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Française d'Histoire des Idées Politiques
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ETUDES
ALEXIS DE TOCQUEVILLE
Une sociologie des idées politiques
est-elle possible ?
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258 ÉTUDES
« ... la plupart des sentiments et des idées que fait naître l'état nouveau du mond
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 259
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260 ÉTUDES
sale » possible en matière d'histoire des idées et que cette imputation att
bue à l'état social la causalité des idées politiques démocratiques. Il s
demandé à la méthode comparative des arguments de preuve : on vérifie
qu'une autre organisation sociale comme l'état social aristocratique, en
phase de stabilité historique, n'a nullement donné naissance à de te
représentations ni à leur diffusion. Par contre, on montrera que les périod
de transformation de l'état social à l'intérieur du régime aristocratique,
cours du XVIIIe siècle français, par exemple, s'est accompagné d'une a
mation de ces nouvelles idées. Et Tocqueville fait l'hypothèse que ce
simultanéité est, en fait, une causalité en ce sens que c'est bien la tr
formation des conditions qui a déterminé la formulation de ces idées.
Toutefois cette hypothèse générale, loin d'être une conclusion, est
point de départ d'une élaboration théorique sur les conditions de cette gen
pour tenter de donner un sens plus précis à cette métaphore de la ge
ou de la filiation.
Tocqueville se propose de préciser les éléments qui favorisent cette for
mation des idées démocratiques et met l'accent à la fois sur les conditions
objectives de l'égalité et sur l'expérience qu'en font les citoyens. Ces indi
cations sur l'expérience concernent à la fois les perceptions familières des
citoyens et leur mode d'action au sein de la société civile. Dans un monde
où les citoyens ne sont plus dominés par de puissants personnages, où tous
sont également « petits et faibles », les citoyens ne peuvent concevoir qu'un
univers de semblables, d'hommes égaux et similaires, régis par des lois
identiques. En ce sens, Tocqueville peut mettre l'accent aussi bien sur les
perceptions qu'ont les citoyens de leurs semblables, perceptions d'êtres
égaux et faibles, aussi bien que sur les habitudes intellectuelles des citoyens,
car il y a lieu de penser que les modalités des perceptions ne sont pas
dissociables des expériences quotidiennes, non plus que des habitudes men
tales qui leur correspondent.
Plus encore, les expériences pratiques, le fait, pour les habitants d'une
commune de Nouvelle-Angleterre, de se réunir communément pour régler
ensemble les menus problèmes de la vie collective, le fait d'élire les res
ponsables des différentes tâches, d'assumer une responsabilité sans songer
à sa pérennité, toutes ces expériences et les échanges sociaux qu'elles sus
citent rendent familière au citoyen l'idée de l'égalité démocratique des
citoyens et donc évidente l'idée même de démocratie.
Tocqueville problématise ainsi la notion d'« idée politique » et, en quel
que sorte, la remet en question tout en lui prêtant une importance décisive.
En effet, en deçà de la formulation intellectuelle, exprimée en raisonnements
et en argumentations, il désigne un système d'habitudes intellectuelles,
d'évidences, de représentations, où le théoricien va spontanément puiser
ses certitudes et ses démonstrations, en confirmant les habitudes de pensée
qui sont communes. Mais simultanément, Tocqueville, s'il diminue ainsi
l'originalité du théoricien, majore la force et l'importance des idées politi
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 261
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262 ÉTUDES
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES
6. Ibid., p. 195.
7. Ibid.
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264 ÉTUDES
lité, faible et constituait une cible plus accessible que les pouvoirs tem
rels. L'oppression qui pesait sur ces écrivains et qui se manifestait par
décisions de censure était, en fait, légère et plus provocatrice qu'accablan
Cette « demi-contrainte » avait moins pour effet de limiter la création e
diffusion des textes irréligieux, que d'inciter les écrivains à les produire
à les répandre.
Tocqueville en vient ainsi à poser le problème du pouvoir des intel
tuels et à s'interroger sur cette mutation historique singulière par laquel
des hommes, sans fonctions officielles ni pouvoir, en vinrent à conquéri
l'autorité.
La réponse à cette question renvoie à une réflexion sur la réception des
idées par les publics.
8. Ibid., p. 194.
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 265
On comprend ainsi que les Français aient accueilli avec tant d'attention
cette philosophie et ces théories rationalistes. Non que ces idées aient été
particulièrement nouvelles, ou que ces écrivains aient été exceptionnellement
convaincants, mais bien en raison d'une affinité de réaction dans des situa
tions identiques.
De ces remarques sur la diffusion des idées, Tocqueville fait un principe
général comme on le voit sur l'exemple de l'adhésion des peuples d'Europe
à la Philosophie politique française au cours de ce XVIIIe siècle. Là encore,
au lieu de voir dans ces adhésions un cheminement conquérant des idées,
il convient d'examiner l'état social de l'Europe à cette époque, et de com
prendre que cet état, devenu, à l'insu même des citoyens d'alors, largement
démocratique, rendait les esprits réceptifs aux idées rationalistes et égali
taires.
Il serait donc artificiel de dissocier l'adhésion aux idées de l'expérience
concrète des citoyens. De même ne peut-on dissocier les idées des réactions
affectives, positives ou négatives, qu'elles suscitent. Dans le cas de la récep
tion par les Français et les Européens des idées révolutionnaires, Tocque
ville souligne à plusieurs reprises que ces idées furent accueillies avec
« enthousiasme » et avec « passion », montrant que cette réception fut autant
émotionnelle qu'intellectuelle et, par là, d'autant plus forte et riche de
conséquences. Un exemple apparemment ironique illustre cette analyse ; à
la veille de la Révolution :
« Il n'y eut pas... de petit propriétaire dévasté par les lapins du gentilhomme son
voisin qui ne se plût à entendre dire que tous les privilèges indistinctement étaient
condamnés par la raison. Chaque passion publique se déguisa ainsi en philosophie »9.
9. Ibid., p. 196.
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266 ÉTUDES
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 267
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268 ÉTUDES
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES
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270 ÉTUDES
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 271
des indications concernant les idées démocratiques, leur force et leur fai
blesse dans ce processus historique vers un nouvel asservissement. Nous
tenterons de montrer que cette conclusion prend appui, dans une large
mesure, sur cette étude sociologique des idées en démocratie.
Tocqueville s'interroge sur les activités, sur les expériences majeures des
citoyens et sur les idées qui les accompagnent. Trois ensembles d'idées et
d'opinions sont ainsi soulignés et concernent l'activité industrielle, la per
ception et la recherche de l'égalité et, enfin, l'expérience de la liberté.
3. On voit ainsi, dans ce conflit interne des idées et des passions, les
dangers qui entourent l'idée de liberté. Comme le montre l'histoire des
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272 ÉTUDES
révolutions, elle n'a pas soulevé des passions aussi violentes que celles
ont soutenu l'égalité. La passion de la liberté, l'amour de l'indépendan
s'est montrée fragile et discontinue. C'est aussi que l'égalité procure
plaisirs indéfinis alors que la liberté politique procure un plaisir plus disc
et plus personnel. La liberté politique a, dit Tocqueville, un « goût sublim
qui trouve sa fin en lui-même et qui est, en quelque sorte, au-delà d
dicible20 ; les raisonnements ne peuvent suffire à en faire ressentir l'urgen
Un nouveau despotisme est donc possible, non seulement parce que
centralisation administrative semble introduire plus de facilité dans la ré
lution des problèmes communs, mais bien parce que les idées des citoy
n'y sont pas, malgré les apparences et les proclamations contraires, au
hostiles qu'il ne semble. Non seulement elles ne font pas clairement
tacles à la montée de ce nouveau péril, mais, comme on le voit surtout pa
l'idée et la passion d'égalité, elles peuvent lui être favorables.
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UNE SOCIOLOGIE DES IDÉES POLITIQUES 273
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