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1, 2, 3 : LA RÉPÉTITION

Marie-José Latour

Érès | « L'en-je lacanien »

2010/2 n° 15 | pages 21 à 40
ISSN 1761-2861
ISBN 9782749213415
DOI 10.3917/enje.015.0021
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-l-en-je-lacanien-2010-2-page-21.htm
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1, 2, 3 : la répétition *

Marie-José LATOUR
Y a-t-il une activité humaine qui ne soit pas prise dans la répé-
tition ? Répéter : revenir, redire, recommencer, reprendre. Dire ce que je
fais, rapporter, parler, faire ce que je dis. Ressasser, réitérer, ratiociner,
ruminer. Essayer, citer, réciter, réclamer. Recréer, raconter, réécrire, réins-
crire, rayer. Restituer, refaire, jouer. Rabâcher, répépier, représenter,
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compter. Renouveler, dire de nouveau, dire à nouveau. Comment dire
nouveau ? Retirer, retourner, mastiquer, remâcher, retomber. Défaire,
rechuter, conter, se souvenir, rappeler. Mâcher, marcher, visser, com-
prendre. Expliquer, enseigner, répercuter, développer. S’évertuer, tres-
sauter, s’identifier, reproduire. La première fois est toujours déjà perdue.
Bégayer, radoter, copier, recopier, décrire. S’entraîner, insister, repasser,
réviser. Rebattre, corriger, mimer, imiter. Retrouver, s’habituer, rechercher,
demander. S’entêter !
S’entêter, alors que tous les matins du monde sont sans retour. Celui
qui doit son être au langage, de sa naissance et de sa mort, il ne peut rien

Marie-José Latour est psychanalyste à Tarbes, membre de l’EPFCL.


* Ce texte reprend les axes de deux interventions faites à l’invitation du collège de cli-
nique psychanalytique Alpes-Centre-Auvergne, à Besançon le 10 octobre 2009 et à
Grenoble le 29 mai 2010.
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rapporter. Retrouver le même est impossible, c’est cet impossible qui cause
la répétition. C’est un impossible à répéter qui se répète. C’est parce qu’il
est impossible de répéter qu’il est impossible de ne pas répéter. « Loué soit
le cor de postillon ! », s’exclamait celui que Lacan nommait « le plus aigu
des questionneurs de l’âme avant Freud 1 », Søren Kierkegaard 2. Cet ins-
trument dont on n’est jamais sûr de pouvoir tirer le même son, « celui qui
le porte à sa bouche pour y déposer sa sagesse ne se rendra jamais cou-
pable d’une reprise et celui qui, en guise de réponse, met à la disposition
de son ami un cor de postillon, ne dit rien, mais explique tout. […] C’est
mon symbole. […] le cor de postillon sur ma table doit toujours me rappe-
ler ce qu’est le sens de la vie. Vive le cor de postillon ! ».

La syntaxe du hasard
La répétition, ça conte donc, et la question clinique qui se pose est :
comment ça compte ? « Conter » et « compter » ont la même étymologie,
ils viennent de computare, calculer, énumérer, dresser la liste. Cela dit
assez bien qu’il n’y a pas qu’une façon de compter. « Conter » a long-
temps désigné la narration des choses vraies et ce n’est qu’au XVIe siècle
qu’il prend l’acception péjorative du « récit fait pour abuser ». Dommage,
car c’est bien là que la vérité révèle son ordonnance de fiction 3 !
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Nous nous situerons donc en cet endroit où s’interroge la valeur
d’un récit en tant qu’il est ce qui nous reste pour témoigner de la façon
dont chacun affronte ce qui n’a pas de nom. Pas de sujet sans récit, pas
de récit sans répétition, pas de psychanalyse sans récit, pas de psycha-
nalyse sans répétition. Comment en sortir ?
Nous avons donc à interroger la répétition dans son rapport au sym-
bolique et la répétition dans son rapport au réel, donc tout autant du côté
du nécessaire, ce qui ne cesse pas de s’écrire, ce qui ne cède pas, que
du côté de l’impossible, c’est-à-dire ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.
Ce « nécessaire » n’est pas à considérer au seul plan de l’assonance qu’il

1. J. Lacan, Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse,


Paris, Seuil, 1973, p. 59.
2. S. Kierkegaard, La reprise, Paris, Garnier Flammarion, 1990, p. 119.
3. J. Lacan, « Le séminaire sur “La lettre volée” », dans Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 17.
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1, 2, 3 : la répétition —— 23

indique, dans la langue française, avec ce qui ne cesse pas. Freud pro-
posait l’Anankê, la Nécessité, comme un nom pour le destin, la force des
choses (« j’ai deux dieux : Logos et Anankê, l’inflexible raison, le destin
nécessaire 4 »), et elle va donner à Lacan l’occasion de donner un autre
accent à la répétition : « La répétition est unique à être nécessaire 5 », pour
la construire comme concept fondamental de la psychanalyse.
En commençant à lire les textes au programme des enseignements
des collèges cliniques sur le thème de l’année, je me suis rendu compte
que les Écrits commencent par un texte qui concerne la répétition et que
ce même texte commence par une phrase sur la répétition : « Notre
recherche nous a mené à ce point de reconnaître que l’automatisme de
répétition prend son principe dans ce que nous avons appelé l’insistance
de la chaîne signifiante. » C’est cette fonction d’insistance qui est à la
racine même du langage et que Lacan situait d’ailleurs comme la marque
d’un véritable enseignement, « celui qui arrive à éveiller une insistance
chez ceux qui écoutent 6 ». Nous savons à quel point il y est parvenu, et
encore à ce jour.
Cette première référence de Lacan sur la répétition est donc un
conte que Lacan lui-même nomme ainsi, « La lettre volée » d’Edgar Allan
Poe, un conte « fondamental pour un psychanalyste 7 », puisque s’y lisent
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« la détermination majeure que le sujet reçoit du parcours d’un signifiant »
et comment c’est l’ordre symbolique qui est constituant pour le sujet. Si
j’insiste sur cette dénomination, c’est que je crois bien ne pas être la seule
à avoir lu ce conte des dizaines de fois et, à chaque fois, découvrir et
redécouvrir l’art du conteur, qui nous fait oublier que cette histoire-là, on
l’a déjà entendue mais qu’on a encore quelque chose à en apprendre !
De conte en conte, je vous invite à lire le livre de Pascal Quignard, La
barque silencieuse 8. C’est un livre magnifique qui dit l’importance de « ce

4. S. Freud, « Entretien avec Charles Baudoin », dans C. Baudoin, Y a-t-il une science de
l’âme ?, Paris, Fayard, 1957, p. 50.
5. J. Lacan, « D’un dessein », dans Écrits, op. cit., p. 367.
6. J. Lacan, Le séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de
la psychanalyse, Paris, Seuil, 1978, p. 242.
7. Ibid., p. 211.
8. P. Quignard, La barque silencieuse, Paris, Seuil, 2009.
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genre presque inhumain », l’importance des contes, non pas de ceux qui
nous feraient dormir debout, mais de ceux qui mettent en leur cœur l’in-
dompté, l’indomptable, cela même qui ne s’en laisse pas conter ! En effet,
les contes sont ces récits qui mettent en évidence « l’autre côté du “Il était
une fois”, [là où] se tient le “Un jour, mourir” ».
Il suffit de relire le texte de Freud dans Psychopathologie de la vie
quotidienne 9 pour prendre la mesure de l’automaton du signifiant et se
rendre compte à quel point, « pendant que le sujet n’y pense pas, les sym-
boles continuent à se chevaucher, à copuler, à proliférer, à se féconder,
à se sauter dessus, à se déchirer 10 ». L’ordre du symbole n’est pas consti-
tué par l’homme mais le constitue. À dire un nombre au hasard, vous ver-
rez comment 78 se trouve être la moitié du prix du chapeau que vous
auriez souhaité vous offrir et à ce prix-là le désir aurait pu s’exaucer !
Souvenez-vous, plus près de nous, du témoignage de Pierre Rey 11. Il
raconte comment il est abasourdi par ce que lui fait remarquer l’ami qui
l’a envoyé chez Lacan, « le Gros ». Ce qu’il dit, ses paroles, ses histoires,
celles qu’il écrit, puisque c’est son métier, ne doivent rien au hasard, sou-
tient celui-ci. Par exemple, à propos d’un dialogue où est demandé « À
quelle profondeur sommes-nous exactement ? » est répondu « Soixante-
trois mètres vingt-sept ». Pourquoi 63,27 ? Par hasard, répond P. Rey.
Quelques semaines plus tard, ils se bousculent involontairement dans une
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porte à tambour. Le Gros soupire :
« Merde, qu’est-ce que tu es grand… Combien tu mesures ?
– Quatre-vingt-dix.
– 63 et 27, ça fait combien ? »
Revenons à cette lettre volée, cette « affaire simple et bizarre » qui
permet à Lacan de montrer comment le destin n’est « rien qui puisse se
définir en fonction de l’existence ». Les êtres humains sont déjà liés entre
eux par des engagements qui ont déterminé leur nom, leur place, leur
essence. Lacan présente ici l’inconscient comme une moderne machine à

9. S. Freud, « Déterminisme, croyance au hasard et superstition », dans Psychopathologie


de la vie quotidienne, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1922.
10. J. Lacan, Le séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie…, op. cit., p. 218.
11. P. Rey, Une saison chez Lacan, Paris, Robert Laffont, 1989.
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calculer qui produit la nécessité de la répétition. Les lois du signifiant ren-


dent compte de ce qui fait retour dans ce qui se répète : « Le déplace-
ment du signifiant détermine les sujets dans leurs actes, dans leur destin,
dans leurs refus, dans leurs aveuglements, dans leurs succès et dans leur
sort, nonobstant leurs dons innés et leur acquis social, sans égard pour le
caractère et le sexe, et que bon gré mal gré suivra le train du signifiant
avec armes et bagages 12. »
Ainsi, l’être humain n’est pas le maître du langage. Il y a été jeté.
Quand on parle, on ré-cite la langue. C’est tout de même cela qu’implique
une formulation telle que « l’inconscient c’est le discours de l’Autre 13 ». La
langue est d’abord celle de l’Autre, au point que le sujet est parlé avant
qu’il ne parle ; les mots sont toujours ceux de l’Autre. « Nous sommes du
non-parlant qui doit apprendre la langue sur les lèvres de ses proches 14. »
Je voudrais vous inviter, à la suite de Lacan, à un petit jeu. Prenez
une pièce de monnaie et lancez-la. La répétition du lancer vérifiera qu’au-
cun lancer n’est déterminé par le lancer précédent, c’est ce qu’on appelle
le hasard. Si nous notons ces lancers pile (+) ou face (–), ce qui est une
façon de suspendre le sens, nous aurons une série aléatoire : + + + – –
– + – + + – – + – + + + + + –. Introduisons maintenant un symbole qui
code chaque groupe de trois selon sa forme constante (1), impaire (2) ou
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alternative (3), c’est-à-dire introduisons une loi symbolique :
+++–––+–++––+–+++++–
(+ + +) (+ + –) (+ – –) (– – –) (– – +) (– + –)
1 2 2 1 2 3, etc.
Il apparaît, dans cette suite de hasards, qu’un ordre s’impose puisque
se font jour des impossibilités de succession et des nécessités de succession.
En effet, n’importe quel symbole ne peut plus suivre tel autre ; par exemple,
à ajouter n’importe quel signe à (+ – –), on ne pourra jamais avoir une
alternance, nous obtiendrons un impair (– – +) ou bien une constante
(– – –). Avec du symbolique, nous débouchons donc sur de l’impossible,

12. J. Lacan, « Le séminaire sur “La lettre volée” », op. cit., p. 30.
13. Ibid., p. 16.
14. P. Quignard, La barque silencieuse, op. cit.
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soit sur du réel. « La subjectivité à l’origine n’est d’aucun rapport au réel,


mais d’une syntaxe qu’y engendre la marque signifiante 15. » Lacan précise
en 1966 dans sa présentation que « nos α, β, γ, δ, […] démontre[nt] qu’ils
y apportent une syntaxe à seulement déjà, ce réel, le faire hasard 16 ».
Revenons encore une minute à la lettre. Quand le signifiant revient,
la lettre, elle, « vole ». En effet, quand les personnages s’emparent de
cette lettre, quelque chose de plus fort que leur particularité les entraîne
et ils se trouvent définis par leur position envers cette lettre, soit l’incons-
cient 17. Le sujet est donc déterminé par cette lettre, alors qu’il est repré-
senté par le signifiant. Cette lettre chiffonnée, retournée, tachée reste la
même, alors que le signifiant renvoie toujours à un autre signifiant. 156
est le double de 78, mais également le prix du chapeau ; le rouge est
aussi bien celui de la colère, de l’interdit, de la honte… Nous avons donc
là un autre petit caillou qui indique que la répétition n’a pas la même
tonalité selon qu’elle concerne la lettre ou le signifiant.

Bobines et comptines
Il paraît que « l’adulte, voire l’enfant plus avancé, exigent dans leurs
activités, dans le jeu, du nouveau ». Les marchands ne s’y trompent pas !
Mais quel est le vrai secret du ludique ? interroge Lacan. Si pour l’adulte
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la nouveauté apparaît comme la condition de la jouissance (un mot d’es-
prit entendu pour la deuxième fois restera presque sans effet, il y a moins
d’intérêt à la relecture, etc.), l’enfant ne sera jamais fatigué de réclamer
de l’adulte le même jeu, la même histoire. Lacan prend très au sérieux ce
qu’on voit « chez l’enfant, dans son premier mouvement, au moment où il
se forme comme être humain, se manifester comme exigence que le conte
soit toujours le même, que sa réalisation racontée soit ritualisée, c’est-à-
dire textuellement la même ». Soit : encore !
Rodolphe Adam, dans son livre Lacan et Kierkegaard 18, rappelle
que la première fois où Lacan parle de Kierkegaard, c’est en 1946, dans

15. J. Lacan, « Le séminaire sur “La lettre volée” », op. cit., p. 50.
16. Ibid., p. 43.
17. J. Lacan, Le séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie…, op. cit., p. 231.
18. R. Adam, Lacan et Kierkegaard, Paris, PUF, 2005.
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une intervention au groupe de l’Évolution psychiatrique sur l’exposé du


docteur Gaston Ferdière intitulé « Intérêt psychologique et psychopatho-
logique des comptines et formulettes de l’enfance ». Lacan intervient pour
se demander jusqu’à quel point se peuvent lier l’humour et les comptines.
« Celles-ci paraissent ressortir à un mode de production, dans lequel l’hu-
mour se trouve fort peu engagé. […] L’humour est une forme d’esprit très
élevée, qui se manifeste typiquement chez l’adulte ; l’humour de Kierke-
gaard ou de Jarry n’apparaît pas chez l’enfant. » Cette référence à pre-
mière vue insolite montre comment Lacan introduit un autre principe que
le fait réel du développement pour rendre compte de la différence entre
l’appareil psychique de l’enfant et celui de l’adulte. Il évoque cette
« forme d’esprit » à laquelle est confiée la prise de conscience de la limite
de la condition humaine.
Le vrai secret du ludique est donc « la diversité radicale que consti-
tue la répétition en elle-même 19 ». Les poètes ne s’y trompent pas. L’exem-
ple qui m’est venu en tête est celui de ce poème de l’auteur du Mouve-
ment perpétuel qui émerveille encore les enfants et les plus grands :
« Persienne Persienne Persienne
Persienne persienne persienne persienne persienne persienne persienne
persienne persienne persienne persienne persienne persienne
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Persienne persienne persienne
Persienne 20 ? »
Qui n’a pas joué enfant ou plus grand à répéter un mot jusqu’à lui
faire perdre toute signification ? À marteler un mot jusqu’au délire ? N’est-
ce pas là que gît le succès des comptines ? Qui n’a pas goûté à l’éblouis-
sement de la littéralité ? Étrange découverte que celle du plaisir pris à dire
plusieurs fois la même chose non pas tant par souci de l’identique que plu-
tôt par refus de l’identité. Nous pouvons noter dans ce plaisir vertigineux
les vertus du déplacement – qui n’est qu’un autre nom du transfert.

19. J. Lacan, Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux…, op. cit., p. 60.
20. L. Aragon, « Persiennes », dans Œuvres poétiques complètes, tome I, Paris, Gallimard,
coll. « Bibliothèque La Pléiade », 2007.
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De la même façon, Maurice Blanchot 21 se demande pourquoi ce


vers de Gertrude Stein : « A rose is a rose is a rose is a rose » nous trou-
ble. Le langage est toujours très pauvre comparé à la complexité des cho-
ses et nous n’avons pas encore trouvé quel rapport établir entre un nom
et son objet. Il reste la répétition, la « répétition répétant non pour envoû-
ter, mais pour désensorceler la parole de la parole même et plutôt pour
l’estomper que pour l’enfoncer ». Il n’y a pas de formulation première. Et
finalement, prendre en compte la répétition, ce n’est pas tant que ça
recommence que prendre en considération que « cela n’a jamais vrai-
ment commencé, ayant dès le commencement commencé par recommen-
cer », ce qui amène Blanchot à situer ce qu’il appelle la parole littéraire
comme ce « qui dépasse en redoublant, crée en répétant, et, par d’infi-
nies redites, dit une première fois et une unique fois jusqu’à ce mot de trop
où défaille le langage ».
Comme en témoignent la plupart des activités humaines et en parti-
culier les jeux des enfants, la répétition n’est pas en elle-même une source
de déplaisir. C’est bien sur ce plaisir-là qu’avec sa bobine son petit-fils a
attiré l’attention de Freud !
Je voudrais juste évoquer une autre bobine, celle de Kierkegaard.
La légendaire sévérité du père de Kierkegaard a fait écrire à un com-
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mentateur qu’il n’aurait jamais eu de jouet. Or, Kierkegaard donne une
précision dans son journal : « Un enfant sans jouet n’est pas aussi démuni
qu’on le croit car l’imagination se charge alors de lui. Je songe encore
avec émerveillement à une bobine de mon enfance, le seul jouet que
j’eusse – je n’ai rien connu d’aussi intéressant. Et cependant elle ne m’ap-
partenait pas entièrement. Elle avait pour ainsi dire ses obligations pro-
fessionnelles, ses heures de bobine réelle et ce n’est que dans ses loisirs
qu’elle devenait mon passe-temps 22. » Nous retiendrons ici la particula-
rité extraite par l’auteur lui-même : cet objet existe mais comme venant à
manquer, rejoignant le petit-fils de Freud qui « n’utilisait tous ses jouets
que pour jouer avec eux à “fortsein 23” », soit à « être parti ». Si dans un

21. M. Blanchot, L’entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 501-505.


22. Cité par R. Adam, Lacan et Kierkegaard, op. cit., p. 122.
23. S. Freud, « Au-delà du principe de plaisir », dans Œuvres complètes, tome XV, Paris,
PUF, 1996, p. 285.
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1, 2, 3 : la répétition —— 29

premier temps Lacan relève dans les jeux d’occultation le lieu où « le désir
s’humanise et où l’enfant naît au langage 24 », cette bobine « réelle » anti-
cipe ici la dimension de réel qui va être le nouvel axe autour duquel, à
partir du Séminaire XI, Lacan va centrer la répétition.
Enfin, je voudrais vous dire un mot sur la bobine de Lacan, la bobine
torique. Vous savez que dans le Séminaire IX Lacan choisit le tore pour
présenter la structure de la névrose, soit cette figure topologique qui,
comme la structure de départ de l’organisme, a un intérieur. Le tore est
donc constitué de deux cercles autour d’un axe, ces deux cercles ne pou-
vant s’évanouir sans que l’âme du tore ne s’évanouisse. Ce qui intéresse
particulièrement Lacan, c’est l’irréductible du trou. Sur cette figure, il exa-
mine les deux cercles. Un cercle fait la révolution et constitue la scansion
de la demande répétitive qui s’enroule comme un fil autour d’une bobine.
Nous y voilà !
La demande fait donc le tour du tore et revient à son point de
départ. Rappelons que répétition vient du latin re-petitio ; petitio, c’est la
réclamation, la requête, la pétition, la demande du re. Au moment où la
demande accomplit cette ré-volution, sans avoir besoin de compter, on
sait qu’elle a fait un tour de plus, le tour autour du cercle vide, le cercle
du désir. Autrement dit, quand on pense avoir fait le tour de la question,
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on se rend compte qu’il manque quelque chose, c’est cela qui se lit sur le
tore – l’insu du dire. C’est ce cercle qui est essentiel puisqu’il dit et le tour
qu’on oublie de compter et le sujet en tant que c’est lui qui compte. Voilà
donc l’articulation de la demande et du désir dans la névrose, propre-
ment ce qui fait nœud pour le sujet névrosé.
Insistons avec Lacan sur ce tour pas compté. Le tour de passe-passe
du névrosé est de faire de ce manque d’Un l’Un en plus, au sens de
l’ajout, au sens de celui qui à s’ajouter ferait un tout. Ce que Lacan appe-
lait l’Un en peluce. Ce que fait apparaître le tore, ce qu’il présente, c’est
une fonction logique : ce plus un tour. Vous savez que Lacan reprendra
cela dans « L’étourdit 25 » pour articuler le dire et les dits. Tout énoncé est
légion, comment arrêter cette spirale des dits ? Comment compter le tour

24. J. Lacan, « Fonction et champ de la parole et du langage », dans Écrits, op. cit., p. 318.
25. J. Lacan, « L’étourdit » (1972), dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 445-496.
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pas comptable ? Le dire échappant au dit, comment ne pas l’oublier der-


rière ce qui se dit dans ce qui s’entend ?
Nous pouvons nous douter dès lors que l’analyse sera une opéra-
tion de subversion topologique. Ce n’est pas un dit qui pourra avoir un
effet de subversion topologique, mais un dire, et dire n’est pas dans un
mot, ce dire est celui de l’interprétation qui porte sur la cause du désir, soit
ce qui manque. Je vous renvoie aux interventions que Michel Bousseyroux
a faites à Rennes et à Buenos Aires. Je voudrais juste signaler ce qu’il arti-
cule sur le traitement psychanalytique de la répétition, qui consiste donc
à opérer sur le tore de la névrose une coupure fermée, celle du dire de
l’interprétation 26, seule à permettre la modification de la structure du tore
de la névrose. Cette coupure, « c’est le dit du langage à ne plus le dire
en oublier 27 ». Ce sont des choses compliquées mais incontournables si
nous souhaitons soutenir l’exigence qui situe la psychanalyse comme une
pratique du dire 28, la psychanalyse passant le dire. Lacan rappelle dans
ce texte que sa topologie n’est pas théorie mais qu’« elle doit rendre
compte de ce que, coupures du discours, il y en a de telles qu’elles modi-
fient la structure 29 », produisant donc du nouveau.

Sujet à redite
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Le concept de répétition est le point nodal de la lecture que Lacan fait
de Kierkegaard. Je ne vais pas escamoter cela et je ne peux que vous invi-
ter à lire La reprise et re-prendre à partir de là le cheminement de Lacan.
Dans le Séminaire XI, Lacan en vient donc à distinguer deux modalités de
la cause : tuché et automaton. À mettre cette causalité de la répétition du
côté du réel, il reprend la conclusion de Kierkegaard : « Rien d’autre n’y
fut repris que l’impossibilité d’une reprise 30. » Il faut lire les pages où
Kierkegaard s’applique à l’épreuve de refaire le même voyage à Berlin,

26. M. Bousseyroux, « La répétition finale : Nietzche, Kierkegaard, Freud et Blanchot »,


(17 octobre 2009), inédit ; « Passe et fin par le nœud » (28 août 2009, Buenos Aires),
Wunsch, Bulletin de l’IF-EPFCL, n° 8.
27. J. Lacan, « L’étourdit », op. cit., p. 483.
28. Ibid., p. 486.
29. Ibid., p. 478.
30. S. Kierkegaard, La reprise, op. cit., p. 113.
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1, 2, 3 : la répétition —— 31

obtenir la même chambre d’hôtel, le même fauteuil au théâtre, à remettre


ses pas dans ses pas 31 pour mesurer à quel point la répétition lui échappe.
La rencontre est irrémédiablement manquée, elle gît derrière l’automaton,
le réel est derrière « le retour, la revenue, l’insistance des signes 32 ». Dès
lors la répétition est à produire, puisque seul « un acte toujours répété, peut
commémorer cette rencontre immémorable 33 ». « Réapparaissant le même,
c’est comme distinct de ce qu’il répète que le signifiant réapparaît 34. » Le
même lorsqu’il se répète devient autre. Constantin Constantius, le narrateur
de La reprise, fait cette expérience jusqu’à son retour chez lui, où son
domestique qui ne l’attend pas si tôt le prend pour un revenant 35. L’unique
surprise se trouve dans la répétition. Si la jouissance est commémorée, c’est
bien qu’elle a été perdue. Ce qui se répète est un point de vide et la reprise
indique aussi une façon de faire avec le trou.
Je voudrais évoquer ici une reprise, comme on le dit d’un tube ! Il se
trouve que l’année 2009 a vu la réédition des contes des frères Grimm
dans leur intégralité. Il m’a semblé que c’était là une contingence inté-
ressante pour notre travail dans les collèges cliniques sur le thème de l’an-
née. Écoutez la façon dont Jacob Grimm s’explique, revendiquant la fidé-
lité dans le traitement de ses sources ; il n’en reste pas moins qu’« une
fidélité mathématique est absolument impossible, et elle n’existe pas,
même dans l’histoire la plus véritable et la plus stricte ; mais cela ne fait
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rien, car nous sentons que la fidélité est quelque chose de vrai, et non une
apparence, ce pourquoi une infidélité s’oppose vraiment à elle. Tu ne
peux jamais raconter avec une fidélité parfaite pas plus que tu ne peux
casser un œuf sans qu’il reste du blanc d’œuf collé à la coquille ; cela est
la conséquence de toute chose humaine ; il s’agit ici de la façon de faire
qui n’est jamais la même. La fidélité véritable consisterait, pour continuer
mon image, à ne pas briser le jaune de l’œuf 36 ».

31. J. Lacan, Le séminaire, Livre II, Le moi dans la théorie…, op. cit., p. 110.
32. J. Lacan, Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux…, op. cit., p. 54.
33. Ibid., p. 59.
34. J. Lacan, Le séminaire, Livre IX, L’identification, inédit, leçon du 16 mai 1962.
35. S. Kierkegaard, La reprise, op. cit., p. 114-115.
36. Cité par N. Rimasson-Fertin, dans J. et W. Grimm, Contes pour les enfants et la mai-
son, Paris, José Corti, 2009, p. 591.
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32 —— L’en-je lacanien n° 15

Natacha Rimasson-Fertin a donc édité, traduit et commenté l’inté-


gralité des contes de W. et J. Grimm 37, c’est-à-dire en comptant ceux qui
avaient été retranchés dans les précédentes éditions. En effet, ce recueil
des contes était d’abord conçu par leurs auteurs comme un travail scien-
tifique et il est devenu suite aux critiques et par son lectorat un recueil
adapté à un public enfantin qui impliquait une « désérotisation » de cer-
tains passages et la suppression de certains de ces contes, que nous pou-
vons donc lire désormais à la fin du tome II. J’ai choisi de vous en lire un,
celui intitulé « Le malheur » :
« Celui à qui le malheur rend visite a beau se cacher ici ou là, ou fuir à tra-
vers champs, le malheur saura le retrouver malgré tout. Il était une fois un
homme qui était devenu si pauvre qu’il n’avait même plus une seule bûche
pour maintenir le feu de son âtre. Il sortit alors dans la forêt pour abattre
un arbre, mais ils étaient tous trop grands et trop épais. Il s’enfonça de plus
en plus profondément dans la forêt jusqu’à ce qu’il en trouve un dont il pen-
sait pouvoir venir à bout. Il venait de lever sa cognée quand il vit une meute
de loups jaillir des broussailles et se précipiter sur lui en hurlant. Il jeta sa
cognée, prit la fuite et atteignit un pont. Cependant l’eau profonde avait
sapé les fondations du pont et au moment où il était sur le point de s’y
engager, le pont craqua et s’effondra. Que devait-il faire ? S’il restait là
pour attendre les loups, ils allaient le mettre en pièces. Dans son malheur,
il sauta dans l’eau, mais comme il ne savait pas nager, il coula. Quelques
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pêcheurs qui se trouvaient sur l’autre rive, le rejoignirent à la nage et le
ramenèrent sur la terre ferme. Ils l’adossèrent à un vieux mur pour qu’il
puisse se réchauffer au soleil et reprendre des forces. Mais quand il reprit
connaissance et qu’il voulut remercier les pêcheurs et leur raconter son
sort, le mur s’écroula sur lui et le tua. »
Je me garderai de donner une explication de ce conte, encore
moins un commentaire « psychanalytique », n’ayant pas à faire le psy-
chologue là où l’artiste fraie la voie au psychanalyste 38, mais me per-
mettrez-vous de suggérer que la psychanalyse est ce qui permet de faire
le pas de côté nécessaire pour ne pas être enseveli sous le mur ? Certes
la psychanalyse n’est pas une discipline du bonheur, mais ce n’est pas

37. J. et W. Grimm, Contes pour les enfants et la maison, op. cit.


38. J. Lacan, « Hommage fait à Marguerite Duras », dans Autres écrits, op. cit.
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1, 2, 3 : la répétition —— 33

non plus une culture du malheur. Une psychanalyse est ce qui permet « au
sujet de se placer dans une position telle que les choses, mystérieusement
et presque miraculeusement, lui arrivent à bien, qu’il les prenne par le
bon bout 39 ». Cela prend un certain temps de pouvoir choisir cette place,
d’abandonner celle où l’on reste sous les coups. Pourquoi quelqu’un
peut-il prendre goût à rester sous les coups du sort ? C’est vraiment le type
de question qui se traite dans une cure analytique pour peu que celui qui
s’y engage ne recule pas à trouver à redire à se savoir sujet à redite.

La reprise
Chaque analysant sait combien de fois il a fallu reprendre, revenir sur
tel ou tel signifiant, tel ou tel souvenir, telle ou telle scène, pour attraper le
point qui change radicalement la perspective. La différence qui surgit là
dans ce qui est pourtant une répétition m’a amenée à me demander quelle
était finalement la différence entre un remake et une reprise. Comment se
fait-il que je n’aille pas voir Taxi 4 ou L’âge de glace 2 alors que je vais
m’intéresser à la reprise d’Hiroshima mon amour par Nobuhiro Suwa ?
Nobuhiro Suwa est un cinéaste japonais né à Hiroshima. Il a réalisé
H Story 40 en 2000. Il se propose dans ce film de refaire, mot pour mot,
intonation pour intonation, mais aujourd’hui et avec d’autres acteurs, le
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film qu’Alain Resnais a réalisé en 1960 à partir du texte de Marguerite
Duras 41. Bien sûr déjà le texte même de Marguerite Duras porte la mar-
que de la répétition, puisque Emmanuelle Riva vit un amour passionné
avec un Japonais, qui lui rappelle ce qu’elle a vécu à Nevers, à jamais
donc, pendant la guerre. Alain Resnais porte à son culmen cette répéti-
tion quand, par exemple, demandant à Duras de préciser telle ou telle
scène, il lui donne comme consigne : « Faites comme si vous commentiez
les images d’un film fait. »
Dire ce que l’on voit, ce que l’on imagine, c’est répéter. Répéter,
c’est tenter de faire coïncider l’écart. Tenter, car « même à répéter le

39. J. Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse (1959-1960), Paris,


Seuil, 1986, p. 339.
40. N. Suwa, H Story, 2000.
41. M. Duras, Hiroshima mon amour, Paris, Gallimard, 1960.
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34 —— L’en-je lacanien n° 15

même, le même d’être répété s’inscrit comme distinct 42 ». La répétition


produit donc l’inévitable décalage : « Ce qui fut, répété, diffère, devenant
sujet à redite 43. » Contrairement aux protagonistes de l’époque, Suwa et
les acteurs de son film n’ont pas connu la guerre. Ce qui est déjà un écart,
et c’est le point de départ du synopsis très léger. C’est à Béatrice Dalle
qu’il revient de se plier à la tâche de recréer le rôle tenu par Emmanuelle
Riva quarante ans auparavant.
Nobihuro Suwa se met lui-même en scène au début du film pour
énoncer sa question : « Comment filmer cette ville qui fait partie intime-
ment de mon être ? » « Hiroshima ne peut pas se raconter avec une his-
toire... Je pourrais régler toutes ces difficultés et dissiper la peur en déci-
dant d’aller une bonne fois pour toutes dans telle direction. Mais ce n’est
pas ma méthode, ce n’est pas mon envie, ce n’est pas ça mon film. Nul
ne sait ce qui se passera demain, ou dans quelques minutes. On ne
connaît que le passé et l’instant présent. Cette idée de l’imprévisibilité de
ce qui va se passer est encore plus aiguë à Hiroshima 44. »
Hiroshima pour Suwa est indissociable de Hiroshima mon amour :
« À partir du moment où j’ai rencontré cette œuvre, je n’ai jamais pu l’ef-
facer de ma tête. Quand je cherchais de nouvelles idées, je ne pouvais
pas m’en détacher. C’est ainsi que ce film, ce texte, m’ont imprégné à un
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point tel que, dès que je veux exprimer Hiroshima, ils sont devenus incon-
tournables 45. » Bien sûr Nobuhiro Suwa sait qu’il est impossible de refaire
le même film. Il s’en explique avec Machida Kou, écrivain, qui soutient,
lui, que la répétition est impossible et à qui Suwa répond : « Je sais que
c’est déraisonnable. Je dirais même que j’en suis tellement conscient que
c’est la raison pour laquelle j’ai osé. […] ce que nous ne pouvons éprou-
ver j’ai voulu le vivre dans le film. Mais quand je le dis cela sonne faux. »
La répétition est impossible, elle n’en reste pas moins nécessaire et
cela est très pénible. C’est bien ce qui fatigue particulièrement, jusqu’à
l’exténuer, Béatrice Dalle : « Cette histoire de faire exactement les mêmes

42. J. Lacan, Le séminaire, Livre IX, L’identification, op. cit., leçon du 16 mai 1962.
43. J. Lacan, « Compte rendu sur La logique du fantasme », dans Autres écrits, op. cit.
44. Cité par S. Kaganski, « Sur le tournage de H Story », Les inrockuptibles, 8 mai 2001.
45. N. Suwa, H Story, op. cit.
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1, 2, 3 : la répétition —— 35

gestes. » Dans ce film, les frontières entre le film et le tournage sont


instables, perméables, l’écran devient silencieux à certains moments, noir.
Misant tout sur l’incarnation et la vérité des êtres filmés, il ira jusqu’à la
faillite de l’interprétation. En regardant un autre film sorti cette année,
Une vie toute neuve, d’Ounie Leconte, et particulièrement la scène où
Jinhee, la jeune héroïne, enterre un petit oiseau, je trouvais remarquable
que la première mise en scène imaginée par un enfant, la première repré-
sentation, concerne souvent ce qui ne se répète pas : la mort.
Pour un comédien, la répétition ne suffit pas. Il y va de la mise en
jeu du rapport du corps à la mémoire 46. J’ai récemment entendu Jean-
Quentin Châtelain parler de son travail avec Claude Régy pour Ode
maritime 47. Seul sur le quai désert, immobile, porté par le souffle d’une
voix, par « la Voix sourde et ancienne devenue la Voix absolue, la Voix
sans bouche, venue du dessus et du dedans de la solitude », pendant
près de deux heures, il fait vibrer pour nous les mille vers de celui qui,
occupé à traduire des lettres commerciales, n’a jamais quitté Lisbonne,
Fernando Pessoa. En effet, il a suffi à Pessoa d’un navire encore lointain
pour que « d’aucun lieu de l’espace, d’aucun endroit du temps » se met-
tent à vibrer toutes les distances, toutes les frontières : présent-passé,
monde des pirates-monde moderne, corps-âme, intérieur-extérieur, vie-
mort, arrivée-départ, etc. ; à seulement regarder le navire quitter le quai,
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« on voit soudain que s’est ouvert l’espace entre le quai et le navire ».
Pendant cet entretien au Théâtre national de Toulouse, l’acteur a décliné
poliment et fermement l’invitation de Claude Régy à dire quelques-uns de
ces mille vers, disant les avoir là oubliés, ne les retrouvant qu’au moment
de la re-présentation !
Si nous revenons au projet de Suwa, on voit que c’est précisément
à cela qu’il fait obstacle, à cet oubli, puisqu’il demande aux acteurs,
comme Kierkegaard s’y essaye quand il retourne à Berlin, de remettre
leurs pas dans leurs pas, leurs mots dans leurs mots. C’est à cette imita-
tion que Béatrice Dalle ne consent pas et c’est précisément au moment où
elle consent à sa désobéissance que du nouveau peut surgir. Dès lors le

46. Entretien avec S. Lange, Mensuel de l’EPFCL, n° 47, Paris, décembre 2009.
47. F. Pessoa, Ode maritime, Paris, Éditions de La Différence, 2009.
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36 —— L’en-je lacanien n° 15

film, comme le voyage à Berlin, devient un voyage vers l’Unique. Car


dans ce film se conjuguent trois dimensions : la situation réelle du tour-
nage, le film lui-même et le tournage fictif du film dans le film. Ces trois
dimensions se ressemblent tellement et sont tellement imbriquées qu’elles
finissent par se confondre. Søren Kierkegaard est le penseur de cette arti-
culation entre le même et le nouveau. Cette catégorie paradoxale, il la
nomme reprise, non pas récidive mais re-création. Le style n’est-il pas l’in-
sistance de cet effort répété pour tenter d’éclaircir l’énigme que recèle la
marque première ?
« Au début, répond Suwa, je pensais séparer et filmer différemment
le film dans le film (le remake d’Hiroshima mon amour) et mon film (H
Story). Mais finalement, je filme tout avec la même caméra, je préfère que
l’intensité soit la même. Quand je “joue” mon rôle de metteur en scène du
remake, je le fais avec autant d’intensité que quand je suis metteur en
scène de H Story. Fiction et réel se mélangent et se confondent. Je ne sais
pas quel sera le point final de ce film, mais j’essaye de tendre vers lui,
j’avance à tâtons en espérant entrevoir à un moment le point final et le che-
min qui nous y mènera 48. » Colette Soler, après Lacan, avait insisté lors des
journées nationales des collèges de clinique psychanalytique en Avignon
sur le fait que la répétition n’a rien d’un commandement du passé mais
qu’elle est au présent. Elle est « le présent perpétué du réel 49 », nous a-
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t-elle proposé.

Chiffrage et répétition
Colette Soler a distingué, dès son séminaire de 1991-1992, La répé-
tition dans l’expérience analytique, la répétition des Uns dans le chiffrage
de la répétition en tant que concept fondamental de la psychanalyse,
celle qui vient à la charge des psychanalystes 50. Suivant l’élaboration de
Lacan, on peut dégager les trois temps de la structure de la répétition : le

48. S. Kaganski, « Sur le tournage de H Story », op. cit.


49. C. Soler, « Le présent perpétué de la répétition », mars 2010, inédit.
50. J. Lacan, « D’un dessein », op. cit., p. 367 : « La répétition est unique à être néces-
saire, et celle qui vient à notre charge, n’en viendrions-nous pas à bout, qu’il resterait de
notre index le commandement de sa boucle. »
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1, 2, 3 : la répétition —— 37

temps de la rencontre (temps 1), que l’on peut nommer également l’ex-
périence de jouissance (trauma ou plaisir exquis), qui est différent de la
rencontre avec l’Autre du signifiant, puis le temps de l’immixtion de la dif-
férence (temps 2), soit de la perte, et enfin le temps de la répétition de la
perte (temps 3) et de la jouissance en tant que perdue. Il y a donc une
marque, l’index de cette perte et la perte assurée. L’essence du signifiant
étant la différence, le premier signifiant est inaugural de la jouissance
qu’une rencontre a inscrite, mais il ne pourra être repéré qu’après coup ;
c’est en effet un temps logique qui inscrit le trait unaire comme mémorial
de jouissance (s’il y a commémoration, alors c’est qu’il y en a eu). Le
deuxième temps vise la retrouvaille, nécessairement perdue, puisque le
même, d’être répété, diffère. La deuxième fois fonde la première comme
perdue. Ce deuxième temps inscrit la perte, le ratage, qui au troisième
temps se répétant inscrit l’écart entre le premier et le deuxième.
Cette question du trait unaire est essentielle. Le trait unaire est non
pas le signifiant mais ce qui le rend possible 51. Le trait inscrit la chose au
prix de son effacement, crée les vertus de la soustraction. Ce qui compte,
c’est non pas le un de la totalité mais le un de la différence. Ce trait de
discrétion affecte d’une perte celui qui en subit la marque. Nous avons
une approche imaginaire de ce temps mythique dans Métaphysique des
tubes 52, comme Brigitte Hatat 53 nous l’a remis en mémoire en Avignon.
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Vous savez que dans ce texte Amélie Nothomb part d’un personnage
d’avant la rencontre avec le langage, un personnage pour qui « le rien
faisait mieux que lui convenir : il le comblait ». Ce personnage, c’est
« l’absolue satisfaction », d’ailleurs, elle le nomme Dieu : « Il ne voulait
rien, n’attendait rien, ne percevait rien, ne refusait rien et ne s’intéressait
à rien. La vie était à ce point plénitude qu’elle n’était pas la vie. » Cela
se poursuit jusqu’au jour où « soudain le champ de vision se remplit d’un
visage inconnu et inidentifiable ». Une fois constaté que c’est un humain
du même sexe que la mère, qui « laisse tomber des mots avec sa bou-
che » et qui ne va pas manquer selon l’habitude des humains de tendre

51. J. Lacan, Le séminaire, Livre XVII, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, en
particulier le chapitre III.
52. A. Nothomb, Métaphysique des tubes, Paris, Albin Michel, 2000.
53. B. Hatat, « De la nécessité à la contingence », inédit, mars 2010.
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38 —— L’en-je lacanien n° 15

la main vers lui, Dieu, décidé à le mordre, s’arrête, surpris par un bâton
blanchâtre entre les doigts. « C’est du chocolat blanc de Belgique, dit la
grand-mère […] c’est pour manger. » Petit morceau d’anthologie où l’au-
teur décrit le plaisir exquis dont la marque va changer le rapport du sujet
au monde, au point de pouvoir s’y compter : « En un soubresaut de cou-
rage, il attrape la nouveauté entre ses dents, la mâche mais ce n’est pas
nécessaire, ça fond sur la langue […] le miracle a lieu. La volupté lui
monte à la tête, lui déchire le cerveau […]. C’est moi qui vis ! Je ne suis
pas “il” ni “lui”, je suis moi. » Grâce à une expérience de jouissance qui
transforme la perception en représentation, le vivant devient sujet. La
barre de chocolat écrit l’effet de perte qui produit le sujet divisé. Cet Un
inaugural n’est pas un signifiant de l’Autre, c’est un Un de jouissance.
Il y a une grande différence entre construire un nombre et le numé-
rer. Du même ordre que celle que l’on rencontre entre la construction cli-
nique et l’énumération des séances. Le Un qui est au principe de la répé-
tition est fendu d’un manque. D’où vient ce premier Un ? J’avais rapporté
cette remarque fort pertinente d’une fillette qui témoignait d’une certaine
fascination devant une énumération sans fin, à laquelle j’avais cru objec-
ter : « Oui, on peut toujours ajouter 1. » « – Oui bien sûr, me rétorqua-
t-elle. Mais le problème… c’est qui ? Qui c’est qui ajoute 1 ? Car si per-
sonne n’ajoute 1, alors le nombre il n’existe pas ! » Un autre enfant m’a
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expliqué récemment qu’« il y a des nombres simples pour la maternelle,
200 par exemple » ; et comme je lui demandais : « Qu’est-ce que c’est
un nombre qui n’est pas simple ? », il me répondit sans l’ombre d’une hési-
tation : « Le Un ! Avec le Un tu peux écrire beaucoup, beaucoup de
chiffres et des très compliqués ! »
Pour les Grecs de l’Antiquité, le Un était non pas un nombre mais ce
par quoi le nombre est. Il est la matière première à faire du multiple, écrit
Denis Guedj, avant de perdre sa singularité et de devenir le premier des
nombres. « Le signifiant Un n’est pas un signifiant entre autres, et il sur-
monte ce en quoi ce n’est que de l’entre-d’eux de ces signifiants que le
sujet est supposable à mon dire 54. » Le Un, à la fois signifiant et nombre,

54. J. Lacan, « …Ou pire », Scilicet, n° 5, Paris, Seuil, 1975, p. 8.


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1, 2, 3 : la répétition —— 39

participe à la fois du calcul et du langage. Ainsi, le Un est bifide 55, per-


mettant de distinguer l’unien de l’unaire. L’unien, c’est le « y a de l’Un » ;
l’unaire, c’est le comptable qui commence avec le manque. Que l’un
apparaisse à partir du moment où il y en a un qui manque, c’est l’histoire
du maître d’hôtel donnée par Frege. Confrontant, un par un, chacun des
éléments d’un ensemble de couteaux avec ceux d’un ensemble de four-
chettes, c’est à partir du moment où il y en a un d’un côté et rien de l’autre
que l’Un apparaît, au niveau donc où il y en a un qui manque. Le moment
où le maître d’hôtel s’écrie : « Y en a un… qui manque » est fondamen-
tal ! Le pas de trait est ce qui permet d’en inscrire Un.
« Le statut de l’Un, à partir du moment où il s’agit de le fonder, ne
peut partir que de son ambiguïté. À savoir que le ressort de la théorie des
ensembles tient tout entier à ce que le Un qu’il y a de l’ensemble est dis-
tinct de l’Un qui vient de l’élément. La notion de l’ensemble repose sur ceci
qu’il y a ensemble même avec un seul élément. » Ce qui s’écrit nécessai-
rement et qui fait répétition est cet ensemble vide ; chaque fois que s’ins-
crit un trait, s’inscrit aussi le vide qui sert à l’écrire, ce que Lacan nommera
différemment jusqu’au « rapport vide insistant ». Bien sûr, dans le passage
d’un nombre à un autre il y a répétition du Un mais surtout réitération du
manque, car cette répétition du Un n’entraîne aucune totalisation.
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Revenons au film de Suwa, qui devient au fur et à mesure de son écri-
ture une sorte de documentaire sur son propre tournage. Tout ce qui se
passe dans ce work in progress, doutes, accidents, accrochages, impas-
ses, sera utilisé au profit du film. Cela n’est pas sans évoquer ce qui se
passe dans une séance d’analyse, qui ne se passe jamais comme on
l’avait prévu. Pas de programmation possible des formations de l’incons-
cient ! On peut dire que ce film prend en compte en quelque sorte la
dimension du réel de la langue, puisque, quand Machida Kou fait part de
ses interrogations sur ses limites en tant que comédien, sur sa difficulté à
jouer avec Béatrice Dalle alors qu’ils n’ont aucune langue commune (elle
ne parle pas japonais, il ne parle pas français), Suwa lui explique que la
langue et la difficulté de communiquer sont justement le sujet du film :
« Ma crainte, tous les jours, est la suivante : Est-il possible de raconter une

55. J. Lacan, …Ou pire, séminaire inédit, leçon du 15 mars 1972.


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40 —— L’en-je lacanien n° 15

histoire avec cette impossibilité de langage ? […] H Story c’est l’histoire


d’un homme et d’une femme qui n’ont pas de langue commune, deux
êtres qui ne se parlent pas 56. »
Cette question de l’impossibilité d’atteindre au deux est justement ce
que Lacan met au cœur de la question de la répétition dans le séminaire
…Ou pire en 1972. En effet, ce qui se profère du dire de Cantor, « c’est
que la suite des nombres ne représente rien d’autre dans le transfini que
l’inaccessibilité qui commence au deux, par quoi d’eux se constitue l’énu-
mérable à l’infini 57 ».
Comment ne pas évoquer le trouble que provoque l’expression « en
finir » ? Si la répétition ne commence qu’au chiffre 3, la fin, elle, est dou-
ble, elle dit le but et la cessation. Télos dit le but poursuivi alors que termi-
nus dit l’achèvement. Alors, comment ça peut finir, une analyse ? Com-
ment soigne-t-on l’addiction au langage ? Guérit-on d’être sujet à redite ?
La fin serait-elle hors d’atteinte par inachèvement, par manque de finition,
ou bien par inaccessibilité, par infinité du but ? La fin de l’analyse ne
serait-elle pas plutôt quelque chose comme « un commencement pour-
suivi » qui passe par la prise en compte de ce qui ne cesse pas de ne pas
s’écrire ? Mesurer jusqu’où ce qui fut, d’être répété, diffère n’entraîne
aucune « éternisation » mais ne manquera pas de produire une certaine
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légèreté si ce qui vient à compter, c’est le dire du temps.

56. Cité par S. Kaganski, « Sur le tournage de H Story », op. cit.


57. J. Lacan, « L’étourdit », op. cit.

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