1
2
Je tiens à remercier Phillippe d'Aram pour tout le soutien qu'il m'a apporté ainsi que la
documentation; Séverine Abhervé, coordinatrice de l'UCMF*; pour avoir répondu avec
courtoisie à mes questions et m'avoir invité à la conférence d'Antoine Duhamel; Antoine
Duhamel pour son accueil et son envie de partager son expérience ; et Béatrice Thiriet qui m'a
écouté et beaucoup éclairé. Merci beaucoup. Je souhaitais faire ce mémoire pour comprendre
la façon dont le compositeur apporte du sens au film, mettre en lumière le fait que c'est un
travail de l'esprit et du coeur qui est essentiel au plaisir du spectateur.
3
A Qu'est-ce que la musique de film? p 7
Définition p 7
La musique de film est un procédé subliminal p 9
B Au début du cinéma p 10
le temps du muet p 10
l'arrivée du son p 12
Max Steiner et King Kong p 13
Le leitmotive p 17
Exemples d'intégration de la musique dans le cinéma de Stanley Kubrick p 18
L'utilisation du Leitmotiv dans "Dr Follamour " de Stanley Kubrick, 1963 p 19
Analyse détaillée de la place de la musique dans Eyes wide Shut ( 1999) p 22
2 Le processus de création p 27
avec l'aimable participation d'Antoine Duhamel
"Pierrot le fou"1965. p 29
S'adapter aux situations et résoudre les problèmes p 31
B La thématique et le timbre p 32
"L'écriture dérivative" p 32
Que faire avec cela? p 34
4
3 «Lady Chatterley » p 36
avec l'aimable participation de Béatrice Thiriet
D Reason p 47
5 Travaux personnels
Conclusion : p 55
5
6
1 Utilisation de la musique au cinéma
7
Définition
Oeuvre: 1 Ce qui est fait, produit par quelque agent et qui subsiste après l'action
[...] Ouvrage littéraire, production artistique.
Action: I 1 Ce que fait une personne qui réalise une volonté, une pulsion. La
moindre de ses actions est guidé par le but qu'il s'est fixé.
2 Le fait d'agir ( par opposition à la parole, la pensée)
3 Affrontement, lutte. L'action s'engage.
II 1 Ce qui occasionne une transformation détermine un effet
quelconque. [...]
III 2 Déroulement des événements qui forment la trame d'une fiction.
"La musique [...] n'est pas à proprement parler un art représentatif, ou une technique
de représentation ; sa valeur "représentative", et même sa valeur "expressive", sont
hautement conventionnelles, et dépendent strictement de considérations historiques
et culturelles incessamment variables."
8
B La musique de film est un procédé subliminal
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« Musique et cinéma se retrouvent dans leur embrassement du temps, de la
mémoire et de l’éternité en un mariage du sensible et de l’impalpable. »
"La musique de film installe chez le spectateur un procédé plus subliminal que
conscient"
B au début du cinéma
Le temps du muet
Les premières projections des films des frères Lumières n'intègrent pas de musique.
Ce ne sont pas des séances commerciales, le spectateur sont admiratifs devant
"l'arrivée d'un train en gare de la Ciotat", "les baigneurs", "le déjeuner de bébé".
Attraction de foire, le cinématographe commence à captiver de ville en ville à son
apparition. La photographie animée suscite l’admiration, les scènes du quotidien
sorties de leur contexte et vues à travers l’objectif photographique prennent une
nouvelle dimension. On peut imaginer les réactions du public, interpellant l'image,
10
marquant l'étonnement où la satisfaction, riant, un guide sonore amenait donc les
spectateurs à partager un moment de plaisir, de distraction.
Le pianiste doit improviser, exposer des motifs appris au fil des projections en
glissant des clins d'oeil qui soulignent l'image (air populaire, par exemple marche
nuptiale).Le musicien est sans doute peu conscient du changement qu'il apporte à la
perception du film.
C'est ainsi qu'en 1909, les films Edison éditent "Suggestion for Music", un catalogue
dans lequel chaque action ou émotion est associée à une ou plusieurs mélodies
extraites du répertoire classique. De même, "Playing to Picture" ( W.T. George, 1912),
"Sam Fox Moving Picture Music Volumes" (J.S. Zamacki, 1913), "Motion Pictures
Moods for Pianists and Organists : A Rapid-Reference Collection of Selected Pieces"
(Ernö Rapee, 1924) sont des ouvrages musicaux qui classent minutieusement les
pièces classiques et les compositions originales.
Le pianiste de salle dispose donc d'un catalogue d' "incidentaux" qui lui permet
d'adapter l'accompagnement au registre du film. Etape décisive car c'est le début de
l'interactivité récit filmique / musique, de l'utilisation de la musique comme un langage
du film.
1 – Ambiance
a - Catastrophe (Variétés diverses) ;
b- Très dramatique (agitato)
c- Atmosphère solennelle, mystère de la nature
2 – Action (misterioso)
a- Nuit, atmosphère sinistre
b- Nuit atmosphère menaçante
c- Folie (agitato)
d- Magie, apparition
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e- péripéties, "quelque chose va arriver"
3 – Action(agitato)
a- Poursuite, fuite, hâte
b- Lutte
c- Combat héroïque
d- Bataille
e- Trouble, inquiétude, terreur
f- Foule agitée, tumulte
g- Trouble de la nature : orage, tempête, feu
4 – Ambiance (appassionato)
a- Désespoir
b- Lamentation passionnée
c- Paroxysme de la passion
d- Euphorie
e- Triomphe
f- Bacchanale
C'est l'époque où la gestuelle doit être apparente en musique. L'interprète fait alors
des bruitages en rapport avec l'action, mime la musique du bal à l'écran, il peut
mélanger les sources d'inspirations du catalogue.
Les musiciens jouant pendant la projection d'un film sont exposés à de nombreux
problèmes : fluctuations dans la vitesse de déroulement des films, état des copies
qui se détériorent très vite, etc. Ceci oblige les musiciens à achever ou sauter
précipitamment un morceau. La synchronisation entre le son et les images est un
vrai problème au début du siècle.
L'arrivé du parlant
12
En 1927 est arrivé le cinéma parlant avec le film "The Jazz Singer" de Alan
Crossland. Le son peut alors être enregistré en direct sur le plateau auquel cas il fait
bien partie de l'action. L a musique peut alors être enregistré sur une bande optique
collée à la pellicule. C'est la fin des problèmes de synchronisme du film avec
l'orchestre de salle, car c'est malheureusement la fin des orchestres de salles.
"L'apparition du son est pour le cinéma une véritable déchirure. Aucun art n'a jamais
subi une transformation aussi radicale à la suite d'une simple découverte technique.
C'est au moment où le muet culmine dans ses œuvres les plus abouties, où l'art neuf
du cinéma atteint un sommet, que le parlant s'impose comme une mauvaise
surprise. Le son paraît à beaucoup indésirable et incongru parce qu'il vient
désorganiser l'échange filmique, anéantir le travail du cinéaste ainsi que la lente
éducation du public."
Cinématographe 1979
Pourtant le cinéma s'accapare vite ce deuxième flux d'informations qui fait parler
l'image. Une forme de rapport de musique au film, qui sera à la base de toute la
musique de cinéma américain approche à pas de géant.
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Maximilian Raoul Walter Steiner plus connu sous le nom de Max Steiner (né le 10
mai et décédé le 28 décembre 1971) est un compositeur de musique de film austro
états-unien. Il naît à Vienne en Autriche dans une famille baignant dans le milieu
artistique, son père était ainsi directeur d'un théâtre et son parrain était Richard
Strauss. Très jeune il montre des talents de compositeur prodige. Il étudie la musique
et reçoit l'enseignement de Gustav Mahler et Johannes Brahms. A 16 ans il écrit une
opérette. Travaillant au Royaume Uni en 1914, il obtient malgré sa nationalité des
papiers pour partir aux Etats-Unis grâce au parrainage du duc de Westminster.
Pendant 15 ans il travaille à New York comme chef d'orchestre ou arrangeur à
Broadway.
En 1929 il rejoint Hollywood, initialement pour l'orchestration du film "Rio Rita" pour
la RKO Radio Pictures. Sa carrière est lancée par la bande originale de "King Kong"
en 1933. Il a composé pour des dizaines de films parmi lesquels "Casablanca",
"Arsenic et vieilles dentelles", "Le rebelle" ou "Autant en emporte le vent". Max
Steiner a été nominé 26 fois aux oscars, les recevant à trois reprises. Il a eu à titre
posthume son étoile sur le Walk of Fame (1551 Vine Street).
En effet, c’est une écriture nourrie par les post-romantiques européens, Richard
Strauss et Piotr Tchaïkovsky notamment. Un genre narratif et rhétorique avec un
goût prononcé pour la mélodie, élaboré par Max Steiner et les compositeurs qui lui
sont contemporains : Alfred Newman, Erich Wolfgang Korngold , Victor Young, Franz
Waxman, Mikloz Rosza, Dimitrei Tiomkin, Hugo Friedhofer. Bien que cette forme se
détache de l’évolution de la musique, c’est à dire le virage pris par la musique
contemporaine, l’impressionnisme, l’atonalité, le cinéma use largement de cette
forme au langage rassembleur, qui peut se mélanger aisément avec des styles
populaires ou folkloriques. On trouve des traces de l’impressionnisme à travers
Bernard Hermann, Roy Webb en 1930- 40 ; plus tard, de l ‘atonalité avec Jerry
Goldsmith par exemple.
1933 est une date repère pour cette forme canonique de la musique de film, avec
« King Kong “ ( Merian Cooper ), un parfait exemple de ce que la musique apporte
au cinéma Hollywoodien de l'époque.
Alors que le film était déjà près des étapes de postproduction le président de la RKO
de l’époque B.B Kahane doutait de la réception du film par le public et ne souhaitait
pas investir beaucoup dans la musique. Il demanda alors à Max Steiner d’utiliser
d’anciennes productions. Le réalisateur était d’un autre avis, désirant au contraire
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s’appuyer fortement de ce renfort, le musicien eût son financement et ils travaillèrent
en étroite collaboration.
Cette musique est pleine de qualités. En effet elle tient solidement accrochée
l’attention du spectateur, humanise les personnages, dramatise et renforce l’action.
Elle s’illustre à travers des choix précis, comme celui de ne pas souligner le début du
film, c’est à dire la description du contexte de la dépression. Ni la séquence du long
voyage en bateau. Elle se présente lorsque la réalité bascule vers le fantastique. Au
moment où l’embarcation approche de l’île du crâne par exemple. L’équipage tente
d’apercevoir la côte à travers le brouillard, la musique apparaît naturellement
reflétant le mystère du récit et de l’image. Elle ajoute une atmosphère appropriée
grâce à une thématique légère et une cellule de développement courte.
Profitant de la présence d’une tribu sur l’île, les tam-tams apparaissent à l’intérieur
et autour de la musique. La couleur illustre le fantastique et la découverte d’une terre
vierge, les rythmes tribaux scandent la présence du danger sur l’île du crâne. Basé
sur des thématiques liés aux personnages et aux lieues comme dans l’opéra
Wagnérien, ici un thème pour Kong, un pour Ann Darow, un pour le capitaine et son
équipe. Ceux-ci sont invoqués de façon récurrente dans le film, plus ou moins
développés. Parfois même rapidement cités, les crescendo et decrescendo rapides
s’adaptent au montage et les séquences thématiques s’enchaînent, se déclinent
habilement suivant des variations de hauteurs et d’orchestration. Nous entraînant
dans une poursuite au rythme haletant, ponctuée de rugissement des cuivres, de
combat de géants illustrés à grands renforts de pics d’intensité dramatique ; soudain
la musique s’efface dans un lyrisme contenu pour regretter un personnage chutant
dans le vide, révélant alors le poids du silence, du déroulement du temps du récit.
15
A d’autres instants du film, les chutes ( car on tombe beaucoup dans ce film) sont
soulignées par la musique, la technique dite du « mickey-mousing » consiste à
représenter par la musique les sonorités du monde. Son nom lui vient du dessin
animé et de la célèbre petite souris. Ainsi, les descentes d’escaliers se transforment
en descentes harmoniques et d’intensité ; l’arrivée de Kong devient une montée
inquiétante. L’utilisation de cette technique alliée à l'élégance des virages dans la
narration, l’imbrication d’éléments évocateurs dans la musique de Steiner permet de
coller avec virtuosité aux films. Exemple d’éléments évocateur, Kong est vaincu, on
passe de l’île du crâne à Broadway pour être témoins du triomphe de l’équipage sur
scène accompagné de la bête captive. La musique se teinte de sonorités
américaines de l’époque, rappelant les comédies musicales ce qui évoque le lieu
avant qu’on ait pu constater cette ellipse. Comme le thème et l’entrain de cette
séquence à la musique évoquent la gloire, nous sommes conscients immédiatement
de l’enjeu de la scène. D’autre part, le caractère paisible de ce moment ne trompe
personne, nous attendons dès lors le thème de Kong qui reviendra pour illustrer la
panique mais cette fois en plein théâtre, lieu de prestance et de tenue sociale, ce
que nous évoque également la musique à ce moment là.
Cette oeuvre est aujourd’hui l’une des préférés de Max Steiner qui l’apprécie pour
sa modernité.
Ce travail doit son efficacité à l’habileté du choix des points d’entrées et de sortie, au
synchronisme et à la richesse d’évocation des thèmes et couleurs.
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Comment intégrer la musique au film ?
Son diégétique et extra diégétique: le hors champs
on distingue :
Le son diégétique : son faisant partie de l'action, pouvant être entendu par les
personnages du film ;
le son extra diégétique : son ne faisant pas partie de l'action, comme la musique
"d'ambiance".
La mise en scène peut déterminer un point de vue sur le son. A travers la prise de
son et le mixage, les choix sont faits en accord avec la réalisation afin de lui attribuer
un intérêt narratif ou poétique.
Le son hors champs est un outil plus libre et flexible pour le réalisateur car il peut
être enregistré en différé, donc en dehors des contraintes de l'image. Puis monté
sans risque de perdre la synchronisation, contrairement aux sons directs,"in", surtout
s'ils contiennent des dialogues.
Le hors champs c'est surtout la possibilité pour le son de se décoller de l'image pour
avancer un autre discours. Par-là, le cinéma peut sortir de son modèle de
représentation immédiate de la réalité, pour affirmer la liberté de disposition du temps
et d'agencement des éléments qui dispose le récit. Par exemple, "Mystic River" de
Clint Eastwood commence avec un point de vue aérien sur un quartier résidentiel. Au
son, l'appel anonyme qui prévînt la police d'un meurtre, passé par des adolescents
sous le choc. Le son est ici utilisé comme élément narratif, code du récit policier en
nous faisant connaître les éléments de l'enquête, il accroche également le spectateur
en introduisant un élément qui semble authentique et provoque l'inquiétude.
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La voix-off est un élément extra diégétique, représente les pensées d'un personnage
au moment de l'action ou non. La forme narrative du flash-back utilise souvent ce
procédé, le personnage évoque un moment de sa vie et on le retrouve en situation.
La voice-over, c'est uniquement lorsqu'un personnage à l'image partage ses
pensées, formulées hors champs, avec le spectateur.
Passage diégétique -extra diégétique : on peut avoir une musique extra diégétique,
disons d'ambiance, qui devient diégétique lorsqu'on aperçoit l'appareil de
reproduction sonore (dont les propriétés viennent souvent s'ajouter à la musique,
grésillements ou défauts). Dans certains lieux de rencontre ou de divertissements :
Dancing, auto- radio , bar ; la musique est souvent présente et véhicule un contexte
socioculturel. Ce qui peut ajouter à l'authenticité d'un lieu.
La musique joue de cette idée de champs et hors champs, assume une multitude de
rôle dans le récit. Elle est présente dans le quotidien est à ce titre peut être un
élément de la réalité des personnages mis en scène par le cinéma. Elle peut être au
même instant un élément de décor réaliste, un indice sur un personnage, le principal
outil du suspens. Elle travaille à figurer dans le film et en dehors.
Le Leitmotiv
Un leitmotiv est une phrase, une formule qui revient à plusieurs reprises dans une
œuvre littéraire. Le mot vient de l'allemand, il est apparu au XIXe , d'abord appliqué
en musique pour désigner un motif musical conducteur dans une œuvre. Richard
Wagner en a beaucoup fait usage dans ses opéras, ainsi que Weber, Berlioz et Liszt.
L'inventeur du leitmotiv n'est pas Wagner contrairement à une idée répandue, ni
Giacomo Meyerbeer, compositeur allemand du XIXe qui participa considérablement
à l'enrichissement de la construction de l'opéra mais un critique nommé
VonWolzogen qui mis le doigt sur sa fonction structurelle. Passant outre cette mise
au point, le terme " Leitmotiv " figure dans le vocabulaire de la littérature, du cinéma
et en musique, reste profondément rattaché à l’opéra wagnérien. Pour la musique du
7ème art, l’expression désigne donc depuis longtemps un thème mélodique qui fait son
apparition avec tel personnage, objet, situation et l’accompagne fidèlement à
chacune de ces récurrences. Si Claude Debussy trouvait les leitmotivs Wagnériens
trop indicateur, ceux du cinéma le sont plus encore. S'il n'y a pas toujours beaucoup
d’invention musicale dans le traitement des leitmotivs cinématographiques, cela
n’empêche pas le procédé de fonctionner très bien pour un public qui n’a pas une
grande exigence d’autant que le cinéma n’a pas vocation de faire écouter de la
musique savamment construite.
18
" Le système répétitif des Leitmotive construit une cohérence et une familiarité
auditive."
"Le retour des thèmes en correspondances avec les résolutions dramatiques et les
effets de conclusion, produit une sensation de clôture, une satisfaction de
cohérence"
Pierre Berthomieu p 41
Kubrick n'était pas très enclin à révéler la signification profonde de ses films. Il
ne supportait pas l'exercice de l'interview. Préférant laisser le spectateur
continuer d'explorer le film après visionnage, car il reste des questions sans
réponses, une part de mystère non éclaircie, d'importance négligeable qui
pourtant semble contenir une clé d'interprétation du récit. Par exemple la
présence inexplicable, surnaturel du personnage de Jack Nicholson dans "The
Shining" (1979 ) à un bal dans l'hôtel bien longtemps avant l'action.
19
Par-là il a une conscience du rôle de la musique pour le spectateur (exemple
diégétique ou non, populaire, grandiose) et le sens de tirer profit de l'impact
de la modernité. avec l'utilisation de la musique de Ligeti dans trois oeuvres
majeures ( "The Shining", "2001, L'odyssée de l'espace", "Eyes wide shut"
1999 ), de Krystof Pendercki dans "The Shining" également.
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L’action se situe pendant la guerre froide. Paranoïaque et dépressif, le général
américain, Jack D. Ripper envoie ses B 52 atomiques bombarder l’URSS. Il
ne sait pas que les Russes ont mis au point un système automatique de
riposte, le " Jugement Dernier " et que si ce système entre en action, les
conséquences seront désastreuses. Le Pentagone et le Kremlin vont tout
mettre en œuvre pour stopper les bombardiers. Pourtant, l’un d’eux ne
recevra pas l’ordre de retour, échappera à toutes les poursuites, lâchera sa
bombe atomique et déclenchera ainsi la tragédie finale. Tout au long du film, le
spectateur va donc suivre les péripéties de ce bombardier.
Lors de la lecture des consignes d’attaque le thème est chanté par un chœur
d’hommes, unité, esprit de corps anime cet équipage.
Tout à coup, une attaque par un missile est annoncée. Aussitôt le Leitmotiv au
trombone disparaît. Il apparaît à ce moment que les chances d'honorer la
mission soit en péril. La reprise du Leitmotiv viendra confirmer le retour du B
52 dans sa marche vers sa cible.
21
La musique semble donc simplement marquer un esprit cocasse dans le vol
de l'avion, elle apparaît lors de moment d'humour et à un rôle dans ses
mécanismes.
22
Jocelyn Pook, Gyorgy Ligeti, Chris Isaak, Dmitri Chostakovitch…
En 1994, Stanley Kubrick fait appel au romancier Frederic Raphael afin qu’il adapte
un roman psychanalytique de Schnitzler, « Traumnovelle ». Ce récit des fantasmes
d’un couple de la haute société autrichienne est transposé de nos jours, à New York,
pendant les fêtes de Noël.
Après une soirée mondaine un peu mouvementée, Alice avoue à son mari le Dr Bill
Bradford qu’elle a eu du désir pour un jeune officier de la marine alors qu’ils étaient
déjà mariés . Ce qui le perturbe beaucoup, il se sent trahi et va chercher à la tromper
mais quelque chose le retient toujours. Un ami pianiste lui indique le mot de passe
pour une soirée luxueuse qui s'avère être décadente et ritualisée : Fidelio.
EYES WIDE SHUT est souvent vu comme un testament filmique involontaire pour
Kubrick Son treizième film semble faire le point sur la façon dont il utilisa la musique
dans ses oeuvres.
Le jazz (« Strangers In The Night »), musique originale (Jocelyn Pook), le rock
(« Baby Did A Bad Thing » Chris Isaak ), musique contemporaine (« Musica
Ricercata » de Ligeti), la Valse (« Waltz II » de Chostakovitch), et indirectement la
23
musique classique (le mot de passe est « Fidelio », unique opéra du compositeur, et
la fille des Harford veut regarder « Casse Noisette »).
Diane Morel écrit que « Kubrick réduit les bruits de son univers filmique au strict
minimum » (3) et que la musique est du coup privilégiée par rapport aux bruitages.
"EYES WIDE SHUT", comme "2001, A SPACE ODYSSEY" illustre cette tendance.
Mais elle ajoute que « la musique ne fonctionne pas en relation avec un code narratif
établi à l’intérieur du film ou même selon un code préétabli, admis d’avance par le
spectateur. Elle est un élément sensoriel, et non rationnel » (4). Elle montre ainsi que
comme dans 2001 les moments calmes sont caractérisés par une valse viennoise et
les moments d’angoisse par une musique de Ligeti.
"Eyes wide shut ou l'étrange labyrinthe", Diane Morel, Etudes littéraires recto verso,
PUF,
Musique préexistante
Le film se termine sur cette valse, le couple a alors surmonté leur problème,
bénéficie d'une nouvelle dynamique.
La musique jazz est synonyme de fête dans les films de Kubrick. Il évoque
également la dangereuse tentation. C’est un pianiste de jazz qui introduit Bill à la
soirée qui peut le perdre. En fond, on entend le morceau diégétique « Strangers In
The Night », chanté par Frank Sinatra. Une chanson jazzy qui, par ailleurs, appuie
sur le déguisement des convives nus et masqués (étrangers dans la nuit)
Une chanson pop-rock de Chris Isaak, « Baby Did a Bad Thing » intervient après la
réception lorsque le couple fait l'amour. Ici les paroles insistent sur la culpabilité
d'Alice qui s'est laissée aller au jeu de la séduction avec le Hongrois, le désir paraît
donc se traduire sur son mari, la scène devient un jeu dangereux. Bill peut
également se sentir coupable heureux d'être au bras de deux jolies femmes.
Evidemment, la musique à ce moment là participe très clairement à la dynamique
érotique de la scène.
Musique originale
La scène de jalousie qui suit à une importance fondamentale dans la suite de leur vie
de couple. Alice fait l'aveu de son fantasme.
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Cette musique reprend lorsqu'Alice raconte son rêve à la fin du film. Rêve dans
lequel le même officier se moque d'elle puis lui fait l'amour.
Si la musique de Jocelyn Pook est utilisée pour les séquences érotiques révélant la
jalousie qui ronge le personnage de Bill, elle est également utilisée pour les scènes
au château. L’ouverture à la fête libertine où prend place la musique de Jocelyn Pook
est devenue célèbre : Elle dresse un impressionnant contraste entre la morale
religieuse et la débauche. Gestes lents, soutane, encens, nudité et masque
baroques vénitiens.
Jocelyn Pook a composé un hymne solennel, des litanies chantées dans une langue
qui nous est inconnue (un texte sacré hindou ce qui a provoqué l'indignation
d'ailleurs ! : « Pour la protection des vertueux, pour la destruction du mal et le solide
établissement du Dharma (la droiture), je nais et m’incarne dans la terre, d’âge en
âge »
25
La musique contemporaine : le « Musica Ricercata N°2 » de Ligeti
Le « Musica Ricercata » de Ligeti a été écrit en 1950, alors que le compositeur était
en Hongrie. D'après le compositeur, Kubrick a parfaitement compris la dimension
dramatique de cette musique « interdite », semblable à un « cri », à un « couteau
dans le cœur de Staline ».
Cette musique apparaît dans la seconde moitié du film, Bill est alors en proie à une
peur paranoïaque.
Le « Musica Ricercata N°2 » Intervient lorsque Bill, intrus, est jugé par tous le
masques. D’abord, le thème inquiétant est entendu dans le grave, les martèlements
aigus paraissent le précipiter dehors.
26
Stanley Kubrick utilise également ce morceau dans "The Shining" (1979) et "2001
"l'odyssée de l'espace" (1968) où elle semble représenter le mystérieux monolithe.
C'est une musique qui appelle au fantastique, à l'expression d'une hantise inconnue.
A travers sa place dans le récit, son genre ou plus naturellement son effet sensoriel
la musique peut alors donner du rythme et focaliser le spectateur sur des éléments
importants qui le maintiennent accroché à l’histoire ; c’est le coté spectacle,
nécessaire au cinéma. L’autre vision de la musique au cinéma, plus fine, est
d’apporter un propos qui n’est pas dans l’image mais qui la complète ; comme les
deux discours se mêlent et évoluent face au spectateur, si le choix de musique est
pertinent les personnages s’étoffent, le récit se couvre de mystère et de poésie, la
présence de musique distille l’attention du spectateur, nourrit son émotion.
27
2 Le processus de création
A Le dialogue avec le réalisateur
Le compositeur doit être clairvoyant et saisir l’esprit du film. Sur quelle base s’appuie-
t-il pour créer un univers qui va venir compléter l’œuvre ?
J’ai rencontré Antoine Duhamel afin de lui demander quelle était la place de la
musique dans les films auxquelles il a participé et de quelle façon il parvenait à
collaborer avec le réalisateur.
Antoine Duhamel est né le 30 juillet 1925 à Paris. Elevé dans un milieu artistique
(son père est Georges Duhamel). Il hésite dans le choix de son domaine, entre
peinture et musique. Ravel et Messiaen apparaissent alors comme une révélation. Il
fait des études musicales au conservatoire de Paris où il suit l'enseignement d'Olivier
Messiaen et René Leibowitz aux cotés de Pierre Henry ou Pierre Boulez. La musique
y est pensée comme en rupture avec l'école académique. La modernité apparaît
comme une conscience du discours, l'idéologie se radicalise et chacun suivra des
choix différents. Antoine Duhamel est enthousiaste face à la perspective de
composer pour le cinéma, certains de ses contemporains trouvent l'écriture pour le
film sans intérêt car soumise au propos d'un autre, sans engagement musical. Et de
plus elle est dénigrée, rabaissée au rang de simple travail d'artisan répondant à une
commande, autrement dit un travail alimentaire; au lieu de servir un dogme qui
l'intellectualise.
La première musique de film écrite par Antoine Duhamel est un projet en association
avec Alain Resnais un court métrage sur le peintre Hans Hartung. La finalisation du
film s'éternise et la pièce originale d'avant garde ne sera finalement pas utilisée pour
28
le film, mais, plus tard dirigée par Jean Prodomidès au festival de Darmstadt en
1949.
Il compose pour la publicité (école de la précision et de l'efficacité), dessin animés,
séries télévisés, des oeuvres pour orchestre. Il signe les musiques des feuilletons de
Claude Barma: "Le Chevalier de la maison Rouge" et "Belphégor" par exemple.
Le noyau dure de sa collaboration avec le cinéma est pour lui sa rencontre avec ces
sept réalisateurs: Jean-Daniel Pollet, Jean-Luc Godard, Bertrand Tavernier, Jean-
François Adam, Phillipe Condroyer, Patrice Leconte et Fernando Trueba
Il écrit pour "Méditerranée"de Jean Daniel Pollet une de ses oeuvres capitales. Un
film rapportant des images de méditerranée dans une logique avant-gardiste, sans
récit, où la musique à une place importante. Reflétant le poids du passé, la jeunesse
et la mort. Mélange de dodécaphonisme, de climat méditerranéen avec notamment
une ballade grecque au bouzouki amené par le réalisateur comme source
d'inspiration, adapté pour guitare électrique dans un élan de modernité
Antoine Duhamel a exploré les domaines musicaux soucieux d'y apporter une
dimension moderne. Considéré comme un musicien populaire, sans mauvaise
connotation, il se revendique de la liberté.
Le film qui m'a le plus marqué comportant une musique d'Antoine Duhamel est
"Pierrot le fou"1965.
29
"Au moment du pré montage il m'a simplement précisé : " Vous voyez, Antoine, Il me
faudrait deux ou trois thèmes dans le genre Schumann."Ce qui était assez troublant :
la dualité du personnage principal Ferdinand - Pierrot, correspondait parfaitement à
la schizophrénie de Schumann. J'ai donc bâti ma partition autour de cette idée de
dualité, Ferdinand et Pierrot, l'émotion et la violence. Pour la première fois de ma
carrière j'ai travaillé en toute liberté et sans aucun souci de minutage, totalement
affranchi du chronomètre. Derrière certaines pirouettes burlesques et provocations,
Pierrot le fou est un film d'amour et de mort. C'est de cette dimension dont j'ai voulu
parler."
Dans conversations avec Antoine Duhamel" de Stéphane Lerouge
Jean-Luc Godard semble utiliser le cinéma comme un moyen de penser. Selon Gilles
Deleuze, son apport au cinéma est de ne plus considérer le discours intérieur
comme guide de la mise en scène. La liberté semble être à l'origine de ce film, elle
se manifeste constamment à travers le ton de la voix de Jean Paul Belmondo qui
évoque la peinture, fait le pitre. La liberté de dresser des ponts entre la peinture et le
cinéma, de jouer sur les couleurs. La liberté de casser la cohérence du récit par
moments avec une séquence "comme dans un film noir" où la musique d'Antoine
Duhamel semble jouer le jeu. Mais ce n'est pas simplement un jeu de pitreries,
lorsque la musique révèle les personnages c'est l'ensemble des éléments qui est
imprimé car la ligne de conduite de cette liberté repose sur le maniement des outils
du cinéma. Jean Luc Godard aux commandes.
La traversée de la Durance
Cette séquence devient pour moi une icône, j'ai l'impression que c'est un peu comme
les vagues de Monfleet, non seulement la forme des flots est habitée par la musique
mais l'eau en tant que symbole paraît également habiter la musique. La rivière
caractérise l'aventure, Ils marchent près l'un de l'autre, le cadre les suit de droite à
gauche. Leurs jambes s'enfonçant dans l'eau semblent les attirer dans une sorte de
rêve.
Un destin tragique ; la mort face à la liberté. Ils brûlent leurs traces, voiture et argent,
traversent la rivière.
Peu de temps après, le cinéaste se sert de la musique de façon très visible. Les
personnages se livrent à un jeu autour de la belle voiture américaine qui est
lentement soulevée mécaniquement, la musique faite d'attaques vives de cordes,
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marquant une intrigue soutenue représente le tour que les deux complices exercent
pour repartir en voiture. La musique s'arrête d'un coup marque un silence puis
reprend, rythmant ainsi la scène par cette utilisation, le rapport entre la gestuelle et la
musique est très étroit. La conscience des possibilités picturales du cinéma est aiguë
chez Godard, ici le contexte de la station service, l'automobile américaine qui
s'élèvent et brille, on dirait un jeu avec le pop art. Ce qui se ressent également avec
l'utilisation des images de bandes dessinées s'apparentant beaucoup aux tableaux
de Roy Liechtenstein, peintre américain, célèbre dans les années 60, connu pour
emprunter le style graphique de la bande dessinée.
Ce qui m'a intéressé ici c'est la fusion des deux écritures, le compositeur remarque
qu'il fût inspiré par une séquence du film pour écrire la musique, et qu'elle s'y
retrouva sans qu'ils en aient discuté au préalable. D'autre part, l'idée que le
compositeur soit libéré des contraintes de minutage, le pousse à s'exprimer plus sur
l'univers du film que sur l'utilisation de la musique comme liant de l'intensité
dramatique.
31
"Pierrot le fou" Jean-Luc
Godard 1965
Deux exemples,
Il y a dans ce film un concours de tango. Les acteurs ont bien - sûr dansés sur de la
musique. Mais il a fallu réécrire de nouveaux tangos et donc s'adapter à plusieurs
tempos pour reproduire des tangos de compétition. C'est un travail de documentation
sur un genre de musique.
Pour la séquence du long parcours à vélo, Bertrand Tavernier souhaitait utiliser "les
chanteurs de perles" de Bizet interprété par Tino Rossi. Le morceau ne convenait
pas assez, il fallait pouvoir mieux en jouer, broder autour. Antoine Duhamel a écrit un
arrangement pour orchestre symphonique pour venir se fondre à la musique,
l'amener et accompagner sa fin. L'enregistrement se fit en donnant une oreillette au
chef d'orchestre pour contrôler la chanson en dirigeant au bon tempo.
B La thématique et le timbre
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Ces deux paramètres peuvent être des éléments déterminants de l'association de la
musique à des points importants de l'histoire (personnages, thème au sens de
pensée, lieu, souvenir).
"L'écriture dérivative"
Le timbre c'est une sensation physique, concrète. Les propriétés spécifiques d'un
instrument, d'une voix, son âme se transmet au son. Si on peut relier une idée à une
autre en faisant apparaître un son au bon moment, peut-on être sûr que le bon
message va passer ? On a vu que l'expressivité et la valeur représentative d'un son
dépendaient de critères variables, historiques et culturelles. Si on ne peut donc pas
vérifier la réception parfaite du message, par contre on peut être sur que les vertus
sensitives de la musique servent au film, aussi bien grâce aux associations d'idées
liées au timbre qu'a l'organisation musicale, thématique. Par contre, nous sommes
plus ou moins réceptifs selon les individus, même selon l'humeur et la fatigue.
Le cinéma à su trouver dans la musique de film un intérêt pour la narration et
l'évocation.
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Dans l'histoire de la musique, les compositeurs quelles que soient leurs époques ont
naturellement étés conscients de leurs contextes, à l'écoute des oeuvres, du
message de ceux qui les ont précédés. L'idée même d'évolution de la musique se
construit grâce à l'écoute attentive des prédécesseurs; la connaissance des formes
musicales, de leurs propos, de leur pertinence.
Piochant dans l'univers de la musique, le compositeur de cinéma va devoir proposer
un schéma musical qui s'adapte à la narration d'un film. On a vu que le romantisme
ou post-romantisme et le poème symphonique avaient d'emblé occuper les salles de
cinéma muet à travers des catalogues de sensations. Que l'école de Steiner
associant la dramaturgie à un équivalent thématique ou orchestrale était devenue un
canon de musique de film. Ces réadaptations de forme musicales connues, remise
au goût du jour de l'héritage du passé se sont imposés naturellement car le cinéma
revendique son besoin de musique pour conduire l'intensité dramatique.
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Que faire avec cela ?
Lié au sens à travers les textures proposées, les thèmes peuvent signifier ce que
sont en train de vivre les personnages. Les couleurs et les rythmes peuvent raconter
les lieux.
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Le cinéma étant lui-même un art de cadence, d'organisation de segment de
narration, ce qui inclut l’idée de déroulement du temps, et par-là, de construction.
La musique lui est complémentaire et donne l’illusion de la durée.
3 «Lady Chatterley »
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Béatrice Thiriet est née à Paris le 4 mai 1960. Elle découvre sa vocation enfant.
Elle fait ses études au conservatoire de Versailles formé par Jean Aubain et Solange
Anconnat à la composition et l'analyse musicale. Sa formation de pianiste est dirigée
par Elena Varvarova et Mikhail Rudy.
C'est Pascale Ferran qui l'amène à écrire pour le cinéma en 1993 avec "Petits
arrangements avec les morts", puis "L'age des possibles" en 1994, aujourd'hui "Lady
Chatterley" sorti en salle en novembre 2006.
Elle participe à de nombreux projets dont des musiques pour films de télévision et
documentaires, oeuvres symphoniques, instrumentales, musiques de scène, un
opéra de chambre en 2001 " Nouvelles histoires d'elle" et un autre plus important en
préparation "Jours vénitiens".
Musique de film
Longs métrages
Documentaires, films TV
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Les Vilains : Xavier Durringer (1999), Prix de la meilleure fiction à Saint
Tropez.
Retiens la nuit : Dominique Cabrera (1998)
Long cours : Alain Tasma (1996)
Ricky : Philippe Setbon (1995)
Opéras
« Nouvelles Histoires d'Elle » (2001) Opéra de chambre (prix Nadia et Lili Boulanger
à l'Académie des beaux-arts).
Musique de scènes
Oeuvres Symphoniques
Oeuvres instrumentales
« Fortune Cookies » Quatre opus pour piano et Poésie Murmurée Interprétée par
Béatrice Thiriet
Disques
Bandes Originales
Lady Chatterley.
Petits arrangements avec les morts.
L'Age des possibles.
Air des Toiles.
Le Cœur des hommes.
L'autre côté de la mer.
Méfie-toi de l'eau qui dort.
Musique
Fortune cookies.
Vogel star.
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A Une éclatante réussite
L’écart entre leurs classes sociales respectives fait de leur rencontre une union
impossible mais le traitement évite au propos de se simplifier en mélodrame trop
évident. Les personnages prennent de l'ampleur, nous observons l’attention qui les
unis. Les signes de leurs classes sociales apparaissent à travers des hésitations
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dans leurs conversations, marqués par le respect, pourtant assez tendues. Des
réactions premières, bourrues de Perkin sont contenues avec attendrissement, son
étonnement sincère face à l’intérêt qu’elle lui porte insiste sur la délicatesse avec
laquelle il la voit.
La cinéaste raconte autre chose que le désir brutal ou l’amour vu à travers un ancien
modèle qui ne parviendrait pas à rendre compte avec sincérité, justesse de la
tendresse de leur histoire.
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"On peut faire ce qu'on veut en musique, c'est à dire avoir de la créativité sur
tous les plans" me dit Béatrice Thiriet à propos du rapport entre la musique et le film.
Les choix rendent compte d'un point de vue, l'ensemble des choix n'est pas
véritablement perçu par le spectateur, il est guidé.
Ici, il fallut environ deux mois pour concrétiser le dialogue entre la réalisatrice
et la musicienne. Pascale Ferran considère qu'il faut un rapport de confiance et de
grande compréhension avec le compositeur, pour que le travail soit fructueux.
Demander une musique originale c'est accepter de déléguer une part de l'écriture à
une autre individualité, d'où l'évidente nécessité qu'il y ait des atomes crochus.
41
La musique de ce film n'apparaît que lorsqu'elle est nécessaire, il ne fallait surtout
pas qu'elle soit subie. Le silence est d'ailleurs d'une grande qualité et accompagne
très bien le caractère sage et réfléchi de Constance.
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Comment la musique trouve-t-elle sa place dans le récit ?
La musique paraît très proche de Constance. En effet son émotion est subtilement
contenue dans la musique, et trouve sa place dans la délicatesse du traitement de
l'ensemble. A un moment, Constance se réveille en sursaut d'un cauchemar. Elle se
lève pour prendre un verre d'eau et observe la lune à sa fenêtre, deux notes tenus de
violons viennent soulever l'émotion de la scène.
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D Quelle est l'évolution de la musique dans le récit?
"C'est difficile de répondre et le mot évolution ne semble pas convenir. Ce n'est pas
une organisation linéaire ! Et je parlerai plutôt de révolution ! la musique dans Lady
Chatterley exprime des sentiments et des émotions très diverses, comme si elle
explorait en toute innocence, les nouvelles affections de Constance. La musique est
toujours en mouvement. comme « elle » vers « lui », « lui » vers « elle »., et la nature
qui sans arrêt bouge au rythme des saisons. Tout ça est très actif et s'accélère. puis
explose avec le générique fin que j'ai appelé « ouverture ». Vous voyez, je vous
parlais de révolution." Béatrice Thiriet
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4 Les nouvelles possibilités techniques
Alain Lacombe p 297 de "La musique de film" dans un article nommé "synthétiseur
cache misère".
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B En quoi ce matériel est-il utile au compositeur de cinéma ?
Les possibilités de traitement de l'audio offertes par les plug-ins permettent par
ailleurs de bénéficier d'un mixage très correct en home studio également, sans
matériel très cher comme consoles, effets pour traiter les pistes. De plus, comme
l'effet est virtuel il peut se multiplier sur les pistes de la session de travail à la
différence de l'appareil physique.
Donc pour les maquettes par exemples, les possibilités offertes par le MIDI sont très
vastes.
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B Ordinateur et synthèse du son
Les sons peuvent être créés soit de manière analogique à l'aide de circuits
électriques ayant un comportement continu, soit de manière numérique à l'aide de
circuits modélisant numériquement les formes d'ondes analogiques, ou bien encore
de manière mixte en exploitant ces deux possibilités.
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D Reason
exemple de logiciel
Ce logiciel se présente comme un rack sur lequel on inclut une console de mixage,
deux synthétiseurs (nommés "Subtractor" et "Malstrom") dont l'un fonctionne en
synthèse soustractive, quatre types différents de samplers, de nombreux effets et
processeurs de signaux (distorsion, réverbération, chorus, vocodeur...). Il est équipé
d'un séquenceur.
L'originalité de ce programme est qu'il permet de voir la façade arrière du rack virtuel,
afin de réaliser soi même le câblage entre les différents modules. Ceci permet
notamment l'utilisation d'entrées/sorties de paramétrage (contrôle de voltage ou CV,
permettant entre autres choses le contrôle de la hauteur des sons, du volume de
sortie du module, etc).
Reason est compatible MIDI en tant que contrôleur et en tant qu'élément contrôlé. Il
ne supporte par contre pas la technologie VST, cependant les instruments qui le
composent sont capables de créer tous types de sons. La technologie ReWire lui
permet d'être commandé par des séquenceurs compatibles avec ce protocole tel que
Cubase, Digital Performer ou encore Rebirth, le produit précédent de Propellerhead,
et de router jusqu'à 64 sorties virtuelles vers la table de mixage de destination.
48
49
5 Travaux personnels
Cette partie révèle mon intérêt pour la musique de film car j'ai eu l'occasion cette
année d'en créer sur deux fictions d'étudiants à IIIS . Il faut que je fasse brièvement
état de mon parcours musical pour pouvoir exposer mon approche. A l'heure actuelle
je peux difficilement me prétendre musicien. Je n'ai pas les connaissances
nécessaires en solfège ou dans la pratique d'un instrument pour cela; Je pratique
simplement la basse, le piano et Reason en amateur. Il faudra bien sûr, si je veux
faire autre chose que ces modestes essais reprendre tout à zéro. Néanmoins, je
pense que je n'oublierais pas la façon dont j'ai taché de comprendre la musique
d'une façon sensitive à travers ce travail, j'espère que mes réflexions sont apparues
comme pertinentes au lecteur même si l'écriture de la musique est survolée pour
plutôt parler de la place de la musique dans le film.
Les musiques que je présente ici ont toutes en commun la recherche d'une
simplicité, d'un message clair concentré dans une forme qui évolue en parallèle avec
le récit, tachant de donner une teinte émotionnelle juste, lié au ton du film. J'ai
essayé d'attirer l'attention sur un point de vue à chaque fois, en accord avec le
réalisateur. Comme le dit Béatrice Thiriet dans un état d'innocence par rapport au
résultat final, avec la conviction que "ça va marcher".
Je n' ai plus le regard objectif de celui qui se trouve confronté au film pour la
première fois. Ici je vais essayer d'avoir une vision claire de l'intérêt de ce travail, du
message réel de la musique par rapport à l'idée de départ. Les films sont bien sûr
mis à disposition du lecteur, Jeanne n'étant pas finie à l'heure du rendu ils figureront
dans le dossier après coup.
Films d'étudiants
L'histoire
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Un homme, la trentaine, nommé Paul accepte un boulot de détective privé pour
lequel il doit rester planqué dans un appartement, seul à guetter quelqu'un dans
l'immeuble d'en face.
Il se renferme dans son univers car l'enquête est inexistante. Il observe simplement
un homme qui tape à la machine. On apprendra que celui-ci s'est joué de lui. C'est
un écrivain qui garde le sujet de son récit en captivité et l'observe à son insu. Paul à
perdu la femme qu'il aimait en disparaissant du déroulement de sa vie.
La musique se propose d'accompagner le regard plein regrets de Paul sur sa vie :
Nous dit la voix off de Paul au début du film alors que nous observons son visage
fermé, fatigué.
Ce regard sur soi semble également guider la structure du récit qui se joue du
déroulement chronologique des événements.
Le film n'a pas été accueilli avec beaucoup d'intérêt par le jury de l'école et le public.
Les choix de réalisation et de mise en scène n'ont pas été partagés par l'équipe
pédagogique. Du coup l'ensemble des éléments de la mise en scène ne paraissent
pas suffisamment étoffés pour appuyer le propos. Mais il me semble que le point de
vue que nous avons essayé de faire passer dans le rapport sons musicaux /image
fonctionne dans le dispositif.
Ces deux musiques sont opposées, l'une naît de l'ennui de Paul, l'autre de son
excitation. Les deux sont encrés dans un malaise profond qui semble vouloir s'
exprimer lentement
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Le bouillonnement grave à été réalisé avec des résonances de piano montées au
mixage. Ces sons sont renversés, c'est à dire qu'ils commencent par la fin, le
chuintement finale de la sonorité et monte en intensité pour se chevaucher.
La première fois, on voit Paul, les yeux cernés, fatigués, déchirer avec désinvolture
la photo de l'homme qu'il surveille. La musique à l'aide de l'action semble s'attacher à
décrire le repli sur soi, le regard désespéré sur la situation de Paul . La clarté du
timbre ajoute de l'innocence au personnage, les silences rendent le ton triste et
nostalgique, comme aborder un souvenir douloureux. Cette musique est intrigante,
suggère l'attente car on ne sait pas encore à quoi l'associer précisément.
Elle apparaît de plus en plus longtemps au cours du film.
La deuxième fois elle illustre l'arrivée de Paul dans l'appartement. Elle est
effectivement liée à ce lieu, qui a détaché Paul du cours de sa vie.
Lorsque Paul revêt un bleu de travail pour se rendre chez l'écrivain sans être
reconnu la musique se développe et révèle une note tenue d'orgue électronique qui
annonce l'apparition de l'image de Paul dans le miroir, ce rapport du vu à l'entendu
semble apporter la possibilité de transmettre les propriétés sonores de l'orgue à la
destinée du personnage donc prépare à un événement dramatique sans qu'on y
prête attention. Il descend l'escalier. La musique s'arrête vite alors qu'il sort de
l'immeuble, elle n'a sa place que dans son univers.
D'ailleurs, elle semble appartenir à l'univers qu'il se crée lorsqu'il colle des photos
diverses, des invitations au voyage sur les murs de la chambre qu'il occupe. On
entend alors la musique se poser sur le montage de plans d'insert de ses photos, un
train à vapeur asiatique par exemple dont on entend la locomotive.
Cette musique n'apparaît que lorsqu'il est seul et dans un état de réflexion sur lui-
même, c'est le choix des moments à illustrer qui nous permet de lui attacher un sens.
Cette musique préexistait au film, elle a été refaite pour coller mieux au ton mais
l'écriture est la même. Cette musique seule me semble évoquer un mystère par sa
structure. L'attachement à quelque chose de perdu, un souvenir douloureux par la
tonalité et la clarté des sons.
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deviner, être perçue plus qu'imposée. Ces sons clairs demeurent intelligibles si on
les cache dans la bande son.
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Roberto et Maria… il possède des albums
entiers de ces couples anonymes.
Laure me dit avoir besoin d'une forme de son grave qui varie dans le temps pour
représenter les remous intérieurs des personnages à la manière de "Sexe,
Mensonges et Vidéos".
Pour moi, il y a alors un piège à ne pas éviter, celui de croire qu'une "nappe" comme
on dit servira au mieux le film sans qu'on l'accroche à une idée précise.
Pour Béatrice Thiriet, ce genre de chose c'est l'informe et l'occasion de mettre une
fausse tension et non du sens, de ne rien raconter.
A l'aide de Reason, qui émule comme on l'a dit des formes d'ondes à retravailler, je
cherche des sonorités qui soient vastes et sombres. Il y a dans l'histoire de cette
rencontre la question centrale du corps comme objet du désir. La peur d'être livré. Il y
a dans le calme de Jeanne une profondeur qui nous pousse à lui prêter des
sentiments.
La musique interviendra juste après que Jeanne ait vu les photos d'Etienne, la
laissant troublée, lors de la séquence où il prend des photos d'un couple en action.
La musique sur laquelle nous sommes tombés d'accord est très sombre et ainsi
correspond avec les photos que prend Etienne. La sonorité se rapproche d'un orgue,
de longs battements graves indiquent comme une idée noire persistante. Elle semble
montrer la présence d'un obstacle Cette musique évoque par moment un aspect
sacré, comme une prière. Laure me dit que sans la musique; la séquence paraissait
sèche; que la musique représente l'impact des photos, travaille dans le sens de la
projection de Jeanne vers l'univers d'Etienne.
La noirceur du développement alors qu'a l'image ont voit un couple qui s'aime le
rapproche de la mort et le met sur un piédestal, le temps est comme arrêté autour
d'eux. Je pense que cette musique se veut être une peur enfouie. Les sonorités
aiguës qui apparaissent lorsqu'elle l'embrasse intègre le flux musical dans le
déroulement du film, attache la musique au sens, nous pousse à faire un distinguo
très manichéen: l'aigu est une teinte d'espoir dans un univers noir.
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Conclusion :
Exemple de films qui m'ont incités à aborder ce sujet
"L’égal de Fellini par la luxuriance des images, de Tarkovski et Satyajit Ray par la
55
densité de la réflexion."
Gilbert Guez, Le Figaro, 19 mai 1986.
"Le jeune Alfonse Van Worden, capitaine de la garde wallonne du roi d’Espagne,
traverse les montagnes sauvages de la Sierra Morena pour se rendre à Madrid. Il fait
la connaissance, dans l’auberge où il passe la nuit, de princesses maures qui lui
dévoilent un mystère: il accomplira de grands exploits mais auparavant, il lui faudra
prouver son courage."
(commentaire au dos du DVD)
J’ai choisi ce film pour son imaginaire mais surtout pour la musique de Krystof
Penderecki. L’histoire se passe en Espagne au XVIIe siècle, un gentilhomme, garde
Wallonien est séduit par deux princesses Mores puis se réveille près d’une potence
dans la sierra. L’esthétique de Western Baroque : duel de gentilshommes,
chevauchés dans la Sierra, pendus ; s’allie au caractère fantastique du récit, aux
gravures cabalistes pour dresser un tableau surprenant.
Le propos ajouté par la musique est d’une grande pertinence. Dès l’ouverture du film,
une scène de bataille dans un village espagnol, la musique semble opérer une
lecture au second degré. "L’hymne à la Joie" de Beethoven illustre un plan fixe ou
l’on voit les obus tomber dans le passage des soldats en pleine débandade. L’un
d’eux court au combat en appelant des renforts, peine inutile. La musique contribue
alors à la mise en scène pour poser un contexte, la bataille ne semble être qu’un
décor pour démarrer l’histoire, le déroulement de la bataille ne semble pas avoir tant
d’importance à l’image des soldats. Cette musique évoque plutôt le rang des
officiers, les rires de la cour.
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"Dead Man" 1995 de Jim Jarmusch. Avec Johnny Depp
Jim Jarmusch justifie son choix d’avoir réaliser un western en disant que c’est un
genre ouvert à la métaphore. La rencontre d'une conception de la vie comme un
cycle comme celle que possède l'indien est un point d'appui pour la
musique,composé par Neil Young principalement à la guitare électrique.
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Dans la séquence de début, le personnage semble naïf et fin, ce qui ne convient pas
avec son voyage à l'ouest. Le bruit des rails dans cette séquence, la conversation
avec un passager mécanicien, le moment où les passagers se mettent à tirer sur des
bisons, par plaisir. Tout participe à ce qu'on sache à quel point le personnage se sent
à l'écart, les premières notes se font entendre en même temps que le train, des
frottements de cordes avec un "Delay", retard, écho au son généré par un effet.
Dans ces deux films, je trouve que le traitement musical de l'étrange est très
intéressant. Les bruissements de cordes de guitare qui commencent " Dead Man"
curieusement se rapprochent de la recherche de timbre, d'impact et de durée de
Penderecki. Les deux films illustrent tous deux l'idée qu'a la frontière du bruit et des
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sons musicaux se trouve le rêve et que ces essais rendent une parfaite sensation de
fantastique. D'autre part, ces films confient à la musique le rôle de montrer le rapport
à la mort du personnage, sa solitude face au destin . La ressemblance entre ces
films est loin d'être flagrante, à part dans le noir et blanc. Mais ils ont tous deux un
autre sens de lecture et d'interprétation. C'est le caractère mystique et spontané de
la musique, à la fois instinctive et très recherchée qui le rend visible, réalisé des
deux côtés par une individualité musicale qui m'a poussé à appuyer ma conclusion
des ces deux films.
Bibliographie
Liens internet
Audiofanzine.com
Cinempire.com
Cinezik.org
filmdeculte.com
Images.google.fr
Mac-music.org
Max-texier.ircam.fr
Michel-Chion.com
Malavidafilm.com
Samplecraze.com
Techno-id.com
Traxzone.org
Wikipédia.org
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Filmographie
"L'acrobate" 1975 de Jean-Daniel Pollet
"Dead Man" 1995 de Jim Jarmusch
"Dr Follamour" 1963 de Stanley Kubrick
"Eyes wide shut" 1999 de Stanley Kubrick
"Le Mépris" 1963 de Jean-Luc Godard
"Laissez-passer" 2001 de Bertrand Tavernier
"Mystic River" 2003Clint Eastwood
"Le manuscrit trouvé à Saragosse" 1964 de Wolkje Haas
"Pierrot le fou" 1965 de Jean-Luc Godard
"The shining" 1979 de Stanley Kubrick
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