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UNIVERSITE DE STRASBOURG Ep 270 ECOLE DOCTORALE de Théologie et des Sciences Religieuses EA 4378 THESE presentee par Henri Claude TELUSMA Soutenue le : 25 septembre 2017 Pour obtenir le grade de : Docteur de l'université de Strasbourg Discipline! Spécialité : Théologie des Religions Une analyse théologique de la coexistence christianisme/vaudou en Haiti: | | Ouverture pour un dialogue interreligieux bee THESE dirigée par : Madame PARMENTIER Elisabeth Monsieur STEHLY Ralph RAPPORTEURS : Monsieur CHANSON Philippe Monsieur ZORN Jean-Frangois EXPERT : Monsieur SIMON Benjamin PRESIDENTE DU JURY ‘Madame GRELLIER Isabelle Professour, Professour, Professeur, Professeur, Professeur, . Université de Strasbourg , Université de Strasbourg . Université de Genéve Faculté libre de théologique de Montpellier Institut cecumenique de Bossey-Geneve ite de Strasbourg CHAPITRE V LA MYTHOLOGIE VAUDOU ‘Trés souvent, le mythe constitue un élément fondamental dans la transmission des savoirs ainsi que des valeurs culturelles et religieuses. Mais quelquefois, ils sont considérés comme des tabous. Les sociétés dites traditi elles accordent une importance remarquable ‘aux mythes, Dans leur analyse des religions afticaines, Louis-Vincent Thomas et René Luneau présentent le mythe comme «I ément fondamental de la littérature sacrée, ique ct profonde. 1 joue le méme rdle, dans la civilisation orale, que le dogme des religions liges & I"éeriture. Cette maniére de penser, loin d'exelure Ia raison, se contente seulement de la dépasser, ou plutst d’en éprouver Minsuffisance ""», Les mythes, pour les sociétés traditionneles, surtout dans le contexte afticain, représentent ce que les dogmes sont aux religions dites révélées, Rien n'est éerit mais tout se transmet de génération en Ce qu'il faut encore mentionner c'est le caractére sacré des mythes. Tous les savoirs es sont considérés comme vrais at niveau des religions. Toutefois, beaucoup de mythes culturels ou re jeux suscitent des doutes concernant leur véracité. Dans létude d'une jigion donnée, la comprehension des mythes est d'une importance capitale. Dun autre cate, ‘Thomas et Luncau congoivent que « le mythe n'a rien d'un objet inerte, d'un dogme forme! : c'est, au contraire, une chose vivante, intégr dans le rythme social, sentic, éprouvée par ta collectivité ; loin d’étre irréel, un « tissu dincohérences’™'», Pour rendre plus claire leur approche, ils reprennent une déclaration de Preyluski : L the exprime pludt la vitoire du symboliqa sur le quotien view ou représené, ainsi que nous prenda V'analyse des rites funéraires ow des diverses eétémonies post mortem. I cussaere te rmphe definitif de la vie sur la mort, du pur sur impur, de Forde sur le désordre. Qui wos tid, 9. °* Voir ¥. SAINT-GERARD, Le phinoméne sombi (la présence © 12 Hai le sujets en état de mon-ctre), yp. 67> association « collect Haiti France » a rassemble ‘catézorie : famille, voisinage, logon de a vc ee. «San se san, dla se dla » Ls sang «est le sang, eau vest Hea (Ques uc soient les vtvonstances toujours seasible 4 la situation de quelqo’un avec leu! ot ts Lens tsa) + Puit se riches malere » Les cntans ees la ichesse des pauses «Pui se baton vyeses personnes dgses) trausoup de proveros haiti en es eeguoupant pa nici des exemples aan {Les enfants est He biton de la vieillese (Les enfants sont Passurance-vig des 104 Signaler dans le quotidien vaudou. Les jeunes pensent quc les vicux ont le pouvoir de jeter des sorts leur avenir. Ils sont done appelés a les respecter. Ils ont aussi un respect pour les Gtrangers, car beaucoup de mythes haitiens font croire que Diew a 'habitude de prendre la forme d’une personne pour visiter les humains sur la terre, S"il est bien regu, celui qui l'a regu sera béni ; sinon, le contraire est vrai aussi Contrairement aux religions monothi (es, les religions traditionnelles ne sont pas toutes scripturaires, e'est~i-dire qu'il n'y pas un ouvrage de base qui réglemente la foi des adhérents. Le Vaudou haitien n'a aucun texte sacté ou de corps de doctrine qui évalue la qualité morale ou religicuse des fidéles, Cette observation pousse M. Laguerre a voir dans le Vaudou haitien « une religion i vante plut6t que préservée?™y, Malgré cette absence de documents favorisant la continuité des normes et des traditions du Vaudou, ses principes et sa vision du monde sont transmis de génération en génération. Parmi les multiples moyens de transmission des valeurs du vaudou, il y a licu de mettre en évidence deux facteurs clés : Voralité et le dire des loa. 1. Lroralité Le concept d’oralit peut se définir comme «art de Ia tradition orale, de ce qui transmet par la parole, L’oralité n'est rien sans la transmission. Elle implique le commencement oral dans le devenir des peuples, avec au départ la totalité du sens, selon adaptation particuliére a un peuple, dans le vaste réservoir des contes, des mythes et des e7"y, Dans univers vaudou, la vision du monde est transmise et assurée par plusicurs entités dont les esprits, les aings & travers les proverbes, les symboles et les rites, mais non par des textes écrits. Cette transm jon de savoirs est garantie par loralité 4 Tanbou hat nan raje, men se lak: vin danse » : Le arbour ou lx musique se joue dans les bois, mais la danse vient s'exéeuter la maison (es actes qu'on comet en dehors du domicile ont de toute fagan des repercussions sur le reste de la famille ow seront cannus dela famille) ‘«Keutév ki gen ke pa janbe fe » : Une couleuvte ayant une qucwe ne teaver paste fe (1 ine fat pas prendre de risques iutiles quand ona de a famille eVou des eesposabilits) 4 Manman chen pa junm mise pitt I jous nan 20 »: Une chienne ne word jamais ss petits jusqutaus os (On we peut pas faire mal ison propre enfant oud sa propre ehai) «Tete pa junm to fou pou met Ui »: Les seins ne sont jars top lous pour les gens qui les ont (ange si est difcile, on setTorce toujours dassumer ses responsabilité quali s"ayit ae ses propees progéniture) «Dost ou sunt on pa ka koupe fete» : Mean sites doigts pus, 1 aquelyu' wo fase des choses préjudiciables aux membres de st pour sutan) (Collectif Hat France, Proverbeshaiten Je ligne ext disponible sur le wuw.cullectf-huitfrfproverbes-haitiens) P*M, LAGUERRE, Foodoo Heritage, New Youk Saye library ot 50 MICHEL, in: Aspects éducunfs et morauc du vodou hain, p31 2”P. VAILLANT, « Loralité c'est la musique du son par le langage » (en ligne}. Cette page a 648 consultée le 16 ferier 2012. Cet antile est disponible sur, ww w.users sing be e prudent ou 1x pas Fes Couper pour les jeter (Que lc, on te peut pas sen dharrasser ou le twee cette page est consultée le 20 janvier 2012 et al research, vol. 98, 1980, p. 22. Cité par 105 La culture orale n'est pas seulement une question de mots prononeés, mais bien de mots définis par leur contexte dans un monde vivant, désormais inséparable du corps et de la voix qui les exprime. Cela explique trés clairement l'importance des proverbes et des ‘maximes créoles en Haiti. On ne parvient jamais & comprendre le fondement d'un proverbe eréole si l'on se contente seulement de aspect orthographique ou littéral des mots. Bellegarde Smith, dans une approche sur le langage des vodouisants haitiens affirme ce qui suit: La langue nous donne un arsenal d'idées complexes. A son point d'origine, les mots sont sacrés créatifs, et réflecteurs de pensée. A son point de destination, la langue est codée & nouveau. et ceci dans le but d’assurer notre survie, Dans un acte de résistance ultime, le langage et la musique, 1a danse et Ia religion s'accordent pour renforeerI’épistémologie afrcaine. La langue de Ia musique. le langage de la danse, le langage de la religion et la langue elle-méie revétent de multiples dimensions tythmiques destinges& caeher une Ealité encore plus profonde & ceux gui pouraient nous détruire ‘Seuls es initiés dépassent le niveau tere-i-terre des significations des mots" Bellegarde Smith a mis Maccent sur le c6té contextuel des mots ou des paroles, Il faut chercher pénétrer le vrai sens des mots afin de les comprendre, Comme toute socict «oralisée », celle du vaudou a un double sens : elle est naturelle et globale. Naturelle en ce sens que le langage est lié des éléments de Ia nature, tels que les animaux, les couleurs, les arbres et quelquefois, ce langage va au-deli de cette nature pour atteindre Ia vie des vodouisants. Les danses, les chants, les cris et la peinture peuvent étre considérés comme des. moyens de communication. Cette oralité est aussi globale dans la mesure oft les mots ne se comprennent pas de fagon détachée. Les proverbes dans le vaudou et méme dans la culture haitienne ne se traduisent pas mot a mot”. La phrase dans son ensemble et Ie contexte dans Iequel elle est prononcée peuvent aider a les comprendre. Il faut noter que la langue de communication dans le vaudou est essenticllement le créole, 2. Ledire des loa Les loa font partie de ceux qui assurent la transmission des savoirs dans le vaudou. Quand un eroyant 1udou est en transe, il épouse la personnalité de son foa protecteur et il parle le langage de cet esprit vaudou, La chanson qu'il chante est apprise par le reste de eduction, Pawol a Pale: Reflexions of An Initiate”, Journal of Caribbean Stalies, vol 9.3 dqclgucs exemples «Jan chat mache lajounen se pa konva li peche fannwit »: La fagon dont le chat marche le jour est different ds 4a fagon dom il chasse ta nuit {Une fat pas fie 'apparence) 1: hay pra dife um bonn konbyen hakube Ki te ladan w = C'est forsqu'une maison bri iy avait de handicapés di Vintricur (Lonsqu'une athive és Videntité dos protagonistes) ra hay k ap manje eupable se wouve dans le cere rapproché U @Twou manta fon » > Fe tou du mensonge n'est pas prafon (La v Jour). (Collectif Haiti France, Proverber hits [en ligne, vette page est consults le 20 j disponible sur le ww:callety-uit frjproverbes-haiien) >* SMITH, “An fe qu'on sait combien irand jour, on est souvent surpris pac yo: C'est fe rt de la maison qui ka many nial ow amical)) besoin Waller choreher ailleurs, le ter 2012 et est 106 Massemblée, On assiste quelquefois a des variations, mais le contenu du rte et des rituels reste le méme de génération en génération. « Les foa vaudou et les esprits ancestraux sont les autre professeurs qui harmonisent les aspects spécifiques de la vie et qui servent d'intermédiaires centre les humains et le Grand-Maitre, cesprits les plus woqués et les plus véi és, et conséquemment, eer professeurs les plus éminents du vaudou incluent : Damballah, oa supréme, le plus views, le plus respecté, représenté par un serpent ; Aida Wédo, sa femme. Legba, Ogou, Erzulie, Azaka et Grann Brigitte sans oublier baron Samdi. Ces esprits sont pour les vodouisants des professcurs trés efficaces et distingués parce qu’ils augmentent et argumentent Ia vision du monde des fidéles*"», C, Michel eroit aussi que « les Joa sont cependant rarement inopérants et n'ont presque jamais tort. Ils savent toujours quelles questions soulever, parfois avant m 1 les pat impliquées et ils réussissent en général & cla er les fats et les événements, ou a affronter ce que ceux-ci s'ellorcent d’oublier. Les /oa habituellement n’introduisent pas ce qui n'est pas déja présent ; leur tiche est de montrer aux fidéles comment voir elairement au milicu d'une multiplicité de choix et de vérités™'», Les hougans (médiums) et les réves sont les moyens les plus courants que les foa utilisent pour transmettre des savoirs aux ouailles. ©. MICHEL, op ct pp. 6770 *"Jid. p.72. 107

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