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Marie-Ange CALLIS-BONNARD

Planche : les Nœuds et Lacs d’Amour

A la gloire du Grand Architecte de l’Univers, à vous Vénérable Maître, Dignitaires qui décorez l’Orient
et à vous tous mes Sœurs et mes Frères, en vos degrés, grades et qualités.
Nous allons maintenant nous plonger dans l’analyse de ces deux symboles, les nœuds et lacs
d’amour, puisque, en effet, ce sont tous les deux des symboles, c'est-à-dire, qu’au-delà de leur sens
premier, ils ont un sens ésotérique. La corde à nœuds ou houppe dentelée, représentée sur le
tableau de loge des apprentis et sur le couvre-chef des maîtres, ceint les murs du temple, formant
à intervalles réguliers des nœuds non serrés en huit couché, nommée Lacs d’amour, tous au même
niveau. Figure héraldique (blason, armoiries), souvent associée au motto FERT (Fortido Eius
Radium Tenuit : sa force tenait Rhodes). Ordre du collier du Duc de la Maison de Savoie Amédée
VIII, en 1382. Mais aussi l’Ordre de la Cordelière de François 1 er de Bretagne, dédié à St François
d’Assise. (Ordre des frères mineurs).
Le sens courant de « lac », dit (La), est, bien sûr, un réservoir à eau, mais il provient du mot latin «
laqueus » qui signifie lacet, nœud coulant et piège au figuré. On peut dire en catalan llacs. A la fin
du 18ème siècle, il a pu prendre un sens figuré pour donner l’expression « tomber dans le lac » mais
aussi « être dans le lac » synonyme « d’être pendu » ou lac a le sens de corde et c’est bien dans
ce sens que la Franc Maçonnerie utilise ce terme. En entrant dans le temple la corde d’arpenteur
est devenue lac d’amour.
Le cordeau jouait un grand rôle dans l’implantation de toute construction sur le terrain, car précédant
la construction d’un édifice. Il était réalisé par les tendeurs de cordeau et était accompagné de rites
semblables à notre pose de première pierre. Cette corde aux lacs d’amour, pendue sur le haut de
nos murs, semble plutôt provenir d’un élément que l’on trouve sur les arêtes des temples égyptiens.
Cette corde avait, sans doute, valeur de protection magique en assurant la cohérence de l’édifice
par le lien de tous ses éléments. On retrouve cette idée sur des peintures du 14ème siècle et dans
des écrits de St Thomas. En fait au 14ème siècle, cette corde avait pour fonction de sacraliser le
temple de Jérusalem, dont on pensait qu’il n’avait pas la sainteté suffisante. La corde achève ainsi
la construction de l’édifice avec la rigueur du cordeau, en le consacrant.
De nos jours, la corde est constituée de 12 nœuds ou entrelacs, dits lacs d’amour et elle est terminée
par des houppes qui se rejoignent près des colonnes J et B. Elle délimite ainsi l’espace sacré. Le
cordeau des maçons opératifs, servait à tracer, mesurer ou former des angles droits. En effet, les
12 nœuds du cordeau permettaient de composer un triangle rectangle dont les côtés faisaient
respectivement 3, 4 et 5 nœuds. Symbolisant aussi la triade : Osiris le père, Isis la mère et Horus
l’enfant. Nous pouvons évoquer Seshat, déesse égyptienne de l’écriture, de l’architecture et des
mathématiques. Elle déterminait la justesse des plans et des tracés architecturaux lors de la
construction d’édifices sacrés et de la cérémonie « Pedj-Shesr ou Tirer la corde ». Elle relie aux 12
heures du travail maçonnique, en tant que 3×4, 12 est le produit du ternaire (l’esprit, le divin) et du
quaternaire (la matière, la création, les 4 éléments, les 4 directions) : c’est le nombre de l’unité
totalisante. Quant aux lacs d’amour, ils adoptent la forme d’un 8 couché ou d’une lemniscate (forme
du 8). Notons que le nombre 8 est le symbole de l’amour et de la fraternité chez les Pythagoriciens.
C’est aussi le symbole de l’infini, de la perfection, de l’ordre cosmique, de l’équilibre des énergies,
du cycle fermé ou abouti. Certains temples comme le nôtre mettent 13 nœuds à la corde avec
comme justificatif : 3 à l’Orient et 5 de chaque côté du Septentrion et du Midi, correspondant à la
hiérarchie initiatique, 3 la dirigent et 5 l’éclairent.
Il est fait référence aux houppes dentelées ou franges, selon les versions, dans la bible, dans le livre
des Nombres (15, 37 à 40). « Yahvé parla à Moïse est dit : Parle aux israélites ; tu leurs diras, pour
les générations, de se faire des houppes au pans de leurs vêtements… « Ainsi vous vous
rappellerez tous mes commandements, vous les mettrez en pratiques, et vous serez des consacrés
à votre Dieu ». D’autre part, la corde, par sa forme circulaire dans la loge, évoque le domaine de
l’esprit : l’abstrait qui donne naissance à toute chose concrète. A ce titre, elle représente les limites
du monde manifesté, ordonné. La corde est donc ici mesure, rectitude et proportion et l’ascension,
comme les échelles, les cordes servent à grimper, à passer différents degrés. La rectitude, la loi,
l’axe du monde, le fil à plomb, le lien, ce qui nous relie au monde, et qui nous rend vivant. C’est par
exemple le cordon ombilical qui nous relie à la mère, à la « source », l’union, la force, la tension,
etc. La corde à nœuds peut aussi être interprétée à travers les chiffres : la corde, bien qu’unique,
possède deux extrémités : elle est à la fois unité et dualité ; elle réconcilie l’amour et la haine ; elle
est l’alpha et l’oméga, le début et la fin ; elle rappelle en ce sens le symbolisme de l’Ouroboros, le
serpent qui se mord la queue.
Les nœuds peuvent symboliser les épreuves à passer, la nécessité de revenir en arrière, de dénouer
une difficulté pour pouvoir avancer. Les paliers, mais aussi l’alliance, l’amour et la fraternité. Les
nœuds réunissent, embrassent, étreignent. La corde du bagnard, symbole de l’épreuve de
transformation que l’initié doit subir. Cette corde représente la séparation – ou le lien – entre l’esprit
(la tête) et la matière (le corps). De même, dans la loge, la corde à nœuds sépare – ou relie – le ciel
étoilé et la terre. La corde à nœuds maçonnique est peut-être le symbole le plus abouti du voyage
initiatique du franc-maçon. Les cordes et les nœuds n’évoquent-ils pas les cordages des navires qui
affrontent l’océan ? Chaque nœud représente une épreuve et une étape. Un nœud est une boucle,
un retour sur soi-même, une exploration intérieure, une manière de chercher son chemin, de
décortiquer l’expérience vécue. Le nœud peut aussi être un tournant dans la vie, une bifurcation,
une prise de conscience, ou encore une transgression nécessaire pour pouvoir révéler une autre
vérité.
Ici, la notion d’épreuve est centrale : le nœud se noue dans la dualité et le conflit, il représente une
sorte de labyrinthe : telle est l’expérience terrestre à vivre, celle de l’incarnation et les difficultés qui
l’accompagnent. Sans cette expérience, aucune progression ne serait possible. Ainsi, de l’aspect
négatif du nœud émerge le positif : les ténèbres se dissipent, les voiles tombent, le centre du
labyrinthe apparaît, la voie se dessine. D’autre part, le nœud peut faire penser au plomb alchimique,
matière opaque, amalgamée, nouée, embrouillée, mais de laquelle émergera l’or, c’est-à-dire l’être
accompli et éveillé.
Les nœuds de la corde sont tels des centres énergétiques, les chakras de la Kundalini (canal
d’énergie primordiale de la colonne vertébrale, appelé "shushumna nadi", les séphiroths de l’arbre
de vie kabbalistique) : ils représentent différents niveaux de conscience, différents points d’équilibre,
différents paliers dans la progression de l’individu. Le nœud relie, c’est un lien, c’est le symbole du
lien solide (il ne peut se défaire seul), de l’indissoluble amitié, de l’union de deux êtres, donc de
l’amour. Nous allons écouter un franc-maçon canadien parler d’amour, pour faire cesser la guerre…
Symbole de la foi inaltérable, de l’attachement moral, de la fidélité par-delà la mort, de l’immortalité
de l’âme. Symbole du serment chez le chevalier, des vœux chez le religieux. Symbole du lien entre
le microcosme et le macrocosme, entre l’âme et le corps, entre le monde céleste et le monde
terrestre. Au contraire, le nœud qui se défait, le dénouement, qui est tranché est un symbole de
mort. D'où l'ancienne expression populaire, filer son nœud (mourir).
Si l’on accepte de voir dans le mouvement de la corde le cheminement du franc-maçon, alors la
formation du nœud représente le chemin qui passe par soi-même : le fil passe par la boucle (le trou)
formée par le retour sur soi, c’est-à-dire par la réflexion. Cette boucle qu’il faut traverser, c’est peut-
être l’œil de notre conscience : la possibilité d’entrer dans un monde nouveau. Incontestablement
l’idée première de cette corde qui ceinture le temple, me fais me rapprocher de la chaine d’union.
Et les nœuds, à l’indéfectible lien qui unit tous les Francs-Maçons : l’Amour Fraternel que nous
avons fait serment de nous vouer. De la gratitude aussi pour notre Frère Secrétaire pour le texte :
comment rédiger une planche, qu’il nous a remis. Cela m’a beaucoup aidé. J’ai dit Vénérable
Maître.

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