Vous êtes sur la page 1sur 18

LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES

HANDICAPÉES VIVANT EN FRANCE : UNE EXPLORATION SECONDAIRE


DES ENQUÊTES HID

Patrick de Colomby

Fondation Nationale de Gérontologie | « Gérontologie et société »

2004/3 vol. 27 / n° 110 | pages 183 à 199


ISSN 0151-0193
DOI 10.3917/gs.110.0183
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2004-3-page-183.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Fondation Nationale de Gérontologie.


© Fondation Nationale de Gérontologie. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES
DES PERSONNES HANDICAPÉES VIVANT EN FRANCE :
Une exploration secondaire des enquêtes HID

PATRICK DE COLOMBY
LASAR (UNIVERSITÉ DE CAEN)
INSERM U569

Cet article analyse les relations familiales et les relations sociales qu’ont pu
créer et/ou maintenir les personnes handicapées vivant au sein d’établis-
sements spécialisés (institutions) ou à domicile (« ménages ordinaires ») et en
particulier l’évolution de la prévalence de ces relations en fonction de l’âge.
L’évaluation de la fréquence de ces relations, ainsi que l’analyse de l’influence
des facteurs socio-démographiques et environnementaux fera l’objet d’une
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


comparaison avec la population dite valide, cette dernière étant censée
représenter « l’étiage moyen » qui permet de mesurer et de quantifier les
écarts. Nous considérons en effet que toute mesure d’un désavantage, d’une
discrimination, d’une exclusion ou d’un déficit ne peut se faire dans l’absolu,
mais nécessite au contraire un ou plusieurs points de référence. Nous
reconnaissons humblement ici, qu’en ce faisant, nous avons, au moins pour
partie, cédé au présupposé dominant dans nos sociétés qui fait de la
« normalité » et de la « validité » la référence absolue du comportement social
et plus généralement humain. Cette dernière remarque pose alors le problème
même de la définition et du statut de la différence,
de « l’anormalité » ou de « l’infirmité » ; la portée de ce dernier débat excède
bien évidemment le strict cadre de cet article.

FAMILY AND SOCIAL RELATIONSHIPS OF DISABLED PEOPLE LIVING IN FRANCE


This article analyses the family and social relationships which disabled people may
have built up whilst living in specialised institutions or at home (“ordinary households”)
and in particular the extent to which these relationships prevail according to age.
The assessment of evolving relationships as well as the analysis of socio-demographic
and environmental factors is based on comparison with the so-called valid population
which is meant to represent “the average mark” by which to measure and quantify
difference. We consider that any assessment of prejudice, discrimination, exclusion or
deficit cannot be carried out in the absolute but, on the contrary, needs one or several
points of reference. We humbly admit that, in so doing, we have, to a certain extent,
succumbed to our societies’ prevailing supposition that “normality” and validity” are
the absolute points of reference as far as social, and more generally, human behaviour
is concerned. This raises the very issue of the definition and status of difference, of
“abnormality” and of “infirmity”; the impact of such a debate obviously goes way
beyond the confines of this article.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 183


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

Il s’agit ici d’analyser les relations familiales et plus généralement


les relations sociales des personnes handicapées vivant au sein
d’établissements spécialisés ou à domicile en comparaison avec la
population « valide ». Nous considérons en effet que toute mesure
d’un désavantage, d’une discrimination, d’une exclusion ou d’un
déficit ne peut se faire dans l’absolu, mais nécessite au contraire un
ou plusieurs points de référence. Cette considération explique que
nous ayons choisi de travailler dans une perspective comparative
tant entre les diverses populations dites handicapées qu’avec les
valides, ces derniers étant censés représenter « l’étiage moyen » qui
permet de mesurer et de quantifier les écarts. Nous reconnaissons
humblement ici, qu’en ce faisant, nous avons, au moins pour par-
tie, cédé au présupposé dominant dans nos sociétés qui fait de la
« normalité » et de la « validité » la référence absolue du comporte-
ment social et plus généralement humain. Cette dernière
remarque pose alors le problème même de la définition et du
1. Cf. H.J. Sticker : Corps statut de la différence, de « l’anormalité » ou de « l’infirmité » 1 ; la
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


infirmes et société.
Paris, Aubier, 1982. portée de ce dernier débat excède bien évidemment le strict cadre
de cet article.

HYPOTHÈSES DE TRAVAIL
Quatre hypothèses principales orientent cette recherche :

1. Le fait d’être porteur de déficiences et d’incapacités constitue un


obstacle à la possibilité d’avoir des relations sociales, affectives ou
sexuelles. Les causes de cet obstacle pouvant se trouver dans les
rôles sociaux attribués aux personnes handicapées, dans l’image
qu’a la société des personnes handicapées (que ce soit au niveau
des comportements supposés être induits par telle ou telle défi-
cience ou de la « désirabilité » de ces personnes auprès de l’opi-
nion) ainsi que dans les attitudes et la vision qu’ont les personnes
handicapées d’elles-mêmes, et donc la « place » qu’elles estiment
pouvoir occuper.

2. La nature de ces déficiences et de ces incapacités et leur gravité


(en termes de conséquence sur la vie quotidienne) sont des facteurs
susceptibles de moduler la possibilité d’avoir de telles relations.

3. Les conditions de vie qui sont faites à ces personnes influent sur
2. Goffman E. (1968). leur possibilité à avoir de telles relations. Nous supposons ici, selon
Asiles. Essai sur la condition
sociale des malades mentaux. l’hypothèse du sociologue d’E. Goffman 2 ; que vivre dans un éta-
Paris, Ed. de Minuit.
blissement spécialisé peut conduire à isoler la personne handica-
pée et donc à la faire rompre avec son « univers réel ou virtuel ».

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 184


4. A l’instar de ce qui a été constaté dans la plupart des enquêtes
portant sur la sociabilité et les relations sexuelles, « l’intensité » de
ces relations varie selon le sexe, l’âge, la position sociale et plus
généralement les caractéristiques démographiques et socio-éco-
nomiques des personnes. M. Forsé observe par exemple que l’in-
tensité de la sociabilité des individus augmente en fonction de
leur position sociale, et en raison inverse de leur âge 3. 3. M. Forsé, La sociabilité.
Economie et statistiques, 132,
1981, pp. 3948.
Les deux premières hypothèses reposent sur une étude de la litté-
rature spécialisée qui insiste sur l’isolement social et sexuel des per-
sonnes handicapées et décrit en général les déficients moteurs
comme « inhibés » et en retrait et les mentaux comme davantage
extravertis 4. Elles reposent également sur les notions de stigmates 4. Cf. P. de Colomby :
Handicap moteur et sexualité,
et d’usages sociaux du handicap de Goffman qui supposent que la une bibliographie commentée.
maladie, le handicap physique ou mental, l’internement ou l’in- Éditions du ctnerhi, 2003.

carcération peuvent laisser des « stigmates » susceptibles d’influer


sur la perception et le comportement social des personnes concer-
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


nées. Elles se rattachent également à ce que Bourdieu appelle
effets de structures qui renvoient aux contraintes et aux limitations
inhérentes à la position sociale des individus ou des groupes (qui
leur impose et conditionne leur possibilité de choix ou d’expres-
sion sociale).

L’hypothèse concernant les conditions de vie faites aux personnes


s’inspire très largement des travaux de Goffman concernant les ins-
titutions totales, travaux qui reposent principalement sur l’analyse
du fonctionnement de l’hôpital psychiatrique, étayée par la com-
paraison avec d’autres types d’institutions. Notons que dans cette
perspective nous élargissons l’hypothèse de Goffman en considé-
rant qu’un ménage ordinaire peut, sous certaines conditions, être
perçu comme un type particulier d’institution : il est en effet pos- 5. Dont par exemple :
sible que les membres du dit ménage tendent pour diverses rai- l’enquête Proches et Parents,
Hervé Le Bras, Catherine
sons allant de la « honte » au désir de protection à confiner et iso- Bonvalet, Dominique Maison,
Lionel Charles, 1990,
ler la personne handicapée de l’environnement extérieur. Cet l’enquête La formation des
isolement contribue bien évidemment à la raréfaction des relations couples. La découverte du
conjoint, Michel Bozon,
sociales et affectives. La famille, et par extension le ménage, doi- François Héran, 1984.
vent alors être considérés et étudiés comme une forme particulière Ajoutons également
l’exploitation déjà citée
d’institution. d’un sondage BVA de 1990
par M. Forsé.
L’hypothèse concernant la situation sociale et les caractéristiques 6. Nous pensons en
particulier aux enquêtes
socio-démographiques des personnes s’appuient sur les résultats ACSF de 1992 et KABP,
de différentes enquêtes réalisées en France ces vingt dernières réalisées périodiquement
depuis 1987.
années sur le thème de la sociabilité 5, 6.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 185


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

DÉFINITIONS ET CONCEPTS

LES PERSONNES HANDICAPÉES


Ni la loi de 1975, ni aucun autre texte officiel ne précisent les cri-
7. La COTOREP et les CDES
donnent cependant une
tères permettant de définir ce qu’est une personne handicapée 7.
définition « empirique » des Devant une telle absence, l’enquête « handicap, incapacité dépen-
personnes handicapées,
ouvrant droit à certaines aides dance » (Insee, 1998-2001), suivant en cela les propositions de la
ou allocations. classification internationale du handicap (CIH 1, organisation mon-
8. En 1980 l’oms publiait diale de la santé, 1980) 8, permettait de poser diverses définitions
un texte en anglais :
« International Classification des handicaps et de la personne handicapée.
of Impairments, Disabilities
and Handicaps. A manual of
classification relating to the
consequences of disease »).
Le choix de telle ou telle définition conduit à étudier des popula-
Ce texte, qui n’avait alors que tions différentes, tant par leurs tailles que par leurs caractéristiques
le statut d’une « classification
expérimentale », a fait l’objet sociodémographiques et de santé. Selon l’INSEE, tous âges con-
d’une traduction française par fondus, plus de 40 % des hommes et des femmes vivant en France
l’Inserm en 1988, sous le titre
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


« Classification internationale déclarent présenter au moins une déficience, 26,5 % disent avoir
des handicaps: déficiences,
incapacités et désavantages,
une incapacité dans leurs activités de la vie quotidienne, 7 % ont
un manuel des classification obtenu une reconnaissance administrative d’un handicap et 4,5 %
internationale des maladies ».
Cette traduction a été déclarent percevoir une allocation pour raison de santé, que cette
fortement contestée et n’a allocation provienne d’un organisme public ou privé (Tableau 1).
d’ailleurs jamais reçu l’aval
des instances européennes Ces chiffres concernent l’ensemble de la population, quels que
et internationales
soient l’âge (de 0 ans à 99 ans et plus) et le lieu de résidence des
personnes concernées (en ménage ordinaire ou en institution).

Tableau 1
Diverses approches du handicap dans l’ensemble de la population (tous âges et
lieux d’enquête confondus)

Part en % de personnes déclarant Hommes Femmes Ensemble


9. Il s’agit des personnes
inaptes à l’emploi, ou ayant Présenter au moins une déficience 38,3 42,4 40,4
dû l’abandonner, ou devant
avoir un emploi aménagé, Présenter au moins une incapacité 24,1 28,9 26,5
pour raison de santé (20 ans
ou plus).
Rencontrer un problème d’emploi 9 13,6 14,1 13,9
10. Proportion de personnes Recourir à des aides techniques 10,2 13,0 11,6
pour lesquelles on a reconnu Recourir à une aide humaine 7,7 12,7 10,3
officiellement un taux
d’invalidité ou d’incapacité, Etre titulaire d’un taux d’incapacité 10 8,3 5,3 6,8
que ce soit par la sécurité
sociale, les cotorep, les cdes,
Suivre un enseignement adapté 11 5,7 4,3 5,0
l’armée ou une compagnie Recevoir une allocation 5,9 3,2 4,5
d’assurance.
Etre aidé pour sortir 3,4 5,5 4,4
11. Parmi les 6 à 16 ans
scolarisés. Etre confiné au lit 0,3 0,7 0,5

Source : Pierre Mormiche, « Le handicap se conjugue au pluriel », Insee Première, n° 743, octobre 2000.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 186


Puisqu’il s’agit ici d’étudier des relations sociales, inscrites dans la
« vie courante » de ces personnes, nous avons choisi de mesurer le
handicap « en situation », c’est-à-dire par le nombre et le type d’in-
capacités (ou de difficultés) qu’éprouvent les individus dans leur
vie quotidienne, plutôt que par un indicateur d’inspiration plus
médicale (les déficiences) ou administrative (la reconnaissance offi-
cielle du handicap). Ces incapacités peuvent bien évidemment
être différentes, tant en nombre qu’en « type » (par exemple une
ou plusieurs incapacités de déplacement et une ou plusieurs inca-
pacités de cohérence ou d’orientation). De même, leur retentisse-
ment sur la vie des individus est également variable, toutes n’im-
pliquent pas ce que l’OMS définit comme des « handicaps » ou des
« désavantages ».

Selon que les personnes en situation d’incapacité résident dans


leur propre domicile, ou au sein d’établissements spécialisés, nous
parlerons de ménages ou d’institutions. Par contraste, les valides
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


représentent la portion de la population qui déclare ne ressentir
aucune difficulté ou incapacité, vivant en population générale.

Selon cette définition, 14 000 000 de personnes âgées de 20 ans et


plus déclarent présenter au moins une incapacité (ou une difficulté
importante) dans l’une ou l’autre de leurs activités de la vie quoti-
dienne. Parmi celles-ci 600 000 vivent au sein d’institutions spé-
cialisées et 13 600 000 en ménages ordinaires. En d’autres termes,
en France, 95 % des personnes handicapées vivent dans leur
propre logement et 5 % en institution.

LES RELATIONS FAMILIALES


L’enquête renseigne sur les contacts qu’entretiennent les per-
sonnes interrogées avec divers membres de leur entourage fami-
lial (parents, fratrie, conjoint, enfants). L’enquête fournit également
des informations sur la fréquence des rencontres et l’éloignement
géographique de la famille proche.

LES RELATIONS SOCIALES


Nous appelons « relations sociales » les contacts avec divers types
de personnes, dont la famille éloignée (ou, le cas échéant, la
famille d’accueil), les voisins, les collègues et les amis, bien que ces
relations puissent avoir une dimension affective. Ajoutons ici que

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 187


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

l’enquête auprès des personnes handicapées en institution posait


également une question permettant de savoir si les répondants
s’étaient fait des amis au sein même de l’établissement. Cette com-
posante de la sociabilité fait bien évidemment partie intégrante de
cette étude. Le détail des questions posées dans l’enquête HID ne
permet pas de dessiner le réseau social des personnes : on ne sait
pas, par exemple, le nombre de personnes concernées, ni le type
de rapports entretenus.

LES CARACTÉRISTIQUES DES POPULATIONS

SEXE, ÂGE ET INCAPACITÉS

Les personnes en situation d’incapacité sont en moyenne plus


âgées en institution qu’elles ne le sont en ménage, ces dernières
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


étant elles-mêmes plus âgées que les valides (Tableau 2).

Par ailleurs, les femmes handicapées sont plus âgées que leurs
homologues masculins, alors que le rapport d’âge est équilibré
chez les valides.

Tableau 2
Age moyen selon le lieu d’enquête et le sexe

Personnes ayant au moins une incapacité Valides


Institution Ménage
Hommes
Moyenne 64,8 58,4 42,2
Médiane 71 61 40
Mode 33 74 71
Femmes
Moyenne 79,2 62,5 42,8
Médiane 85 66 40
Mode 88 79 71
Les 2 sexes
Moyenne 74,5 60,7 42,5
Médiane 83 63 40
Mode 85 74 71
Champ : Population âgée de 20 ans et plus.
Source : HID.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 188


Aux âges élevés, les femmes sont proportionnellement plus nom-
breuses que les hommes à déclarer être en situation d’incapacité,
alors que ce sont les hommes pour les autres tranches d’âge. Cette
situation est plus marquée dans les institutions qu’en ménage.

Les caractéristiques de santé des hommes et des femmes en situa-


tion d’incapacité diffèrent sensiblement selon qu’elles résident en
institution ou en ménage. A titre d’exemple, la moyenne du score
d’incapacité, qui représente en quelques sortes le degré de diffi-
culté qu’éprouvent les personnes est toujours largement supérieur
en institution à ce qu’il est en ménage (Graphique 1).

Graphique 1
Moyenne du score d’incapacité

45

40 Institution
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


35 Ménage

30

25
20

15

10
5
0
20 - 29 ans 30 - 49 ans 50 - 65 ans 66 - 75 ans 76 - 85 ans 86 ans et +

Champ : Hommes et femmes de 20 ans et + ayant au moins une incapacité


Source : HID

Ces différences d’état de santé entre ménage et institution se reflè-


tent également si l’on observe la proportion de dépendants psy-
chiques 12 entre les deux lieux d’enquête. Si, la moitié au moins 12. Nous définissons la
dépendance psychique à
des résidents des institutions présente une dépendance psychique, partir de l’interprétation de
l’indice EHPA.
cette proportion n’excède jamais 25 % en ménage ordinaire
(Tableau 3). De même, si les proportions de personnes confinées
dans leur chambre varient de 0,3 % pour les 20-29 ans à 6,5 %
pour les plus de 85 ans au sein des ménages, ces pourcentages
vont de 3,6 % à 30,2 % au sein des institutions.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 189


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

Tableau 3
Proportion de personnes dépendantes psychiques ou confinées au mieux
à la chambre (en pourcentage)

Dépendants psychiques Confinée au lit au fauteuil


ou dans la chambre
Institution Ménage Institution Ménage
20-29 51,4 17,3 3,6 0,3
30-49 53,8 10,6 4,1 0,1
50-65 43,7 13,0 8,9 0,3
66-75 49,1 10,9 17,6 0,7
76-85 51,6 11,8 24,5 1,4
86 et + 57,4 24,6 30,2 6,5
Total 53,2 12,6 21,5 0,9
Champ : Hommes et femmes de 20 ans et + ayant au moins une incapacité.
Source : HID.
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


NIVEAU SOCIO-CULTUREL

Les disparités d’état de santé que nous venons de souligner se


doublent de différences de niveau social et culturel. Nous pou-
vons, par exemple, observer que, quel que soit le lieu d’enquête,
les personnes en situation d’incapacité sont moins fréquemment
titulaires d’un diplôme reconnu par l’Éducation Nationale que les
valides. De plus, les personnes handicapées vivant en institution
sont elles mêmes moins souvent diplômées que leurs homologues
vivant en ménage (Graphique 2).

Ces disparités de niveau socio culturel entre ménage et institution


s’illustre particulièrement bien si l’on étudie le fait de déclarer
savoir couramment lire (Graphique 3). Nous pouvons en effet
constater que s’il n’existe que des différences minimes entre les
personnes en situation de handicap vivant en ménage et les
valides. La situation se présente de manière très différente au sein
des institutions où le pourcentage d’analphabètes est nettement
plus élevé. Remarquons également que les disparités entre les
handicapés vivant en ménage et les valides d’une part et ceux en
institution d’autre part s’atténuent avec l’âge des répondants.
Cette constatation renvoie aux raisons mêmes qui ont causé la
décision de placement en établissement (le handicap proprement
dit ou le vieillissement), ainsi qu’à l’âge auquel ce placement est
survenu.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 190


Graphique 2
Avoir un diplôme validé par l’Education Nationale

100,0
90,0 ▲ ▲
▲ ▲
80,0
▲ ▲
70,0
60,0
50,0
40,0
30,0 Institution
20,0 Ménage
10,0
▲ Valides
0
20 - 29 ans 30 - 49 ans 50 - 65 ans 66 - 75 ans 76 - 85 ans 86 ans et +
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


Champ : Population de 20 ans et +
Source : HID.

Graphique 3
Savoir couramment lire

120,0

100,0 ▲ ▲ ▲ ▲ ▲ ▲

80,0

60,0

40,0 Institution
Ménage
20,0 ▲ Valides

0,0
16 - 29 ans 30 - 39 ans 50 - 65 ans 66 - 75 ans 76 - 85 ans 86 ans et +

Champ : Population de 16 ans et +


Source : HID.
...
...

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 191


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

LES RELATIONS FAMILIALES

EXISTENCE D’UN RÉSEAU FAMILIAL


Les personnes en situation d’incapacité vivant en institution sem-
blent moins fréquemment avoir un réseau familial que celles
vivant en ménage ordinaire et que les valides. Si, par exemple,
70 % des hommes handicapés de 66-75 ans vivant en institution
affirment avoir soit un père, une mère, un frère ou une sœur, un
conjoint (de droit ou de fait) ou un enfant en vie, cette proportion
s’élève à plus de 98 % au sein des ménages ou chez les valides
(Tableau 4). Notons ici que le « déficit » que l’on constate en insti-
tution reste valable quels que soient le sexe et l’âge des répon-
dants ainsi que le type de parent considéré.

Tableau 4
Existence d’un réseau familial (au moins une incapacité)
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


Personnes ayant au moins une incapacité Valides
Institution Ménage
Hommes
20-29 92,0 99,9 99,9
30-49 85,8 99,8 99,5
50-65 80,8 96,6 99,9
66-75 70,3 98,4 99,8
76-85 76,8 97,7 94,0
86 et + 77,6 94,8 90,4
Total 79,6 98,1 99,6
Femmes
20-29 92,8 99,3 100,0
30-49 89,4 98,1 100,0
50-65 77,4 99,2 99,7
66-75 79,3 97,4 99,1
76-85 79,7 94,2 94,1
86 et + 72,1 89,3 100,0
Total 77,0 96,9 99,8
Source : HID.

Les résultats d’analyses factorielles confirment que la probabilité


d’avoir un réseau familial décroît avec l’âge des répondants et ce
quel que soit le lieu d’enquête. Cette probabilité ne semble par
contre ne pas être liée au sexe des répondants. Par ailleurs, le fait
d’être lourdement handicapé est un facteur défavorisant l’existence

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 192


d’un réseau familial. Enfin, le niveau socio culturel joue un rôle im-
portant, en ce sens que « savoir lire couramment » augmente signi-
ficativement la probabilité d’avoir actuellement un réseau familial.

Un dernier point à signaler ici est le fait que d’avoir répondu seul
à l’enquête semble favoriser la possibilité de déclarer avoir une
parentèle au sein des institutions, mais défavoriser cette même
possibilité au sein des ménages. Cette constatation pose donc le
problème de la prise en charge des personnes handicapées, du
degré d’indépendance ou d’autonomie qui leur est concédé.

LES CONTACTS AVEC LA FAMILLE


Comme nous l’avons vu, les personnes en situation d’incapacité
vivant en institution sont proportionnellement moins nombreuses
à avoir une famille proche que celles vivant en ménage ou que les
valides. Mais cependant, l’existence de contacts avec la parentèle
(pour ceux qui en ont une) est quasiment aussi fréquente en insti-
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


tution qu’en ménage ou chez les valides (Tableau 5). Cependant,
en institution ces contacts sont plus espacés qu’au sein des
ménages 13. 13. Mormiche P.,
« Le handicap se conjugue
au pluriel », Insee-Première
n° 742, oct. 2000.
Tableau 5
Existence de contacts avec la famille (si réseau familial)

Personnes ayant au moins une incapacité Valides


Institution Ménage
Hommes
20-29 91,6 74,3 82,4
30-49 85,4 90,9 87,1
50-65 70,8 85,3 90,3
66-75 73,6 85,0 84,7
76-85 81,5 80,9 81,9
86 et + 87,6 75,5 84,5
Total 82,0 84,9 86,4
Femmes
20-29 89,9 96,4 87,4
30-49 85,5 92,6 89,2
50-65 80,3 80,3 84,8
66-75 82,1 84,6 80,9
76-85 90,6 81,1 85,0
86 et + 90,4 85,6 82,6
Total 88,7 85,1 87,2
Source : HID.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 193


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

Les régressions logistiques que nous avons effectuées indiquent


que les femmes handicapées vivant en institution ont, toutes
choses égales par ailleurs, une probabilité supérieure à celle des
hommes de déclarer avoir des contacts avec leur famille proche,
phénomène qui ne se retrouve ni en ménage, ni chez les valides.
Par ailleurs, au sein des institutions, la probabilité d’avoir des
contacts familiaux diminue régulièrement de 20 à 50 ans pour ré
augmenter à partir de 76 ans. Cette constatation, que l’on ne
retrouve ni en ménage, ni chez les valides pose alors le problème
des raisons même de l’institutionnalisation, qui pour les plus âgés
sont davantage liées à des problèmes de vieillissement et de perte
d’autonomie que de handicap proprement dit, ainsi que de l’âge
atteint à l’entrée en institution et donc de la possibilité d’avoir
vécu (ou de vivre) en couple et d’avoir constitué une famille.

On ne peut, par ailleurs, distinguer un quelconque effet ni du


nombre, ni du type d’incapacités sur l« existence de contacts avec
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


la parentèle.

Notons de plus que le fait de savoir lire couramment, donc d’avoir


un certain niveau socio culturel favorise le maintien des relations
familiales.

LES CONTACTS EXTRA-FAMILIAUX

Les contacts fréquents avec des amis, des voisins, des collègues ou
des membres de la famille éloignée (ou d’accueil) sont deux fois
plus rares en institution qu’ils ne le sont pour les personnes en
situation d’incapacité au sein des ménages ou que pour les
valides. Par exemple, seuls 33 % des hommes âgés de 66 à 75 ans
résidant en institution affirment avoir ce type de relation, contre
79 % de ceux vivant en ménage et 76 % chez les valides (Ta-
bleau 6).

Les femmes institutionnalisées paraissent avoir une probabilité


supérieure à celle des hommes d’avoir une sociabilité extra fami-
liale, ce qui est l’inverse de ce que nous constatons au sein des
ménages où les hommes ont plus fréquemment conservé des rela-
tions extra familiales.
...
...
Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 194
Tableau 6
Contacts extra familiaux

Personnes ayant au moins une incapacité Valides


Institution Ménage
Hommes
20-29 40,3 95,3 89,7
30-49 32,1 80,5 85,9
50-65 30,9 89,2 79,1
66-75 33,0 79,2 75,9
76-85 42,6 76,6 83,3
86 et + 47,0 77,4 77,0
Total 38,0 83,1 84,7
Femmes
20-29 44,8 90,0 93,1
30-49 35,8 78,9 85,9
50-65 38,7 74,3 89,3
66-75 39,7 82,1 82,5
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


76-85 42,1 81,4 82,6
86 et + 45,7 76,2 79,0
Total 43,0 79,2 88,0
Source : HID.

Alors qu’en ménage la prévalence des contacts extra familiaux


diminue au fil de l’âge des répondants, elle semble au contraire
augmenter au sein des institutions. A titre d’exemple si 35 % des
personnes en situation d’incapacité âgées de 50 à 65 ans et rési-
dant en établissement spécialisé déclarent avoir des contacts fré-
quents avec des relations, cette proportion s’élève à près de 45 %
chez les plus de 86 ans. Cette moindre sociabilité des personnes en
institution pose alors la question des raisons même du placement
en établissement (au-delà d’un état de santé et donc d’une dépen-
dance, les institutions récupèreraient en quelque sorte les indivi-
dus les plus vulnérables, donc les plus isolés). Elle interroge aussi
sur les conditions de vie faites aux résidents en particulier sur tout
ce qui concerne la possibilité de recevoir des amis ou des proches.

Tant en institution qu’en ménage ou chez les valides, la probabi-


lité d’avoir des relations amicales ou sociales est maximale avant
30 ans, il est cependant remarquable qu’au sein des établisse-
ments d’accueil cette probabilité redevient supérieure à la
moyenne à partir de 75 ans. Comme précédemment, ce point ren-
voie à la dialectique entre études sur le handicap et études sur le

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 195


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

vieillissement : si nous supposons, à l’instar de Goffman que les ins-


titutions « fonctionnent » selon leurs propres logiques et leurs
propres besoins, qu’elles ne permettent donc pas à leurs résidents
de mener une vie sociale « normale », les raisons et surtout l’âge
atteint à l’entrée en institution prennent alors toute leur impor-
tance, en ce sens que les personnes concernées ont sans doute pu
constituer un réseau amical ou social avant l’hébergement en éta-
blissement.

En institution, la possibilité de maintenir des relations extra fami-


liales est liée au degré d’incapacité, ce que l’on ne retrouve pas au
sein des ménages. Par ailleurs, présenter des difficultés de cohé-
rence et/ou d’orientation minorent la probabilité de maintenir des
relations sociales au sein des ménages, tendance que l’on ne
retrouve pas dans les institutions.

Enfin le fait de savoir lire, tout comme celui d’avoir répondu seul
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


et sans aide à l’entretien favorisent la possibilité d’avoir des rela-
tions amicales et sociales.

LES CONTACTS INTERNES


AUX INSTITUTIONS

La relative rareté des relations extra familiales au sein des établis-


sements, ainsi que la moindre existence d’un réseau familial chez
les personnes institutionnalisées ne semblent pas pouvoir être
compensée par une sociabilité interne aux établissements.
Remarquons en effet que moins de la moitié des résidents décla-
rent s’être fait des amis au sein de l’institution (Tableau 7).

Tableau 7
S’être fait des amis dans l’institution

Hommes Femmes Ensemble

16-29 62,1 64,6 63,2


30-49 58,7 59,3 58,9
50-65 52,6 55,5 53,8
66-75 45,7 47,8 46,9
76-85 40,9 43,7 43,0
86 et + 38,5 37,0 37,3
Total 48,2 43,1 44,7
Source : HID.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 196


« Toutes choses étant égales par ailleurs », la sociabilité interne aux
établissements semble être très légèrement plus masculine que
féminine et augmenter en fonction de l’âge des répondants. Les
personnes présentant le moins d’incapacités tout comme d’ailleurs
celles en présentant le plus ont une probabilité moindre que la
moyenne de s’être fait des amis au sein de leur établissement d’ac-
cueil.

Les difficultés ou les incapacités liées à la mobilité ou à la cohé-


rence diminuent la probabilité d’avoir établi des relations internes
à l’institution. Par contre le fait de savoir lire favorise ce type de
relation.
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


Devant l’absence de définition consensuelle de ce qu’est une per-
sonne handicapée, le choix de tel ou tel critère revient à étudier
des groupes dont la taille et les caractéristiques diffèrent sensible-
ment. Rappelons ici que si plus de 40 % des habitants de l’hexa-
gone affirment présenter au moins une déficience, le quart seule-
ment déclare souffrir de difficultés ou d’incapacités dans leurs
activités quotidiennes et 7 % bénéficier d’une reconnaissance offi-
cielle de leur handicap. Par ailleurs, la « condition » même de han-
dicapé diffère selon que les personnes résident en institution ou en
ménage. Ces différences s’entendent bien évidemment en terme
d’état de santé (les personnes résidant en institution sont en effet
plus lourdement handicapées que celles vivant en ménage), mais
aussi en termes sociodémographiques et culturels, en ce sens que
les personnes en situation d’incapacité vivant en ménage sont en
moyenne plus diplômées que celles vivant en institution, et ce
quels que soient l’âge et le sexe des répondants. Les personnes
handicapées vivant en ménage ont de même des revenus plus
élevés et sont plus nombreuses à occuper (ou à avoir occupé un
emploi) que celles vivant en institution. A l’inverse, le pourcentage
de personnes placées sous un régime de protection juridique est
inférieur en ménage à ce qu’il est en institution.

Le « handicap » ne revêt pas la même signification selon la géné-


ration à laquelle les répondants appartiennent. Même si elles sont
plus nombreuses, les difficultés et donc la dépendance physique

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 197


LES RELATIONS FAMILIALES ET SOCIALES DES PERSONNES…

ou psychique que présentent les personnes âgées sont le plus sou-


vent dues au vieillissement. En d’autres termes, le handicap est
apparu progressivement et ces personnes ont donc eu la possibi-
lité de mener une vie sociale et familiale identique à celle des
valides. Ce cheminement s’oppose le plus souvent à celui des plus
jeunes, soit qu’ils soient handicapés de naissance, soit qu’un acci-
dent ou un traumatisme ait conduit à une rupture brutale avec
leur vie antérieure.

Par rapport tant aux ménages qu’aux valides, résider en institution


s’accompagne d’un isolement familial et social, ce qui semble
confirmer les hypothèses de Goffman. A titre d’exemple, le pour-
centage de personnes déclarant avoir une famille proche diminue
régulièrement avec l’age des répondants, ils sont toujours nette-
ment inférieurs au seins des établissements spécialisés en compa-
raison avec les ménages ordinaires, lesquels ne se distinguent pra-
tiquement pas des valides. Notons toutefois que les contacts avec
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


la famille (pour les personnes en ayant une) semble exister aussi
fréquemment en institution qu’en ménage ou chez les valides. Le
déficit que nous constatons au sein des établissements pose alors
la question de savoir si le fait d’avoir un environnement familial et
social ne permettrait pas aux personnes déficientes de rester à
domicile, les institutions « récupérant » en quelque sorte les indivi-
dus les plus isolés donc précarisés. Cette dernière hypothèse n’ex-
clut toutefois pas que les établissement spécialisés contribuent par
eux-mêmes à l’isolement des personnes qui y résident. Un précé-
14. Cf. P. de Colomby et dent travail que nous avons mené sur les institutions 14 montrait en
A. Giami : Relations socio-
sexuelles des personnes effet que les liens affectifs et sociaux s’estompent en fonction de la
handicapées vivant en
institution (op. cit.). durée totale de vie en institution. Ce travail montrait également
que le type et la taille des établissements, les caractéristiques de
l’hébergement qu’ils proposent et leurs caractéristiques réglemen-
taires (possibilité d’inviter des amis dans l’institution, y compris
pour y dormir, de disposer d’une ligne téléphonique ou de pou-
voir s’isoler avec un partenaire, par exemple) avait une influence
sur la possibilité d’avoir des relations familiales et sociales.

Par ailleurs, la prévalence des contacts sociaux qu’ont pu nouer


(ou conserver) les personnes handicapées vivant en institution est
toujours inférieure à ce qu’elle est en ménage ou chez les valides.
Il semble par ailleurs que cette prévalence, maximale chez les 20-
29 ans quel que soit le lieu d’enquête, diminue régulièrement en
raison de l’âge tant en ménage que chez les valides alors qu’elle

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 198


remonte peu à peu à chez les plus de 65 ans en institution. Cet iso-
lement des résidents des établissements spécialisés n’est pas com-
pensé par une sociabilité interne puisque seuls 40 % des répon-
dants en institution déclarent s’y être fait des amis.

Alors qu’en ménage, tout comme chez les valides la sociabilité,


tant familiale que sociale semble diminuer avec l’âge, sa préva-
lence augmente de nouveau à partir de 65 ans au sein des insti-
tutions. Cette constatation pose alors le problème de l’âge auquel
sont apparues les incapacités ou les difficultés liées à l’état de santé
des personnes concernées et donc de l’âge à l’entrée en institution.
Les personnes âgées ont, pour la plupart, eu une vie « valide »,
donc eu la possibilité de nouer des relations amicales ou sociales
et de fonder une famille ; les liens ainsi tissés se conservant avec le
temps. De plus de précédents travaux menés par notre équipe ten-
daient à prouver que les établissements accueillant des personnes
âgées offrent à leurs résidants davantage de facilités pour recevoir,
© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)

© Fondation Nationale de Gérontologie | Téléchargé le 02/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 42.119.191.116)


voire même héberger des personnes extérieures que les autres
types d’institution.

Gérontologie et Société - n° 110 - septembre 2004 page 199

Vous aimerez peut-être aussi