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De manière plus approfondie, et à la suite de Max WEBER, l’on est amené à définir
la notion de politique à partir de sa genèse et de sa construction.
1
Emile DURKHEIM, De la division du travail social, Alcan, Paris, 1983.
1
: « polis » signifiant la cité, « politika » signifiant la chose publique, « politea » signifiant
régimes politique, et « politikein » signifiant l’art de gouverner. Dans sa tradition française, la
notion de politique est entendue à la fois comme « le politique », c’est-à-dire l’organe chargé
du destin collectif dans une société, et, « la politique », c’est-à-dire, l’activité de conquête et
de conservation du pouvoir. Dans la tradition anglo-saxonne, la notion de politique renvoi à
trois termes distincts : à la « politics » c’est-à-dire l’activité de conquête et de conservation du
pouvoir, à la « policy », c’est-à-dire à la décision publique, et à la « Polity », c’est-à-dire à
l’Etat et aux institutions politiques.
2
Pierre BOURDIEU, « La représentation politique. Eléments pour une théorie du champ politique », In : Actes
de la recherche en sciences sociales, vol 36-37, février-mars, 1981.
2
sociale du politique quant à elle, selon Peter BERGER et Thomas LUCKMAN, permet de
voir la force des représentations sociales.
Selon Pierre LEFEBURE, les rapports ordinaires au politique peuvent être expliqués
à travers : les enjeux d’une définition extensive du rapport politique (1), les propriétés sociales
comme sources des rapports ordinaires au politique (2), et, les situations et les contextes dans
l’activation des rapports ordinaires au politique (3).
3
Pierre LEFEBURE, « Les rapports ordinaires à la politiques », pp 374-388.
4
Gaston BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, Vrin, Paris, 1934.
3
rapport des de indigènes, des catégories « sans attache à la sphère politique de l’Etat central »
des acteurs privilégiés.
Le rapport « ordinaire » au politique est aussi fonction « des moments ou des phénomènes
dont on pourrait convenir qu’ils établissent un rapport plus finalisé ou plus formalisé au
politique ». Ici le rapport au politique n’est plus fonction de la nature des acteurs, mais du
degré de formalisation. A titre illustratif, le bain de foule d’un président de la république au
cours de sa cérémonie d’investiture. Certes il s’agit d’un acte accompli par une institution, le
président de la république, dans l’exercice de ses fonctions, mais il s’agit surtout d’un acte
posé en vue de mesurer le degré d’attachement d’un peuple à son leader comme en témoigne
le président Nicolas SARKOZY dans ses mémoires :
« (…) je descendis et pris un premier bain de foule de président. C’est le moment que j’ai
préféré, celui qui de cette journée extraordinaire reste le plus présent dans à mon esprit.
J’aime ce contact, cette proximité, cette possibilité de distinguer des visages dans une foule.
J’étais président mais je me sentais des leurs. Enfin j’avais réussi à être aimé d’eux. (…) Cette
entorse dans le protocole présidentiel fut assez critiqué au motif que j’avais pris le risque de
désacraliser la fonction présidentielle (…) »5.
Selon Pierre LEFEBURE, « les propriétés sociales » constituent des « sources des
rapports ordinaires au politique ». En effet le rapport ordinaire à la politique est aussi fonction
des dispositions et des positions sociales. Paul LAZARSFELD faisait déjà remarquer en son
temps que « une personne pense, politiquement, telle qu’elle est socialement ». Les
appartenances sociales en termes de catégories économiques, de catégorisation religieuses et
de lieu de résidence structurent le vote politique aux Etats-Unis. Paul LAZARSFELD et ses
collègues ont ainsi pu démontrer que « lorsqu’on est de statut économique supérieur,
protestant et rural, on tend à voter pour le candidat républicain à 74% et, quand on est de
statut économique inférieur, catholique et urbain, on tend à voter pour le candidat démocrate à
83% ».
5
Nicolas SARKOZY, Le temps des tempêtes, tome I, Editions de l’observatoire/Humensis, 2020.
4
En outre les propriétés sociales en termes de « vie amoureuse », selon A. MUXEL6,
concourent à « la formation et à l’entretien de l’identité politique », tout comme les propriétés
sociales en termes de « d’individualisation des croyances », selon J-M. DONEGANI7,
articulent et déterminent les rapports au politique.
Selon Pierre LEFEBURE, « les situations et les contextes » jouent un rôle prépondérant
dans « l’activation des rapports ordinaires au politique ». Ainsi le rapport ordinaire à la
politique peut d’abord être fonction du « débouché spécifique prolongé ». Ici le critère
d’évaluation est celui de l’engagement militant. Les dispositions politiques formelles et les
dispositions politiques informelles déterminent la disponibilité structurelle ou engagement
militant. Les dispositions informelles sont constituées des contraintes familiales, amicales,
sociales, de voisinage. Ces contraintes de statut marital, parental, d’emploi et d’âge
constituent ce que Mc ADAM appelle la « disponibilité biographique ». Disponibilité
structurelle et disponibilité biographique sont fonction du volume de temps consacré à
l’engagement militant.
Le rapport ordinaire à la politique peut ensuite, selon Pierre LEFEBURE, être fonction
du « débouché spécifique ponctuel ». Ici le critère d’évaluation peut, par exemple, être celui
de la situation ponctuelle de participation au vote le jour du scrutin. Des études ont pu
démontrer en France, le rapport entre le statut matrimonial et le vote. La proportion des non
inscrits sur les listes électorales est plus importante chez les célibataires que les mariés.
Toutes choses concourantes à indiquer l’impact du statut matrimonial sur le rapport ordinaire
à la politique.
Le rapport ordinaire à la politique peut enfin, selon Pierre LEFEBURE, être « sans débouché
spécifique »
6
A. MUXEL, Toi, moi et la politique. Amours et convictions, le seuil, Paris, 2008.
7
J-M. DONEGANI, La liberté de choisir. Pluralisme religieux et pluralisme politique dans le catholicisme
français contemporain, Presses de la FNSP, Paris, 1993.
5
En somme il ressort de ce qui précède que le rapport ordinaire au politique en fonction du
statut des acteurs et du degré de formalisation des procédures, des propriétés sociales, et, des
situations et contextes constituent des « obstacles épistémologiques », dont le savant se doit
de s’extraire pour inscrire son jugement dans la logique d’objectivité scientifique.
L’« explication politique », au sens d’Alfred GROSSER, a connu des fortunes diverses
au cours de l’histoire. De l’explication métaphysico-religieux qui a eu force de loi scientifique
dans l’antiquité gréco-latine, l’explication politique s’est convertie à partir de l’époque de la
renaissance, au culte des faits. Ce qui fera dire à Nicolas MACHIAVEL, que l’analyste
politique est « le photographe de la réalité et le secrétaire de l’observation », soustrayant ainsi
la démarche d’analyse de la logique de « ce qui doit être », et l’inscrivant dans la logique
de « ce qui est ». Ainsi, faire œuvre de science politique, c’est dire ce qui est et non ce qui
devrait être.
Selon Luc SINDJOUN, l’objet d’une science c’est son domaine de définition, autrement
dit, c’est le poteau indicateur d’une science par rapport à la réalité. En l’espèce,
l’objectivation de la science politique est héritière des considérations socioculturelles. Dans le
monde anglo-saxon, la science politique est fille de la psychologie et de l’économie, tandis
que, dans le monde civiliste, la science politique est fille de l’histoire et du Droit.
Selon Marcel MERLE, la science politique est « la connaissance de l’Etat, du seul Etat,
de tout l’Etat ». Il s’en suit ainsi, que l’Etat, en tant forme d’organisation né des traités de
Westphalie de 1648, constitue le cadre légitime d’expression du phénomène politique. Cette
définition qui fait la part belle à l’Etat dans la définition de l’objet de la science politique, si
elle a le mérite de présenter l’Etat comme cadre par excellence d’expression du phénomène
politique, pèche cependant par sa statolatrie. En effet si l’Etat demeure aujourd’hui, la forme
la plus achevé de la politique, elle n’en est cependant pas la seule dans l’histoire. L’histoire
6
des idées politiques permet de relever des expressions du politique dans d’autres
configurations sociales autres que l’Etat, notamment les empires, les royaumes et les
chefferies. De plus, l’Etat demeure une organisation comme toute autre susceptible de
dépérissement et d’extinction.
Ce qui se joue en réalité dans l’Etat, c’est la question du pouvoir, d’où l’intérêt d’accorder
une attention plus soutenues aux logiques de conquêtes et de conservation du pouvoir.
Selon Max Weber, la science politique est la science du pouvoir ou inégalités des
volontés, entendue comme « la chance de faire triompher sa volonté dans une relation sociale,
peu importe sur quoi repose celle-ci ». La notion de pouvoir suppose deux volontés. Une
volonté motrice A et une volonté réceptrice B. Le pouvoir est donc la mise en mouvement de
l’homme par l’homme, la cause d’un comportement selon Bertrand de JOUVENEL. Ainsi
la science politique porte étude des formes de pouvoirs quel que soient leurs cadre
d’expression familiales, syndicales, partisanes, etc. Toutefois si la conception de la science
politique a le mérite de sortir de la statolatrie parce que pensant la diversité des formes
d’organisations du politique dans le pouvoir, il convient cependant de relever que celle-ci
pèche par une dilution de la notion du politique dans toutes les formes d’organisations
sociales : c’est la cratolatrie ou le culte du pouvoir. Toutes formes d’inégalité sociales de
volonté, par exemple au sein des familles, n’est pas par essence politique. Elle ne le devient
que si elle est inscrite dans l’agenda des pouvoirs publics. D’où l’intérêt d’accorder une
attention soutenue à l’école de la politisation.
Selon Jean LECA, la science politique est la science de la politisation, entendue comme
processus par lequel, les problèmes sociaux deviennent objet de l’intervention publique. La
politisation suppose à la fois la mobilisation sociale et l’inscription dans l’agenda public.
C’est dire que le politique, ne saurait être une essence lié à l’Etat comme le pensent les
tenants de la statolatrie, encore moins lié au pouvoir comme le pensent les tenants de la
cratologie.
7
« déterminisme probabiliste de type absolue », selon l’expression de Luc SINDJOUN. Ici,
dans les mêmes conditions, un phénomène A, pouvant entrainer et pas nécessairement, un
phénomène B.
Par la suite, l’ouverture de la science politique dans les années 1970 à d’autres aires
disciplinaires, notamment sociologique, a eu pour conséquence une conversion de la
démarche d’analyse à ce qu’Emile DURKHEIM appelle les « règles de la méthode
sociologique ». Le succès des références aux sociologues tels Emile DURKHEIM, Norbert
ELIAS, Pierre BOURDIEU, tout comme le succès des thématiques socio-historiques liées à
la genèse des processus politiques, en sont des illustrations. Il s’en est ainsi suivi une
consolidation du statut de « politiste » pour désigner les spécialistes de la science politique à
base sociologique, en rupture avec le Droit.
8
la fondation Rand Corporation, et de Hans MORGENTHAU soutenu par la fondation
Rockefeller.
Cette présence des géniteurs de théories8 scientifiques dans le monde de l’action politique,
à partir des études sur commande, est structurée par un monde de représentation pratique qui
s’impose ainsi au savant politique.
Bureaucratie : direction administrative, pour Max WEBER, dont les agents sont recrutés
par nomination, en fonction de compétences professionnelles spécifiques, rémunérés à cet
effet selon les des critères préalablement définis, inséré au sein d’une hiérarchie
administrative contrôlant de près leurs activités, dépendant pour l’exercice de ces activités des
moyens matériels de l’administration et en étant en aucun cas propriétaire de leur emploi.
Entrepreneur de cause : porte parole d’une cause disposant des ressources nécessaires
pour faire exister et rendre visible une action collective.
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Hans MORGENTHAU est un théoricien de la théorie réaliste des relations internationales, tandis que Kenneth
ARROW, Anthony DOWNS et James BUCHANAN constituent les principaux théoriciens de la théorie du choix
rationnel.
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Légitimité : Max WEBER distingue trois formes de dominations en fonction du type de
légitimité qui leur est propre : la « domination traditionnelle » qui repose sur la croyance en la
sainteté des traditions valables en tout temps ; la « domination charismatique » qui repose sur
la soumission au caractère sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d’une
personne ; la « domination légale rationnelle », qui repose sur la légalité des règles édictées
par les dirigeants.
Exercice à faire
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