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simplement identifié par un tatouage permettant d’assurer sa traçabilité. En refusant
d’entraver la circulation de cette œuvre, les éditions Robert Laffont misent sur la
responsabilité de leurs lecteurs. Il ne peut y avoir de création sans financement. Si vous
disposez d’une version piratée de ce livre numérique, nous vous invitons à l’acheter sur le
site d’un e-libraire.
LA MÉTHODE
TOOLS
LES OUTILS
POUR TRANSFORMER
VOS DIFFICULTÉS
EN CONFIANCE EN SOI,
JOIE DE VIVRE
ET FORCE INTÉRIEURE
PHIL STUTZ
ET
BARRY MICHELS
ROBERT LAFFONT
Titre original :
THE TOOLS
PHIL STUTZ
du plus haut rang, qui m’a appris à vivre avec grâce, courage et amour.
BARRY MICHELS
On peut retirer de doux fruits de l’adversité ; telle que le crapaud horrible et
WILLIAM SHAKESPEARE,
BENJAMIN FRANKLIN
Préface
Peu de temps après que j’eus commencé à dispenser mes propres séminaires, un jeune type
nommé Barry s’y est présenté. Un peu hésitant, il s’est dit thérapeute, mais la précision des
questions dont il me bombardait m’a plutôt fait penser à un homme de loi. En tout cas, c’était
Ce n’est pas ce qui m’a incité à lui répondre, toutefois. Jamais je ne me suis laissé impressionner
par l’intelligence ou le CV de qui que ce soit. Ce qui m’a frappé chez lui, c’était l’enthousiasme, le
fait qu’il se mettait à essayer les outils à peine rentré chez lui. Peut-être que je me leurrais, mais
j’avais le sentiment de me trouver face à quelqu’un qui venait enfin de trouver ce qu’il avait
longtemps cherché.
Puis il m’a posé une question qu’on ne m’avait encore jamais posée.
« Je me demandais... qui vous a appris tout ça..., les outils, etc. Je n’ai jamais rien trouvé
Je n’étais pas certain de devoir lui dire d’où me venaient vraiment mes méthodes. L’histoire est
assez peu ordinaire, mais comme le type semblait avoir l’esprit assez ouvert, j’ai répondu à sa
question. Cela avait commencé avec mes tout premiers patients, et plus particulièrement l’un
d’entre eux.
Tony était un jeune interne en chirurgie à l’hôpital où je faisais moi-même mon internat en
psychiatrie. Contrairement à beaucoup de chirurgiens, il n’était pas arrogant ; en fait, quand je l’ai vu
pour la première fois rôder près de la porte de mon bureau, il avait un air de souris prise au piège.
Comme je lui demandais ce qui n’allait pas, il m’a répondu : « Je m’inquiète au sujet d’un examen
que je me prépare à passer. » Il tremblait comme si l’épreuve allait avoir lieu dix minutes plus tard,
alors qu’elle ne devait avoir lieu que dans six bons mois. Les examens lui avaient toujours fait peur –
J’ai interprété son cas comme on m’avait enseigné à le faire. Son père avait fait fortune dans le
nettoyage à sec, mais il avait auparavant abandonné ses études et restait habité d’un profond
sentiment d’infériorité. Apparemment, il souhaitait que son fils devienne un grand chirurgien pour
vivre une certaine réussite par procuration. Mais plus profondément, son manque d’assurance était
tel que l’idée de voir son fils le surpasser constituait pour lui une menace. Cela expliquait que Tony
soit inconsciemment terrifié à l’idée de réussir : son père allait le considérer comme un rival et ne
manquerait pas de le lui faire savoir. Échouer à ses examens était pour lui un moyen de rester à
l’abri. Telle était en tout cas l’analyse à laquelle me conduisait la formation que j’avais reçue.
Quand j’ai livré cette interprétation à Tony, il s’est montré sceptique. « Ça semble tout droit
sorti d’un manuel théorique. Mon père ne m’a jamais poussé à rien pour son propre bénéfice. Je ne
peux pas lui coller mon problème sur le dos. » Au départ, ça a quand même paru fonctionner ; Tony
semblait aller mieux et faisait état d’un mieux-être. Mais à l’approche du grand jour, ses symptômes
ont resurgi. Il a voulu remettre l’examen à plus tard. Je lui ai assuré que ce n’était que la peur
inconsciente de son père. Il lui suffirait d’en parler pour la faire reculer. C’était la méthode
traditionnelle, elle avait fait ses preuves. J’étais si sûr de moi que je lui ai promis qu’il réussirait à son
examen.
Nous avons eu une dernière séance après ça. Tony avait toujours l’air d’une souris prise au
piège, mais la souris était à présent en colère. Ses paroles ont remué quelque chose en moi. « Vous
ne m’avez pas donné de méthode réelle pour combattre la peur. En me faisant constamment parler
de mon père, vous m’avez lancé à l’assaut d’un gorille avec un pistolet à eau. Vous m’avez trahi. »
Cette expérience avec Tony m’a ouvert les yeux. J’ai compris à quel point un patient peut se
sentir impuissant quand il affronte un problème tout seul. Ce qu’il fallait, c’était quelque chose qui lui
donne le moyen de faire front. Cela ne se trouve pas dans les théories et les explications ; il faut
trouvait dans un certain état de souffrance – dépression, panique, rage obsessionnelle, etc. Il me
suppliait de lui procurer un moyen de supprimer cette souffrance et je ne savais pas du tout
comment l’aider.
J’avais aussi déjà fait personnellement l’expérience du sentiment d’échec. Enfant, j’avais adoré le
basket, et mes camarades de jeu étaient meilleurs que moi, et plus grands (en vérité, à peu près tout
le monde était plus grand que moi). Cela m’avait valu beaucoup de désillusions, mais la solution
existait et elle était simple ; puisque je jouais mal, il me fallait m’entraîner plus. À présent, c’était
différent. Comme j’avais perdu la foi dans ce qu’on m’avait appris de la thérapie, s’entraîner ne
J’avais été formé à la psychothérapie par une kyrielle d’individus brillants et consciencieux.
Malgré une sincérité et un dévouement irréprochables, mes superviseurs n’en ont pas moins
attribué mes interrogations au manque d’expérience. Ils m’ont expliqué que la plupart des jeunes
thérapeutes rencontraient le doute, mais qu’ils finissaient avec le temps par apprendre que la
thérapie n’avait qu’une portée limitée. C’est en acceptant ces limites qu’ils cessaient de trop s’en
vouloir personnellement.
Je n’aurais pas de répit tant que je ne serais pas en mesure d’offrir aux patients ce qu’ils
réclamaient : des armes pour se battre. J’ai résolu de trouver une façon d’y parvenir, quels que
soient les chemins à suivre. Avec le recul, cette décision m’apparaît comme l’aboutissement d’un
Cette année-là, mon frère de trois ans avait succombé à une forme rare de cancer. Mes parents,
qui étaient dotés de ressources émotionnelles limitées, ne s’en sont jamais remis. Un nuage
d’accablement s’est posé sur eux. Mon rôle au sein de la famille a changé. Ils ont placé tous leurs
espoirs en moi – comme si j’avais détenu un pouvoir particulier me permettant de chasser le nuage.
Chaque soir, à son retour du travail, mon père s’installait dans son rocking-chair et se rongeait les
sangs.
Assis par terre près de lui, je l’écoutais m’avertir que son affaire risquait à tout moment de faire
faillite (il disait « couler »). Il me posait des questions du genre : « Tu crois que tu pourrais te
contenter d’un seul pantalon ? » ou « Et si nous devions tous occuper la même chambre ? » Aucune
de ses craintes n’était fondée ; c’est juste qu’il n’avait pas trouvé de meilleure manière d’exprimer sa
terreur de voir de nouveau la mort frapper à notre porte. J’ai pris conscience, dans les années qui
ont suivi, que ma mission consistait à le rassurer. De fait, j’étais devenu le psy de mon père.
On ne peut pas dire que je me représentais les choses de cette façon, car je ne me les
représentais pas du tout. J’étais instinctivement animé par la crainte, si je refusais ce rôle, que
l’accablement nous submerge tous. Pour fantaisiste que cela puisse paraître, cela me semblait
parfaitement vrai alors. Le fait d’avoir subi ce genre de pression durant l’enfance m’a donné de la
force quand, devenu adulte, je me suis frotté à de vrais patients. À la différence de beaucoup de mes
confrères, je n’étais pas intimidé par leurs exigences. Je tenais ce rôle depuis déjà près de vingt ans.
Mais toute ma volonté d’apaiser leurs souffrances ne signifiait pas pour autant que je savais
comment faire. Je n’étais sûr que d’une chose : j’étais seul. Il n’y avait pas de livre à lire, pas de
spécialiste à contacter, pas de formation à suivre. Je n’avais pour guide que mon instinct. Je l’ignorais
encore, mais c’est lui qui allait me conduire vers une nouvelle source de savoir.
Mon instinct m’a ramené au présent. C’est là que se situait la souffrance de mes patients. Le
voyage vers le passé ne constituait qu’une digression ; je ne voulais pas revivre ce que j’avais vécu
avec Tony. Le passé comporte des souvenirs, des émotions et des perspectives, et tout cela n’est pas
sans valeur. Mais je cherchais quelque chose d’assez fort pour leur procurer un soulagement
Je n’avais qu’une règle : chaque fois qu’un patient demandait que je le soulage – de sentiments
Il fallait trouver quelque chose d’immédiat à proposer. À force de travailler sans filet, j’ai pris
l’habitude de dire tout haut ce qui me traversait l’esprit pour aider le patient. C’était comme
l’association libre freudienne à l’envers – pratiquée par le docteur, pas par le patient. Je ne suis pas
J’en suis arrivé au point où je me mettais à parler sans savoir ce que j’allais dire. J’ai commencé à
éprouver le sentiment qu’une autre force s’exprimait à travers moi. Petit à petit, les outils que
comporte ce livre (et la philosophie qui les sous-tend) se sont fait jour. Le seul impératif, c’était que
cela fonctionne.
Étant donné que j’ai toujours considéré ma quête comme inachevée tant que je n’ai pas trouvé
d’outil spécifique à offrir à un patient, il est essentiel de comprendre précisément ce que j’entends
par OUTIL. Un outil est bien plus qu’un « ajustement d’attitude ». S’il suffisait d’ajuster votre
attitude pour changer votre vie, vous n’auriez pas besoin de ce livre. Le vrai changement requiert
Mettons que vous ayez tendance à vous emporter quand vous êtes contrarié – vous vous
défoulez sur votre conjoint, vos enfants, vos employés. Quelqu’un vous aide à percevoir à quel point
cela est inconvenant et nuit à vos relations. Vous adoptez une autre attitude à l’égard de
l’emportement. Peut-être vous sentez-vous éclairé, mieux dans votre peau... et cela dure jusqu’à ce
qu’un employé commette une erreur grossière. Vous voilà reparti à crier de plus belle sans même
Changer d’attitude ne vous empêchera pas de crier parce que les attitudes n’ont aucune prise
sur le comportement. La maîtrise d’un comportement exige une procédure précise à suivre à un
moment précis pour combattre un problème précis. Voilà ce qu’est un outil.
Il va falloir que vous attendiez (sans crier si vous le pouvez) le chapitre trois pour découvrir quel
outil mettre en œuvre dans le cas que nous venons d’évoquer. L’idée générale, c’est qu’un outil – à
la différence d’un ajustement d’attitude – vous demande de faire quelque chose. Cela réclame non
seulement du travail, mais un travail qu’il faut faire et refaire sans cesse – dans notre exemple, chaque
Une attitude ne signifie rien si elle n’est pas suivie d’une modification du comportement. Le
Au-delà de tout ce que nous avons dit jusqu’ici, il y a entre l’outil et l’attitude une différence
plus profonde. L’attitude est constituée de pensées qui sont en nous – même si vous en changez,
vous ne travaillez que dans des limites qui sont déjà les vôtres. La grande valeur d’un outil, c’est qu’il
vous emmène au-delà de ce qui se déroule dans votre tête. Il vous relie directement à un monde
infiniment plus vaste que votre personne, un monde de forces illimitées. Peu importe que vous
appeliez cela l’inconscient collectif ou le monde spirituel. Pour ma part, il m’a paru plus simple de
parler de « monde supérieur » et, concernant les forces qu’il contient, de « forces supérieures ».
Il fallait que les outils soient particulièrement puissants, et cela explique que leur mise au point
ait été si laborieuse. L’information émergeait d’abord sous une forme brute, ébauchée, qui réclamait
d’être retravaillée mille fois. Mes patients ne se sont jamais plaints ; en fait, ils éprouvaient un certain
plaisir à participer à la création de quelque chose. Ils ont toujours été partants pour tester une
nouvelle version d’un outil et revenir me dire ce qui fonctionnait ou non. Tout ce qu’ils voulaient,
mes distances, comme le font les figures d’autorité omniscientes qui transmettent leur savoir du
haut de leur piédestal. Nous nous trouvions plutôt dans le cadre d’un effort partagé – ce qui s’est
finalement révélé soulageant. Je n’ai jamais été très à l’aise avec le modèle traditionnel de la thérapie
qui veut que le patient soit « malade » et que le psychiatre le « soigne » tout en le maintenant à
distance prudente comme du poisson mort. Cela m’a toujours paru offensant – je n’ai jamais eu le
Ce qui me plaisait en tant que thérapeute, ce n’était pas de maintenir le patient à distance ;
c’était de lui remettre du pouvoir entre les mains. La transmission des outils était ma façon de lui
faire le plus beau des cadeaux – la capacité de changer sa vie. Opéré dans un tel cadre, le
était étonnamment clair. Je n’ai jamais eu le sentiment de l’avoir tiré du néant ; j’avais au contraire
l’impression très nette d’avoir levé le voile sur quelque chose qui existait déjà. Ce que j’apportais,
c’était ma confiance dans le fait que, pour chaque problème identifié, il existait un outil apaisant à
découvrir. Et je ne m’accordais aucun répit tant que cet outil n’apparaissait pas.
J’étais attentif à l’évolution dans la durée des patients qui utilisaient les outils de façon régulière.
Conformément à mes espérances, ils se sont montrés peu à peu capables de contrôler leurs
symptômes : la panique, la négativité, l’évitement, etc. Mais je constatais également autre chose –
quelque chose d’inattendu. Mes patients se sont mis à développer de nouvelles aptitudes. Leur
élocution devenait plus assurée ; ils se découvraient une créativité qu’ils ne se connaissaient pas ; ils
voyaient naître en eux un tempérament de meneur. Et puis – souvent pour la première fois de leur
vie – ils constataient qu’ils produisaient un effet sur le monde qui les entourait.
Tout cela n’avait jamais été dans mes intentions. Ma mission consistait, selon moi, à ramener le
patient « à la normale ». Mais ces patients-là dépassaient largement la normale – ils exploitaient un
potentiel insoupçonné. À force d’usage, les outils qui avaient soulagé leurs souffrances se mettaient à
rejaillir sur toutes les facettes de leur existence. Les outils se révélaient plus puissants que je ne
l’avais espéré.
Pour mieux comprendre le phénomène, il m’a fallu porter mon attention au-delà des outils
proprement dits pour observer de plus près les forces supérieures qu’ils véhiculaient. J’avais déjà vu
ces forces à l’œuvre. Vous aussi, d’ailleurs – tout le monde en a fait un jour l’expérience. Elles ont un
pouvoir caché, inattendu, qui nous permet d’accomplir des choses que l’on croyait impossibles. Mais
le commun des mortels n’y accède que dans les situations d’urgence, dans ces moments où l’on
montre un surcroît de courage et de débrouillardise – sauf que sitôt l’urgence passée, ces pouvoirs
fonctionnaient comme s’ils accédaient quotidiennement à ces forces, et les outils en permettaient la
lieu de considérer le problème comme l’expression d’une « maladie » dont la cause se situe dans le
passé, il fallait y voir le catalyseur du développement dans le présent de certaines forces déjà
dormantes en nous.
Mais il ne fallait pas que le thérapeute se borne à voir les problèmes comme des catalyseurs. Sa
mission devait être d’offrir au patient un accès concret aux forces nécessaires à leur résolution. Il
fallait que ces forces soient ÉPROUVÉES, pas seulement évoquées en paroles, et cela demandait ce
Cela faisait près d’une heure que je débitais un flot ininterrompu d’informations et Barry avait
tout avalé d’un trait, approuvant parfois vigoureusement de la tête. Une chose avait du mal à passer,
toutefois. Je sentais en lui une certaine perplexité chaque fois que je prononçais le mot « forces ».
Le sachant peu doué pour la dissimulation, je me suis préparé à entendre les questions inévitables.
L’outil
l’Inversion du désir
La force supérieure :
le Mouvement en avant
Rares sont les personnes qui refusent cette existence bridée. Celles-
ci traversent des turbulences considérables liées à la souffrance – rejet
ou échec, moments d’embarras et d’angoisse. Elles composent aussi avec
la petite souffrance agaçante que suppose la discipline individuelle, et se
forcent à accomplir les choses que nous savons nécessaires mais que
nous ne faisons pas – un peu d’exercice, une alimentation équilibrée et
une vie un tant soit peu organisée. C’est parce qu’elles n’évitent rien
qu’elles sont capables de travailler à satisfaire leurs plus hautes
aspirations. Elles paraissent plus vivantes que la moyenne.
Ces personnes-là possèdent quelque chose qui leur donne la force de
supporter la souffrance – un dessein. Ce qu’elles font dans le présent,
aussi pénible que ce soit, trouve son sens dans la perspective de ce
qu’elles veulent pour l’avenir. L’évitant ne se soucie que de gratification
immédiate ; il ne prend aucune responsabilité quant à son avenir.
La détermination à suivre un dessein ne vient pas parce qu’on y a
réfléchi. Elle vient en entreprenant des choses qui nous font avancer
vers l’avenir. Dès l’instant qu’on s’y emploie, on met en marche une force
plus puissante que le désir d’éviter la souffrance : la « Force du
mouvement en avant ».
Il s’agit de la première des cinq forces supérieures que nous allons
évoquer dans ce livre. Ces forces sont dites « supérieures » parce qu’elles
se situent au niveau où l’univers ordonne et crée, ce qui leur confère de
mystérieux pouvoirs. Ces pouvoirs sont invisibles, mais leurs effets sont
partout autour de nous. C’est particulièrement prégnant dans le cas de la
Force du mouvement en avant.
Le pouvoir de cette force est le pouvoir de la vie elle-même. Tout ce
qui vit évolue vers l’avenir avec détermination – de l’organisme
individuel à la planète dans son ensemble, en passant par les espèces
animales. Dylan Thomas l’a appelée la « force qui à travers la mèche
verte donne la fleur ». La perpétuation de la vie depuis des millions
d’années témoigne de la nature irrésistible de la Force du mouvement en
avant.
Son pouvoir a touché votre vie aussi. Vous êtes entré dans l’existence
comme un bébé impuissant ; pourtant, dans un intervalle
remarquablement court, vous êtes passé de la position rampante à la
position debout et vous avez appris à marcher. Vous l’avez fait en dépit
des innombrables revers pénibles que vous avez essuyés. Regardez
aujourd’hui un enfant qui apprend à marcher. Peu importe le nombre de
chutes, il se relèvera aussitôt et se remettra à la poursuite de son
objectif. Sa détermination est frappante ; il la puise dans la Force du
mouvement en avant.
Cette force conduit les enfants à développer les facultés de base qui
les font grandir. Parce qu’elle remplit la même fonction en chacun d’eux,
elle agit comme une présence universelle dont ils n’ont pas conscience. Il
n’en va pas de même chez l’adulte. La tâche centrale de l’adulte consiste
à trouver sa raison d’être dans le monde. Cette raison d’être varie d’une
personne à l’autre – la découvrir est une affaire individuelle. La Force du
mouvement en avant n’opère chez un adulte que s’il choisit
consciemment de l’exploiter – et s’il accepte la souffrance qui
l’accompagne.
La plupart d’entre nous préfèrent choisir l’évitement. Il en découle
que nous n’exploitons pas notre potentiel, et que nous ne devenons
jamais tout à fait nous-mêmes. Vinny en est un bel exemple. Il a
commencé dès l’enfance à se développer comme un homme de spectacle ;
malgré les coups de ceinture, il faisait son numéro chaque jour devant
les clients de son père. Mais à l’âge adulte, il a choisi de ne plus être
vulnérable. Cette décision a produit une version amère et limitée de lui-
même et de ce qu’il était censé devenir.
Emporté par ma propre exaltation, j’ai dit à Vinny : « Dans le
mouvement en avant, votre vie devient une étoile rayonnante, qui se
répand vers l’extérieur. Quand vous vous cachez dans votre Zone de
confort, la vie devient un trou noir, qui s’effondre sur lui-même. »
Vinny ne partageait pas mon enthousiasme. « On dirait ma prof de
catéchisme – une vieille fille dont je sais qu’elle ne s’était jamais fait
sauter. Vous n’avez pas la moindre idée de ce que ça fait de mettre ses
couilles sur la table devant un tas de connards. »
L’expression était rude, mais j’en ai compris le sens. Pour Vinny, la
Force du mouvement en avant n’était qu’une suite de mots. Pour se
mettre à y croire, il lui faudrait sentir cette force l’animer du dedans.
C’était précisément là, à mes yeux, l’élément manquant de la
psychothérapie traditionnelle. Elle savait faire jaillir des idées et des
émotions – mais ne possédait pas de moyen de mettre directement le
patient au contact des forces nécessaires à changer sa vie. Quand j’ai
rencontré Phil, j’ai immédiatement compris qu’il avait appris à établir ce
contact. Tout était dans la puissance des forces qu’il avait découvertes.
Les outils sont conçus pour tirer parti de la nature peu commune des
forces supérieures. Nous sommes habitués aux forces que nous
maîtrisons : on appuie sur l’accélérateur, on presse l’interrupteur pour
allumer la lumière, on ouvre le robinet d’eau chaude et la réaction
souhaitée se produit. Ces forces sont distinctes de nous, elles se
contrôlent de l’extérieur. L’état dans lequel on se trouve soi-même ne
compte pas.
Il n’en va pas de même avec les forces supérieures, qui ne répondent
pas au contrôle extérieur. On dompte une force supérieure en faisant
corps avec elle. Il faut pour cela adopter la forme qu’adopte la force –
faire de soi une version réduite de cette force. La pensée seule n’y
parviendra pas, c’est l’être qu’il faut transformer.
Là réside l’aspect génial des outils. Chacun des outils ici présentés
vous permet d’« imiter » le fonctionnement d’une force supérieure, il
vous conduit à faire corps avec elle et à puiser dans son énergie. Ce livre
décrit la nature des cinq forces supérieures fondamentales. Puis, pour
chacune, il vous apprend à manier l’outil par lequel vous vous mettrez en
phase avec elles. À force de pratique, vous deviendrez capable de
convoquer ces forces à volonté. Elles vous apporteront ce qui n’a pas de
prix – l’aptitude à dessiner votre propre avenir.
semaine que je redoutais le plus, c’était celle du cours de dessin industriel. Je n’y
faisais jamais que de gros pâtés – on aurait dit des tests de Rorschach.
Mais plus terrifiant encore que le cours, il y avait l’élève assis à côté de moi.
en lui à la fois un dieu et un animal très dangereux. Par bonheur, nous avions au
moins une chose en commun – nous étions les plus mauvais dessinateurs de la
classe. Le lien créé par cette incompétence commune l’a incité à s’ouvrir à moi.
Il m’a parlé d’un sujet qui lui tenait à cœur – le football. Il faisait partie de la
distinction.
Ce qu’il m’a dit m’a marqué – quarante ans après, je ne l’ai pas oublié. Il m’a
expliqué qu’il n’était ni le plus rapide ni le plus insaisissable. Que d’autres étaient
plus costauds que lui. Mais c’était lui le meilleur, et les offres mirifiques de
meilleur, m’a-t-il expliqué, n’avait aucun lien avec ses qualités physiques – c’était
fonçait droit sur lui et recevait le choc de façon intentionnelle, aussi douloureux
cela soit-il. « Quand je me relève, je me sens vraiment bien, je vis à fond. Voilà ce
qui fait de moi le meilleur. Les autres ont peur, ça se voit dans leurs yeux. » Il
avait raison ; aucun de ses rivaux ne partageait son désir de se faire broyer par
un défenseur adverse.
J’ai d’abord pensé qu’il était dingue. Il évoluait dans un monde où le danger
que j’avais consacré ma vie à fuir. Mais je ne suis plus arrivé à évacuer de ma tête
son idée de cinglé ; en allant tout droit vers la souffrance, on développe des
superpouvoirs. Plus les années passaient, plus je trouvais que cela se vérifiait – et
douleur – il m’avait livré les bases de l’outil capable de relier n’importe qui à
la Force du mouvement en avant.
L’Inversion du désir
intérieurement à ce nuage :
« VAS-Y, FRAPPE ! » Éprouvez pour la souffrance un désir intense qui vous fait
Vous allez sentir le nuage vous éjecter et se refermer derrière vous. Dites-
nuage, sentez que vous êtes transformé en lumière pure, qui va de l’avant avec
beaucoup de détermination.
Les deux premières étapes vous demandent d’user de votre propre
volonté, mais dans la dernière, vous devriez vous sentir transporté par
une force bien plus grande que vous : c’est la Force du mouvement en
avant.
Quand vous « faites venir » la souffrance, rendez-la aussi extrême
que possible. Quel serait le pire des dénouements possibles ? Que le
public hue votre discours. Que votre épouse tourne les talons et quitte la
pièce au milieu de la dispute. Si vous êtes capable de maîtriser le pire,
tout le reste devient simple. Plus forte est la souffrance – et plus vous y
pénétrez avec détermination –, plus vous créez de l’énergie.
Apprenez à franchir ces étapes rapidement mais intensément. Ne
vous contentez pas de le faire une fois. Répétez le processus encore et
encore jusqu’à ce que vous sentiez que vous avez complètement
transformé toute la souffrance en énergie. Vous pouvez mémoriser
chaque étape au moyen de la phrase qui s’y rapporte.
1. « Vas-y, frappe ! »
2. « J’aime la douleur. »
3. « La douleur me libère. »
Le simple fait de prononcer ces trois phrases vous aidera.
Vous comprenez à présent pourquoi nous nommons cet outil
l’Inversion du désir. Vous vous êtes emparé de votre désir normal
d’éviter la souffrance et l’avez inversé en désir de l’affronter.
En vérité, la chance n’y était pour rien. Je l’ai constaté mille fois ; un
patient fait vraiment l’effort d’aller de l’avant et, d’un coup, les gens et
les occasions apparaissent comme par magie pour l’aider sur son chemin.
Je l’ai moi-même vécu avant d’avoir entendu parler des outils. Le
prestige et le salaire inhérents à une carrière juridique m’apparaissaient
comme une prison dorée – une Zone de confort dans son genre. Pour
remettre ma vie sur les rails, il fallait que je quitte mon cabinet
juridique. J’avais décidé de devenir psychothérapeute, mais je savais qu’il
allait me falloir quatre longues années pour obtenir tous les titres
nécessaires. Comment allais-je subvenir à mes besoins pendant ce temps-
là ? Sans trop y croire, j’ai envoyé mon CV à des dizaines d’avocats, à qui
je réclamais un emploi à temps partiel. La plupart m’ont fait une réponse
négative. Au moment précis où je commençais à désespérer, j’ai reçu
l’appel totalement inattendu d’un avocat qui avait fréquenté la même
école de droit que moi. C’était providentiel. Il m’a permis de travailler
autant d’heures, ou aussi peu, que je le souhaitais. Il m’a même initié au
droit du divorce, un domaine dans lequel j’ai trouvé l’occasion de
commencer à cultiver mes talents de thérapeute. Je n’aurais pas pu
effectuer la transition sans son aide.
J’ai su dès mes débuts dans la pratique de la psychothérapie qu’il
manquait quelque chose à ma formation. Je n’apportais pas aux patients
toute l’aide dont je me savais capable. Je continuais d’attendre que
quelqu’un me montre les ficelles du métier, et la répétition des
déceptions n’a jamais entamé ma détermination à chercher. C’est ainsi
que j’en suis venu à assister au séminaire qu’animait Phil. J’ai tout de
suite eu la certitude qu’il incarnait l’un de ces « coups de chance » que
réserve le destin. Il n’a rechigné à répondre à aucune de mes questions –
et je lui en ai posé des centaines ; et, à la différence des autres, il n’en
faisait pas une affaire personnelle et ne s’est jamais dérobé quand je
contestais certaines de ses réponses. J’avais l’impression d’avoir trouvé
en lui une encyclopédie interactive capable de répondre aux questions
que je me posais depuis toujours.
Si les rencontres heureuses et les opportunités inattendues dans ce
genre ne sont pas le fruit de la chance, que sont-elles donc ? Voici la
description qu’en fait l’explorateur écossais W. H. Murray : « Dès
l’instant où l’on s’engage pour de bon, la Providence intervient à son
tour [...] en produisant toute sorte de circonstances, de rencontres et
d’aides matérielles imprévues que nul homme n’aurait rêvé trouver sur
son chemin. »
Providence est un terme vieillot, mais c’est bien celui qui convient. Il
évoque le soutien et le guidage par une entité plus grande que soi. Ce
que dit Murray, c’est que le mouvement en avant nous met en
synchronie avec le mouvement plus vaste de l’univers – nous ouvrant
ainsi à la myriade d’opportunités que celui-ci nous fournit. Cette aide
imprévue est l’un des nombreux bienfaits que peuvent nous accorder les
forces supérieures. Elle obéit aux règles que nous avons déjà abordées :
on ne peut pas contrôler ces forces de l’extérieur ; il faut se mettre à leur
diapason pour puiser dans leur énergie.
Ces principes prêtent facilement à la caricature. L’un de mes
patients, après nombre de nuits et de week-ends passés à chercher la
formulation idéale, a fini par trouver le courage de soumettre une
proposition à son patron, et ce dernier l’a rejetée. « Vous m’aviez dit que
si je faisais le premier pas, l’univers viendrait à mon secours », s’est-il
plaint.
On voit là l’incompréhension typique de l’esprit moderne à l’égard
des forces spirituelles, que l’on voudrait prévisibles, contrôlables. Oui,
avancer est un moyen efficace de se mettre au contact de forces
supérieures. Mais ces forces demeurent, en fin de compte, mystérieuses ;
elles opèrent selon des modalités qui se situent souvent au-delà de la
compréhension immédiate. L’univers ne vous récompensera pas chaque
fois que vous ferez un pas en avant, comme un animal de cirque. Cette
croyance naïve n’est au fond qu’une autre version de la Zone de confort.
À mesure que les patients apprennent à travailler avec les forces
supérieures, ils rencontrent un autre mystère. Ils sentent s’accroître
leurs pouvoirs et soudain, contre toute attente, quelque événement
négatif se produit. Cela soulève généralement leur indignation, comme si
leur connexion avec les forces supérieures avait dû leur apporter quelque
immunité magique contre l’adversité.
C’est ce que nous appelons l’immaturité spirituelle. Un vrai adulte
admet qu’il existe une divergence fondamentale entre les objectifs qu’il
caresse pour lui-même et ceux que l’univers lui réserve. En règle
générale, l’être humain souhaite réussir dans le monde social – créer une
entreprise à succès, par exemple, ou rencontrer l’âme sœur. L’univers,
lui, se fiche pas mal de la réussite sociale ; son objectif est de développer
notre force intérieure. Nous avons le souci de ce que nous réussissons au-
dehors ; l’univers s’intéresse à l’être que nous sommes au-dedans.
Ceci explique que l’adversité puisse perdurer malgré le fait que nous
fassions mouvement vers l’avant ; l’adversité est le seul moyen par lequel
l’univers peut accroître notre force intérieure. Chacun comprend
aisément que, pour développer un muscle, il faut lui opposer une
résistance – qui prend la forme d’un poids. Fondamentalement,
l’adversité est le « poids » contre lequel on développe sa force intérieure.
Je suis témoin de la force incroyable qu’acquièrent ceux qui
affrontent l’adversité. J’ai eu l’occasion de traiter une femme dont le
mari gérait l’ensemble des affaires financières du couple ; lorsqu’il est
mort, elle s’est trouvée devant la tâche intimidante d’apprendre les
rudiments de la finance. Pourtant, un an après, elle n’avait pas seulement
lancé une affaire qui marchait, mais était devenue moins passive dans
l’ensemble de ses rapports à autrui. J’ai même pu le constater chez des
enfants : une adolescente se réfugie dans l’unique relation d’amitié
qu’elle cultive – avec la petite championne de l’arrivisme social de sa
classe. Celle-ci la largue par un SMS abrupt : « J’en ai marre de faire
semblant d’être ton amie. » Sa mère redoute qu’il s’agisse d’un
événement traumatisant dont sa fille ne se remettra jamais. Au lieu de
cela, contrainte d’aller vers d’autres camarades, la jeune fille découvre
qu’elle est finalement assez appréciée pour elle-même. Ses relations
s’approfondissent et son estime de soi finit en fait par se renforcer.
Il existe en nous une force intérieure, cachée, que l’on ne décèle pas à
moins de traverser l’adversité. Friedrich Nietzsche l’a parfaitement
exprimé dans son célèbre aphorisme : « Tout ce qui ne me tue pas me
rend plus fort. » Son idée que l’adversité possède une valeur positive
était novatrice.
Quand j’ai cité Nietzsche à Vinny, pourtant, il a levé les yeux au ciel
et rétorqué : « Écoutez-moi, l’intello, je ne suis pas aussi stupide qu’il y
paraît. Je sais deux ou trois choses à propos de Nietzsche ; c’était sans
doute un beau parleur, mais il n’a pas vraiment mené la vie d’Indiana
Jones. » Vinny n’avait pas tort – Nietzsche a plus ou moins vécu en
ermite.
Cela ne doit pas nous surprendre. La philosophie est l’œuvre
d’intellectuels qui n’en viennent que rarement à se demander comment
appliquer leurs idées dans la vraie vie. Quand votre sous-sol est inondé,
ou quand votre épouse fait ses valises, ce n’est pas à Nietzsche que vous
pensez. Dans ces moments-là, tout le monde réagit de la même façon :
« Cela ne devrait pas m’arriver à moi. »
Pour aussi naturelle qu’elle soit, cette réaction est en fait absurde : on
refuse d’accepter un événement qui s’est déjà produit. Il n’y a pas plus grande
perte de temps. Plus on se plaint, plus on reste bloqué. La personne qui
se vautre ainsi dans la souffrance porte un nom : c’est une victime.
La victime croit savoir comment l’univers est censé fonctionner.
Lorsqu’il ne la traite pas selon ses « mérites », elle en conclut que le
monde est contre elle. Cela devient sa raison de renoncer et de se
réfugier dans sa Zone de confort, où elle pourra cesser d’essayer de s’en
sortir.
Pas besoin d’être philosophe pour comprendre qu’une fois arrivée là,
la victime ne grandit pas plus qu’elle ne se renforce. La phrase de
Nietzsche peut prêter à croire que c’est l’adversité elle-même qui nous
renforce. Il n’en est rien. La force intérieure ne vient qu’à celui qui, face à
l’adversité, accomplit un mouvement en avant.
C’est une attitude impossible pour une victime, qui dilapide toute
son énergie à déplorer que cela n’aurait pas dû lui arriver. Elle ne pourra
pas récupérer cette énergie tant qu’elle n’aura pas accepté l’événement –
aussi douloureux qu’il ait été. Mais accepter les mauvais coups demande du
travail.
C’est là qu’intervient l’Inversion du désir. Elle court-circuite nos
considérations sur la façon dont les choses devraient se dérouler et nous
offre un moyen d’accepter les faits tels qu’ils sont. Ce n’est pas tout à fait
la même chose que de se préparer à une souffrance à venir. L’outil
proprement dit opère de la même façon, mais la souffrance visée ici se
situe dans le passé (même si ce n’est qu’une affaire de minutes). Il s’agit
en fait de s’efforcer de désirer ce qui de toute façon s’est déjà produit.
Plus on se sert de l’outil précocement et de façon répétée à la suite
d’un événement négatif, plus vite on s’en remet. Certains affronteront
pour la première fois l’adversité sans endosser le rôle de la victime. Avec
l’Inversion du désir, l’idée de Nietzsche devient réalité.
Cela fonctionne en tout cas pour les événements mineurs – les
embouteillages ou la photocopieuse en panne. On commence à se
remettre de ces choses plus vite qu’on le pensait possible ; on acquiert
une plus grande tolérance envers la contrariété. Mais qu’en est-il
lorsqu’il s’agit d’un événement vraiment terrible ? La perte des
économies d’une vie entière, la mort d’un enfant ? Est-il possible – est-il
même sain – d’accepter un événement qui détruit le tissu même de votre
vie ?
Un homme au moins s’est trouvé en situation de répondre à cette
question ; le célèbre psychiatre autrichien Viktor Frankl. Son autorité ne
lui est pas venue de ses diplômes, mais du fait qu’il avait vécu l’indicible.
Frankl a connu quatre camps de la mort nazis ; sa mère, son père et son
épouse y ont péri. Refusant d’abdiquer, il est devenu l’un des médecins
du camp. Il s’est démené pour favoriser la résilience de prisonniers qui,
comme lui, avaient perdu jusqu’à leur raison d’être. La réponse qu’il
donne à notre question figure dans son livre Découvrir un sens à sa vie
avec la logothérapie.
Frankl est parvenu à la conclusion que même dans des conditions
incroyablement dures – privation de sommeil et de nourriture, menace
omniprésente de la mort – il est possible de cultiver la force intérieure –
la seule chose que les nazis ne pouvaient pas retirer au prisonnier. Dans
les camps, les nazis contrôlaient tout – vos biens, la vie de ceux que vous
aimiez comme la vôtre. Mais ils ne pouvaient pas vous dépouiller de
votre détermination à grandir de l’intérieur jusqu’à votre dernier jour,
aussi proche fût-il.
Aussi sinistre et précaire qu’ait été la vie dans les camps de la mort,
affirme Frankl, elle continuait d’offrir « une opportunité et un défi. On
pouvait sortir victorieux de ces expériences, transformer sa vie en
triomphe intérieur, ou au contraire ignorer le défi et se contenter
de végéter ». Il s’agissait « de circonstances extérieures
exceptionnellement difficiles qui offrent à l’homme l’occasion de grandir
spirituellement au-delà de lui-même ». Cette force intérieure, spirituelle,
a parfois valu à des prisonniers moins robustes un meilleur sort qu’à
d’autres physiquement plus forts.
Ainsi Frankl énonce-t-il ce que nous avons observé plus haut – quels
que soient nos objectifs, la vie caresse pour nous ses propres projets. En
cas de conflit entre ces deux programmes, c’est la vie qui l’emportera.
Pour reprendre les termes de Frankl, « ce que nous attendions de la vie
ne comptait pas vraiment, [ce qui importait] c’était plutôt ce que la vie
attendait de nous ». Il s’agissait de découvrir ce que la vie demandait de
soi – même s’il n’était question que d’endurer ses souffrances avec
dignité, de se sacrifier pour autrui ou de ne pas céder au désespoir pour
encore vingt-quatre heures – puis de relever le défi.
Ce cheminement permet de développer ce qui fait le plus
cruellement défaut à notre société orientée vers l’extérieur : la
« grandeur intérieure ». Nous sommes conditionnés pour associer la
grandeur aux individus qui ont acquis la puissance ou la gloire grâce à
leur action vis-à-vis du monde extérieur, comme Napoléon ou Thomas
Edison. Nous n’accordons que peu de valeur à la grandeur intérieure qui
est à la portée de chacun, quelle que soit sa situation. Mais seule cette
grandeur intérieure donne un sens à la vie ; sans elle, notre société n’est
qu’une coquille vide.
La vénération de la réussite sociale engendre une fixation égoïste sur
la réalisation de ses propres objectifs. La grandeur intérieure, en
revanche, ne se développe que lorsque la vie nous empêche de les
atteindre. On s’engage alors dans une lutte individuelle, intime, pour
réconcilier ses plans avec ce que la vie nous réserve. On se voit contraint
à l’effacement au meilleur sens du terme – au dévouement de son
existence à quelque chose de plus grand que soi. Le livre de Frankl est
le récit de sa victoire contre une adversité extrême. Sa vraie grandeur a
été de trouver du sens dans le dénuement macabre d’un camp de la mort
– pas d’avoir rencontré le succès en tant que psychiatre.
LA PEUR ET LE COURAGE
QUESTIONS
Tous les outils que nous vous présentons dans ce livre réclament une
bonne dose d’efforts. Il est probable qu’à un moment donné vous
trouviez que c’est trop. Il arrive aussi qu’on se sente trop accablé pour
user des outils.
Gardez à l’esprit que toute notre culture est fondée sur l’idée
d’obtenir le plus avec le moins d’efforts possible. Nous consacrerons un
chapitre entier à cette question – le chapitre six. Pour l’heure, il ne sera
pas inutile de bien saisir l’un des curieux paradoxes concernant les
outils : s’ils requièrent une certaine énergie au départ, ils augmentent
votre énergie à la longue. Alors si vous avez le sentiment que nous vous
demandons d’en faire davantage que ce que vous êtes déjà en train de
faire, c’est parce que nous avons eu l’occasion de voir à quoi cela mène :
la vie devient plus simple quand on se sert des outils.
Si vous considérez les choses honnêtement, vous ne pouvez
qu’admettre que sans l’Inversion du désir vous resterez coincé dans
votre Zone de confort, avec l’énergie réduite qu’elle requiert. Si difficile
que vous paraisse l’emploi de l’outil, vous serez largement récompensé
de quitter cet état de paralysie. Faites-en usage, et voyez par vous-même
le bien-être que cela vous procure.
En outre, l’usage d’un outil ne demande que trois secondes. Si vous
le faites vingt fois par jour, vous n’aurez ajouté qu’une minute à vos
activités quotidiennes. Considérant le résultat que l’on obtient, nous
parions que vous jugerez que le jeu en valait largement la chandelle.
Nous avons entendu des patients nous dire cela avec le plus grand
aplomb. Chez certains, il s’agit d’un mensonge – ils tiennent pour une
faiblesse d’admettre qu’ils souffrent ou qu’ils ont peur. Il faut
généralement un certain temps pour convaincre ceux-là qu’il est plus
fort d’admettre ces sentiments et de les dominer que de les nier.
Mais cette objection recèle aussi parfois la complaisance d’une
personne si bien installée dans sa Zone de confort qu’elle ignore
l’existence de tout un monde de possibilités qui lui échappent. Les
personnes de ce type sont généralement plus craintives que la moyenne ;
leur façon de gérer la peur consiste à nier qu’ils attendent davantage de la
vie.
Notre propos consiste alors à amener cette personne à identifier de
nouveaux objectifs. Cela peut ressembler à de l’arrachage de dents, mais
tout le monde est capable d’identifier une chose qu’il n’a pas et qu’il
désirerait peut-être. Quand nous demandons à ceux-là de visualiser les
étapes précises qu’il leur faudra franchir pour atteindre cet objectif, il y
en a toujours au moins une qui leur paraît intimidante – au point qu’ils
sont forcés d’admettre qu’ils cherchent en vérité à éviter de souffrir. Ils
ne le savent pas encore sur le moment, mais cette reconnaissance est le
premier pas de leur retour parmi les vivants.
L’Inversion du désir est plus forte que les phobies. La phobie est la
peur ou le dégoût irrationnel qu’on éprouve pour quelque chose – comme les
araignées ou les espaces confinés. Elle a pour effet de vous rendre inaccessibles
certains aspects de l’existence. Même sous sa forme légère, elle peut perturber
votre travail et vos rapports avec les gens. L’outil vous permet de trouver le
courage de vous placer dans des situations que votre angoisse avait décrétées
interdites. La vie s’ouvre alors de nouveau à vous.
Michael était un ingénieur constamment appelé à se déplacer dans
tout le pays pour son travail. Malheureusement, sa peur de l’avion
risquait de compromettre sa carrière. Aussitôt que l’hôtesse avait fermé
la porte de l’appareil, sa respiration s’accélérait et sa poitrine se serrait,
au point de tourner à la crise de panique. Michael se pensait accablé par
la fatalité. Même s’il se trouvait chez lui, la seule idée de prendre l’avion
le remplissait d’angoisse par anticipation. Afin d’éviter ces déplacements,
il a usé de tous les prétextes imaginables jusqu’à ce que son patron se
rende compte du stratagème. À force de recourir à l’Inversion du désir
de façon répétée chaque fois que la peur le prenait, il a fini par
surmonter sa phobie de l’avion. La peur a cessé d’être une entrave à sa
carrière.
L’Inversion du désir vous permet de développer des aptitudes qui
exigent de la discipline et un investissement durable. Ce qui distingue
vraiment les personnes qui réussissent de celles qui échouent dans quelque
entreprise que ce soit, c’est leur degré d’implication. La plupart des gens
voudraient bien s’impliquer, mais dans la pratique, l’engagement requiert une
suite interminable de petits actes pénibles. Lorsqu’il est privé de recours face à
cette souffrance, l’individu voit son engagement s’émousser.
Jeffrey était un de ces policiers qui battent le pavé du matin au soir,
mais ce n’était pas la carrière qu’il avait souhaitée au départ. Avant
d’abandonner ses études universitaires, il avait montré un certain don
pour l’écriture et obtenu de bonnes notes en anglais – il était donc loin
d’avoir exploité son potentiel en la matière, par paresse. « J’ai de bonnes
idées. C’est juste que je ne suis pas sûr de vraiment savoir les transcrire
à l’écrit. » Le problème n’avait rien à voir avec ses capacités. Il avait
trouvé un expédient facile – dans les bars, après le travail, il racontait
des histoires à ses collègues policiers, avec une aisance proportionnelle à
la dose d’alcool qu’il avait dans le sang. Mais quand il s’agissait de
coucher ces histoires sur le papier, il renonçait. « Quand je rentre à la
maison, je suis fatigué. Si j’essaie de m’asseoir à mon ordinateur, ça me
donne des migraines. » Ce qu’il voulait dire par-là, c’est qu’il n’arrivait
pas à se concentrer. La concentration suppose qu’on se coupe du monde
pour se focaliser sur une seule chose. Cela demande un gros effort,
extrêmement pénible pour la plupart d’entre nous et en particulier pour
Jeffrey. En appliquant l’Inversion du désir sur cette souffrance-là, il a
réussi à rassembler le temps et l’énergie qu’il lui fallait pour amorcer la
carrière d’écrivain qu’il désirait vraiment.
les choses qui nous paraissent particulièrement pénibles, et préférons passer notre existence dans
une Zone de confort qui limite strictement ce que nous obtenons de la vie. L’outil vous permet
pénible procure un soulagement immédiat. La sanction – le regret d’une vie gâchée – ne surviendra
pas avant un avenir lointain. C’est ce qui empêche la plupart des gens d’avancer et de vivre
pleinement.
Signaux d’utilisation de l’outil
1. Au moment où vous avez à faire quelque chose de désagréable et éprouvez de la peur ou de
2. Le second signal survient quand vous PENSEZ à l’accomplissement d’une tâche pénible ou
difficile. En employant l’outil chaque fois que vous viennent ces pensées, vous accumulez une
L’outil en bref
1. Focalisez-vous sur la souffrance que vous cherchez à éviter ; voyez-la apparaître devant vous
sous la forme d’un nuage. Criez intérieurement : « Vas-y, frappe ! » pour réclamer la souffrance ;
souffrance me libère ! » En quittant le nuage, sentez que vous vous transformez en pure lumière,
avant. La seule façon de se connecter à cette force est de se mettre en mouvement soi-même. Mais
il faut pour cela affronter la souffrance et la dépasser. C’est ce que vous permet l’Inversion du désir.
Une fois que l’outil vous a mis en contact avec la Force du mouvement en avant, le monde devient
moins intimidant, votre énergie augmente et l’avenir semble porter davantage d’espoir.
CHAPITRE TROIS
L’outil :
l’Amour actif
La force supérieure :
le Déferlement
ambitieuse d’une vingtaine d’années, tirée à quatre épingles, qui est entrée
dans mon cabinet avec l’énergie d’une armée d’invasion. Elle avait un
problème avec son petit ami et voulait y trouver une solution immédiate.
« On était à une fête, et il ne m’a pas regardée ni parlé de toute la soirée. Il
a passé son temps dans un coin à draguer une fille qui travaille au rayon des
cosmétiques de Macy’s » – ces derniers mots transpiraient la haine. « Non
mais il se prend pour qui celui-là, il s’imagine peut-être qu’il va s’en tirer
comme ça ! »
Bad Romance de Lady Gaga nous a interrompus. Amanda a saisi
nerveusement son portable et aboyé « Peux pas parler maintenant – je
suis en rendez-vous » avant de revenir à moi en me disant, sans
reprendre son souffle : « Je m’explique. Je suis en train de lancer une
entreprise de création et de fabrication de vêtements féminins haut de
gamme, et nous sommes dans une phase critique : soit nous arrivons à
lever des capitaux, soit je retourne à mon job de serveuse », a-t-elle
déclaré en grimaçant de dégoût. « Tous les soirs, je rencontre un
investisseur potentiel. Blake – mon petit ami –, Blake sait que son rôle
consiste à valoriser mon image, pas à m’humilier en lutinant la pouffe de
service ! »
À ma grande surprise, il est vite apparu à travers nos conversations
que Blake était à bien des égards le partenaire idéal pour Amanda. Sa
beauté éclatante et ses manières raffinées le rendaient particulièrement
« présentable ». Et le fait qu’il n’appartienne pas au monde de la mode (il
était chercheur en médecine) lui permettait de ne pas avoir de problème
d’ego vis-à-vis de sa carrière à elle. Il acceptait de bon gré son
tempérament volcanique. D’ailleurs, il correspondait si bien à ce dont
elle avait besoin qu’elle avait insisté pour qu’ils emménagent ensemble
assez vite après leur rencontre.
« Je me suis plus investie dans cette relation que dans aucune autre
auparavant.
— Ah oui ? Depuis quand êtes-vous ensemble ?
— Quatre mois. » Je me suis mis à rire, pour aussitôt m’apercevoir
qu’elle ne plaisantait pas le moins du monde. Sur la défensive, elle a
répliqué : « Le milieu de la mode n’est pas le plus propice qui soit aux
relations. »
Le milieu n’y était pour rien. Le problème venait d’Amanda.
Quiconque investit mon cabinet comme les troupes du général Patton
est voué à rencontrer des difficultés relationnelles. Malheureusement,
elle ne s’en rendait pas compte.
Aussi gentiment que possible, je lui ai demandé : « Pensez-vous qu’il
y ait dans vos liaisons un schéma récurrent qui les conduise à avorter
aussi vite ?
— Je me fiche pas mal des schémas, a craché Amanda. Mon amie,
l’une de vos patientes, m’a promis que vous n’alliez pas perdre de temps
à parler du passé. Tout ce que je vous demande, c’est de m’aider à
remettre mon petit ami dans le rang. »
Je me suis efforcé de ne pas sourire. « Je peux vous aider, mais ce ne
sera pas en remettant qui que ce soit dans le rang... Laissons cela de côté
pour l’instant. Racontez-moi plutôt ce qu’il s’est passé ensuite. »
Il se trouve qu’après la soirée, sur le chemin du retour, dans la
voiture, Amanda avait infligé à Blake des remontrances telles qu’on
n’oserait pas les faire subir à qui que ce soit. Mais cette fois-là, au lieu de
se taire, Blake lui avait poliment tenu tête. « C’est déjà pénible d’avoir à
me coltiner ce genre de soirée ennuyeuse ; je n’y vais que parce que tu y
tiens. Alors pour une fois que dans notre relation je tire sur la laisse et je
m’amuse un peu, tu me rentres dedans ? »
Amanda en était restée sidérée. Ils n’avaient plus échangé un mot du
reste du trajet, mais, l’esprit en feu, elle ne cessait de penser à la façon
dont il lui avait parlé. Comme un disque rayé, elle se répétait : « Je suis
en train de jouer ma peau, de monter une entreprise pour nous, dans un
milieu où les pressions sont extrêmes – et il n’est même pas capable de
me traiter en femme. » Elle s’était mise à rêver de vengeance, à
s’imaginer au lit avec un mannequin de GQ de ses connaissances, tandis
que Blake les surprenait juste au moment où elle jouissait. En arrivant à
la maison, malgré l’épuisement, ses pensées suivaient leur cours en
liberté, comme si elles ne lui appartenaient plus. À force de ruminer, elle
n’avait pas dormi de la nuit.
Le lendemain matin, Blake s’était mis en quatre pour détendre
l’atmosphère. Il lui avait apporté son petit déjeuner au lit, avec des fleurs
fraîchement coupées. Amanda n’avait rien accepté. Elle ne lui avait pas
adressé la parole, ni même un regard. Les pensées haineuses de la veille
étaient toujours plus intenses en elle. S’y ajoutait à présent la longue
litanie des défauts du garçon, jusqu’aux plus infimes, comme la façon
qu’il avait de s’éclaircir la voix. Tout cela avait fini par avoir un
retentissement physique sur elle. « J’avais la chair de poule dès qu’il
m’approchait. Je ne supportais plus d’être dans la même pièce que lui.
— Avez-vous déjà éprouvé une réaction aussi intense avec d’autres
petits amis ? » ai-je demandé.
Elle a relevé les yeux. « Seulement quand ils le méritaient.
— Et c’est arrivé fréquemment ? »
Amanda a fondu en larmes. En fait, toutes ses relations avaient
tourné court de cette façon. Le bougre s’autorisait quelque licence et elle
démarrait aussitôt au quart de tour, comme avec Blake. Elle a haussé les
épaules. « Je suis incapable d’aimer quelqu’un après ça. J’ai une copine
qui appelle ça le “point de non-retour”. »
LE LABYRINTHE
Peut-être que votre réaction est justifiée – mais cela ne compte pas.
Une fois enfermé dans le Labyrinthe, c’est à vous que vous faites du
tort. Dans le cas d’Amanda, les dégâts sur sa vie intime étaient flagrants.
Si elle était incapable de surmonter un incident mineur avec son petit
ami lors d’une soirée, il n’y avait aucun espoir qu’elle y parvienne
lorsque surviendraient les problèmes plus graves auxquels aucun couple
n’échappe. Cela expliquait que ses relations soient si peu durables.
Comment pouvait-elle espérer se marier et avoir des enfants si elle
n’arrivait pas à franchir le cap de la première dispute ?
Mais le Labyrinthe constitue une menace pour tout type de relation,
pas seulement le mariage, parce qu’il déforme notre vision des gens. Une
fois à l’intérieur, on oublie littéralement tous les aspects positifs de
l’autre – seule nous apparaît la faute qu’il a commise. Objectivement,
Blake était le meilleur des hommes qu’Amanda ait jamais rencontrés.
Mais dès qu’elle s’était retrouvée dans le Labyrinthe, il avait été
dépouillé d’un coup de toutes ses qualités ; même sa façon de se racler la
gorge la faisait hurler.
Ce type d’égarement avait aussi parasité certaines de ses relations de
travail. Amanda avait un jour piqué une crise devant le responsable des
achats d’un grand magasin prestigieux qui s’intéressait à sa ligne de
vêtements. Il s’était vengé en passant une commande à son concurrent
direct. Amanda s’était immédiatement vue retourner compter les
pourboires dans un snack-bar. Retrouver son job de serveuse aurait été
pour elle un sort plus cruel que la mort, si bien qu’elle avait passé les
mois suivants à faire amende honorable et à multiplier les offres pour le
faire revenir. Une fois encore, c’est à elle-même qu’elle avait nui.
Le Labyrinthe ne cause pas seulement du tort dans le cadre de vos
rapports avec autrui ; il influence aussi votre rapport à la vie elle-même.
Quand vous êtes dans le Labyrinthe, la vie suit son cours sans vous.
La plupart des fautes que commettent les gens n’occasionnent que
des dégâts passagers ; si vous passiez outre la douleur initiale, vous
reprendriez le fil de votre existence sans attendre. Mais vous ne le faites
pas. Le mal que l’on vous a fait tourne à l’obsession. En procédant ainsi,
vous tournez le dos à votre propre avenir.
Le cas de ces femmes qui, arrivées à l’âge adulte, continuent de
reprocher à leurs parents d’avoir gâché leur vie en constitue un exemple
classique. Leur entrée dans le Labyrinthe remonte à fort longtemps et
elles n’en sont jamais ressorties, ce qui leur donne une excuse facile pour
systématiquement renoncer dès la première difficulté. Elles ne peuvent
pas écrire un livre parce que leurs parents n’ont jamais reconnu leur
talent. Elles refusent de faire des rencontres parce qu’elles sont trop
timides à cause de leur père, qui ne les aimait pas.
Ces exemples témoignent des dégâts plus ou moins graves que le
Labyrinthe peut provoquer. Amanda était ainsi la marraine de la fille
d’une amie. À la suite d’un différend avec celle-ci, elle était entrée
profondément dans le Labyrinthe. Comme à son habitude, elle avait
coupé les ponts avec son amie. Après plusieurs mois, Amanda s’était
aperçue qu’elle avait laissé passer la date du premier anniversaire de la
fillette. « Ça, je le regretterai jusqu’à la fin de mes jours. »
Il m’a souvent été donné en tant que thérapeute de constater le prix
exorbitant que peut coûter le séjour dans le Labyrinthe –
d’innombrables heures perdues, des opportunités gâchées, une partie
importante de sa vie qu’on n’a pas vécue.
Le plus frustrant, c’est que même lorsqu’on prend conscience de ce
que coûte le Labyrinthe, on ne parvient pas à y échapper. De ce point de
vue, Amanda n’était pas différente des autres. Quelques séances ont suffi
à lui faire comprendre qu’elle était sa pire ennemie. Mais cela ne l’a pas
aidée pour autant à reprendre le contrôle sur son esprit. La colère, les
rêves de revanche et l’orgueil blessé se nourrissaient de leur énergie
propre. « J’en suis au point où je ne peux plus supporter mes pensées.
J’arrive à les interrompre une seconde, puis je revois Blake m’accuser
d’autoritarisme et tout recommence. »
JUSTICE
L’Amour actif
Imaginez que vous baignez dans une lumière chaude et liquide, porteuse
d’un amour infini. Sentez votre cœur s’étendre bien au-delà de votre personne
pour ne faire plus qu’un avec cet amour. Alors que votre cœur reprend sa forme
normale, cette énergie infinie se concentre dans votre poitrine. Il s’agit d’une
pas physiquement devant vous (ce qui est généralement le cas), visualisez sa
présence. Envoyez-lui directement tout l’amour amassé dans votre poitrine ; ne
Suivez cet amour alors qu’il quitte votre poitrine. Au moment où il pénètre
présent détendez-vous – vous allez de nouveau vous sentir entouré d’un amour
infini, qui va vous restituer toute l’énergie que vous avez donnée. Vous allez vous
QUESTIONS
L’Amour actif vous permet de mieux dire les choses. Rien n’est plus
énervant que d’éprouver de la colère envers quelqu’un sans pouvoir l’exprimer.
Plus la colère monte, plus la confrontation devient dangereuse. L’outil qui vous
permet de faire désenfler la colère vous permet aussi de vous faire entendre sans
risque.
Marcy travaillait depuis des années à la comptabilité d’un cabinet
juridique. Le service était tenu par Al, un homme plus âgé qu’elle de
vingt ans. Bien qu’autodidacte, Marcy était l’employée la plus
intelligente, la plus fiable dont disposait Al. C’était toujours vers elle
qu’il se tournait en cas de problème, mais cela ne l’empêchait pas de se
montrer rugueux et méprisant le reste du temps. Marcy était d’un
naturel trop passif pour s’en plaindre ouvertement, mais, après trois
années sans augmentation, elle écumait intérieurement et rêvait
régulièrement du jour où elle l’enverrait promener. Al n’en devenait, à
ses yeux, que plus intimidant.
Je lui ai demandé d’appliquer l’Amour actif dès qu’elle se trouvait en
sa présence. À sa stupéfaction, cela a rendu Al moins intimidant, plus
humain. Elle a fini par être capable de lui dire les choses en face. En état
de Déferlement, elle s’est exprimée avec calme et dignité. Et elle a
obtenu l’augmentation qu’elle méritait.
L’Amour actif vous apprend à accepter les autres tels qu’ils sont.
Toutes les personnes qui peuplent votre existence sont imparfaites, que ce soit
pour des choses qu’elles ont faites dans le passé ou pour ce qu’elles ne
parviennent pas à changer dans le présent. Se fixer sur ces choses a un caractère
destructeur envers les relations. Il vous faut un outil qui vous permette
d’accepter l’autre malgré ses défauts.
Mark voulait épouser sa petite amie, mais il ne parvenait pas à
accepter son passé. À vrai dire, il ne s’agissait que d’un épisode très bref
de son passé : bien avant leur rencontre, elle avait eu une liaison avec
une rock star en herbe. Elle avait alors vingt-trois ans, très peu
d’expérience de la vie, et l’avait trouvé cool. Il l’avait entraînée dans son
mode de vie sexe, drogue et rock’n’roll. Lassée au bout de six mois, elle
l’avait quitté. Mais pour Mark, c’était décidément trop dur à avaler. Il
souffrait de savoir qu’elle avait couché avec ce tombeur patenté, et plus
encore qu’elle avait consommé des drogues en sa compagnie. Il la
trouvait d’une certaine façon contaminée, comme marquée d’une tache
indélébile. Le moindre coup de téléphone d’un type qui connaissait son
ancien petit ami, ou la moindre chanson à la radio pouvaient suffire à le
replonger dans son Labyrinthe avec l’obsession de ce qu’ils avaient pu
faire ensemble. Son imagination se mettait à galoper et il l’assaillait de
mille questions sur leurs rapports, traquant la moindre incohérence dans
son récit. Ce qui le dérangeait vraiment, c’était que, quoi qu’il ait pu se
passer, il y avait là quelque chose d’irrévocable, et aucun moyen de
restaurer sa pureté.
La seule solution pour Mark était d’apprendre à l’accepter telle
qu’elle était. Il a utilisé l’Amour actif chaque fois que son obsession le
reprenait. Cela lui a permis de relâcher l’étreinte qu’exerçait sur lui le
passé de sa petite amie. Il a appris à faire confiance à celle qu’elle était
bel et bien devenue à présent.
L’AMOUR ACTIF EN BREF
vous rejouez le film de la maltraitance qu’il vous a fait subir, ou vous entretenez des fantasmes de
revanche. C’est le Labyrinthe, qui met votre existence en suspens pendant que le monde continue
autre chose tant que justice n’est pas rendue. Or cela n’arrive que rarement, et vous êtes pris au
piège.
2. Usez-en quand vous vous surprenez à rejouer une injustice, qu’elle soit récente ou plus
ancienne.
L’outil en bref
1. Concentration : sentez votre cœur s’ouvrir pour accueillir le monde d’amour infini qui vous
entoure. En revenant à sa taille normale, il concentre tout cet amour dans votre poitrine.
2. Transmission : focalisez-vous sur l’autre et envoyez tout cet amour de votre poitrine à la
sentiment d’unicité avec l’autre. À présent, si vous vous relâchez, vous allez sentir vous revenir
qu’elles sont. Il dissout le sentiment d’injustice de façon à vous permettre de donner sans retenue.
Une fois dans cet état, rien ne peut vous faire reculer. Vous en êtes le premier bénéficiaire ; vous
devenez irrésistible.
CHAPITRE QUATRE
L’outil :
l’Autorité intérieure
La force supérieure :
l’Expression de soi
L e fils d’une de mes patientes venait d’être admis dans l’une des
meilleures équipes locales de football. L’affaire avait fait grand bruit dans
le quartier de West L. A. où ils habitaient. Jennifer, ma patiente, était la
première supportrice de la carrière sportive de son fils. D’ordinaire
hésitante et peu affirmée, elle avait cette fois remué ciel et terre pour peser
sur la décision de l’entraîneur. Elle lui avait parlé à plusieurs reprises,
échangé des e-mails avec un journaliste sportif local et interpellé
quiconque pouvait avoir de l’influence en la matière. Tous ces efforts
avaient pour seul but d’obtenir le douteux privilège de se traîner jusque
dans des coins perdus de la Californie du Sud pour suivre, sous un soleil de
plomb, un sport dont les subtilités lui échappaient totalement. Son fils
avait dix ans.
Originaire d’une petite ville rurale, Jennifer était la première de sa
famille à avoir effectué des études de second cycle. Dès que l’occasion
s’en était présentée, elle avait fui pour la grande ville, où sa beauté
remarquable lui avait permis de travailler comme mannequin. Mais tout
au fond d’elle-même, sa rupture avec le passé n’avait jamais été
totalement consommée. Malgré un succès relatif, elle ne parvenait pas à
se défaire du sentiment que les habitants du quartier chic où elle résidait
valaient mieux qu’elle – ils étaient forcément plus intelligents, plus
sophistiqués, plus sûrs d’eux-mêmes. Dans son esprit, ils constituaient
un cercle qu’elle n’intégrerait jamais.
Elle a agi avec la plus grande détermination afin que son fils n’ait
pas à subir le même sentiment d’exclusion. Contrairement à elle, il irait
à l’université – et pas n’importe laquelle ; mais un établissement de
première catégorie, si possible de l’Ivy League. Le football n’était que la
première étape de la conquête de la respectabilité. Il était ensuite censé
intégrer une école préparatoire, puis une université huppée, et le tour
serait joué – il ferait partie du cercle.
Le père de Jennifer, qui habitait toujours la petite ville où elle était
née, était choqué par le projet, qui sentait selon lui l’élitisme à plein nez.
« Mon petit-fils va finir par boire du vin blanc plutôt que de la
Budweiser. » À cela, elle répondait : « Du moment que c’est du bon vin
blanc. »
Il va sans dire que le jour où l’entraîneur l’avait appelée pour lui faire
part de l’admission de son fils, Jennifer avait bondi de joie. Mais cela n’a
pas duré. Dès le premier entraînement, elle s’est de nouveau sentie
exclue. La plupart des autres garçons avaient pour père un avocat ou un
homme d’affaires – celui de son fils était un minable qui les avait
abandonnés dès qu’elle était tombée enceinte. Les autres pères
expliquaient à leur rejeton les subtilités du tacle glissé, du penalty et de
la règle du hors-jeu – Jennifer continuait de confondre carton jaune et
carton rouge.
Quant aux mères, c’était pire. Chaque fois qu’elle arrivait à
l’entraînement, Jennifer les voyait groupées, en grande conversation.
Elle surprenait parfois certains regards obliques dans sa direction. Pas
une fois ces dames n’avaient pris la peine de l’inviter à s’asseoir parmi
elles. « Elles ne m’accepteront jamais. Elles me prennent déjà pour une
moins que rien.
— Comment savez-vous ce qu’elles pensent ? ai-je demandé. Leur
avez-vous jamais parlé ? » Je l’ai encouragée à faire le premier pas. La
semaine suivante s’est tenue une réunion concernant l’organisation des
transports en vue de la prochaine série de matches à l’extérieur. Contre
ce que lui dictait son instinct, elle s’est forcée à y assister. Comme
d’habitude, elle s’y est rendue seule. Ça ne s’est pas bien passé. « Je
voulais me présenter, mais chaque fois que j’abordais quelqu’un, je me
bloquais... ma bouche s’asséchait, ma voix se faisait tremblotante. J’avais
vraiment l’air d’une folle. Je me suis éclipsée aussi vite que j’ai pu. »
C’est le genre de situation qui arrive à tout le monde : on veut faire
bonne impression, mais on est trahi par son cerveau et par son corps.
Pour désigner ces moments, nous parlons de « blocage ». Les
symptômes de Jennifer étaient classiques – bouche sèche, tremblements
et « paralysie du cerveau », incapacité à retrouver des informations ou
même à formuler des phrases cohérentes. Parfois, les gens en arrivent
même à perdre leurs sensations corporelles, ils renversent ou bousculent
les choses sans le vouloir. Ces moments de blocage peuvent être
passagers, quand l’individu se sent simplement emprunté, ou extrêmes,
quand il ne peut littéralement plus bouger ni parler, comme le lièvre
dans la lumière des phares.
Nous avons tous connu quelque type de blocage. On croit souvent
que cela survient forcément en présence de beaucoup de monde, mais
une seule personne peut suffire à vous figer – votre patron ou votre
belle-mère, par exemple. Dans ce chapitre, quand nous emploierons le
terme auditoire, cela ne désignera pas forcément un groupe ; une
personne suffit. L’auditoire, c’est simplement celui ou ceux dont
l’opinion vous concernant est toujours importante à vos yeux.
On croit aussi communément que ces blocages renvoient à la
situation dans laquelle on se trouve – la rencontre d’une personne
intimidante ou la prise de parole devant une assistance fournie. Mais le
blocage renvoie surtout à une insécurité intérieure ; une insécurité dont
on n’est parfois pas conscient jusqu’au moment où l’on perd la faculté de
s’exprimer.
Voyons quelle forme cela prend dans votre vie :
Fermez les yeux et imaginez-vous devant une
symptômes ?
L’OMBRE
corps.
Vous venez de voir votre Ombre. Remarquez bien son apparence. Ne
vous inquiétez pas d’avoir ou de n’avoir pas vu la « bonne » image, elle
n’existe pas. Aucune Ombre n’est identique à une autre. Quel que soit
son aspect, elle possède sans doute des caractéristiques désarçonnantes,
comme l’Ombre de ce grand séducteur, qui avait l’allure d’un gnome.
Elle peut inspirer la tristesse, comme l’Ombre de cette patronne d’une
entreprise comptant parmi les cinq cents premières du pays, qui avait
l’apparence d’une fillette solitaire de huit ans en larmes. Elle peut être
déplaisante, laide ou stupide. À mesure que vous travaillez dessus, son
apparence peut venir à changer. (Vous constaterez peut-être ici que
notre approche diffère légèrement de celle de Jung. Nous y reviendrons
en évoquant les questions les plus fréquemment posées sur ce thème.)
L’Ombre renvoie à l’une des contradictions humaines les plus
fondamentales. Tout le monde aspire à se sentir valorisé en tant
qu’individu. Mais quand on regarde au fond de soi, c’est l’Ombre qu’on
voit, et on en a honte. La réaction instinctive consiste à s’en détourner –
à se tourner vers l’extérieur pour y chercher quelque signe de valeur
personnelle. C’est ainsi que l’on s’en va quérir l’approbation et la
confirmation auprès des autres.
Si vous doutez de l’importance de cette quête d’attention, songez
donc au culte que nous vouons à la notoriété. On croit que la
reconnaissance procure le bonheur et une grande confiance en soi à ceux
qui la reçoivent. Malgré les cures de désintoxication à répétition,
l’enchaînement des liaisons sans lendemain et les mea culpa publics, on
persiste à se dire que le fait d’être au centre de toutes les attentions leur
apporte ce sentiment de valorisation que nous recherchons tous.
La publicité mise chaque année des milliards sur la soif
d’acceptation. Le message se réduit souvent à ceci : si vous achetez notre
produit, vous serez accepté, aimé, vous serez membre du club des
privilégiés ; si vous ne l’achetez pas, vous resterez coincé... seul avec
votre Ombre. Ceci ne fait que renforcer la croyance que l’amour-propre
est un bien qui s’acquiert comme on achète une maison ou une voiture.
Le hic, c’est que l’approbation du monde ne suffira pas à rehausser
l’amour-propre parce que cette validation ne peut suffire à éliminer
l’Ombre. Aussitôt qu’on est seul et qu’on se tourne vers l’intérieur, on
retrouve son Ombre, génératrice de honte et de sentiment d’infériorité.
Phil et moi avons traité des patients très connus qui baignent
constamment dans la célébration et les flagorneries de la presse. Cette
adoration ne fait pas de bien à leur amour-propre ; elle les rend au
contraire fragiles et puérils. Ils deviennent aussi dépendants à l’attention
d’autrui qu’un bébé à sa tétine.
Que vous soyez ou non une star, le fait de rechercher désespérément
de l’approbation auprès des autres donne à ces derniers beaucoup
d’ascendant sur vous. Ils deviennent la figure d’autorité qui détermine
votre valeur. Comme un empereur romain, ils n’ont qu’à lever ou baisser
le pouce pour former ce qui ressemble fort à un verdict définitif quant à
votre valeur. Il n’est donc pas étonnant que vous ressentiez un blocage
en leur présence.
Le schéma ci-dessous montre comment cela fonctionne.
Ce diagramme représente l’état d’une personne susceptible de
connaître un blocage (c’est-à-dire à peu près tout le monde). Honteux de
son Ombre, l’individu fait son possible pour la conserver en lui, bien à
l’abri des regards. C’est ce qu’illustre ici la boîte qui entoure la silhouette
grisée de l’« Ombre cachée ». C’est quand il cherche à dissimuler son
Ombre que l’individu se bloque.
On le voit bien, porter le regard vers l’extérieur ne fonctionne pas
mieux que le porter vers l’intérieur ; dans les deux cas, la vraie sensation
de valorisation personnelle nous échappe.
Il existe un moyen de la retrouver, qui implique un secret très
enfoui. Ce qui possède l’apparence d’une Ombre faible, inférieure, est en
réalité le canal de transmission d’une force supérieure – et seule cette
force supérieure peut nous procurer un amour-propre durable.
Quelle force supérieure digne de ce nom pourrait bien choisir de
s’exprimer à travers une partie si méprisable de nous-mêmes ? Il vous
sera plus aisé d’en comprendre la nature en songeant à des situations
que vous avez déjà rencontrées ; des expériences que vous avez
probablement dédaignées et oubliées parce qu’elles vous sont advenues
durant l’enfance.
Observez les enfants, notamment quand ils sont en train de jouer. Ils
ne sont pas timides ni mal assurés. Ils s’expriment librement et avec
exubérance. Ils ne se bloquent quasiment jamais.
C’est parce qu’ils sont emplis d’une force supérieure qu’on appelle la
« Force de l’expression de soi ». Elle est dotée d’une vertu magique : elle
nous incite à nous révéler sous un jour vrai, authentique – sans nous
soucier de la réaction des autres. Il en résulte que lorsqu’on est relié à
cette Force on parle avec une intensité et une clarté inhabituelles.
Nous avons tous fait l’expérience de cette force à un moment donné
de notre vie d’adulte. Peut-être était-ce lors d’une discussion enfiévrée
sur un sujet qui nous tenait à cœur, ou en réconfortant un ami qui
traversait une crise, voire en improvisant une histoire pour ses enfants
au coucher. À chaque fois, et dans mille autres circonstances, vous vous
êtes immergé dans l’expérience et avez laissé la Force de l’expression de
soi parler à travers vous. Vous êtes devenu le canal d’une chose plus sage
et plus éloquente que celui que vous êtes habituellement. Vous en avez
conçu une sensation d’apaisement et de bonheur.
La parole n’est pas la seule forme que prend la Force de l’expression
de soi quand elle émerge. On trouve un certain degré de l’Expression de
soi dans quasiment toute activité humaine. Dans l’écriture, par exemple.
Voici la description qu’en a faite l’un de nos patients : « Le jour où j’ai eu
achevé mon scénario, j’ai eu l’impression de n’être l’auteur d’aucune des
phrases. Je n’étais tout bonnement pas assez doué. J’avais l’impression
que tout m’avait été dicté et que je n’avais fait que le copier. »
Nul besoin de mots pour que la Force de l’expression de soi émerge.
Quand un athlète dit qu’il est « en phase », cela veut dire qu’il est en
contact avec cette force. Observez le basketteur qui accomplit une action
surnaturelle. Il n’est pas en train de se demander : « Par où vais-je
passer ? » ou « Quelle est la taille de ce défenseur ? » Il a cessé de
réfléchir, mis sa personne de côté, et laissé cette force supérieure prendre
le relais. En fait, tout exploit humain est pour cette force une occasion de
s’exprimer.
Quand vous êtes relié à la Force de l’expression de soi, vous laissez
s’exprimer une partie de vous qui est habituellement silencieuse. Vous
parlez depuis votre moi le plus profond, le plus intérieur. Ce moi
intérieur possède sa propre autorité, qui ne dépend aucunement de
l’approbation des autres. Les enfants parlent et agissent naturellement
en harmonie avec ce moi intérieur. C’est ce qui leur permet de
s’exprimer avec autant d’abandon.
C’est en accédant à l’âge adulte que l’on se détourne de ce moi
intérieur. L’attention et l’activité se focalisent entièrement sur le monde
extérieur. On commence à avoir soif d’approbation ; à l’adolescence, on
recherche l’acceptation de ses camarades comme s’il s’agissait du Saint
Graal.
Mais cela pose un nouveau problème : il faut absolument dissimuler
tout aspect de soi qui risque de déplaire aux autres. Étonnamment, on
choisit pour cachette son propre moi intérieur. Il nous tient lieu de
dépotoir, dans lequel on jette tout ce qu’il y a d’inacceptable en nous. Le
moi intérieur est bien là, mais il est à présent enseveli sous la moins
glorieuse de nos facettes.
En procédant de la sorte, on a transformé une chose qui était belle – le moi
intérieur – en une chose qu’on méprise : l’Ombre. Cela ressemble à ce que
nous avons de pire en nous, mais c’est en réalité la porte qui mène au
moi intérieur. On ne peut vraiment s’exprimer que lorsque cette porte
est ouverte.
Mais quand on a passé sa vie à cacher son Ombre, ouvrir cette porte
n’est pas simple ; il faut un outil puissant.
L’OUTIL : L’AUTORITÉ INTÉRIEURE
Cet outil-là est très différent de ceux dont vous avez déjà appris le
maniement. L’Inversion du désir et l’Amour actif invoquent des forces
supérieures indépendantes des obstacles qu’elles permettent de
surmonter. Mais dans l’outil que vous allez découvrir, la force supérieure
provient de l’obstacle lui-même. L’outil transforme l’Ombre en une voie
pour une force supérieure – la Force de l’expression de soi.
Afin de comprendre le fonctionnement de l’outil, il faut expliquer
comment Phil en a fait la découverte :
travaillais, et cela suscitait en moi une certaine nervosité. Il est nettement plus
un seul patient lors d’une séance en tête à tête dans le confort d’un cabinet. Les
derniers jours avant l’échéance, j’ai eu des visions terrifiantes dans lesquelles je
me bloquais, je ne trouvais plus mes mots, je restais muet. Pour éviter d’avoir à
subir pareille humiliation, j’ai tout noté sur de petites fiches – en cas de trou de
mémoire.
comme un piquet devant mon auditoire. J’ai lu ce que j’avais écrit d’une voix
monocorde, levant constamment les yeux pour guetter les réactions. Celles-ci
ne pouvaient être plus pénibles – l’assistance souffrait pour moi. J’aurais voulu
Après deux heures de cette torture, nous avons fait une pause. Le public
s’est rassemblé par petits groupes où l’on se parlait à mi-voix, comme à une
veillée funèbre. Eux aussi étaient trop gênés pour venir vers moi. Je suis resté
assis seul sur scène, me sentant pestiféré. Je n’avais pas la moindre idée de la
Mais alors que j’étais au comble du désespoir, quelque chose d’étrange s’est
produit.
cherchais à passer pour un expert rempli d’autorité. J’ai voulu la chasser, mais
elle refusait de s’en aller ; malgré son apparence chétive, elle me fixait d’un
regard implacable.
avec détermination vers le public. Ce dernier l’a senti et chacun s’est empressé
sourire alors que j’étais resté de marbre jusque-là. Sans y réfléchir, j’ai remisé
mes notes, ouvert la bouche, et pendant les deux heures qui ont suivi, je me suis
senti investi d’une force que je n’avais encore jamais éprouvée. En totale
ne me suis pas interrompu une seule fois pour réfléchir à ce que j’allais dire
Mon intuition m’avait toujours dit que l’Ombre recelait forcément quelque
chose de valeur, mais j’en ai fait ce jour-là l’expérience directe. L’Ombre est
reproduise tout seul. Je me suis donc mis à la recherche d’un outil à la portée de
de l’Ombre.
Cet outil s’appelle l’« Autorité intérieure ». Le nom se passe
d’explication. Il ne s’agit pas d’une autorité conférée par l’approbation de
qui que ce soit d’autre que soi-même ; c’est l’autorité que l’on n’acquiert
qu’en s’exprimant depuis son être intérieur.
Pour pouvoir utiliser l’Autorité intérieure, il faut que vous soyez
capable de visualiser une image de votre Ombre. Vous l’avez déjà
aperçue une fois ; dans le passage traitant de l’Ombre, vous avez projeté
devant vous vos sentiments d’insécurité jusqu’à ce qu’ils prennent la
forme d’un être apparent. Essayez de le refaire. Ne vous préoccupez pas
d’obtenir la « bonne » image ; de toute façon, cette image ne va pas
cesser d’évoluer. Ce qui compte, c’est que vous perceviez une réelle
présence devant vous. Exercez-vous à conjurer l’Ombre jusqu’à ce que
cela vous soit facile.
Vous allez vous exercer au maniement de l’outil devant un auditoire
imaginaire. Peu importe qu’il s’agisse d’une personne seule ou d’un
groupe ; peu importe qu’il s’agisse ou non d’inconnus. Tout ce qui
compte, c’est que l’idée de vous adresser à cet auditoire vous mette mal à
l’aise. Vous allez user de l’outil pour vous débloquer parce que vous avez
quelque chose à exprimer.
Autorité intérieure
plusieurs personnes. Visualisez à vos côtés une image de votre Ombre, qui vous
Sentez qu’un lien indestructible vous rattache l’un à l’autre – ne formant qu’un,
« ÉCOUTEZ ! » Vous n’êtes pas en train de le demander. Il s’agit d’un ordre, celui
Il faut recourir à l’Autorité intérieure chaque fois que vous êtes sous
pression parce que vous devez vous retrouver en situation de
représentation. Cela arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le croit si
l’on définit la représentation comme toute occasion où l’on est soumis au
jugement et aux réactions des autres. Cela peut être un entretien
d’embauche, une réunion de vente, un exposé ou un événement
inconfortable, comme un rendez-vous avec un(e) inconnu(e) ou une
soirée importante. Parler de représentation pour désigner ces moments-
là ne signifie pas que vous deviez monter tout un numéro. En vérité,
l’objectif ici n’est pas de chercher à vous garantir l’approbation du public.
L’outil vous sert à surmonter la pression et à vous permettre de vous
exprimer librement.
Plus que les autres outils de ce livre, l’Autorité intérieure ne
fonctionnera pas si vous attendez qu’une « grande » occasion se présente
afin de l’employer pour la première fois – avoir à parler devant des
centaines de personnes, par exemple. Les événements de ce type sont si
intimidants que vous avez toutes les chances de connaître un blocage si
vous ne les préparez pas longtemps à l’avance. Si vous testez d’abord
l’outil quand vous êtes seul, et que vous le faites à de multiples reprises
jusqu’à ce que cela vous soit devenu naturel, vous ne tarderez pas à être
prêt à l’employer en public. Commencez alors à vous exercer en présence
d’une personne que vous ne trouvez pas intimidante – un parent, un
collègue, votre meilleur ami ou votre épouse. Nous éprouvons pour la
plupart un certain désir d’acceptation auprès d’eux aussi.
Vous voilà prêt à régler leur compte aux situations qui vous donnent
des angoisses, comme une confrontation, ou une demande d’aide qui
vous met mal à l’aise. Placez-vous intentionnellement dans l’une de ces
situations et utilisez l’Autorité intérieure alors même que l’action se
déroule. Plus vous le faites, moins vous vous sentez intimidé.
Une fois l’Autorité intérieure devenue un élément naturel de votre
vie quotidienne, vous allez pouvoir commencer à l’employer dans les
« grandes » occasions, comme prononcer un discours important en
public. À force de pratiquer l’Autorité intérieure dans ce genre de
circonstances intimidantes, il se produira une chose étonnante : vous
allez vous mettre à attendre la prochaine occasion avec impatience – pas
parce qu’elle aura perdu son caractère stressant, mais parce que vous
éprouverez de l’impatience à la perspective de vous exprimer.
L’apprentissage de l’Autorité intérieure évoque le travail de
musculation dans une salle de gym ; on soulève des poids de plus en plus
lourds, mais il faut que la progression soit constante. Il demeure que,
pour songer à employer l’outil dans sa vie de tous les jours, un signal est
nécessaire. Ce signal, c’est l’angoisse de la représentation. Pour Jennifer,
il s’agissait très manifestement des entraînements de football. Au début,
elle gagnait les gradins sans rien dire à personne, en se contentant de
pratiquer l’Autorité intérieure de façon répétée. Cela lui a d’abord permis
de s’apaiser, puis de trouver la force d’aller parler avec les autres parents.
Mais sa conscience de l’angoisse de la représentation l’a conduite à
s’apercevoir qu’elle manquait aussi de confiance en elle quand elle ne se
trouvait pas devant des gens. Elle a senti l’angoisse que lui donnait la
perspective d’un rendez-vous avec un inconnu, et usé de l’Autorité
intérieure pour se calmer. Elle est allée jusqu’à la pratiquer le matin
devant son miroir. « Je suis l’auditoire le plus intransigeant qu’il m’ait
jamais été donné d’affronter. »
Avec le concours de son Ombre, Jennifer a entrepris de chasser le
manque d’assurance qui l’accablait depuis toujours.
On n’y parvient jamais d’un seul coup. Quand vous pratiquez
l’Autorité intérieure, vous y trouvez parfois une décontraction
instantanée et une élocution inhabituelle. Mais il arrive aussi que l’outil
vous paraisse trop mécanique ou qu’il ne donne rien. Ne vous
découragez pas pour autant ; passez simplement au signal suivant. Le
mieux que vous puissiez faire est de continuer à vous connecter à
l’Ombre sans attendre de rétribution immédiate.
Le besoin de faire plaisir à son auditoire est une habitude
profondément ancrée. Le meilleur moyen de s’en défaire consiste à la
remplacer par une autre, plus saine ; il faut pour cela pratiquer l’Autorité
intérieure chaque fois que l’occasion s’en présente. En y mettant de la
constance, vous vous exercerez à compter sur votre moi intérieur, pas
sur la réaction des autres.
Nous avons tous tendance à nous laisser inhiber par la soif
d’approbation. Les auteurs de ces lignes ne font pas exception. Nous,
psychothérapeutes, sommes des êtres comme les autres, et il est humain
de vouloir sentir que nos patients nous trouvent brillants. Or, ce n’est
pas toujours le cas ; en fait, il leur arrive de nous regarder comme si
nous étions cinglés. Ce serait mentir que de prétendre que ces moments-
là ne portent pas directement atteinte à notre confiance en nous-mêmes.
Mais c’est précisément dans ces moments – quand il faut que le patient
devienne réceptif à une nouvelle façon de contempler l’existence – qu’il
est important de préserver notre sens individuel de l’autorité.
Contester un argument ne nous confère pas d’autorité – cela ne fait
que témoigner de notre besoin d’avoir raison. Ce qui persuade nos
patients, c’est la profondeur et l’enthousiasme que nous mettons à
expliquer notre perspective – même lorsqu’ils nous remettent en
question. Cela ne peut provenir que de la Force de l’expression de soi ; ce
qui signifie que, comme n’importe qui, nous sommes conduits à utiliser
nous aussi l’Autorité intérieure.
QUESTIONS
2. Je vois bien mon Ombre quand je ferme les yeux, mais pas quand ils
sont ouverts et que je suis devant du monde.
5. Établir le contact avec mon Ombre n’aura-t-il pas sur moi un effet
négatif ? Il m’est arrivé à une période de ma vie de devenir mon Ombre, et
cela n’a rien donné de bon. Je n’ai fait que céder à mes plus mauvais
penchants.
contact avec les autres, dans ces moments où vous « faites un blocage », vous devenez raide ou
amorphe, incapable de vous exprimer avec naturel et spontanéité. Cet état est sous-tendu par un
manque irrationnel de confiance en soi. L’outil vous permet de surmonter ce manque d’assurance et
l’impression d’en connaître la cause – son apparence physique, son niveau d’instruction ou son statut
social et économique. En fait, l’origine de n’importe quel manque de confiance en soi loge tout au
fond de nous. C’est ce qu’on appelle l’Ombre – la figure incarnée de tous nos défauts –, et l’idée
qu’elle apparaisse à la vue d’autrui nous terrifie. Nous déployons en conséquence beaucoup
d’énergie pour la cacher, ce qui nous empêche totalement d’être nous-mêmes. L’outil constitue une
nouvelle façon de répondre au problème que pose la cohabitation avec cette Ombre.
lors d’un événement en société, d’une franche discussion en tête à tête ou d’une intervention en
public, par exemple. Faites-le avant l’événement, mais aussi pendant. Autre signal, moins évident, le
moment où vous vous faites du souci par anticipation en songeant à l’événement à venir.
L’outil en bref
1. Au moment où vous vous trouvez devant n’importe quel auditoire, visualisez votre Ombre
sur le côté, en train de vous faire face. (Cela fonctionne aussi bien avec un auditoire imaginaire
rien à craindre.
« ÉCOUTEZ ! » Ce n’est pas une demande, c’est un ordre. Vous le sommez d’écouter ce que
de l’approbation des autres. Elle s’exprime à travers l’individu avec une clarté et une autorité
inhabituelles, mais elle ne s’exprime pas forcément par le verbe, comme lorsqu’un athlète est « en
phase ». Chez l’adulte, elle est ensevelie par l’Ombre. En vous remettant en contact avec votre
Ombre, l’outil vous permet de ressusciter cette force et de la faire s’écouler à travers vous.
CHAPITRE CINQ
L’outil :
le Flux de gratitude
La Force supérieure :
la Gratitude
LE NUAGE NOIR
créé. Qu’éprouvez-vous ?
LE PRIX DE LA NÉGATIVITÉ
Pour la plupart d’entre nous, la paix de l’esprit est une sensation
précieuse. C’est le sentiment que les choses sont à leur place, que « tout
est pour le mieux ». Vous l’avez déjà éprouvé de façon fugace – comme
tout le monde –, c’est une sérénité intérieure, l’impression d’être en
harmonie avec tout ce qui existe.
Le Nuage noir annihile ce sentiment de paix. Sous son influence, on
ne voit plus du monde que ses défauts. Toutes les pensées négatives
produisent le même genre de résultat – le désespoir, le mépris de soi, les
postures moralisatrices –, mais celle qui y parvient le mieux, c’est la
propension à se faire du souci.
Sans sérénité, tout prend des proportions de crise. On focalise son
énergie entière sur la survie, et la joie de vivre devient un luxe
inaccessible. Elizabeth était incapable de se poser avec un bon livre,
d’apprécier un film ou de retrouver une amie pour déjeuner – il y avait
toujours un problème ou un autre qui sollicitait d’urgence son attention.
Un jour, épuisée, elle a levé les yeux vers moi et admis la vérité : « Je ne
parviens pas à me souvenir de la dernière fois que quelque chose m’a
vraiment procuré de la joie. »
Ce schéma de crise perpétuelle possède un aspect particulièrement
cruel. Dans le Nuage noir, le moindre problème prend des allures de
question de vie ou de mort – mais vous êtes le seul à le percevoir ainsi.
Vous ne pouvez compter sur personne pour vous aider à résoudre vos
problèmes parce que personne ne les prend autant à cœur que vous.
Inévitablement, on en vient à se sentir submergé et seul au monde.
Elizabeth avait atteint le stade où elle ne comptait même plus sur
son mari. À son arrivée à notre séance, elle était au bout du rouleau. « Je
ne tiens plus sur mes jambes, s’est-elle plainte. Je ne suis pas sûre de
pouvoir faire ma lessive aujourd’hui. »
Ça m’a étonné. « Je croyais que votre mari répondait présent quand
vous aviez besoin d’aide pour les tâches ménagères.
— J’ai arrêté de lui demander de m’aider. Il ne plie pas le linge
comme il faut. C’est plus facile si je le fais moi-même. »
Cette attitude ne faisait que rendre son mari – déjà irrité par ses
peurs disproportionnées – plus distant encore. Personne n’aime se sentir
inutile. Ses amis aussi s’éloignaient – elle n’avait jamais de temps à leur
accorder.
Par chance, peu après le début de la thérapie d’Elizabeth, un incident
lui avait administré l’électrochoc dont elle avait besoin – cela concernait
sa fille. Elizabeth n’avait jamais manqué de corriger ses dissertations, de
lui rappeler la date limite d’inscription à l’université, elle était même
allée jusqu’à l’aider à remplir ses courriers et à les affranchir. Elizabeth
avait donc reçu un choc quand elle avait entendu sa fille la traiter de
« mégère égoïste ». Le calme était revenu, et sa fille s’était expliquée.
« Je regrette les mots que j’ai employés, mais il faut quand même que tu
comprennes. Le plus souvent, j’ai l’impression que ce n’est pas pour moi
que tu fais tout ça – tu le fais pour apaiser ta propre angoisse de mon
entrée à l’université. »
Pour Elizabeth, il s’agissait là d’un tournant. Force était de constater
que le Nuage noir avait transformé son élan parental en encombrement
pour sa fille. Et s’il était capable de saper son rôle de mère, il pouvait
tout saper. C’est là qu’elle avait puisé la détermination à se débarrasser
du Nuage noir.
Mais la tâche s’est avérée plus difficile qu’elle ne l’aurait cru.