de Jean-Paul Sartre
« S’il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait
la nature humaine, il existe pourtant une universalité humaine de condition. Ce n’est
pas par hasard que les penseurs d’aujourd’hui parlent plus volontiers de la condition
de l’homme que de Sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de
clarté l’ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans
l’univers. Les situations historiques varient : L’homme peut naître esclave dans une
société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c’est la
nécessité pour lui d’être dans le monde, d’y être au travail, d’y être au milieu d’autres
et d’y être mortel... Et bien que les projets puissent être divers, au moins aucun ne
me reste-t-il tout à fait étranger parce qu’ils se présentent tous comme un essai pour
franchir ces limites ou pour les reculer ou pour les nier ou pour s’en accommoder. »,
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées
principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes
des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
Introduction :
Commentaire linéaire :
Ce texte de Jean Paul Sartre commence par une prise de position très affirmée
contre l’idée qu’il existerait une nature humaine, c’est-à-dire une essence de
l’homme, une définition éternelle de l’homme dont ce dernier ne pourrait pas sortir et
qui le contraindrait à vivre d’une seule façon possible. Sartre s’oppose
catégoriquement à cette idée en partant du principe qu’« il est impossible de trouver
en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, ».
Cependant il ne remet pas pour autant en cause l’idée qu’il puisse y avoir une
universalité humaine, mais selon lui cette universalité réside dans la condition de
l’homme et non dans sa nature. C’est cette notion de condition qu’il va définir dans le
second moment du texte.
Par condition de l’homme il faut entendre nous dit Sartre : « l’ensemble des limites
a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l’univers. », cela ne signifie
pas que la liberté de l’homme est limitée, mais que cette condition définit le contexte
dans lequel cette liberté va pouvoir s’exercer.
Premier temps de la deuxième partie : L’illustration d’un point de vue objectif sur la
condition humaine
Sartre illustre dans le moment suivant du texte cette définition en décrivant plusieurs
types de situations dans lesquelles un homme peut se trouver et en fonction
desquelles il va devoir se positionner. Ainsi si « Les situations historiques varient »,
la manière dont le sujet va se comporter dans un contexte donné ne sera pas
déterminée par celui-ci, mais dépendra de son seul choix. Je ne choisis pas de
« naître esclave dans une société païenne ou seigneur féodal ou prolétaire. », mais
je suis responsable de la manière dont je vais vivre ma condition historique et
sociale.
Sartre affirme que c’est l’homme qui librement confère à la situation son sens. Par
exemple, une situation devient intolérable pour des gens qui se sentent opprimés par
elle et ils se révoltent librement contre elle. Cette situation n’est peut-être pas
intolérable en soi, dit-il, mais elle le devient parce que l’homme lui a conféré ce sens
par son projet de liberté alors que un autre homme pourrait, avec un autre projet,
considérer cette même situation comme bénéfique. Les chrétiens n’invitaient jamais
leurs esclaves à se révolter mais les invitaient à bien faire leur travail d’esclave pour
devenir un bon chrétien qui irait au paradis. En projetant mes intentions sur ma
situation actuelle « c’est moi qui librement transforme celle-ci en moyens d’action ».
Plus l’homme vit dans une situation tragique et difficile, plus il éprouve le besoin de
"’s’en sortir", et il cherche les moyens de le faire.
C’est pourquoi Sartre conclut ce texte en insistant sur ce qui fait l’universalité de
l’humanité, ce ne sont pas des caractéristiques innées que tous le hommes
posséderaient par nature, mais le fait qu’ils soient tous plongés dans un monde dans
lequel ils doivent accomplir leur existence comme projet. Ce que je suis n’est pas
défini à l’avance par une nature quelconque, mais résulte de la manière dont je
choisis d’affronter le monde, les limites inhérentes à ma condition ne sont pas
infranchissables, ma liberté me permet de « franchir ces limites », de « les reculer ou
[...]les nier » ou de m’« en accommoder ».
Bilan :
On peut voir finalement émerger ici un réseau de concepts qui définit assez bien
l’existentialisme.
Le concept d’Essence est ici lié au sujet de l’homme : « il est impossible de trouver
en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine ». Mais s’y
substitue le concept de condition : « il existe pourtant une universalité humaine de
condition ».
La condition humaine
Celui de projet « bien que les projets puissent être divers » répond à la nécessité
d’être au monde et donc d’être en situation :
Comprendre que c’est le projet d’un être libre qui donne une signification aux
relations humaines montre comment le projet n’est qu’une manière humaine de
répondre aux limites d’une situation et surtout comment le projet philosophique qui
prend la liberté pour objet devient l’affaire de tous, il est le projet exemplaire par
excellence.
Réponse 2)a) :
Sartre pense que nous n’avons pas de possibilité de trouver une définition de ce qui
fait qu’un être humain est un être humain. Bien entendu on peut le définir d’un point
de vue biologique, on peut le définir du point de vue de normes culturelles
communes à toutes les cultures. Mais ceci ne permettra pas de le caractériser du
point de vue de son humanité : rien ne le distingue à ce niveau des animaux qui se
définissent du point de vue biologique et qui ont parfois des normes
comportementales qui ne sont pas innées mais transmises et acquises par des
apprentissages. Pour Sartre ce qui caractérise l’homme est qu’il n’est pas
définissable parce qu’il est libre de se définir lui-même par des choix et donc qu’il est
libre de redéfinir autrement la culture qu’on lui avait transmise. Notre existence d’être
libre relativise notre essence corporelle animale voire nos schémas culturels les plus
universels : comme le dit Sartre « l’existence précède l’essence ».
Réponse 2)b) :
Pour Sartre, l’homme n’a pas de nature. Sa conscience est libre de toute nature.
La Condition humaine : Mais pour Sartre, la conscience ne peut pas exister en-
dehors d’un corps, et donc en-dehors d’un monde matériel (on voit donc la nécessité
pour lui d’être dans le monde).
Paradoxe : Il y a un paradoxe : d’un côté, la conscience est libre de toute identité
sociale individuelle, intellectuelle, culturelle (on peut changer de culture, d’idées, de
sexe, etc.), mais de l’autre côté : la conscience hérite à chaque instant du monde
dans lequel ma conscience s’est constituée. On peut donc avoir l’impression d’être
jeté au monde, d’être confronté à une situation qu’on a pas choisie ou qu’on avait
choisie alors qu’on était un autre.
Sartre reproche aux personnes de dire « mais c’est ma nature d’être comme ça :
d’être paresseux » alors qu’en fait, personne n’est paresseux pour Sartre puisqu’il
s’agit d’une décision. On peut être paresseux mais il faut l’assumer comme un choix.
Réponse 3) :
Sartre estime qu’il n’y a pas une nature humaine mais une universalité des
conditions de vie humaines. Il défend ceci au nom de notre capacité à former des
décisions délibérées.