTRODUCTION

Signs ou Art est un tableau peint, en 1971, sur une toile de format 78 x 78
cm, avec de l’acrylique, par Robert COTTINGHAM. Il fait partie d’une collection
particulière, à New York. Conformément à la méthode panofskyenne, à l’entame,
les questions que nous nous posons sont les suivantes :

- Qu’est-ce qui est représenté ?


- Comment ?
- Pourquoi ?

Notre analyse de cette œuvre va consister à répondre à ces interrogations.


Pour ce faire, nous allons procéder à sa lecture à trois niveaux : le premier nous
permettra d’identifier le thème, le contenant ; le second, de décrire l’œuvre en
observant la manière dont l’artiste donne à voir, et enfin, le troisième et dernier, de
comprendre le contenu de l’œuvre, autrement dit le message intelligible des artifices
de surface.

IDENTIFICATION DU THÈME (CONTENANT)

De prime abord, notre attention est sollicitée par la disposition de trois


lettres de l’alphabet, présentées en relief et se détachant d’un fond rouge, aux
contours accusés. Lesdites lettres, en caractère d’imprimerie, se présentent dans
l’ordre comme suit : A, R, T. Des tubes de néons accentuent les saillies des
contours du fond et de ceux des caractères typographiques. Le jaune d’or,
appliqué latéralement sur les trois lettres, les illumine et les détache davantage
par rapport au fond. Deux bandes de couleurs bleue et orange cernent et
contribuent à mettre en exergue l’ensemble, sous forme de panneau. En haut et à
droite de celui-ci, des montants de fenêtres sont perceptibles. Nous sommes
indiscutablement en présence d’un panneau lumineux de type publicitaire sur un
pan de mur : une enseigne.

DESCRIPTION DE L’ŒUVRE (MANIÈRE DE DONNER)

Nous observons, du point de vue morphologique, une composition


structurée sur la base de lignes verticales qui confèrent à l’ensemble de la
représentation son équilibre. Des lignes obliques, des courbes et contre-courbes
contrastent avec les verticales, animent l’espace et entraînent l’ensemble des
motifs dans un mouvement allant dans le sens d’une lecture, de gauche à droite,
de trois lettres juxtaposées dans un ordre donnant un mot : ART. En effet, les

103
verticales peuvent être schématisées à travers le côté gauche du contour du
panneau, les montants des fenêtres à droite au-dessus de la lettre T, les barres de
ladite lettre en passant par celles du R. Les ombres portées des caractères
typographiques, comme des traits d’union, les rattachent au large aplat de terre
sienne brûlée foncée qui couvre le bas du tableau, contraste avec le panneau et
l’apparente à un bas-relief.

Du point de vue du chromatisme, la dominante rouge investit le fond du


panneau, « hausse le ton » à telle enseigne que les échos parviennent jusqu’à
l’intérieur des caractères typographiques, à travers des néons s’infiltrant dans les
labyrinthes desdits caractères et ce, dans un jeu de contraste des
complémentaires rouge/vert. Ce jeu des complémentaires s’observe aussi entre
l’orange et le bleu qui tournent et cernent, presque, le mot ART. Un jaune d’or,
avivant latéralement les trois lettres qui forment ledit mot, les singularise,
souligne leur portée esthétique en les ramenant à de purs éléments de
compositions plastiques. Nous en voulons pour preuve leurs ombres portées.

L’organisation de l’espace, en termes de répartition des éléments


constitutifs du tableau et de la nature du point de vue, est présidée par une
perspective revue et adaptée par l’œil photographique. Le recours à la
photographie pour réaliser les œuvres est l’un des fondements essentiels des
mouvements tels que le Pop Art et plus encore particulièrement
l’Hyperréalisme, et qui a contribué à donner à l’art « made in USA » son
originalité. Les artistes se servant de projections de photographies, réalisent, à
l’instar de Cottingham, comme on peut le voir ici, des œuvres qui tendent à être
des interrogations sur les limites de l’œil humain et de celui de l’appareil
photographique. Aussi peut-on observer le gros plan du cadrage qui souligne la
différence entre le champ visuel et le champ pictural. En effet, Cottingham, en
optant pour ce cadrage retient le message en partie. Les éléments retenus sont
ceux qui sont dignes d’intérêt pour lui et sont porteurs d’un sens. On le voit, les
trois lettres sont coupées de leur contexte pour constituer le champ pictural. Le
reste constitue le hors champ. L’un dans l’autre, l’ensemble forme le champ
visuel. La prise de vue est faite en contre-plongée et rend l’image imposante
parce que la plaçant en hauteur.

La peinture est réalisée à l’aérographe. Les couleurs sont appliquées


essentiellement en aplats au niveau du panneau. Les montants des fenêtres sont
faits en dégradés à droite, dans la partie supérieure du tableau. Le métier lisse et
impersonnel ne laisse apparaître aucune émotion subjective de l’artiste.
104
INTERPRÉTATION DE L’ŒUVRE (CONTENU, MESSAGE
INTELLIGIBLE)

Dénotation et connotation

L’ensemble de la représentation met en exergue des caractères


typographiques. Des tubes de néon, des installations électriques, des couleurs
chaudes telles que le rouge, l’orange et le jaune d’or, s’associent pour donner à
trois lettres retenues parmi d’autres, une visibilité et une lisibilité qui tendent à
véhiculer un message intelligible en rapport avec l’Art. Il s’agit bien d’une
enseigne, un panneau lumineux de type publicitaire.

Ainsi présentée, on croirait que cette enseigne trône sur la devanture d’un
magasin où « se vend l’art » ou tout au moins des produits qui en dérivent, si ce
n’est sur la façade principale d’une « fabrique d’art ».

Commentaire historique

Robert Cottingham est né en 1935. Son tableau, Signs ou ART, qui donne
à voir une enseigne avec des néons, est réalisé sur la base de « procédures et de
procédés » (Élisabeth Lebovici) relevant de ce qu’il est convenu d’appeler
Hyperréalisme. Cottingham fait partie de la génération des artistes américains
dont Chuck Close (né en 1940), Don Eddy (né en 1944), Richard Estes (né en
1932), Duane Hanson (1925-1996), Richard Mc Lean (né en 1934), Malcom
Morley (né en 1931), John Salt (né en 1937), etc. En effet, ces artistes ont en
commun, à partir de 1965, des détours dans l’univers de l’appareil photo et de la
photographie pour réaliser des peintures et rarement des sculptures. Le résultat
donne un réalisme illusionniste connu sous les noms de Photo-Realism ou
Super-Realism dans les pays anglo-saxons et d’Hyperréalisme en France.

Chaque peintre a des sujets de prédilection qui le singularisent : Fast-food,


banques (Estes), vitrines, voitures (Eddy), portraits géants (Close), etc. Aussi la
source photographique de ces artistes dits hyperréalistes varie-t-elle. Richard
Estes, Richard Mc Lean et bien d’autres utilisent leurs propres photos. À la
différence de ceux-ci, il y en a qui utilisent celles diffusées dans des magazines
en couleurs ou des journaux en noir et blanc.

Quant à Cottingham, il est réputé pour ses enseignes en néons. Comme la


plupart des peintres hyperréalistes, il transpose l’image photographique sur toile
par épiscope ou par projections de diapositives. Pour peindre le tableau, ART, Il
a utilisé l’aérographe, un outil bien caractéristique du monde de l’industrie.
105
Le tableau est réalisé à partir d’une prise de vue photographique en
contre-plongée. Le rendu final correspond à un cadrage en gros plan qui, avec
l’effet du hors champ, permet de comprendre que ce qui est donné à voir est
l’image d’une image, en partie et non en entier. L’artiste a retenu de l’enseigne
la partie où apparaissent les trois premières lettres : ART. Ce choix ne semble
pas anodin. En effet, il suscite quelques interrogations sur l’art, sur la peinture
hyperréaliste, dans leur rapport avec le milieu dans lequel l’œuvre a été réalisée :
la société de consommation au regard du contexte politique, économique, social
et culturel.

Le tableau ART de Cottingham peut être compris, à un premier niveau,


comme un questionnement et une réponse à l’objet de l’art, à l’apport de
l’hyperréalisme à la création plastique.

Jean Cassou fait observer : « Comprendre une œuvre d’art c’est prendre
conscience qu’elle est véritablement une création. C’est prendre conscience qu’il
y a, en elle, réaction contre les normes officielles du moment et aspiration à
autre chose ». (J. CASSOU, 1968, pp. 18-19).

En effet, les procédures et procédés hyperréalistes (1- appareil photo et


photographie pour recueillir l’information ; 2- emploi de moyen mécanique pour
transférer l’information sur toile ; 3- capacité technique du peintre de faire que
le tableau achevé semble photographique) visent surtout à révéler les limites du
réalisme de la photographie. Il s’agit donc d’imiter à la perfection la
photographie mais en atteignant à une relative originalité, gage de toute création.
Les artistes hyperréalistes prétendent ignorer ce qui a été fait avant eux. C’est
leur façon à eux de rejeter les procédés du passé. Cependant, les historiens de
l’art les situent dans le temps avec pour précurseurs les peintres de trompe-l’œil,
les tableaux de l’Ash Can School (« école de la poubelle »), les
« précisionnistes » notamment Morton Schamberg, Charles Demut,
respectivement au XIXème siècle, à l’aube et à partir du premier quart du siècle
suivant. Par ailleurs, l’accent est mis sur l’apport du Pop Art à travers l’intérêt
des artistes de ce mouvement pour les médias et les techniques de reproduction.

À un autre niveau de compréhension, cette œuvre de Cottingham est une


interrogation sur les productions de l’esprit dans leur relation avec les objets de
consommation. « Faut-il en effet rappeler à notre société qu’elle attribue aux
œuvres d’art une valeur en chiffres » ? (Jean CASSOU).

106
L’enseigne avec les néons de Cottingham participerait alors d’une sorte de
publicité sur le lieu de vente. Elle pourrait être perçue comme une invitation à
consommer art et une façon de dire avec ironie : « Ceci est une boutique d’art ».

L’œuvre a été réalisée en 1971. Trois ans plus tôt, Jean Cassou affirmait :
« Désormais les productions de l’esprit, les productions du génie
humain, les œuvres de la pensée et de l’art sont considérées comme des objets
et traitées comme des objets. Elles n’ont donc plus qu’à être consommées par
la société à l’égal de tous les autres objets qu’objectivement elle consomme »
(J. CASSOU, 1968, p. 11).

CONCLUSION

En résumé, Signs ou ART de Cottingham est une œuvre majeure de


l’hyperréalisme américain. Elle est le reflet de la société de consommation,
médiatisée à outrance, avec ses systèmes de production fondés sur le
machinisme et la division du travail. La photographie passant pour être
synonyme de la modernité, offre aux artistes hyperréalistes des possibilités pour
transposer dans leurs œuvres une réalité qui ne soit pas, selon Chuck Close,
« retardataire ». L’image télévisuelle et l’image photographique ne sont-elles
pas en avance sur la vision directe des objets. Aussi prennent-ils appui, d’une
part, sur l’appareil photo et la photographie pour recueillir tous les éléments
pouvant leur servir de prétexte pour la pratique de leur art et, d’autre part, sur les
moyens mécaniques ou semi-mécaniques (épiscope, aérographe) pour transférer
les informations sur leurs toiles. Alors le peintre se donne un nouveau rôle, celui
de compléter l’information photographique, à ses yeux, trop sélective pour
rendre compte d’une manière pertinente et authentique de la réalité vraie.
L’usage de la machine révèle-t-il que l’artiste est aussi, avant et après tout, un
travailleur ? Le travail qu’il effectue fait appel à des gestes de fabrication
laborieux et épuisants : « On est obligé, dit Hucleux, d’y passer trois mois, à
raison de 15 heures par jour » (Élisabeth LEBOVICI). Quelle signification et
quelle direction donner à l’art aujourd’hui ? Signs ou ART de Cottingham est
une interrogation sur le sens de l’art actuel.

107
CONCLUSION
L’œuvre d’art a son secret, son ordre caché7 qu’elle ne livre pas au
spectateur hâtif à la faveur d’un simple clin d’œil. Elle interpelle le goût et
l’intelligence et n’est par conséquent accessible qu’au spectateur qui se donne le
temps et les moyens de refaire le chemin parcouru par l’artiste. La bonne
appréciation d’une œuvre d’art consiste donc dans la recréation de cette œuvre
par le spectateur. Elle repose sur des méthodes variables à quelques différences
près selon qu’il s’agit d’œuvre d’art plastique ou cinématographique.
À son meilleur, la lecture de l’image est comme la bonne critique d’art.
En effet, celle-ci est didactique, elle apporte un plus au lecteur en faisant un
rapprochement entre l’œuvre dont il est question et les autres réalisations du
même artiste. Elle situe l’artiste lui-même par rapport à son époque, le rattache à
d’autres artistes de la même tendance ou au contraire de tendances différentes.
La critique d’art, quelle qu’elle soit, reflète l’esprit de son auteur. Cependant,
elle ne doit pas manquer d’égard vis-à-vis de l’œuvre et doit plutôt, s’il y a lieu
se féliciter de voir celle-ci répondre à ce qu’on est en droit d’attendre d’elle.

7
Nous faisons ici un clin d’œil à Anton EHRENZWEIG pour son ouvrage intitulé : L’Ordre caché de l’art,
Paris, Éditions Gallimard, 1974.
108
CONCLUSION GÉNÉRALE

109
L’art du XXème siècle est multiforme et insaisissable. Il ne s’appréhende
pas en termes de beauté et de laideur. Il est, à n’en point douter, otage d’un
champ social, culturel, institutionnel mais aussi et surtout économique. Il est
produit, diffusé, médiatisé et démocratisé comme jamais. L’art actuel s’est
emparé d’un public d’une diversité et d’une étendue sans commune mesure avec
celui qui lui avait été donné de rencontrer tout au long des périodes précédentes.
Il est objet de spéculations intellectuelles, politiques ou financières. Ses moyens
d’expression se sont multipliés et variés. Il innove les manières de donner forme
et de faire voir, d’inscrire l’œuvre et les intentions qui la sous-tendent, dans le
temps et l’espace. Ce faisant, l’art ne cesse d’élargir son emprise sur le monde et
d’apporter des réponses en rapport avec sa complexité. Jean-Louis Pradel a
trouvé les mots pour le faire constater :
« À l’architecture, la peinture, la sculpture et la gravure que déclinaient
traditionnellement les Beaux-arts, se sont ajoutés, la photographie, le cinéma, le
design, l’exploration des nouveaux médias… » (Paris, 1999, p. 6).

Puis il renchérit :
« Alors commence une course haletante. L’artiste s’arroge tous les droits,
s’empare de tous les moyens d’expression, transgresse tous les interdits,
bouleverse l’ordonnance des codes de bonne conduite culturelle, franchit toutes
les frontières, explore et annexe, chaque jour, de nouveaux territoires. » (Idem,
p. 8).

L’art du XXème siècle ne peut être cerné dans une définition définitive. Il
ne peut s’appréhender que dans sa dynamique évolutive : il se fixe des limites
pour sans cesse les déplacer voire les dépasser. Il bouscule à volonté l’ordre des
choses et le spectacle du monde. L’art d’aujourd’hui est partout. Il ne se
reconnaît ni rives ni frontières.

110
BIBLIOGRAPHIE

ABADIE Daniel, L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975,


50 p.
ANARGYROS Sophie, Le Style des années 80 : Architecture, Décoration,
Design, Paris, Éditions Rivages, 1986 ; 111 p.
ARDENNE Paul, Art, l’âge contemporain, une histoire des arts plastiques à la
fin du XXe siècle, Paris, Éditions du Regard, 1997 ; 432 p.
BAMBA Salikou, « Lecture de l’image : approche iconologique », KANIAN-
TÉRÉ, Revue Scientifique des Lettres, Arts, Sciences Humaines et Sociales,
publication du Centre de Recherche sur les Arts et la Culture (CRAC), No 01,
juin 2018, ISSN : 2617-2712, pp. 70-86.
BRÉTON André, Manifestes du Surréalisme, Paris, Idées / Gallimard, 1979 ;
188 pages (2ème édition : Paris, Gallimard, 1989 ; 189 p.).
CAUQUELIN Anne, Petit traité d’art contemporain, Paris, Editions du Seuil,
1966 ; 192 p.
DOMINO Christophe, L’Art moderne, Paris, MNAM - Centre Georges
Pompidou / Éditions Scala, 1991 ; 128 p.
DUROZOI Gérard et LECHERBONNIER Bernard, Le Surréalisme, théories,
thèmes, techniques, Paris, Librairie Larousse, 1972 ; 286 p.
FRANCBLIN Catherine, HENRIC Jacques, MILLET Catherine et al, Peinture
américaine, Paris, Editions Galilée et Art Press, 1980 ; 206 p.
Histoire visuelle de l’art, Paris / Bruxelles, Elsevier Séquoia, 1979 ; 324 p.
KOUWENHOVEN John A., Made in America - L’Apport de l’Amérique aux
arts et aux techniques modernes, Introduction par Mark Van Doren, Paris ; Les
Editions Inter-nationales / Nouveaux Horions E 204 ; 1974 ; 320 p.
MÉROT Alain, dir. Histoire de l’art, 1000-2000, Paris, Editions Hazan, 1995,
(pour la première édition), 1999, (pour la seconde édition), 542 p.
MICHAUD Yves, La Crise de l’art contemporain, Paris, PUF, 1997, 286 p.
PANOFSKY Erwin, L’œuvre d’art et ses significations, Paris, Gallimard, 1969.
RUBIN W., dir. Le Primitivisme dans l’art du 20e siècle, les artistes modernes
devant l’art tribal, Paris, Flammarion, 1991, vol.1 et 2 ; 703 p.
111
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Planche 1 : Le Cri, Edvard Munch, 1893, Tempera et pastel sur carton,


91 x74 cm, Nasjonalgalleriet, Oslo.
Source : Alain MÉROT, dir. Histoire de l’art 1000 – 2000, Paris, Hazan, 1999,
p. 420.

Planche 2 : La Femme au chapeau, Henri Matisse, 1905, huile sur toile, 80,6 x
59,7 cm, Museum of Modern Art, San Francisco.
Source : Jean-Louis FERRIER, Les Fauves, le règne de la couleur, Paris, Pierre
Terrail, 1992, p. 12.
Planche 3 : Trois personnages assis dans l’herbe, André Derain, 1906, huile sur
toile, 38 x 55 cm, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Source : Idem, p. 87.

Planche 4 : Les Demoiselles d’Avignon, Pablo Picasso, 1907, huile sur toile,
244 x 234, Museum of Modern, New York.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Histoire de la
peinture, Paris, Hatier, 2000, p. 104.
Planche 5 : Nature morte à la chaise cannée, Pablo Picasso, 1912, huile, toile
cirée sur toile et corde, 29 x37 cm, Musée Picasso, Paris.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 443.

Planche 6 : Nu descendant un escalier no 2, Marcel Duchamp, 1912, huile sur


toile, 147,3 x 88,9 cm, Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg
Collection, Philadelphie.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 446.
Planche 7: Le Canon en action, Gino Severini, 1915, coll. P. Guarini, Milan.
Source : Gaston DIEHL, La Peinture moderne dans le monde, Paris, Uffucipress
S. A. Lucano, 1966, p. 66.
Planche 8 : Forme unique de continuité dans l’espace, Umberto Boccioni,
1913, bronze, 101,2 x 86,3 cm, collection particulière, Rome.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 445.
Planche 9 : Improvisation VII, Vassili Kandinsky, 1910, huile sur toile, 131 x
97 cm, Galerie Tretiakov, Moscou.
Source : Kandinsky, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1994, PL. 24.
112
Planche 10 : Dur et mou, Vassili Kandinsky, 1927, huile sur toile, 100 x 50 cm,
The Museum of Fine Arts, Boston ;
Source : Idem, PL. 59.
Planche 11 : Nuit bleue, Paul Klee, 1937, gouache sur toile de coton montée sur
toile à sac, 50,3 x 76,4 cm, Öffentliche kunstsammlung, Bâle.
Source : Klee, Paris, Les Editions Cercle d’Art, 1995, PL. 51.
Planche 12 : Hommage à Blériot, Robert Delaunay, 1944, coll. Particulière,
Paris.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 75.
Planche 13: Tableau I, Piet Mondrian, 1921, coll. Müller Wickmann, Bâle.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 92.
Planche 14 : Vision spectrale, Antoine Pevsner, 1959, bronze oxydé.
Source : Histoire visuelle de l’art, Paris / Bruxelles, Elsevier Séquoia, 1979, p.
282 (PL. 4).
Planche 15 : Construction linéaire dans l’espace no 2, Naum Gabo, plastique et
nylon.
Source : Ibid. p. 282 (PL. 5).
Planche 16 : Parade amoureuse, Francis Picabia, 1917, huile sur toile, 96,5 x
73 cm, Martin G. Neumann Collection, Chicago.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 448.
Planche 17 : Le Thérapeute, René Magritte, 1937, coll. Urvater, Bruxelles.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 100.
Planche 18 : Le Cabinet anthropomorphique, Salvador Dali, 1936, huile sur
panneau, 25,4 x 44,2 cm, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf.
Source : Salvador Dali, sa vie, son œuvre, Gründ, p. 188.
Planche 19 : Nature morte vivante, Salvador Dali, 1956, coll. Reynold Morse
Foundation.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 107.
Planche 20 : Mobile « 31 janvier », Alexander Calder, 1950, tôle d’aluminium
et fils d’acier, MNAM, Paris.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 474.

113
Planche 21 : Army, Victor Vasarely, 1967 – 1968, collage de carton sur
contreplaqué, 2,52 x 2,52 m, Musée National d’Art Moderne, Paris.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid., p. 121.
Planche 22 : Canyon (Combine painting), Robert Rauschenberg, 1959, huile sur
toile et matériaux divers, 207,6 x 177,8 x 61 cm, The Sonnabend Collection,
New York.
Source : Alain MÉROT, Ibid. p. 488.
Planche 23: Whaam! Roy Lichtenstein, 1963, Acrylique, 172 x 406 cm.
Source : Michèle BARILLEAU et François GIBOULET, Ibid. p. 122.
Planche 24 : Richard, Chuck Close, 1969, Acrylique sur toile, Neue Galerie,
collection Ludwig, Aix-la-Chapelle.
Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

Planche 25 : Touristes, Duane Hanson, 1970, sculpture en fibre de verre et


polyester, collection Saul P ; Steinberg, New York.
Source : Ibid.
Planche 26: La Jungle, Wifredo Lam, 1943, Museum of Modern Art, New
York.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 104.
Planche 27 : Sept, Jackson Pollock, 1950, coll. C. Cardazzo, Venise.
Source : Gaston DIEHL, Ibid. p. 157.

Planche 28 : Guernica, Pablo PICASSO, 1937, huile sur toile, 349,3 x 776,6
cm, Museo nacional, Centro de Arte Reina Sofia, Madrid.
Source : Claude ROY, Picasso, La Guerre et La Paix, Paris, Éditions Cercle
d’Art, 1997, pp. 18-19.

Planche 29 : Art, Robert Cottingham, 1971, peinture acrylique sur toile,


collection Dr Marylinn et Ivan C. Karp, New York.
Source : L’Hyperréalisme américain, Paris, Fernand Hazan, 1975.

114
TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE .......................................................................................................... 5
INTRODUCTION GÉNÉRALE ......................................................................... 6
I- LA RÉVOLUTION DE LA COULEUR ......................................................... 8
INTRODUCTION ................................................................................................... 9
1.1- L’EXPRESSIONNISME ................................................................................. 9
1.1.1- Définition et historique ................................................................................. 9
1.1.2- Caractéristiques ............................................................................................. 10
1.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 11
1.2- LE FAUVISME ............................................................................................... 14
1.2-1- Définition et historique ................................................................................. 14
1.2-2- Caractéristiques............................................................................................. 14
1.2-3- Principaux artistiques et œuvres représentatives .......................................... 15
CONCLUSION ....................................................................................................... 16
II- LA RÉVOLUTION DE LA FORME ............................................................ 19
INTRODUCTION ................................................................................................... 20
2.1- LE CUBISME .................................................................................................. 20
2.1.1- Définition et historique ................................................................................. 20
2.1.2- Caractéristiques ............................................................................................. 20
2.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 22
2.2- LE FUTURISME ............................................................................................. 26
2.2.1- Définition et historique ................................................................................. 26
2.2.2- Caractéristiques ............................................................................................. 26
2.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 27
2.3- L’ART ABSTRAIT ......................................................................................... 32
2.3.1- Définition et historique ................................................................................. 32
2.3.2- Les pionniers ................................................................................................. 33
2.3.2.1- Vassili Kandinsky (1866-1944) ................................................................. 33
2.3.2.2- Piet Mondrian (1872-1944) et le Néoplasticisme ...................................... 33
2.3.2.3- Kazimir Severinovitch Malevitch (1878-1935)
et le Suprématisme .................................................................................................. 34
2.3.2.4- Paul Klee (1879-1940) ............................................................................... 34
2.3.2.5- Robert Delaunay (1885-1941) et l’Orphisme ............................................ 35

115
2.3.3- Diffusion de L’Abstraction en Europe (1920-1930 ...................................... 35
2.3.3.1- Le Vorticisme en Angleterre...................................................................... 35
2.3.3.2- Le Rayonnisme .......................................................................................... 35
2.3.3.3- Le Constructivisme .................................................................................... 35
2.3.4- L’Art abstrait dans le monde après
la seconde guerre mondiale ..................................................................................... 36
CONCLUSION ....................................................................................................... 44
III- LA RÉVOLUTION DU PROCESSUS
DE CRÉATION PLASTIQUE............................................................................. 45
INTRODUCTION ................................................................................................... 46
3.1- LE MOUVEMENT DADA ............................................................................. 46
3.1.1- Définition et historique ................................................................................. 46
3.1.2- Caractéristiques ............................................................................................. 47
3.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 48
3.2- LE SURRÉALISME ........................................................................................ 51
3.2.1- Définition et historique ................................................................................. 51
3.2.2- Caractéristiques ............................................................................................. 51
3.2.3- Les œuvres représentatives du surréalisme ................................................... 54
CONCLUSION ....................................................................................................... 58
IV- L’ART CONTEMPORAIN ........................................................................... 59
INTRODUCTION ................................................................................................... 60
4.1- L’ART CINÉTIQUE ET L’OP ART............................................................... 60
4.1.1- Définition et historique ................................................................................. 60
4.1.2- Caractéristiques ............................................................................................. 61
4.1.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 62
4.2- LE POP ART ................................................................................................... 68
4.2.1- Définition et historique ................................................................................. 68
4.2.2- Caractéristiques ............................................................................................. 68
4.2.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 69
4.3- L’HYPERRÉALISME ..................................................................................... 73
4.3.1- Définition et historique ................................................................................. 73
4.3.2- Caractéristiques ............................................................................................. 73
4.3.3- Principaux artistes et œuvres représentatives ............................................... 74
4.4- AUTRES MOUVEMENTS ET TENDANCES ........................................... 78
4.4.1- Les années cinquante .................................................................................... 78
4.4.2- L’apport new-yorkais .................................................................................... 80
CONCLUSION ....................................................................................................... 84

116
V- LECTURE D’ŒUVRE D’ART : APPROCHE
ICONOLOGIQUE ................................................................................................ 85
INTRODUCTION ................................................................................................... 86
5.1- LES CONCEPTS D’ICONOLOGIE ET D’ICONOGRAPHIE ...................... 87
5.1.1- Définition et historique ................................................................................. 87
5.1.2- Rapport entre iconographie et iconologie ..................................................... 88
5.2- LA NOTION D’ŒUVRE D’ART ................................................................... 88
5.2.1- Définition, catégories et genres .................................................................... 88
5.2.1.1- Définition .................................................................................................. 88
5.2.1.2- Caractéristiques .......................................................................................... 88
5.2.2- Supports, techniques de réalisation et agents plastiques ............................. 90
5.2.2.1- Les supports ............................................................................................. 90
5.2.2.2- Les techniques de réalisation ..................................................................... 90
5.2.2.3- Les agents plastiques ................................................................................. 91
5.2.3- La démarche créatrice .................................................................................. 92
5.3- PRÉSENTATION THÉORIQUE DE LA MÉTHODE ICONOLOGIQUE ... 93
5.3.1- Identification de l’œuvre .............................................................................. 94
5.3.2- Description de l’œuvre ................................................................................. 94
5.3.3- Interprétation de l’œuvre .............................................................................. 95
5.3.3.1- Dénotation et connotations ....................................................................... 95
5.3.3.2- Commentaire historique ............................................................................. 95
5.4- EXEMPLES DE LECTURE D’ŒUVRE D’ART .......................................... 96
5.4.1- Guernica de Pablo Picasso............................................................................ 96
5.4.2- Signs ou ART Robert Cottingham ................................................................. 102

CONCLUSION ....................................................................................................... 108


CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................. 109
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................ 111
TABLE DES ILLUSTRATIONS......................................................................... 1112

117

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