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Module 1

CHAPITRES III
La contribution de la GRH à la flexibilité de l’entreprise

I- Le changement : quelques réflexions générales


1°) Le mythe de la résistance au changement
Certains dirigeants ou managers constatant les résultats décevants d’un
changement auxquels ils se sont consacrés, ont l’habitude d’incriminer la
résistance naturelle des hommes au changement. Leur idée était excellente mais
ils se sont heurtés à la force des habitudes des salariés, à l’opposition des cadres
conservateurs à l’immobilisme de l’Administration aux manoeuvres des
concurrents, aux oeillères des syndicats, etc... Ils avaient raison et tous les autres
avaient tort. Une notion existe qui permet de regrouper toutes les difficultés que
les managers n’ont pas su résoudre et de leur donner bonne conscience celle de
résistance au changement.
Que ce changement, quel qu’il soit, dérange les intérêts installés et suscite à
l’origine un certain scepticisme voire une franche hostilité, est bien évident.
Mais on aurait tort de considérer qu’il y a un phénomène global et universel de
résistance à des projets que leurs promoteurs considèrent bien sûr comme
justifiés. Il est plus judicieux d’envisager que chaque acteur de l’organisation est
soumis à des contraintes et déploie les stratégies qu’il juge adaptées à la
situation. Il n y a pas d’un rôle les promoteurs du changement détenteurs de la
raison et de l’autre tous les autres. Il y a (comme nous l’enseigne la sociologie
des organisations), des groupes d’acteurs ayant à trouver ensemble des solutions
face aux problèmes qu’ils ont à résoudre chacun se comportant d’une manière
rationnelle (c’est-à-dire orientée vers ses fins propres, telles qu il les perçoit).
Une telle conception ouvre sur une analyse lucide des intérêts et des enjeux de
chacun, plutôt que sur l’attitude défensive d’agents du changement s’estimant
incompris et par conséquent amers.

2°)Le mythe de la «table rase


Tout promoteur d’un changement convaincu de la justesse de son action porte en
lui les germes d un réformateur ambitieux.
Selon ce discours, il faudrait toujours bouleverser les habitudes, penser
différemment, rompre définitivement avec le passé. Prenant involontairement
des accents totalitaires, certaines méthodes de management veulent faire table
rase du passé.
Or il faut considérer que les vraies révolutions sont rares, et que de nombreux
changements réussis ont su au contraire associer habilement éléments
d’innovation et préservation d’acquis antérieurs qui sont rarement tous mauvais,
Dès lors, la conception d’un changement vu systématiquement comme une
rupture , ressort davantage du procédé rhétorique destiné à frapper les esprits,
que du dessein raisonnable d’acteurs soucieux d’efficacité.

Les deux mythes que nous venons d’évoquer sont d’ailleurs souvent associés
c’est parce que l’on a conçu le changement comme une rupture totale, et qu il a
suscite de ce fait des réactions fortes de certains acteurs, que la notion de
résistance c’est évoquée pour expliquer ses difficultés de mise en oeuvre.

3°)Les différents types de changement


Cela ne veut pas dire que tous les changements ont la même profondeur. Il peut
être utile de distinguer à la suite de nombreux auteurs, différents types de
changement.
Dans le premier il s’agit de rétablir une norme ou d’améliorer son application
dans le second, il s’agit de changer la norme elle-même. Les réponses à apporter
dans les deux cas sont évidemment de nature différente.
Du point de vue de la GRH, on peut retenir de ces distinctions trois idées.

• Il n’est pas souhaitable de communiquer d’une manière exagérée par rapport


au type de changement envisagé. A force d’invoquer des révolutions
successives, on ne crée chez les salariés que suspicion, doute et lassitude.

• Certaines actions de GRH tendent à amplifier ou reproduire des solutions déjà


utilisées et qui ne correspondent plus aux besoins. Un changement de registre, la
modification plus profonde de tout ou partie du système lui-même peuvent être
nécessaires et les acteurs de la GRH doivent savoir effectuer ce saut qualitatif.

•Les vraies transformations, quand elles sont nécessaires sont liées à des facteurs
externes contraignants. Le seul volontarisme interne, même bien intentionné,
peut rarement suffire il doit s’appuyer sur des forces extérieures qui pourront
aider à le provoquer et le réaliser il est alors nécessaire de rendre visible que la
transformation attendue (quand il s’agit réellement de cela) touche tous les
échelons de la hiérarchie et tous les secteurs de l’entreprise.

4°)Un changement multi-dimensionnel


La fonction RH est confrontée à des conceptions spécialisées du changement les
responsables de production ou les informations verront le changement comme
essentiellement d’origine technologique, les contrôleurs de gestion parleront
surtout d’équilibres économiques, le médecin du travail verra les répercussions
sur la santé des salariés.
Sans imaginer qu’il soit possible de forger une vision d’ensemble totalement
exhaustive du changement, on peut attendre des acteurs de la GRH qu’ils
disposent d’une représentation plus large des différentes dimensions du
changement dans l’entreprise. Prendre en compte et gérer les aspects humains et
sociaux du changement suppose qu’on en ait une conception la plus riche
possible, seule susceptible de ne pas être pris au dépourvu par les attitudes qui
ne manqueront pas d’apparaître au cours de la mise en oeuvre. En reprenant les
analyses de certains auteurs, il est possible de mettre en évidence sept
dimensions du changement dont a à traiter la GRH.
•Le changement peut avoir un aspect structurel, modifiant les modes de division
du travail et de coordination (exemples réorganisation d’atelier, restructuration
d’un réseau, création d’une nouvelle fonction centrale...).
•Il met souvent en jeu une dimension politique, en soulevant la question de la
répartition du pouvoir entre les acteurs (exemples renforcement ou
affaiblissement de la hiérarchie, poids du siège, négociations avec les syndicats).
•Il peut concerner les valeurs, croyances et règles partagées et mettre en jeu les
cultures et identités de tout ou partie du personnel (exemples les changements
touchant aux classifications professionnelles, aux métiers...).
•De nombreux changements auront une dimension psychique, à la fois par un
processus mis en jeu (identification, solidarité ou révolte) que par les
répercussions que ces changements pourraient avoir sur la vie des individus et
des groupes (composition des groupes, conditions physiques et mentales du
travail...).
•Le changement peut référer de manière consciente ou non à une dimension
mythique, qui lui fournit sa légitimité (ou au contraire l’en prive). Exemple
mythe du progrès technique, de la globalisation .de la lutte des classes.
•Enfin, même s’il est situé au niveau micro le changement peut avoir des liens
avec des phénomènes plus macro existant dans la société dans son ensemble
(exemples violence, exclusion, chômage...).

5°) Le changement une question de sens


L’analyse et la conduite du changement n’ont donc de chances d’être réalistes
du point de vue de la GRH qu à partir du moment ou la plupart des types
d’enjeux sont repérés et compris, dans leurs différentes dimensions.
Trop souvent, les considérations sur la conduite du changement oublient un
aspect essentiel celui du sens qu’y trouvent les acteurs concernés. On peut
penser à informer les acteurs et à perfectionner les outils à mettre en place. Mais
la perception qu’en auront les salariés dépend avant tout de la lecture qu’ils
seront ou non capables de faire de ce qui leur est proposé (ou imposé). Pourquoi
ce projet quelle est sa légitimité où cela nous mène-t-il. De nombreux échecs —
ou réussites partielles — ne sont pas liés à des erreurs techniques ni à des
maladresses psychologiques commises par des promoteurs mais plus
radicalement à leur incapacité à faire partager aux salariés concernés la
signification véritable du changement. Le personnel n’a pas saisi réellement
pourquoi il fallait aller dans la direction indiquée ou à contester la vision qui en
était donnée par la direction. Les raisons de cette incompréhension peuvent être
diverses, à commencer par le fait que les managers n’étaient peut-être eux-
mêmes pas si sûrs du sens des réformes qu’on leur demandait de mettre en
œuvre.
Parfois, le changement même bien pensé à l’origine, dérape car les justifications
avancées par les uns et les autres font l’objet d un débat, voire d’une divergence
difficilement réductible

La fonction RH plus peut-être que d’autres, est confrontée à cette question du


sens. Si elle ne peut certes y répondre seule, elle peut en faire prendre
conscience aux autres et contribuer à taire en sorte que te eu du changement soit
le moins possible celui du mensonge ou de la manipulation.

II- Faire l’analyse de la situation


En revenant à la conduite d’une opération concrète de changement impliquant
des aspects humains et sociaux, il importe d abord de faire l’analyse de la
situation de départ d où émergent des souhaits, des projets, des objectifs

1°)Les trois composantes du changement


Concevoir, préparer et conduire un changement amène à travailler sur trois
aspects
le contexte, le contenu et le processus
• Le contexte du changement incorpore les éléments externes environnement
économique, technologique, institutionnel.., et internes (structure actuelle.
répartition du pouvoir, cultures en présence...) le changement naît de ce contexte
dans ses possibilités comme dans ses contraintes.
•Le contenu du changement lui-même, ce sur quoi il va porter (évolution d un
métier, implantation de méthode ou d’outil, nouvelle organisation du travail...).
•Le processus de changement, les interactions qui vont avoir lieu à l’occasion de
la conception et de la mise en place du changement envisagé.

Surtout,la réussite du changement dépendra largement de l’articulation existant


entre les trois composantes dans quelle mesure le contenu du changement
envisagé répond-il réellement à certains éléments du contexte (il existe de
nombreux projets trop ambitieux, ou au contraire trop étroits par rapport aux
opportunités et contraintes de l’environnement). Dans quelle mesure le
processus préparé est-il cohérent avec les acteurs présents dans le contexte, ou
bien avec ceux directement concernés par son contenu.

En d’autres termes, une première réflexion aboutit à constater que le


changement est un ensemble, et qu’il ne saurait y avoir de réussite partielle de
l’une des composantes. Il est peu probable qu’on juge excellent un processus par
ailleurs bien mené, sur un projet techniquement inadapté.
Les entreprises abondent qui font une analyse pertinente du contexte, mais
fondent sur elle des projets inadéquats et parfois de surcroît conduits de manière
maladroite. C’est pour cette raison qu’en sciences humaines appliquées, la
distinction entre conception et mise en oeuvre d un changement est largement

C’est le résultat final, dans sa conception comme dans son application (les deux
irrémédiablement liées) qui comptera. et il sera bien difficile, dans les cas de
réussites comme d’échecs (tel que les acteurs l’analysent) de dissocier les deux
éléments.

2°) Qui sont les promoteurs du changement?


Le démarrage d’un projet met souvent en jeu des acteurs divers, dont il importe
de bien soir les positions et les attentes.

Les ambiguïtés non levées au début, les accords apparents entre individus ayant
en fait des positions différentes risqueront de peser lourd plus tard au cours du
projet. Il n’y a pas de changement sans la production chez les sujets concernés
de représentations concernant le projet, son utilité, ses effets. Aussi est-il
essentiel de bien comprendre dès le début quels sont les objectifs réels de
chaque acteur concerné et de vérifier qu une base commune minimum existe
entre les principaux individus ou groupes devant être mobilisés par le projet.
Un autre questionnement concernant les promoteurs du changement porte sur
leur légitimité.

Celui qui propose tel projet a-t-il une légitimité suffisante aux yeux des autres
pour pouvoir le porter durablement s’agit-il d une légitimité technique
scientifique (c’est l’homme compétent en la matière) politique (c’est lui qui a le
pouvoir), morale historique c’est l’un des fondateurs de l’entreprise). Plus le
changement est complexe, plus les différentes natures de légitimité devront être
vraisemblablement mobilisées.
Les individus revêtus d une légitimité personnelle forte peuvent faire adopter
des projets qui ne suscitent pas en eux-mêmes une forte adhésion sur leur
contenu. A l’inverse, un projet globalement satisfaisant peut avoir le plus grand
mal à voir le jour s’il est porté par des individus ou groupes considérés comme
peu légitimes.
La perception du changement joue donc un rôle, mais aussi la perception des
ressources du sujet face à lui. L’une des causes majeures des résistances et des
difficultés éprouvées par les individus réside dans le sentiment (fondé ou non)
de l’insuffisance des moyens dont ils disposent face au changement moyens en
termes matériels, en termes de temps d’information, de compétences. Le
changement peut créer une incertitude par rapport aux habitudes passées et à
l’adéquation peur partie informelle que l’individu avait construite dans sa
situation de travail entre les fins et les moyens.
3°)Quels enjeux le changement a-t-il pour les acteurs?
Les sciences humaines nous aident à comprendre que l’attitude des individus
concernés va être fondée sur la perception qu’ils ont des enjeux concrets du
changement. En d’autres termes, leur réaction va résulter de ce qu’ils perçoivent
des avantages ou inconvénients que le changement peut comporter pour leur
situation de travail.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur ce point il s’agit bien d une
perception fondée sur les éléments directs ou indirects, factuels ou non, dont les
individus disposent.
Elle nous aide aussi à comprendre en quoi le niveau d’attente de l’individu peut
avoir un effet sur la perception
L’analyse des situations de travail est également mobilisable pour faire un tour
aussi complet que possible des différentes dimensions à prendre en compte pour
étudier les effets concrets du changement aspects physiques et
psychosociologiques du poste, relations de l’individu avec les autres, conception
qu’il a de sa tache et valorisation sociale qu’il en tire, degré de liberté et d
initiative.

On pourra tenter, pour analyser les enjeux perçus du changement, de se


représenter quels peuvent être, aux yeux du personnel concerné, les pertes et les
gains possibles. On analysera aussi les ressources (humaines, psychologiques. de
compétence...) qui sont à sa disposition pour affronter ce changement ou au
contraire celles qu’on pourrait l’aider à acquérir pour taire en sorte que ce
changement soit assimilé (formation, moyens supplémentaires. conseil,
allégement provisoire de charge, etc...).
L’analyse des enjeux réels du changement pour les individus est donc une phase
indispensable pour le fondement d’un projet réaliste. Elle permettra d’envisager
des mesures pouvant augmenter les éléments positifs ou réduire les éléments
négatifs. Dans le cadre d’une concertation ou d’une négociation si elle est
prévue. Elle aura surtout pour effet d’aboutir à décentrer la perspective du
promoteur du projet, rarement assez ouvert à la perception des autres. Celui-ci
sera ainsi amené à envisager le changement du point de vue de ceux sur lesquels
il s applique, et pas seulement du point de vue de ses concepteurs. La
communication que les promoteurs du changement devront faire sur le
changement tiendra compte ainsi des enjeux des salariés et pas seulement les
objectifs de la direction.

III- Le processus du changement


Quels processus sont susceptibles de permettre une inscription réelle du projet
de changement dans la réalité ?

1°) Le dégel de la situation


La psychosociologie s’est penchée sur le déblocage des situations préalable à
l’introduction d’un projet.
On connaît la théorie du dégel proposée par K. Lewin (1951). Pour lui, il faut
d’abord amener à un déblocage de la situation, une remise en cause des attitudes
existantes. Il faut focaliser et utiliser le stress ou l’insatisfaction résultant de la
situation actuelle. Le changement peut ainsi se produire, en étant orienté par des
mesures pouvant être prises concernant la formation, les modes de contrôle, les
styles de management. A partir de ce changement, il faudra ensuite restabiliser
sur de nouvelles bases, consolider la situation nouvelle pour assurer sa pérennité
(par exemple recruter de nouveaux profils,adapter le système de
rémunération...).
Ces approches du changement peuvent donner des orientations utiles, mais sont
fondées sur une vision simplifiée du changement, le changement serait
unidirectionnel, linéaire il y aurait la possibilité de stabiliser réellement la
nouvelle situation. Les conceptions actuelles sont davantage centrées sur le
caractère systémique du changement et sur l’existence de possibles allers et
retours.

2°)Les stratégies de changement du point de vue des styles d’autorité


La conduite du changement pose l’inévitable et traditionnelle question du degré
de participation des individus concernés par le changement.
On peut dégager quatre styles principaux d autorité appliquée aux stratégies de
changement
•La stratégie autoritaire le projet est décidé, le processus de mise en oeuvre est
unilatéral, l’information donnée est souvent parcimonieuse. Cette stratégie
permet une grande rapidité et a le mérite d’être claire. On peut s’attendre
cependant soit à des réactions frontales (si l’opposition est forte), soit à un
alignement d’acteurs passifs mais dont l’adhésion au changement est réduite. La
pérennité du changement est donc douteuse.
•La stratégie de persuasion le projet est présenté, ses mérites sont vantés à
travers une communication forte. On joue sur la conviction (éventuellement
après une phase de consultation) ou la séduction. Les individus concernés restent
là aussi passifs on sollicite leur adhésion à un projet tout fait et l’on peut donc
s’interroger sur l’intégration durable du changement.
•La stratégie de négociation les acteurs recherchent ensemble un compromis
entre d un côté les intentions des promoteurs et de l’autre des points de vue des
salariés concernés. Le processus peut être lent et tendu. S’il aboutit, il permet de
parvenir à un résultat réaliste.
•La stratégie participative une information large est donnée et expression de tous
est sollicitée. Le processus peut être lent et nécessiter un fort engagement des
promoteurs.
Le changement participatif a fait l’objet de nombreuses tentatives dans les
entreprises, mais il importe de bien distinguer les intentions et les formes qu’il a
pu prendre. L’idée d’associer les salariés à des aménagements de leur situation
de travail, ou de les mettre à contribution pour recueillir leurs suggestions
d’amélioration (du produit ou de l’organisation) est ancienne. Elle s’est
développée sous l’influence de l’école des Relations Humaines et de l’approche
Socio-Technique (années 70) puis s’est concrétisée par la vague des cercles de
qualité (années 80). Mais il ne s’agit là que de changements limités, et la
direction garde seule le pouvoir de décision sur les propositions émises souvent
sur des sujets très concrets. Cette approche peut être très utile, mais les
changements sont limités et le processus est surtout vertical.
Plus ambitieuse est l’approche du changement concerté ou participatif issu du
courant nord-américain du développement des organisations j. Dans cette
approche, il s’agit de mettre en oeuvre une vision globale du changement (à
partir d’un diagnostic de dysfonctionnements déjà largement participatif) et
d’orchestrer, par le travail de nombreux groupes une reconception concertée de
l’organisation ou du domaine considéré. Ce sont les groupes eux-mêmes (au sein
desquels se trouvent les membres de l’encadrement), à partir du diagnostic et en
général avec l’aide d’un intervenant extérieur, qui formulent les solutions qui
seront
ensuite mises en oeuvre. Le fait d’associer au projet tout ou partie du personnel
concerné par un changement est aujourd’hui largement accepté comme
condition même de l’efficacité de ce changement. Encore faut-il aller voir de
près s’il s’agit d’une consultation totale ou partielle, sur un projet déjà conçu ou
bien encore ouvert. Des stratégies présentées comme participatives ne sont en
fait parfois que des stratégies de persuasion ou de manipulation déguisées ou au
mieux, de la négociation qui n’ose pas dire son nom.
Egalement, on aurait tort de croire que la participation au changement est une
aspiration unanimement partagée il s’agit d’un exercice difficile, qui peut
nécessiter un engagement psychique que certains salariés ne souhaitent pas, et
qui comporte des risques. L’obtention de la participation des salariés est elle-
même un enjeu et dépend beaucoup du climat social antérieur.
Il arrive en effet souvent que les individus persistent dans leurs choix, même si
des informations nouvelles leur parviennent ils s’accrochent à un cours d’action
même s’il s’est avéré infructueux, par une escalade de l’engagement à laquelle il
est difficile de résister. Pour manipuler dans le sens du changement, on peut
utiliser cette technique à supposer bien sûr qu’on le fasse pour de bonnes raisons
(les psychologues sociaux la proposent pour des changements de comportement
à l’égard du tabac ou de la drogue par exemple). Dans ce cas, on ne cherche pas
à convaincre, ni à imposer de l’extérieur on joue sur l’engagement des individus
par rapport à leurs actes antérieurs. L’individu se sent libre mais les conditions
dans lesquelles il est placé et son souci d’être cohérent avec lui-même
aboutissent à une soumission librement consentie
On voit que ces différentes stratégies (bien entendu, rarement utilisées de
manière pure. et tout au long du même projet) sont fondées sur des conceptions
différentes de l’autorité (directivité. négociation, séduction, participation...). La
personnalité du promoteur du DRH, ou du responsable hiérarchique principal,
ainsi que son histoire personnelle peuvent jouer un rôle essentiel dans l’adoption
de l’une ou l’autre de ces conceptions. Il va de soi également que les cultures
professionnelles ou organisationnelles liées aux conditions d’exercice de
l’activité, influent grandement sur les préférences de chacun (le style participatif
est rare dans l’Armée. le style autoritaire est difficile dans les activités high tech
...).

3°)L’apprentissage du changement
Le changement organisationnel conduit le plus souvent à un apprentissage par
des sujets, de nouvelles méthodes ou manières de faire (changement de fonction
nouvelle répartition du travail dans une équipe. formalisation de procédures
nouvelles relations entre groupes... ).On peut donc tirer avec profit quelques
enseignements de ce que la psychologie du travail nous apporte concernant
l’apprentissage.
•L apprentissage contient un acte cognitif il s’agit de saisir des informations
nouvelles et de savoir les traiter, de se représenter l’environnement de manière
nouvelle, de maîtriser de nouvelles techniques ou d appliquer de nouvelles
procédures. Cette dimension cognitive est très présente clans la pratique on sait
bien qu il faudra que les salariés concernés apprennent à faire, à agir en fonction
du nouveau schéma. Faire de la formation est la réponse quasi automatique de la
fonction Ressources Humaines face aux changements.
Pour indispensable qu elle soit, la formation enregistre parfois des échecs
suffisamment cuisants pour qu’il faille élargir l’analyse. L’apprentissage de
nouvelles méthodes, à plus forte raison de nouvelles manières de faire voire de
penser) implique aussi des dimensions affectives et symboliques importantes.
Plusieurs domaines de la GRH en sont témoins.

•L’apprentissage passe d’abord par une phase d’acquisition, ensuite par une
phase de renforcement. Ceci nécessite d’une part une certaine durée (condition
que les managers impatients tendent parfois à oublier), d’autre part. des actions
avant pour but de faciliter l’inscription des nouveaux comportements dans fa
pratique. Tout n’est pas terminé quand la décision a été prise, la méthode mise
en œuvre ni même la formation réalisée. L’accompagnement du changement est
nécessaire — si ce changement est complexe — qui a pour but de faire le point
régulièrement sur l’objectif à atteindre, les étapes de sa réalisation, la mesure du
degré de convergence par rapport aux intentions initiales. Il a aussi pour but de
soutenir la motivation des individus, et de les aider à résoudre les problèmes non
prévus (il y en a toujours), surgis dans l’application. Cet accompagnement peut
aussi avoir pour objectif de maintenir l’implication des promoteurs du
changement et de leur permettre de garder le contact avec le terrain et ainsi, de
continuer à leur permettre de communiquer sur les effets qu’on espère positifs)
du changement en cours de réalisation.
L’apprentissage comporte un aspect dynamique qui lui fait adopter des chemins
pas toujours conformes à ceux prévus au départ. C’est que les individus
concernés ont aussi une dynamique propre, un potentiel d’évolution dont on ne
connaît pas toujours l’amplitude à l’avance.
L’apprentissage sera considéré comme une bonne voie quand les individus se
seront appropriés les nouvelles méthodes, ce qui passe — on le sait bien — par
une adaptation de celles-ci. C’est en modifiant le système, par rapport à leurs
capacités réelles, que les individus le mettront à leur mesure. Même s il s’agit
seulement de connaissances, il est avéré que celles-ci ne se transmettent pas
Bien entendu apprendre (ou changer) impose une certaine motivation. Les
changements entièrement imposés sont possibles mais on peut douter de leur
durabilité et de leur degré d’application réelle. Cette motivation peut être réduite
au départ et l’un des objectifs de la conduite du changement sera de la
développer. Mais il est vrai, dans le changement comme dans l’apprentissage
que tout n’est pas possible et que certaines caractéristiques de base des salariés
concernés peuvent être des éléments facilitateurs ou au contraire des obstacles d
avenir...). On voit déjà des entreprises tenter de détecter une aptitude au
changement des salariés qu’elles recrutent.
Le changement organisationnel est un phénomène complexe qui ne se satisfait
pas de solutions simples et rapides. Il n’existe pas, contrairement à ce
qu’affirment certains consultants, de boite à outils du changement. Si le recours
systématique à l’autorité hiérarchique n’est plus guère de mode (au moins dans
les discours) la participation ou la négociation exigent aussi des conditions
favorables et des efforts soutenus.

Conclusion
Associer étroitement la réflexion sur le contexte, le contenu et le processus
veiller à la légitimité des promoteurs partir des enjeux perçus par les salariés
concernés adopter une stratégie claire et adaptée, et, enfin, concevoir le
changement comme un apprentissage peuvent être des pistes d’action utiles pour
les spécialistes de la fonction Ressources Humaines. Ceux-ci sont de plus en
plus sollicités pour contribuer à la conduite de changements ils n’apporteront de
réelle valeur ajoutée par rapport à leurs collègues opérationnels qu en avant une
vision plus globale et plus riche de ces phénomènes. Ils pourront de cette
manière aider à une prise de recul et à une méfiance vis-à-vis des modes et des
solutions toutes faites qui envahissent régulièrement le marché du management.
Ils pourront ainsi éviter l’inflation des projets mort-nés ou des ambitions
déçues, et contribuer à la construction de changements réalistes fondés sur des
équilibres sociaux améliorés. II est clair qu’ils n’y parviendront pas seuls dans
un changement important, c’est souvent le comportement de l’ensemble de
l’encadrement qui est concerné ainsi que la qualité du dialogue avec les
représentants du personnel. On voit que tout ceci dépend largement de l’héritage
antérieur la réussite des changements se mérite.

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