Rougon-Macquart
L'achèvement des Rougon-Macquart approchant, Émile Zola a changé. Le contraste est fort
entre une reconnaissance internationale inégalée et une hostilité générale en France, exprimée
par des attaques continues et le refus obstiné de le voir entrer à l'Académie française. Il
s'interroge sur son activité littéraire :
« L'avenir appartiendra à celui ou à ceux qui auront saisi l'âme de la société moderne, qui, se
dégageant de théories trop rigoureuses, consentiront à une acceptation plus logique, plus
attendrie de la vie. Je crois à une peinture de la vérité plus large, plus complexe, à une ouverture
plus grande sur l'humanité, à une sorte de classicisme du naturalisme 127. »
Cette évolution est dans l'air du temps, avec un « néonaturalisme » illustré par les productions
d'Anatole France et Maurice Barrès qui connaissent une évolution vers le roman à thèse.
Les Trois Villes
« Enfin ! M. Zola arrive au bout de son rouleau en mettant au monde Paris. Le père et l'enfant se portent
bien tout de même. » Caricature de C. Léandre vers 1898.
Théophile Alexandre Steinlen, Émile Zola au pèlerinage de Lourdes, paru dans Gil Blas illustré du 22 avril
1894.
Raymond Tournon, affiche créée pour la parution de Fécondité en feuilleton dans L'Aurore, en 1899.
Alfred Bruneau, musicien de talent, initie Zola à la musique et lui apporte ses premiers succès de scène.
Auteur dramatique
Zola est attiré par le théâtre dès sa jeunesse en Provence. Il a entrepris dès 1855 des essais
avec ses amis Baille et Cézanne, comme dans la comédie Enfoncé le pion !140. La Laide est sa
première œuvre théâtrale. La pièce met en scène un père aveugle, son handicap lui révélant la
véritable beauté, celle du cœur, incarnée par sa fille aînée. Ses deux filles se marient, l'une avec
Lucien, l'autre avec un sculpteur sensible à la beauté académique de la cadette. La pièce, jugée
naïve, ne sera jamais ni publiée, ni jouée du vivant de Zola. La seconde pièce de
Zola, Madeleine, n'obtient pas plus de succès. Proposée à la direction du théâtre du Gymnase,
elle est refusée. L'auteur la transforme alors en roman, Madeleine Férat.
Ces échecs ne sont pas de nature à abattre l'écrivain, qui devra toutefois attendre ses premiers
succès de librairie pour connaître un succès au théâtre. Thérèse Raquin, drame en quatre actes,
lui en donne l'occasion en 1873. La pièce est représentée neuf fois au théâtre de la Renaissance.
La critique exprime un certain dégoût en même temps qu'une vraie admiration pour le talent de
Zola. Les Héritiers Rabourdin en 1874 est un échec boudé par la critique et le public. Le Bouton
de rose, comédie en trois actes, n'est représenté que sept fois en mai 1878. Sa dernière
pièce, Renée, drame en cinq actes, est écrite à la demande de Sarah Bernhardt d'après le
roman La Curée. Présentée en avril 1887 au théâtre du Vaudeville, c'est une nouvelle déception.
Émile Zola, dès lors, n'écrira plus pour le théâtre et cesse ainsi sa carrière de dramaturge. Le
théâtre est donc un échec cuisant pour l'auteur des Rougon-Macquart.
Auteur lyrique
Émile Zola n'aime pas beaucoup la musique. Clarinettiste dans la fanfare d'Aix-en-Provence dans
sa jeunesse, l'écrivain avouera plus tard « faire profession d'une certaine haine de la
musique141 » ainsi que « le plus grand mépris pour l'art des doubles et triples croches ». Il ira
même jusqu'à contester les subventions accordées à l'Opéra de Paris 142. Mais paradoxalement,
Émile Zola voue une certaine admiration à Richard Wagner. L'écrivain fut sans doute attiré par
l'aspect révolutionnaire du musicien allemand, dont les scandales pouvaient être assimilés à
ceux que provoquaient les publications naturalistes.
C'est sa rencontre avec Alfred Bruneau en 1888 qui marquera un tournant. Celui-ci lui propose
de mettre en musique Le Rêve, en collaboration avec le librettiste Louis Gallet, œuvre à laquelle
Zola participe activement. C'est un succès. Dès lors, les adaptations vont s'enchaîner
régulièrement. L'Attaque du moulin fut créée en novembre 1893 à l'Opéra-Comique. Toujours sur
un livret de Louis Gallet et une musique d'Alfred Bruneau, la trame est un peu modifiée pour
éviter la représentation de Prussiens sur scène. L'argument est donc reporté en 1793 au lieu de
1870. La pièce est représentée trente-sept fois à Paris, ainsi qu'en province et à l'étranger 143.
Suivent Lazare en 1893, Messidor en 1897, Violaine la chevelue, féerie lyrique en cinq actes et
neuf tableaux qui ne sera jamais mise en musique, L'Ouragan en 1901, L'Enfant roi en 1905
et Sylvanire ou Paris en amour, achevée par Zola juste quelques jours avant sa mort. Sans
engendrer des succès de scène phénoménaux, le théâtre lyrique apporte à Zola une renommée
supplémentaire et lui permet de mettre en scène et d'animer son naturalisme.