CHAPITRES III
La contribution de la GRH à la flexibilité de l’entreprise
Les deux mythes que nous venons d’évoquer sont d’ailleurs souvent associés
c’est parce que l’on a conçu le changement comme une rupture totale, et qu il a
suscite de ce fait des réactions fortes de certains acteurs, que la notion de
résistance c’est évoquée pour expliquer ses difficultés de mise en oeuvre.
•Les vraies transformations, quand elles sont nécessaires sont liées à des facteurs
externes contraignants. Le seul volontarisme interne, même bien intentionné,
peut rarement suffire il doit s’appuyer sur des forces extérieures qui pourront
aider à le provoquer et le réaliser il est alors nécessaire de rendre visible que la
transformation attendue (quand il s’agit réellement de cela) touche tous les
échelons de la hiérarchie et tous les secteurs de l’entreprise.
C’est le résultat final, dans sa conception comme dans son application (les deux
irrémédiablement liées) qui comptera. et il sera bien difficile, dans les cas de
réussites comme d’échecs (tel que les acteurs l’analysent) de dissocier les deux
éléments.
Les ambiguïtés non levées au début, les accords apparents entre individus ayant
en fait des positions différentes risqueront de peser lourd plus tard au cours du
projet. Il n’y a pas de changement sans la production chez les sujets concernés
de représentations concernant le projet, son utilité, ses effets. Aussi est-il
essentiel de bien comprendre dès le début quels sont les objectifs réels de
chaque acteur concerné et de vérifier qu une base commune minimum existe
entre les principaux individus ou groupes devant être mobilisés par le projet.
Un autre questionnement concernant les promoteurs du changement porte sur
leur légitimité.
Celui qui propose tel projet a-t-il une légitimité suffisante aux yeux des autres
pour pouvoir le porter durablement s’agit-il d une légitimité technique
scientifique (c’est l’homme compétent en la matière) politique (c’est lui qui a le
pouvoir), morale historique c’est l’un des fondateurs de l’entreprise). Plus le
changement est complexe, plus les différentes natures de légitimité devront être
vraisemblablement mobilisées.
Les individus revêtus d une légitimité personnelle forte peuvent faire adopter
des projets qui ne suscitent pas en eux-mêmes une forte adhésion sur leur
contenu. A l’inverse, un projet globalement satisfaisant peut avoir le plus grand
mal à voir le jour s’il est porté par des individus ou groupes considérés comme
peu légitimes.
La perception du changement joue donc un rôle, mais aussi la perception des
ressources du sujet face à lui. L’une des causes majeures des résistances et des
difficultés éprouvées par les individus réside dans le sentiment (fondé ou non)
de l’insuffisance des moyens dont ils disposent face au changement moyens en
termes matériels, en termes de temps d’information, de compétences. Le
changement peut créer une incertitude par rapport aux habitudes passées et à
l’adéquation peur partie informelle que l’individu avait construite dans sa
situation de travail entre les fins et les moyens.
3°)Quels enjeux le changement a-t-il pour les acteurs?
Les sciences humaines nous aident à comprendre que l’attitude des individus
concernés va être fondée sur la perception qu’ils ont des enjeux concrets du
changement. En d’autres termes, leur réaction va résulter de ce qu’ils perçoivent
des avantages ou inconvénients que le changement peut comporter pour leur
situation de travail.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur ce point il s’agit bien d une
perception fondée sur les éléments directs ou indirects, factuels ou non, dont les
individus disposent.
Elle nous aide aussi à comprendre en quoi le niveau d’attente de l’individu peut
avoir un effet sur la perception
L’analyse des situations de travail est également mobilisable pour faire un tour
aussi complet que possible des différentes dimensions à prendre en compte pour
étudier les effets concrets du changement aspects physiques et
psychosociologiques du poste, relations de l’individu avec les autres, conception
qu’il a de sa tache et valorisation sociale qu’il en tire, degré de liberté et d
initiative.
3°)L’apprentissage du changement
Le changement organisationnel conduit le plus souvent à un apprentissage par
des sujets, de nouvelles méthodes ou manières de faire (changement de fonction
nouvelle répartition du travail dans une équipe. formalisation de procédures
nouvelles relations entre groupes... ).On peut donc tirer avec profit quelques
enseignements de ce que la psychologie du travail nous apporte concernant
l’apprentissage.
•L apprentissage contient un acte cognitif il s’agit de saisir des informations
nouvelles et de savoir les traiter, de se représenter l’environnement de manière
nouvelle, de maîtriser de nouvelles techniques ou d appliquer de nouvelles
procédures. Cette dimension cognitive est très présente clans la pratique on sait
bien qu il faudra que les salariés concernés apprennent à faire, à agir en fonction
du nouveau schéma. Faire de la formation est la réponse quasi automatique de la
fonction Ressources Humaines face aux changements.
Pour indispensable qu elle soit, la formation enregistre parfois des échecs
suffisamment cuisants pour qu’il faille élargir l’analyse. L’apprentissage de
nouvelles méthodes, à plus forte raison de nouvelles manières de faire voire de
penser) implique aussi des dimensions affectives et symboliques importantes.
Plusieurs domaines de la GRH en sont témoins.
•L’apprentissage passe d’abord par une phase d’acquisition, ensuite par une
phase de renforcement. Ceci nécessite d’une part une certaine durée (condition
que les managers impatients tendent parfois à oublier), d’autre part. des actions
avant pour but de faciliter l’inscription des nouveaux comportements dans fa
pratique. Tout n’est pas terminé quand la décision a été prise, la méthode mise
en œuvre ni même la formation réalisée. L’accompagnement du changement est
nécessaire — si ce changement est complexe — qui a pour but de faire le point
régulièrement sur l’objectif à atteindre, les étapes de sa réalisation, la mesure du
degré de convergence par rapport aux intentions initiales. Il a aussi pour but de
soutenir la motivation des individus, et de les aider à résoudre les problèmes non
prévus (il y en a toujours), surgis dans l’application. Cet accompagnement peut
aussi avoir pour objectif de maintenir l’implication des promoteurs du
changement et de leur permettre de garder le contact avec le terrain et ainsi, de
continuer à leur permettre de communiquer sur les effets qu’on espère positifs)
du changement en cours de réalisation.
L’apprentissage comporte un aspect dynamique qui lui fait adopter des chemins
pas toujours conformes à ceux prévus au départ. C’est que les individus
concernés ont aussi une dynamique propre, un potentiel d’évolution dont on ne
connaît pas toujours l’amplitude à l’avance.
L’apprentissage sera considéré comme une bonne voie quand les individus se
seront appropriés les nouvelles méthodes, ce qui passe — on le sait bien — par
une adaptation de celles-ci. C’est en modifiant le système, par rapport à leurs
capacités réelles, que les individus le mettront à leur mesure. Même s il s’agit
seulement de connaissances, il est avéré que celles-ci ne se transmettent pas
Bien entendu apprendre (ou changer) impose une certaine motivation. Les
changements entièrement imposés sont possibles mais on peut douter de leur
durabilité et de leur degré d’application réelle. Cette motivation peut être réduite
au départ et l’un des objectifs de la conduite du changement sera de la
développer. Mais il est vrai, dans le changement comme dans l’apprentissage
que tout n’est pas possible et que certaines caractéristiques de base des salariés
concernés peuvent être des éléments facilitateurs ou au contraire des obstacles d
avenir...). On voit déjà des entreprises tenter de détecter une aptitude au
changement des salariés qu’elles recrutent.
Le changement organisationnel est un phénomène complexe qui ne se satisfait
pas de solutions simples et rapides. Il n’existe pas, contrairement à ce
qu’affirment certains consultants, de boite à outils du changement. Si le recours
systématique à l’autorité hiérarchique n’est plus guère de mode (au moins dans
les discours) la participation ou la négociation exigent aussi des conditions
favorables et des efforts soutenus.
Conclusion
Associer étroitement la réflexion sur le contexte, le contenu et le processus
veiller à la légitimité des promoteurs partir des enjeux perçus par les salariés
concernés adopter une stratégie claire et adaptée, et, enfin, concevoir le
changement comme un apprentissage peuvent être des pistes d’action utiles pour
les spécialistes de la fonction Ressources Humaines. Ceux-ci sont de plus en
plus sollicités pour contribuer à la conduite de changements ils n’apporteront de
réelle valeur ajoutée par rapport à leurs collègues opérationnels qu en avant une
vision plus globale et plus riche de ces phénomènes. Ils pourront de cette
manière aider à une prise de recul et à une méfiance vis-à-vis des modes et des
solutions toutes faites qui envahissent régulièrement le marché du management.
Ils pourront ainsi éviter l’inflation des projets mort-nés ou des ambitions
déçues, et contribuer à la construction de changements réalistes fondés sur des
équilibres sociaux améliorés. II est clair qu’ils n’y parviendront pas seuls dans
un changement important, c’est souvent le comportement de l’ensemble de
l’encadrement qui est concerné ainsi que la qualité du dialogue avec les
représentants du personnel. On voit que tout ceci dépend largement de l’héritage
antérieur la réussite des changements se mérite.