Vous êtes sur la page 1sur 3

 

Le rythme poétique
La musicalité du vers provient essentiellement de son rythme, qui renvoie à tous les éléments
sonores du poème.
VERS L’ANALYSE DE TEXTE
→ L'analyse du rythme permet de mettre en évidence les effets de régularité et de balancements ou
au contraire d'irrégularités et de ruptures. Il s'agit de commenter ces effets en les interprétant.
Annoter
Poésie et syntaxe
 Dans la versification traditionnelle, le vers et la phrase coïncident : la césure, qui sépare le
vers en deux, et la fin de vers correspondent à une pause syntaxique marquée par la
ponctuation (virgule, point-virgule, point).
Sire, ce n'est pas tout que d'être Roi de France,
Il faut que la vertu honore votre enfance.(P. de Ronsard, L'institution pour l'adolescence du
Roi très chrétien Charles IX, 1562)
 Parfois le vers et la syntaxe ne coïncident pas. Plusieurs cas de figure sont possibles.
La Dame au nez pointu répondit que la
terre
Enjambemen
La phrase se poursuit sur le vers suivant. Était au premier occupant.
t
Jean de la Fontaine, « Le Chat, la
Belette, et le Petit Lapin », Fables, 1678.
Aujourd'hui, dépouillé, vaincu, proscrit,
funeste,
Un élément bref seulement se prolonge Je fuis… De mon empire, hélas ! rien ne
Rejet
sur le vers suivant. me reste.
Victor Hugo, « La Bataille perdue », Les
Orientales, 1829.
Et pour sa voix, lointaine, et calme, et
grave, elle a
Un élément bref est isolé à la fin d'un
L'inflexion des voix chères qui se sont
Contre-rejet premier vers et se poursuit surtout sur le
tues.
vers suivant.
Paul Verlaine, « Mon rêve
familier », Poèmes saturniens, 1866.
Agrandir

 En ne correspondant pas à la syntaxe, la langue poétique met en évidence d'autres éléments
qui jouent dès lors un rôle important pour comprendre les différentes visées du poème.
Annoter
Pauses et accents
 Le rythme est créé par le retour à intervalles réguliers d'un même son et de pauses.
– La fin du vers marque une pause forte.
– La césure (//) est aussi une pause importante. Les deux parties qu'elle sépare de manière
égale sont les hémistiches.
– Les coupes (/) indiquent des pauses moins fortes au sein des hémistiches.
 Les pauses (fin du vers, césure, coupes) permettent de mettre en valeur certaines syllabes qui
portent dès lors un accent.
– Un accent fixe se trouve à la fin du vers sur la dernière syllabe (sauf quand elle se termine
par un e muet).
– Des accents secondaires portent sur la dernière syllabe (qui ne soit pas un e muet) de
chaque groupe de mots.
Je le vis, / je rougis, // je pâlis / à sa vue.(J. Racine, Phèdre,1677)
= Le rythme comprend 3/3//3/3 avec une pause importante à la césure et aux deux coupes.
Les accents permettent de mettre en valeur les assonances du vers.
À SAVOIR
– L'alexandrin classique comporte quatre accents : deux accents flottants au sein des hémistiches
et deux accents fixes à la césure et en fin de vers.
Sois sa/ge, ô ma douleur // et tiens-toi / plus tranquille.(Rythme : 2/4//3/3) (C. Baudelaire, Les
Fleurs du mal, 1857)
– L'alexandrin romantique, appelé le trimètre romantique car il est composé de trois segments,
comporte deux césures :
Je marcherai / les yeux fixés / sur mes pensées.(Rythme : 4 / 4 / 4) (→. Hugo, Les Contemplations,
1856)
– Le décasyllabe comprend surtout une césure importante marquée en 6/4 ou 4/6 :
Ce toit tranqui/lle, où marchent des colombes(Rythme : 4/6)
Entre les pins palpi/te, entre les tombes. (Rythme : 6/4) (P. Valéry, Nouvelle Revue Française,
1920)
Annoter
Analyser les correspondances entre poésie et syntaxe
1
* Repérez les rejets, enjambements, contre-rejets.
** À votre avis, quels sentiments contribuent-ils à traduire ?
TEXTE A
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n'aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme.
Vois quel orgueil, quelle ruine : et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.
Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s'enfuit,
Reste de Rome. Ô mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.
Joachim du Bellay, « Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome », Les Antiquités de Rome, 1558.
TEXTE B
 La Colombe et la Fourmi
L'autre exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe ;
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité ;
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète ;
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête.
La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole.
Jean de La Fontaine, Fables, 1668.
Annoter
Étudier les pauses et les accents
2
* Indiquez les accents dans ces vers.
** Quel est le rythme de chaque vers ?
** En quoi le rythme participe-t-il du sens global du poème ? Justifiez votre réponse.
TEXTE A
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. »
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Pierre de Ronsard, « Quand vous serez bien vieille », Sonnets pour Hélène, 1578.
TEXTE B
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de Marbeuf, « Et la mer et l'amour », Recueil des vers, 1628.

Vous aimerez peut-être aussi