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D o s s i e r Au t o m o b i l e

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©Mercedes

Logistique étendue,
sur la route
du progrès ?
L’automobile, moyen de transport ? Sans doute. Mais aussi – surtout,
peut-être, un produit emblématique de l’internationalisation
des échanges : 43% des voitures produites dans le monde sont exportées,
tandis que la part des composants achetés à des fournisseurs représente
environ 2/3 de la valeur d’un véhicule. La logistique est devenue
une des clés de la profitabilité du secteur. Avec des succès,
mais aussi des faiblesses et des défis à relever.

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une filiale du groupe PSA sont ainsi animés par des
Peugeot-Citroën ; Yves Far- V6 Nissan ou Isuzu, fabriqués au
gues, pour sa part, était récem- Japon. Le « constructeur-ingé-
ment Directeur des opérations nieur » (André Citroën affichait

C
du constructeur français en ainsi sa raison sociale) devient de
Chine. Pourquoi une telle plus en plus un concepteur-
importance ? Tout d’abord, maître d’œuvre, dont l’activité
parce que le métier de construc- est centrée sur l’optimisation de
teur automobile a changé : si la « part achat ».
’est peu dire que la autrefois il était facile de le défi-
logistique a tou- nir par le triptyque « concevoir, L’effet
jours été au cœur fabriquer, vendre », la situation « mondialisation »
de l’industrie auto- a évolué, en particulier en ce Qui dit part achat élevée dit flux
mobile : quand qui concerne les deux premiers importants. Qui dit flux impor-
Henry Ford choi- termes de la proposition. De tants dit logistique incontour-
sit au début du nos jours, un constructeur nable, aussi bien en termes de
XXe siècle de conçoit une architecture, définit volumes d’activité que de
s’implanter à Detroit, c’est un cahier des charges de presta- coûts. D’ailleurs, que représen-
parce que la rivière qui baigne tions et assemble des sous- tent-ils dans l’automobile ? On
la ville offre un accès facile aux ensembles réalisés pour une s’en doute, les constructeurs
grands lacs et permet d’expé- large part par des équipemen- n’aiment guère entrer dans ce
dier facilement ses voitures vers tiers. Une part (la « part achat » genre de détails. Il est néan-
leur lieux de vente. La logis- dans le jargon automobile) que moins possible d’obtenir un
tique, et plus largement la les constructeurs situent en ordre de grandeur : entre 3 et
Supply Chain : en 1928, le général à 70 % environ du prix 4 % du chiffre d’affaires. Cette
même Henry Ford inaugure sa de revient d’une voiture, mais proportion peut sembler faible :
nouvelle usine de River Rouge. qui peut être beaucoup plus elle l’est moins lorsqu’on sait
Là encore, la rivière joue un importante. Par exemple, lors- que la marge opérationnelle de
rôle essentiel : pour expédier les qu’un constructeur charge un nombreux constructeurs est du
voitures, mais aussi pour ache- bureau d’étude extérieur de même niveau ! Autre point de
miner les composants néces- concevoir son nouveau modèle,
saires à leur construction, et ou bien qu’il en sous-traite 63
même les matières premières : la fabrication. Ou tout
River Rouge a non seulement simplement quand il
sa fonderie, mais aussi ses achète un composant
hauts-fourneaux, et produit son important comme le
propre acier ! moteur : certains
Espace Renault
De l’ingénieur
au maître d’œuvre
A présent, l’intégration verti-
cale fait partie de l’archéologie
automobile, mais le besoin de
maîtriser la chaîne d’approvi-
sionnement n’a pas diminué, au
contraire. Pour Yves Fargues,
Président-Directeur général de
Gefco, la cause est entendue :
« Aujourd’hui, la Supply Chain
est un élément essentiel de la
structure des coûts. Sa perfor-
mance conditionne largement
la marge qu’il est possible de
dégager sur chaque voiture ».
Un avis d’expert à double titre
puisque Gefco est à la fois dans
le « top 50 » des entreprises
©Gefco

logistiques dans le monde, et

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la valeur nette des coûts de c’était le cas de la CAT pour


Quelques chiffres fabrication, et celle de la part Renault jusqu’en 2001, c’est
◆ Production automobile mondiale 2006 : achat, c’est créer de la marge. A encore le cas pour Gefco avec
67 783 000 véhicules (voitures particulières condition que celle-ci ne soit PSA ; le groupe VAG a, lui aussi,
+ utilitaires). La Chine, avec 7,2 millions de pas grignotée par l’augmenta- sa propre structure, Volkswagen
véhicules produits, est le troisième cons- tion des dépenses de logistique, Logistics. Ce relatif désintérêt
tructeur mondial, derrière le Japon et, singulièrement, de transport. persiste-t-il ? La réponse, sug-
(11,5 millions) et les Etats-Unis (11,3 mil- A condition aussi que le coût de gère Yves Dallery, professeur au
lions), mais devant l’Allemagne (5,8 mil- transport des véhicules finis du Laboratoire de Génie Industriel
lions). Depuis 2000, la Chine à multiplié sa lieu de production au lieu de de Centrale Paris, est claire :
production automobile par 3,5. vente ne soit pas prohibitif. « Aujourd’hui, la logistique ne
◆ Les constructeurs français (PSA Peugeot peut pas être coupée du système
Citroën, Renault, Carrosserie Heuliez) ont Deux logistiques de production ; on ne peut opti-
58 sites de production dans le monde. En effet, l’automobile a non pas miser les flux qu’en améliorant
◆ Pour un constructeur comme Renault, une, mais bien deux logisti- les processus industriels ». Une
les flux amont représentent, en volume : ques : celle de l’amont, qui sert prise de conscience semble se
- 4.000 camions/jour en Europe ; à alimenter les usines ; celle de faire jour : ainsi, il est révélateur
- 23.000 conteneurs pour le transport à l’aval, entre les usines et les de constater que la direction de
l’international ; points de vente, jusqu’au client la logistique de Renault est
- la logistique de Renault répond final. Le site de production est devenue le 2 janvier 2008 la
chaque jour à 60.000 demandes de donc le point central où conver- « Direction de la chaîne d’ap-
livraison de pièces. gent les deux problématiques : provisionnement et de la logis-
en amont, gérer avec précision tique ». Plus révélateur encore
les prévisions de production pour est la nomination à sa tête de
comparaison éclairant : la logis- alimenter en permanence, mais Michel Faivre-Duboz, membre
tique représente environ 50 % au moindre coût, les usines ; en du très restreint (26 membres)
des dépenses que nécessite aval, assurer au client final la Comité de direction de Renault,
l’activité de carrosserie et de livraison, dans les délais fixés, et qui occupait jusque-là le
montage. En tout état de cause, de la voiture qu’il a achetée, tout poste stratégique de directeur
les montants en jeu sont consi- en garantissant sa qualité. Force du développement de l’ingénie-
dérables. « Ils vont aller en est de reconnaître que pendant rie véhicule. Ce qui, à sa créa-
©PEA Consulting

64 augmentant, aussi bien en longtemps, la plupart des cons- tion en 1963, n’était que la
valeur qu’en proportion, ana- tructeurs ont considéré que la « direction de la production »
lyse Jérôme Courgeon, Direc- gestion simultanée de ces deux semble avoir à présent pris sa
teur Domaine d’excellence Jérôme flux ne faisait pas partie pleine dimension.
Performance des Opérations Courgeon, de leur Core Business ; l’ordon-
chez PEA Consulting, l’un et Directeur nancement et la gestion de la Faire ou faire faire ?
Domaine
l’autre effet résultant de l’inter- d’excellence
production étaient l’essentiel, la « En fait, commente Jérôme
nationalisation de la produc- Performance logistique les accompagnant Courgeon, la question est de tra-
tion ». Le mécanisme est en des Opérations pouvait être confiée à des cer la frontière entre le pilotage
effet inéluctable : depuis une chez prestataires, parfois filialisés : et la planification d’une part et
dizaine d’années, tous les PEA Consulting
grands constructeurs mondiaux
se sont implantés dans des pays
à bas coûts, avec un double
objectif : réduire les frais de pro-
duction (voire de conception :
Renault a ainsi annoncé l’ou-
verture en 2008 d’un centre de
technologie et de services en
©Gefco

Inde), et conquérir le marché


de ces pays, encore faiblement
motorisés, et où le potentiel de Yves
Fargues,
ventes est parfois important. Président-
Simultanément, le sourcing Directeur
des approvisionnements est général
©Renault

lui aussi devenu mondial. La de Gefco


logique est claire : faire baisser

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la mise en œuvre d’autre part.
C’est aussi de savoir comment
on marque cette frontière. » A ce
sujet, il existe une constante :
aucun constructeur aujourd’hui
n’outsource entièrement sa
logistique. En revanche, les
liens avec les prestataires sont
très divers : « Toyota ne met pas
tous ses œufs dans le même
panier et travaille avec trois
prestataires principaux : NYK
Logistics, Transfreight et main-
tenant Gefco », rappelle Juan
Pavez Spencer, Consultant
©BMW

Performance des Opérations


chez PEA Consulting. A l’in-
verse de cette stratégie, PSA annonce clairement que le mes- l’entreprise a connu de graves
Peugeot Citroën mise exclusi- sage a été reçu. Avec des résul- difficultés, avant que GAL ne
vement sur sa filiale Gefco, tout tats encourageants, puisque la soit acquis par VSI (Vehicle
en l’encourageant vivement à maison-mère assure moins de Services International), une
développer son activité en 70 % du chiffre d’affaires. joint venture entre Wallenius
direction d’autres clients : le fait C’est le type de développement Lines AB et Manuel Antelo.
que l’organisation commerciale que vise aussi la CAT. Cédée Celui-ci, nommé Président de
du logisticien s’appelle officiel- par Renault en 2001 à GAL CAT a obtenu coup sur coup
lement « Sales war machine » (Global Automotive Logistics), l’apurement des dettes de la

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des grèves de novembre 2007, duction. C’est le cas par exem-


En lots ou en pièces les constructeurs français ple des fabricants de sièges :
Pour certains sites d’assemblage, l’approvi- avaient accéléré leurs appro- « les sièges automobiles sont des
sionnement en pièces et composants ne se visionnements et leur produc- produits très complexes. Sou-
fait pas par lots de pièces cadencés, mais tion pour compenser à l’avance vent, leur propre processus de
par collections complètes : des voitures d’éventuelles ruptures de production se déroule lui-même
complètes, non montées sont livrées dans charge. En cas d’urgence abso- sur plusieurs sites. Compte tenu
des contenants individuels. Ce mode de lue, la fin justifie tous les de la diversité des garnissages
conditionnement, appelé CKD (completely
knocked-down), est né à l’origine des « A l’heure actuelle, le modèle est efficace parce
contraintes douanières qui rendaient pro- que l’équation sourcing + fabrication low cost
hibitive l’exportation vers certains pays de moins coûts logistiques donne des résultats
véhicules montés. Il est aujourd’hui surtout positifs ; mais la situation peut changer »
utilisé pour les sites de production de Juan Pavez Spencer
petite taille, ou en phase de démarrage :
c’est le cas par exemple de la Renault/- moyens : on a vu parfois des possibles, il est absolument
Dacia Logan en Inde ou en Iran. livraisons se faire par hélico- nécessaire que la fin de fabrica-
ptère. A un coût exorbitant, mais tion se fasse en flux synchrone,
acceptable en regard de la perte sur le site même de montage de
société et le renouvellement du d’un millier de voitures, ou plus. la voiture, explique Jérôme
contrat qui la liait à Renault. Acceptable aussi dans la mesure Courgeon. Confirmation chez
Ses bases assurées, CAT a où le secteur automobile perfec- Faurecia, où l’on annonce que «
maintenant pour ambition affi- tionne sans cesse son approche sur nos 190 usines présentes
chée de développer une nou- pour réduire au maximum ses dans 28 pays partout dans le
velle clientèle au point de rame- dépenses, en mettant en place monde, 40 % fonctionnent en
ner Renault à environ 50 % de des solutions aussi bien macro mode juste à temps. En d’autres
©PEA Consulting

son chiffre d’affaires. Sans pour que micro-économiques : d’un termes, ces 72 usines doivent
autant négliger son ancienne côté, en cultivant une relation être en mesure de livrer des pro-
maison-mère, et réciproque- étroite avec ses fournisseurs stra- duits aux sites industriels des
ment : « Un logisticien est un Juan Pavez tégiques, qui passe par la coha- constructeurs de manière sûre et
fournisseur très particulier, Spencer, bitation sur le site même de pro- fiable, et en moins de trois
66 avec un degré d’intégration et Consultant
d’implication étroit. Il faut une Performance
relation privilégiée, durable et des Opérations
chez
transparente : l’importance des PEA Consulting
enjeux l’exige », confie un ingé-
nieur de Renault spécialisé dans
la logistique amont.

Amont :
jouer la sécurité
La logistique amont est en effet
©PEA Consulting

le domaine où se concentrent les


efforts les plus importants, avec
une double préoccupation : limi-
ter les risques et optimiser les
Julie
coûts. Avec la mondialisation du Thiollier-
sourcing et l’éclatement géogra- Combes,
phique des sites de production, Consultante
les risques de ruptures d’appro- Performance
des Opérations
visionnement sont multipliés.
chez
Or, une usine non approvision- PEA Consulting
née ne produit plus : un scéna-
rio-catastrophe contre lequel les
constructeurs et leurs presta-
©Volkswagen

taires logistiques tentent de se


prémunir par une anticipation
permanente. Ainsi, en prévision

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diées par « collections com- de progrès restent ouverts, y


La pièce plètes ». Une étude a montré compris dans le domaine de
de rechange : qu’une Logan « en kit » occupe l’amont. « A l’heure actuelle, le
un marché spécifique moitié moins de volume qu’une
Nissan équivalente, avec à la clé
modèle est efficace parce que
l’équation sourcing + fabri-
Le secteur automobile ne fabrique pas que des coûts de transport réduits. cation low cost moins coûts
des voitures complètes : il alimente aussi Mais les efforts de rationalisa- logistiques donne des résultats
ses réseaux et les réparateurs indépen- tion et d’optimisation de la positifs, souligne Juan Pavez
dants en pièces de rechange. Cette activité logistique automobile amont se Spencer ; mais la situation peut
génère des contraintes logistiques très par- font aussi à d’autres niveaux : le changer : d’abord, les risques
ticulières : en effet, la capillarité y est très recours aux « cross-docks » est de rupture de la chaîne d’ap-
importante, et les délais y sont prioritaires. ainsi monnaie courante, et, provisionnement demeurent ;
De plus en plus de constructeurs travaillent autant que possible, les pièces ensuite, la hausse des prix de
en DSO (Daily Stock Order) : les com- sont estimées, commandées et l’énergie pèse de plus en plus
mandes passées avant 17 h 00 sont livrées livrées en fonction de ce que lourdement sur cette équation.
dès le lendemain au point de vente. l’on appelle le « film ferme », Dans le même ordre d’idée, il
Objectif : conserver leur position sur un c’est-à-dire les véhicules com- faut garder à l’esprit que l’offre
marché très concurrentiel, en fort dévelop- mandés, séquencés et qui doi- logistique n’est pas illimitée :
pement (en moyenne, les voitures du vent être fabriqués dans la jour- sur certains points sensibles,
parc automobile français ont plus de née ou les jours suivants. Ce qui comme les transports routiers
100.000 km au compteur), et où les marges n’est évidemment pas possible ou les contenants réutilisables,
sont beaucoup plus élevées que sur les voi- dans le cas de pièces sourcées il y a déjà des tensions crois-
tures neuves. dans des pays lointains, et en santes. Enfin, on ne peut plus
général acheminées par voie exclure, pour très bientôt, un
maritime, pour lesquelles il est véritable changement de para-
heures. Pour y parvenir, elles nécessaire de maintenir des digme dans le domaine du cal-
sont situées le plus souvent à stocks de sécurité. Enfin, le cul des coûts de transport : les
moins de 30 kilomètres des recours au terrain pour entrete- divers projets de taxe carbone
lignes d’assemblage et sont par- nir un véritable Lean Mana- sont un indice fort de ce qui
fois implantées au cœur même gement est généralisé. PSA se prépare dans ce sens. La
du parc industriel des clients. » Peugeot Citroën a ainsi systé- préoccupation grandissante en
68 matisé dans ses unités de stoc- faveur du développement dura-
Une optimisation kage et d’emballage les grou- ble va forcément avoir de plus
permanente pes Hoshin. en plus de traductions écono-
L’entreprise élargie ne se limite miques et réglementaires. C’est
©DR

pas à la cohabitation sur sites : Un équilibre fragile un sujet qui impacte tout le sec-
elle passe aussi par un travail de Yves Dallery, Le secteur automobile serait-il teur logistique, mais dans le cas
professeur au
co-conception qui s’est étendu Laboratoire de donc un modèle en matière de de l’automobile, il est particu-
du produit lui-même à sa logis- Génie Industriel logistique ? A plusieurs égards, lièrement sensible, puisque jus-
de Centrale Paris
tique et aux emballages. Au oui, mais de nombreux champs tement, c’est maintenant que
point que les logisticiens des
constructeurs sont dorénavant
associés aux projets de nou-
veaux véhicules dès les pre-
mières étapes, avec un input qui
s’étend jusqu’au design des
pièces, mécaniques, mais aussi
de style, de manière à optimiser
leur packaging et le taux de
remplissage de leurs moyens
d’acheminement. Cet input est,
d’ailleurs, une des raisons de la
réussite du projet Logan, conçu
chez Renault, produit en Rou-
manie par Dacia et assemblé à
présent en Russie, au Maroc, en
©Daimler

Inde, au Brésil et en Iran : pour


ces pays, les pièces sont expé-

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les constructeurs deviennent
véritablement globaux. » Des
sujets particulièrement sen-
sibles, et sur lesquels les cons-
tructeurs « planchent » déjà,
car ils pourraient aller jusqu’à
les obliger à reconsidérer leur
modèle industriel. D’autant
que leur stratégie logistique
reste perfectible dans un autre
domaine, très immédiat : l’aval.
Car si l’approvisionnement des
usines est programmé, minuté,
organisé, la livraison au client
final reste encore longue, et peu
©BMW

fiable. A preuve : le délai entre


la commande d’une voiture
neuve et sa livraison n’a guère celles-ci, et la faute aussi à des mois, pas plus. Et ce, sans avoir
diminué en vingt ans, et renouvellements de plus en plus une véritable visibilité sur la
dépasse toujours fréquemment fréquents des gammes. « Autre- demande, et encore moins sur le
trois mois. fois, une gamme s’enrichissait mix, alors que celui-ci est de
sur l’ensemble de son cycle de plus en plus complexe. » Cette
Aval : l’enjeu client vie, rappelle Jérôme Courgeon ; diversité commerciale génère
La faute, selon les constructeurs, aujourd’hui, les constructeurs parfois des problèmes inatten-
à la multiplication des gammes veulent cerner le marché avec dus, comme le confirme Julie
et des variantes à l’intérieur de une montée en cadence sur six Thiollier-Combes, Consultante

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teurs européens, intellectuelle-


ment satisfaisant mais pas tou-
jours au point dans l’exécution,
et le système Toyota : des
gammes et une diversité com-
merciale réduites dans chaque
région, et donc une fabrication
mieux planifiée, moins coûteuse,
avec des délais plus courts. Une
partie des gains ainsi réalisés
est réinvestie dans les efforts
commerciaux : il est alors plus
facile de convaincre le client
d’acheter ce qui est disponible. »

©Gefco
Un peu à la manière de la Ford
T, longtemps disponible « dans
Performance des Opérations achète en effet beaucoup moins n’importe quelle couleur, à
chez PEA Consulting, qui sur stocks que, par exemple, aux c o n d i t i o n q u e c e s o i t d u
précise : « Certains nouveaux Etats-Unis, où l’automobile est noir »… Cependant, même pour
modèles, en particulier les 4x4, souvent appréhendée comme un Toyota, cette méthode ne suffit
posent de vrais problèmes de consommable. plus : « Pour faire progresser ses
chargement à cause de leur ventes en Europe, Toyota est
gabarit. Or, aussi bien les Deux modèles conscient que le « built to
wagons que les remorques « En termes de qualité des véhi- order » est indispensable, note
porte-voitures sont des matériels cules, les progrès sont spectacu- Juan Pavez Spencer, mais à ce
relativement rares. L’exploi- laires. Les logisticiens ont mis en jour, les résultats sont moins
tation maximale de leur capa- bons que chez les
cité est donc indispensable ». « Aujourd’hui, la Supply Chain est un élément européens : 4,5 mois
Diversité commerciale à essentiel de la structure des coûts. de délai contre 3 ! »
laquelle s’ajoute une diversité Sa performance conditionne largement Tout semble donc être
des références pas toujours la marge qu’il est possible de dégager en place pour que la
70 indispensable : « sur certains de sur chaque voiture », Yves Fargues logistique aval
nos modèles, il existe deux cou- devienne le prochain
leurs pour le fil de couture du place des contrôles très effi- grand chantier de l’automobile :
levier de vitesses, en fonction du caces. En revanche, pratique- un secteur où traquer la moindre
garnissage. Sur la pièce montée, ment tout reste à faire sur la fia- poche de compétitivité exploi-
on ne peut pas les distinguer ! bilité des délais, confirme Yves table est devenu une nécessité
Mais ça complique encore les Dallery ; en fait, on assiste à une vitale, et où, plus que jamais, le
choses… », confie un ingénieur. opposition entre deux modèles : client doit être courtisé.
Une complexité à laquelle le « built to order » des construc- Stéphane Geffray
s’ajoutent peut-être d’autres rai-
sons : « Si une usine s’arrête une
heure, on perd des centaines
de milliers d’euros. Si un client
est livré avec une semaine de
retard, on ne perd rien… »,
ajoute le même témoin. Du
moins sur le moment. Car les
constructeurs européens sont en
train de prendre conscience de
l’ampleur des efforts nécessaires
pour relever le niveau de qualité
de leur service, et pour commen-
cer, la fiabilité de leurs délais de
livraison. Un mouvement d’au-
tant plus nécessaire que les flux
©Renault

aval sont, en Europe, largement


tirés par la demande : la clientèle

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