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Les écrivains ne croient plus à un homme idéal, gouverné par des valeurs
morales. L’homme est jeté sans raison dans un monde qui n’a pas de
sens.
Ils ne peuvent que se raccrocher à leur propre existence individuelle.
La solitude de leurs héros est absolue : ils ne participent ni à la société, ni
à l’histoire.
La vie littéraire de l’après-guerre est fort marquée par les œuvres de Jean-
Paul Sartre et d’Albert Camus.
Albert Camus et Jean-Paul Sartre sont les principaux représentants d’un
courant de pensée qu’on appelle « l’existentialisme » (1945-1960): la
philosophie de l’existence.
L’étranger est fractionné en deux parties. Dans la première, Camus nous relate la vie
ordinaire d’un employé de bureau, blasé et taciturne, qui se moque des mœurs de
son voisin proxénète mais qui accepte d’être son ami car cela faisait plaisir à
Raymond. De la même façon, il veut bien épouser sa copine Marie, qu’il apprécie
réellement, mais seulement pour lui faire plaisir. Rien ne semble avoir de
l’importance pour Meursault. La deuxième partie s’ouvre suite à un meurtre qu’il a
commis, sans motif aucun, ou peut-être à cause du soleil aveuglant et de la sueur
qui coulait sur ses paupières. S’ensuivit alors un procès aux allures d’une pièce de
théâtre de l’absurde, où « on avait l’air de traiter cette affaire en dehors de [lui]. Tout
se déroulait sans [s]on intervention ». De toute façon, Meursault n’a rien à dire. C’est
un homme qui ne sait que dire la vérité. Et la vérité est que ce meurtre était un
hasard, et qu’il n’avait pas de motif.
Un monde absurde
Des personnes qui se comptent sur le bout des doigts détiennent plus de 50% des
richesses mondiales, et pendant que l’obésité tue dans les pays riches, la sous-
nutrition, en fait tout autant dans les pays pauvres.
Les pays les plus riches voient des populations pauvres proliférer dans leurs
métropoles, s’agglutiner autour de repas offerts par des mouvements citoyens, pour
survivre, alors que les plus riches de la pyramide s’arrachent des œuvres d’art au
prix de dizaine de millions d’euros ou de dollars. Un exemple de l’absurdité à l’état
pur : rappelons-nous de cette exposition à Miami en 2019, où un artiste a scotché
une banane dans un mur, et qu’un visiteur l’a… mangée. L’œuvre se vendait à
120.000 dollars.
Des immigrés fuyant la misère dans leur pays sont rejetés à la mer comme des
bouteilles de plastique, pendant que leurs dirigeants accumulent fortune et biens
dans les pays riches.
Des médias nous rabâchent les oreilles quotidiennement avec des sujets bateaux,
en occultant l’essentiel, afin de fabriquer un consentement de masse (exemple :
voile), rappelant une époque où une autre religion avait été stigmatisée, entraînant
un massacre indigne de l’humanité.
Un nombre croissant de personnes ne croit plus en la parole officielle (les politiques,
…).
Des superpuissances détruisent des puissances naines, sous de faux prétextes
(exemple : Afghanistan, Irak, Libye, Syrie). Les nouvelles des populations civiles
croulant sous les bombes sont rapportées brièvement, sonnant le deux poids deux
mesures lorsque des occidentaux sont touchés.
Des vols à destination de l’espace sont réservés par les nantis de la planète à des
prix mirobolants pour tuer l’ennui sur notre humble terre. Le premier voyagiste vers la
lune avait fixé à 1.5 milliard de dollars un vol aller-retour pour deux passagers avec
une promenade sur l’astre. Si on considère que le SMIC est de l’ordre de 150
dollars/mois/personne, cela correspond à 8.333 siècles de revenus annuels pour une
personne des pays en voie de développement : le comble de l’absurdité.
La concurrence entre superpuissances pour rester le premier dans le monde nous
fait prendre à tous des risques de guerres mondiales au minimum, et font récolter
des sommes astronomiques en armement pour parer à ces éventuelles guerres.
Alors que les vrais problèmes qui guettent la planète en termes de changement
climatique, de pénuries d’eau, de maladies incurables, de faim dans le monde,
restent minimisés.
Analyse de L’étranger de Camus
L'après-midi, les grands ventilateurs brassaient toujours l'air épais de la salle et les petits
éventails multicolores des jurés s'agitaient tous dans le même sens. La plaidoirie de
mon avocat me semblait ne devoir jamais finir. À un moment donné, cependant, je
l'ai écouté parce qu'il disait : « Il est vrai que j'ai tué. » Puis il a continué sur ce ton,
disant « je » chaque fois qu'il parlait de moi. J'étais très étonné. Je me suis penché
vers un gendarme et je lui ai demandé pourquoi. Il m'a dit de me taire et, après un
moment, il a ajouté : « Tous les avocats font ça. » Moi, j'ai pensé que c'était
m'écarter encore de l'affaire, me réduire à zéro et, en un certain sens, se substituer à
moi. Mais je crois que j'étais déjà très loin de cette salle d'audience. D'ailleurs, mon
avocat m'a semblé ridicule. Il a plaidé la provocation très rapidement et puis lui aussi
a parlé de mon âme. Mais il m'a paru qu'il avait beaucoup moins de talent que le
procureur. « Moi aussi, a-t-il dit, je me suis penché sur cette âme, mais,
contrairement à l'éminent représentant du ministère public, j'ai trouvé quelque chose
et je puis dire que j'y ai lu à livre ouvert. » Il y avait lu que j'étais un honnête homme,
un travailleur régulier, infatigable, fidèle à la maison qui l'employait, aimé de tous et
compatissant aux misères d'autrui. Pour lui, j'étais un fils modèle qui avait soutenu
sa mère aussi longtemps qu'il l'avait pu. Finalement j'avais espéré qu'une maison de
retraite donnerait à la vieille femme le confort que mes moyens ne me permettaient
pas de lui procurer. « Je m'étonne, Messieurs, a-t-il ajouté, qu'on ait mené si grand
bruit autour de cet asile. Car enfin, s'il fallait donner une preuve de l'utilité et de la
grandeur de ces institutions, il faudrait bien dire que c'est l'État lui-même qui les
subventionne. » Seulement, il n'a pas parlé de l'enterrement et j'ai senti que cela
manquait dans sa plaidoirie. Mais à cause de toutes ces longues phrases, de toutes
ces journées et ces heures interminables pendant lesquelles on avait parlé de mon
âme, j'ai eu l'impression que tout devenait comme une eau incolore où je trouvais le
vertige.
À la fin, je me souviens seulement que, de la rue et à travers tout l'espace des
salles et des prétoires, pendant que mon avocat continuait à parler, la trompette d'un
marchand de glace a résonné jusqu'à moi. J'ai été assailli des souvenirs d'une vie
qui ne m'appartenait plus, mais où j'avais trouvé les plus pauvres et les plus tenaces
de mes joies : des odeurs d'été, le quartier que j'aimais, un certain ciel du soir, le rire
et les robes de Marie. Tout ce que je faisais d'inutile en ce lieu m'est alors remonté à
la gorge et je n'ai eu qu'une hâte, c'est qu'on en finisse et que je retrouve ma cellule
avec le sommeil. C'est à peine si j'ai entendu mon avocat s'écrier, pour finir, que les
jurés ne voudraient pas envoyer à la mort un travailleur honnête perdu par une
minute d'égarement et demander les circonstances atténuantes pour un crime dont
je traînais déjà, comme le plus sûr de mes châtiments, le remords éternel. La cour a
suspendu l'audience et l'avocat s'est assis d'un air épuisé. Mais ses collègues sont
venus vers lui pour lui serrer la main. J'ai entendu : « Magnifique, mon cher. » L'un
d'eux m'a même pris à témoin : « Hein ? » m'a-t-il dit. J'ai acquiescé, mais mon
compliment n'était pas sincère, parce que j'étais trop fatigué.
Extrait du chapitre 4 de la deuxième partie de L'Etranger - Albert Camus
Camus ( 1913 – 1960, décédé dans un accident de voiture ). Son père, ouvrier
algérien, meurt pendant la bataille de la Marne dans la première guerre mondiale. Il
grandit dans un quartier pauvre d'Alger, il fait des études de philosophie. En 1939, il
se rend à Paris et termine son premier roman : « L'étranger » qui sera publié en
1942. Pendant la guerre, il entre dans la clandestinité et participe pleinement à la
résistance. Il devient célèbre en 1947 avec son roman la peste. En 1957, le prix
Nobel de littérature consacre son œuvre mais meurt 3 ans après dans un accident
de voiture.
2 : La polyphonie du texte.
3 : Un personnage incompris.
Meursault s'est rendu coupable d'un crime sans en connaître véritablement le motif. Il
semble assister en spectateurs à son propre procès, retranché en lui-même devant
la réquisitoire du procureur qui lui reproche son insensibilité au moment de la mort de
sa mère, mais aussi devant le plaidoyer de son avocat face auquel il semble aussi
dubitatif.
Le discours direct : citation des propos des avocats et de ceux du gendarme : « il est
vrai que j'ai tué »...
Le discours indirect libre : ligne 16 à 18 : « pour lui j'étais un fils modèle ». Absence
de conjonction de subordination ( que ) + utilisation de la troisième personne ( pour
lui ) font glisser le discours du style indirect à l'indirect libre.
Ce passage apparaît comme un discours des autres plaqué sur ses propres
pensées. Ce qui démontre à nouveau que ses juges veulent lui imposer une façon
de penser qui n'est pas la sienne.
Meursault est un personnage qui ne comprend pas les autres, mais aussi un
personnage incompris. Camus fait de son personnage une sorte d'énigme, il montre
une totale absence de sens des conventions sociales et des discours convenu, le
personnage apparaît méprisant et ne porte son attention que sur des détails anodins
et sans rapports avec la gratuité des faits « les grands ventilateurs... » ; « les petits
éventails » ; « disant « je » à chaque fois qu'il parlait » ; « même son avocat semble
ne pas le comprendre » ; « il a plaidé la provocation » ; « lui aussi a parlé de mon
âme ». Cette fracture entre les personnes et les autres renvoie à une vision du
monde propre à l'univers de Camus : le sentiment de l'absurde.
Camus dénonce le jugement humain qui classifie une personne en fonction de son
apparence, en établissant un profil type du meurtrier désigné. Même le discours de
son avocat apparaît à Meursault comme une injustice qui le dépossède de sa liberté
et du sentiment intime de sa propre personnalité : « c'était m'écarter encore de
l'affaire, me réduire à zéro et en un certain sens se substituer à moi » ( ligne 7 et 8 ) ;
« il n'a pas parlé de l'enterrement et j'ai senti que cela manquait dans sa plaidoirie » (
ligne 21 et 22 ). Même celui qui le défend n'est pas fidèle aux idées de Meursault :
« J'ai été assailli de souvenirs d'une vie qui ne m'appartenait plus, mais où j'avais
trouvé les plus pauvres et les plus tenaces de mes joies ». A la fin de la plaidoirie, le
flot de souvenir fait irruption dans l'esprit de Meursault. Les odeurs, les lieux, les rires
redonnant au personnage une profonde humanité qui reste son seule espace de
liberté face à un monde qui le méprise.
Ce texte est un moment clé du roman. Meursault est au centre des discours qui le
rate car il n'arrive pas à le savoir dans sa vérité propre. C'est un personnage
hermétique qui se résout à l'arbitraire de la justice des hommes sans illusions. Son
seul coin de lumière sont ses souvenirs.
Ce thème de l'absurde et de la difficulté à communiquer fonde chez Camus la
nécessité de la révolte qui, seul, donne à l'homme sa dignité selon lui...