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ECOLE DOCTORALE :
INNOVATION THĂRAPEUTIQUE : DU FONDAMENTAL A LâAPPLIQUĂ
PĂLE : PHARMACOLOGIE ET TOXICOLOGIE
THĂSE DE DOCTORAT
soutenue le 29/03/2013
par
Alexandra TROTIER-FAURION
Président du jury : Marc PALLARDY Professeur des Universités (Université Paris Sud)
Creatine transporter deficiency is a rare brain disease associated with the loss of function of the
SLC6A8 (creatine transporter) leading to an absence of creatine at the cerebral level and to a
dramatic neurodevelopmental retardation in the children. To date, no effective therapy is available.
A potential therapeutic option would be the design of a pharmaceutical formulation of lipophilic
prodrugs of creatine that will cross the cell membranes passively and target the neurons in order to
restore the creatine content inside these cells.
One of the main purposes of this dissertation is to propose an original chemistry synthesis process of
creatine esters with long aliphatic chain. These compounds show interesting pharmacological
properties of structure-activity relationship between the length of the aliphatic chain (i.e.
lipophilicity) and the ability for the drug to enter cerebral endothelial, astroglial and neuronal cells.
According to our experimental observations, the dodecyl ester creatine seems to be the best drug
candidate. Moreover, the dodecyl ester is acted on by cellular esterases inside patientsâ fibroblasts
with a functional deficit of the SLC6A8 and increases the intracellular creatine content.
The pharmaceutical formulation developed in this study consists by incorporation of dodecyl ester
inside a nanovector (Lipid NanoCapsules). Two main advantages can be gained by nanovectorization:
firstly, the dodecyl ester is protected from the degradation by plasmatic esterases before reaching
the brain. Secondly, the nanovectorization strategy is highly valuable to brain targeting bypassing the
blood-brain barrier, which remains until now a major impediment in the drug design for the Central
Nervous System. Our experimental observations highlight this two-step therapeutic strategy for the
treatment of the creatine transporter deficiency.
This work was financially supported by the International PhD Program of the Life Sciences division of
the CEA and the Fondation JérÎme Lejeune.
Key words:
Blood-brain barrier; rare metabolic disease; treatment of creatine transporter deficiency; creatine
esters; pharmaceutical formulation; nanovectorization; Lipid NanoCapsules
3
4
Remerciements
Jâadresse mes plus sincĂšres remerciements au Dr Isabelle Rico-Lattes et au Dr Olivier Braissant pour
me faire lâhonneur de juger ce travail en qualitĂ© de rapporteurs.
Je remercie le Dr Vassili Valayannopoulos pour son implication et son aide dans ce projet, le Pr Jean-
Pierre Benoit pour avoir rendu possible une collaboration ainsi que pour son accueil Ă Angers. Je
remercie également le Dr Didier Bazile pour avoir accepté de juger ce travail.
Jâexprime ma gratitude au Pr Marc Pallardy qui mâa donnĂ© le goĂ»t de la Toxicologie lorsque jâĂ©tais
son Ă©tudiante et qui mâa fait lâhonneur de mâaccompagner dans le cadre de mon Doctorat de
Pharmacie.
Un merci tout particulier au Dr AloĂŻse Mabondzo, mon directeur de thĂšse, qui mâa fait confiance dĂšs
le début pour mener à bien ce projet. Merci pour cette collaboration efficace pendant ces 42 mois de
thÚse, nous avons formé un bon tandem !
Jâadresse ici tous mes remerciements Ă la Fondation Lejeune pour leur soutien financier ainsi quâĂ
lâInstitut National des Sciences et Techniques du NuclĂ©aire pour le financement de ma thĂšse via le
Programme Doctoral International des Sciences de la Vie du CEA (Irtelis).
Cette thÚse a été réalisée au CEA de Saclay, en collaboration entre le Service de Pharmacologie et
dâImmunoanalyse (SPI) dans le Laboratoire dâEtude du MĂ©tabolisme des MĂ©dicaments (LEMM) et le
Service de Chimie Bio-organique et de Marquage (SCBM) dans le Laboratoire de Marquage au
Carbone 14 (LMC). Je souhaite donc adresser tous mes remerciements au Dr Christophe Créminon
(SPI) et au Dr Bernard Rousseau (SCBM) pour mâavoir accueillie dans leurs services respectifs. Je
remercie également le Dr Eric Ezan et le Dr Christophe Junot, successivement chef(s) de laboratoire
au LEMM et le Dr FrĂ©dĂ©ric Taran, au LMC, pour mâavoir ouvert la porte de leurs laboratoires.
Un gigantesque merci Ă Sophie DĂ©zard : si jâai tenu bon devant les multiples difficultĂ©s, câest (entre
autre) grĂące Ă ta passion pour ce projet. Nous y avons cru jusquâau bout ! Merci pour mâavoir fait
partager ton univers, mâavoir prĂȘtĂ© un coin de ta prĂ©cieuse paillasse, mâavoir fait suivre les manips
mĂȘme de loin par photo, avoir Ă©tĂ© si disponible, si dynamique⊠Merci aussi dâavoir consacrĂ© du
temps à la relecture de cette thÚse dans ton emploi du temps chargé.
Lâapporche nanovectorisation dĂ©veloppĂ©e dans ce travail repose sur une collaboration avec lâunitĂ©
Inserm U1066 Micro et Nanomédecines Biomimétiques (MINT) à Angers. Mes plus sincÚres
remerciements vont au Pr Catherine Passirani. Jâai beaucoup apprĂ©ciĂ© notre collaboration, sur le
plan scientifique et personnel. Merci beaucoup pour lâaccueil Ă Angers, ton Ă©coute et ta disponibilitĂ©.
5
Remerciements
Et surtout, je remercie JérÎme Béjaud pour avoir répondu présent 100% du temps (voir plus !). Merci
pour ta réactivité, ta bonne humeur et pour avoir jonglé avec tous les projets auxquels tu contribues
pour y inclure mes demandes. Contre toute attente, tu auras supporté la « Parisienne » pendant 3
ans⊠Alors indemne ? ï Jâai passĂ© de trĂšs bons moments Ă Angers.
Je tiens Ă remercier le Pr Pascale de Lonlay pour son intĂ©rĂȘt dans ce projet, pour sa participation Ă la
correction des publications et pour son implication dans les perspectives cliniques du projet. Merci
également à Killian, Louis et les deux Thomas, les patients inclus dans cette étude, et à leurs
représentants légaux.
Merci Ă mes collĂšgues PCEL pour les discussions en salle de culture pendant les longues heures de
dissection, pour les ambiances musicales spéciales culture, pour les éclats de rire, la création du Livre
dâOr, The Chapeau, les restos, les soirĂ©es⊠Merci Ă toi, Anne-CĂ©cile, « gĂ©nie magique » de notre
Ă©quipe, pour le temps passĂ© Ă me former, Ă mâĂ©couter (Ă ton profit ou bien au mienâŠ), me seconder.
Sans toi lâĂ©quipe ne serait pas, je te souhaite de trĂšs belles rĂ©ussites. Merci Ă toi, « Genious » Lucie, je
nâoublierai pas notre entrĂ©e commune le 12 janvier 2009 aux portes du 136. Ma Lucie, merci pour
tous les petits et les longs mots, pour mâavoir aiguillĂ©e et soutenue dans les moments de doutes et
les difficultĂ©s, pour mâavoir transmis ta rigueur. Merci Ă toi, AgnĂšs, « maman Bisounours » : vive les
petits déjeuners, les fous rires, les coups de gueule et les autres bons moments à vouloir refaire le
monde. Heureusement que nous sommes rĂ©alistes ï ! Merci Ă toi, MickaĂ«l : un mĂ©ga bravo pour ta
persévérance à mes cÎtés et pour avoir réussi à suivre le tourbillon. Merci pour ton soutien sans faille
et ton aide sans relĂąche ! Merci Ă toi, Anne, pour les petits mots sympa, les mises Ă jour et les
astuces si pratiques pour cette fin de thÚse. Merci aussi à Emilie B avec qui je partageais la frénésie
de courir entre les bĂątiments du CEA... Merci Ă Sandrine, notre expat lyonnaise : cela mâa fait plaisir
de te retrouver Ă la SEISC. Bienvenue aux nouveaux (Emilie J â merci pour les compĂ©tences in vivo ! â
et Ricardo)⊠Petites citations PCEL parmi dâautres : Dis donc « Cocotte », câest encore toi qui as piquĂ©
les portoirs de culture ?... Allez « Bibiche » !... Il nây a pas de problĂšme, il nây a que des solutions⊠Il y
a ce quâon sait quâon sait, ce quâon sait quâon ne sait pas, mais surtout ce quâon ne sait pas quâon ne
sait pas⊠La Nature nâaime pas lâinstabilitĂ©âŠ
Un grand merci Ă©galement Ă tous les membres du LEMM. A « ceux dâen bas » et « ceux dâen haut » :
merci pour les bonjour du matin, les sourires dans les couloirs, les coups de main de manip, les
bonnes idĂ©es, les Ă©clats de rire et les bonnes blagues (ou pasâŠ) ! Merci Ă Henri BĂ©nech pour mâavoir
accompagné au début du projet. Un trÚs grand merci à Alain Pruvost pour son écoute, son aide, la
disponibilité du planning masse et les mimiques qui en disent long⊠!! Sophie, Armelle, Céline D,
6
Remerciements
Elodie, HélÚne, Kevin, François F, Aurélie R, Arnaud et Sandrine, Minale, Alexandre, Nicolas, Marie-
Françoise, Benoit, Samia (Vive CapsulŸ !), François B, JérÎme C et Cédric (merci pour les coups de
main, les coups de boost et les dĂ©codagesâŠ). Bravo Ă lâ(ex-?)Ă©quipe footing ! Une trĂšs spĂ©ciale
dédicace trÚs reconnaissante à Aurélie G alias Orel, Frédéric alias Fred, Grégory alias Greg et
Emeline alias Mimine : merci de mâavoir formĂ©e Ă la spectromĂ©trie de masse, de mâavoir Ă©paulĂ©e et
rassurée devant le Quattro, le Xévo et le Disco, cette sacrée bande de farceurs !
Merci Ă lâensemble des collĂšgues du SPI (LERI, LI2A, LIAS, Bertin Pharma et Profilomic), je ne pourrai
pas tous vous citer ici mais trouvez ici mes sincĂšres remerciements pour tout ce que vous mâavez
apporté pendant ces années de thÚse. Merci enfin à celles qui nous sont indispensables : Sandrine,
Laurie et Florence ! Merci aussi Ă lâensemble des membres du SCBM, surtout Ă David et CĂ©line pour
leur aide analytique ainsi quâĂ Emilie D, pour son remarquable travail en tant que stagiaire. Je tiens Ă
remercier également tout particuliÚrement Dr Maïté Paternostre pour ses conseils scientifiques et
son dynamisme communicatif !
Merci aux « filles dâAngers » pour leur accueil chaleureux et leurs discussions. Vous mâavez tout de
suite intégrée à votre équipe : Anne-Laure, Anne-Claire, Pauline, Audrey, Leila,⊠Ce fut un vrai
plaisir de vous rencontrer et je vous souhaite tout le meilleur pour vos fins de thĂšse respectives.
Enfin, bravo Ă tous les thĂ©sards et thĂ©sardes que jâai croisĂ©s Ă lâInstitut et en dehors, notamment mes
collĂšgues de promo Irtelis (Kahina, Julie, Yan, Mazhoura, Albane, et JĂ©rĂ©myâŠ) et les membres
correspondants communication iBiThÚse avec lesquels nous avons créé une lettre Doctorants de
lâInstitut (merci JĂ©rĂŽme pour avoir reprĂ©sentĂ© le SPI avec moi). Je remercie Ă cette occasion le Dr
Jean-Marc Grognet, chef de lâInstitut de Biologie et de Technologies de Saclay, de nous avoir offert
cette opportunité.
Merci aux copines thésardes (Emmanuelle, Marion, Floriane et HélÚne) pour nos dßners soutien-
dĂ©ferlantes dont nous avions bien besoin ainsi quâĂ tous les copains-copines, notamment les ex-
pharma (Julie, AmĂ©lie, Hao, EricâŠ). MalgrĂ© les distances gĂ©ographiques lâamitiĂ© reste⊠Merci Ă tous !
Une spéciale dédicace à la meilleure des meilleures : merci Darine ! Nous avons bien changé depuis
le lycée mais nous sommes restées unies. Tu es awesome (High 5 !) et ta présence me réconforte.
Une trĂšs grande rĂ©vĂ©rence Ă mes parents (« trouveurs » acharnĂ©s !) et Ă ma petite sĆur BĂ©atrice
(grande philosophe !) pour leur soutien inconditionnel, leurs idĂ©es et leurs conseils. Merci de mâavoir
Ă©coutĂ©e et parfois su me faire taire ! Le dernier remerciement sera pour toi, Laurent, merci dâĂȘtre
chaque jour à mes cÎtés.
7
Table des matiĂšres
8
Table des matiĂšres
CHAPITRE 2 : OBJECTIFS 89
9
Table des matiĂšres
10
Table des matiĂšres
ANNEXE 371
Annexe 1 : Matériels et équipements 373
Annexe 2 : Principe de la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem 379
Annexe 3 : Communications écrites et orales 383
11
Liste des Abbréviations
12
Liste des Abbréviations
13
Liste des Figures
14
Liste des Figures
Figure 41 : Déprotection du motif guanidine et obtention des esters gras de créatine 130
Figure 42 : Profil chromatographique et spectres MS et MS/MS de l'ester octadécylique 136
de créatine
Figure 44 : Trans-estérification des esters par le méthanol 143
1
Figure 45 : Spectre H RMN de l'ester octadécylique (contrÎle de fin de synthÚse) 145
1
Figure 46 : Spectre H RMN de l'ester octadécylique aprÚs conservation à sec pendant 146
18 mois à -20°C
Figure 47 : Dégradation des esters de créatine éthylique (C2) et octadécylique (C18) en 148
fonction de la concentration dâacide formique pendant 2 h dâincubation dans le tampon
de transfert à 37°C
Figure 48 : Dégradation des esters dodécylique (C12) et hexadécylique (C16) de créatine 149
en fonction de la concentration dâacide formique dans le tampon de transfert pendant
2 h dâincubation Ă 37°C
Figure 49 : Dégradation d'une solution d'ester octadécylique de la créatine dans le 150
tampon de transfert contenant 1% d'ACN et 0.02% acide formique (v/v)
Figure 50 : Dégradation d'une solution d'ester octadécylique de créatine dans le 151
tampon de transfert contenant 10% ACN et 0.2% acide formique (v/v)
1
Figure 51 : Spectre H RMN de l'ester dodécylique (contrÎle en fin de synthÚse) 153
1
Figure 52 : Spectre H RMN de l'ester dodécylique aprÚs une conservation de 2 mois 154
dans lâacĂ©tonitrile Ă +4°C)
Figure 53 : Dégradation de l'ester octadécylique de créatine aprÚs 17 h de stockage à - 155
20°C dans le tampon de transfert contenant 1% dâacĂ©tonitrile et 0.02% dâacide
formique comparĂ©e au tampon de transfert contenant 10% dâacĂ©tonitrile et 0.2%
dâacide formique
Figure 54 : Expression génique du transporteur de la créatine (SLC6A8) 157
Figure 55 A : Expression génique de l'enzyme de biosynthÚse AGAT 158
Figure 55 B : Expression de l'enzyme de biosynthĂšse GAMT 158
Figure 56 : Expression du transporteur de la créatine dans les fibroblastes humains 159
-6 -1
Figure 57 : Constantes de perméabilité (Papp créatine, x10 cm.s ) en fonction des 161
concentrations de créatine (”M) incubées pendant 120 minutes dans le compartiment
14
dâorgine apical (AB) ou basolatĂ©ral (BA) en prĂ©sence de quantitĂ© radio-traceuse de C-
créatine (0.5 ”M).
Figure 58 : Quantités détectées (en % de la quantité initiale) dans le compartiment 161
receveur (B ou A) en fonction des concentrations de créatine (en ”M) incubées pendant
120 minutes dans le compartiment dâorigine apical (AB) ou basolatĂ©ral (BA)
Figure 59 : Influence des conditions inhibitrices de lâacide guanidinopropionique (GPA) 163
et de la ciclosporine (Ci) sur les ratios dâefflux de 3 concentrations de crĂ©atine (5, 100 et
2000 ”M) dans le modÚle de BHE
Figure 60 : Influence des conditions inhibitrices de lâacide guanidinopropionique (GPA) 163
et de la ciclosporine (Ci) sur les constantes de perméabilité apical vers basal (A) et
basolatéral vers apical (B) de 100 ”M de créatine dans le modÚle de BHE
Figure 61 : Influence des conditions inhibitrices de lâacide guanidinopropionique (GPA) 164
et de la ciclosporine (Ci) sur les constantes de perméabilité apical vers basal (A) et
basolatéral vers apical (B) de 2000 ”M de créatine dans le modÚle de BHE
Figure 62 : Absence de toxicité de la créatine sur l'intégrité de la BHE entre 5 et 2000 164
”M
14
Figure 63 : Internalisation de la C-Créatine (en % de la dose initiale) dans les cellules 165
neuronales en fonction du temps
Figure 64 : Conversion de l'acétate de 4-nitrophényle en p-nitrophénol par les estérases 166
cellulaires
15
Liste des Figures
Figure 65 : Activité des estérases cellulaires dans les cellules endothéliales, les cellules 167
gliales et les neurones
Figure 66 : Activité des estérases cellulaires dans les fibroblastes humains 168
Figure 67 : Quantification de la créatine dans les quatre compartiments du modÚle de 171
BHE : lysat endothélial (A) et lysat glial (B), compartiment apical (C) et basolatéral (D)
Figure 68 : Internalisation de lâester dodĂ©cylique de crĂ©atine (quantifiĂ© en nmoles 175
dâester rapportĂ© Ă la quantitĂ© protĂ©ique) dans les fibroblastes humains pĂ©diatriques
Figure 69 : Conversion de l'ester dodécylique de créatine en créatine dans les cellules 175
fibroblastiques du sujet contrÎle (Control K) et des 3 patients atteints du déficit en
transporteur de la créatine (DTp1, VLp2 et CTp3)
Figure 70 : Absence de capture macrophagique des NCL 294
Figure 71 : Absence dâactivation du systĂšme du complĂ©ment 295
Figure 72 : Détection des endotoxines dans les préparations de NCL 296
Figure 73 : Stabilité des NCL lors d'une conservation à + 4°C 297
Figure 74 : Perte du composé encapsulé en fonction des post-insertions réalisée sur la 298
structure des NCL
Figure 75 : Linéarité de la relation entre la quantité d'amiodarone détectée et la 298
concentration en NCL
Figure 76 : Efficacité de la lyse des 3 types de NCL au 1/5Úme dans l'acétonitrile 299
Figure 77 : Comparaison de 3 protocoles de lyse des NCL internalisées dans les cellules 300
gliales aprĂšs 24 h dâincubation dâune solution de 0.1 mg/ml de NCL-PegIns ou de 55.5
nM dâamiodarone en solution
Figure 78 : Internalisation de 0.1 mg/ml de NCL chargée en amiodarone dans les cellules 301
endothéliales du modÚle in vitro de BHE
Figure 79 : Internalisation de 0.5 mg/ml de NCL chargée en amiodarone dans les cellules 302
endothéliales du modÚle in vitro de BHE
Figure 80 : Internalisation de 0.05 et 1 ”M dâamiodarone seule dans les cellules 303
endothéliales du modÚle in vitro de BHE
Figure 81 : Internalisation de 0.1 mg/ml de NCL chargées en amiodarone dans les 304
cellules gliales du modĂšle in vitro de BHE aprĂšs translocation Ă travers la monocouche
endothéliale
Figure 82 : Internalisation de 0.5 mg/ml de NCL chargées en amiodarone dans les 304
cellules gliales aprÚs translocation à travers la monocouche endothéliale
Figure 83 : Internalisation de 0.05 et 1 ”M dâamiodarone dans les cellules gliales aprĂšs 305
translocation à travers la monocouche endothéliale
Figure 84 : Quantification de la créatine dans les lysats endothélial (A) et glial (B) aprÚs 307
une incubation de 60 minutes avec les NCL-C12
Figure 85 : Internalisation des NCL-C12 dans les neurones (A) ayant pour conséquence 308
un efflux de la créatine (B)
Figure 86 : Quantification de l'ester dodécylique de créatine dans les fibroblastes 309
humains aprĂšs incubation avec les NCL-C12
Figure 87 : Quantification de la créatine aprÚs conversion de l'ester dodécylique de 310
créatine dans les fibroblastes du sujet contrÎle
Figure 88 : Quantification de la créatine aprÚs conversion de l'ester dodécylique de 310
créatine dans les fibroblastes des patients atteints du déficit en transporteur de la
créatine
Figure 89 : Stabilité des NCL-C12 dans le plasma 312
Figure 90 : Dégradation des NCL-C12 dans le plasma 312
Figure 91 : Stabilité de la concentration en créatine dans le plasma lors des incubations 313
en NCL-C12
16
Liste des Figures
17
Liste des Tableaux
18
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
CHAPITRE 1
INTRODUCTION GENERALE
DE LA CREATINE AU DEFICIT EN
TRANSPORTEUR DE LA CREATINE
ET
19
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
20
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
1.1 La créatine
1.1.1 SynthÚse de la créatine
NH
La crĂ©atine est un dĂ©rivĂ© dâacide aminĂ©, une partie des rĂ©serves de crĂ©atine de lâorganisme provient
donc des protéines de notre alimentation (viande, poisson, lait et produits laitiers). La
biodisponibilité de la créatine dépend alors de son absorption au niveau intestinal et celle-ci est
élevée car 80% de la créatine ingérée est absorbée 4.
Lâautre partie des rĂ©serves de crĂ©atine repose sur une synthĂšse de novo dans lâorganisme 5. Cette
synthĂšse endogĂšne est rĂ©alisĂ©e suivant deux Ă©tapes enzymatiques qui nĂ©cessitent lâutilisation de
trois acides aminĂ©s : lâarginine, la glycine et la mĂ©thionine (Figure 2). Dans un premier temps, la L-
arginine : glycine amidinotransférase (AGAT, EC 2.1.4.1) catalyse le transfert du groupement aminé
de lâarginine Ă la glycine et conduit Ă la biosynthĂšse de lâornithine et de lâacide guanidinoacĂ©tique (ou
GAA). Dans une seconde étape, le GAA est méthylé grùce à la réaction médiée par la
guanidinoacĂ©tate mĂ©thyltransfĂ©rase (GAMT). Cet enzyme rĂ©alise le transfert dâun groupement
6
méthyle depuis la S-adénosylméthionine (SAM) à la créatine en produisant la S-
adénosylhomocystéine.
Les enzymes AGAT et GAMT sont exprimées majoritairement dans le rein et le foie respectivement.
La premiÚre étape de biosynthÚse semble donc rénale et la seconde est hépatique. Cependant leurs
expressions se retrouvent Ă©galement dans dâautres tissus Ă des niveaux variables, comme le
21
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
pancrĂ©as, les testicules, les poumons et la rate 7 mais leur prĂ©sence dans ces organes nâest Ă ce jour
pas encore clairement expliquée. En effet, bien que les transcrits ainsi que la protéine AGAT soit
exprimés dans le foie et le pancréas, il ne semble pas que ces organes participent à la biosynthÚse de
la crĂ©atine, les hĂ©patocytes se rĂ©vĂ©lant incapables de rĂ©aliser la synthĂšse complĂšte de la crĂ©atine Ă
partir des trois acides aminĂ©s prĂ©curseurs 6. Par ailleurs, lâAGAT et la GAMT sont Ă©galement
fonctionnelles dans le systÚme nerveux central 5, 8, 9 comme cela sera décrit plus loin.
Les encadrés rouges indiquent les activateurs de la biosynthÚse de créatine et les encadrés verts le rétrocontrÎle négatif de
la crĂ©atine sur sa propre synthĂšse. De haut en bas sur le schĂ©ma, lâarginine et la glycine permettent la biosynthĂšse de la
créatine qui est transportée à travers les membranes cellulaires grùce à un transporteur spécifique le SLC6A8. La créatine
sert alors de réserve énergétique cellulaire sous la forme phosphocréatine et elle est dégradée en créatinine qui est excrétée
10
dans les urines. Schéma adapté de Wada, 2012 .
Comme on peut le constater sur la Figure 3, la biosynthÚse de la créatine repose sur une utilisation
Ă©quimolaire dâarginine et de glycine, ainsi que sur lâutilisation de la mĂ©thionine pour lâapport dâun
groupement méthyle. Cette synthÚse est un point important pour le métabolisme des acides aminés
et un calcul simple permet dâen prendre conscience. La synthĂšse dâ1 gramme de crĂ©atine par jour
Ă©quivaut Ă la production de 8 mmoles de crĂ©atine. Ceci nĂ©cessite donc 8 mmoles par jour dâarginine,
de glycine et de méthionine. Si on considÚre une absorption quotidienne de 80 grammes de
protĂ©ines, qui correspond Ă un rĂ©gime alimentaire occidental moyen, lâapport exogĂšne de glycine,
22
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Cependant, lâarginine et la glycine peuvent Ă©galement ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es par lâorganisme 4. Dans le
schĂ©ma de synthĂšse de la crĂ©atine, seule la glycine est incorporĂ©e entiĂšrement. Lâarginine est
11
convertie en ornithine qui pourrait en thĂ©orie ĂȘtre rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©e en arginine par le cycle de lâurĂ©e
mais sans preuve formelle jusquâĂ prĂ©sent. Cela impliquerait nĂ©anmoins que lâornithine produite au
niveau rĂ©nal puisse ĂȘtre captĂ©e par les organes exprimant la carbamyl phosphatase synthase I dont
lâexpression est restreinte au foie et Ă lâintestin grĂȘle 7, 11.
En revanche, la méthionine est, elle, un acide aminé essentiel, apporté strictement par
lâalimentation 4. Certes, lâalimentation fournit dâautres groupements mĂ©thyle labiles par lâapport de
choline et de bétaïne ainsi que par la méthylnéogenÚse conduite par la reméthylation de
lâhomocystĂ©ine. Toutefois, 40% des groupements mĂ©thyle de la SAM sont consommĂ©s dans la
synthÚse de la créatine 12. Ces calculs sont approximatifs mais ils démontrent bien à quel point la
synthÚse de la créatine tient une part importante dans le métabolisme des acides aminés. Ceci est
dâailleurs dâautant plus vrai chez les vĂ©gĂ©tariens et les vĂ©gĂ©taliens pour lesquels le rĂ©gime alimentaire
apporte moins de protéines et chez lesquels la biosynthÚse endogÚne de créatine est donc
fondamentale 7.
23
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
nâa Ă©tĂ© dĂ©crit. Contrairement Ă lâarginine, la concentration de glycine est probablement largement
supĂ©rieure au Km de lâAGAT et elle ne constitue donc pas un facteur limitant pour la synthĂšse 13. La
rĂ©gulation fine de lâarginine sur la biosynthĂšse de la crĂ©atine la rend dĂ©pendante du cycle de lâurĂ©e.
En effet, chez les patients souffrant dâune dĂ©ficience en arginase, seule pathologie conduisant Ă une
hyperargininémie, on note une augmentation des composés de type guanidine et, notamment, la
crĂ©atine et lâacide guanidinoacĂ©tique. Ceci sâexplique par une activation de lâAGAT qui conduit Ă une
augmentation de la synthÚse de GAA et secondairement à une augmentation de la créatine. Au
contraire, si lâon considĂšre dâautres pathologies du cycle de lâurĂ©e oĂč le taux dâarginine est trĂšs bas,
la diminution en crĂ©atine nâest pas toujours dĂ©tectĂ©e. Ces patients sont en effet bien souvent
supplémenté en arginine ce qui fausse les observations 4.
La capacitĂ© hĂ©patique Ă convertir lâacide guanidinoacĂ©tique en crĂ©atine est trĂšs Ă©levĂ©e, la rĂ©action
sâeffectuant loin de son maximum en prĂ©sence de concentration physiologique de GAA. Celui-ci a
également une action activatrice de la synthÚse.
Une fois la créatine synthétisée, elle est exportée du foie et transportée par la circulation sanguine
jusquâaux organes cibles trĂšs demandeurs en Ă©nergie (principalement les muscles squelettiques et le
cerveau) qui la captent grùce à un transporteur spécifique : le transporteur de la créatine 5. Ce
transport actif spécifique est essentiel car la créatine est une molécule trÚs polaire qui a beaucoup de
difficultés à franchir les membranes lipidiques.
La crĂ©atine est distribuĂ©e dans tout lâorganisme : 95% est dĂ©tectĂ©e dans le muscle squelettique 16 et
les 5% restants sont distribués dans le cerveau, le foie, les reins et les testicules et éventuellement le
5, 16-18
placenta . Les concentrations sont élevées, 30 mM de créatine sont ainsi détectées dans le
muscle squelettique et 10 mM dans le cerveau 5.
24
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le transporteur spécifique de la créatine est décrit pour la premiÚre fois dans des cultures cellulaires
19
astrogliales en 1989 par Möller et Hamprecht . Le transport de la créatine ou SLC6A8 est un
membre de la superfamille des transporteurs électrogéniques « solute carrier family 6 » ou SLC6.
Cette famille comprend les transporteurs membranaires responsables du transport de
neurotransmetteurs (dopamine, GABA, sĂ©rotonine, noradrĂ©naline) et dâacides aminĂ©s (glycine,
proline, taurine) Ă travers la membrane plasmique grĂące Ă un systĂšme de co-transport de Na+ et Cl-.
Le SLC6A8 implique 2 Na+ et 1 Cl- pour chaque molécule de créatine transportée 20-22 (Figure 4).
Deux transporteurs de la créatine ont été identifiés à ce jour : le premier est le SLC6A8 (également
24
noté CT1, CRTR, CRT1, CTR, CreaT ou encore CrT) et le second est le SLC6A10 ou CT2 . Le gÚne
codant pour la protĂ©ine SLC6A8 est localisĂ© sur le chromosome X Ă la position Xq28 25-27. Lâexpression
de ce transporteur est ubiquitaire mais nettement plus importante dans les tissus Ă forts besoins
Ă©nergĂ©tiques (muscle squelettique, cĆur, cerveau, rĂ©tine) ou dans les tissus Ă fonction dâabsorption
25
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le gÚne codant pour le SLC6A8 (Xq28) consiste en 13 exons et présente une longueur de 8,4 kb
(GenBank accession number : Z66539) 26. Le mRNA est de 3,9 kb environ et encode une protéine de
635 acides aminés avec un poids moléculaire estimé à 70 KDa. Il présente entre 46 et 53%
dâhomologie de sĂ©quence avec les autres membres SLC6 Ă savoir les transporteurs du GABA, de la
5, 34-36
taurine, de la bétaïne et des acides aminés neutres . Leurs structures sont si proches que trois
substitutions dâacides aminĂ©s dans les domaines transmembranaires 1, 3 et 6, associĂ©s Ă la liaison du
substrat et Ă la fonction de transport, conduisent Ă sa modification dâaffinitĂ© de substrat et en font
37
un transporteur spĂ©cifique de lâacide gamma amino butyrique ou GABA . La sĂ©quence de cette
protĂ©ine est Ă©galement trĂšs conservĂ©e parmi les espĂšces vertĂ©brĂ©es puisquâelle prĂ©sente 97%
38, 39
dâidentitĂ© avec ses homologues exprimĂ©es chez le rat, le lapin et le bĆuf . Il est intĂ©ressant de
noter que la position Xq28 a été reliée à de nombreux déficits musculaires de type dystrophie
musculaire de Emery-Dreifuss, le syndrome de Barth, la cardiomyopathie infantile, les myopathies
tubulaires. Il a donc Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que le SLC6A8 pouvait ĂȘtre impliquĂ© dans ces pathologies au regard
de son rĂŽle important dans lâhomĂ©ostasie de la crĂ©atine et de la physiologie musculaire 24.
26
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Les 12 domaines transmembranaires (TM) sont reliĂ©s par des boucles extracellulaires (ECL) et cytosoliques. Deux dâentres
elles portent des sites de glycosylation (Ă©toiles oranges) responsables de lâadressage de la protĂ©ine Ă la membrane
plasmique qui contribuent Ă la fonction de transport. Des variations dans les glycosylations contribuent Ă lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© du
38
transporteur . LâextrĂ©mitĂ© C terminale porte un domaine protĂ©ique PDZ (cercle vert) impliquĂ© dans les interactions
40
protĂ©ines-protĂ©ines et notamment dans lâancrage aux Ă©lĂ©ments du cytosquelette.DâaprĂšs Betsalel et al.
Le transporteur de la crĂ©atine joue un rĂŽle majeur au niveau des interfaces tissulaires puisquâil est
responsable de lâentrĂ©e de la crĂ©atine dans les tissus cibles. En premier lieu, le transporteur SLC6A8
est responsable de lâabsorption de la crĂ©atine au niveau de lâintestin et de sa rĂ©absorption au niveau
rénal aprÚs la filtration de la créatine plasmatique. Dans les deux cas, le transport électrogénique
dépendant du Na+ et Cl- est décrit au niveau de la membrane apicale des cellules du jejunum 41 et de
la membrane des cellules de la bordure en brosse du cortex rénal 42. De plus, le transporteur de la
crĂ©atine joue un rĂŽle fondamental dans lâentrĂ©e de la crĂ©atine dans le systĂšme nerveux central
puisque la barriÚre hémato-encéphalique qui protÚge notre cerveau présente une perméabilité trÚs
27
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
faible pour la créatine 43. Ce transporteur est fonctionnel au niveau des membranes mitochondriales
avec un Km Ă©levĂ© de 16 mM dans les organes qui nâexpriment pas la crĂ©atine kinase comme le foie 39.
Ceci permet probablement de faire entrer la crĂ©atine dans la mitochondrie pour quâelle puisse sây
convertir en réserve énergétique, comme nous le verrons plus loin au paragraphe 1.5.
La reconnaissance des substrats du transporteur de la créatine semble reposer sur des critÚres
structuraux. Ainsi la proximité structurelle du SLC6A8 avec les transporteurs du GABA, de la taurine
et de la bĂ©taine laisse penser que le substrat doit ĂȘtre un composĂ© zwiterrionique neutre possĂ©dant
une chaßne latérale et un groupement fonctionnel positivement chargé séparé du groupement acide
20
carboxylique par un nombre dâatomes plus grand que nâen prĂ©senterait un acide aminĂ© . La
structure de la crĂ©atine prĂ©sente un groupement guanidine sĂ©parĂ© de lâacide carboxylique par une
chaĂźne de deux carbones ainsi quâune chaĂźne latĂ©rale constituĂ©e dâun mĂ©thyle.
H
H2N N OH
Figure 7 : Structure chimique de l'acide 3-guanidinopropionique
NH O
De nombreux facteurs sont impliqués dans la régulation du transporteur de la créatine : les protéines
de transduction du signal ou les hormones (catĂ©cholamines, IGF-1). Par exemple, lâinsuline
augmenterait le potentiel de transport du SLC6A8 23.
28
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le SLC6A8, comme les autres membres de la famille SLC6, régule la signalisation biochimique
neuronale. Le transporteur de la créatine semble ainsi impliqué dans la recapture et le recyclage des
neurotransmetteurs 35, 44. Il est notamment fonctionnel dans les synaptosomes du diencéphale et du
télencéphale de rat 28. Cela fait de la créatine un potentiel neurotransmetteur 44.
Tel que cela a été décrit, le transporteur de la créatine permet de faire entrer la créatine contre un
gradient de concentration. Mais des interrogations subsistent car aucun mĂ©canisme nâest explicitĂ©
concernant la façon dont la crĂ©atine est libĂ©rĂ©e des cellules, câest-Ă -dire dans le mĂȘme sens que le
gradient de concentration 6. De plus, le transporteur de la crĂ©atine nâest pas exprimĂ© par les
hĂ©patocytes, il faut donc quâils expriment un autre transporteur pour capter le GAA 6. Des
expériences publiées début 2012 indiquent que le transporteur du GABA (GAT2) peut capter le GAA
45
et le transporter dans le foie. Ce transport est également dépendant du Na+ et du Cl- et inhibé par
lâacide guanidinopropionique notamment. Ceci indique que la spĂ©cificitĂ© de substrat est comparable
entre le transporteur de la crĂ©atine et le GAT2, ce qui peut sâexpliquer par une certaine similitude de
structure chimique entre le GABA et la créatine (Figure 8).
O O
H2N N H2N
OH OH
NH
La créatine (à gauche) et le GABA (à droite) présentent des structures chimiques avec une certaine similitude.
Les atomes et les liaisons codés en rouge indiquent les différences de motifs structuraux.
29
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
O
N
Figure 9 : Structure chimique de la créatinine
H2 N
N
CH3
La créatinine diffuse librement à travers les membranes biologiques et elle est excrétée dans les
urines. Son élimination journaliÚre étant proportionnelle à la quantité totale de créatine dans
47
lâorganisme, elle est de ce fait un bon indicateur de la masse musculaire . Par ailleurs, la
créatininémie est utilisée usuellement comme indicateur de la fonction rénale. En effet, la formule
de Cockcroft et Gault calcule la clairance de la créatinine et représente la capacité de filtration
glomérulaire des reins.
JusquâĂ rĂ©cemment, il Ă©tait Ă©tabli que la crĂ©atine Ă©tait synthĂ©tisĂ©e uniquement en pĂ©riphĂ©rie. Sa
prĂ©sence dans le parenchyme cĂ©rĂ©bral sâexpliquait alors par sa capacitĂ© Ă franchir la barriĂšre
hémato-encéphalique (BHE), permettant son passage du sang vers le cerveau. Vu la faible
permĂ©abilitĂ© de la BHE pour la crĂ©atine, il est clair aujourdâhui que le besoin cĂ©rĂ©bral en crĂ©atine ne
peut pas reposer sur ce seul transfert depuis le plasma. De nouvelles Ă©vidences dĂ©montrent quâil
48
existerait aussi une synthÚse in situ intra-cérébrale . Pour comprendre ceci, il est fondamental
dâĂ©tudier prĂ©cisĂ©ment lâexpression et la fonctionnalitĂ© des enzymes de biosynthĂšse et du
transporteur dans les différentes structures cérébrales.
30
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Une Ă©tude par hybridation in situ sur des coupes de cerveau nâa pas pu mettre en Ă©vidence
lâexpression du transporteur de la crĂ©atine dans les cellules astrocytaires, et ce, quelle que soit la
8
zone cĂ©rĂ©brale concernĂ©e (tĂ©lencĂ©phale, corps calleux, hippocampe, cervelet) . Lâabsence
démontrée du transporteur de la créatine dans ces cellules devient cependant négligeable. En effet,
puisque les astrocytes expriment les enzymes AGAT et GAMT, la biosynthÚse de la créatine dans ces
cellules dĂ©pendra non pas de lâapport de la crĂ©atine mais bien de celui des acides aminĂ©s prĂ©curseurs
(arginine, glycine et mĂ©thionine) et tout particuliĂšrement lâarginine. Les transporteurs spĂ©cifiques de
lâarginine, Ă savoir les trois CAT (Cationic amino acid transporter) sont exprimĂ©s dans les cellules
58
cérébrales (cellules endothéliales microvasculaires, gliales et neuronales) et les astrocytes tout
comme les neurones sont capables de capter lâarginine et la glycine et de conduire Ă la synthĂšse de
59
lâacide guanidinoacĂ©tique et de la crĂ©atine . Les autres cellules cĂ©rĂ©brales (neurones et cellules
endothéliales) expriment quant à elles le transporteur de la créatine 8, 59.
31
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Les échanges cellulaires entre les cellules cérébrales sont décrits dans la Figure 11. Les deux enzymes
de la biosynthÚse étant rarement co-exprimées (dans 7.9% des cellules seulement 48), cela signifie
que lâacide guanidinoacĂ©tique produit dans les cellules exprimant lâAGAT doit ĂȘtre transfĂ©rĂ© aux
55, 56
cellules exprimant la GAMT ce qui est possible via le transporteur SLC6A8 . Celui-ci peut alors
permettre la synthĂšse de la crĂ©atine dans une culture cellulaire 3D de neurones, dâastrocytes et
dâoligodendrocytes 57. Les communications cellulaires au niveau cĂ©rĂ©bral sont donc fondamentales
pour le maintien des processus de rĂ©gulation de lâĂ©nergie cellulaire mettant en jeu la crĂ©atine. Il
semble quâelles reposent sur la fonctionnalitĂ© du transporteur de la crĂ©atine en grande partie.
Enfin, la régulation de la synthÚse cérébrale est différente de celle des autres organes, puisque les
produits de rĂ©action nâexercent pas de rĂ©trocontrĂŽle nĂ©gatif puissant ni sur les enzymes de synthĂšse
57
ni sur le transporteur . Ainsi le cerveau est constamment en mesure de fournir de la créatine ce qui
prend son sens au regard de la dépendance complÚte des fonctions cérébrales à son
approvisionnement en énergie.
32
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Figure 10 : Quantification du nombre de cellules cérébrales exprimant les enzymes AGAT et GAMT et le
SLC6A8
La quantification du nombre de cellules
exprimant les enzymes AGAT, GAMT et
le transporteur SLC6A8 révÚle
quâaucune expression ni des enzymes
de synthĂšse ni du transporteur nâest
détectée dans 31% des cellules
cerébrales. Environ 14% des cellules
nâexprime quâune seule des trois
protéines : 14.9 ; 13.5 et 14%
respectivement pour lâAGAT, la GAMT
et le SLC6A8. Seules 4.1% des cellules
présentent une expression conjointe
des trois protéines.
SchĂ©ma dâaprĂšs les donnĂ©es
dâimmunohistochimies de Braissant et
48
al. .
Les cellules exprimant les deux enzymes de synthÚse (1) assument la synthÚse complÚte de la créatine qui peut alors diffuser
vers les autres types cellulaires nâexprimant que le transporteur (3). Des Ă©changes se font aussi entre des cellules
nâexprimant que lâAGAT (2) qui produisent le GAA captĂ© ensuite par les cellules exprimant la GAMT et capables de le
convertir en crĂ©atine. Cette figure mentionne Ă©galement que la crĂ©atine peut ĂȘtre faiblement extraite du plasma via le
60
transporteur de la créatine (4). Extrait de Braissant et al. .
33
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le fonctionnement cellulaire optimal repose sur la production et lâutilisation des sources dâĂ©nergie
cellulaire. Celle-ci est finement régulée par les mitochondries qui sont des organelles intracellulaires
hautement impliquĂ©s dans les Ă©changes Ă©nergĂ©tiques cellulaires. Les mitochondries sâappuient sur la
phosphorylation oxydative et le cycle de Krebs afin de produire une forme énergétique exploitable
par la cellule : lâATP. LâATP et lâADP peuvent bien diffuser depuis la mitochondrie oĂč ils sont
synthĂ©tisĂ©s jusquâaux sites de consommation cytosoliques mais de façon relativement limitĂ©e par
rapport à la créatine. En effet, la phosphocréatine (Masse moléculaire (MM) = 211 daltons) et la
crĂ©atine (MM = 131 Da) prĂ©sentent des tailles plus petites que lâATP (MM = 507 Da) et lâADP
(MM = 427 Da) ce qui facilite non seulement leur diffusion mais Ă©galement leur capacitĂ© Ă
sâaccumuler Ă de fortes concentrations dans les cellules sans affecter les boucles de rĂ©gulation
dâaprĂšs Longo et al. 61 Ainsi, les concentrations cytosoliques libres de phosphocrĂ©atine et de crĂ©atine
dans le muscle squelettique sont de 27 et 13 mM respectivement alors que celles dâATP et dâADP
sont de 8 mM et de 20 ”M 62, 63.
La créatine permet de transférer des groupements de haute énergie depuis les sites de production
des mitochondries aux sites de consommation dans le cytoplasme cellulaire (Figure 12) selon la
rĂ©action MgADP + PhosphocrĂ©atine + H+ ïł MgATP + crĂ©atine catalysĂ©e par la crĂ©atine kinase (CK). La
créatine kinase est une enzyme hétérogÚne douée d'une activité importante dans le métabolisme
énergétique. Elle est présente dans de nombreux organes et son rÎle est de reconstituer les réserves
en ATP, utilisables par la cellule. Il existe trois isoenzymes cytosoliques, la CK-MM (présente dans le
muscle strié), la CK-BB (présente dans le cerveau) et la CK-MB (présente dans le myocarde). Il existe
deux isoenzyme mitochondriales : la sMtCK sarcomérique spécifique du muscle strié et la uMtCK
ubiquitaire présente dans de nombreux tissus y compris le cerveau 64. La créatine kinase permet via
le systÚme créatine/phosphocréatine de stocker ou de libérer le phosphate de haute énergie en
fonction des besoins. Ainsi au niveau des sites de production mitochondriaux, la rĂ©action sâeffectue
dans le sens : MgATP + crĂ©atine ï MgADP + PhosphocrĂ©atine + H+. La phosphocrĂ©atine sert de
rĂ©serve Ă©nergĂ©tique dans le cytosol cellulaire qui circule jusquâaux sites de consommation comme
par exemple une ATPase. La créatine kinase cytosolique catalyse alors la réaction inverse MgADP +
PhosphocrĂ©atine + H+ ï MgATP + crĂ©atine afin de libĂ©rer lâATP utilisable alors par la cellule. Dâautres
sites cytosoliques font appel Ă lâactivitĂ© de la crĂ©atine kinase. Ainsi cet enzyme transphosphoryle
lâATP issu de la glycolyse en phosphocrĂ©atine. La crĂ©atine kinase est responsable du maintien de
lâĂ©quilibre du ratio ATP/ADP dans le cytoplasme cellulaire 5, 7, 46, 47, 61.
34
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La crĂ©atine entre dans la cellule par le transporteur de la crĂ©atine (CRT). La crĂ©atine (Cr) peut ĂȘtre prise en charge par la
créatine kinase couplée à la phosphorylation oxydative mitochondriale (mtCK) pour produire la phosphocréatine (PCr). De
mĂȘme, elle intervient aprĂšs la glycolyse (G) pour stocker lâATP produit sous forme de PCr grĂące Ă la crĂ©atine kinase couplĂ©e Ă
la glycolyse (CK-g). Dans le cytosol, la crĂ©atine kinase soluble cytosolique (CK-c) maintien lâĂ©quilibre entre lâATP et lâADP.
Enfin, la PCr est utilisĂ©e par la crĂ©atine kinase associĂ©e aux sites de consommation de lâATP (CK-a) pour rĂ©gĂ©nĂ©rer lâATP et
46
permettre la fonction des pompes ATPase notamment. Extrait de Walliman et al.
65
Ainsi, le systĂšme Cr/PCr possĂšde cinq grandes fonctions . Tout dâabord, il est responsable du
maintien dans le temps de lâĂ©nergie puisque la crĂ©atine kinase catalyse la synthĂšse de lâATP. De plus,
il est en charge de la répartition spatiale de la source énergétique, la créatine et la phosphocréatine
diffusant dans la cellule. Egalement ce systĂšme Ă©vite lâaccumulation dâADP libre dans la cellule, ce qui
66, 67
empĂȘche lâinactivation des ATPases cellulaires . La quatriĂšme fonction est de maintenir
lâhomĂ©ostasie protonique ainsi que les concentrations de phosphate inorganique requis pour
lâactivation de la glycolyse et la glycogĂ©nolyse deux mĂ©canismes de production Ă©nergĂ©tique. Enfin, ce
systĂšme permet dâassurer des ratios ATP/ADP appropriĂ©s Ă chaque site subcellulaire.
Le systĂšme Cr/PCr nâest cependant pas mis Ă contribution de la mĂȘme façon dans tous les types
cellulaires. Les cellules avec un mĂ©tabolisme oxydatif important ne lâutilisent pas, câest le cas des
hépatocytes. Il est en revanche trÚs fonctionnel dans les organes à fortes demandes énergétiques : le
65
muscle squelettique, le cĆur et le cerveau qui prĂ©sentent de fortes activitĂ©s de la crĂ©atine
68
kinase .
35
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Compte tenu de lâimplication des mitochondries dans les pathologies neuronales, il est intĂ©ressant de
considérer les caractéristiques particuliÚres du systÚme créatine/phosphocréatine fonctionnel au
niveau mitochondrial. Les mitochondries sont impliquées dans les phénomÚnes apoptotiques, ce qui
repose sur le pore de transition de la permĂ©abilitĂ© mitochondriale MTPTP. A lâĂ©tat normal, la crĂ©atine
kinase mitochondriale existe dans lâespace intermembranaire de la mitochondrie oĂč elle se convertit
69
en une forme octomérique . Cette forme octomérique facilite le couplage des porines ou VDAC
(canaux anioniques dépendant du voltage) de la face externe de la membrane avec la protéine ANT
(ou translocateur de nucléotides à adénine) à la face interne. Ceci entraßne la suppression de
lâouverture du pore mitochondrial. Au contraire, le stress oxydant induit la forme dimĂ©rique, ce qui
favorise lâouverture du pore, augmente la permĂ©abilitĂ© du pore de transition mitochondriale. Cela
libĂšre les protĂ©ines pro-apoptotiques perturbe lâhomĂ©ostasie calcique et altĂšre la respiration
mitochondriale 46, 70
. De plus cela conduit Ă la formation dâinclusions cristallines, signe dâune
cytopathie mitochondriale bien que les conséquences physiologiques ne soient pas encore
définies 71. Les mitochondries contiennent des protéines pro-apoptotiques qui peuvent diffuser dans
le cytosol et conduire Ă la mort cellulaire. De plus, des espĂšces rĂ©actives de lâoxygĂšne peuvent ĂȘtre
libérées et activer les phénomÚnes cellulaires consécutifs à un stress oxydatif. La créatine kinase joue
un rĂŽle anti-oxydant dans ces conditions puisquâelle permet la diminution des superoxides (Figure
13) 72.
36
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
De par son implication dans le cycle énergétique cellulaire, la créatine présente des fonctions
physiologiques aussi nombreuses que variées. Elle est surtout connue pour son effet dans le
métabolisme énergétique (cf §1.1.6.1) mais elle possÚde des propriétés anti-apoptotiques, anti-
oxydantes, ou protectrices au niveau cardio-vasculaire (cf §1.1.6.3 à 1.1.6.6). Ces propriétés seront
décrites de façon succincte dans les paragraphes suivants. Au niveau cérébral plus spécifiquement,
elle augmenterait les performances cérébrales et régulerait les processus de mémorisation et de
neuromodulation ou encore elle exercerait une action neuroprotectrice (cf §1.1.6.2). Le métabolisme
de la crĂ©atine serait Ă prendre en considĂ©ration dans le dĂ©clenchement et lâĂ©volution des maladies
neurologiques et notamment, elle pourrait ĂȘtre une cible thĂ©rapeutique intĂ©ressante. Ceci sera
évoqué dans le paragraphe 1.1.6.7.
La créatine est un supplément nutritionnel largement utilisé pour ses propriétés ergogéniques par les
athlÚtes amateurs et professionnels 73. De nombreuses publications décrivent la supplémentation en
créatine utilisée chez les sportifs et illustrent les gains obtenus en termes de performance sportive.
En rĂ©sumĂ©, deux principaux schĂ©mas dâadministration sont retenus. Le premier est une
supplĂ©mentation traditionnelle dâune forte dose de crĂ©atine (20 g/jour soit 0.3 g/kg/jour) pendant
une durĂ©e courte (5 jours environ) 3. Le second protocole consiste en lâutilisation de faible dose
(3 g/jour soit 0.03 g/kg/jour) pendant 4 à 6 semaines 74. Il est largement démontré maintenant que,
seul, le premier protocole exerce des effets ergogéniques, augmentant les performances et la
rĂ©sistance physiques Ă lâeffort de courte durĂ©e (infĂ©rieure Ă 30 secondes) dans de nombreux sports
(vĂ©lo, course Ă pieds, natationâŠ) 75.
La quantité de créatine totale (créatine + phosphocréatine) du muscle squelettique est de 40-50 mM.
La supplĂ©mentation par la crĂ©atine augmente la quantitĂ© totale de crĂ©atine de 25% et mĂȘme de 37%
lorsquâelle est associĂ© Ă de lâexercice musculaire 3. En rĂ©alitĂ©, la supplĂ©mentation en crĂ©atine a un
effet inversement proportionnel Ă la charge initiale de crĂ©atine avant lâapport exogĂšne. Ainsi, le
contenu intramusculaire en créatine augmente beaucoup moins chez les jeunes hommes que chez
leurs homologues plus ĂągĂ©s 7. La supplĂ©mentation en crĂ©atine seule nâa aucun effet sur
lâaugmentation de la masse musculaire, elle doit ĂȘtre associĂ©e Ă une demande musculaire 7. Ceci
37
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
semble Ă©vident si lâon considĂšre que la demande Ă©nergĂ©tique musculaire active le transport actif de
la crĂ©atine intramusculaire. Ces observations ont Ă©tĂ© faites en clinique ainsi quâin vivo chez le rat.
Le pouvoir ergogĂ©nique de la crĂ©atine peut sâexpliquer par cinq mĂ©canismes disctincts dâaprĂšs
Rawson et Persky 76 : lâaugmentation de la phosphocrĂ©atine et du glycogĂšne ; la resynthĂšse rapide de
la phosphocrĂ©atine aprĂšs consommation ; lâaugmentation de lâexpression de facteurs de croissance ;
la diminution des dommages musculaires et de lâinflammation ainsi que lâaugmentation du volume
musculaire probablement due aux effets osmotiques de la crĂ©atine. La rĂ©tention dâeau induite par le
transport de la créatine impose une diminution de la force ionique augmentant la sensibilité des
protéines contractiles musculaires à la concentration en ions calciques. Ceci favorise alors la force
musculaire en permettant une meilleure contraction 77.
Les effets ergogĂ©niques de la crĂ©atine au niveau musculaire pourraient ĂȘtre exploitĂ©s dans le
traitement des pathologies musculaires comme les dystrophies musculaires, lâatrophie gyrĂ©e
choriorĂ©tinienne ou les myopathies. Lâatrophie gyrĂ©e est une maladie autosomale rĂ©cessive
caractérisée par une dégénérescence choriorétinienne et une atrophie des fibres musculaires de type
2. Au niveau molĂ©culaire, des mutations sur le gĂšne codant pour lâornithine aminotransfĂ©rase
induisent une hyperornithonémie qui, comme cela a été évoqué au chapitre 1.1.1, inhibe la synthÚse
de crĂ©atine par lâinactivation de lâAGAT. Au niveau musculaire, la supplĂ©mentation en crĂ©atine a
permis de reverser les symptĂŽmes des patients mais aucun effet nâa pu ĂȘtre constatĂ© sur la
progression de la dĂ©ficience visuelle car la cause mĂȘme de la pathologie nâĂ©tait pas traitĂ©e 78. Des
essais cliniques ont montrĂ© des bienfaits de la crĂ©atine dans divers troubles dâorigine
musculaire comme la dystrophie musculaire de Duchenne ou de Becker. Des augmentations notables
de la force contractile musculaire et de la résistance à la fatigue musculaire ont permis aux patients
de bĂ©nĂ©ficier dâune amĂ©lioration de leurs symptĂŽmes. Toutefois, une augmentation de la masse
musculaire nâest pas toujours dĂ©crite comme cela est rappelĂ© dans la synthĂšse de Brosnan et al 7.
38
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Un traitement de volontaires sains par 8 grammes de créatine par jour pendant 5 jours a montré que
la créatine diminue la fatigue mentale lors de tests de calcul mental. Il semble que cette
87
supplĂ©mentation favorise la consommation dâoxygĂšne au niveau cĂ©rĂ©bral . Les performances
mentales sont également améliorées dans une population ùgée par le traitement de 5 g de créatine 4
fois par jour pendant 2 semaines 88. Enfin, une étude en double aveugle versus placebo a été menée
sur un groupe de 45 végétariens et végétaliens qui présentent une concentration tissulaire et
plasmatique en créatine plus faible que des individus possédant un régime carné. (Aucune donnée
nâindique que la concentration cĂ©rĂ©brale en crĂ©atine chez ces sujets soit plus faible.) La
supplĂ©mentation en crĂ©atine semble alors augmenter le score dâintelligence ainsi que la mĂ©moire Ă
court terme en se basant sur un test nommé « Auditory Backward digit span test ». Ce test nécessite
dâĂ©couter une suite de chiffre et de la rĂ©citer Ă lâenvers. Le nombre de chiffres exacts Ă©noncĂ©s est
39
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
89
alors comparés entre les différents groupes . La créatine semble donc posséder des propriétés
ergogĂ©niques capables dâaugmenter les performances cĂ©rĂ©brales.
90
La crĂ©atine prĂ©sente des effets protecteurs contre le stress oxydatif . Une Ă©tude in vivo sâest
intĂ©ressĂ©e Ă lâeffet dâun traitement dĂ©butĂ© prĂ©cocement aprĂšs le dĂ©clenchement dâun stress
traumatique cĂ©rĂ©bral. Il sâavĂšre par exemple quâune diminution de la peroxidation lipidique et de la
91
carbonylation protĂ©ique sont observĂ©s, signes secondaire dâun stress oxydant . LâactivitĂ© du
complexe II de la chaĂźne respiratoire du striatum diminuĂ©e par la toxicitĂ© de lâacide
guanidinoacĂ©tique est restaurĂ©e par un traitement par la crĂ©atine 92. En revanche, lâeffet protecteur
de la crĂ©atine sur lâhyperexcitabilitĂ© induite par le traumatisme est encore Ă confirmer puisque les
pompes Na+/K+ voient leur activitĂ© diminuer mĂȘme en prĂ©sence de crĂ©atine et quâil existe des
résultats contradictoires concernant la susceptibilité épileptique. De façon intéressante, les profils
diffĂšrent suivant lâĂąge de lâanimal : les animaux pĂ©diatriques prĂ©sentent une diminution du risque
93 91
convulsif contrairement aux animaux adultes . Dans le cadre dâune lĂ©sion cĂ©rĂ©brale post-
traumatique, la créatine diminue immédiatement dans la zone oedémateuse chez le rat. Toutefois, la
synthĂšse de la crĂ©atine est un mĂ©canisme apparemment intact puisque lâintensitĂ© du signal de la
40
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
crĂ©atine est augmentĂ©e dans un groupe dâenfants suivis 15 Ă 30 jours aprĂšs le choc traumatique par
spectrométrie RMN 94.
Une étude sur 39 enfants et adolescents qui souffraient de lésions cérébrales traumatiques a
prĂ©sentĂ© lâintĂ©rĂȘt dâun traitement par la crĂ©atine Ă la dose de 0.4g/kg/jour (voie orale ou sonde
gastrique) mais seulement si ce traitement Ă©tait initiĂ© moins de 4 h aprĂšs lâattaque. Le suivi des
patients corrĂšle la supplĂ©mentation en crĂ©atine Ă la diminution des maux de tĂȘte, de la fatigue
cĂ©rĂ©brale ainsi que des sensations de vertige. Lâingestion de crĂ©atine augmenterait les stocks
cĂ©rĂ©braux de phosphocrĂ©atine et conserverait lâintĂ©gritĂ© des mitochondries 95.
Le manque dâoxygĂšne limite la capacitĂ© des neurones Ă synthĂ©tiser lâATP. In vitro et in vivo, il a Ă©tĂ©
dĂ©montrĂ© quâil y a une diminution de lâATP neuronale en conditions anoxiques. Les rĂ©sultats des
Ă©tudes in vitro indiquent quâun prĂ©-traitement par la crĂ©atine augmente la concentration de crĂ©atine
dans la structure cérébrale et protÚge des dommages anoxiques. En effet, la créatine protÚge les
communications neuronales en favorisant le maintien des potentiels dâaction et elle rĂ©duit la mort
neuronale 96.
En revanche, dans les modĂšles in vivo dâaccident vasculaire cĂ©rĂ©bral ou dâischĂ©mie cĂ©rĂ©brale qui
conduisent à une anoxie, les données semblent beaucoup plus contradictoires. Des effets
neuroprotecteurs dâun prĂ©-traitement par la crĂ©atine sont dĂ©crits chez le rat. Bien que la pression
intra-crùnienne ne soit pas sensible à la présence de la créatine, celle-ci présente des conséquences
bĂ©nĂ©fiques sur la diminution de lâapoptose par inhibition des caspases 3 et sur la diminution de
lâexpression des aquaporines 4 (AQP4) ce qui limite lâextension de lâĆdĂšme cytotoxique. Au final, lors
de tests comportementaux, une augmentation du score neurologique a pu ĂȘtre montrĂ©e chez les
animaux ayant eu un pré-traitement 97.
41
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
98, 99
glycĂ©mie et la sensibilitĂ© Ă lâinsuline . Le mĂ©canisme mis en jeu est une augmentation de la
translocation du transporteur du glucose.
La crĂ©atine aurait un rĂŽle dâosmolyte essentiel lors dâun choc hyperosmotique cellulaire (Botwell,
2002). En 1999, des propriĂ©tĂ©s anti-tumorales lui Ă©taient mĂȘme assignĂ©es 100. Elle jouerait un rĂŽle en
tant que protecteur cardio-vasculaire puisquâelle diminue la concentration plasmatique
dâhomocystĂ©ine, un acide aminĂ© athĂ©rogĂ©nique. LâhomocystĂ©ine provient pour 40% de la production
de S-adénosylhomocystéine qui est un métabolite produit lors de la biosynthÚse de la créatine. Celle-
ci ayant un rétrocontrÎle négatif sur sa propre synthÚse, elle diminue les taux de S-
adĂ©nosylhomocystĂ©ine et donc ceux dâhomocystĂ©ine, rĂ©duisant le risque cardio-vasculaire 101, 102.
Enfin, lâincubation de cellules endothĂ©liales avec de la crĂ©atine montre une augmentation du pool
intracellulaire de phosphocréatine associé à un effet de diminution de la perméabilité endothéliale
induite par la sĂ©rotonine et lâH2O2. De plus, lâadhĂ©sion des neutrophiles sur la monocouche
endothĂ©liale est limitĂ©e par la diminution de lâexpression des protĂ©ines dâadhĂ©rence « InterCellular
103
Adhesion Molecule » ou ICAM1 et E-sélectine . Elle présenterait donc des propriétés anti-
inflammatoires.
Les exemples précédents illustrent les effets pléiotropiques de la créatine, impliqués dans des
pathologies cĂ©rĂ©brales ou non cĂ©rĂ©brales. Les donnĂ©es de spectroscopie RMN dĂ©montrent quâune
supplĂ©mentation en crĂ©atine permet dâaugmenter le pool intracĂ©rĂ©bral de crĂ©atine et de
phosphocréatine, il apparaßt donc que la créatine doit tenir un rÎle important dans la
physiopathologie de nombreux syndromes neuropsychiatriques et neurodégénératifs. Elle pourrait
également y jouer un rÎle thérapeutique puissant. Les paragraphes suivants appuient ce propos.
In vitro, dans une Ă©tude portant sur des neurones dâhippocampe de rat en culture primaire, il a Ă©tĂ©
montrĂ© que la crĂ©atine permet une neuroprotection contre lâexcitotoxicitĂ© induite par le glutamate
et le peptide ïą-amyloĂŻde 104, 105
. Elle intervient également dans la neurotransmission médiée par le
105
récepteur NMDA . Ainsi, une supplémentation de 1% de créatine dans le régime alimentaire de
42
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
rats atténue les lésions excitotoxiques induites par le NMDA en augmentant la quantité de
mĂ©tabolite Ă©nergĂ©tique dans le cellule et en inhibant lâactivation du pore de transition de la
perméabilité mitochondriale 106.
ï¶ Troubles psychiatriques
Les altérations du métabolisme de la créatine traduisent une dysfonction mitochondriale dans les
maladies mentales. Une hypothĂšse est que le circuit Ă©nergĂ©tique rapide de la crĂ©atine nâĂ©tant plus
exploitable, la cellule se tourne vers lâutilisation de la glycolyse pour subvenir Ă ses besoins
énergétiques. Or cette voie de métabolisme repose sur le catabolisme du glucose qui est beaucoup
plus lent et moins pourvoyeur dâATP que la phosphocrĂ©atine, ce qui altĂšre la fonction cognitive et
lâhumeur.
Des études quantitatives des métabolites cérébraux ont été entreprises chez les enfants et les
adultes atteints dâautisme par spectroscopie RMN du proton. Chez les enfants autistes, les auteurs
décrivent une diminution des concentrations de créatine dans les lobes occipitaux. En revanche, chez
109
les adultes la créatine semble augmenter légÚrement dans les lobes temporaux . Outre la
démonstration que la régulation métabolique en condition pathologique varie au cours du
développement, ces données posent la question des quantifications cérébrales relatives des
43
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
mĂ©tabolites exprimĂ©es en ratio par rapport Ă la rĂ©fĂ©rence crĂ©atine comme on le fait aujourdâhui 110,
111
. Le signal de crĂ©atine cĂ©rĂ©brale augmente avec lâĂąge et peut ĂȘtre altĂ©rĂ© par des conditions
pathologiques. Un exemple intéressant est obtenu par la quantification absolue et relative des
métabolites N-acétyl aspartate, choline et créatine dans un modÚle animal de syndrome dépressif.
Ces trois métabolites présentent des concentrations absolues diminuées par rapport à des animaux
contrÎle mais les ratios NAA/Cr et Cho/Cr sont identiques 112. Des études similaires menées chez des
patients atteints de troubles dâanxiĂ©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e, un des dĂ©sordres psychiatriques les plus
répandus, ont montré une diminution faible de la créatine observée dans le cortex préfrontal
dorsolatĂ©ral gauche, une zone impliquĂ©e dans lâarrĂȘt du sentiment de peur par inhibition de
lâamygdale 113. Dâautres Ă©tudes dĂ©crivent des diminutions de la crĂ©atine dans les troubles dĂ©pressifs,
les troubles bipolaires, les accÚs de panique et les troubles de la personnalité 114-116.
En revanche, les essais réalisés chez deux patients schizophrÚnes alertent sur le risque de
lâaggravation des troubles maniaques dans les troubles bipolaires pendant la supplĂ©mentation en
créatine 117.
Ces études tendent à faire un lien entre les maladies psychotiques et la diminution de la
concentration en créatine. Cette derniÚre est également induite dans des situations
dâhypermĂ©tabolisme comme les tumeurs 118, 119. Or, il est maintenant possible dâassocier les troubles
psychotiques Ă un hypermĂ©tabolisme cellulaire. Chez les patients souffrant de troubles dâanxiĂ©tĂ©
généralisée, on observe une augmentation du glutamate et de la glutamine qui sont des
neurotransmetteurs excitateurs associĂ©s au maintien du sentiment de peur et Ă lâhyperrĂ©activitĂ©. Un
mĂ©canisme proposĂ© est que lâĂ©tat anxieux du patient conduit au relargage inappropriĂ© de
neurotransmetteurs excitateurs conduisant à un hypermétabolisme au sein du cortex préfrontal
dorsolatéral gauche. Ceci provoque une consommation de la créatine à des fins énergétiques et donc
une diminution de sa concentration, ce qui rend les neurones plus sensibles Ă lâexcitotoxicitĂ© du
glutamate. In fine, le processus conduit à des altérations importantes du fonctionnement
neuronal 113.
44
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Il est Ă©vident que des donnĂ©es manquent pour illustrer le mĂ©canisme dâaction de la crĂ©atine
neurobiologique dans les maladies mentales afin de connaßtre sa valeur dans la prédiction de
lâavancĂ©e de la maladie ou des chances de succĂšs thĂ©rapeutique. Un dĂ©fi expĂ©rimental reste Ă
résoudre concernant la mise en place des protocoles expérimentaux car il est impossible pour des
patients instables dâarrĂȘter leur traitement. Or il est connu que les mĂ©dicaments anti-psychotiques et
anti-dĂ©presseurs modifient le transport de la crĂ©atine et lâactivitĂ© de la crĂ©atine kinase. On ne peut
alors pas dissocier les consĂ©quences de lâĂ©volution de la pathologie du traitement mĂ©dicamenteux.
Ce phénomÚne varie en fonction des zones cérébrales, de la classe thérapeutique, de la posologie et
108
du schĂ©ma thĂ©rapeutique . Il est donc important dâexploiter des techniques expĂ©rimentales
comparables à savoir une définition précise des zones cérébrales concernées et une analyse
quantitative absolue des métabolites. Le biais induit par la rationalisation des métabolites au signal
fluctuant de la créatine en conditions pathologiques a été évoqué au début de ce paragraphe.
ï¶ Maladies neurodĂ©gĂ©nĂ©ratives
La maladie dâAlzheimer
45
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Les tests in vitro montrent une tendance à la neuroprotection induite par la créatine dans un modÚle
de culture primaire neuronale 104. Il serait intéressant de confronter des données in vivo et cliniques.
Plusieurs hypothĂšses pourraient expliquer lâintĂ©rĂȘt dâune supplĂ©mentation en crĂ©atine dans ce
contexte pathologique 71. Tout dâabord, la crĂ©atine pourrait avoir un effet direct sur la production
dâespĂšces radicalaires de lâoxygĂšne, ce qui aurait pour consĂ©quence de limiter les dommages Ă lâADN
mitochondrial ainsi que la conversion de la créatine kinase mitochondriale octamérique en forme
dysfonctionnelle dimĂ©rique. De mĂȘme, cela contrerait lâeffet inhibiteur du stress oxydatif sur
lâinactivation de la crĂ©atine kinase. Enfin, dans le muscle squelettique, la crĂ©atine pourrait activer la
voie de signalisation AMPK impliqué dans la régulation de la fonction mitochondriale et contribuer
ainsi Ă limiter lâĂ©volution de la pathologie.
Figure 15 :
Implication de la
mitochondrie dans la
maladie d'Alzheimer
La libĂ©rationdâespĂšces radicalaires de lâoxygĂšne (ROS) dans la mitochondrie (1) conduit Ă lâinactivation de la CrĂ©atine Kinase
mitochondriale (mtCK) (2a) ainsi quâĂ une diminution de lâactivitĂ© de la crĂ©atine kinase (CK) (2b) ce qui conduit Ă la
diminution de la phosphocrĂ©atine (PCr) et lâaccumulation de crĂ©atine. En parallĂšle, le clivage de lâAPP en peptide Aïąï inhibe
l'activité de la protéine chaperonne ce qui diminue la translocation de la mtCK à la mitochondrie et limite également la
production de PCr. La supplémentation en créatine (4) permettrait de restaurer le contenu intracellulaire en créatine. Extrait
71
dâAdhihetty et al.
46
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La maladie de Parkinson
La maladie de Parkinson (PD) est caractérisée par la dégénérescence progressive des neurones
dopaminergiques de la voie nigrostriĂ©e et la prĂ©sence dâinclusions protĂ©iques intraneuronales (les
corps de Lewy). Le lien avec un déficit mitochondrial se fait aisément puisque le MPTP ou 1-méthyl-4-
phĂ©nyl-1, 2, 3, 6-tetrahydropyridine qui induit un syndrome parkinsonien chez lâanimal est connu
pour effectuer une inhibition sélective du complexe I mitochondrial nécessaire à la chaßne de
transport dâĂ©lectrons 120.
La créatine peut limiter la neurotoxicité induite par le MPTP dans un animal modÚle de
123
parkinsonisme . Lâacide aminĂ© permet de limiter la perte des neurones et donc la dĂ©plĂ©tion en
dopamine. Un essai clinique de phase II a montré une diminution de 50% de la progression du
syndrome de Parkinson chez des patients précocement diagnostiqués en 1 an de traitement par la
créatine 124, 125. Un autre essai a confirmé que la supplémentation par 20 g/jour de créatine favorisait
126
lâendurance et la force musculaire chez ces patients . Un second essai de plus large envergure,
dont on attend les rĂ©sultats, vient juste de se clore. Il Ă©tudiait lâimpact dâun traitement par la crĂ©atine
dans les cas de parkinsonisme prĂ©coce (nom de lâĂ©tude : LS-1, 1720 sujets).
Dans ce contexte pathologique, les bienfaits de la crĂ©atine sâexpliqueraient de la mĂȘme façon que
dans le cas de la maladie dâAlzheimer. De par son effet direct sur la production dâespĂšces radicalaires
de lâoxygĂšne, la conversion de la crĂ©atine kinase mitochondriale octamĂ©rique en forme
dysfonctionnelle dimĂ©rique serait limitĂ©e ainsi que lâinactivation de la crĂ©atine kinase rĂ©sultante de
lâeffet inhibiteur du stress oxydatif 71 (Figure 16).
47
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Figure 16 : Implication de
la mitochondrie dans la
maladie de Parkinson
Lâinhibition du complexe I de
la chaĂźne respiratoire
mitochondriale augmente la
production de ROS qui
inactive la mtCK par
dimérisation et diminue la
quantitĂ© dâATP qui est
nécessaire pour permettre la
production de PCr. Les
espÚces réactives de
lâoxygĂšne (ROS) inhibent
Ă©galement lâactivitĂ© de la
créatine kinase. La
supplémentation par la
créatine permettrait de
restaurer le contenu
intracellulaire en créatine.
71
Extrait dâAdhihetty et al.
Les mĂ©canismes dĂ©lĂ©tĂšres dus Ă un dĂ©faut de recapture du glutamate semblent ĂȘtre Ă©galement
impliqués dans la sclérose amyotrophique latérale (ALS) qui conduit à une dégénérescence des
neurones moteurs du cortex moteur et de la moelle épiniÚre. Bien que les étiologies soient à ce jour
encore inconnues, la forme la plus généralisée de la pathologie est une forme familiale exprimant
diverses mutations sur le gĂšne codant pour la superoxide dismutase (SOD), une mĂ©tallo-protĂ©inase Ă
propriétés anti-oxydantes. Ceci engendre des défauts énergétiques mitochondriaux (Figure 17). La
SOD mutĂ©e nâest plus en mesure dâexercer son activitĂ© anti-oxydante et on observe non seulement
une augmentation des espĂšces radicalaires de lâoxygĂšne mais Ă©galement une activitĂ© enzymatique
diminuée des complexes de la chaßne respiratoire. Ceci contribue aux modifications morphologiques
des mitochondries résultant notamment de la diminution des potentiels membranaires
71
mitochondriaux, dâun gonflement de la mitochondrie et de la formation dâune vacuole . La
consĂ©quence est une diminution de lâATP 120.
Une réduction du ratio N-acetylaspartate/créatine dans la substance blanche a été décrite dans cette
127, 128
pathologie et cette diminution a été associée à une augmentation de la créatine . Des études
prometteuses ayant montrĂ© lâintĂ©rĂȘt dâune supplĂ©mentation en crĂ©atine dans la performance
48
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
motrice des modĂšles animaux de SAL (G93A SOD1) grĂące Ă la protection contre la mort des neurones
129
moteurs , trois études cliniques publiées entre 2003 et 2008 ont été entreprises à 5 et 10 g de
crĂ©atine par jour. Celles-ci nâont pas conduit Ă lâefficacitĂ© attendue, probablement car les doses de
crĂ©atine utilisĂ©es sont trop faibles. Une Ă©tude en spectroscopie RMN atteste dâune augmentation de
8% du signal de crĂ©atine Ă partir dâune supplĂ©mentation de 15 g/jour 130 associĂ©e Ă une diminution
de 17% des acides aminés glutamate et glutamine dÚs la troisiÚme semaine de traitement. De façon
intĂ©ressante, la seule thĂ©rapie approuvĂ©e par lâagence rĂ©glementaire amĂ©ricaine Food and Drug
Administration est le riluzole qui inhibe le relargage du glutamate. Le mécanisme mis en jeu par
lâadministration de fortes doses de crĂ©atine semble comparable : la crĂ©atine servirait de source
énergétique pour permettre la recapture du glutamate dans la fente synaptique. Ceci limiterait
lâaccumulation des acides aminĂ©s excitateurs (glutamate et aspartate) dans la synapse et permettrait
de limiter les dĂ©polarisations rĂ©pĂ©tĂ©es, lâĆdĂšme cellulaire par influx de sodium, et de maintenir
lâhomĂ©ostasie calcique et par lĂ mĂȘme limiterait les dommages neuronaux.
Figure 17 : Implication
de la mitochondrie
dans la sclérose
latérale
amyotrophique
49
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La maladie de Huntington
La maladie de Huntington (HD) ou chorée de Huntington est une maladie neurologique héréditaire
autosomale dominante progressive qui conduit à des troubles moteurs (mouvements irrépressibles)
et cognitifs chez les patients. Elle est due à des répétitions de nucléotides (CAG) dans le gÚne codant
pour la huntingtine qui conduit à une répétition anormale de polyglutamine dans la séquence de la
protĂ©ine. A lâĂ©tat non pathologique, cette protĂ©ine est impliquĂ©e par ses interactions protĂ©ine-
protĂ©ine dans le transport intracellulaire, la transduction du signal et la transcription, lâautophagie et
131
la fonction mitochondriale . Dans un contexte pathologique, la protéine mutée engendre des
mécanismes conduisant à la mort cellulaire des neurones du striatum. Des altérations du
mĂ©tabolisme Ă©nergĂ©tique cellulaire sont Ă lâorigine de lâexpansion de la maladie. La protĂ©ine mutĂ©e
diminue lâexpression du co-facteur PGC-1ïĄï qui diminue alors lâexpression des gĂšnes codant pour les
protéines mitochondriales, ce qui conduit à une diminution de la fonction mitochondriale, de la
concentration en ATP et Ă une augmentation des espĂšces radicalaires de lâoxygĂšne 71 (Figure 18). Des
diminutions dâactivitĂ©s enzymatiques dans le cycle de Krebs et la phosphorylation oxydative sont
mises en évidence 120 à la fois dans le cerveau et en périphérie. Notamment les patients présentent
des taux de phosphocréatine musculaire diminués. De nombreux essais thérapeutiques ont été
réalisés dans des modÚles animaux de la pathologie comme les souris R6/2 ou N-171-82Q. La
supplĂ©mentation en crĂ©atine prolonge leur durĂ©e de vie, diminue lâatrophie cĂ©rĂ©brale et retarde
lâatrophie neuronale dans le striatum ainsi que la formation des agrĂ©gats protĂ©iques de huntingtine.
Ceci semble corrĂ©ler avec une augmentation de la concentration de crĂ©atine et dâATP dans le cerveau
de ces souris 132-135.
Une étude clinique sur 64 patients en double aveugle et versus placebo de la supplémentation par
8 g/jour de créatine pendant 16 semaines a mis en évidence une diminution marquée de la 8-
136
hydroxy-2â-deoxyguanosine sĂ©rique, un marqueur des dommages oxydatifs Ă lâADN . Un second
essai est en cours de mise en place, il sâagit de lâessai CREST-E phase III. 650 sujets sont en cours de
recrutement pour lâĂ©valuation dâun traitement par la crĂ©atine dans la maladie de Huntington.
50
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Figure 18 :
Implication de la
mitochondrie dans
la maladie de
Huntington
La huntingtine mutĂ©e diminue la quantitĂ© de cofacteur PGC-1ïĄ, ce qui rĂ©gule lâexpression des gĂšnes condant pour les
protĂ©ines mitochondriales. Ceci conduit Ă la diminution de la synthĂšse dâATP et inhibe la crĂ©atine kinase. En parallĂšle, la
libĂ©ration des espĂšces radicalaires de lâoxygĂšne inactive la mtCK par dimĂ©risation, conduisant Ă une diminution de la PCr. La
71
supplĂ©mentation par la crĂ©atine permettrait de restaurer le contenu intracellulaire en crĂ©atine. Extrait dâAdhihetty et al.
En conclusion, sans bien comprendre leur rÎle pathophysiologique, les effets bénéfiques cérébraux
de la créatine ont maintenant été démontrés in vivo et en clinique 75. La supplémentation en créatine
permet notamment dâamĂ©liorer la qualitĂ© de vie des patients.
La créatine est un acide aminé qui présente des propriétés thérapeutiques intéressantes dans de
nombreuses pathologies humaines. Considérée à ce jour comme un complément alimentaire, elle ne
relÚve pas de la réglementation des produits à visée médicamenteuse. Il est donc intéressant de se
pencher sur la position des autorités sanitaires face à cette potentielle thérapeutique.
Malgré ses effets ergogéniques, au point de vue réglementaire, la créatine est un supplément
alimentaire et non un anabolisant. Largement présente sur le marché américain depuis 1993 137, son
51
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
utilisation est recommandĂ©e dans la limite dâune dose de 0.3 g/kg/jour par la sociĂ©tĂ© internationale
de la nutrition du sport 138. La position europĂ©enne diffĂšre puisque câest seulement en 2004 que les
autoritĂ©s compĂ©tentes sur la sĂ©curitĂ© alimentaire en acceptent lâutilisation comme complĂ©ment
137
alimentaire . Toutefois, la sociĂ©tĂ© française de nutrition du sport et lâex-agence française de
sécurité sanitaire des produits alimentaires participent à un projet de Directive Européenne qui
prĂŽne une non-utilisation de la crĂ©atine chez les sportifs en raison dâallĂ©gations qui ne respectent pas
lâĂ©thique sportive. En effet, les produits disponibles dans le commerce sont parfois mal purifiĂ©s ou
139
contaminés par des anabolisants (rapport AFSAA, 2001) De plus, cette directive prévoit un
étiquetage particuliÚrement précis des produits pour sportifs de façon à ce que la consommation
quotidienne de créatine ne dépasse pas 2 à 3 g/jour, proche du renouvellement physiologique
quotidien (SFNS, 2009 ; European Food safety authority web site : The EFSA Journal (2004)).
Dâautre part, les agences de sĂ©curitĂ© sanitaire recommandent que lâutilisation de la crĂ©atine ne soit
faite que chez des personnes en bonne santĂ© au vu des prĂ©tendus risques carcinogĂšne et dâatteinte
rĂ©nale. La crĂ©atine semble pouvoir ĂȘtre un prĂ©curseur cancĂ©rigĂšne par la production dâamino-
imidazo-aza-arĂšnes lors de la cuisson de la viande mais les concentrations sont trĂšs faibles et leur
risque cancérigÚne non démontré. En outre, la nitrosation des produits de la créatine est
thĂ©oriquement possible dans lâestomac mais en pratique proche de zĂ©ro. Il nâexiste Ă lâheure actuelle
aucune preuve scientifique du pouvoir cancérigÚne de la créatine 102.
Quelques cas de dysfonction rĂ©nale ont Ă©tĂ© rapportĂ©s dans la littĂ©rature. Ils relĂšvent dâĂ©tudes
rĂ©trospectives chez 6 sportifs sans suivi ni du protocole dâadministration ni du dosage de la crĂ©atine.
Les Ă©tudes encadrĂ©es publiĂ©es nâont quant Ă elles jamais dĂ©montrĂ© de dĂ©ficits de la fonction
rénale 75, 140. Une étude rapporte que de trÚs fortes doses de créatine (20 g/jour) augmentent la
production urinaire de méthylamine et de formaldéhyde, des composés cytotoxiques associés à une
nĂ©phropathie. Toutefois les concentrations nâatteignent pas les limites hautes normales acceptĂ©es
141
chez le sujet sain . Lâutilisation de la crĂ©atine est donc considĂ©rĂ©e comme sans danger Ă lâheure
actuelle au vue de la faible proportion de cas présentant un effet indésirable par rapport au grand
102
nombre dâutilisateurs . Les seuls effets indĂ©sirables bĂ©nins rapportĂ©s sont des diarrhĂ©es, une
sensation de soif et des crampes stomacales.
Cependant, un petit bĂ©mol peut ĂȘtre apportĂ© Ă cette analyse concernant la prise en compte de
lâattitude du consommateur, surtout aux Etats-Unis oĂč la crĂ©atine est un complĂ©ment alimentaire
largement répandu chez les sportifs adultes mais également chez les enfants. Si seulement 2 à 5% de
la tranche dâĂąge 6-9 ans utilise de la crĂ©atine, les 10-12 ans sont entre 5 et 40% Ă en prendre
52
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
quotidiennement. Ce chiffre augmente avec lâĂąge puisque les athlĂštes universitaires sont entre 28 et
41% suivre une supplĂ©mentation par la crĂ©atine, 1/3 dâentre eux en prenant depuis le lycĂ©e. Ces
chiffres impressionnants ne concernent pourtant que les athlĂštes non professionnels. Les athlĂštes
pro sont eux jusquâĂ 75% (en fonction des disciplines) Ă compter sur les effets ergogĂ©niques de la
102
créatine . Cette supplémentation se fait bien souvent en dehors de tout avis médical et sans
aucune considĂ©ration des recommandations de dosage. Des Ă©tudes toxicologiques nâont montrĂ©
aucune toxicitĂ© aigĂŒe ou subaigĂŒe ni dâactivitĂ© mutagĂšne. Toutefois, aucune Ă©tude nâappuie
lâabsence de danger Ă long terme de ce type de supplĂ©mentation dans une population pĂ©diatrique.
Seule la supplĂ©mentation consistant en une dose de charge de 20 g/jour soit 0.3 g/kg/jour suivi dâune
dose dâentretien de 2 Ă 5 g/jour soit 0.05 g/kg/jour est donc considĂ©rĂ©e Ă ce jour comme sans risque
102
.
53
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Jusquâau milieu des annĂ©es 2000, les syndromes de dĂ©ficit cĂ©rĂ©bral en crĂ©atine Ă©taient regroupĂ©s
sous lâappellation large de « syndromes de dĂ©ficit en crĂ©atine ». Mais il sâest avĂ©rĂ© au fur et Ă mesure
des caractĂ©risations cliniques et biologiques des patients quâune diminution en crĂ©atine nâĂ©tait pas
toujours retrouvĂ©e dans les fluides biologiques. Aujourdâhui cet ensemble de pathologies est donc
dĂ©fini sous lâappellation Syndromes de DĂ©ficit CĂ©rĂ©bral en CrĂ©atine (Cerebral Creatine Deficiency
Syndromes ou CCDS) 47.
54
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Ce déficit en transporteur de la créatine apparaßt bien plus fréquemment que les déficits en
biosynthÚse car, à ce jour, plus de 150 patients sont déjà été mentionnés dans la littérature 47.
55
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le transporteur de la crĂ©atine (SLC6A8) inopĂ©rant modifie les Ă©changes cellulaires : la crĂ©atine ne peut plus ĂȘtre extraite de
la circulation sanguine (4 et seules les cellules exprimant les deux enzymes de synthÚse produisent la créatine (1, 2).
1
Extrait de Béard et al.
Le diagnostic clinique des patients homozygotes et des patientes hétérozygotes diffÚre. Les
symptĂŽmes cliniques des patients homozygotes sont principalement neurocognitifs : un retard
mental associĂ© Ă un retard de langage, une dyspraxie orale, un dĂ©ficit de lâattention, des altĂ©rations
147, 148
du comportement ainsi que des troubles épileptiques . Au vu de cette liste, la difficulté du
diagnostic apparaĂźt clairement. Aucun de ces signes cliniques nâest pathognomonique de la
pathologie et ils sont communs avec de nombreuses autres pathologies du systĂšme nerveux central.
56
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Dâautres signes cliniques ont Ă©tĂ© dĂ©crits chez les patients, notamment des troubles morphologiques :
148
retard de croissance, dysmorphies, microcéphalie, une atrophie cérébrale . Une hypotrophie
musculaire, une hypotonie et une mitochondriopathie secondaire sont également mentionnées dans
le tableau clinique des patients. Certains signes sâaccentuent avec lâĂ©volution de la maladie (câest le
cas de lâatrophie cĂ©rĂ©brale) ou apparaissent chez les patients adultes (comme les troubles gastro-
intestinaux) 149.
Par ailleurs, lâinhibition du transport de la crĂ©atine entraĂźne une diminution des stocks intracellulaires
de créatine, ce qui peut conduire à diminuer la prise alimentaire et le poids corporel 85. Ce paramÚtre
associĂ© au dĂ©faut dâentrĂ©e de la crĂ©atine dans les muscles peut expliquer la petite taille et le faible
poids chez certains patients par rapport Ă la normale. Cependant, ceci est trĂšs variable en fonction
des individus. Au long terme, des adaptations mĂ©taboliques face Ă la diminution de lâapport
énergétique peuvent se mettre en place. Ainsi, les fibres musculaires squelettiques voient leur
diamÚtre diminuer, ce qui diminue la distance de diffusion des composés pro-énergétique ; la
capacitĂ© aĂ©robique est augmentĂ©e et le contenu en glycogĂšne est augmentĂ© 150. Il sâavĂšre quâassociĂ©
Ă ces observations, il existe une augmentation de lâactivitĂ© du transporteur majoritaire du glucose
GLUT4. Ceci permet de produire la quantitĂ© nĂ©cessaire dâATP via la glycolyse. Il y a donc des
151
processus physiologiques adaptatifs dâune dĂ©ficience cellulaire en crĂ©atine . Cette adaptation
laisse la place à un mécanisme de production énergétique beaucoup plus lent. Ceci peut donc
expliquer quâau niveau musculaire les troubles ne soient pas toujours observĂ©s tandis quâils seraient
beaucoup plus marqués au niveau neuronal ou les cellules nécessitent des apports trÚs intenses et
trÚs rapides pour permettre le bon fonctionnement cérébral.
Le diagnostic du dĂ©ficit en transporteur de la crĂ©atine repose sur lâimagerie par spectroscopie RMN
du proton, sur une analyse des paramÚtres biologiques (ratio créatine/créatinine urinaire) et sur des
études fonctionnelle et moléculaire.
57
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La spectrométrie du proton par résonance magnétique (H-MRS) est une technique non invasive de
neuro-imagerie qui permet dâidentifier, de localiser et de quantifier des mĂ©tabolites dâintĂ©rĂȘt. La
spectrométrie est fondée sur la mesure des signaux de résonance magnétique générés par les
noyaux protons 1H en réponse à des impulsions radiofréquences. Elle permet de détecter des
molécules dans un volume parfaitement défini de tissu biologique (localisation en 3D) et de
quantifier leurs concentrations respectives. Lâavantage de cette technique est quâelle est un outil de
diagnostic complĂ©mentaire Ă lâimagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique puisquâelle offre la possibilitĂ© de
confronter des donnĂ©es anatomiques (fournies par lâIRM) Ă des donnĂ©es mĂ©taboliques. Les cliniciens
peuvent exploiter la spectromĂ©trie localisĂ©e oĂč la dĂ©tection se fera dans un petit Ă©chantillon prĂ©cis
ou lâimagerie spectromĂ©trique par rĂ©sonance magnĂ©tique grĂące Ă laquelle on obtient une
cartographie régionale de distribution pour chaque métabolite. La sensibilité de la méthode permet
de dĂ©tecter des composĂ©s dont la concentration est de lâordre du millimolaire (DIDELOT J.M., SIWIEC
L., Etat de l'art de la spectrométrie in vivo du proton par RMN ;
Dans le cadre du diagnostic du dĂ©ficit en crĂ©atine cĂ©rĂ©bral, le mĂ©tabolite dâintĂ©rĂȘt est la crĂ©atine. La
Figure 20 prĂ©sente une analyse dâun sujet sain. Chaque pic est spĂ©cifique du mĂ©tabolite indiquĂ© et Ă
chacun de ces pics est associée une valeur unique de déplacement protonique. On constate ainsi que
le déplacement de la créatine est de 3.04 ppm. Ces analyses par spectroscopie RMN du proton sont
validĂ©es par dâune part la prĂ©sence de pics normaux pour la choline (dĂ©placement 3.22 ppm) et la N-
acĂ©tyl aspartate (dĂ©placement 2.02 ppm) 144, 152 et, dâautre part, le fort pouvoir rĂ©solutif entre les pics
de créatine et de choline. Ce pouvoir résolutif est caractérisé par un retour à la ligne de base entre
les 2 pics dâintĂ©rĂȘt.
58
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
3.8 3.6 3.4 3.2 3.0 2.8 2.6 2.4 2.2 2.0 1.8 1.6 1.4 1.2
Par contre, chez les patients atteints de déficit en transporteur de la créatine (Figure 21), on observe
une diminution, voire une disparition du pic spécifique de la créatine. Chez certains patients, il est
Ă©galement possible dâobserver parfois un pic plus intense de radiofrĂ©quence spĂ©cifique 3.80 ppm, ce
qui traduirait une accumulation de GAA dans le cerveau 153.
59
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
En revanche, le profil des femmes hétérozygotes indique une diminution partielle ou un niveau
154
normal de la crĂ©atine cĂ©rĂ©brale . Cet examen nâest donc pas discriminant pour cette population,
bien quâune corrĂ©lation entre lâabaissement du pic de crĂ©atine et le quotient intellectuel semble
exister.
Cette analyse est une approche trÚs utile pour le diagnostic mais qui présente deux inconvénients
majeurs : tout dâabord câest une technique trĂšs coĂ»teuse qui nâest donc pas disponible dans tous les
centres de prise en charge des patients, et de plus, elle ne permet pas de poser le diagnostic
différentiel entre les déficits de synthÚse de la créatine et le déficit en transport 155.
Les analyses biologiques spécifiques demandées pour les patients suspectés de présenter un déficit
cĂ©rĂ©bral en crĂ©atine comprennent le dosage de la crĂ©atine et de lâacide guanidinoacĂ©tique dans le
plasma, les urines et le liquide céphalo-rachidien. Cela permet notamment le calcul des ratios
urinaires créatine/créatinine et acide guanidinoacétique/créatinine.
Le profil des analyses des patients homozygotes (hom) et des patientes hétérozygotes (hét) atteints
de déficit en transporteur de la créatine est présenté dans le Tableau 1.
diminuée (hom)
LCR NA (hom & hét)
NA (hét)
NA : information non disponible ; hom : patient homozygote pour la mutation ; het : patient hétérozygote pour la mutation
60
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Comme le Tableau 1 le montre, pour les patients homozygotes, seul le ratio urinaire
créatine/créatinine est un outil exploitable. Par comparaison, les déficits en biosynthÚse de la
créatine sont principalement marqués par une augmentation de la concentration plasmatique et
urinaire de lâintermĂ©diaire de synthĂšse acide guanidinoacĂ©tique.
Lâanalyse de la fonctionnalitĂ© du transporteur SLC6A8 est Ă©valuĂ©e dans des fibroblastes de patients
atteints du déficit en transporteur de la créatine. BriÚvement, le protocole utilisé par nos
collaborateurs hospitaliers le Pr Pascale de Lonlay et le Dr Vassili Valayannopoulos du Centre de
RĂ©fĂ©rence des Maladies HĂ©rĂ©ditaires du MĂ©tabolisme de lâenfant et de lâadulte de lâHĂŽpital Necker-
Enfants Malades repose sur lâĂ©tude de la reprise de la crĂ©atine dans des fibroblastes de patients. Ces
fibroblastes sont obtenus à partir de prélÚvements de peau obtenus par consentement des patients
ou de leurs représentants légaux. Ces fibroblastes sont incubés avec 100 ou 250 ”M de créatine
pendant 24h. Les concentrations intracellulaires de créatine dans les fibroblastes de patients sont
ensuite comparées à celles des fibroblastes contrÎles non atteints par une perte de fonctionnalité du
transporteur SLC6A8.
Dans la Figure 22 A, il est bien démontré que les fibroblastes des quatre patients P1 à P4 présentent
un taux intracellulaire infĂ©rieur de crĂ©atine endogĂšne par rapport au patient contrĂŽle. Lâincubation
des cellules avec de fortes concentrations en créatine (y compris à un niveau supra-physiologique de
250 ”M) ne permet pas de restaurer la concentration intracellulaire en créatine. En revanche, celle-ci
augmente dans les cellules contrĂŽles lorsquâelles sont incubĂ©es avec une solution de crĂ©atine, cette
augmentation allant jusquâĂ un facteur 1.5 en prĂ©sence de la concentration 250 ”M 156. De plus, il a
été démontré que la faible incorporation de créatine dans les fibroblastes de certains patients, quant
elle est possible, c'est-à -dire à des concentrations largement supra-physiologiques de 500 ”M, est
insensible Ă la prĂ©sence dâun inhibiteur spĂ©cifique du SLC6A8, lâacide guanidinopropionique ou
GPA 155 (Figure 22 B). Ceci confirme donc que le transporteur SLC6A8 nâest pas fonctionnel dans les
cellules des patients, et cela valide le diagnostic.
Il est intéressant de noter que lorsque cette étude est menée dans des fibroblastes issus de patientes
hĂ©tĂ©rozygotes, le rĂ©sultat peut ĂȘtre parfaitement identique aux fibroblastes contrĂŽles. Bien que ces
patientes expriment un variant du transporteur, celui-ci reste fonctionnel.
61
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
A:
Véhicule Créatine- 100 ”M Créatine - 250 ”M
30
(”moles/mg de protéines)
20
15
10
0
ContrĂŽle P1 P2 P3 P4
Les fibroblastes des patients SLC6A8 -/- (P1, P2, P3, P4) atteints du déficit en transporteur de la créatine présentent une
quantité de créatine endogÚne beaucoup plus faible que les fibroblastes du sujet contrÎle (histogrammes bleus). En présence
de créatine, seule la quantité de créatine dans les fibroblastes du sujet contrÎle augmente comparé aux patients
(histogrammes oranges et verts). Ceci indique que le transport de la créatine dans les fibroblastes de patients est aboli.
Figure dâaprĂšs Valayannopoulos V., thĂšse de sciences, CaractĂ©risation fonctionnelle et pharmacologique de mutations du transporteur de la
créatine (SLC6A8) in vitro et chez des patients atteints du déficit cérébral en créatine, soutenue le 25 novembre 2011.
120
Internalisation dans les fibroblastes
100
(% dose initiale)
80
60
40
20
0
Créatine Créatine
500 ”M + GPA
A gauche, lâincubation dâune concentration supra-physiologique de crĂ©atine (500 ”M) diminue lâentrĂ©e dans les fibroblastes
des patients (histogramme rose) par rapport au contrÎle (histogrammes bleu). A droite, la co-incubation de la créatine avec
un inhibiteur du transporteur SLC6A8 (lâacide guanidinopropionique ou GPA) diminue lâentrĂ©e de la crĂ©atine dans les
fibroblastes des contrĂŽles (bleu) mais pas des patients (rose). Chez les patients, lâabsence dâeffet de lâinhibiteur montre que
le transporteur nâest pas fonctionnel.
62
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
GrĂące aux paramĂštres biologiques ainsi quâĂ lâĂ©tude de lâincorporation de la crĂ©atine dans les
fibroblastes, les cliniciens disposent dâun faisceau de prĂ©somptions pour poser le diagnostic de la
dĂ©ficience du transporteur de la crĂ©atine chez les patients. Toutefois, lâanalyse molĂ©culaire du gĂšne
codant pour le SLC6A8 seule permet de confirmer le diagnostic en révélant les mutations portées par
le gĂšne. Il sâagit notamment de la seule analyse discriminante pour les femmes hĂ©tĂ©rozygotes pour le
SLC6A8 154. Lâanalyse des mutations permet Ă©galement de classer lâorigine de la maladie : somatique
ou de novo. Pour cela, les mutations sont recherchées chez les proches parents du patient,
notamment sa mĂšre (Figure 23).
Figure 23 : Séquençage ADN du gÚne codant pour le SLC6A8 entre les positions c.1657 et c.1674
La comparaison du patient (index) et de sa mÚre montre que la mutation hémizygote c.1667G>A associée à la perte de
40
fonctionnalité du transporteur de la créatine chez le patient est portée par sa mÚre (flÚches) . Ainsi, un petit pic est
dĂ©tectable Ă la position c.1667 du sĂ©quençage de lâADN maternel, signe de la forme familiale de la maladie.
En revanche, ceci nâest valable que si la mutation recherchĂ©e est dĂ©jĂ connue ou retrouvĂ©e chez des
membres apparentĂ©s de la famille. En effet, on est ainsi en mesure dâĂ©tablir une corrĂ©lation
génotype-phénotype. Pour toutes les mutations nouvellement décrites et apparaissant de novo, il est
excessivement difficile de corrĂ©ler ces modifications Ă la perte de lâactivitĂ© de transport. Certaines
mutations permettent de maintenir une fonction de transport rĂ©siduelle, ce qui rend lâĂ©tude plus
complexe.
De façon consensuelle, il est admis que les variants dus Ă des dĂ©lĂ©tions dâun acide aminĂ©, des erreurs
dâĂ©pissage et des mutations non-sens sont pathogĂšnes. Cependant, les mutations faux-sens sont plus
difficiles à interpréter. Une base de données a été créée récemment. Elle rassemble les données
cliniques et molĂ©culaires issues des diagnostics mĂ©dicaux : il sâagit de la « Leiden Open Variation
63
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Le diagnostic du déficit en transporteur de la créatine est difficile à poser car les symptÎmes ne sont
pas spécifiques de la pathologie. De nombreux patients attendent donc des années avant de
bĂ©nĂ©ficier dâun diagnostic. De plus, le diagnostic biologique des patientes hĂ©tĂ©rozygotes est le plus
difficile : le ratio créatine/créatinine urinaire ainsi que les études de capture de la créatine dans les
fibroblastes nâapportent souvent aucune information, de mĂȘme que la 1H-MRS qui ne montre que
rarement un signal en crĂ©atine diminuĂ©. Le seul vrai diagnostic repose donc sur lâanalyse molĂ©culaire
du gĂšne SLC6A8.
64
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Les troubles liés aux retards mentaux représentent 2 à 3% de la population des pays occidentaux 158.
70% des patients atteints de retards mentaux sont des hommes, ce qui suggĂšre une forte
159
contribution des défauts liés au chromosome X . Les retards mentaux liés au chromosome X
reprĂ©sentent ainsi 5 Ă 12% des retards mentaux avec une contribution large du syndrome de lâX
fragile (2%). Cette pathologie est due à une répétition du nucléotide CGG qui affecte le gÚne FMR1
(fragile X mental retardation 1) sur le chromosome X et qui conduit à des difficultés intellectuelles
variables associées à un retard mental moyen à sévÚre. Une base de données européenne a vu le
jour dans le but de recenser les patients atteints de retards mentaux liĂ©s Ă lâX. Il sâagit du consortium
européen XLMR (X-Linked Mental Retardation). 290 patients étaient déjà recensés entre 1998 et
2004 et plus de 600 familles le sont aujourdâhui.
Plus dâune centaine de patients atteints dâun dĂ©ficit en transporteur de la crĂ©atine ont Ă©tĂ© identifiĂ©s
dans les 10 derniÚres années. Ceci montre donc non seulement une forte incidence de ce syndrome
159
dans la population occidentale mais également une amélioration de la stratégie diagnostique. La
fréquence du déficit en transporteur de la créatine est calculée par rapport au nombre de patients
diagnostiquĂ©s Ă ce jour et dont le dĂ©pistage repose sur lâimagerie confirmĂ©e par les Ă©tudes
moléculaires et fonctionnelles. La fréquence est ainsi estimée entre 1 et 5.4% des retards mentaux
dâĂ©tiologie inconnue chez les patients masculins. Le Tableau 2 rapporte les diffĂ©rentes Ă©tudes qui ont
permis dâestimer ce paramĂštre.
5.4 % 2/37
6/288 Lion-François, 2006
2.1 %
(patients masculins avec XLMR) Rosenberg, 2004
2/92
2.2 % Newmeyer, 2005
(patients masculins avec retard de développement et QI < 70)
0.8 % 4/478 Clark, 2006
4/114
3.5 % Lion-François, 2006
(patients masculins avec un retard mental non expliqué et négatifs pour le syndrome de l'X fragile)
65
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La seconde difficultĂ© pour estimer la prĂ©valence de cette pathologie est lâexistence des mutations de
novo. Celles-ci semblent dâailleurs ĂȘtre un Ă©vĂšnement frĂ©quent si lâon considĂšre que 2 des 16
patients décrits dans la littérature présentent une mutation de novo (soit 12.5%). Or, avec ce type de
mutation, il est trÚs difficile de savoir si elle est responsable de la pathologie. Toutefois les données
publiées tendent à montrer que la fréquence des mutations du SLC6A8 est 3 à 5 fois plus importante
que celle des autres gÚnes responsables des retards mentaux liés au chromosome X 160.
Les dĂ©ficits en transporteur de la crĂ©atine font lâobjet dâune dĂ©couverte rĂ©cente depuis le dĂ©but des
annĂ©es 2000. De plus, Ă©tant donnĂ© quâaucune thĂ©rapie efficace nâa pu ĂȘtre mise en place pour aider
les patients, ce que je développerai dans la partie 1.3, le pronostic à long terme est inconnu.
Néanmoins, des patients ùgés de plus de 40 ans ont été décrits dans la littérature 160.
Dâautres affections cĂ©rĂ©brales peuvent aboutir Ă un dĂ©ficit secondaire en crĂ©atine. Il sâagit, entre
autre, des accidents vasculaires cĂ©rĂ©braux, de lâhyperammoniĂ©mie retrouvĂ©e dans les dĂ©fauts du
cycle de lâurĂ©e 161 ou lâatrophie gyrĂ©e de la rĂ©tine 162.
66
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Tout dâabord, les cliniciens ont adoptĂ© les traitements efficaces utilisĂ©s chez les patients atteints de
déficit de biosynthÚse en créatine. Ainsi, la premiÚre stratégie mise en place a été de proposer aux
patients une supplĂ©mentation en crĂ©atine, lâacide aminĂ© manquant.
Un apport en créatine dosé à 400 mg/kg/jour a montré des effets cliniques bénéfiques chez deux
patientes hétérozygotes (Figure 25): amélioration des compétences non verbales (perception
visuelle, mouvements fins) et verbales (parole spontanĂ©e, utilisation adĂ©quate dâun langage cohĂ©rent
et intelligible), amĂ©lioration du comportement socio-Ă©motionnel et du contrĂŽle de lâhumeur. Ces
effets ont été associés à une augmentation de la créatine cérébrale lors du suivi des patientes par
spectroscopie RMN du proton 163.
67
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
120 400
350
100
300
cerebral Cr (% normal)
80
blood Cr (”mol/L)
250
60 200
150
40
100
20
50
0 0
0 2 4 6 8 10 12 14 16
time of therapy (months)
Figure 25 : Effet d'un traitement au monohydrate de créatine chez deux patientes hétérozygotes
Evolution des paramÚtres biologiques de 2 patientes (rond = patiente 1, carré = patiente 2). Ce graphe montre une
augmentation de la créatine cérébrale au cours du temps de traitement par la créatine qui atteint les valeurs contrÎles
(ligne pointillée bleue) en 16 mois. En parallÚle, on note une augmentation de la créatine plasmatique au cours du temps qui
dépasse alors la limite supérieure de la concentration en créatine plasmatique (ligne pointillée rouge).
163
Figure adaptée de Bianchi et al.
En revanche, tous les autres essais menés depuis les années 2000 se sont révélés inefficaces. Les
patients atteints du déficit en transporteur de la créatine ne répondent pas au traitement à la
créatine à des doses de 250-750 mg/kg/jour pendant plusieurs mois. Aucune amélioration des
symptĂŽmes cliniques neurocognitifs ni dâaugmentation du signal de la crĂ©atine en 1H-MRS nâont pu
ĂȘtre dĂ©tectĂ©es 80, 164-168. Cette inefficacitĂ© thĂ©rapeutique nâa pas pu ĂȘtre corrĂ©lĂ©e ni au sexe ou Ă lâĂąge
des patients ni avec la quantitĂ© et lâimportance des troubles, ni encore avec la durĂ©e du traitement.
En 2003, une hypothÚse de passage cellulaire passif de trÚs faible capacité au niveau du cerveau était
avancée, sous réserve que la supplémentation en créatine soit continue sur une longue période. Ceci
permettrait notamment que la concentration en créatine sérique atteigne une valeur cible 169. Le
dernier essai clinique publiĂ© rĂ©cemment a permis dâinfirmer cette hypothĂšse. En effet, lâĂ©quipe de
Van de Kamp a réalisé un suivi de 9 garçons atteints du déficit en transporteur de la créatine sous
supplémentation pendant 4 à 6 ans (monohydrate de créatine + L-arginine + glycine). Leurs
observations, publiĂ©es cette annĂ©e, montrent quâil nây a pas dâaugmentation de la quantitĂ© de
crĂ©atine au niveau du parenchyme cĂ©rĂ©bral pas plus quâil nây a dâimpacts positifs sur le
développement cognitif de ces enfants. Au niveau biologique, ils détectent dans les urines une
augmentation encore plus forte du ratio de créatine/créatinine (signe que la créatine absorbée est
68
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Ă©liminĂ©e dans les urines) et de lâacide guanidinoacĂ©tique. Toutefois, un point intĂ©ressant Ă©voque une
amélioration de la fonction musculaire, les enfants gagnant en poids et en taille grùce au traitement
par comparaison avec des patients du mĂȘme Ăąge mais non supplĂ©mentĂ©s en crĂ©atine 170.
Enfin, en 2002, il Ă©tait Ă©voquĂ© que la supplĂ©mentation en crĂ©atine pouvait avoir un effet bĂ©nĂ©fique Ă
long terme chez les patients en limitant les complications qui apparaissent Ă lâĂąge adulte, Ă savoir les
myopathies et les dysfonctions intestinales. Toutefois, cela nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© en raison dâune
149
durée trop courte du suivi des patients . En revanche, de nouvelles données non publiées
indiquent que la supplémentation en créatine chez 4 adultes masculins présentant un déficit en
transporteur de la crĂ©atine conduit Ă des effets trĂšs positifs. Bien quâelle ne soit pas en mesure de
traiter les troubles neurocognitifs, une amélioration notable est observée sur le comportement
gĂ©nĂ©ral des patients, la constipation sĂ©vĂšre ainsi que lâincontinence urinaire dont ils souffrent Ă un
ùge plus avancé 170.
Devant les résultats décevants de la supplémentation en monohydrate de créatine, les cliniciens ont
pris le parti dâadministrer les acides aminĂ©s prĂ©curseurs de la voie de biosynthĂšse de la crĂ©atine. En
effet, si la créatine ne peut pas franchir les membranes cellulaires du fait du défaut en transporteur
spĂ©cifique, ces acides aminĂ©s relevant du transport par dâautres systĂšmes pourraient pĂ©nĂ©trer dans
le parenchyme cérébral et, tel que cela a été évoqué au début de cette introduction, ils serraient pris
en charge par les enzymes en charge de la synthÚse in situ de créatine intracérébrale.
Deux acides aminés ont été utilisés : la L-arginine à la dose de 300-450 mg/kg/jour et la L-glycine à la
dose de 200 mg/kg/jour. Deux Ă©tudes publiĂ©es nâont conduit Ă aucune amĂ©lioration de la crĂ©atine
171
cĂ©rĂ©brale : lâune portait sur 4 patients traitĂ©s pendant 6 mois et lâautre sur 9 garçons ĂągĂ©s de 8
170
mois à 10 ans et traités pendant 4 à 6 ans en combiné avec la créatine . Deux autres études, au
contraire, montrent des améliorations des capacités intellectuelles ainsi que des troubles du
comportement et des Ă©pilepsies. Il est cependant Ă noter que malgrĂ© lâamĂ©lioration des IRM
indiquant une augmentation de la créatine cérébrale, cette évolution reste discrÚte et bien loin de la
normale 172, 173.
Ces donnĂ©es indiquent que lâefficacitĂ© dâun traitement par les acides aminĂ©s prĂ©curseurs de la
synthÚse de la créatine reste trÚs controversée dans le cadre du traitement des patients atteints de
69
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
dĂ©ficit en transport de la crĂ©atine. Ceci sâexplique par lâhypothĂšse des Ă©changes cellulaires
nécessaires lors de la synthÚse cérébrale de créatine et qui repose sur la fonctionnalité du
transporteur de la créatine.
Des dérivés de la créatine sont maintenant envisagés dans le cadre du traitement des patients. A ce
jour, quatre catĂ©gories de dĂ©rivĂ©s de la crĂ©atine sont en cours dâĂ©valuation. Au vu des informations
rĂ©glementaires nĂ©cessaires Ă lâĂ©tablissement dâune Ă©tude clinique, seuls deux composĂ©s ont pu ĂȘtre
évalués en clinique chez les patients, comme nous le verrons par la suite.
70
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
Deux esters de crĂ©atine ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s : lâester benzylique de crĂ©atine et lâester Ă©thylique de
créatine. Les esters de créatine sont plus lipophiles et ils auraient de ce fait une meilleure
perméabilité membranaire. Leur efficacité thérapeutique reposerait sur un passage passif à travers
les membranes cellulaires et notamment la barriÚre hémato-encéphalique ce qui permettrait un
passage dans le cerveau de ces composés. Ils seraient ensuite pris en charge par les estérases
cellulaires cérébrales afin de libérer la créatine au niveau des cellules cibles.
71
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
179
administrĂ©s tels quels . Ceci explique notamment lâabsence dâamĂ©lioration observĂ©e lors du
traitement par lâester Ă©thylique de crĂ©atine. Celui-ci est rapidement converti en alcool Ă©thylique et
crĂ©atine qui ne peut pas franchir la barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique en lâabsence du transporteur.
180
De façon surprenante et trÚs contradictoire, une étude précédente avait démontré les effets
cognitifs bĂ©nĂ©fiques dâune supplĂ©mentation en ester Ă©thylique de crĂ©atine dans une population de
34 jeunes de 18 à 24 ans versus placebo (maltodextrine). Ces patients avaient été sélectionnés de
sorte quâils ne prĂ©sentaient aucune pathologie. Ces sujets avaient Ă©tĂ© amenĂ©s Ă rĂ©aliser des tests
cognitifs sur ordinateur avant et aprÚs une supplémentation de 15 jours à la dose de 5 g par jour, soit
une dose 180 fois supĂ©rieure Ă celle utilisĂ©e dans lâĂ©tude menĂ©e sur la cohorte de patients. Aucun
problĂšme dâobservance ni dâeffets secondaire nâavaient Ă©tĂ© rapportĂ©s. Dans ce contexte, il semble
que lâester Ă©thylique de crĂ©atine augmente les performances intellectuelles dans plusieurs domaines
notamment le temps de réaction. De plus, les auteurs ont noté une amélioration du processus
cognitif global qui inclue lâĂ©limination de stimulus, la pensĂ©e critique, la dĂ©duction logique ainsi que
la mémoire de travail. Toutefois, il semble que dans les tests qui demandent moins de processus
cognitif, lâintĂ©rĂȘt de la supplĂ©mentation en lâester Ă©thylique de crĂ©atine soit plus limitĂ©. Ceci tend Ă
indiquer que lâapport de la crĂ©atine aide plutĂŽt dans la rĂ©alisation de tĂąches cognitives complexes 180.
La préparation de ces composés se fait par guanidinylation des peptides sarcosyl ou par acylation du
p-toluÚne sulfonate de créatine. Les auteurs ont ainsi créé une chimiothÚque de 15 composés qui
prĂ©sentent (pour 14 dâentre eux) une fonction guanidino de la crĂ©atine libre et sa fonction acide
carboxylique engagée dans une liaison peptidique avec un autre acide aminé. Ils ont obtenus ainsi
des dérivés de la glycine (N=5), des dérivés de la phénylalanine (N=3), des dérivés de la tyrosine
(N=2), un dérivé du GABA ainsi que des chaßnes plus complexes à 2 ou 3 acides aminés (brevet US
2011/0269986).
72
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
4 dĂ©rivĂ©s de la crĂ©atine conduit Ă une diminution de lâaire de la surface cĂ©rĂ©brale nĂ©crosĂ©e. Ces
composĂ©s semblent donc ĂȘtre en mesure de gagner le systĂšme nerveux central et dây exercer des
fonctions neuroprotectrices 181.
N NH2
N OH
Figure 26 : Structure chimique de la cyclocréatine
Ce composé a été évalué sur un modÚle in vivo de souris déficiente pour le SLC6A8, transport
spécifique de la créatine. Ce modÚle animal présente une diminution de la créatine dans les zones
182
subcorticales et le cortex, associée à une augmentation de la créatine dans les urines . Ceci est
trÚs similaire à ce qui est observé en pathologie humaine.
AprÚs un traitement de 9 semaines à la cyclocréatine, celle-ci est détectée dans le cerveau des souris
(Figure 27) 183. Une augmentation du signal en phosphocrĂ©atine ainsi quâen phosphocyclocrĂ©atine
sont détectées par 31P-MRS. De plus, les tests comportementaux réalisés sur les souris déficientes
traitées par la cyclocréatine montrent une absence de différence par rapport aux contrÎles,
contrairement aux souris déficientes traitées par la créatine ou le placebo.
DâaprĂšs les travaux publiĂ©s Ă ce jour, il semble donc que ce soit la cyclocrĂ©atine qui soit le plus
proche dâun futur mĂ©dicament candidat en termes dâefficacitĂ© pharmacologique et de stabilitĂ© dans
les fluides biologiques.
73
Introduction générale : De la créatine au déficit en transporteur de la créatine
La cyclocrĂ©atine (cCr) nâĂ©tant pas dĂ©pendante de la fonctionnalitĂ© du transporteur de la crĂ©atine, elle pĂ©nĂštre le systĂšme
nerveux central et réverse les troubles neurocognitifs induits par le déficit en SLC6A8 dans un modÚle in vivo pathologique.
183
Extrait de Kurosawa et al.
74
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
En effet, dĂšs les annĂ©es 1885, Paul Ehrlich dĂ©montrait pendant son doctorat quâil est impossible pour
un colorant administrĂ© dans le sang (le bleu dâEvans) dâatteindre le cerveau. Son Ă©tudiant Edwin
Goldmann en 1913 expliqua ces observations par lâexistence dâune barriĂšre impermĂ©able entre le
sang et le cerveau. AppelĂ©e la barriĂšre hĂ©mato-encĂ©phalique (BHE), elle constitue un Ă©cueil majeur Ă
lâentrĂ©e des mĂ©dicaments dans le cerveau. Donc, lorsque lâobjectif est dâadministrer un traitement Ă
visée systÚme nerveux central via le plasma dans le but de traiter une maladie cérébrale, il est
fondamental de bien comprendre la physiologie de la vasculature cérébrale et plus particuliÚrement
celle, complexe, de la BHE qui protĂšge le cerveau.
Le cerveau est un organe trÚs vascularisé. Chacune des sous-structures cérébrales est alimentée par
un systÚme artériel et drainée par un systÚme veineux, qui ne sera pas détaillé ici. Les artÚres
carotidiennes internes et les artÚres vertébrales remontent vers le cerveau à partir de la crosse
aortique et des artÚres sous-claviÚres. Elles donnent naissance aux artÚres cérébrales interne,
moyenne et postérieure au niveau du polygone de Willis à la base du cerveau (Figure 28).
75
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Les artÚres cérébrales circulent à la surface du cerveau puis plongent dans le cortex cérébral au
niveau des espaces de Virchow et Robin en se ramifiant en artérioles pénétrantes puis en capillaires
parenchymateux (Figure 29). Ces derniers définissent la microvasculature cérébrale 184, 185.
186
Figure 29 : Microvasculature cérébrale
76
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
La surface reprĂ©sentĂ©e par la microvasculature cĂ©rĂ©brale correspond Ă 150 - 200 cmÂČ/g de tissu, soit
Ă peu prĂšs 12 Ă 18 mÂČ pour un adulte 187. Cette microvasculature est constituĂ©e dâun rĂ©seau dense de
vaisseaux intercommunicants qui présentent un débit sanguin élevé et trÚs hétérogÚne. Cette
hétérogénéité repose sur les besoins en oxygÚne considérables mais fluctuants du tissu neuronal
(Figure 30).
Sur cette modélisation, apparaßt clairement la variabilité des débit sanguins cérébraux. En rouge : les débits
élevés (capillaires, artérioles, artÚres) et en bleu les débits plus faibles (veinules, veines). Cette figure est tirée de
185
Guibert et al.
La structure de la microvasculature cérébrale est unique par rapport aux autres organes. Les cellules
endothéliales et les péricytes reposent sur une lame basale qui contient les protéines de la matrice
extracellulaire et notamment le collagÚne de type IV, les protéoglycannes (héparanes sulfates), la
laminine et la fibronectine 188-190. La lame basale de lâendothĂ©lium cĂ©rĂ©bral est entourĂ©e par les pieds
astrocytaires.
77
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
lâexception des organes cĂ©rĂ©bro-ventriculaires oĂč les capillaires sont fenestrĂ©s puisquâils sont
impliqués dans le relargage et le transport des hormones synthétisées par la neurohypophyse. La
BHE est constituée des quatre types cellulaires : cellules endothéliales, pieds astrocytaires, cellules
microgliales, pĂ©ricytes (Figure 31). Câest une barriĂšre physique ou structurelle, mĂ©tabolique et
fonctionnelle qui est incluse dans une unité plus large appelée unité neurovasculaire et intégrant
également les cellules neuronales.
191
Figure 31 : Structure de la barriÚre hémato-encéphalique
Les cellules endothéliales sont connectées entre elles par des complexes jonctionnels qui assurent
191
lâintĂ©gritĂ© de la BHE ainsi que sa trĂšs faible permĂ©abilitĂ© (Figure 32). En effet, lâorganisation
molĂ©culaire des protĂ©ines de jonction les relient au cytosquelette dâactine et ceci forme une
78
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
membrane continue dâune trĂšs forte rĂ©sistance Ă©lectrique (1500 Ă 2000 âŠ/cmÂČ). Ces jonctions sont
de trois types : les jonctions serrées, les jonctions adhérentes et les jonctions communicantes.
Les jonctions serrées forment un réseau protéique complexe au niveau luminal des celllules
endothéliales. Celui-ci est consitué de trois protéines principales (les claudines, les occludines et les
molécules de jonctions adhérentes ou JAM) qui intéragissent avec des protéines accessoires
(notamment les zona occludens ou ZO et les cingulines) qui sont elles-mĂȘmes en association avec le
cytosquelette dâactine. Ces jonctions serrĂ©es permettent ainsi de contrer le passage paracellulaire
des molécules 184.
Lâattachement des cellules entre elles ainsi quâĂ la matrice extra-cellulaire est assurĂ© par les jonctions
adhérentes. Ceci est médié par les interactions homophiliques entre les domaines extracellulaires
des protéines membranaires cadhérines exprimées à la surface des cellules adjacentes. Ces
cadhĂ©rines sont liĂ©es au cytosquelette dâactine via des protĂ©ines intermĂ©diaires : les catĂ©nines.
Enfin, les jonctions communiquantes médient le passage de signaux chimiques ou électriques entre
les cellules partenaires.
79
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
La BHE permet le passage passif de lâoxygĂšne, du dioxide de carbone ainsi que de certaines petites
molécules lipophiles mais elle est imperméable aux molécules hydrophiles (comme le glucose ou les
acides aminés), qui sont pourtant fondamentales à la fonction des cellules cérébrales. Comme elle
participe au maintien de lâhomĂ©ostasie cĂ©rĂ©brale, la BHE est en charge de la fine rĂ©gulation du
transport non seulement des nutriments, de lâeau et des cations univalents (Na+ et K+) mais
Ă©galement dâautres molĂ©cules vers le cerveau.
191
Figure 33 : Types de transport à travers la barriÚre hémato-encéphalique
Il existe cinq types de transport possibles au niveau de la BHE (Figure 33). Le passage transcellulaire
ou la diffusion passive dépend uniquement des paramÚtres physico-chimiques des molécules. Dans
ce cas, le poids moléculaire, la lipophilicité, le pKa, la capacité des molécules à former des liaisons
hydrogÚnes vont conditionner le franchissement de la monocouche endothéliale. Pour des composés
hydrophiles de trĂšs petite taille, il est possible dâenvisager un passage paracellulaire.
80
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Dans les conditions pathologiques, un troisiĂšme mĂ©canisme dâendocytose peut ĂȘtre observĂ© lorsque
des macromolécules sont internalisées sans liaison à la surface cellulaire.
Enfin, les cellules endothéliales expriment divers transporteurs spécifiques qui permettent un
transport facilitĂ© des molĂ©cules. Câest le cas notamment du glucose qui pĂ©nĂštre dans le cerveau
grĂące Ă GLUT1. Ces transporteurs peuvent ĂȘtre exprimĂ©s Ă la face luminale et/ou abluminale des
cellules endothĂ©liales. Ils peuvent ĂȘtre en charge dâun transport uni ou bidirectionnel et donc
permettre lâinflux câest-Ă -dire le passage des molĂ©cules du sang vers le cerveau et/ou lâefflux câest-Ă -
dire le passage des molécules du cerveau vers le sang. Il existe un trÚs grand nombre de
transporteurs à spécificité de substrat plus ou moins élevée exprimés à la surface de la BHE 187. Deux
familles principales sont décrites : les transporteurs SLC et les transporteurs ATP-binding cassette
(ABC). La famille des transporteurs SLC est une famille trÚs diverse dont les principaux représentants
sont le transporteur GLUT1 ou SLC2A1 (glucose), la famille SLC7 (CAT, transporteurs dâacides aminĂ©s
cationiques et LAT, transport dâacides aminĂ©s neutres), des membres de la famille SLC38 et SLC1
(transport des acides aminĂ©s) et SLC6 (spĂ©cifiques du transport de la glycine â SLC6A9 â ou de la
taurine â SLC6A6 -) ainsi que des transporteurs dâanions organiques (OAT et OATP) 187. Les composĂ©s
lipophiles sont capables de franchir la BHE par diffusion passive mais il a été montré que leur taux
dâentrĂ©e peut ĂȘtre largement contrebalançé par une prise en charge par les transporteurs dâefflux de
la famille ABC. Les principales protéines sont la P-glycoprotéine (P-gp ou ABCB1), la « Breast cancer
resistance protein » (BCRP, ABCG2) ainsi que les « multi drug resistance-associated proteins » (MRPs,
ABCC1, 2, 4, 5) 187.
De plus, les transporteurs sont Ă©galement impliquĂ©s dans lâinactivation et la recapture des
neurotransmetteurs.
Sur la Figure 34, il est intĂ©ressant de noter la prĂ©sence du transporteur de la crĂ©atine CRT. Bien quâil
soit positionnĂ© Ă lâinterface entre la cellule endothĂ©liale et le pied astrocytaire, il est indiquĂ© dans le
texte des auteurs que ce transporteur est un transporteur dâinflux 191. La localisation du transporteur
de la créatine est encore controversée. Un autre point intéressant est la représentation du
transporteur de la taurine (SLC6A6) proche en termes de structure et de fonction. Il y est décrit
187, 191
comme Ă©tant un transporteur dâefflux luminal et abluminal , ce qui est donc tout Ă fait
envisageable pour le transporteur de la créatine.
81
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
191
Figure 34 : Transporteurs à la barriÚre hémato-encéphalique
A ce jour, seuls les transporteurs dâefflux et surtout les pompes dâefflux type P-glycoprotĂ©ine (ABCB1)
sont pris en compte dans le dĂ©veloppement des mĂ©dicaments puisquâils sont responsables de lâefflux
des molĂ©cules des organes cibles et donc de la perte dâefficacitĂ© des thĂ©rapies. Ainsi un consortium
dâuniversitaires, dâindustriels pharmaceutiques et de reprĂ©sentants de lâagence rĂ©glementaire
amĂ©ricaine Food and Drug Administration appuient lâimportance de prendre en compte les
transporteurs membranaires dans lâĂ©valuation pharmacocinĂ©tique et pharmacodynamique des
candidats médicaments et proposent des arbres décisionnels pour aider au développement 192.
82
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
cellules endothĂ©liales. En revanche, la L-dopa est substrat dâun transporteur dâacides aminĂ©s qui
permet son entrée dans la cellule endothéliale. Elle y est alors convertie par la DOPA-decarboxylase
en dopamine, un systĂšme enzymatique actif dans ce type cellulaire 198.
Les diffĂ©rentes caractĂ©ristiques de lâendothĂ©lium vasculaire cĂ©rĂ©bral sont assurĂ©es par les
interactions avec les types cellulaires connexes et tout particuliĂšrement par les interactions
physiques et paracrines avec les astrocytes et les péricytes 198-201. Les astrocytes enveloppent plus de
99% de lâendothĂ©lium BHE 202. Il sont impliquĂ©s dans lâexpression des jonctions serrĂ©es, lâexpression
203
et la polarisation des transporteurs et des enzymes . Il a été montré que ce sont les facteurs
relargués par les astrocytes qui participent au phénotype endothélial spécifique et à sa fonctionnalité
en termes de permĂ©abilitĂ© et de transport 191. In vitro, les facteurs astrocytaires TGFïą, GDNF, ïąFGF et
lâangiopoiĂ©tine 1 peuvent induire le phĂ©notype de BHE chez des cellules endothĂ©liales. Les astrocytes
interviennent Ă©galement dans le contrĂŽle du flux sanguin cĂ©rĂ©bral. De mĂȘme, les pĂ©ricytes
participent aux propriĂ©tĂ©s de barriĂšre des cellules endothĂ©liales ainsi quâau dĂ©veloppement de la
matrice extra-cellulaire 198, 201, 204. Ils entourent 32% de la surface des capillaires cérébraux 205, 206.
Les travaux menés ces derniÚres années sur les interactions cellulaires entre les différentes entités
prĂ©-citĂ©es (cellules endothĂ©liales, astrocytes, pĂ©ricytes, membrane basale) ainsi quâavec les neurones
sont Ă lâorigine du concept dâunitĂ© neurovasculaire. Celle-ci est au cĆur de la comprĂ©hension de la
physiopathologie de nombreuses maladies cérébrales commes les hémorragies, les infections ou les
processus inflammatoires 184.
Les communications cellulaires au niveau de la BHE fait du transport des molécules vers le cerveau
un processus contrĂŽlĂ© et trĂšs sĂ©lectif. La BHE reste donc Ă ce jour un obstacle majeur Ă lâentrĂ©e des
thĂ©rapies dans le cerveau. La BHE empĂȘche ainsi lâentrĂ©e dâenviron 100% des neurothĂ©rapies de
grande taille et 98% des petites molécules 207. De nombreuses stratégies pour contourner cette
protection ont Ă©tĂ© mises en Ćuvre ces derniĂšres annĂ©es. Quelques unes sont dĂ©crites ci-aprĂšs et leur
pertinence a été évaluée au regard de la problématique soulevée dans le cadre de cette thÚse : le
développement de prodrogues de la créatine pour le traitement du déficit en transporteur de la
créatine.
83
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Tout dâabord, nous pouvons considĂ©rer les injections intra-cĂ©rĂ©brales. Deux possibilitĂ©s sâoffrent aux
cliniciens : lâinjection dans le liquide cĂ©phalo-rachidien (injection intra-thĂ©cale) ou dans les
ventricules cérébraux (injection intra-ventriculaire). Ces administrations sont utilisées actuellement
dans des contextes pathologiques trÚs particuliers comme les anesthésiques (lidocaïne et dérivés), le
traitement de la douleur (dérivés morphiniques), le traitement de la spasticité chez des patients
atteints de sclérose en plaque (baclofÚne) ou encore la chimiothérapie par méthotrexate dans le
cadre des lymphomes 208-210. Une autre possibilité est la voie qui suit les nerfs olfactifs et trigéminaux
innervant la cavité nasale, ce qui permet une communication directe avec le cerveau 211.
Ces voies dâadministration intra-cĂ©rĂ©brales qui permettent dâĂ©viter la BHE ne peuvent pas ĂȘtre
considérées dans notre contexte pathologique pour deux raisons. La premiÚre repose sur le peu de
connaissances sur la diffusion cĂ©rĂ©brale Ă partir du point dâinjection et la seconde raison est liĂ©e au
caractĂšre traumatisant de ces voies dâadministration pour le patient.
Trois autres approches exploitent une rupture de lâintĂ©gritĂ© de la BHE par ouverture transitoire des
jonctions serrĂ©es : les modulateurs des jonctions serrĂ©es, lâouverture osmotique et lâutilisation du
couplage ultrasons et microbulles.
Les modulateurs des jonctions serrées dérivent du criblage à haut débit et de la chimie combinatoire
qui ont permis de sélectionner des séries de substances ayant pour cible des peptides exprimés aux
jonctions serrées ou adhérentes. Ainsi, les plus connus sont les dérivés des entérotoxines des
bactéries Vibrio cholerae ou Clostridium perfringens via les toxines pour les zonula occludens ou les
84
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Enfin, lâutilisation des ultrasons couplĂ©s Ă lâinjection de microbulles, par exemple, des microbulles
chargĂ©es dâun gaz lourd, lâhexafluorure de soufre SonovueÂź montre des rĂ©sultats intĂ©ressants en
termes dâouverture transitoire de la BHE 213, 214. NĂ©anmoins, Ă lâheure actuelle, lâouverture de la BHE
dans ces conditions nâest pas encore un processus parfaitement contrĂŽlĂ©, bien que cela soit pris en
215
compte . Il existe notamment deux points cruciaux : il faut limiter le risque de faire pénétrer des
molĂ©cules toxiques pour le cerveau et il faudrait pouvoir maĂźtriser la fenĂȘtre temporelle dâouverture
au pic de concentration plasmatique de lâagent thĂ©rapeutique que lâon veut faire pĂ©nĂ©trer. Cette
approche ne sera pas considérée dans le cadre de cette thÚse.
Une derniĂšre approche pour contourner la BHE est dâexploiter ses caractĂ©ristiques structurales et
fonctionnelles. On peut lister entres autres : lâutilisation dâinhibiteurs des pompes dâefflux pour
limiter lâefflux des molĂ©cules ; lâaugmentation de la lipophilicitĂ© des molĂ©cules ou la vectorisation par
une reconnaissance ligand/récepteur à la surface des cellules endothéliales de la microvasculature
pour favoriser lâinflux.
85
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Limiter lâefflux des composĂ©s ayant eu la capacitĂ© de pĂ©nĂ©trer dans le parenchyme cĂ©rĂ©bral est dĂ©jĂ
une approche utilisĂ©e. Actuellement, plusieurs inhibiteurs compĂ©titifs des pompes dâefflux sont
Ă©tudiĂ©s en protocoles prĂ©-cliniques notamment pour permettre dâaugmenter la permĂ©abilitĂ© des
antirétroviraux dans le cerveau 216.
Les travaux de Charles Lipinski sur la relation structure-activitĂ© dâune librairie de molĂ©cules ont
permis de montrer que la diffusion passive des composés à travers la BHE repose sur des critÚres
physico-chimiques. Les deux critÚres principaux que nous évoquerons ici sont la lipophilie et la taille
du composĂ© 217, 218. Ainsi, plus la lipophilie dâune molĂ©cule sera importante (plus grand sera le logP),
plus il aura de probabilité de franchir passivement la BHE. La stratégie consistant à modifier le
squelette chimique dâune molĂ©cule par des groupements augmentant sa lipophilie est tout
particuliÚrement intéressante dans ce contexte. Un exemple classique est la diacétylation de la
morphine (logP = 0.2) qui conduit Ă la synthĂšse de lâhĂ©roĂŻne (logP = 1.12). Celle-ci pĂ©nĂštre 25 fois plus
219
facilement dans le cerveau . Toutefois, il existe une taille limite de molécule. Au-delà de 500
daltons, la taille du composé ne sera plus adaptée à une diffusion passive et la lipophilisation ne
pourra rien y changer.
Les peptides permettant lâentrĂ©e dans les cellules ou « CPP : Cell-penetrating peptides » rĂ©fĂšrent Ă
un groupe de petits peptides de taille infĂ©rieure Ă 30 acides aminĂ©s qui, lorsquâils sont couplĂ©s Ă une
220
autre molécule, potentialise son internalisation cellulaire. La revue de Chen et al. illustre la
diversité en longueur et en séquence de ces peptides. De nombreux essais fructueux ont permis de
coupler des petites molĂ©cules, des protĂ©ines, des fragments dâADN ou mĂȘme des nanoparticules.
Ainsi, par exemple, le couplage de la doxorubicine ou du paclitaxel au peptide SynB3 (dĂ©rivĂ© dâun
86
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
Les cellules endothéliales de la BHE expriment de nombreux récepteurs et transporteurs qui peuvent
devenir des cibles intéressantes à exploiter pour un ciblage actif des médicaments vers le systÚme
nerveux central. Cela permet dâaugmenter la sĂ©lectivitĂ© et la spĂ©cificitĂ© du passage Ă travers la BHE.
La reconnaissance dâune cible exprimĂ©e Ă la surface des cellules endothĂ©liales conduit Ă un
mĂ©canisme de transcytose mĂ©diĂ©e par un rĂ©cepteur qui se dĂ©roule en trois phases. Tout dâabord, la
liaison ligand-récepteur, qui se fait à la face luminale (du cÎté sanguin) de la cellule endothéliale,
entraĂźne lâendocytose du complexe. Puis, les mouvements qui ont ensuite lieu dans le cytoplasme
permettent le transfert de la molécule de la face apicale vers la face abluminale (du cÎté du
parenchyme cĂ©rĂ©bral). Un mĂ©canisme dâexocytose libĂšre alors le produit dans le parenchyme
cérébral 220.
Plusieurs rĂ©cepteurs sont en cours dâĂ©tude dans ce contexte, il sâagit notamment du rĂ©cepteur Ă la
transferrine, du rĂ©cepteur Ă lâinsuline ou encore des rĂ©cepteurs aux lipoprotĂ©ines.
Le rĂ©cepteur qui est le plus largement dĂ©crit dans la littĂ©rature dans ce contexte dâadministration des
médicaments est le récepteur à la transferrine. Cette glycoprotéine homodimérique présente une
expression ubiquitaire puisquâon la retrouve dans les hĂ©patocytes, les Ă©rythrocytes, les cellules
intestinales, les monocytes en plus des cellules endothéliales de la BHE. La stratégie repose sur
lâutilisation par exemple dâanticorps dirigĂ©s contre le rĂ©cepteur comme lâOX26 (spĂ©cifique du rat) ou
223
le 8D3 (spĂ©cifique de la souris) . Ainsi des nanoparticules de chitosan recouvertes dâOX26
présentent un meilleur passage intra-cérébral in vivo 224.
225
Le rĂ©cepteur Ă lâinsuline est une protĂ©ine de 300 kDa hĂ©tĂ©rotĂ©tramĂ©rique . Un anticorps
monoclonal couplĂ© au peptide ïąïamyloĂŻde reconnaissant le rĂ©cepteur Ă lâinsuline prĂ©sente des
propriĂ©tĂ©s intĂ©ressantes comme outil diagnostic prĂ©coce de la maladie dâAlzheimer 226. De mĂȘme un
anticorps humanisé administré par injection intra-veineuse chez le singe est internalisé dans le
87
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
227
cerveau et diffuse dans les différentes structures cérébrales . Toutefois, il est nécessaire de
prendre en compte le risque dâun tel ciblage dans la rĂ©gulation de lâhomĂ©ostasie du glucose 220.
Enfin, le dernier exemple est le ciblage via les récepteurs aux lipoprotéines de basse densité (LRP1 et
LRP2). Ces récepteurs présentent une affinité pour de nombreux substrats comprenant
lâapolipoprotĂ©ine E, lâactivateur du plasminogĂšne tissulaire, la protĂ©ine prĂ©curseur de lâamyloĂŻde, la
lactoferrine ou lâïĄ2 macroglobuline 220.
1.4.3.3.5 Nanovectorisation
Les nanoparticules sont des objets dĂ©finis par la spĂ©cification anglaise PAS71 (2005) et lâInstitut
National de la recherche et de la sĂ©curitĂ© (INRS) selon leur taille nanomĂ©trique : il sâagit de structures
supramolĂ©culaires solides ultra dispersĂ©es ayant une taille de lâordre de 100 nm ou moins. Ancien
rĂȘve de Paul Ehrlich qui, en 1908, imaginait le concept de balle magique « magic bullet » afin de
cibler et de détruire spécifiquement les pathogÚnes, la technologie nanoparticulaire offre
aujourdâhui de nombreuses possibilitĂ©s notamment dans le dĂ©veloppement de stratĂ©gies
thérapeutiques ciblées. Les nanoparticules utilisées dans le domaine médical servent comme agent
228
diagnostique (dans lâimagerie mĂ©dicale ) ou comme agent thĂ©rapeutique. Dans ce cas, on peut
dĂ©velopper des nanoparticules de type matriciel, câest-Ă -dire que le principe actif est dispersĂ© dans
toute la structure nanoparticulaire, ou vésiculaire dans lesquelles le principe actif est contenu dans
une vĂ©sicule Ă lâintĂ©rieur de la nanoparticule. Dans dâautres cas, le principe actif peut ĂȘtre adsorbĂ© ou
lié de façon covalente à la surface. De nombreux types de structures sont décrits dans la littérature
pour lâutilisation de nanoparticules comme nanovecteurs de principes actifs: liposomes Ă cĆur
aqueux, nanosphÚres, nanocapsules, micelles polymériques, particules lipides solides, particules
mĂ©talliquesâŠ229 La structure doit ĂȘtre adaptĂ©e au principe actif que lâon souhaite vectoriser : il est
ainsi fondamental de prendre en compte ses caractéristiques physico-chimiques comme son
caractÚre hydrophile, lipophile ou amphiphile. En revanche, différentes classes thérapeutiques
peuvent ĂȘtre associĂ©es Ă des nanovecteurs : protĂ©ines, peptides, acides nuclĂ©iques 230 ou encore des
231
molécules de synthÚse chimique comme les antirétroviraux et les anticancéreux comme le
paclitaxel 232.
Dans le contexte de lâadministration des mĂ©dicaments dans le systĂšme nerveux central, les
nanoparticules constituent une approche intéressante pour franchir la BHE. De nombreuses voies
88
Introduction : Administration des médicaments au niveau du systÚme nerveux central
dâadministration sont envisagĂ©es : voie orale, voie parentĂ©rale, ou encore des voies plus originales
233, 234 235
prometteuses in vivo : administration via le nerf olfactif ou lâoreille interne , qui
permettraient dâĂ©viter le passage par la BHE. Les nanoparticules pĂ©nĂštreraient par deux mĂ©canismes
distincts : la perméabilité vasculaire augmentée (effet EPR « Enhanced Permeability and Retention »)
236
principalement dans les néo-vaisseaux à proximité des tumeurs ou par un mécanisme
dâendocytose mĂ©diĂ©e par un rĂ©cepteur, qui repose alors sur lâinteraction dâun ligand et dâun
récepteur spécifique, de préférence sur-exprimé au niveau des cellules endothéliales de la BHE. Il
existe beaucoup dâexemples dans ce domaine. Ainsi, des nanoparticules recouvertes dâun anticorps
OX26 (dirigé contre le récepteur à la transferrine) et encapsulant du lopéramide ont montré que le
ciblage par le récepteur à la transferrine favorisait le passage du lopéramide dans le cerveau, qui
237
pouvait alors y exercer son effet anti-nociceptif . Une autre équipe a montré que des
nanoparticules dâalbumine recouvertes dâinsuline encapsulant la mĂȘme molĂ©cule, le lopĂ©ramide,
entraßnait également un passage plus prononcé de la molécule dans le cerveau 238.
89
90
Objectifs de la thĂšse
CHAPITRE 2
OBJECTIFS
91
Objectifs de la thĂšse
92
Objectifs de la thĂšse
Cette thĂšse sâinscrit dans une problĂ©matique large visant Ă dĂ©velopper des dĂ©rivĂ©s de la crĂ©atine
pour le traitement du déficit en transporteur de la créatine, pathologie neurologique lourde
conduisant à des déficits mentaux profonds chez les enfants atteints. Cette pathologie décrite au
début des années 2000 est due à une altération génique dont la transmission est héréditaire. Elle
conduit Ă lâabsence de fonctionnalitĂ© du transporteur de la crĂ©atine, un acide aminĂ© impliquĂ© dans
les boucles de rĂ©gulation de lâĂ©nergie cellulaire. Lâabsence de crĂ©atine dans les cellules provoque des
déficits énergétiques ayant des répercussions importantes en termes de physiologie, notamment
neuronales, comme nous avons pu le voir en introduction.
Dans ce cadre et bien que la physiologie des échanges de la créatine au niveau cérébral soient encore
mal compris, il nous semblait important de considĂ©rer une voie dâexploration destinĂ©e Ă
supplĂ©menter lâabsence de crĂ©atine au niveau cĂ©rĂ©bral. Pour ce faire, il fallait donc dĂ©velopper une
molécule ayant non seulement les capacités de franchir la barriÚre hémato-encéphalique sans
nécessiter la fonctionnalité du transporteur de la créatine mais encore capable de libérer la créatine
au sein des cellules cibles neuronales dans le parenchyme cérébral.
Le rationnel de ce projet de thĂšse repose sur lâobservation que les molĂ©cules lipophiles ont une
prĂ©disposition forte Ă interagir avec les membranes cellulaires et quâelles sont exploitables pour
franchir la barriÚre hémato-encéphalique selon un processus passif. Nous avons donc cherché à créer
une chimiothÚque de prodrogues de la créatine lipophiles selon un schéma de synthÚse tout a fait
novateur qui a fait lâobjet dâun dĂ©pĂŽt de brevet afin de valoriser cette propriĂ©tĂ© intellectuelle. Cette
synthĂšse chimique a permis le greffage dâalcools gras au squelette de la crĂ©atine crĂ©ant ainsi des
esters de créatine à longueur de chaßne carbonée variable, de façon à créer une librairie de
composĂ©s aux propriĂ©tĂ©s physico-chimiques diverses. Le choix de la liaison ester sâest fait
spontanĂ©ment au vu du trĂšs grand nombre dâestĂ©rases cellulaires actives. Celles-ci rĂ©aliseraient le
clivage de la fonction ester conduisant à la libération de la créatine en intracellulaire.
La capacité de ces dérivés à pénétrer dans le cerveau à été obtenue dans un modÚle in vitro de
barriÚre hémato-encéphalique en culture primaire et leur internalisation dans les cellules cibles
neuronales a été étudiée dans un modÚle in vitro de culture primaire de neurones. Enfin, la preuve
de concept pharmacologique a été réalisée sur un modÚle cellulaire de fibroblastes humains de
patients atteints du déficit en transporteur de la créatine.
Soucieux de raccorder la recherche fondamentale Ă la clinique, notre rĂ©flexion sâest portĂ©e sur
lâadministration dâune telle prodrogue de la crĂ©atine puisque les esters sont des composĂ©s instables
93
Objectifs de la thĂšse
car dĂ©gradĂ©s par les estĂ©rases prĂ©sentes dans la circulation plasmatique. Ils ne peuvent donc pas ĂȘtre
évalués tels quels ni in vivo ni en clinique.
LâidĂ©e Ă©tait lĂ de dĂ©velopper une approche globale de la recherche vers le patient. Deux objectifs
devaient ĂȘtre remplis par la formulation galĂ©nique que nous allions retenir : la protection de la
structure chimique de la molĂ©cule dâune part et la capacitĂ© sĂ©lective Ă circuler dans lâorganisme pour
gagner le systĂšme nerveux central dâautre part. LâĂ©lĂ©ment de formulation qui nous a paru le plus
adĂ©quat est la nanovectorisation. En effet, lâessor actuel des nanomĂ©decines montre bien les intĂ©rĂȘts
de ces approches pharmaceutiques notamment en termes de confort dâadministration pour le
patient, et en termes de ciblage de protĂ©ines cellulaires permettant dâaugmenter la balance
bĂ©nĂ©fice/risque en favorisant lâinternalisation dans les cellules exprimant la cible tout en limitant sa
diffusion dans les autres types cellulaires ce qui limite le risque toxique et donc les effets
indésirables. Nous avons évalué dans ce projet une formulation par nanocapsules lipidiques sur les
aspects dâencapsulation de lâester de crĂ©atine et sur les capacitĂ©s Ă franchir la monocouche
endothéliale.
Dans le contexte de cette thÚse, cette approche par nanovectorisation a exploité une technologie
brevetĂ©e : les nanocapsules lipidiques (NCL). Ces nanocapsules sont constituĂ©es dâun cĆur lipidique
de triglycérides de chaßnes moyennes (acide caprique et caprylique C8-C10, Labrafac C-CŸ) entouré par
une coque de tensioactifs (SolutolÂź : mĂ©lange de PEG 660 et dâhydroxystĂ©arate de PEG 660 et
Lipoïd S75-3Ÿ : lécithine de soja, phosphatidylcholine et phosphatidyléthanolamine). Elles sont
produites selon un procédé simple sans utilisation de solvant organique et de basse énergie 239, 240 qui
conduit Ă une distribution monomodale dont la taille varie entre 20 et 100 nm selon la proportion
des constituants 241. Lâensemble des constituants de ces NCL sont approuvĂ©s par lâautoritĂ© de santĂ©
américaine Food and Drug Administration. Ces vecteurs sont des outils parfaitement biocompatibles,
exploitables pour lâadministration de molĂ©cules actives vers le cerveau. Elles peuvent faire lâobjet de
post-insertions 242 de chaĂźnes PEG pour en faire des vecteurs furtifs dont le temps de circulation dans
lâorganisme sera augmentĂ© ainsi que de greffages dâanticorps en surface afin de rĂ©aliser un adressage
moléculaire par exemple en ciblant le récepteur à la transferrine exprimé à la surface des cellules
243-246 247
endothéliales . Par ailleurs, les NCL sont administrables in vivo car elles sont peu
248 249
immunogĂšnes et elles ne prĂ©sentent pas de toxicitĂ© chez lâanimal . Lors des Ă©tudes de
biodistribution in vivo, elles ont montré une capacité, bien que faible, à pénétrer le cerveau 245. Il est
249
aisĂ© dâencapsuler diverses molĂ©cules lipophiles comme des anticancĂ©reux (paclitaxel ; 2-
246 250
ferrocenyl-1,1-bis(4-hydroxyphenyl)-but-1-ene ; 7-ethyl-10-hydroxy-camptothecin ; ethyl [2-
251
amino-6-bromo-4-diethylmalonate]-4H-chromene-3-carboxylate âŠ), des dĂ©rivĂ©s
94
Objectifs de la thĂšse
Au niveau cellulaire, les NCL entrent dans le compartiment intracellulaire via un processus
261
dâendocytose . En revanche, elles sont peu retrouvĂ©es dans les lysosomes, ce qui indiquerait un
échappement de la voie endolysosomyale et donc une meilleure biodisponibilité de la molécule
encapsulĂ©e. De plus, elles prĂ©sentent des propriĂ©tĂ©s dâinhibition de la P-glycoprotĂ©ine, un
transporteur responsable de lâefflux des molĂ©cules actives hors des cellules, ce qui limiterait lâĂ©chec
262-264
thérapeutique . Ces propriétés semblent reposer sur la présence des chaßnes PEG à la surface
des nanoparticules (SolutolÂź).
Ces nanovecteurs seraient donc des outils de choix pour favoriser le passage intra-cérébral de
molĂ©cules thĂ©rapeutiques. Cette formulation pourrait ĂȘtre envisagĂ©e pour protĂ©ger la structure de
lâester de crĂ©atine en vue dâune administration chez lâanimal afin de rĂ©aliser des Ă©tudes de
pharmacocinétique et pharmacodynamie.
Cette thĂšse se situe ainsi Ă lâinterface pluridisciplinaire des trois arts impliquĂ©s Ă la source mĂȘme de
la crĂ©ation dâune nouvelle thĂ©rapeutique : la chimie, la biologie et la formulation pharmaceutique.
95
96
Méthodes expérimentales
CHAPITRE 3
METHODES EXPERIMENTALES
97
Méthodes expérimentales
98
Méthodes expérimentales
Les réactions ont été suivies par chromatographie sur couche mince sur des plaques en verre
recouvertes de gel de silice imprĂ©gnĂ© dâun indicateur fluorescent (60 F254 Merk). Les produits sont
rĂ©vĂ©lĂ©s Ă lâaide dâune lampe UV Ă 254 nm. Les systĂšmes Ă©luants sont indiquĂ©s dans les
caractéristiques des produits dans la publication Trotier-Faurion et al., soumise au J. Med. Chem,
dans la section « Experimental section ».
La purification des produits par chromatographie sur colonne a été réalisée par un Combiflash Rf
Teledyne isco avec des colonnes de silice SI HC, les analytes étant détectés en UV à 254 nm. Les
colonnes et les éluants utilisés pour la purification de chaque produit sont indiqués dans la
publication Trotier-Faurion et al., soumise au J. Med. Chem, dans la section « Experimental section ».
Les esters de créatine ont été caractérisés selon les techniques classiques : analyse par résonance
magnétique nucléaire, chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse, spectroscopie
infrarouge et la mesure des points de fusion.
99
Méthodes expérimentales
100
Méthodes expérimentales
systÚme de gradient binaire 2545. Cette chaßne est couplée à un spectromÚtre de masse de type
triple quadripÎle Waters 3100. La colonne HPLC utilisée est une Waters XBridge 100 x 4.6 mm avec
une phase stationnaire greffée en C18 et une granulométrie de 3.5 ”m. Les phases mobiles sont A :
100% eau Ă 0.1% dâacide formique et B : 100% dâacĂ©tonitrile Ă 0.1% dâacide formique. Le gradient de
routine est le suivant : de 0 Ă 8 min 95% de A et 5% de B ; de 8 Ă 13 min 100% de B et Ă 13 min,
retour aux conditions initiales.
101
Méthodes expérimentales
Nous avons utilisé une colonne à greffage diol en phase inverse afin de retenir la créatine et les
esters de crĂ©atine par le motif guanidine, grĂące Ă la mĂȘme phase stationnaire. La sĂ©paration HPLC a
ainsi été réalisée grùce à une chaßne de chromatographie liquide (Shimadzu HPLC system LC 20AD)
avec une colonne UptisphÚre diol 2.0 x 150 mm (UP120-6OH, Interchim, 150 x 2.1 mm, 6.0 ”m de
granulomĂ©trie) placĂ©e dans un four Ă colonne Ă 40°C, et sur laquelle 10 ”l dâĂ©chantillon ont Ă©tĂ©
injectés. Nous avons travaillé en isocratique avec une phase mobile A : eau supplémentée à 0.1%
dâacide formique et une phase mobile B : acĂ©tonitrile supplĂ©mentĂ© Ă 0.1% dâacide formique, en
proportion 20/80 pour les composés à longues chaßnes carbonées supérieures à 4 atomes de carbone
(esters de créatine en C8, C9, C12, C16 et C18) ou 40/60 pour les composés à courtes chaßnes
carbonées inférieures à 4 atomes de carbone (ester de créatine en C2 et C4) ou sans chaßne carbonée
(crĂ©atine, crĂ©atinine). Le dĂ©bit Ă©tait de 0.4 ml/min et le temps total dâanalyse Ă©tait de 6 minutes.
La détection était ensuite assurée par un spectromÚtre de masse de type triple quadripÎle en
tandem (Finnigan TSQ Quantum Discovery géré par le logiciel Xcalibur v.2.0, Thermo) en mode
électrospray positif. La tension appliquée au niveau du capillaire était de 3.0 kV, les pressions de gaz
de désolvatation et de gaz auxiliaire étaient fixées à 50 et 20 en unités arbitraires respectivement.
LâĂ©nergie de la source Ă©tait de 12 V et la tempĂ©rature du capillaire de 350°C. Les Ă©nergies de collision
(Ecoll) et les paramÚtres de transfert des ions (tube lens) ont été optimisés pour chaque composé et
sont rapportés dans le Tableau 10, page 139. Les quantifications absolues des concentrations en
analyte ont été réalisées grùce au logiciel LC Quan v.2.5 (Thermo) contre une gamme de
concentration et les courbes de calibration ont montré une relation linéaire ou quadratique en
fonction des esters permettant une quantification robuste de chaque analyte. Les quantifications ont
été réalisés dans chaque surnageant aprÚs dilution au 1/5Úme dans un mélange constitué à 95%
dâacĂ©tonitrile et Ă 5% dâacide formique ainsi que dans les lysats cellulaires des cellules endothĂ©liales,
gliales, neuronales et fibroblastiques aprĂšs la lyse cellulaire dans un mĂ©lange constituĂ© de 20% dâeau,
76% dâacĂ©tonitrile et 4% dâacide formique, suivie dâune centrifugation pendant 10 minutes, 13 000 g
Ă +4°C. Lorsque les quantifications ont Ă©tĂ© faites avec un Ă©talon interne (Ă©tudes de stabilitĂ©), il sâagit
de lâacide amino-octanoĂŻque Ă la concentration de 1 ”g/ml (T1 : (m/z) 160.19 ï 97.2, Ecoll = 5 et
« tube lens » = 60 ; T2 : (m/z) 160.19 ï 55.3, Ecoll = 20 et « tube lens » = 60). La crĂ©atinine Ă©tait suivie
à titre de contrÎle car elle représente ici une impureté de synthÚse chimique.
102
Méthodes expérimentales
La préparation des nanocapsules lipidiques (NCL) repose sur des propriétés topologiques micellaires
de micro-émulsions obtenues par effet thermique. Les nanocapsules lipidiques sont des
nanovecteurs constituĂ©s dâun cĆur lipidique stabilisĂ© par une coque tensioactive (Figure 35). Leur
prĂ©paration repose sur un processus dâinversion de phase entre une Ă©mulsion huile dans eau (H/E) et
une Ă©mulsion eau dans huile (E/H) suite Ă des cycles dâaugmentation et diminution de la
tempĂ©rature 240. Lâajout dâun volume dâeau Ă 0°C (volume de trempe) au cours de cette dâinversion
de phase, suivie par conductimĂštrie, permet de figer le systĂšme et dâobtenir une suspension de NCL
(Figure 36).
La taille des objets obtenus au laboratoire sont homogĂšnes (un seul pic, mono dispersion) et le
tableau montre la proportion des constituants permettant dâobtenir des objets entre 20 et 100 nm
103
Méthodes expérimentales
(Tableau 3). Dans cette étude, nous avons choisi des objets de taille moyenne 50 nm en suspension
dans un tampon HEPES Ă pH = 7.4 qui est constituĂ© de 9.5 g dâHEPES, 16.8 g de NaCl et 0.584 g
dâEDTA qsp 2 litres et ajustĂ© au pH adĂ©quat.
Quantité en g
Constituants
NCL 20 nm NCL 50 nm NCL 100 nm
Solutol HS 15Âź 1.934 0.846 0.484
LipoĂŻd 75-3Âź 0.075 0.075 0.075
NaCl 0.089 0.089 0.089
Labrafac CCÂź 0.846 1.028 1.209
Tampon HEPES 2.055 2.962 3.143
Les pesées des différents constituants sont réalisées dans un pilulier et le volume obtenu est de
5 ml. Le pilulier est chauffĂ© (ï±ï = 85-90 °C) et la suspension est blanche et opaque. Tous les suivis de
tempĂ©rature sont rĂ©alisĂ©s Ă lâaide dâune sonde thermomĂ©trique. La suspension est ensuite refroidie
sur un agitateur non chauffant. Quand la température de la suspension atteint 60°C, deux nouveaux
cycles de chauffe à 90°C et de refroidissement à 60°C sont effectués. Lors du troisiÚme
refroidissement, lorsque lâon atteint la zone dâinversion de phase (environ 75°C) et que la suspension
devient limpide, 5 ml de tampon HEPES à 0°C sont ajoutés, ceci correspondant au volume de trempe,
qui permet lâobtention des nanocapsules. La formulation dite blanche (NCL ou NCL blanches) est
alors filtrée avec un filtre à seringue de porosité 0.22 ”m. Sa concentration est déterminée par une
approximation des volumes en pesées, c'est-à -dire que la concentration en NCL est égale à la somme
des masses des matiÚres sÚches divisée par la somme des volumes des solutions.
On rĂ©alise dâabord la post-insertion dâun « linker » constituĂ© de chaĂźnes poly-Ă©thylĂšne glycol (PEG),
permettant la fonctionnalisation adéquate de la surface des nanocapsules pour le greffage. Ceci est
rĂ©alisĂ© Ă 60°C par lâajout de 22 mM de 1,2-distearoyl-sn-glycero-3-phosphoethanolamine-N-
[maleimide (polyéthylÚne glycol)-2000] ou DSPE-PegMal ou de 1,2-distearoyl-sn-glycero-3-
phosphoethanolamine-N-[methoxy (polyéthylÚne glycol)-2000] ou DSPE-PegOMe sur 600 ”l de la
104
Méthodes expérimentales
formulation blanche. Les formulations dites « NCL-PegMal » ou « NCL-PegOMe » sont alors purifiées
sur une colonne dâextrusion stĂ©rique constituĂ©e de sĂ©pharose CL-4B avant dâĂȘtre utilisĂ©es, afin
dâĂ©liminer le DSPE-PegMal ou le DSPE-PegOMe qui ne se seraient pas post-insĂ©rĂ©s.
Le greffage entre le DSPE-PegMal (présent à la surface des NCL-PegMal) et la protéine (dans notre
cas un anticorps OX26 dirigĂ© contre le rĂ©cepteur Ă la transferrine ou lâinsuline) se fait par une liaison
thiol. Pour cela, une thiolation préalable des amines primaires de la protéine avec 40 équivalents de
rĂ©actif de Traut (communĂ©ment utilisĂ© pour cela) doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e sous agitation Ă tempĂ©rature
ambiante pendant 1h dans un tampon HEPES à pH=7.4. La protéine ainsi thiolée est ensuite purifiée
sur une colonne PD10 SĂ©phadex G25M, avant dâĂȘtre mise Ă incuber avec la suspension de NCL
PegMal pendant une nuit Ă +4°C sous agitation afin dâobtenir les « NCL-PegProtĂ©ine ». Une
purification est enfin rĂ©alisĂ©e sur une colonne dâextrusion stĂ©rique, contenant du sĂ©pharose CL-4B,
afin dâĂ©liminer le reste de protĂ©ines qui ne se serait pas greffĂ©. GrĂące Ă cette technique, nous avons
pu greffer la protéine Insuline « NCL-PegInsuline ou NCL-PegIns » ou un anticorps OX26
reconnaissant le récepteur à la transferrine « NCL-PegOX26 ».
La facilitĂ© de mise en Ćuvre des procĂ©dĂ©s de formulation, la non-toxicitĂ© des adjuvants, la stabilitĂ© et
les propriétés structurales, en font des candidats de choix pour la vectorisation de principes actifs
lipophiles.
105
Méthodes expérimentales
Cela permet leur identification et leur quantification dans les échantillons par chromatographie
liquide à ultra haute performance couplée à la spectrométrie de masse en tandem (UPLC-MS/MS),
aprÚs une étape de lyse au 1/5Úme dans le méthanol et une centrifugation à 20 000 g pendant
10 minutes Ă +4°C. Le principe de la technique est dĂ©veloppĂ© dans lâAnnexe 2. LâUPLC permet
dâamĂ©liorer la rĂ©tention et de diminuer le temps dâanalyse. La sĂ©paration a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e sur 5 ”l
dâĂ©chantillon grĂące Ă une colonne UPLC greffĂ©e C18 CSH (Waters, 75 x 2.1 mm, 1.7 ”m de
granulomĂ©trie) sur une chaĂźne Waters Acquity. La phase mobile A Ă©tait constituĂ©e dâeau
supplĂ©mentĂ©e Ă 0.1% dâacide formique et la phase mobile B Ă©tait constituĂ©e de mĂ©thanol. Le
gradient dâĂ©lution dĂ©butait Ă 20% de phase B pendant 0.5 min suivi dâune augmentation jusquâĂ 80%
de B Ă 1.1 minutes et dâun plateau jusquâĂ 2.0 min avant de redescendre aux conditions initiales Ă 2.1
min. Le temps total de « run » Ă©tait 3.5 min. Le temps de rĂ©tention de lâamiodarone est 1.99 min.
La détection était réalisée par un spectromÚtre de masse de type triple quadripÎle Xévo TQ MS
(Waters) géré par le logiciel MassLynx v4.1 (Waters). Les tensions du capillaire et du cÎne étaient
fixées respectivement à 3 000 et 50 V, la température de la source à 150 °C et la température de
dĂ©solvatation Ă 400 °C. La transition suivie spĂ©cifique de lâamiodarone Ă©tait (m/z) 645.80 ï 99.90
avec une énergie de collision de 36 eV et un dwell de 0.2 sec. La quantification des échantillons a été
réalisée par le logiciel MassLynx contre une gamme en solution dans un mélange 20/80
eau/méthanol. La limite inférieure de détection obtenue était 0.5 nM et la limite de quantification
(LLOQ) de 1 nM. La limite supérieure de quantification était fixée à 1.5 ”M.
106
Méthodes expérimentales
lâester de crĂ©atine en C12 est incorporĂ© en solution dans du TranscutolÂź lors du dernier
refroidissement à la concentration finale théorique de 300 ”g/ml.
Une lyse des Ă©chantillons solutions de NCL-C12 est rĂ©alisĂ©e au 1/5Ăšme dans un mĂ©lange dâacĂ©tonitrile
et dâacide formique en proportion 95% - 5%. Une centrifugation est rĂ©alisĂ©es Ă 20000 g pendant
10 minutes Ă +4°C. Le dosage de lâester dodĂ©cylique de crĂ©atine est rĂ©alisĂ© suivant la mĂ©thode
décrite dans Méthodes expérimentales, §3.2.
Les NCL sont caractĂ©risĂ©es par leur taille et leur potentiel zĂ©ta, câest-Ă -dire la charge Ă©lectrique de la
particule, grùce à un Zetasizer (Nanoseries ZS, Malvern) piloté par le logiciel Zetasizer (Malvern).
La présence de protéines à la surface des NCL est validée par un test microBCA : la présence de
protéines en milieu alcalin catalyse la réduction du Cu2+ en Cu1+ qui peut alors chélater 2 molécules
dâacide bicinchoninique (BCA) et former un produit de rĂ©action de couleur violette. 100 ”l dâun
mélange de réactifs du kit de dosage sont mis en contact de 100 ”l de suspension de NCL
PegProtéine et une incubation de 2 h est réalisée à 37°C. La densité optique est ensuite lue à 560 nm
et comparée à un contrÎle sans protéines.
La caractérisation physico-chimique a été réalisée pour les NCL-DiD ± greffage Peg ± Insuline, pour les
NCL-amiodarone ± greffage Peg ± Insuline ainsi que pour les NCL-C12.
Afin de vĂ©rifier que les NCL ainsi synthĂ©tisĂ©es nâentrainent pas de rĂ©ponse immunitaire lors de
lâadministration par voie intraveineuse, un test de capture macrophagique ainsi quâun test
dâactivation du systĂšme du complĂ©ment ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s avec les NCL-DiD. Les protĂ©ines du
complément présentes dans le sérum entraßnent l'opsonisation et recrutent les cellules immunitaires
(les lymphocytes B et les macrophages), activant la réponse immunitaire.
107
Méthodes expérimentales
Pour le test de capture macrophagique, des cellules de type THP-1 (monocytes humains) sont
cultivées en suspension à 37°C dans une atmosphÚre contrÎlée à 5% de CO2. AprÚs une mise en
plaque 24 puits à la densité de 0.5 x 106 cellules par puits, une différenciation en macrophages est
induite par lâincubation de 100 nM de Phorbol 12-myristate 13-acetate (PMA). Ces macrophages sont
alors incubés avec les solutions dosées à 1.5 mg/ml de nanocapsules chargées en fluorophore (NCL-
DID) pendant 90 min à 37°C et à +4°C. La proportion de nanocapsules phagocytées par les
macrophages est alors évaluée par cytométrie de flux (FACS).
Lâactivation du complĂ©ment a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e dans le sĂ©rum humain normal (SHN) par la mesure de la
capacité hémolytique résiduelle du systÚme du complément aprÚs sa mise en contact avec des
suspensions de nanocapsules lipidiques. La technique consiste à déterminer la part de sérum capable
de lyser 50% dâun nombre fixe (2 x 108) dâĂ©rythrocytes de mouton sensibilisĂ©s par un anticorps
spĂ©cifique (hĂ©molysine). Dans un premier temps, plusieurs concentrations de NCL-DiD (de 0.156 Ă
1.56 mg/ml) sont incubées pendant 1 heure à 37°C avec un volume fixe de SHN dans un milieu
isotonique. Ces solutions sont ensuite mises au contact dâun nombre fixe dâĂ©rythrocytes de mouton
pendant 45 minutes Ă 37°C. La rĂ©action est stoppĂ©e par lâajout dâune solution de chlorure de sodium
et une centrifugation est réalisée à 2000 rpm pendant 10 min à 4°C. Si les NCL ont activé le systÚme
du complément, les protéines du complément contenues dans le SHN vont induire la lyse des
Ă©rythrocytes et libĂ©rer lâhĂ©moglobine qui peut ĂȘtre dĂ©tectĂ©e par spectrophotomĂ©trie Ă la longueur
dâonde 405 nm. Dans un premier temps, la comparaison avec des contrĂŽles positif et nĂ©gatif de lyse
des Ă©rythrocytes permet dâĂ©valuer la proportion de lyse pour chaque concentration. Puis lâactivation
du complément est exprimée en fonction de la surface des nanocapsules, ce qui permet la
comparaison des différents types de nanocapsules lipidiques.
Un test de détection des endotoxines a été réalisé sur des solutions de nanoparticules NCL-
amiodarone, NCL-amiodarone PegOMe, NCL-amiodarone PegInsuline et NCL-C12 Ă mg/ml dans le
108
Méthodes expérimentales
sérum physiologique grùce au protocole Pierce LAL Chromogenic endotoxine quantitation kit (Fisher
Scientific). Ce test repose sur lâactivation dâune enzyme (Limulus Amebocyte Lysate, LAL) catalysĂ©e
par les endotoxines prĂ©sentes en solution. Cette enzyme permet alors le clivage dâun substrat en p-
nitroaniline qui absorbe Ă 405-410 nm. La quantification absolue de la quantitĂ© dâendotoxines est
effectuĂ©e contre une gamme linĂ©aire en endotoxines dâEscherichia coli.
Dans un second temps, nous avons déterminé les concentrations en endotoxines dans une gamme
de concentration de 0.1 ng/ml Ă 1000 ng/ml en lipopolysaccharide issu dâEscherichia coli afin de les
comparer aux valeurs dâendotoxines dĂ©tectĂ©es dans les solutions de NCL.
109
Méthodes expérimentales
conduit Ă lâobtention dâun culot cellulaire qui est ensemencĂ© en flasques de culture de 75 cmÂČ
prĂ©alablement enduites (coating) dâune solution de collagĂšne de type IV (2 heures, 3.5 ml) Ă
0.1 mg/ml dans lâeau et 1 heure par 3.5 ml dâune solution de fibronectine Ă 10 ”g/ml. Les cellules
sont cultivées pendant 5 à 6 jours dans du milieu EBM-2 supplémenté par le kit EGM-2 MV Single
Quots et par une concentration décroissante (3 à 0 ”g/ml) de puromycine au fur et à mesure de la
culture. Le milieu est remplacé tous les 2 à 3 jours.
Lorsque la confluence des cellules atteint 80 à 90%, la trypsinisation des cellules est réalisée aprÚs 3
rinçages au PBS. Les cellules sont ensuite congelĂ©es dans lâazote liquide dans des cryotubes Ă
1.2Ă106 cellules/ml dans du SVF + 10% DMSO.
Lorsque la confluence des cellules atteint 80 à 90%, la trypsinisation des cellules est réalisée aprÚs 3
rinçages au PBS. Les cellules sont ensuite congelĂ©es dans lâazote liquide dans des cryotubes Ă
500Ă106 cellules/ml dans du SVF + 10% DMSO.
110
Méthodes expérimentales
Compartiment « sanguin »
Cellules
endothéliales
Cellules
astrocytaires
Compartiment « cérébral »
Le modÚle in vitro de BHE est caractérisé par une co-culture de cellules endothéliales et de cellules gliales primaires de rat. Le
systĂšme expĂ©rimental dĂ©finit deux compartiments, lâun apical mimant le compartiment sanguin et lâautre basolatĂ©ral
mimant le parenchyme cérébral, séparés par une membrane poreuse semi-perméable.
A J-1, les cellules gliales (encadrées en bleu sur la Figure 38) sont ensemencées à 20 000 cellules par
puits dans 1 ml dans des puits de plaque 12 puits dans le milieu glial décrit précédemment. Si les
cellules sont ensemencées à J-2 ou J-3, elles sont disposées à 15 000 cellules/puits dans 1 ml ou
12 000 cellules/puits dans 1 ml respectivement.
Le jour de lâensemencement de la co-culture, les inserts ou Transwell sont enduits dâune solution de
collagĂšne de type IV (2 heures, 150 ”l) Ă 0.1 mg/ml dans lâeau et 1 heure par 150 ”l dâune solution de
fibronectine à 10 ”g/ml. Puis, les cellules endothéliales primaires de rat (encadrées en rouge sur la
Figure 38) sont comptées dans le bleu trypan et ensemencées à 80 000 cellules/puits dans 500 ”l de
milieu endothélial incomplet : milieu EBM-2 supplémenté par le kit EGM-2 MV Single Quots mais
sans lâaliquot de VEGF. Lâentretien des barriĂšres se fait tous les 2 ou 3 jours par le remplacement des
500 ”l de milieu endothélial sans VEGF et de 750 ”l de milieu « glial » (cf § 3.4.1.1 et 3.4.1.2).
111
Méthodes expérimentales
AprĂšs la culture
Îcatenin
ZO-1
25 ”m
25 ”m
Les cellules gliales (encadrĂ© bleu) sont des cellules Ă©toilĂ©es dont la fonction est dâinduire lâexpression de protĂ©ines de jonction
comme les ïą-catĂ©nines ou la zonula occludens 1 chez les cellules endothĂ©liales (encadrĂ© rouge et immunofluorescence) qui
sont des cellules fusiformes et étroites.
La validation des BHE lors de la réalisation de nos expériences est un test de passage qui permet de
mesurer lâintĂ©gritĂ© et la fonctionnalitĂ© des BHE obtenues in vitro. Il repose sur le passage de
molécules radiomarquées :
14
- le C-sucrose, une molécule non transportée par les cellules et qui ne peut franchir la
barriĂšre que dans le cas oĂč il y a une perte dâintĂ©gritĂ© et des jonctions serrĂ©es
- le 3H-propranolol, une molécule qui subit un passage passif et qui doit donc franchir la
barriĂšre
- la 3H-vinblastine, une molĂ©cule effluĂ©e c'est-Ă -dire quâelle est prise en charge par les
protĂ©ines dâefflux qui lui font passer la barriĂšre dans le sens apical vers basolatĂ©ral ainsi que
dans le sens basolatéral vers apical.
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Méthodes expérimentales
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Les molécules sont solubilisées dans un tampon de transfert mis au point au laboratoire . Il est
constitué de 151 mM de NaCl, 5.2 mM de KCl, 2.16 mM de CaCl2, 0.42 mM de MgCl2, 6.0 mM de
NaHCO3, de 3.1 mM de glucose et de 5 mM dâHEPES. Ce tampon est filtrĂ© sur une membrane de
porosité 0.22 ”m et il est conservé à +4°C pendant au maximum un mois.
Les inserts, sur lesquels ont été cultivées les monocouches endothéliales en co-culture avec les
cellules gliales, sont transférés sur une plaque 12 puits et le milieu de culture est enlevé. Les
molécules en solution dans le tampon de transfert sont incubées dans les compartiments appropriés
(500 ”l en apical ou 1500 ”l en basolatéral) pendant 60 minutes à 37°C dans une atmosphÚre
contrĂŽlĂ©e Ă 5% de CO2. Lâautre compartiment est rempli avec du tampon de transfert vierge (500 ”l
en apical ou 1500 ”l en basolatĂ©ral). Chaque condition expĂ©rimentale est testĂ©e en triplicat. A lâarrĂȘt
de lâincubation, 100 ”l de chaque compartiment est prĂ©levĂ© et transfĂ©rĂ© dans des tubes avec 4 ml de
liquide de scintillation. Le comptage de la radioactivitĂ© des Ă©chantillons se fait par un compteur Ă
scintillation étalonné sur les conditions 14C ou 3H comme approprié.
La validation de la barriÚre repose sur le calcul des bilans expérimentaux ou « recovery » ainsi que
des constantes de perméabilité. Les bilans expérimentaux sont calculés comme la somme des
quantités de matiÚre dans les deux compartiments rapporté à la quantité de matiÚre déposée
initialement. Ce bilan doit ĂȘtre compris entre 80 et 120% pour que le puits soit considĂ©rĂ© dans
lâanalyse. On considĂšre dans ces calculs le nombre de dĂ©sintĂ©grations radioactives par minute (dpm)
qui reprĂ©sente lâactivitĂ© du radioĂ©lĂ©ment dans les compartiments. Dans un second temps, la
constante de perméabilité apparente (Papp), de chaque molécule radiomarquée (S pour 14C-sucrose, P
pour 3H-propranolol et V pour 3H-vinblastine) est calculée selon la formule suivante :
[dpmbasolatéral] à VB
Papp =
[tincubation] Ă Sfiltre Ă [dpminitial]
OĂč [dpmbasolatĂ©ral] reprĂ©sente le nombre de dĂ©sintĂ©grations par minutes dĂ©tectĂ©es dans le c