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Convaincre et persuader

La stratégie argumentative (convaincre ou persuader) désigne l'ensemble des moyens adoptés


par l'auteur pour emporter l'adhésion du lecteur.
VERS L’ANALYSE DE TEXTE
→ Un texte convaincant est souvent plus facile à analyser dans la mesure où l'auteur cherche à
être le plus clair possible dans son raisonnement.
→ Au contraire, un texte persuasif demande une analyse plus poussée dans la mesure où il exige
d'identifier et de comprendre la thèse défendue par l'auteur derrière les effets rhétoriques.
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L'art de convaincre
 Le verbe « convaincre » vient du latin vincere, « vaincre, venir à bout de la résistance
d'autrui » et du préverbe cum, « avec ». Convaincre signifie donc vaincre avec des
raisons, contraindre autrui par un raisonnement logique à admettre la validité d'une
thèse.
 Pour être convaincant, un texte doit reposer sur un certain nombre de critères.
• Thèse souvent explicite.
Une structure claire • Enchaînement cohérent des arguments.
• Exemples rigoureux.
• Présence de connecteurs logiques (car, au contraire, ainsi, donc, etc.).
• Temps verbaux renforçant le pouvoir de conviction : futur de l'indicatif
Un style misant sur marquant la certitude, présent de vérité générale.
la logique • Implication du locuteur : pronoms personnels récurrents et choix de
l'exclamation et de l'interrogation pour montrer la sincérité du locuteur.
• Emploi de figures de styles imagées : métaphore, comparaison, antithèse, etc.
Une rigueur • Rappels possibles à la thèse adverse : raisonnement concessif ou critique.
intellectuelle • Prise en compte des limites de sa propre thèse.
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« Ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de mort nécessaire. D'abord – parce qu'il
importe de retrancher de la communauté sociale un membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui
nuire encore. S'il ne s'agissait que de cela, la prison perpétuelle suffirait. […] Mais reprend-on – il
faut que la société se venge, que la société punisse. […] Reste la troisième et dernière raison, la
théorie de l'exemple. – Il faut faire des exemples ! »
Victor Hugo, préface du Dernier Jour d'un condamné, 1832.
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L'art de persuader
 Le verbe « persuader » vient du latin persuadere, « conseiller avec force ». Persuader consiste ainsi
à amener autrui à croire à la validité d'une thèse en s'appuyant sur ses sentiments et ses
émotions.
 Pour être persuasif, un texte doit adopter une stratégie reposant sur deux critères.
• Recours à l'expression des sentiments pour sensibiliser l'interlocuteur : champs
Un impact lexicaux des émotions, vocabulaire péjoratif/mélioratif, etc.
émotionnel • Images fortes et marquées par le pathétique pour susciter l'indignation.
• Ponctuation expressive.
• Adresses à l'interlocuteur : pronoms personnels récurrents, exclamation,
Un style misant sur interrogation, apostrophes, etc. pour maintenir un contact étroit et intime avec
la séduction l'interlocuteur.
• Figures de style remplaçant parfois la formulation d'arguments explicits.
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Quel est celui qui, après s'être livré franchement à la science, n'a pas maudit le jour où il naquit à la pensée
et n'a pas eu à regretter quelque chère illusion ? Pour moi, je l'avoue, j'ai eu beaucoup à regretter ; oui, à
certains jours, j'aurais souhaité dormir encore avec les simples, je me serais irrité contre la critique et le
rationalisme, si l'on s'irritait contre la fatalité.
Ernest Renan, L'Avenir de la science, 1890.
À NOTER
 Un texte mêle le plus souvent les deux stratégies, même si l'une peut dominer.
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Reconnaître les stratégies argumentatives
1
* Reformulez la thèse de l'auteur et ses arguments.
** Quelle est la stratégie dominante : convaincre ou persuader ? Justifiez votre réponse par des
éléments précis.
1. C'est ici que les petites filles vont d'abord apparaître comme privilégiées. […] c'est aux garçons surtout
qu'on refuse peu à peu baisers et caresses ; quant à la fillette, on continue à la cajoler, on lui permet de vivre
dans les jupes de sa mère, le père la prend sur ses genoux et flatte ses cheveux ; on l'habille avec des robes
douces comme des baisers, on est indulgent à ses larmes et à ses caprices, on la coiffe avec soin, on s'amuse
de ses mines et de ses coquetteries : des contacts charnels et des regards complaisants la protègent contre
l'angoisse de la solitude. Au petit garçon, au contraire, on va interdire même la coquetterie, ses manœuvres
de séduction, ses comédies agacent. « Un homme ne demande pas qu'on l'embrasse… Un homme ne se
regarde pas dans les glaces… Un homme ne pleure pas », lui dit-on. On veut qu'il soit « un petit homme » ;
c'est en s'affranchissant des adultes qu'il obtiendra leur suffrage. Il plaira en ne paraissant pas chercher à
plaire. […] c'est qu'on a sur lui de plus grands desseins.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, II, Gallimard, 1949.
2. Le monde actuel est complexe, changeant. L'idée du législateur semble être qu'il faut donc faire à ces
complexités et à ces changements la plus grande place possible, afin d'y habituer les jeunes en leur
enseignant les données : les données sociales, en premier lieu, évidemment, et aussi les données politiques,
techniques – en bref, l'actualité. Cela leur plaira plus, les intéressera plus, dans la mesure où l'enseignement
rejoindra la presse, la télévision, les débats de la table familiale ou du groupe syndical. Ils ne seront pas
désorientés, parce qu'ils seront immédiatement insérés, jetés dans le bain.
Je voudrais plaider, de toute mon âme, pour une démarche exactement inverse. Je crois que la force de tout
enseignement par rapport aux « événements qui font l'histoire du monde » est d'imposer aux esprits un
détour. Si l'on veut s'orienter convenablement, dans une promenade au cours de laquelle on doit retrouver
son chemin, il faut prendre, en pensée, du recul. Il faut se retourner, voir d'où vient le chemin que l'on est en
train de parcourir et où sont les repères […].
« École » vient d'un mot grec signifiant « loisir ». L'étude doit être la pause féconde et enrichissante où l'on
s'arme pour la vie et pour la réflexion, et où l'on entre en possession de tout un trésor humain, que plus tard
on n'aura plus, en général, ni le temps ni l'occasion de découvrir.
Jacqueline de Romilly, L'Enseignement en détresse, Julliard, 1984.
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Analyser les effets de chaque stratégie
2
* Dans le discours suivant, identifiez la thèse de l'auteur.
** Comment cherche-t-il à rallier son auditoire et à susciter ses émotions ?
La misère, messieurs, j'aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu'où elle est, la misère ?
Voulez-vous savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen
Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?
Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l'émeute soulevait naguère si aisément, il y a des
rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes,
jeunes filles, enfants, n'ayant pour lits, n'ayant pour couvertures, j'ai presque dit pour vêtement, que des
monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèce de fumier
des villes, où des créatures s'enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l'hiver.
Voilà un fait. En voulez-vous d'autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de
lettres, car la misère n'épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un
malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l'on a constaté, après sa mort, qu'il n'avait
pas mangé depuis six jours. […]
Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit
dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles
choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout
entière ; que je m'en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des
torts envers l'homme, que ce sont des crimes envers Dieu !
Victor Hugo, Discours à l'Assemblée nationale du 9 juillet 1849.
3
*** Vous rédigerez à la manière de Victor Hugo un discours cherchant à dénoncer l'horreur de la
tyrannie. Vous devrez adopter une stratégie reposant sur les deux critères de la persuasion vus dans
la leçon.
4
** Rédigez une lettre ouverte où vous tenterez de convaincre votre classe de participer à un concours
d'éloquence. La structure de votre lettre devra être claire et s'appuyer sur des arguments logiques.
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