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Allongement du temps
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
de saignement
MH Horellou, J Conard, M Samama
L e temps de saignement est le seul test d’hémostase réalisé in vivo, qui explore globalement l’hémostase
primaire, c’est-à-dire les interactions entre les plaquettes et la paroi vasculaire, via le facteur Willebrand et le
fibrinogène nécessaire à l’état de traces.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
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‚ Technique de Duke ‚ Choix de la technique
Introduction La réalisation systématique du temps de
Il s’agit d’une incision au lobe de l’oreille. Elle est
largement utilisée mais ses limites sont importantes. saignement n’est plus recommandée dans le bilan
Elle manque de sensibilité et de reproductibilité. La d’hémostase préopératoire, mais il doit être réalisé
Le temps de saignement (TS) est le temps qui
normale est de 2 à 4 minutes. chez les patients ayant une histoire hémorragique.
s’écoule entre la création, au niveau cutané, d’une Une méthode sensible (Ivy-incision) est actuellement
brèche pariétale des petits vaisseaux du derme, et préférée.
l’arrêt du saignement ainsi provoqué. Le TS n’est plus ‚ Technique d’Ivy-incision horizontale
un examen prescrit à titre systématique lors d’un Cette technique, réalisée à l’avant-bras, a été bien
■
bilan préopératoire, mais il doit être pratiqué chez standardisée. L’incision est réalisée horizontalement,
tout patient ayant une histoire hémorragique si la Interprétation d’un allongement
sur la face antérieure de l’avant-bras après du temps de saignement (fig 1)
numération de plaquettes est normale. désinfection, à l’aide d’un dispositif jetable (type
Pour pallier le défaut de reproductibilité du TS, la Simplatet). Une contre-pression de 40 mmHg est L’interprétation nécessite de connaître la
nécessité de sa réalisation in vivo, au lit du patient, appliquée au bras à l’aide d’un brassard à tension. La technique utilisée et de prendre en compte le
un nouveau test d’exploration de l’hémostase normale est de 4 à 8 minutes. C’est la technique de contexte clinique ainsi qu’une éventuelle prise
primaire, le platelet fonction analyser (PFA) 100TM a référence qui présente l’avantage d’être sensible et médicamenteuse. La première cause d’allongement
été récemment proposé. Il mesure le temps standardisée. Néanmoins, elle laisse une petite acquis du TS est l’aspirine dont la prise, souvent
d’occlusion (TO) de l’orifice d’une membrane par le cicatrice. Enfin, son coût est plus élevé (dispositif méconnue, doit être recherchée à l’interrogatoire.
sang total. Les premiers résultats d’évaluation du jetable). Bien entendu, la prise de tout autre anti-
PFA100TM dans l’exploration de l’hémostase sont inflammatoire ou antiagrégant plaquettaire
prometteurs, plus particulièrement pour le dépistage ‚ Autres techniques (ticlopidine, clopidogrel) est également associée à un
de la prise d’aspirine et du déficit en facteur allongement du TS. Le TS peut être allongé en cas
Willebrand. D’autres techniques peuvent être réalisées, d’anémie profonde (Hb < 7 g/dL) ou lors de la prise
notamment la technique d’Ivy-incision verticale, tout de bêtalactamines à fortes doses (fig 1).
à fait semblable mais dans le sens des microfibrilles, Le TS doit être confronté à une numération
■
ce qui favorise la confluence des berges de l’incision plaquettaire concomitante.
Réalisation du temps et raccourcit la durée du saignement (normale : 2 à
de saignement et valeurs
normales 5 minutes). ‚ Numération de plaquettes diminuée
La technique d’Ivy-3 points : il ne s’agit plus d’une Précisons d’emblée que si le contexte clinique
Plusieurs techniques (tableau I) sont utilisées, mais incision mais de trois points de piqûre réalisés à suggère qu’un syndrome hémorragique est en
la technique d’Ivy-incision est considérée comme la l’aide d’une microlance. Le temps normal est rapport avec une thrombopénie (c’est-à-dire purpura
technique de référence. inférieur à 5 minutes. pétéchial et ecchymotique diffus, éventuellement
accompagné de saignement muqueux), il vaut
mieux d’abord réaliser une numération de
Tableau I. – Techniques du temps de saignement.
plaquettes. Si la thrombopénie est profonde
Méthodes Techniques Normales (inférieure à 50 G/L), le TS n’est souvent pas utile.
Néanmoins, il ne faut accepter de rattacher
Duke Incision de l’oreille avec un vaccinostyle de 2 à 4 minutes l’allongement du TS à une thrombopénie que si
Recueil de gouttes de sang toutes les - peu sensible celle-ci est franche (inférieure à 100 G/L). Mais il
30 secondes - peu reproductible n’existe pas de véritable corrélation entre la sévérité
- peu spécifique
de la thrombopénie et l’allongement du TS.
Ivy-incision Brassard gonflé à 40 mmHg de 4 à 8 minutes
Incision horizontale sur l’avant-bras - test plus sensible ‚ Numération de plaquettes augmentée
avec dispositif à usage unique
Les hyperplaquettoses secondaires (après
Recueil de gouttes de sang toutes les - meilleure reproductibilité
30 secondes splénectomie, saignements importants, au cours des
maladies inflammatoires, infectieuses ou cancers)
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due à l’absence d’une glycoprotéine membranaire tendance à la désagrégation des plaquettes dont les Le système utilise une membrane de nitrocel-
(GPIb), récepteur du facteur Willebrand et nécessaire granules sont déficients. lulose biologiquement active recouverte de
à l’adhésion des plaquettes. collagène de type 1 et un autre agoniste
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plaquettaire, soit l’adénosine diphosphate (ADP), soit
– Thrombasthénie de Glanzmann ou anomalie Exploration des fonctions l’épinéphrine. Cette membrane possède un orifice
de l’agrégation des plaquettes : elle est due à plaquettaires par le PFA100 TM central au travers duquel le sang s’écoule dans des
l’absence du complexe glycoprotéique membranaire
Un test d’exploration rapide de l’hémostase conditions de flux contrôlé. Le système mesure le
IIb-IIIa, récepteur du fibrinogène et cofacteur
primaire réalisé in vivo est actuellement TO, temps nécessaire à l’écoulement du sang
principal de l’agrégation plaquettaire ; l’agrégation
disponible [1]. Le PFA100TM (Dade Behring) est un correspondant à la formation du clou plaquettaire
plaquettaire est toujours nulle, quel que soit son
nouvel automate qui permet d’évaluer la capacité au niveau de l’orifice de la membrane.
inducteur ; les hémorragies à type d’hémorragies
fonctionnelle des plaquettes, en sang citraté, sans Les études ont montré une bonne sensibilité du
digestives, d’épistaxis, sont souvent graves ;
aucune préparation préalable de l’échantillon. PFA100TM pour le dépistage de la maladie de
différentes mutations sont identifiées par biologie
D’utilisation simple, le PFA100TM simule in vitro les Willebrand (allongement du TO avec les cartouches
moléculaire.
conditions rencontrées lors d’une brèche de la paroi ADP et épinéphrine) et le dépistage des patients
– Anomalies de la sécrétion plaquettaire : plus artériolaire. Dans le cadre de l’exploration de ayant ingéré de l’aspirine (allongement du TO avec
fréquentes que les deux précédentes, elles sont troubles hémorragiques évoquant un trouble de la cartouche épinéphrine). En revanche, une
responsables de syndromes hémorragiques plus l’hémostase primaire au cours d’un interrogatoire mauvaise sensibilité du PFA100TM à la prise de
modérés (diminution des grains denses [maladie du systématique, il est capable de détecter de manière ticlopidine et de clopidogrel a été rapportée. Sa
pool vide], des granules alpha [syndrome des sensible les anomalies les plus fréquentes, la prise sensibilité aux autres AINS que l’aspirine et aux
plaquettes grises]) ; elles sont caractérisées par une d’aspirine et un déficit en facteur Willebrand. anti-IIb/IIIa n’a pas encore été étudiée.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Horellou MH, Conard J et Samama M. Allongement du temps de saignement.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1170, 2001, 3 p
Références
[1] Lasne D, Aiach M. Exploration des fonctions plaquettaires par le PFA100TM : [3] Zittoun R, Samama MM, Marie JP. Manuel d’hématologie. Paris : Doin, 1998
performances et limites. Sang Thromb Vaiss 2000 ; 12 : 97-103
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Allongement du temps
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
de céphaline + activateur
MH Horellou, J Conard, M Samama
B ien standardisé, reproductible, automatisable, le temps de céphaline + activateur est devenu le test le plus
utilisé des tests de coagulation.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
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ellagique, silice), et du calcium. Il explore la voie temps de thrombine est allongé. En revanche, les
Introduction intrinsèque de la coagulation ; il est donc sensible réactifs utilisés pour la mesure du temps de Quick
aux concentrations des facteurs de la coagulation contiennent souvent un inhibiteur de l’héparine,
impliqués. Le temps obtenu est exprimé par rapport rendant le temps de Quick insensible à l’héparine. Le
Le temps de céphaline + activateur (TCA) est très
au temps du plasma témoin dont la valeur moyenne TCA est maintenant habituellement isolément
utile à la définition du risque hémorragique puisqu’il
varie entre 28 et 35 secondes selon les réactifs. Le allongé en présence d’héparine comme le montre
est sensible au déficit de la plupart des facteurs de
TCA est allongé lorsqu’il dépasse de 6 à 10 secondes l’exemple suivant :
coagulation (tableau I), sauf au déficit en facteur VII
le temps du témoin.
(proconvertine) ou facteur XIII (facteur stabilisant de
la fibrine). Traitement par l’héparine
■
Il est également utilisé pour la surveillance des Taux de prothrombine : 95 %
traitements par l’héparine non fractionnée.
Allongement du TCA. Démarche
diagnostique (fig 1) TCA : 50 s/T 33 s
Il permet enfin la détection des anticoagulants Temps de thrombine : 55 s/20 s
circulants de type lupus, recherchés lors de
l’exploration biologique des accidents
‚ Éliminer les causes d’erreur
thromboemboliques. Il existe des causes d’erreur ; les plus fréquentes Les héparines de bas poids moléculaire allongent
concernent la qualité du prélèvement sanguin : peu le TCA, à la différence des héparines non
Tous les réactifs utilisés pour la détermination du
non-respect de la nature ou du volume de fractionnées. Seuls les nouveaux schémas
TCA n’ont pas la même sensibilité à ces différentes
l’anticoagulant utilisé pour le recueil du sang, d’administration utilisant une injection par jour de
pathologies et le choix de l’un d’entre eux doit
présence d’héparine souillant le prélèvement, délai fortes doses (150 à 200 UI/j [Innohept, Fraxodit])
prendre en compte le contexte clinique des patients
trop long entre le prélèvement et la réalisation du peuvent entraîner un allongement important du
explorés.
test, amorce de coagulation. Un traitement TCA.
anticoagulant par l’héparine ou par les antivitamines ‚ Contexte clinique
■
Réalisation du TCA
et valeurs normales
Le TCA mesure le temps de coagulation à 37 °C
K (AVK) peut allonger le TCA.
La mesure du temps de thrombine est utile, plus
particulièrement en milieu hospitalier, pour éliminer
la présence d’héparine (héparine des cathéters, des
L’allongement du TCA doit être interprété en
fonction du contexte clinique (notion d’antécédents
personnels ou familiaux d’accidents hémorragiques,
existence d’une maladie associée) et des résultats
d’un plasma en présence de phospholipides prélèvements faits parallèlement à la gazométrie...).
des examens de coagulation effectués parallèlement
(céphaline) et d’activateurs (kaolin, célite, acide En présence d’héparine dans le prélèvement, le
(temps de Quick, temps de saignement).
Si le temps de Quick est allongé, il peut s’agir d’un
Tableau I. – Valeurs normales et facteurs explorés par le temps de céphaline + activateur (TCA). déficit acquis (atteinte hépatique, avitaminose K,
coagulopathie de consommation) ou d’un déficit
Test Valeurs normales Facteurs explorés
constitutionnel des facteurs X (Stuart), V
TCA Témoin : 28 à 35 s selon réactif si temps de Quick normal (proaccélérine) et II (prothrombine) et du fibrinogène
Écart malade/témoin inférieur à 6-10 s Prékallicréine (cf fascicule I-1185 de l’Encyclopédie pratique de
Rapport malade/témoin < 1,2 Kininogène de haut poids moléculaire
Facteur XII : facteur Hageman médecine, Allongement du temps de Quick).
Facteur XI : facteur Rosenthal
Facteur IX : antihémophilique B ‚ Allongement isolé du TCA
Facteur VIII : antihémophilique A Un allongement isolé du TCA révèle, soit un
si temps de Quick allongé déficit constitutionnel en facteur de la coagulation
Facteur X : Stuart
appartenant à la voie intrinsèque de la coagulation
Facteur V : proaccélérine
Facteur II : prothrombine (kininogène de haut poids moléculaire,
Fibrinogène prékallicréine, facteurs VIII, IX, XI et XII), soit un
anticoagulant circulant.
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1-1175 - Allongement du temps de céphaline + activateur
TCA et déficits en facteurs de la voie Tableau II. – Différentes formes d’hémophilie selon le taux de facteur VIII ou IX.
intrinsèque
Taux Manifestations
Sévérité de l’hémophilie TCA malade/témoin
Le TCA est très sensible aux déficits en facteurs de de facteur VIII ou IX hémorragiques
la phase contact (facteur XII). En revanche, il est <1% Sévère Hémarthroses sponta- 75 s/33 s
moins sensible au déficit en facteur VIII et surtout au nées récidivantes
déficit en facteur IX. Il faut donc être vigilant sur les
2à7% Modérée Hémarthroses rares 55 s/33 s
allongements modérés du TCA. Hématomes post-
– L’hémophilie A (déficit en facteur VIII) et traumatiques
l’hémophilie B (déficit en facteur IX) sont, après la Complications hémorra-
maladie de Willebrand, les plus fréquentes des giques postopératoires
maladies constitutionnelles de la coagulation. Leur 7 à 30 % Mineure Complications hémorra- 45 s/33 s
transmission est autosomale récessive, de même giques postopératoires
type biologique A ou B, et de même sévérité et post-traumatiques en
l’absence de traitement
biologique au sein d’une même famille.
approprié
L’hémophilie A est cinq fois plus fréquente que
l’hémophilie B. La gravité des manifestations TCA : temps de céphaline + activateur.
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Allongement du temps de céphaline + activateur - 1-1175
Tableau III. – Allongement du temps de céphaline + activateur (TCA) par déficit en facteur de coa- Tableau V. – Syndrome des antiphospholipides.
gulation ou anticoagulant circulant (ACC).
Critère clinique
Tests Plasma no 1 Plasma no 2
• Thrombose artérielle et/ou veineuse, ou des petits
TCA 67/T 33 s 67/T 33 s vaisseaux. Diagnostic nécessaire par imagerie ou
histologie (présence de thrombose sans inflamma-
Mélange malade + témoin 38 s 50 s tion de la paroi vasculaire)
• Grossesse pathologique
Indice de Rosner (38-33)/67 × 100 = 7 (50-33)/67 × 100 = 25
• une ou plusieurs perte(s) fœtale(s) inexpliquée(s)
Conclusion Absence d’ACC Présence d’un ACC d’un fœtus morphologiquement normal à plus de
10 semaines de grossesse
• une ou plusieurs naissances prématurées d’un
présence d’un anticorps dirigé spécifiquement contre cliniques : syndromes lymphoprolifératifs fœtus normal à 34 semaines ou avant 34 semaines
un facteur de coagulation est confirmée par (lymphomes, dysglobulinémies...), syndromes de grossesse par prééclampsie ou insuffısance pla-
l’inhibition de cette protéine dans le plasma témoin néoplasiques, infections diverses, notamment chez centaire
par le plasma du malade. • trois pertes fœtales inexpliquées ou plus avant
l’enfant ou lors de la prise de certains médicaments
10 semaines de grossesse après avoir éliminé les
Les plus fréquents sont les inhibiteurs dirigés (bêtabloquants, phénothiazine, procaïnamide). Leur causes anatomiques et hormonales chez la mère et
contre le facteur VIII. On les trouve chez les présence peut être transitoire, en particulier au cours les causes chromosomiques chez les deux parents
hémophiles transfusés (alloanticorps), mais aussi en des infections. Ils peuvent être détectés chez les
Critère biologique
dehors de l’hémophilie, dans le post-partum, dans le individus en dehors de tout contexte pathologique.
contexte d’une maladie auto-immune (en particulier Ils ne s’accompagnent pas de manifestations • Anticorps ACL IgG ou IgM à un titre moyen ou
fort, sur deux prélèvements à 6 semaines d’inter-
dans le lupus), associés à des prises médicamen- hémorragiques. Des complications thromboembo- valle en utilisant un Elisa reconnaissant les anti-
teuses (pénicilline) ou sans pathologie sous-jacente, liques sont observées dans un tiers des observations ACL-b2-GPI-dépendants (les anti-b2-GPI, faible
en particulier chez le sujet âgé. Les inhibiteurs dirigés définissant le syndrome des antiphospholipides. Les titre d’IgG, IgM, ACL, IgA, autres antiphospholipi-
contre le facteur IX sont observés chez l’hémophile B thromboses peuvent être veineuses, artérielles ou des ne sont pas reconnus actuellement comme cri-
ou dans un contexte de maladie auto-immune. tère de syndrome des antiphospholipides)
placentaires, responsables de pertes fœtales
• Lupus anticoagulant défini selon les critères de
récidivantes. l’ISTH
¶ Inhibiteurs dirigés contre les « phospholipides »
ou lupus anticoagulants (LA) Le syndrome des antiphospholipides associe un
Les anticorps antiphospholipides forment un critère clinique et un critère biologique retrouvé sur Elisa : enzyme-linked immunosorbent assay ; Ig : immunoglobuline ; ACL :
anticorps anticardiolipine ; b2GPI : b2 glycoprotéine I ; ISTH : International
groupe hétérogène d’anticorps comprenant les deux prélèvements faits à 6 semaines d’intervalle Society of Thrombosis and Haemostasis.
anticorps détectés par méthodes de coagulation et (International workshop, Arthritis Rheum 1999 ; 42
les anticorps anticardiolipine recherchés par (7) : 1309-1311) (tableau V).
méthode immunologique. Les antiphospholipides Les critères du diagnostic biologique Les réactifs utilisés pour la réalisation du TCA
sont des autoanticorps. Ils sont ainsi dénommés car d’anticoagulant circulant de type lupus ou LA ont été n’ont pas tous la même sensibilité aux LA. Du fait de
on avait établi qu’ils étaient principalement dirigés clairement précisés en 1995 par l’International cette différence de sensibilité et de l’hétérogénéité
contre les phospholipides anioniques, et plus Society of Thrombosis and Haemostasis. Quatre des LA, des résultats discordants peuvent être
particulièrement la phosphatidylsérine ou le étapes sont nécessaires pour affirmer la présence observés selon les techniques utilisées. Mieux qu’une
phosphatidylinositol, acide phosphatidique. Il est d’un LA : simple demande de TCA, l’ordonnance de
maintenant démontré que des protéines – dépistage de l’anticoagulant circulant, le plus prescription doit préciser la demande de recherche
plasmatiques ayant une haute affinité pour les souvent sur un allongement du TCA, parfois associé de LA, ce qui permet au biologiste d’utiliser les
phospholipides (b 2 GPI (b 2 glycoprotéine I), à un allongement du temps de Quick ; réactifs et les tests les plus sensibles. La recherche
prothrombine, protéines C, S, annexine...), vont – présence d’un effet inhibiteur défini par la d’anticorps anticardiolipine devrait être faite
exprimer des néoantigènes lors de leur fixation aux non-correction du temps malade par le témoin ; systématiquement, parallèlement à la recherche de
phospholipides, néoantigènes qui seront reconnus – dépendance des phospholipides se traduisant LA, compte tenu de la fréquente association (60 %)
par ces anticorps antiphospholipides-protéines. par un raccourcissement du TCA après addition de de ces deux marqueurs du syndrome des
Les antiphospholipides se rencontrent au cours phospholipides ; antiphospholipides, l’association de ces deux
des pathologies auto-immunes (lupus érythémateux, – absence d’effet inhibiteur spécifique sur les recherches est recommandée pour augmenter la
connectivite...) et dans diverses circonstances facteurs de coagulation dont le dosage est normal. sensibilité de la détection des antiphospholipides.
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1-1175 - Allongement du temps de céphaline + activateur
Toute référence à cet article doit porter la mention : Horellou MH, Conard J et Samama M. Allongement du temps de céphaline + activateur.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1175, 2001, 4 p
Références
[1] Recommandations du groupe d’études sur l’hémostase et la thrombose [2] Zittoun R, Samama MM, Marie JP. Manuel d’hématologie. Paris : Doin, 1998
(GEHT). Stratégie du diagnostic biologique des maladies hémorragiques et throm-
botiques constitutionnelles ou acquises. Sang Thromb Vaiss 1993 ; 5 : 5-14
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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
L e temps de Quick explore de façon globale tous les facteurs de la voie extrinsèque de la coagulation (facteurs
VII, X, V, II et fibrinogène). Il est encore souvent exprimé en « taux de prothrombine » (TP). Des variations
importantes des résultats des TP exprimés en pourcentage sont observées d’un laboratoire à un autre et d’un réactif
à l’autre, pour un même patient. C’est pourquoi l’expression du temps de Quick en international normalized ratio
(INR) est proposée dès 1983 dans la surveillance du traitement anticoagulant oral. L’expression en pourcentage
reste recommandée en dehors de la surveillance des antivitamines K (AVK).
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Réalisation du temps de Quick
et valeurs normales
Le temps de Quick est le temps de coagulation
Tableau I. – Facteurs de coagulation explorés par le temps de Quick.
Fibrinogène
Taux normaux
2-4 g/L
Taux nécessaires à l’hémostase
0,5-1 g/L
d’un plasma en présence de thromboplastine
tissulaire (mélange de facteur tissulaire et de Facteur II (prothrombine) 70-120 % 40 %
phospholipides) et de calcium. Facteur V (proaccélérine) 70-120 % 10-15 %
Le temps de coagulation est comparé à celui d’un
Facteur VII (proconvertine) 70-120 % 5-10 %
témoin, voisin de 12 secondes pour la plupart des
réactifs. Les Anglo-Saxons expriment le résultat en Facteur X (facteur Stuart) 70-120 % 10-20 %
rapport temps du malade/temps du témoin. Les
pays latins ont l’habitude d’exprimer le résultat en
pourcentage d’activité, en désignant ce pourcentage
Tableau II. – Allongement du temps de Quick : avitaminose K ou insuffisance hépatocellulaire.
sous le nom de « TP ». Le pourcentage est calculé en
utilisant différentes dilutions d’un plasma témoin qui Plasma n° 1 Plasma n° 2
correspond par définition à 100 % de la normale.
Facteur V 100 45
Les valeurs inférieures à 70 % sont considérées
comme pathologiques. Facteurs VII + X 40 40
Facteur II 45 45
■
Causes d’erreur du temps de Quick Conclusion Avitaminose K Insuffısance hépatocellulaire
et précautions à prendre
Les principales causes d’erreur affectant le temps Les erreurs de mesure, une erreur dans la fibrinogène et/ou la présence d’une antithrombine
de Quick sont le non-respect des conditions détermination de l’indice de sensibilité internationale peuvent influencer le temps de Quick.
préanalytiques : mauvais remplissage du tube et (ISI) ou dans le calcul de l’INR, l’utilisation d’un Un taux de fibrinogène inférieur à 1 g/L allonge le
non-respect du rapport volume de l’anticoagulant et mauvais plasma témoin doivent être maîtrisées par temps de Quick. De même, les anomalies
du plasma, délai trop long (supérieur à 4 heures) le biologiste. qualitatives du fibrinogène (dysfibrinogénémie) sont
entre le prélèvement et la réalisation du test souvent détectées sur un allongement isolé du
entraînant une diminution des facteurs labiles, temps de Quick.
mauvaise conservation des échantillons (le froid
raccourcit le temps de Quick par activation du
facteur VII, la chaleur entraîne une diminution du
facteur V). Le temps de Quick n’est pas sensible à
■
Facteurs de coagulation explorés
par le temps de Quick
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1-1185 - Allongement du temps de Quick
■ ■
correction est obtenue après administration orale de
Diagnostic d’un allongement vitamine K, carence d’absorption si, après échec de
Temps de Quick et surveillance du
du temps de Quick (fig 1) traitement par les antivitamines
l’administration orale, la correction est obtenue par K : expression en INR
administration intraveineuse ou sous-cutanée de
‚ Allongement isolé du temps de Quick vitamine K. Le temps de Quick est actuellement le test
avec temps de céphaline + activateur – La maladie hémorragique du nouveau-né : recommandé pour la surveillance des AVK. Cette
(TCA) normal classiquement observée au quatrième jour de vie, surveillance biologique est indispensable en raison
Il oriente vers un déficit isolé en proconvertine ou elle est due à une carence d’apport par le lait de variations de sensibilité observées d’un malade à
facteur VII. Ce déficit est exceptionnel, transmis de maternel et à une absence de synthèse par défaut l’autre, et également chez un même malade, en
façon autosomale et récessive, et s’accompagne de de la flore intestinale. Elle peut être prévenue par raison de l’existence de facteurs de sensibilité ou de
manifestations hémorragiques de gravité variable. l’administration systématique de vitamine K à la résistance.
Un taux de facteur VII voisin de 5 à 10 % est suffisant naissance. Les réactifs utilisés pour la mesure des temps de
pour assurer une hémostase normale. Un – Chez l’adulte, une hypovitaminose K est Quick ont des sensibilités différentes aux facteurs
allongement isolé du temps de Quick peut être exceptionnellement due à une carence alimentaire. vitamino-K-dépendants, ce qui entraîne des résultats
également observé chez les patients recevant un Elle est beaucoup plus souvent liée à une obstruction différents chez un même patient selon le réactif
traitement anticoagulant oral entraînant une des voies biliaires ou à un syndrome de utilisé : la zone thérapeutique est de 25 à 35 % avec
hypocoagulabilité modérée (INR 2) du fait de la malabsorption intestinale, à la destruction de la flore un réactif et de 15 à 25 % avec un autre. Pour
demi-vie plus courte du facteur VII d’une part et intestinale par les antibiotiques.
permettre une meilleure comparaison nationale et
d’une sensibilité du TCA aux facteurs vitamino-K- internationale des résultats, l’expression en INR est
Maladies du complexe prothrombinique ne
dépendants inférieure à celle du temps de Quick. proposée depuis 1983.
réagissant pas à la vitamine K
‚ Allongement associé du temps de Quick Les insuffisances hépatocellulaires (hépatite virale,
( temps du malade ISI
et du TCA infectieuse, toxique, cirrhose) provoquent des déficits
INR =
temps du temoin
)
par défaut de synthèse. Dans les hépatites
Il est observé dans : L’ISI est l’indice de sensibilité internationale.
chroniques et les cirrhoses, on constate une baisse
– les avitaminoses K ; L’ISI est déterminé pour chaque réactif par rapport
plus ou moins marquée des facteurs du complexe
– l’insuffisance hépatocellulaire ; à une préparation de référence et il est fourni par les
prothrombinique, du fibrinogène et des plaquettes.
– les coagulopathies de consommation fabricants de réactifs aux laboratoires utilisateurs. De
Le déficit en proaccélérine témoigne de la gravité du
(coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]) ; nouveaux réactifs à ISI voisins de 1 sont
pronostic. Ces anomalies peuvent favoriser certaines
– en présence d’anticoagulant circulant ; actuellement recommandés pour améliorer la
hémorragies, notamment les saignements des
– dans les déficits isolés, constitutionnels en varices œsophagiennes et les hémorragies standardisation de l’INR. L’expression en
fibrinogène, facteurs V, X et II. périopératoires. Les hémorragies dramatiques et pourcentage obtenue avec ces nouveaux réactifs
Les pathologies du fibrinogène, la coagulopathie profuses de l’ictère grave s’accompagnent d’un donne des pourcentages inférieurs à ceux obtenus
de consommation sont décrites dans le fascicule effondrement de tous les facteurs de coagulation. avec les anciens réactifs (par exemple, un INR à 3
1-1187 « Allongement du temps de thrombine ». D’autres déficits, ne réagissant pas à la vitamine K, correspond à un pourcentage à 22 % avec les
peuvent être rencontrés en dehors d’une hépatite nouveaux réactifs, 33 % avec les anciens réactifs). Il
Avitaminose K confirmée : déficit acquis en facteur X dans les est donc nécessaire d’adapter la dose d’AVK sur l’INR
Conséquence d’un défaut d’apport ou amyloses, diminution élective du facteur V dans les et non sur le pourcentage.
d’absorption de la vitamine K ou d’une anomalie de syndromes de défibrination ou en présence d’une Les zones recommandées actuellement sont
son cycle métabolique, elle est observée dans splénomégalie. données dans le tableau III.
2
Allongement du temps de Quick - 1-1185
Tableau III. – Principales indications des antivitamines K (AVK) et zones thérapeutiques recommandées.
* International normalized ratio (INR) à adapter en fonction du type de prothèse, de sa position, de la date d’implantation (3 à 4,5 pour certaines prothèses).
Toute référence à cet article doit porter la mention : MH Horellou, J Conard, M Samama. Allongement du temps de Quick.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1185, 2001, 3 p
Références
[1] Recommandations du groupe d’études sur l’hémostase et la thrombose [2] Zittoun R, Samama MM, Marie JP. Manuel d’hématologie. Paris : Doin, 1998
(GEHT). Stratégie du diagnostic biologique des maladies hémorragiques et throm-
botiques constitutionnelles ou acquises. Sang Thromb Vaiss 1993 ; 5 : 5-14
3
1-1187
1-1187
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
L e temps de thrombine explore les deux premières étapes de la fibrinoformation (action protéolytique de la
thrombine et polymérisation), mais il est indépendant du facteur XIII. Ce test est rarement demandé isolément
en préopératoire ou dans l’évaluation d’un syndrome hémorragique. Il est toujours précédé de la réalisation d’un
temps de Quick et d’un temps de céphaline + activateur.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
■
Introduction
Temps de reptilase
fascicules I-1185 « Allongement du temps de Quick »
et I-1175 « Allongement du temps de céphaline +
activateur »), ce test est la première étape de la Allongé Normal : malade traité par héparine
démarche diagnostique d’un allongement de ces
deux tests : il permet d’éliminer une anomalie de la
Dosage du fibrinogène
fibrinoformation lorsque le temps de Quick est
allongé, et la présence d’antithrombine (héparine) Normal
lorsque le temps de céphaline + activateur (TCA) est Inhibiteur de la fibrinoformation
allongé. Augmenté
Hyperfibrinogénémie
Le temps de thrombine est sensible aux Diminué
héparines, à l’hirudine et aux inhibiteurs de synthèse
antithrombinique.
■
- Hypofibrinogénémie
- Afibrinogénémie
Réalisation et valeurs normales - Dysfibrinogénémie
• D-dimères augmentés : défibrinations
- Coagulopathie de consommation
- Fibrinolyse
Le temps de thrombine est le temps de
coagulation d’un plasma en présence de thrombine.
Le temps normal est voisin de 20 secondes. ‚ Temps de reptilase produits de dégradation de la fibrine (D-dimères)
L’examen est anormal si le temps du malade sont normaux dans les anomalies de synthèse et
Il est insensible à l’héparine. Lorsque le plasma à
dépasse celui du témoin de plus de 3 secondes. augmentés dans les destructions excessives.
tester contient de l’héparine, le temps de thrombine
est allongé, alors que le temps de reptilase est
Anomalies de synthèse du fibrinogène
■
normal. L’association temps de thrombine
Interprétation d’un allongement allongé-temps de reptilase allongé est observée en Elles peuvent être quantitatives (hypo-,
du temps de thrombine (fig 1) présence d’anomalies quantitatives ou qualitatives hyperfibrinogénémies) ou qualitatives (dysfibrinogé-
du fibrinogène, d’inhibiteur de la fibrinoformation. némies) : le temps de thrombine dépend du
Le temps de thrombine dépend du fibrinogène. Il fibrinogène. Il est allongé lorsque celui-ci est inférieur
est également allongé par la présence d’un ‚ Anomalies du fibrinogène à 1 g/L ou supérieur à 6 g/L.
inhibiteur de la thrombine (anticoagulant circulant, Elles peuvent être secondaires à une anomalie de Dans le déficit quantitatif isolé en fibrinogène (a-
taux élevés de D-dimères) et notamment de synthèse ou à une destruction excessive ou hypofibrinogénémie), les manifestations
l’héparine ou de l’hirudine. (coagulopathie de consommation, fibrinolyse). Les hémorragiques et le retentissement sur le temps de
1
1-1187 - Allongement du temps de thrombine
Toute référence à cet article doit porter la mention : MH Horellou, J Conard et M Samama. Allongement du temps de thrombine.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1187, 2001, 2 p
Références
[1] Recommandations du groupe d’études sur l’hémostase et la thrombose [2] Zittoun R, Samama MM, Marie JP. Manuel d’hématologie. Paris : Doin, 1998
(GEHT). Stratégie du diagnostic biologique des maladies hémorragiques et throm-
botiques constitutionnelles ou acquises. Sang Thromb Vaiss 1993 ; 5 : 5-14
2
1-1196
de la coagulation prédisposant
aux thromboses
MH Horellou, J Conard, MM Samama
L a thrombophilie est définie par une prédisposition acquise ou constitutionnelle, génétiquement déterminée
aux thromboses. Depuis la description du déficit familial en antithrombine décrit en 1965, de nombreux
facteurs biologiques de risque thrombotique ont été rapportés, définissant la thrombophilie comme une tendance
congénitale ou acquise à développer des accidents thromboemboliques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
■
Introduction
■
- Mutation 20210 GA du gène de la prothrombine
Thrombophilie constitutionnelle - Dysfibrinogénémie
- Syndrome des antiphospholipides
- Polyglobulie primitive et thrombocythémie essentielle
‚ Causes de thrombophilies Thrombophilie acquise
- Hémoglobinurie paroxystique nocturne
constitutionnelles - Syndrome néphrotique
Elles peuvent être dues à des déficits en - Hyperhomocystéinémie
inhibiteurs de la coagulation (antithrombine, - Augmentation du facteur VIII
- Déficit en plasminogène
protéines C ou S), à un défaut de réponse à un
Autres causes possibles - Déficit en deuxième cofacteur de l’héparine
inhibiteur de la coagulation (résistance à la protéi- de thrombophilies consti- - Augmentation de la glycoprotéine riche en histidine (HRG)
ne C activée par mutation du facteur V, facteur V tutionnelle et/ou acquises - Augmentation du fibrinogène
Leiden), à une augmentation d’un facteur de - Augmentation de l’inhibiteur de l’activateur tissulaire du plasminogène
coagulation (augmentation du taux de facteur II par (PAI) ?
- Traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique (rôle de la L-asparaginase)
mutation du gène de la prothrombine).
Déficits en inhibiteurs physiologiques inactivation à la surface des phospholipides où elle a été décrite. Cette mutation ralentit
de la coagulation (fig 1) nécessite la présence de protéine S. l’inactivation du Va par la protéine C activée.
L’antithrombine est le principal inhibiteur Mutation ponctuelle du gène de la
physiologique de la coagulation, elle inhibe la Résistance à la protéine C activée prothrombine
thrombine, mais aussi différents facteurs activés de La résistance à la protéine C activée décrite en Un séquençage systématique des gènes
la coagulation. L’héparine agit indirectement en 1993 par Dahlbäck se mesure par un allongement candidats au risque de thrombose a permis
multipliant par un facteur 2000 la vitesse d’inhibition insuffisant du temps de céphaline + activateur (TCA) d’identifier une mutation ponctuelle du gène de la
de la thrombine. La protéine C, après son activation en présence de protéine C. Cette résistance est prothrombine (20210 G → A). Cette mutation est
par la thrombine fixée à la thrombomoduline, associée, dans près de 100 % des cas, à une associée à une augmentation du taux de la
présente à la surface des cellules endothéliales, mutation ponctuelle du gène du facteur V, mutation prothrombine ou facteur II, cette augmentation
inhibe les facteurs Va et VIIIa de la coagulation. Cette Arg506Gln ou facteur V Leiden, du nom de la ville favorisant l’apparition de thromboses.
1
1-1196 - Anomalie héréditaire de la coagulation prédisposant aux thromboses
Déficit en AT* Déficit en protéine C Déficit en protéine S Facteur V Leiden** Mutation gène II
Sujets témoins 0,03 % 0,2-0,4 % 3à7% 1-2 %
Patients présentant une thrombose
veineuse (TV)
- sans critère de sélection 1% 3% 1à2% 20 % 6%
- TV récidivantes et/ou moins de 4-7 % 6-8 % 3-13 % 50 % ? 18 %
45 ans, antécédents familiaux
2
Anomalie héréditaire de la coagulation prédisposant aux thromboses - 1-1196
âge plus avancé et souvent en présence d’un facteur prescription d’œstroprogestatifs, la recherche de L’abandon des doses de charge d’AVK, le relais
favorisant. Les formes homozygotes de résistance à thrombophilie n’est actuellement conseillée que héparine-AVK prolongé sont les modalités
la protéine C activée ne sont pas exceptionnelles et chez les femmes ayant des antécédents familiaux de recommandées lors de l’introduction des
sont moins sévères que les formes homozygotes des thrombose. anticoagulants oraux depuis la découverte du déficit
déficits en protéine C. en protéine C. Dans les déficits hétérozygotes en
Deux études faites chez les apparentés des ‚ Diagnostic biologique protéine C (taux voisin de 50 %), le traitement par
propositus ont comparé le risque thromboembo- Seuls le dosage spécifique des inhibiteurs de la AVK ne pose pas de problème particulier. Dans les
lique lié aux différentes thrombophilies : la résistance coagulation (antithrombine, protéines C et S), la exceptionnels déficits sévères (taux inférieur à 10 %),
à la protéine C activée est un facteur de risque recherche de la résistance à la protéine C activée une nécrose cutanée est fréquente en début de
inférieur à celui des déficits en inhibiteurs de la complétée par une recherche de la mutation du traitement par les AVK et peut nécessiter le recours à
c o a g u l a t i o n [ 6 ] . L e d é fi c i t e n i n h i b i t e u r s facteur V Leiden, la recherche de la mutation 20210 la perfusion de concentrés de protéine C lors de
physiologiques de la coagulation (antithrombine, du gène de la prothrombine, permettent le l’introduction des AVK.
protéines C ou S) multiplie par 10 le risque d’ATE diagnostic de thrombophilie constitutionnelle ; Le traitement AVK est poursuivi 3 à 6 mois au
veineux chez les sujets porteurs (incidence annuelle ceux-ci ne retentissent pas sur les tests de minimum, en maintenant un international
10,1/1 000 chez les porteurs versus 1/1 000 chez les coagulation globaux de routine. Lorsque les normalized ratio (INR) entre 2 et 3. La durée du
non-porteurs). En comparaison, le facteur V Leiden méthodes d’activité font suspecter un déficit traitement anticoagulant n’est pas encore bien
multiplie par 2,8 le risque d’ATE (incidence annuelle (antithrombine inférieure à 80 %, protéines C ou S définie chez les patients porteurs de thrombophilie.
d’ATE de 2,8/1 000 chez les apparentés porteurs du inférieures à 70 %), le dosage immunologique
facteur V Leiden, 0,9/1 000 chez les apparentés non permet de distinguer les déficits quantitatifs (dosage
■
porteurs). Dans cette étude, la contraception immunologique diminué) et qualitatifs (dosage
œstroprogestative associée à la présence du facteur immunologique normal). Thrombophilie acquise
V Leiden multiplie par 3,3 le risque d’ATE, la La recherche d’une résistance à la protéine C
grossesse par 4,2, alors que la chirurgie n’est pas activée se fait par test de coagulation basé sur
associée à la survenue de phlébites. Pour ces l’allongement du TCA en présence de protéine C ‚ Syndromes myéloprolifératifs et autres
auteurs, l’enquête familiale est souhaitable dans les activée. Un test positif (allongement insuffisant du pathologies hématologiques
déficits en inhibiteurs (antithrombine, protéines C ou TCA en présence de protéine C activée) doit être
Les syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie et
S). Pour la résistance à la protéine C activée, confirmé par la recherche du facteur V Leiden par
thrombocytémie) et les dysglobulinémies
l’enquête familiale pourrait être réservée aux technique de biologie moléculaire qui distingue de
monoclonales peuvent être à l’origine de
femmes en âge de procréer. plus, avec certitude, s’il s’agit d’une anomalie
complications thromboemboliques par l’hypervis-
Une deuxième étude rétrospective faite chez les hétérozygote ou homozygote.
cosité qu’ils entraînent. Ils sont recherchés par la
apparentés [2] retrouve le caractère plus sévère du Les dosages sont réalisés de préférence en dehors
numération-formule sanguine et l’électrophorèse
déficit en antithrombine III : l’incidence annuelle des de tout traitement par les AVK et à distance de
des protides. L’hémoglobinurie paroxystique
ATE est de 10,7/1 000 chez les patients porteurs l’épisode thrombotique qui peut perturber les
(maladie de Marchiafava-Micheli) et la drépano-
d’un déficit en antithrombine, 5,4/1 000 pour la dosages de protéine S. L’interprétation des résultats
cytose sont recherchées devant un ATE associé à
protéine C, 5,0/1 000 pour la protéine S, 3,0/1 000 doit tenir compte de certaines conditions (phase
une hémolyse par un test de Ham-Dacie et
pour la résistance à la protéine C activée et aiguë de la thrombose, grossesse) et des traitements
cytométrie de flux, et une électrophorèse de
6,7/1 000 chez les patients présentant plusieurs en cours (héparine, anticoagulants oraux,
l’hémoglobine.
anomalies. Les ATE sont observés plus précocement œstroprogestatifs) qui peuvent entraîner des
chez les femmes, 35,1 en moyenne (8 à 81 ans), que anomalies acquises compliquant le diagnostic
‚ Syndrome des antiphospholipides
chez les hommes 36,5 ans (10 à 69 ans). d’anomalie congénitale. La transmission de ces
L’hétérogénéité des manifestations cliniques dans déficits étant autosomale dominante, la recherche Le syndrome des antiphospholipides est défini
les différentes causes de thrombophilie héréditaire de la même anomalie chez les parents et dans la par la présence d’une manifestation thromboembo-
peut être expliquée en partie par l’association de famille est très utile au diagnostic de déficit lique veineuse, artérielle, placentaire, avec pertes
deux altérations génétiques et/ou l’intervention de constitutionnel. fœtales récidivantes, associée à la présence d’un
facteurs de risque acquis. La présence de deux anticoagulant circulant et/ou d’un taux augmenté
anomalies génétiques augmente le risque ‚ Traitement des accidents d’anticorps anticardiolipine.
thromboembolique (notion d’anomalies thromboemboliques Un anticoagulant circulant de type lupus est
multigéniques). La nature de la thrombophilie, le Chez les patients porteurs d’une thrombophilie, le retrouvé chez 5 à 15 % des patients présentant une
caractère isolé ou associé à d’autres facteurs de traitement classique par héparine (héparine non thrombose veineuse. Il est détecté sur un
risque sont des éléments qui seront pris en compte fractionnée ou héparine de bas poids moléculaire), allongement du TCA, non corrigé par le témoin,
dans les décisions de poursuite ou d’arrêt de relayé par les AVK, est celui habituellement utilisé à raccourci par l’addition de phospholipides et sans
traitement anticoagulant et dans la prise en charge la phase aiguë des thromboses. inhibition spécifique des facteurs de coagulation. Les
de situations à risque comme la grossesse en Les patients déficitaires en antithrombine peuvent anticorps anticardiolipine, détectés par technique
particulier. présenter une relative résistance à l’héparine qui enzyme linked immunosorbent assay (Elisa), sont
oblige à utiliser de plus fortes doses d’héparine. Le dirigés contre la b2-glycoprotéine I fixée aux
‚ Chez qui rechercher une thrombophilie recours aux concentrés d’antithrombine est phospholipides. La présence d’un anticoagulant
Seront préférentiellement explorés les sujets rarement nécessaire, mais il est discuté lors de la circulant de type lupus et/ou d’un titre élevé
jeunes ayant des antécédents de thrombose survenue de récidive thromboembolique sous d’anticorps anticardiolipine peut être passagère,
veineuse documentée avec ou sans facteur traitement efficace, lors de situation chirurgicale ou induite par une infection, un traitement, et seule la
déclenchant (pilule, grossesse, chirurgie...), les sujets d’accouchement, lorsque le risque hémorragique ne présence de ces anomalies sur deux prélèvements
de plus de 45 ans ayant une thrombose insolite (en permet pas d’utiliser de fortes doses d’héparine. La faits à 6 semaines d’intervalle, associée à une
l’absence de cancer ou d’intervention chirurgicale), perfusion de 50 unités d’antithrombine par complication thromboembolique, fera évoquer la
les patients présentant des thromboses veineuses kilogramme de poids permet d’augmenter le taux présence d’un syndrome des antiphospholipides. Il
récidivantes ou un accident thrombotique de d’antithrombine de 50 à 120 %. Les doses seront peut être secondaire à un lupus ou à une autre
localisation inhabituelle (thrombose veineuse ensuite adaptées quotidiennement pour maintenir le pathologie auto-immune ou primaire. La diminution
cérébrale, thrombose intra-abdominale). Avant taux d’antithrombine au-dessus de 80 %. de production de prostacycline en présence de
3
1-1196 - Anomalie héréditaire de la coagulation prédisposant aux thromboses
l’anticorps antiphospholipides, la diminution de l’annexine V à la surface des villosités placentaires, physiopathologie des thromboses veineuses
l’activation de la protéine C, la diminution de sont les différents mécanismes impliqués dans la observées dans le syndrome des antiphospholipides.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Horellou MH, Conard J et Samama MM. Anomalie héréditaire de la coagulation prédisposant aux thromboses.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1196, 2001, 4 p
Références
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82 : 601-609 (GEHT). Stratégie du diagnostic biologique des maladies hémorragiques et throm-
botiques constitutionnelles ou acquises. Sang Thromb Vaiss 1993 ; 5 : 27-36
[2] Bucciarelli P, Rosendaal FR, Tripodi A, Mannucci PM, De Stefano V, Palareti
G et al. Risk of venous thromboembolism and clinical manifestations in carriers of [5] Rosendaal FR. Risk factors for venous thromboembolic disease. Thromb Hae-
antithrombin, protein C, protein S deficiency, or activated protein C resistance: a most 1999 ; 82 : 610-619
multicenter collaborative family study. Arterioscleros Thromb Vasc Biol 1999 ;
19 : 1026-1033 [6] Simioni P, Sanson BJ, Prandoni P, Tormene D, Friederich PW, Girolami B
et al. Incidence of venous thromboembolism in families with inherited thrombo-
[3] Horellou MH, Conard J, Samama MM. Thrombophilie familiale. Encycl Méd philia. Thromb Haemost 1999 ; 81 : 198-202
Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Angéiologie, 19-
2080, 1997 : 1-6
4
¶ 1-1198
Anomalies de l’électrophorèse
des protéines du sang
C. Brousse
L’électrophorèse des protéines du sang reste un examen d’actualité, simple et de réalisation rapide. Sa
prescription et son interprétation, sous-tendues par le tableau clinique, reviennent le plus souvent au
médecin généraliste. Son indication la plus courante est l’exploration d’une élévation de la vitesse de
sédimentation. Elle permet de confirmer l’état inflammatoire ou infectieux, et oriente les investigations.
Elle est indispensable au suivi des gammapathies monoclonales.
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Plan Tableau 1.
Électrophorèse des protéines. Sérum normal.
¶ Introduction 1 Normes % g/l
¶ Modifications de la protidémie totale 2 alb 57 - 65 37 - 42
¶ Modifications de l’albumine 2 a1 2-4 1-3
¶ Modifications des a1-globulines 2 a2 6 - 10 4-7
b 8 - 12 5 -8
¶ Modifications des a2-globulines 2
c 12 - 19 8 - 12
¶ Modifications des b-globulines 2
¶ Modifications des c-globulines 2
Hypergammaglobulinémie monoclonale ou pic en c-globuline 2
Hypergammaglobulinémie polyclonale 4
Hypogammaglobulinémie 4
Profil oligoclonal ou restriction d’hétérogénéité des
gammaglobulines 5
¶ Conclusion 5
■ Introduction
La séparation par électrophorèse des protéines sériques
s’effectuait en routine sur gel d’agarose [1] . Actuellement
l’électrophorèse capillaire tend à remplacer l’ancienne techni- Figure 1. Électrophorèse des protéines. Sérum normal.
que [2]. Conduite sur une veine liquide contenue dans un tube
capillaire, elle autorise un très faible échantillon de sérum et L’électrophorèse doit être interprétée en fonction du taux de
permet une séparation rapide des protéines. L’identification et protéines sériques total qui subit des variations physiopatho-
la quantification se font en une seule étape. Quelle que soit la logiques. L’électrophorèse normale est représentée dans le
technique, la mobilité de chaque protéine est liée à sa charge Tableau 1 et la Figure 1.
électrique. Ainsi, cinq fractions sont individualisées : • Les principales a1-globulines sont : l’a1-antitrypsine (a1-AT)
• l’albumine, biochimiquement homogène, la plus importante (2 à 4 g/l) ; l’orosomucoïde (0,4 à 0,9 g/l) ; l’a1-
des protéines sériques ; antichymotrypsine (0,3 à 0,6 g/l).
• quatre groupes de globulines de migration a1, a2, b et c • Les principales a2-globulines sont : l’a2-macroglobuline (2 à
regroupant des protéines aux fonctions très différentes. 3,5 g/l) ; l’haptoglobine (0,6 à 1,8 g/l) ; la céruloplasmine
Leur variation quantitative apporte des informations quant (0,25 à 0,43 g/l) ; et l’a-lipoprotéine.
aux organes qui les synthétisent : • Les principales b-globulines sont : la transferrine (2 à 4 g/l) ;
• l’albumine, a1, a2 et b sont synthétisées par le foie ; le complément C3 (1 à 1,3 g/l) ; la b-lipoprotéine.
• les c-globulines ou immunoglobulines (Ig) sont synthétisées • c-globuline : IgG (8 à 18 g/l) ; IgA (0,9 à 4,5 g/l) ; IgM (0,6 à
par les lymphocytes B activés. 2,5 g/l) ; IgD ; IgE.
Tableau 2.
Modifications de la protidémie totale.
Hyperprotidémie Hypoprotidémie
Par augmentation de la masse Par diminution de la masse
protéique circulante : protéique circulante :
hypergammaglobulinémie défaut d’apport : malnutrition
mono- ou polyclonale défaut d’absorption
Par diminution de l’eau déperdition protéique cutanée,
vasculaire ; hémoconcentration : rénale, intestinale
insuffisance d’apport Par augmentation de l’eau
perte liquidienne : diarrhée, vasculaire, hémodilution :
vomissements, coup de chaleur surcharge hydrique
Tableau 4.
Modifications des a1-globulines.
Diminution Augmentation
Insuffisance hépatocellulaire Inflammation aiguë ou chronique,
Fuite protéique, associée alors associée alors à une augmentation
à une baisse de l’albumine, des a2-globulines
des a2- et b-globulines
Déficit en a1-antitrypsine
Tableau 3.
■ Modifications des a1-globulines
Modifications de l’albumine. (Fig. 3)(Tableau 4)
Bialbuminémie (Fig. 2) Hypoalbuminémie
Le déficit en a1-AT, protéase synthétisée par le foie, est une
Bialbuminémie génétique
maladie génétique.
Permanente Diminution de la synthèse Lorsque l’électrophorèse des protéines du sang est évocatrice,
- mutation génétique sans - insuffisance hépatocellulaire : il convient de mesurer la concentration sérique d’a1-AT par
conséquence pathologique cirrhose, hépatite grave dosage immunochimique et de caractériser le phénotype. En
Transitoire - inflammation effet, il existe plusieurs phénotypes dont la forme hétérozygote
- traitement par b-lactamine qui se Insuffisance d’apport PiMZ (2 à 4 % de la population) et la forme homozygote PiZZ
fixe sur une fraction de l’albumine - dénutrition chronique sévère (0,02 à 0,06 % de la population). La forme hétérozygote
et modifie sa migration Perte accrue s’accompagne d’un taux sérique d’a1-AT à 60 % de la normale,
- fistule pancréatique : lyse - urinaire : syndrome néphrotique la forme homozygote d’un taux sérique à 10 % de la normale.
intracavitaire de l’albumine Seuls les sujets homozygotes peuvent développer une sympto-
- digestive : entéropathie
par les enzymes pancréatiques matologie. La manifestation la plus fréquente est un emphy-
exsudative
- cutanée : brûlure sème de l’adulte jeune, mais on rapporte aussi des cirrhoses, des
atteintes pancréatiques et des ostéoporoses.
Tableau 5.
Modifications des a2-globulines.
Diminution Augmentation ou dédoublement
Insuffisance Syndrome inflammatoire
hépatocellulaire
Fuite protéique Syndrome néphrotique : par augmentation
de l’a2-macroglobuline (Fig. 4)
Dénutrition Syndrome néphrotique : hyper-a1 associée
à une hypoalbuminémie par fuite urinaire,
une hyper-b-globulinémie par augmentation
des b-lipoprotéines, et hypo-c-globulinémie,
en particulier dans la néphrose lipoïdique
Hémolyse : effon- Haptoglobine de phénotype différent, Figure 5. Bloc bc d’une cirrhose éthylique.
drement de l’hapto- sans signification pathologique : dédoublement
globine
Tableau 8.
Principales caractéristiques orientant vers un myélome ou une
gammapathie monoclonale bénigne.
Gammapathie mono- Myélome (Fig. 6)
clonale bénigne (Fig. 7) IgA monoclonal
Gammapathie monoclo- migrant en b au cours
nale bénigne du sujet âgé d’un myélome
Taux Ig IgG < 20 g/l IgG > 20 g/l
monoclonale IgA < 10 g/l IgA > 10 g/l
IgM < 5 g/l IgM > 5 g/l
Taux Ig normales Normal Diminué
Chaînes légères Absente ou < 300 mg/24 h > 1 g/24 h
dans les urines
Plasmocytose < 10 %, sans anomalie > 15 %, dystrophiques Figure 7. Gammapathie monoclonale bénigne du sujet âgé.
médullaire nucléaire
Anémie Absente Fréquente
Tableau 10.
Hypercalcémie Absente Possible Hypergammaglobulinémie polyclonale.
Lésions osseuses Absentes Fréquentes
Infections bactériennes
Infections parasitaires (toxoplasmose, leishmaniose, paludisme)
Infections virales (hépatite, VIH, EBV)
Tableau 9.
Maladies auto-immunes : syndrome de Gougerot-Sjögren (Fig. 8), lupus
Affections associées à une gammapathie monoclonale.
érythémateux diffus, cryoglobuline
Infections bactériennes aiguës ou chroniques Sarcoïdose
Infections virales aiguës ou chroniques (VIH, CMV, EBV) Affections hépatiques virales ou toxiques
Infections parasitaires aiguës ou chroniques Néphropathies, en particulier à dépôts d’IgA
Maladies auto-immunes : syndrome de Gougerot-Sjögren, lupus érythé-
VIH : virus de l’immunodéficience acquise ; EBV : virus d’Eptein-Barr.
mateux diffus, polyarthrite rhumatoïde
Déficits immunitaires primitifs
Déficits immunitaires acquis : allogreffe de moelle ou d’organes
Certaines tumeurs solides
Cirrhose, hépatite chronique
Maladies dermatologiques rares : mucinose papuleuse, pyoderma
gangrenosum, xanthome plan normocholestérolémique
VIH : virus de l’immunodéficience acquise ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus
d’Epstein-Barr.
Tableau 11.
Hypogammaglobulinémie.
Causes iatrogènes Fuites d’immunoglobulines
- corticothérapie - rénale : syndrome néphrotique
- immunodépresseurs - digestive : entéropathie exsudative,
- chimiothérapie anticancéreuse hémorragie digestive
- radiothérapie Déficit congénitaux de l’immunité
humorale
Hémopathies lymphoïdes
- déficit en IgA : le plus fréquent,
- myélomes à chaînes légères
1 individu sur 700 en Europe
ou non excrétants
- agammaglobulinémie liée au sexe :
- leucémie lymphoïde chronique
maladie de Bruton
- lymphome
- hypogammaglobulinémie
à expression variable
“ Points importants
• Les protéines identifiées par l’électrophorèse sont
Figure 9. Myélome à chaînes légères. toutes synthétisées par le foie, excepté les c-globulines
sécrétées par les lymphocytes B activés.
• Le déficit homozygote en a1-AT peut être responsable
d’une fibrose pulmonaire.
Au cours du myélome à chaînes légères, l’excès de chaînes
• Le bloc bc qui traduit une augmentation polyclonale
légères j ou k peut donner parfois un petit pic en b ou c-globu-
des IgA se rencontre fréquemment au cours de la cirrhose
lines, mais le plus souvent l’électrophorèse des protéines ne
éthylique.
montre que l’hypogammaglobulinémie en rapport avec la
répression de synthèse des immunoglobulines normales (Fig. 9).
• Un pic étroit en c-globuline correspond à une
L’immunoélectrophorèse ou l’immunofixation retrouve alors la immunoglobuline monoclonale synthétisée par un clone
chaîne légère dans le sang, voire les urines. Beaucoup plus de lymphocytes B. Il s’observe au cours des gammapathies
rarement, il peut s’agir d’un myélome non excrétant. Le bénignes de signification indéterminée ou de certains
diagnostic sera alors fait par l’étude en immunofluorescence des syndromes lymphoprolifératifs malins.
plasmocytes médullaires. • L’hypergammaglobulinémie polyclonale est fréquente
Certains déficits congénitaux de l’immunité humorale chez le sujet de race noire.
peuvent se révéler à l’âge adulte [9]. Ils sont évoqués devant des
infections bactériennes ou à entérovirus à répétition ; ils
s’accompagnent volontiers d’une hyperplasie des organes
lymphoïdes, de manifestations auto-immunes, de malabsorption
et de lymphomes en particulier digestifs. ■ Conclusion
Il faut savoir qu’il existe des hypogammaglobulinémies
transitoires au cours de certaines affections comme les viroses, L’électrophorèse est un examen de routine très informatif. Il
pneumopathies bactériennes et septicémies, diabète sucré permet de préciser les protéines sériques concernées au cours
déséquilibré. d’un syndrome inflammatoire biologique. Il détecte des situa-
tions pathologiques particulières telles que les gammapathies
monoclonales, la cirrhose éthylique et l’hypergammaglobuliné-
Profil oligoclonal ou restriction mie témoignant d’une stimulation humorale polyclonale.
d’hétérogénéité des gammaglobulines
Si l’amélioration des techniques d’électrophorèse de routine .
[4] Litwin CM, Anderson SK, Phillips G, Martin TB, Jaskowski TD, Pour en savoir plus
Hill HR. Comparison of capillary zone and immunosubstraction with
agarose gel and immunofixation electrophoresis for detecting and
identifying monoclonal gammapathies. Am J Clin Pathol 1999;112: Lemoine A, Pham P, Azoulay P, Saliba F, Emile JF, Saffroy R, et al. Detection
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Brousse C. Anomalies de l’électrophorèse des protéines du sang. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité
de Médecine Akos, 1-1198, 2008.
Élévation du cholestérol
et/ou des triglycérides
L. Foubert
La prévention des maladies cardiovasculaires passe par une prise en charge précoce et efficace des
facteurs de risque, en particulier lipidiques. Il est indispensable d’établir un diagnostic précis de la
dyslipidémie pour choisir le traitement et fixer l’objectif thérapeutique de chaque patient. Même si les
études de prévention visant à réduire le LDL-cholestérol ont clairement démontré une réduction de la
morbimortalité coronaire et de la mortalité globale, l’hypertriglycéridémie et l’hypo-HDL-émie, qui sont
au carrefour des autres facteurs de risque, doivent être prises en compte. Les seuils d’intervention et les
valeurs cibles dépendent du contexte clinique et des facteurs de risque associés, dont la prise en charge
sera conjointe. L’intervention diététique est le traitement de base pour toutes les dyslipidémies. En cas de
résultats insuffisants, un traitement médicamenteux sera proposé. Dans l’hypercholestérolémie pure et
les dyslipidémies mixtes prédominant sur le cholestérol, les statines représentent la classe thérapeutique
de référence car elle a démontré un bénéfice sur la morbimortalité cardiovasculaire. Dans
l’hypertriglycéridémie pure, les fibrates restent les plus efficaces. Les arguments pour traiter les
dyslipidémies sont maintenant solides et doivent emporter la conviction des médecins avant celle de leurs
patients.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
“ Point important
sont disponibles. Le plus souvent, le traitement est débuté à
posologie faible et adapté progressivement. La correction des
autres FdR doit être associée.
Catégories de patients à haut risque cardio- Les inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase ou statines représen-
vasculaire tent actuellement la classe thérapeutique de référence car elle a
1. Patients ayant un antécédent cardiovasculaire démontré un bénéfice sur la morbimortalité cardiovasculaire. En
France, nous disposons de la simvastatine (Zocor® et Lodales®),
(prévention secondaire) : maladie coronaire ou vasculaire
de la pravastatine (Elisor ® ou Vasten ® ), de la fluvastatine
(accident vasculaire cérébral [AVC] ischémique et (Lescol ® et Fractal ® ), de l’atorvastatine (Tahor ® ) et de la
artériopathie périphérique à partir du stade II). rosuvastatine (Crestor®). Ce sont des inhibiteurs compétitifs de
2. Patient ayant un diabète de type 2 en prévention l’enzyme clé dans la synthèse du cholestérol (l’HMG-CoA
primaire, mais avec un haut risque défini par une atteinte réductase) qui entraînent par rétrocontrôle une augmentation
rénale (protéinurie > 300 mg/24 h ou clairance de la des récepteurs membranaires des LDL (dont 70 % sont hépati-
créatinine < 60 ml/min) ou au moins 2 FdR parmi ceux des ques) et donc du catabolisme des LDL. Ces médicaments
facteurs de risque cardiovasculaire auxquels on ajoute représentent un progrès majeur dans le traitement de l’hyper-
dans ce cas la microalbuminurie > 30 mg/24 h. cholestérolémie pure : ils sont efficaces dans 95 % des cas,
3. Patients ayant un risque ≥ 20 % de faire un événement entraînant une baisse significative du LDL-C de 25 à 60 %. En
revanche, le HDL-C est peu modifié (élévation de 5 à 10 %). Les
coronarien dans les 10 ans (risque calculé à partir d’une
interférences médicamenteuses sont rares. La tolérance clinique
équation de risque). est en général bonne, à l’exception de myalgies (invalidantes
dans 5 % des cas). Biologiquement, une augmentation des
transaminases hépatiques et des créatines phosphokinases (CPK)
(à distance d’un effort musculaire inhabituel) est possible,
■ Conduite à tenir devant imposant leur surveillance régulière (à l’instauration du traite-
ment, puis tous les 6 à 12 mois lors des contrôles lipidiques
l’élévation du cholestérol pour les transaminases ; en l’absence de signes cliniques, la
par augmentation du LDL-C surveillance systématique des CPK n’est pas nécessaire). Une
élévation supérieure à trois fois la normale des transaminases ou
cinq fois la normale des CPK doit faire interrompre le traite-
Affirmer le diagnostic ment. Ils sont contre-indiqués chez la femme enceinte ou
susceptible de l’être. Chez l’enfant, la sécurité d’emploi n’est pas
d’hypercholestérolémie pure (Tableau 2)
bien établie, limitée aux données d’enfants ayant une hyper-
Le sérum à jeun est clair, le CT et le LDL-C sont augmentés, cholestérolémie familiale homozygote. Ils sont efficaces en une
les TG sont normaux, le HDL-C est variable. Pour la décision de prise unique au repas du soir, point essentiel de l’observance à
traiter, on ne raisonne plus sur le CT, mais sur le taux de HDL-C long terme. Selon la molécule, la posologie initiale est de 5 à
et le LDL-C calculé. 20 mg et la dose maximale de 40 à 80 mg.
La colestyramine (Questran®), molécule très ancienne, est une
résine non absorbée par la muqueuse intestinale. Elle séquestre
Quand traiter ? les acides biliaires, interrompt le cycle entérohépatique et
augmente l’élimination du cholestérol. Elle entraîne une baisse
Une intervention diététique est justifiée chez tous les patients durable des LDL qui se traduit par un abaissement moyen du
dont le LDL-C est supérieur à 1,6 g/l (4,1 mmol/l) et est souvent taux du CT d’environ 25 % et du taux de LDL-C d’environ
suffisante chez les patients sans ou avec 1 seul FdR associé. On 30 %. Une diminution de l’absorption de certains traitements
associe des conseils d’activité physique régulière (marche rapide est possible (antivitamines K en particulier), il est donc primor-
quotidienne de 30 minutes ou équivalent). dial de les prescrire à distance de la prise de colestyramine (au
En cas de résultats insuffisants après 3 à 6 mois de prise en minimum 90 minutes). L’observance est rendue difficile par la
charge diététique, qui sera poursuivie même si l’objectif n’est fréquence d’effets secondaires bénins, mais inconfortables :
pas atteint, un traitement médicamenteux est indiqué selon les constipation, nausées, ballonnement, plénitude gastrique,
éléments suivants : changement du goût. L’augmentation progressive de la posolo-
• chez tous patients sans autre FdR gardant un LDL-C supérieur gie est indispensable pour en améliorer la tolérance (commencer
à 2,2 g/l (5,7 mmol/l) ; par un sachet de 4 g/j en augmentant d’un sachet/j tous les 8 à
• chez les patients en prévention primaire, ayant un autre FdR 10 jours, jusqu’à la dose efficace de 3 à 6 sachets par jour). Il
et dont le LDL-C est supérieur à 1,9 g/l (4,9 mmol/l) ; est préférable de préparer le sachet à l’avance (la veille au soir).
• chez les patients en prévention primaire ayant deux autres L’augmentation possible des TG fait réserver ce traitement à
FdR et dont le LDL-C est supérieur à 1,6 g/l (4,1 mmol/l) ; l’hypercholestérolémie pure. Elle reste intéressante chez l’enfant.
• chez les patients en prévention primaire ayant trois FdR ou L’ézétimibe (Ezetrol®) est une molécule de classe nouvelle qui
plus et dont le LDL-C est supérieur à 1,3 g/l (3,4 mmol/l) ; inhibe l’absorption intestinale du cholestérol (blocage de la
• chez les patients à haut risque cardiovasculaire dont le LDL-C translocation vers l’entérocyte) qui permet une diminution du
LDL-C d’environ 20 % en monothérapie ou une baisse supplé-
est supérieur à 1 g/l (2,6 mmol/l).
mentaire de 20 à 25 % en association à une statine. C’est dans
ce dernier cadre qu’elle a reçu une autorisation de mise sur le
Comment traiter ? marché (AMM) afin de permettre l’obtention de l’objectif chez
les patients insuffisamment contrôlés sous statine seule.
Le régime est le traitement de base comme pour toutes les Les dérivés des fibrates ont actuellement une place restreinte
dyslipémies. Il doit être acceptable, simple à expliquer, compor- dans le traitement de l’hypercholestérolémie. Ils sont utilisés
tant un minimum d’interdits en indiquant les priorités : surtout en cas d’intolérance aux statines ou lorsque le taux du
diminution des apports en cholestérol, consommation quoti- HDL-C est bas, en raison de leur action positive sur ce paramè-
dienne en lipides inférieure à 30-35 % de la ration calorique, tre. L’acide nicotinique est habituellement mal toléré.
apports en graisses saturées inférieurs à 10 % et enrichissement Les associations statine/résine ou statine/ézétimibe sont
en graisses mono- et polyinsaturées, voire en stérols végétaux, synergiques. Ces associations seront donc utiles et remarquable-
augmentation de la consommation de légumes de fruits et de ment efficaces dans les grandes hypercholestérolémies si la
céréales. La consommation modérée d’alcool est autorisée, mais monothérapie par statine est insuffisante. En revanche, il ne
doit être limitée. faut pas en règle associer les statines aux fibrates (en particulier
Tableau 2.
Classification et caractéristiques des dyslipidémies.
Classification Classification Aspect CT LDL-C HDL-C TG Anomalies des Électrophorèse
simplifiée internationale du sérum lipoprotéines sur agarose
Hypercholestérolémie essentielle
Polygénique Type IIa ↑ ↑
Familiale hétérozygote Clair ↑↑ ↑↑ N ou ↓ N ↑ LDL ↑ Bêta
Familiale homozygote ↑↑↑ ↑↑↑
Hyperlipidémies mixtes
Combinée Type IIb Opalescent ↑ ou ↑↑ ↑ ou ↑↑ ↓ ou N ↑ ou ↑↑ ↑ VLDL et ↑ LDL ↑ Bêta
et prébêta
Dysbêtalipoprotéinémie Type III Opalescent ↑↑ ↑↑ ↑ IDL Bloc
(très rare) CT ≈ TG bêta-prébêta
Hypertriglycéridémies
Endogènes Type IV Opalescent N ou ↑ N ↓ ou N ↑ , ↑↑ ou ↑↑↑ ↑VLDL ↑ Prébêta
à lactescent TG/CT > 2,5
(en g/l)
Exogènes (très rares) Type I Surnageant N, ↓ ou ↑ ↓ ↓ ↑↑↑ Chylomicrons Chylomicrons
crémeux
type V id. + lactescent N, ↓ ou ↑ ↓ ↓ ↑↑↑ Chylomicrons + Chylomicrons +
↑VLDL prébêta
CT : cholestérol total ; LDL-C : low density lipoprotein cholesterol ; HDL-C : high density lipoprotein cholesterol ; TG : triglycérides.
le gemfibrozil) en raison du risque de potentialisation de En cas d’échec ou de résultats insuffisants après 3 à 6 mois
toxicité musculaire. Dans de très rares cas, notamment de de prise en charge diététique, un traitement médicamenteux est
dyslipidémies mixtes sévères en prévention secondaire, une telle indiqué :
association peut être néanmoins nécessaire sous surveillance • chez les patients gardant des TG supérieurs à 4 g/l pour
étroite. prévenir le risque de pancréatite ;
• chez les patients gardant des TG supérieurs à 2 g/l en cas de
Objectifs thérapeutiques diabète associé, ou d’hypo-HDL-émie associée (ce qui est
fréquemment le cas), car cela représente alors un risque
Les objectifs thérapeutiques sont individuels car il n’existe pas cardiovasculaire élevé.
de preuve absolue pour définir des seuils. Toutefois, ils peuvent Les niveaux d’intervention pour une élévation associée du
être modulés en fonction des autres FdR associés et du risque LDL-C sont identiques à ceux d’une élévation isolée du LDL-C.
global. En prévention secondaire, la valeur cible est inférieure à
1 g/l avec des données récentes en faveur d’un objectif encore
plus bas. Toutefois, le rapport bénéfice/risque de cette attitude Comment traiter ?
reste à évaluer.
Les dyslipidémies comportant une HTG sont fréquentes et
particulièrement sensibles à la diététique. Il est indispensable
■ Conduite à tenir devant d’obtenir la réduction d’un excès de poids, la réduction des
apports en glucides simples et en alcool. Il est également
une élévation isolée ou associée important d’insister sur la pratique d’une activité physique
régulière.
des triglycérides La diététique est adaptée en fonction de la dépendance :
• suppression de l’alcool et limitation des fruits (sensibilité
Affirmer le diagnostic croisée entre fructose et alcool) dans la forme alcoolodépen-
dante qui n’est pas la plus fréquente ;
On distingue en pratique (Tableau 2) : • limitation plus draconienne des sucres purs dans la forme
• l’hypertriglycéridémie endogène par augmentation isolée des
glucidodépendante ;
very low density lipoprotein (VLDL) (type IV) avec une élévation
• limitation calorique chez les sujets en surpoids.
dominante des TG. Le taux de CT est normal ou élevé par
« entraînement » (les VLDL contiennent quatre fois plus de Dans les hyperlipémies mixtes, on y associe les conseils
TG que de cholestérol) ; donnés dans l’hypercholestérolémie.
• les hyperlipidémies mixtes (type IIb, type III) : le CT et les TG Dans l’hypertriglycéridémie pure restant à plus de 4 g/l
sont élevés dans des proportions voisines par augmentation malgré la diététique, le traitement de première intention est
des particules VLDL, mais aussi LDL (intermediate density représenté par les fibrates de seconde génération. Les mécanis-
lipoprotein [IDL] dans le rare type III). mes d’action des fibrates sont maintenant éclaircis et passent
Nous ne détaillerons pas ici l’exceptionnelle hypertriglycéri- principalement par l’activation du PPARa (peroxisome proliferator
démie (HTG) exogène de type I (hyperchylomicronémie) dont activated receptor de type alpha) entraînant une activation de la
la prise en charge spécialisée est exclusivement diététique lipoprotéine lipase (enzyme primordiale de la dégradation des
(régime avec un apport lipidique limité à 10 % de l’apport particules riches en triglycérides) et une diminution de la
calorique). synthèse des VLDL. On observe ainsi un abaissement des VLDL
et des TG d’environ 50 %, et un abaissement du CT de 20 à
30 % aux dépens du LDL-C alors que le HDL-C augmente
Quand traiter ? d’environ 10 %.
Une HTG supérieure à 10 g/l représente une « urgence » avec Les différents fibrates sont très proches, mais la réponse
un risque de pancréatite pouvant justifier une hospitalisation. individuelle est variable et peut justifier, en cas d’échec d’un
Une intervention diététique est justifiée chez tous les patients premier, l’essai d’un autre. Tous peuvent être donnés en une
dont les TG sont supérieurs à 2 g/l. seule prise : fénofibrate 100 et 300 mg, micronisé 67, 160 et 200
L. Foubert (lucfoubert@orange.fr).
Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Foubert L. Élévation du cholestérol et/ou des triglycérides. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 1-1199, 2008.
Le bilan thyroïdien est couramment effectué pour diagnostiquer une pathologie thyroïdienne. Des
difficultés d’interprétation peuvent souvent apparaître résultant de dissociations entre les différents
paramètres dosés ou entre la clinique et la biologie. En fait, lors d’hypo- ou d’hyperthyroïdies modérées,
les hormones thyroïdiennes peuvent rester dans l’intervalle de référence. De plus, certains traitements ou
pathologies non thyroïdiennes, en altérant la synthèse, le transport ou le métabolisme des hormones
thyroïdiennes, peuvent modifier la concentration sérique de ces hormones ou exercer une action directe
sur la concentration de thyréostimuline. Enfin, des interférences dans les dosages peuvent engendrer des
concentrations anormales des paramètres dosés. Tous ces facteurs peuvent conduire à un diagnostic
erroné de pathologie thyroïdienne chez des patients qui en sont exempts et il est nécessaire d’effectuer des
investigations complémentaires si de telles anomalies sont suspectées avant de conclure définitivement.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Nous analyserons donc dans un premier temps les discor- Dissociations survenant en dehors
dances les plus fréquentes et les problèmes d’interférences
analytiques puis nous verrons l’importance des valeurs de
d’un contexte de pathologie thyroïdienne
référence. Certains médicaments, par leur action pharmacologique, ou
certaines pathologies non thyroïdiennes par les altérations
organiques qu’elles entraînent peuvent modifier l’un des
paramètres du bilan et conduire à des interprétations erronées.
■ Discordances biologiques Il faut noter que ces modifications, qui dépendent de la capacité
d’adaptation de la thyroïde et parfois du type de dosage utilisé,
ou clinicobiologiques explicables sont variables, voire imperceptibles individuellement car restant
dans l’intervalle de référence.
• Le jeûne et la diète, par inhibition du transport membranaire En dehors de ces cas classiques, il faut savoir qu’une
au niveau du foie et une inhibition de la désiodase de type I, interférence ponctuelle liée à la présence, dans le sérum,
entraînent aussi une élévation isolée de la concentration d’un composant particulier est toujours possible lors d’un
sérique de T4L. immunodosage et qu’il sera très difficile de la mettre en
• Certaines pathologies graves non thyroïdiennes, en particulier évidence. Le dosage du paramètre incriminé avec des réactifs
l’insuffisance rénale et la dialyse, peuvent entraîner une différents peut parfois résoudre le problème et des tests
diminution de la concentration sérique de T4L, voire dans particuliers (dilutions, surcharges) peuvent en laisser suppo-
certains cas une diminution concomitante des concentrations ser l’existence.
sériques de TSH et de T4L.
• Une diminution de la concentration sérique de T4L peut être
observée au 3e trimestre de la grossesse.
■ Valeurs de référence
Les valeurs de référence, souvent appelées valeurs normales
Cas particuliers ou usuelles, délimitent, pour un examen donné, un intervalle
à l’intérieur duquel les valeurs trouvées seront dites
Des concentrations sériques élevées de TSH et de T4L ou une « normales ».
concentration sérique de TSH normale avec une concentration Lors de l’interprétation d’un bilan, il convient de s’assurer
sérique de T4L élevée peuvent être observées dans les adénomes que les valeurs de référence utilisées correspondent bien à l’âge
hypophysaires avec sécrétion inappropriée de TSH [8] ou les du patient.
résistances aux hormones thyroïdiennes. [9] Ces cas sont très Nous rappelons les cas où des différences peuvent être
rares et il ne faudra les évoquer qu’après élimination des observées.
interférences analytiques et plusieurs contrôles successifs avec
d’autres systèmes de dosage.
En fonction de l’âge
■ Interférences analytiques • Nouveau-né : pic de TSH plasmatique juste après la nais-
sance, élévation progressive de la concentration sérique de
Lorsque les situations précédentes ne peuvent être mises en T3 (pratiquement inexistante à la naissance) et concentra-
cause, il faut penser à d’éventuelles interférences analyti- tion sérique plus élevée de la T4 durant le premier mois de
ques. [10] Une interférence analytique est liée à la présence, dans la vie.
le sérum d’un patient donné, d’un composant qui perturbe le • Enfant : seule la concentration sérique de T3 est significative-
schéma réactionnel et induit un résultat faux. ment plus élevée chez l’enfant que chez l’adulte.
Certaines interférences analytiques sont bien connues et • Adulte : pas de différence entre l’homme et la femme.
peuvent facilement être mises en évidence par des techniques • Personnes âgées : on a pu noter une baisse significative de
appropriées. D’autres sont ponctuelles et ne sont pas facilement la concentration sérique de T 3 par rapport au groupe
détectables. C’est au biologiste, en fonction des indications précédent. Les variations de TSH observées ne sont pas
fournies par le clinicien, d’explorer éventuellement ces constantes et dépendent beaucoup de l’état physique de ces
interférences. personnes.
Citons dans les interférences connues :
• les anticorps anti-TSH (rares) ou antigammaglobulines de souris
(HAMA : human anti mouse antibody) faciles à neutraliser ;
• les anticorps dirigés contre l’un des constituants de la phase
En fonction de rythmes biologiques
solide ou l’un des réactifs (plus difficiles à détecter) ; Ils concernent essentiellement la TSH qui présente un
• les facteurs rhumatoïdes pouvant se comporter comme des rythme circadien avec un maximum de sécrétion entre
anticorps hétérophiles et donner lieu à des interférences dans 1 heure et 2 heure et un minimum en milieu de journée. Ces
le dosage de la TSH ; modifications, qui n’ont en général pas de retentissement sur
• les anticorps anti-T4 ou anti-T3 (dépistage facile) ; les bilans compte tenu de l’heure des prélèvements, peuvent
• la présence d’albumine anormale (dysalbuminémie) ayant cependant avoir une incidence lors de comparaison de bilans
une forte affinité pour les hormones thyroïdiennes ; effectués à des heures très différentes. D’autre part, ces
• des modifications importantes des concentrations sériques rythmes peuvent être perturbés chez des patients travaillant la
protéiques qui perturbent les dosages. nuit.
“ Points forts
• La détermination de la concentration sanguine de TSH est actuellement le meilleur test pour dépister une dysthyroïdie. Cependant,
compte tenu d’interférences toujours possibles, les résultats doivent être confortés par la clinique et/ou l’imagerie.
• En début de grossesse, la concentration de TSH peut être abaissée en dehors de toute hyperthyroïdie et l’interprétation des résultats
doit tenir compte de cette éventualité.
• Les interférences analytiques sont variables suivant les techniques utilisées et parfois difficiles à identifier. Des résultats incohérents
et fluctuants selon les laboratoires doivent alerter le biologiste et le clinicien.
• La détermination de la concentration de la fraction libre des hormones thyroïdiennes est un exercice particulièrement difficile qui
peut être mis en défaut dès que les réactions d’équilibre biologique sont perturbées. Il en résulte des intervalles de référence peu précis
et des perturbations lors de pathologies non thyroïdiennes affectant ces équilibres.
• Lors de l’instauration de traitements à visée thyroïdienne ou de modification de posologie, la normalisation de la concentration
sanguine de TSH demande quelques semaines. La vérification de l’efficacité du traitement doit donc tenir compte de ce délai.
Remarques à propos de ces valeurs de référence. • Les valeurs de référence sont déterminées statistiquement.
• Les paramètres dosés lors d’un bilan thyroïdien sont effec- Il est toujours possible, pour un sujet, de s’écarter de
tués (excepté le dosage de l’iodure) par immunodosages. Ces cette statistique pour un paramètre donné. Il conviendra
techniques peuvent donner des valeurs légèrement différen- cependant de n’arriver à cette conclusion qu’après
tes suivant les réactifs utilisés. Les résultats doivent donc avoir répété le dosage à plusieurs mois d’intervalle et
toujours être interprétés en fonction d’intervalles se référant s’être assuré qu’aucune pathologie n’est sous-jacente
à la technique utilisée et de préférence déterminés au niveau (bilan complémentaire, y compris le bilan immuno-
du laboratoire. logique).
“ Points essentiels
Résumé des principales dissociations du bilan.
Une concentration sérique* de TSH normale avec une concentration sérique de T4L augmentée peut se rencontrer dans :
• les traitements par la T4
• les traitements par l’amiodarone
• les sécrétions inappropriées de TSH ou les syndromes de résistance hypophysaire (très rares)
• les interférences analytiques suivantes : autoanticorps anti-T4 ou anti-T3, hyperthyroïdies avec anticorps hétérophiles
Une concentration sérique de TSH normale avec une concentration sérique de T4L diminuée peut se rencontrer dans :
• les traitements par antithyroïdiens de synthèse
• les traitements par inducteur enzymatique (barbiturique, carbamazépine, hydantoïne)
• la grossesse au 3e trimestre
• les insuffisances rénales
• les hypothyroïdies d’origine centrale (la T3L est basse)
Une concentration sérique de TSH augmentée avec une concentration sérique de T4L augmentée peut se rencontrer dans :
• les hypothyroïdies traitées par la T4 en début d’équilibration
• les hypothyroïdies avec interférence analytique dans le dosage de T4L
• les sécrétions inappropriées de TSH ou les syndromes de résistance hypophysaire (très rares)
Une concentration sérique de TSH augmentée avec une concentration sérique de T4L normale peut se rencontrer dans :
• les hypothyroïdies non traitées tant que la thyroïde stimulée peut assurer une production suffisante de T4
• les hypothyroïdies traitées par la T4 en phase d’équilibration
• les thyroïdites de de Quervain en phase de récupération
Une concentration sérique de TSH diminuée avec une concentration sérique de T4L diminuée peut se rencontrer dans :
• les traitements par la T3 (ou par un dérivé de la T3) ; dans ce cas, la concentration sérique de T3L est augmentée
• les traitements par antithyroïdiens de synthèse (concentration sérique de T3L le plus souvent normale)
• les hypothyroïdies d’origine centrale (concentration sérique de T3L normale ou abaissée)
Une concentration sérique de TSH diminuée avec une concentration sérique de T4L normale peut se rencontrer dans :
• les traitements freinateurs par la T4
• les traitements par antithyroïdiens de synthèse
• les hyperthyroïdies autonomes
• les thyroïdites de de Quervain en phase d’évolution
• les maladies de Basedow sur thyroïde opérée ou traitée par irathérapie (situations avec peu de tissu thyroïdien stimulé)
• les traitements par corticoïdes, dopamine et ses agonistes
• les dépressions majeures
• la grossesse au premier trimestre (rôle de l’hCG)
N.B. : lors de pathologies graves non thyroïdiennes ou de pathologies atteignant des tissus jouant un rôle majeur dans les
désiodations et la synthèse des protéines porteuses (rein, foie), des perturbations du bilan thyroïdien sont fréquentes et souvent
difficiles à interpréter.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Izembart M. Conduite à tenir face à un bilan thyroïdien anormal. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 1-1200, 2005.
L’élévation des créatines phosphokinases (CPK) traduit une souffrance cellulaire et s’observe dans de mul-
tiples circonstances. En l’absence de toute symptomatologie d’orientation, le dosage des CPK-MB permet
de distinguer les rares infarctus du myocarde silencieux des nombreuses situations pathologiques ou non
à répercussion musculaire, responsables d’une élévation des CPK-MM, qu’il faut envisager méthodique-
ment. L’élévation des CPK peut s’intégrer dans un contexte clinique évocateur où elle constitue un critère
diagnostique de certaines pathologies (cardiovasculaire, neurologique et surtout musculaire). Enfin, une
élévation des CPK est rapportée dans un certain nombre de situations au cours desquelles leur inté-
rêt diagnostique est limité, voire anecdotique. Lorsqu’une affection musculaire est suspectée, un certain
nombre d’examens complémentaires d’orientation, puis de confirmation, au premier rang desquels se
trouve la biopsie musculaire, permettent d’étayer le diagnostic.
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Les myopathies mitochondriales, se traduisant par une intolé- • pathologie psychiatrique : élévation des CPK-MM au cours de
rance à l’effort, isolée ou dans le cadre d’une atteinte systémique manifestations psychotiques aiguës ou en rapport avec la prise
(ophtalmoplégie, atteinte neurologique centrale, etc.), entraînent de psychotropes ;
une élévation habituellement modérée des CPK. • pathologie respiratoire : le syndrome d’apnées du sommeil est
La myopathie à bâtonnets, souvent confondue avec une myo- susceptible d’élever du taux de CPK avec normalisation de ce
site sévère, peut être soit héréditaire, soit sporadique associée à paramètre avec le traitement par ventilation à pression positive.
une dysglobulinémie ou plus rarement à une infection par le VIH, L’infarctus pulmonaire et la pneumopathie peuvent entraîner
s’accompagne d’un taux de CPK normal ou faiblement augmenté. une élévation des CPK ;
Au cours des myopathies inflammatoires idiopathiques, • pathologie néoplasique : cancer prostatique (CPK-BB), tumeurs
l’élévation des CPK s’observe dans plus de 90 % des polymyosites, neuroendocrines, dont anaplasiques à petites cellules (CPK-
de 70 à 90 % des dermatomyosites et dans 80 % des myosites à MB), et diverses autres néoplasies au cours desquelles l’élévation
inclusion. Le taux, habituellement de l’ordre de dix fois la nor- porte sur la CPK-BB ou la macro-CPK de type 2.
male, peut parfois dépasser 100 fois la limite supérieure, mais n’est
pas à lui seul un facteur pronostique. Il est plus élevé dans les der-
matopolymyosites que dans les myosites à inclusion où le taux
reste en deçà de 12 fois la normale. Le taux de CPK est généra- Examens complémentaires
lement bien corrélé à l’activité de la maladie, son augmentation
ou sa diminution pouvant précéder les poussées ou les rémissions Lorsqu’une affection musculaire est suspectée, soit d’emblée
cliniques. Néanmoins, une minorité de patients, particulièrement chez un patient présentant des symptômes musculaires, soit
au cours de stades très évolués de la maladie avec amyotrophie, après exclusion des autres causes d’élévation des CPK chez
présente des CPK normales alors que la myosite est active. Une élé- un patient asymptomatique, un certain nombre d’examens
vation des CPK-MB peut s’observer en l’absence de toute atteinte complémentaires permettent d’étayer le diagnostic [3] .
cardiaque et provient de fibres musculaires squelettiques imma-
tures ou régénératives.
La myopathie nécrosante auto-immune, d’identification Examens d’orientation
récente, mais plus fréquente que la polymyosite, associe une
atteinte musculaire rapidement évolutive et un taux de CPK très
Électromyogramme (EMG)
élevé (souvent > 10 000 UI/l). Il permet de distinguer les atteintes myogènes, myositiques,
Une élévation modérée des CPK est possible avec des signes myotoniques et neurogènes, et oriente la biopsie. En cas
musculaires minimes ou absents au cours des connectivites, des d’élévation asymptomatique des CPK, la présence d’anomalies
vascularites et de la sarcoïdose et exceptionnellement au cours des à l’EMG a une bonne valeur prédictive pour l’existence d’une
spondylarthropathies et de la maladie de Crohn. pathologie organique à la biopsie. L’EMG sur fibre unique a une
Les myosites infectieuses (VIH, HTLV-1, coxsackie, adénovirus, sensibilité augmentée par rapport à l’examen standard.
virus de l’hépatite C [VHC], toxoplasme, trichine, Borrelia burgdor-
feri, etc.) peuvent être en cause.
Imagerie
Il s’agit du scanner (si suspicion de myopathies), de l’imagerie
Pathologie neurologique par résonance magnétique (IRM) (si suspicion de myosite ou bilan
de rhabdomyolyse) qui dépistent une atteinte infraclinique, pré-
La pathologie neurologique [4] est une cause non rare de symp- cisent l’extension des lésions, orientent le siège de la biopsie
tômes musculaires. Le dosage des CPK chez un patient présentant musculaire (ou de la fasciotomie dans le syndrome des loges).
une faiblesse musculaire ou des myalgies est habituellement uti- L’échocardiographie à la recherche d’une cardiomyopathie doit
lisé pour différencier une atteinte primitivement musculaire d’une être systématique, son existence permettant d’orienter le bilan
affection neurologique. Cependant, une élévation modérée des étiologique (myopathie de Becker, etc.).
CPK est rapportée dans 35 à 70 % des cas de sclérose latérale
amyotrophique et dans 30 à 50 % des amyotrophies spinales pro-
gressives. Le type infantile, du fait de sa présentation proximale, Explorations métaboliques
peut constituer un diagnostic différentiel difficile avec les myopa- On les pratique s’il y a intolérance à l’exercice :
thies. Au cours de la forme juvénile, l’élévation des CPK peut être • test de lactacidémie d’effort :
très importante. ◦ absence d’élévation des lactates : myopathie métabolique ;
Une augmentation modérée peut s’observer au cours des neu- ◦ forte élévation des lactates : myopathie mitochondriale ;
ropathies périphériques, du syndrome postpoliomyélitique et de • spectroscopie de résonance magnétique du phosphore : elle étu-
la neuroacanthocytose. die le spectre métabolique du muscle et oriente le diagnostic
À l’exception de l’amyotrophie spinale juvénile, l’élévation des en fonction du pic de phosphocréatine et de la variation du
CPK au cours de ces affections neurologiques est modérée, ne potentiel hydrogène (pH).
dépassant pas six fois la limite supérieure de la normale.
Les crises comitiales généralisées entraînent une élévation de
la CPK-MM qui peut être une aide au diagnostic de l’épilepsie Examens de confirmation
par rapport aux syncopes vasovagales ou cardiaques et aux crises
psychogènes. Plusieurs examens sont réalisables :
• biopsie musculaire : analyses morphologiques, histoenzymolo-
giques, immunocytochimiques, ultrastucturales :
◦ dystrophinopathies (mise en évidence de la protéine
Élévation des créatines défaillante) ;
phosphokinases ◦ myopathies métaboliques (surcharge en glycogène, déficit
enzymatique) ;
dans des situations particulières ◦ myopathies mitochondriales (ragged red fibers, déficit de
la chaîne respiratoire, mutations de l’acide désoxyribonu-
Une élévation des CPK est rapportée dans un certain nombre de cléique [ADN] mitochondrial) ;
situations au cours desquelles leur intérêt diagnostique est limité, ◦ polymyosite (inflitrats périmyocytaires, cluster de différen-
voire anecdotique : ciation 8 [CD8], tunélisation, expression musculaire diffuse
• pathologie cérébrale : augmentation de la CPK-MB au cours des de human leucocyte antigen [HLA] de classe I) ;
accidents ischémiques cérébraux, des hémorragies cérébrales, ◦ dermatomyosite (atrophie périfasciculaire, infiltrats CD4
des traumatismes crâniens et des méningites ; périvasculaires, lésions vasculaires) ;
“ Point important
L’élévation des créatines phosphokinases (CPK) traduit une souffrance cellulaire le plus souvent du muscle strié squelettique (CPK-
MM), plus rarement du muscle cardiaque (CPK-MB), du cerveau ou des poumons (CPK-MB et BB).
Le dosage doit toujours être réalisé à distance d’une activité physique.
En l’absence de contexte pathologique, il faut rechercher en premier lieu une prise de toxiques (alcool, etc.) ou de médicaments
(statines, etc.).
L’élévation des CPK est un marqueur essentiel des pathologies musculaires héréditaires ou acquises, mais leur normalité ne permet
pas de les éliminer.
En cas d’élévation chronique et isolée des CPK chez des patients a- ou paucisymptomatiques, la biopsie musculaire permet d’obtenir
un diagnostic de myopathie héréditaire ou acquise chez un certain nombre d’entre eux.
◦ myosite à inclusions (vacuoles bordées contenant des dépôts les analyses biochimiques centrées sur le métabolisme du gly-
amyloïdes et/ou des tubulofilaments en microscopie électro- cogène sont indispensables pour confirmer certains diagnostics,
nique) ; chez des patients dont la biopsie est normale ou subnormale en
◦ myopathie nécrosante auto-immune (nécrose/régénération analyse morphologique.
floride, très peu ou pas d’inflammation) ;
◦ susceptibilité à l’hyperthermie maligne (tests de contracture
in vitro à l’halotane et à la caféine) ; Références
• biologie moléculaire : la caractérisation de l’anomalie génique
à partir du sang périphérique est possible dans certaines myo-
[1] Kyriakides T, Angelini C, Schaefer J, Sacconi S. EFNS guidelines on
pathies (dystrophinopathies, maladie de Steinert, myopathies
the diagnostic approach to pauci- or asymptomatic hyperCKemia. Eur
facio-scapulo-humérale et oculopharyngée, etc.) ; J Neurol 2010;17:767–73.
• dosage de l’activité de la maltase acide leucocytaire (maladie de [2] Mor M, Wortmann RL, Mitnick HJ, Pillinger MH. Drugs causing
Pompe). muscle disease. Rheum Clin N Am 2011;37:219–31.
En cas d’élévation chronique et isolée des CPK chez des [3] Dimitri D, Eymard B. Myopathies inflammatoires, myopa-
patients a- ou paucisymptomatiques [1] , la biopsie musculaire per- thies nécrosantes auto-immunes, myopathies génétiques de
met d’obtenir un diagnostic dans 16 à 63 % des cas selon les l’adulte : frontières diagnostiques. Rev Med Interne 2012;33:
séries. Ce pourcentage est d’autant plus élevé que le taux de 134–42.
CPK est augmenté et que les patients sont jeunes. Trois étiologies [4] Puget M, Zenone T. Interprétation d’une élévation du taux de CPK
dominent : les glycogénoses (42 %), les dystrophies musculaires et LDH. In: Rousset H, Vital-Durand D, Dupond JL, Pavic M, edi-
(21 %) et les myopathies inflammatoires (16 %). Les techniques tors. Diagnostics diffıciles en médecine interne. Paris: Maloine; 2008,
immunohistochimiques permettant d’étudier la dystrophine et p. 197–206.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Laraki R. Créatines phosphokinases élevées. EMC - Traité de Médecine Akos 2013;8(3):1-6 [Article 1-1210].
L’estimation de la fonction rénale est basée sur le dosage de substances endogènes mais aucune de ces
substances ne possède toutes les caractéristiques d’un marqueur idéal. La créatinine sérique reste le
moyen le plus simple pour évaluer la fonction rénale même si son dosage est affecté par de multiples
facteurs qui font varier son taux sérique sans modification de la fonction rénale. Son principal défaut est
de ne pas faire le diagnostic de l’insuffisance rénale débutante (débit de filtration glomérulaire compris
entre 120 et 60 ml/min) du fait d’une sécrétion tubulaire. La créatinine sérique est utilisée par les
formules de Cockcroft et modification of diet in renal disease (MDRD) qui permettent une approche plus
précise de la filtration glomérulaire. La performance relative des deux formules est à peu près identique
avec le même manque de précision dans certaines situations cliniques. L’urée sanguine et la clairance de
la créatinine endogène ne doivent pas être utilisées car ces deux méthodes sont soumises à de
nombreuses causes d’erreur. Les méthodes isotopiques sont précises mais réservées aux essais
thérapeutiques. L’évaluation de la fonction rénale reste un challenge pour le médecin.
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Mots clés : Créatinine ; Formule de Cockcroft ; Formule MDRD ; Mesures de référence ; Cystatine C
Tableau 1. Tableau 3.
Classification de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en Facteurs influençant la génération de créatinine.
santé (Anaes) de l’insuffisance rénale chronique (IRC).
Facteur Effet sur la créatinine sérique
Stade Clairance estimée par la Interprétation Âge Diminution
formule de Cockcroft
Sexe féminin Diminution
1 > 60 ml/min avec marqueurs Néphropathie chronique sans
d’atteinte rénale IRC Race (référence : race blanche)
2 Entre 60 et 30 ml/min IRC modérée - Noire Augmentation
3 Entre 30 et 15 ml/min IRC sévère - Hispanique Diminution
4 < 15 ml/min IRC terminale - Jaune Diminution
Les marqueurs d’atteinte rénale sont : la protéinurie > 0,3 g/j, la microalbuminurie Mode de vie
entre 30 et 300 mg/j, la leucocyturie > 5 103/ml ou 5/mm3, l’hématurie > 5 103/ml - Musculation Augmentation
ou 5/mm3, les anomalies du parenchyme rénal à l’échographie (petit rein,
hydronéphrose, atrophie segmentaire...), les anomalies histologiques (lésions - Amputation Diminution
vasculaires, interstitielles...). - Obésité Pas de modification
Affections chroniques
Tableau 2. - Malnutrition, inflammation Diminution
Classification américaine de la maladie rénale chronique (chronic kidney (cancer, maladies cardiovasculaires, Diminution
hospitalisation)
disease).
- Maladies neuromusculaires
Stade DFG estimé par la formule Description
MDRD Régime alimentaire
- Type végétarien Diminution
1 > 90 ml/min Maladie rénale chronique avec
DFG normal ou élevé - Type carné Augmentation
2 60 à 89 ml/min Maladie rénale chronique avec - Type protéine végétale ou poisson ou Pas de modification
diminution minime du DFG œuf
3 30 à 59 ml/min Diminution modérée du DFG Les variations de la masse musculaire sont le principal facteur de la variation de
génération de la créatinine.
4 15 à 29 ml/min Diminution sévère du DFG
5 < 15 ml/min Insuffisance rénale
DFG : débit de filtration glomérulaire ; MDRD : modification of diet in renal disease. Tableau 4.
La maladie rénale chronique est définie par une protéinurie persistante (> 0,3 g/j) Facteurs influençant les sorties de créatinine.
à deux occasions.
Facteur Effet sur la créatinine sérique
Insuffisance rénale Augmentation de la sécrétion tubu-
À l’inverse, une faible réabsorption tubulaire d’eau (comme laire : baisse de la créatinine sérique
au cours de toutes les polyuries) est associée à une diminu- Insuffisance rénale Augmentation de la sécrétion diges-
tion de l’urée sanguine. tive : baisse de la créatinine sérique
Le dosage de l’urée sanguine est parfois demandé par le
Médicaments (cimétidine Diminution de la sécrétion tubulaire :
néphrologue chez le malade insuffisant rénal chronique au et triméthoprime) augmentation de la créatinine sérique
stade terminal pour évaluer son intoxication azotée (stade 4 de
la classification de l’Agence nationale d’accréditation et d’éva- Orthostatisme/clinostatisme Augmentation en orthostatisme
luation en santé [Anaes] [1] ou stade 5 de la classification Jour/nuit Augmentation durant le jour
américaine de maladie rénale chronique [2]) (Tableaux 1, 2).
■ Formules permettant d’estimer • aux poids extrêmes (index de masse corporelle inférieur à
20 ou supérieur à 30) ou lorsque le poids ne reflète pas la
la clairance de la créatinine masse maigre (œdèmes) ;
ou le débit de filtration • chez les sujets ayant une fonction rénale normale (DFG
supérieur à 90 ml/min).
glomérulaire La clairance de Cockcroft est systématiquement calculée par
les laboratoires d’analyses de ville devant toute demande de
. Il existe de nombreuses formules permettant d’estimer la créatinine sérique depuis février 2003 à la suite d’une recom-
clairance de la créatinine ou le DFG à partir de la créatinine ou mandation de la Haute Autorité de santé (HAS).
de la cystatine C sérique [11-18].
Deux formules sont principalement utilisées : la formule de
Cockcroft [19] et la formule modification of diet in renal disease Formule MDRD
(MDRD) [6, 20].
Formule de Cockcroft
Formule de la clairance de Cockcroft et Gault “ Point fort
(140 – âge) × poids (en kg)
Chez l’homme : ————————————— Formule MDRD (estimation du débit de filtration
0,814 × créatinine (µmol/l)
glomérulaire)
(140 – âge) × poids (en kg) • Formule MDRD complète initiale :
Chez la femme : ————————————— × 0,85 170 × créatinine sérique–0,999 × âge–0,176 × 0,762 (pour
0,814 × créatinine (µmol/l)
une femme) × 1,18 (race noire) × urée sérique–0,170 ×
albuminémie+0,318
La clairance de Cockcroft doit être normalisée sur la surface
Après standardisation du dosage de la créatinine
corporelle.
sérique, le coefficient de correction n’est plus 170 mais
Surface corporelle (m2) : √ Poids (kg) × taille (cm)
————————————
3600
161,5.
• Formule MDRD abrégée initiale :
186,3 × créatinine sérique–1,154 × âge–0,203 × 0,742
Clairance (pour une femme) × 1,212 (race noire)
Clairance de Cockcroft normalisée : ————————— × 1,73
Surface corporelle Après standardisation du dosage de la créatinine
sérique, le coefficient de correction n’est plus 186,3 mais
La formule de Cockcroft est une estimation de la clairance de
175.
la créatinine endogène et non pas du DFG. En effet dans leur
• La créatinine sérique est en mg/dl.
travail, Cockcroft et Gault ont mis au point leur formule chez
• La clairance MDRD n’a pas à être corrigée pour la
des malades dont ils avaient mesuré la clairance de la créatinine
surface corporelle.
endogène à partir de deux dosages de la créatinurie des 24 heu-
res dont les résultats étaient très proches. Ils ont alors fait un
calcul de régression de la créatinurie des 24 heures en fonction
du poids et de l’âge. Les dosages ont été réalisés chez 250 mala-
des hospitalisés de race blanche, âgés de 18 à 92 ans. Il y avait La formule MDRD donne une estimation du DFG. Cette
peu de sujets âgés de plus de 80 ans (7 %) et peu de femmes formule a été mise au point en 1999 à partir de DFG mesurés
(4 %). par une méthode de référence (clairances isotopiques) et des
La corrélation entre la clairance calculée par la formule mise caractéristiques cliniques et biologiques (âge, sexe, poids, taille,
au point et la clairance de la créatinine endogène sur l’ensemble race, urée sanguine et albuminémie) de 1 628 patients. Une
de la population étudiée est bonne (r = 0,83) mais la dispersion grande partie de ces patients avait participé à une étude
des valeurs à l’échelon individuel est parfois importante. Chez conduite aux États-Unis dans les années 1990 sous l’acronyme
la femme, un coefficient de correction (-15 %) est appliqué sur MDRD [21]. Le but de cette étude était d’évaluer chez plus de
la base d’une créatinurie inférieure de 10 % à 20 % par rapport 800 malades insuffisants rénaux l’impact d’un régime limité en
à l’homme. À noter qu’il faut normaliser la valeur calculée par protéine sur la progression de la néphropathie.
la formule sur la surface corporelle. La complexité de la formule (même dans sa version simpli-
Les limites de cette formule sont évidentes car : fiée) nécessite un ordinateur de poche ou une calculatrice on
• elle donne une estimation de la clairance de la créatinine line (www.kdoqi.org → Professionals → Clinical tools → GFR
endogène dont on a vu l’imprécision (cf. supra) ; calculator). À l’inverse de la formule de Cockcroft, la formule
• elle n’est utilisable stricto sensu que chez les hommes, âgés MDRD est normalisée sur la surface corporelle.
de moins de 80 ans, de race blanche et en situation d’agres- La corrélation entre le DFG mesuré par une méthode de
sion (puisque tous les patients étaient hospitalisés). référence et le DFG estimé par la formule MDRD est bonne (r
Malgré ces limites, il faut systématiquement utiliser la = 0,88) et légèrement supérieure à celle de la formule de Cockcroft
formule de Cockcroft car : (cf. supra).
• elle aide à déterminer le stade d’insuffisance rénale chroni-
que, ce qui implique une prise en charge et une thérapeuti-
que adaptée ;
• elle a l’immense avantage d’éviter la surestimation de la
Performances comparées des deux formules
fonction rénale, en particulier chez les sujets âgés. pour évaluer la fonction rénale
En plus des limites liées à la conception de la formule, la
clairance de Cockcroft est imprécise : Plusieurs études ont comparé la performance des formules de
• aux âges extrêmes (plus de 75 ans et moins de 25 ans). Elle Cockcroft et MDRD pour évaluer la fonction rénale dans
n’est par ailleurs pas utilisable chez la femme enceinte et chez différentes populations et dans différentes situations clini-
l’enfant ; ques [20, 22-25]. Les résultats sont discordants. Certaines études
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B. Dussol (bdussol@ap-hm.fr).
N. Jourde-Chiche.
Centre de néphrologie et de transplantation rénale, Hôpital de la Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 5, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dussol B., Jourde-Chiche N. Fonction rénale : comment la mesurer ? Comment interpréter les mesures ?.
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-1224, 2009.
La mesure de l’activité sérique des transaminases est l’un des tests biologiques les plus couramment
effectués en routine. La situation la plus fréquente dans la pratique quotidienne est la découverte fortuite
d’une élévation des transaminases chez un patient asymptomatique. Lorsque l’on se trouve face à ce type
de patient, il importe d’avoir présentes à l’esprit les quatre questions suivantes : est-ce significatif ? Quelle
en est la cause ? Jusqu’où faut-il aller dans la conduite des explorations chez un patient asymptomatique ?
Quand faut-il adresser le patient au spécialiste ?
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Définition
Toxique
On entend par élévation chronique des transaminases une
Deux situations doivent être présentes à l’esprit compte tenu augmentation habituellement modérée (inférieure à dix fois la
de leur gravité : les intoxications aiguës par le paracétamol et limite supérieure de la normale), retrouvée à plus de six mois
par l’amanite phalloïde. Leur présentation est celle d’une hépa- d’intervalle. Il s’agit de loin de la situation la plus fréquente. Les
tite subfulminante ou fulminante associant une encéphalopathie lésions hépatiques du syndrome métabolique (stéatose et hépa-
hépatique avec des signes biologiques d’insuffisance hépatique tite pseudoalcoolique), l’abus d’alcool et les hépatites chroniques
(chute entre facteur V et complexe prothrombinique en des- B et C en représentent les trois grandes causes. D’autres causes,
sous de 30 %). Elles réalisent une nécrose hépatique pouvant être plus rares, doivent être envisagées systématiquement dans un
mortelle, et nécessitent le transfert urgent en réanimation hépa- deuxième temps. Les différentes causes à rechercher en pratique
tologique. sont résumées sur la Figure 2.
Interrogatoire (médicaments,
alcool, diabète)
Examen clinique
Sérologies virales
Négatives Positives
Hépatite Hépatite
Stéatose chronique B chronique C
Hémochromatose Hépatite
Maladie de
Fer sérique auto-immune
Wilson
Saturation Déficit en Anticorps
Cuprémie
transferrine α1-AT sérique antinucléaires,
Cuprurie
Ferritinémie anti-LKM1,
Céruloplasmine
Étude génomique antimuscles lisses
Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite pratique à tenir devant une élévation chronique des transaminases. ALAT : Alanine-aminotransférase ; GGT : gamma-
glutamyltranspeptidase ; VGM : volume globulaire moyen ; TG : triglycérides ; VHC : virus de l’hépatite C ; PBH : ponction-biopsie hépatique ; ␣1-AT : ␣1-
antitrypsine ; LKM : anticorps antimicrosomes de foie et de rein.
microscopie optique, au sein du cytoplasme des hépatocytes) de anormale du fer au niveau du foie et de différents organes. Cette
l’hépatite pseudoalcoolique (fibrose, infiltrat inflammatoire, voire surcharge en fer peut entraîner un diabète, des arthropathies,
cirrhose). une pigmentation de la peau, un hypogonadisme, une insuffi-
La place des marqueurs non invasifs pour éviter la biopsie sance cardiaque et une cirrhose. Cette dernière peut se compliquer
est actuellement croissante. Il n’y a pas de corrélation entre la de carcinome hépatocellulaire. L’élévation des transaminases est
sévérité de l’hépatopathie et l’importance de l’élévation des trans- rarement révélatrice. Lorsqu’elle est présente, elle s’associe à une
aminases [10] . La présence d’une fibrose avancée est un facteur de élévation du coefficient de saturation de la sidérophiline (supé-
risque de cirrhose, mais est aussi un indicateur d’athérome caro- rieur à 50 %), test le plus spécifique et à une élévation du fer sérique
tidien, de maladie coronarienne et d’excès de morbidité et de et de la ferritinémie. La présence d’une mutation homozygote
mortalité cardiovasculaire [2] . du gène HFE1 permet d’affirmer le diagnostic. L’intérêt des mar-
Moins souvent, ces lésions sont en rapport avec une nutrition queurs non invasifs de fibrose (Fibroscan® ) ou de la biopsie n’est
parentérale totale, dénutrition quelle qu’en soit la cause, ou sont plus diagnostique mais d’évaluer les conséquences hépatiques de
d’origine médicamenteuse (amiodarone ou corticoïdes). l’hémochromatose et, en particulier, la présence d’une cirrhose.
La biopsie est à proposer en présence d’une hépatomégalie, d’une
élévation des transaminases et lorsque la ferritine est supérieure à
Alcool 1 000 g/l. Le dépistage familial est recommandé.
L’interrogatoire met en évidence une surconsommation de bois-
sons alcoolisées. La consommation à risque chez les hommes Maladie de Wilson
est estimée à plus de 30 g/j et chez les femmes à plus de 20 g/j. C’est une affection rare du métabolisme du cuivre, à transmis-
L’élévation des transaminases est rarement importante, avec un sion autosomique récessive, qu’il faut évoquer chez un patient
rapport ASAT/ALAT supérieur à 1. La spécificité en faveur de jeune (moins de 40 ans). L’anomalie génétique, située sur le chro-
l’alcool est d’autant meilleure que le rapport est nettement supé- mosome 13, entraîne la production d’une protéine transporteuse
rieur à 1. Elle s’associe à une augmentation du volume globulaire du cuivre anormale, conduisant à l’accumulation de cuivre dans
moyen peu sensible, à une élévation de la GGT sensible mais le foie et d’autres organes, en particulier au niveau du cerveau
peu spécifique et, dans certains cas, à une hypertriglycéridémie et de la cornée (anneau de Kayser-Fleischer). L’association d’une
alcoolo-induite. Une bonne valeur diagnostique doit être accor- cuprurie élevée et d’une céruloplasmine basse est très évocatrice
dée à la diminution de ces anomalies biologiques lors du sevrage. du diagnostic. Il est alors nécessaire d’effectuer une biopsie hépa-
En cas de doute diagnostique, la transferrine désialylée a une tique pour confirmer le diagnostic et quantifier le cuivre hépatique
sensibilité et une spécificité meilleures que les précédents mar- et réaliser l’étude génétique familiale.
queurs. Cependant, son interprétation nécessite de connaître le
statut martial du patient (une carence entraîne une élévation Déficit en ␣1-antitrypsine
de la transferrine désialylée et inversement). Par ailleurs, la sen-
C’est une affection exceptionnelle se manifestant habituelle-
sibilité du test est diminuée en cas de cirrhose. Néanmoins, il
ment dans l’enfance. Cependant, il arrive que ce déficit soit
est parfois nécessaire de pratiquer une ponction-biopsie hépa-
découvert chez un adulte, devant l’association d’une cirrhose et
tique (PBH) pour faire le diagnostic précis du type d’hépatopathie.
d’une maladie pulmonaire. Le diagnostic repose sur une dimi-
L’élévation des transaminases correspond habituellement histo-
nution des taux sériques d’␣1-antitrypsine, avec un phénotype
logiquement à une stéatose ou à une hépatite alcoolique non
pathologique (ZZ). L’attention peut être attirée par une dimi-
sévère (absence d’encéphalopathie, absence d’ictère, taux de pro-
nution ou une absence de la bande ␣1 sur l’électrophorèse des
thrombine normal ou modérément diminué en cas de cirrhose
protides. La biopsie hépatique est indiquée pour mettre en évi-
constituée). Celle-ci doit se faire dans le cadre d’une prise en
dence la présence d’inclusions à l’acide périodique Schiff (PAS)
charge spécialisée.
positives intrahépatocytaires.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Buffet C. Élévation des transaminases en hépatologie. EMC - Traité de Médecine Akos 2014;9(3):1-7
[Article 1-1245].
Le seul dosage utile est celui de la lipasémie, qui n’est pas plus coûteux que celui de l’amylasémie.
Il est le plus sensible et surtout le plus spécifique. Ce dosage ne doit être fait qu’en cas de suspicion
clinique de pancréatite aiguë. La lipasémie ne doit pas être dosée dans le cadre d’un check-up, de
dépistage de pancréatite ou de cancer du pancréas, ni pour évaluer la gravité d’une pancréatite. La
lipasémie doit donc être dosée une fois, le plus souvent aux urgences d’un hôpital. Le bilan biologique
initial doit comporter le dosage de la gamma-glutamyltransférase, éventuellement de l’alcoolémie, des
transaminases (dont l’élévation précoce, transitoire, parfois importante, est un fort argument en faveur
d’une migration lithiasique), de la triglycéridémie.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
“ Points essentiels
Faut-il aussi doser • Le seul dosage utile est celui de la lipasémie qui n’est
la lipasémie... pas plus coûteux que celui de l’amylasémie.
• Il est le plus sensible et surtout le plus spécifique.
... à plusieurs reprises au cours • Ce dosage ne doit être fait qu’en cas de suspicion cli-
d’une pancréatite aiguë ou pour en évaluer nique de pancréatite aiguë.
• La lipasémie ne doit pas être dosée dans le cadre d’un
la gravité ? Non !
check-up, de dépistage de pancréatite ou de cancer du
La lipasémie n’a aucun intérêt comme élément de surveillance pancréas, ni pour évaluer la gravité d’une pancréatite.
ou d’appréciation de la gravité d’une pancréatite aiguë. Elle n’est • La lipasémie doit donc être dosée une fois, le plus sou-
sortie comme facteur indépendant de la gravité de la pancréatite vent aux urgences d’un hôpital.
aiguë dans aucune étude. • Le bilan biologique initial doit comporter le dosage de la
GGT, éventuellement de l’alcoolémie, des transaminases,
de la triglycéridémie.
... au cours de la pancréatite chronique ?
Non !
Le dosage de la lipasémie au cours du suivi d’une pancréatite
chronique (en dehors d’une période d’acutisation) n’a aucun inté- Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
rêt. tion avec cet article.
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Pôle des maladies de l’appareil digestif, Service de gastroentérologie-pancréatologie, Hôpital Beaujon, AP–HP, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92118
Clichy cedex, France.
DHU UNITY, Université Paris-Diderot-Paris 7, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Lévy P. Explorations biologiques de la pancréatite aiguë. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(3):1-5
[Article 1-1260].
reactive oxygen species (ROS) a été suggéré en lien avec le maintien Tableau 1.
ou l’augmentation des taux de GSH pour maintenir les défenses Devant une élévation de la ␥-GT, orientation en faveur de l’alcoolisme
antioxydantes, permettant le transport du gluthation extracellu- chronique. Comparaison avec le syndrome métabolique.
laire dans les cellules. La ␥-GT joue également un rôle important En faveur de l’alcool Commentaires
dans le métabolisme de certaines molécules endogènes et exo-
gènes comme les xénobiotiques et les carcinogènes. À côté de son ␥-GT : élevée Spécificité faible (75 %)
activité antioxydante, la ␥-GT peut également avoir une activité Taux en moyenne plus élevé que
dans le syndrome métabolique
inflammatoire et proathérogène. Elle est présente dans les plaques
d’athérome des artères coronaires et cérébrales. Après arrêt de l’alcool : Spécificité élevée en faveur de
Quatre fractions distinctes de la ␥-GT ayant des propriétés phy- - diminution de plus de 50 % de son l’alcool
sicobiochimiques différentes ont été identifiées ; il s’agit de trois taux à 15 jours
complexes moléculaires b, m et s respectivement de poids molécu- - normalisation de son taux à 2 mois
laire supérieur à 2000, 940 et 140 kDa et d’une fraction libre f-␥-GT, Volume globulaire moyen Sensibilité faible (52 %)
qui est la fraction majeure chez les sujets sains [3] . La consom- augmenté Spécificité de 85 % (VGM
mation d’alcool s’accompagne d’une élévation prédominante des pouvant être augmenté dans les
fractions m et s, l’hépatite chronique C de la fraction s suggérant maladies hématologiques,
que celle-ci pourrait être un marqueur d’atteinte hépatocellulaire carence en vitamine B12 et
folates, grossesse)
et la stéatose métabolique de la fraction b [4] . La détermination de
Spécificité élevée dans le
ces fractions par chromatographie n’est pas de pratique courante.
diagnostic différentiel avec le
L’expression de l’enzyme est inductible par certains agents
syndrome métabolique
comme l’éthanol ou les stéroïdes, responsables d’une augmen-
tation modérée de l’activité sérique de la ␥-GT de deux à cinq Transferrine déficiente en Sensibilité 69 % pour une
carbohydrate : valeur augmentée consommation d’alcool > 50 g/j
fois la limite supérieure de la normale (N). La demi-vie de la ␥-GT
Spécificité élevée (92 %)
étant comprise entre 14 et 26 jours, son activité sérique redevient
Coût élevé
normale en quatre à huit semaines après arrêt de l’agent inducteur.
Triglycérides : valeur augmentée Sensibilité faible
Spécificité faible
transpeptidase
une augmentation du volume globulaire moyen, une hypertrigly-
L’activité sérique de la ␥-GT est comprise entre 10 et 40 UI/l chez céridémie et une augmentation de la transferrine déficiente en
95 % des adultes normaux avec les méthodes de dosage les plus carbohydrate (CDT) [7, 8] . L’augmentation de la ␥-GT n’est pas pro-
couramment utilisées. Cependant, elle peut varier en fonction de portionnelle à la quantité d’alcool consommée ni à la durée de
la technique et de la température à laquelle le dosage est réalisé. l’intoxication. La diminution de plus de 50 % de l’activité sérique
C’est pourquoi, comme pour toute enzyme, la normale du labora- de la ␥-GT dans les 15 jours qui suivent l’arrêt de la consommation
toire doit toujours être mentionnée. L’activité sérique de la ␥-GT d’alcool ou une normalisation dans les deux mois sont des argu-
augmente jusqu’à l’âge de 50 ans. Elle est plus importante chez ments de poids pour attribuer l’élévation de l’activité sérique de la
l’homme que chez la femme, et chez le nouveau-né jusqu’à l’âge ␥-GT à une consommation excessive d’alcool. Ce test n’a de valeur
de 1 an. Il existe une association positive entre le taux de ␥-GT que s’il est positif (Tableau 1). La constatation d’une élévation de
et l’indice de masse corporelle, le périmètre abdominal, le taux l’activité sérique de la ␥-GT soulève le problème d’une hépatopa-
de cholestérol total et de low density lipoprotein (LDL) cholesté- thie associée qui peut aller de la stéatose isolée à la cirrhose. Dans
rol, le taux de triglycérides, la glycémie, la pression artérielle, la ce cas, les autres paramètres du bilan hépatique, comme l’activité
consommation d’alcool, le tabagisme et la prise de contraceptifs sérique des aminotransférases, sont le plus souvent anormaux. Il
oraux. semble également qu’en cas d’hépatopathie alcoolique, la valeur
de l’activité sérique de la ␥-GT soit plus constamment élevée et
plus importante (> 2 à 3 N) que chez les malades alcooliques ayant
Causes d’augmentation un foie sain, sans toutefois être corrélée à l’importance des lésions
histologiques [9] . La décroissance jusqu’à la normale de l’activité
isolée de l’activité sérique sérique de la ␥-GT en cas de sevrage alcoolique est plus lente en
cas d’atteinte hépatique. Enfin, l’alcoolisme aigu n’augmente pas
de la gammaglutamyl- l’activité sérique de la ␥-GT.
transpeptidase Les relations entre valeur de la ␥-GT et consommation de café
et tabagisme ont été étudiées. Il a été suggéré un effet protecteur
Alcoolisme chronique de la consommation de café sur la fonction hépatique en par-
ticulier chez les forts consommateurs d’alcool. Certaines études
L’alcoolisme chronique est la première cause à évoquer devant ont montré une diminution de l’élévation de la ␥-GT induite par
une augmentation isolée de l’activité sérique de la ␥-GT. Cepen- l’abus d’alcool chez les consommateurs de plus de quatre tasses
dant, il ne faut pas systématiquement attribuer cette élévation à de café quotidiennes [10] . Il existe par ailleurs chez les buveurs
une consommation excessive de boissons alcoolisées, car la spé- d’alcool un synergisme avec le tabagisme au regard des valeurs
cificité du dosage de l’activité sérique de la ␥-GT est faible. La de la ␥-GT [11, 12] .
sensibilité de l’augmentation de l’activité sérique de la ␥-GT pour
le diagnostic d’alcoolisme chronique varie de 40 à 90 %, avec une
faible valeur prédictive positive allant de 20 à 65 % [5, 6] . Le dosage Hépatopathie non alcoolique et pathologie
de la ␥-GT ne peut donc pas être utilisé comme test de dépistage de des voies biliaires
l’intoxication alcoolique dans la population générale. Il importe
d’affirmer ou d’éliminer, avec le plus de certitude possible, une L’augmentation de l’activité sérique de la ␥-GT est le témoin le
intoxication alcoolique chronique. Outre l’interrogatoire, il faut plus sensible de l’existence d’une pathologie hépatobiliaire : elle
rechercher des éléments d’orientation cliniques et biologiques est augmentée dans 87 à 95 % des cas, toutes causes confondues.
en faveur de ce diagnostic : au plan clinique, une hypertrophie Cependant, elle est non spécifique. Dans ce cadre, l’élévation de
parotidienne et une maladie de Dupuytren ; au plan biologique, l’activité sérique de la ␥-GT est rarement isolée. Une augmentation
Pathologies extrahépatiques
isolée de l’activité sérique de la ␥-GT peut exceptionnellement
révéler l’existence d’une tumeur hépatique maligne, primitive Pathologie thyroïdienne
ou secondaire. Bien que rarement révélatrice, l’augmentation de En cas d’hyperthyroïdie non traitée, une augmentation géné-
l’activité sérique de la ␥-GT est parfois la seule anomalie biolo- ralement modérée de l’activité sérique de la ␥-GT est observée
gique hépatique au cours de certaines maladies hépatobiliaires dans 17 à 60 % des cas [27] . Elle peut être isolée, mais elle est plus
comme la cirrhose, notamment la cirrhose biliaire primitive ou souvent accompagnée d’une élévation de l’activité sérique des
la cholangite sclérosante. Ce peut être aussi le cas au cours du foie aminotransférases et/ou des phosphatases alcalines. Une stéatose
cardiaque chronique ou de la lithiase de la voie biliaire princi- peut être associée à ces perturbations biologiques. Les anomalies
pale [13] . disparaissent après normalisation de la fonction thyroïdienne.
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une élévation isolée de la gammaglutamyl-transpeptidase (␥-GT) sérique.
Cette élévation n’a généralement pas d’incidence pratique. Les Ainsi, dans des cohortes importantes de sujets sains [30] ou de
valeurs de l’activité sérique de la ␥-GT de ces femmes se distri- travailleurs du bâtiment suivis pendant de nombreuses années [31] ,
buent selon un histogramme décalé vers les valeurs élevées par la mortalité est augmentée chez les sujets ayant une élévation de
rapport à l’histogramme du groupe témoin, mais les valeurs des la ␥-GT, après avoir ajusté sur la consommation d’alcool, de tabac
deux groupes sont peu différentes. et le syndrome métabolique. L’élévation de la ␥-GT est associée
En tout état de cause, la normalisation de l’activité sérique de à une mortalité augmentée toutes causes réunies, à la mortalité
l’enzyme après arrêt du médicament responsable établit l’origine par cause hépatique bien sûr, mais aussi par cancer, diabète [30] ,
médicamenteuse de l’augmentation de la ␥-GT. Si l’anomalie per- maladies cardiovasculaires et respiratoires [31] .
siste après l’arrêt d’un traitement inducteur enzymatique, une La ␥-GT est aussi un biomarqueur de risque cardiovasculaire et
toxicité hépatique ou une autre cause doivent être évoquées. peut être utilisée comme marqueur de survenue d’athérosclérose
Une exposition professionnelle à certains toxiques comme chez des sujets bien portants dépourvus au départ de tout syn-
les hydrocarbures utilisés comme solvants (tétrachloréthylène et drome métabolique ou risque cardiovasculaire [32] . L’élévation de
trichloréthylène, tétrachlorure de carbone, trichloroéthane, chlo- la ␥-GT prédit la survenue d’accident vasculaire cérébral [33] , ou
roforme, etc.), le chlorure de vinyle ou le paraquat [29] , doit être coronaire [21] , et de diabète [34] , indépendamment des autres fac-
recherchée devant une élévation isolée de l’activité sérique de la ␥- teurs de risque. Les résultats de ces études suggèrent que la ␥-GT est
GT. Cependant, en cas d’intoxication chronique, l’augmentation un marqueur de risque de ces affections plus qu’une conséquence.
de l’activité sérique des aminotransférases est le signe biologique La ␥-GT pourrait être un marqueur de résistance à l’insuline.
le plus fréquent. L’augmentation isolée de l’activité sérique de la D’importantes études épidémiologiques ont également montré
␥-GT peut être simplement en rapport avec une induction enzy- que l’élévation de la ␥-GT était associée à un risque augmenté de
matique. En cas d’atteinte hépatique, les lésions histologiques, développer un cancer. La ␥-GT est également un facteur prédictif
principalement la nécrose hépatocytaire et la stéatose, ne sont d’une évolution tumorale défavorable.
pas spécifiques. La coexistence d’une symptomatologie extrahé- Les conséquences pratiques de ces constatations peuvent avoir
patique liée à l’atteinte de plusieurs viscères, et la disparition un impact. En effet, ces résultats pourraient être un argument
des anomalies lors des périodes de vacances, suivie de leur réap- supplémentaire pour convaincre les patients ayant des ␥-GT anor-
parition à la reprise du travail, sont en faveur du diagnostic males à mettre en œuvre les mesures nécessaires de prévention.
d’intoxication d’origine professionnelle.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Buffet C. Augmentation isolée de l’activité sérique de la gammaglutamyl-transpeptidase. EMC - Traité
de Médecine Akos 2014;9(3):1-6 [Article 1-1265].
Les principaux acteurs mis en jeu dans l’hémostase sont : la paroi vasculaire, les plaquettes et les facteurs
de coagulation (protéines activatrices ou inhibitrices). Les différentes étapes sont décrites et étudiées
séparément mais in vivo de nombreuses interactions entre elles permettent une activation en cascade
ainsi qu’une régulation précise. Il s’agit donc d’un équilibre très finement régulé, que des anomalies
acquises ou héréditaires peuvent déstabiliser et faire basculer dans un versant hémorragique ou au
contraire thrombotique. L’interrogatoire, l’examen clinique, les tests « de base » – taux de prothrombine,
temps de céphaline + activateur (TP, TCA) – sont de première importance pour orienter le diagnostic
étiologique d’un syndrome hémorragique.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Facteur X (Stuart)
Activation :
activité procoagulante Facteur X activé
Facteur V : proaccélérine
Phospholipides plaquettaires, tissulaires
Agrégation :
thrombus plaquettaire Facteur II : prothrombine Thrombine IIa
VIIa
Initiation
X Xa
IX IXa Propagation
+ Prothrombine
Premières traces Prothrombine Thrombine
de thrombine
X
XI XIa
• l’activation de la prothrombine est réalisée par la prothrombi- La coagulation doit être appréhendée sous forme dynamique
nase dont le facteur essentiel est le facteur X activé. En amont (Fig. 2) : après son initiation, elle s’amplifie, mais doit rester
du complexe prothrombinase, c’est le facteur tissulaire qui est à localisée à la brèche vasculaire et ne pas être associée à une
l’origine de l’activation de la cascade de la coagulation in vivo. hypercoagulabilité circulante. Des mécanismes régulateurs impor-
Pendant longtemps, on a distingué la voie extrinsèque explo- tants sont pour cela mis en jeu. Les principaux inhibiteurs
rée par le temps de Quick, et la voie intrinsèque explorée par le de la coagulation sont le tissue factor pathway inhibitor (TFPI),
temps de céphaline + activateur (TCA). Cette approche simple l’antithrombine (AT), le système de la protéine C (protéines C
conserve une place essentielle en biologie dans le diagnostic des et S).
principales maladies hémorragiques ; La fibrinolyse intervient pour assurer la perméabilité du vais-
• l’étape finale est la fibrinoformation, résultant de la trans- seau.
formation du fibrinogène en fibrine, par la thrombine et de
stabilisation par le facteur XIII.
Aujourd’hui il est admis qu’in vivo, la coagulation est initiée par Exploration de l’hémostase
la mise à nu du facteur tissulaire présent dans le sous-endothélium
mais absent de l’endothélium sain et apparaissant lorsque celui-ci en préopératoire ou exploration
est lésé, anormal ou activé. Le facteur VII est le seul facteur de
coagulation dont environ 1 % est présent sous forme activée dans
d’un syndrome hémorragique
la circulation. La rencontre facteur VII activé-facteur tissulaire
enclenche la cascade de la coagulation. Le complexe facteur VII
Interrogatoire et examen clinique
activé-facteur tissulaire est en effet capable d’activer le facteur X Le secours du laboratoire ne doit être demandé qu’après
en Xa et le facteur IX en IXa. un examen clinique complet, sans omettre la recherche
Tableau 1.
Score de prédiction de risque hémorragique [4] .
Symptôme -1 0 1 2 3 4
Épistaxis - Aucun ou peu > 5 fois ou >10 min Consultation Méchage ou Transfusion
d’épisodes (< 5) cautérisation ou sanguine ou
antifibrinolytique traitement
substitutif ou
DDAVP
Ecchymose - Aucune ou limitée (< > 1 cm et aucun Consultation
1 cm) traumatisme
Saignement - Aucun ou peu > 5 fois ou > 5 min Consultation Hémostase Transfusion
prolongé de d’épisodes (< 5) chirurgicale sanguine ou
blessures mineures traitement
substitutif ou
DDAVP
Saignement de la - Aucun symptôme Au moins 1 épisode Consultation Hémostase Transfusion
cavité buccale référencé chirurgicale ou sanguine ou
antifibrinolytique traitement
substitutif ou
DDAVP
Hémorragie - Aucune Associée à un ulcère, Spontanée Hémostase
digestive HTP, hémorroïdes, chirurgicale,
angiodysplasie, etc. transfusion
sanguine,
traitement
substitutif,
DDAVP,
antifibrinolytique
Extraction dentaire Aucun saignement Pas d’antécédent Saignement Saignement Suture ou colle Transfusion
lors d’au moins 2 d’extraction ou pas de référencé référencé biologique sanguine ou
extractions saignement lors d’une dans < 25% de dans > 25% de traitement
extraction toutes les toutes les substitutif ou
procédures procédures sans DDAVP
geste ou traitement
Chirurgie Aucun saignement Pas de chirurgie ou pas Saignement Saignement Reprise Transfusion
lors d’au moins 2 de saignement lors référencé référencé chirurgicale ou sanguine ou
chirurgies d’une chirurgie dans < 25% de dans > 25% de antifibrinolytique traitement
toutes les toutes les substitutif ou
procédures procédures sans DDAVP
geste ou traitement
Ménorragie - Aucune Consultation Antifibrinolytique Curetage Transfusion
ou pilule Traitement martial sanguine ou
contraceptive traitement
substitutif ou
DDAVP ou
hystérectomie
Hémorragie du Pas de saignement Pas d’accouchement ou Consultation Curetage Transfusion Hystérectomie
post-partum lors d’au moins 2 pas de saignement lors Traitement martial sanguine ou
délivrances d’une délivrance Antifibrinolytique traitement
substitutif ou
DDAVP
Hématome - Jamais Post-traumatisme Spontané Spontané ou Spontané ou
intramusculaire Pas de traitement Pas de traitement traumatique traumatique
nécessitant nécessitant une
DDAVP ou intervention
traitement chirurgicale ou
substitutif une transfusion
sanguine
Hémarthrose - Jamais Post-traumatisme Spontanée Spontanée ou Spontanée ou
Pas de traitement Pas de traitement traumatique traumatique
nécessitant nécessitant une
DDAVP ou intervention
traitement chirurgicale ou
substitutif une transfusion
sanguine
Hémorragie du - Jamais - - Hématome Hémorragie
système nerveux sous-dural, intracérébrale,
central n’importe quelle n’importe quelle
intervention intervention
Tableau 2.
Principaux tests d’exploration de l’hémostase.
Temps Test de dépistage Facteurs spécifiques Facteurs Communs
Hémostase primaire Temps de saignement Qualité et quantité des plaquettes
Temps d’occlusion plaquettaire : PFA-100® Facteur Willebrand
Numération de plaquettes
Coagulation intrinsèque Temps de céphaline + activateur (TCA) PK, KHPM, XII V, X, II Fibrinogène
Facteur XI,IX,VIII
Coagulation extrinsèque Temps de Quick (TQ), exprimé en Facteur VII V, X, II Fibrinogène
% = taux de prothrombine (TP)
Fibrinoformation Temps de thrombine (TT) Fibrinogène
minutieuse d’antécédents personnels et familiaux d’hémorragies. de la fonction plaquettaire globale est opérateur-dépendante, peu
L’interrogatoire considéré comme un des meilleurs « tests » de reproductible et invasive. Plusieurs automates, analyseurs de la
dépistage du risque hémorragique. fonction plaquettaire, très sensibles au facteur Willebrand, ont
Il faut chercher à préciser les antécédents hémorragiques été développés pour simplifier les explorations plaquettaires et
personnels : conditions d’apparition, caractère spontané ou pro- raccourcir le temps de réponse comme par exemple le PFA-100®
voqué (postopératoire), fréquence, siège et éventuelle aggravation (pour platelet function analyser).
après une prise d’aspirine ou d’autres médicaments responsables Ces tests « de base » (TP, TCA) sont utilisés en première intention
d’altération des fonctions plaquettaires. Le retentissement sur pour orienter le diagnostic étiologique d’un syndrome hémorra-
la numération globulaire, l’apparition d’une anémie et d’une gique (Tableau 2). Les résultats de ces tests doivent être interprétés
carence martiale, la nécessité de reprise chirurgicale ou de transfu- en tenant compte de l’existence de réactions inflammatoires,
sion postopératoire permettent d’affirmer la réalité du syndrome d’une éventuelle grossesse et en sachant que leur sensibilité est
hémorragique. Les antécédents hémorragiques familiaux sont limitée, notamment pour le dépistage des déficits mineurs. De
précisés, orientant vers une pathologie constitutionnelle. En même, certains déficits rares, mais parfois très graves, peuvent ne
revanche, la présence d’une pathologie associée (atteinte hépa- pas être dépistés par ces examens. La clinique prend alors toute
tique, insuffisance rénale, pathologie hématologique, infectieuse, son importance.
etc.) oriente vers une pathologie acquise de l’hémostase. Enfin, Les conditions de prélèvement, de conservation des échan-
les prises médicamenteuses susceptibles de modifier les tests tillons, toutes les variables préanalytiques doivent être prises
d’exploration sont également recherchées. en compte dans l’interprétation de ces résultats. Les facteurs de
L’examen clinique recherche les manifestations hémorragiques coagulation sont labiles et les prélèvements d’hémostase sont
(purpura, ecchymoses, hématomes, gingivorragies) ; l’existence particulièrement sensibles à la chaleur, au froid, au délai de
d’adénopathies, d’une splénomégalie ou hépatomégalie orientant transport et le non-respect de ces conditions préanalytiques est
vers une pathologie hématologique ou hépatique. source de résultats erronés. Ces variables préanalytiques sont
La quantification de ces manifestations hémorragiques par un sous la responsabilité du biologiste. La réalisation des contrôles
score (Tableau 1) est actuellement proposée [5] , un score infé- et l’approfondissement des anomalies auprès d’une consultation
rieur à 3 a une très bonne valeur prédictive négative de risque d’hémostase spécialisée est souhaitable.
hémorragique, l’association de ce score à la mesure du TCA per-
met d’éliminer le risque hémorragique avec une valeur prédictive
négative voisine de 100 %. Ce score n’est pas adapté à toutes les
situations (pédiatrie par exemple).
Références
[1] Furie B, Furie C. In vivo thrombus formation. J Thromb Haemost
Principaux tests d’exploration 2007;5(suppl1):12–7.
[2] Furie B. Pathogenesis of thrombosis, Hematology 2009. In: American
de l’hémostase (Tableau 2) society of Hematology, Educational Program book; 2009. p. 255-8.
[3] Horellou MH, Flaujac C, Conard J, Samama MM. Hémostase : Physio-
Le TCA, le temps de Quick (exprimé en % = taux de prothrom- logie, Exploration de l’hémostase. In: Traité de médecine vasculaire.
bine ou TP), le temps de saignement (TS) couplé à la numération Paris: Elsevier-Masson; 2010. p. 61-71.
de plaquettes permettent d’explorer respectivement la voie intrin- [4] Elalamy I, Depasse F, Gerotziafas G, Samama MM. Physiologie de
sèque et extrinsèque de la coagulation et l’hémostase primaire. Le l’hémostase. In: Hémorragies et Thromboses, du diagnostic au traite-
TS n’est plus un examen prescrit à titre systématique lors d’un ment. Paris: Masson; 2009. p. 3-13.
bilan préopératoire mais il doit être pratiqué chez tout patient [5] Tosetto A, Castaman G, Plug I, Rodeghiero F, Eikenboom J. Prospec-
ayant une histoire hémorragique si la numération est normale. tive evaluation of the clinical utility of quantitative bleeding severity
Le temps de saignement cutané par la méthode de Duke est aban- assessment in patients referred for hemostatic evaluation. J Thromb
donné depuis plusieurs années, la méthode d’Ivy, mesure classique Haemost 2011;9:1143–8.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Horellou M-H, Flaujac C, Gouin Thibault I. Hémostase : physiologie et principaux test d’exploration.
EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-4 [Article 1-1269].
Les polynucléaires éosinophiles sont classiquement retrouvés au cours d’affections parasitaires ou aller-
giques. Longtemps négligés, ils ont acquis au cours des dernières années un statut unanimement reconnu
d’acteur de la réponse immunitaire. Les hyperéosinophilies (HE) sont souvent considérées, à tort, comme
un signe biologique mineur. Cependant, une HE peut être un signe révélateur et un guide précieux pour
l’enquête diagnostique, lorsque les symptômes associés sont pauvres ou peu évocateurs. De nombreuses
étiologies peuvent être en cause mais les hypothèses parasitaires, tumorales et médicamenteuses doivent
être évoquées en priorité. La démarche diagnostique est orientée par les principales manifestations cli-
niques. Lorsque l’enquête demeure infructueuse, l’hypothèse d’un syndrome hyperéosinophilique doit être
évoquée. Conjointement, un bilan du retentissement viscéral, notamment cardiaque, est systématique
en cas de chronicité de l’HE, et ce quel que soit le diagnostic retenu. Concernant l’attitude thérapeutique,
tous les médicaments imputables sont arrêtés et, dans un second temps (ou d’emblée en l’absence de
modification thérapeutique récente), un traitement d’épreuve antiparasitaire est souvent proposé.
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gradient de chimiokines, font intervenir successivement diffé- sous-jacents et la maladie causale. En d’autres termes, toutes
rentes molécules d’adhésion : P-sélectines puis interaction entre les manifestations cliniques observées dans les SHE peuvent
des intégrines à la surface du PNE et les récepteurs endothéliaux s’observer, théoriquement, dans des HE parasitaires, médicamen-
(intercellular adhesion molecule 1 [ICAM-1] et vascular cell adhesion teuses ou encore tumorales. Pour preuve, on rappelle que la
molecule 1 [VCAM-1] notamment). Enfin, la survie au niveau tissu- description initiale de l’endocardite fibroblastique de Löffler, ou
laire des PNE (par diminution de l’apoptose) est favorisée par l’IL5. fibrose endomyocardique (manifestation cardiaque la plus grave
Le rôle délétère que les PNE sont susceptibles de jouer dans de des SHE) concernait des patients ayant des helminthiases chro-
nombreux états pathologiques est lié à leur capacité à libérer, au niques (et non pas un SHE), et que cette cardiopathie peut
sein de différents tissus, plusieurs types de médiateurs inflamma- compliquer l’HE des hémopathies lymphoïdes telles la maladie
toires : il s’agit principalement des protéines cationiques du PNE de Hodgkin ou les HE médicamenteuses.
(major basic protein [MBP], eosinophil cationic protein [ECP], eosi- L’HE sanguine est définie par un chiffre de PNE circulants
nophil peroxydase [EPO] et eosinophil derivated neurotoxin [EDN]), supérieur à 500/mm3 , mais l’on ne parle d’HE majeure qu’au-delà
mais aussi de cytokines, de médiateurs lipidiques et des radicaux de 1 500/mm3 .
oxygénés. On note toutefois que ces protéines peuvent altérer ou En pratique, toute HE persistante, quel qu’en soit le chiffre,
détruire de nombreuses cibles : larves de parasites helminthes [3] doit faire l’objet d’une prise en charge dont l’objectif est double :
mais aussi cellules tumorales [4–6] , ou encore cellules épithéliales déterminer l’étiologie et rechercher un éventuel retentissement
de l’hôte. Doués d’une « dualité fonctionnelle », les éosinophiles viscéral.
exercent une action bénéfique ou néfaste selon la cible de leur
activité cytotoxique.
Longtemps considérés comme des cellules « témoins » des affec-
tions parasitaires ou allergiques, les PNE ont acquis au cours des
dernières années un statut unanimement reconnu d’« acteurs » de Étiologies
la réponse immunitaire et sont considérés comme des polynu-
cléaires multifonctionnels [1, 7, 8] . Acteurs des réponses immunes Diagnostics à ne pas manquer
innées, les éosinophiles exercent, en plus de leur fonction cyto-
toxique et pro-inflammatoire, une fonction immunorégulatrice. Certaines maladies peuvent être responsables d’une HE dépas-
Modulateurs locaux des fonctions lymphocytaires T et masto- sant rarement 1 500/mm3 : l’atopie, l’insuffisance surrénale lente
cytaires, les éosinophiles interagissent avec leur environnement (maladie d’Addison), la tuberculose, les parasitoses sans cycle
tissulaire. tissulaire (oxyures, tænia, gale) ou la mucoviscidose. Cependant,
la connaissance d’un état atopique ne permet pas de se dispen-
ser d’investigations, et le diagnostic d’atopie ne doit pas être
Démarche diagnostique : retenu devant une HE supérieure à 1 000/mm3 sans explorations
complémentaires (Tableau 1), même dans un contexte évoca-
principes teur. Trop souvent, une hypothèse atopique est retenue à tort
devant des manifestations d’allure « allergique » (asthme, prurit,
Les HE ont longtemps été considérées, à tort, comme un signe éruption eczématiforme) et une HE supérieure à 1 000 mm3 ,
biologique mineur. Cependant, une HE peut être un signe révé- faisant méconnaître par exemple un syndrome de Churg-Strauss
lateur et un guide précieux pour l’enquête diagnostique, lorsque (asthme et HE), un lymphome cutané épidermotrope (lésions
les symptômes associés sont pauvres ou peu évocateurs. Le plus eczématiformes et HE).
souvent, l’anamnèse et les premiers examens cliniques et para- Toute HE doit faire éliminer un cancer solide ou une hémo-
cliniques suffisent à définir la cause. Malheureusement, ce signe pathie (maladie de Hodgkin et lymphomes épidermotropes type
biologique capital est trop souvent négligé, avec des conséquen- Sézary), surtout si elle s’associe à une franche altération de l’état
ces cliniques parfois dramatiques. Même asymptomatique, toute général. On insiste sur la maladie de Hodgkin, qui peut se présen-
HE doit être explorée de manière exhaustive. ter, chez le sujet jeune, par un simple prurit avec HE. La recherche
L’autre notion importante à considérer est la possibilité de clinique d’adénopathie périphérique, éventuellement complétée
lésions viscérales liées aux PNE quels que soient les mécanismes par un scanner, est alors systématique.
Tableau 1.
Examens face à une hyperéosinophilie majeure persistante.
En première intention Après traitement À réaliser en centre spécialisé
antiparasitaire d’épreuve
NFS avec frottis sanguin Sérologie HTLV-1 Myélogramme avec caryotype
Ionogramme sanguin, fonction Facteurs antinucléaires Immunophénotypage
rénale, CRP lymphocytaire
Bilan hépatique ANCA Recherche du transcrit de fusion
Électrophorèse Dosage pondéral des Ig FIP1L1-PDGFRA
des protides sériques
Sérologie VIH, VHB, VHC Dosage des IgE totales sériques
Examen parasitologique des selles Dosage de la vitamine B12
3 jours de suite sérique
Sérologie toxocarose Tryptase sérique
Sérologies parasitaires orientées par la
clinique
Radiographie de thorax Scanner
Échographie abdominale thoraco-abdomino-pelvien
Échographie cardiaque
Biopsie d’organe selon la
symptomatologie (digestive, cutanée)
NFS : numération-formule sanguine ; HTLV-1 : human T-cell lymphoma virus ; CRP : C reactive protein ; ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles ;
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; Ig : immunoglobuline.
récepteur  au platelet-derived growth factor receptor (PDGF). Plus pneumopathie chronique à PNE. On rappelle, une fois encore,
rarement, une HE est constatée au cours d’une myélodysplasie. qu’une origine médicamenteuse doit prioritairement être élimi-
Plusieurs anomalies chromosomiques associées à une HE existent. née devant toute pneumopathie à éosinophiles.
La plupart d’entre elles sont rares, mais leur existence justifie la
réalisation d’un myélogramme avec caryotype devant toute HE Hyperéosinophilies à présentation
prolongée inexpliquée. dermatologique
L’HE sanguine et/ou tissulaire (ganglion, peau, etc.) peut aussi
être un signe précoce qui témoigne de la production en excès Une HE sanguine modérée ou massive, associée à des signes
de facteurs de croissance, de cytokines (IL5 notamment) ou de cutanés, est un motif fréquent de consultation.
chimiokines par le clone malin qui prolifère et/ou par le pro- Le piège principal à éviter, par analogie avec l’association
cessus inflammatoire réactionnel (lymphocytes Th2 sécrétant asthme-éosinophilie, est d’attribuer trop facilement une manifes-
de l’IL5) péritumoral. C’est le cas dans la maladie de Hodg- tation cutanée (éruption eczématiforme, prurit, ou urticaire) avec
kin, les lymphomes malins non hodgkiniens, les lymphomes HE supérieure à 1 109 /l, à une cause « allergique » ou atopique.
T épidermotropes (syndrome de Sézary, mycosis fongoïde), la Parmi les diagnostics à ne pas oublier, on cite, après les causes
lymphadénopathie angio-immunoblastique avec dysglobuliné- médicamenteuses, les lymphomes T cutanés épidermotropes dont
mie (LAID), la mastocytose systémique ou la leucémie à cellules le diagnostic de certitude peut être difficile, et parfois obtenu des
T associée à HTLV-1 [12] . Enfin, il faut signaler l’existence d’HE mois ou des années après les premières lésions cutanées. L’HE est
associée aux maladies du greffon contre l’hôte après allogreffe de inconstante, mais parfois au premier plan, aussi bien sanguin que
moelle osseuse. tissulaire. Dans ce contexte, la recherche de cellules de Sézary sur
le frottis, ainsi que des biopsies cutanées (avec histologie, phéno-
Cancers typage des lymphocytes cutanés et clonalité T cutanée) sont utiles
Une HE peut révéler l’existence d’un processus oncogène. au diagnostic.
C’est, là encore, la production de facteurs de croissance (GM- La pemphigoïde bulleuse, maladie auto-immune principale-
CSF) ou de cytokines (IL3, IL5) par les cellules tumorales ou par ment observée chez le sujet âgé, peut être un piège diagnostique
l’environnement péritumoral qui induit l’HE sanguine et/ou tis- dans sa phase prébulleuse (prurit, lésions pseudo-urticariennes).
sulaire. Celle-ci s’observe au cours du développement de certaines L’HE y est presque constante à la phase d’état.
tumeurs solides (carcinomes digestifs et respiratoires) ou à la suite La mastocytose systémique est une maladie rare où l’HE, consta-
de métastases. tée dans moins de 20 % des cas, est parfois au premier plan et peut
faire errer le diagnostic, d’autant que l’identification histologique
du mastocyte est parfois difficile en l’absence d’immunomarquage
Causes rares spécifique. Outre le diagnostic histologique, indispensable, une
Après avoir éliminé, systématiquement, les causes parasitaires, forte élévation de la tryptase sérique est un argument fort pour
médicamenteuses et tumorales, la démarche diagnostique devant évoquer une mastocytose systémique
une HE majeure persistante est orientée en fonction des symp- Enfin, on cite des entités plus rares : pemphigoïde ges-
tômes et signes cliniques d’accompagnement. Selon l’atteinte tationis, incontinentia pigmenti, dermatite herpétiforme, des
clinique prédominante, différents cadres étiologiques sont iden- proliférations bénignes (maladie de Kimura, hyperplasie angio-
tifiés. lymphoïde avec éosinophilie), folliculite pustuleuse à éosino-
philes (maladie d’Ofugi), cellulite à éosinophiles (syndrome de
Wells) [13] .
Hyperéosinophilies à présentation
oto-rhino-laryngologique ou pulmonaire Hyperéosinophilies à présentation digestive
Devant des signes ORL (rhinite, sinusite) associés à une HE, L’HE peut s’intégrer dans le cadre d’une affection déjà
on distingue les causes allergiques fréquentes des causes non identifiée (hépatosplénomégalie rencontrée au cours des hémo-
allergiques (non allergic rhinitis with eosinophilia [NARES]) et pathies malignes, atteintes digestives des vascularites systémiques
on recherche un syndrome de Fernand Widal (polypose naso- type Wegener ou Churg-Strauss et, bien entendu, parasitoses
sinusienne avec asthme en relation avec la prise d’aspirine ou intestinales). Elle est aussi classiquement présente dans les
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens). maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de
Il faut de nouveau évoquer ici le syndrome de Churg et Strauss, Crohn, rectocolite hémorragique), et également dans la maladie
dont les manifestations initiales sont principalement l’asthme, cœliaque.
l’HE, la présence d’infiltrats pulmonaires et une atteinte sinu- Devant une HE sanguine et digestive inexpliquée, le diagnos-
sienne, avant que ne surviennent les manifestations systémiques. tic de gastroentérite à éosinophiles est alors évoqué. Cette entité
Un syndrome de Löffler, aux signes cliniques modestes et hétérogène réalise parfois un tableau aigu, souvent d’origine aller-
fugaces (toux, dyspnée, fébricule), peut être d’origine parasi- gique, d’autres fois un tableau plus chronique sans allergène
taire (migration de larves à travers le parenchyme pulmonaire, identifiable. Dans sa forme chronique, il peut s’agir d’une forme
à l’origine d’images d’infiltrats labiles souvent périphériques, frontière avec un SHE.
parfois multiples et bilatérales), d’origine médicamenteuse ou On cite aussi l’œsophagite à éosinophiles, « nouvelle maladie »
idiopathique. longtemps sous-diagnostiquée, où l’HE est toutefois rarement
L’aspergillose bronchopulmonaire allergique survient dans supérieure à 1,5 109 /l [14] .
un contexte d’asthme ancien avec la notion de toux et
d’expectoration de « moules bronchiques » (émission de bou-
chons mycéliens). On retrouve souvent une élévation très
Maladies inflammatoires
marquée des immunoglobulines E (IgE) sériques avec HE mas- L’HE est habituelle au cours de deux vascularites affec-
sive. Les images radiologiques sont variées : épaississement des tant les vaisseaux de petits calibres associées aux anticorps
parois bronchiques, impactions mucoïdes, atélectasies, infiltrats anticytoplasmes des polynucléaires neutrophiles (ANCA) : la gra-
et surtout bronchectasies proximales. La présence d’IgE spéci- nulomatose de Wegener (HE dans 10 % des cas) et, surtout, le
fiques anti-Aspergillus constitue un critère majeur du diagnostic. syndrome de Churg-Strauss. La fréquence de l’HE est de 95 %
La maladie de Carrington (ou pneumopathie chronique à éosi- dans le syndrome de Churg-Strauss. La présence de signes extra-
nophiles idiopathique) survient le plus souvent chez la femme. respiratoires et les ANCA permettent de distinguer ces angéites
Les manifestations cliniques sont variées (dyspnée, toux sèche, nécrosantes de la pneumonie de Carrington ou de l’aspergillose
HE sanguine inconstante). Les images radiologiques (infiltration bronchopulmonaire allergique. Les ANCA sont présents dans 50 %
périphérique dense, sans systématisation topographique réalisant seulement des syndromes de Churg-Strauss, contre plus de 90 %
un aspect de « négatif photographique de l’œdème pulmonaire ») des patients atteints de maladie de Wegener [15] . Il arrive qu’un
sont très évocatrices, et l’efficacité de la corticothérapie est diagnostic initial de SHE soit « corrigé » quelques années plus tard
spectaculaire. Aucune cause n’est retrouvée au cours de cette en syndrome de Churg-Strauss, mais la distinction entre ces deux
Étiologique Retentissement
Rechercher une infiltration tissulaire de
PNE
entités est parfois impossible, notamment dans les formes ANCA- en fait plusieurs entités très différentes, tant dans leur physio-
négatives. De plus, des phénomènes vascularitiques ne sont pas pathologie que dans leur présentation clinicobiologique ou leurs
exceptionnels dans les SHE. traitements. Il s’agit d’une pathologie rare dont la prévalence reste
La périartérite noueuse classique se distingue des précédentes inconnue mais est estimée à moins de 2 000 cas en France. Le SHE
par l’absence de signes respiratoires et d’ANCA (présents dans est responsable d’une ou plusieurs atteintes viscérales, avec une
moins de 10 % des cas) et par la fréquence des multinévrites. Une prédilection pour le cœur, la peau et le système nerveux central
HE, parfois massive, est observée dans 30 % des cas. et/ou périphérique. Des progrès récents dans la compréhension
Les emboles multiples de cristaux de cholestérol, qui des mécanismes physiopathologiques sous-tendant certaines HE
s’observent chez un patient athéromateux, sont souvent ont permis d’individualiser plusieurs tableaux clinicobiologiques
déclenchés par une artériographie ou un simple traitement anti- ou variants au sein des SHE. Les progrès nosologiques et théra-
coagulant. Les orteils pourpres et le livedo des membres inférieurs peutiques ont transformé le pronostic de cette maladie réputée,
sont évocateurs, de même que l’insuffisance rénale. jusqu’à présent, sévère. Actuellement, la classification moderne
La polyarthrite rhumatoïde est classiquement citée comme des SHE identifie trois groupes.
cause d’HE, notamment en cas d’atteinte pulmonaire, mais
aucune donnée chiffrée concernant sa fréquence n’est retrouvée
dans la littérature. Syndromes hyperéosinophiliques
Le syndrome de Shulman se manifeste par un état scléroder-
miforme sans phénomène de Raynaud ni atteinte viscérale. La myéloprolifératifs (SHE-M)
biopsie profonde (incluant le fascia musculaire) montre une fas- Les SHE-M représentent environ 15 % des SHE et touchent
ciite avec infiltrats à prédominance lymphocytaire, sans PNE : c’est quasi exclusivement les hommes. Les patients ont des caractéris-
une fasciite avec HE et non une fasciite à éosinophiles. La gravité tiques cliniques et/ou biologiques de syndrome myéloprolifératif
de la maladie est liée au risque de complications hématologiques (hépatosplénomégalie, cytopénies, élévation de la vitamine B12
(aplasie médullaire, survenue d’un lymphome). sérique). Les atteintes fibrosantes viscérales (cardiaque, médul-
Les connectivites (lupus, sclérodermie, syndrome de Gougerot- laire et pulmonaire) ont été décrites comme plus fréquentes dans
Sjögren) et la sarcoïdose s’accompagnent rarement d’une HE, qui ce variant. Le plus souvent, une anomalie moléculaire clonale
reste alors modérée, inférieure à 1,5 109 /l. Des chiffres plus éle- est retrouvée, résultant d’une délétion interstitielle sur le chro-
vés doivent faire remettre en cause le diagnostic ou envisager mosome 4. Celle-ci rapproche le gène Fip1-like1 (FIP1L1) et le
une cause médicamenteuse, une infection parasitaire (notam- gène platelet-derived growth factor receptor, alpha polypeptide (PDG-
ment une anguillulose chez les sujets antillais) ou un lymphome FRA) codant le récepteur ␣ au PDGF, et ayant pour conséquence
associé. l’activation constitutionnelle de PDGFRA, protéine à activité
Parmi les diagnostics différentiels du syndrome de Sjögren ou tyrosine kinase (transcrit de fusion FIP1L1-PDGFRA) [18] . Cette
de la sarcoïdose, il faut mentionner le syndrome hyper-IgG4 , anomalie clonale définit alors la leucémie chronique à éosino-
entité hétérogène dans sa présentation clinique (tuméfaction philes.
des glandes salivaires, pancréatite, cholangite, fibrose rétropéri-
tonéale), qui peut s’accompagner, rarement, d’une HE sanguine
supérieure à 1,5 109 /l [16] , mais plus fréquemment d’une HE tissu- Syndromes hyperéosinophiliques lymphoïdes
laire. Le diagnostic repose alors sur le dosage des IgG4 sériques,
et surtout sur la mise en évidence, sur les biopsies tissulaires, de (SHE-L)
plasmocytes surexprimant en surface l’IgG4 . Le SHE-L constitue 25 % à 30 % des SHE, atteint autant les
femmes que les hommes, et est responsable d’atteinte cutanée
dans la majorité des cas. Le variant lymphoïde est une patholo-
Syndrome hyperéosinophilique gie primitive lymphoïde définie par une expansion lymphocytaire
T non maligne [19, 20] . L’HE résulte d’une sécrétion accrue par les
lymphocytes T d’hématopoïétines spécifiques du PNE (l’IL5 prin-
Le SHE est une pathologie hétérogène définie classiquement cipalement). Actuellement, le critère permettant de classer un SHE
par les critères de Chusid [17] . Ces derniers exigent une éosinophi- en variant lymphoïde est l’existence d’une population lymphocy-
lie supérieure à 1,5 109 /l pendant plus de 6 mois, une atteinte taire T aberrante, parfois clonale. Une hypergammaglobulinémie
viscérale directement liée à l’infiltration tissulaire par les PNE polyclonale ainsi qu’une augmentation des IgE totales sont sou-
et l’absence d’autre étiologie retrouvée. Cette définition englobe vent présentes, mais non spécifiques.
Syndromes hyperéosinophiliques idiopathiques [3] Nutten S, Papin JP, Woerly G, Dunne DW, MacGregor J, Trottein F, et al. Selectin
and Lewis(x) are required as co-receptors in antibody-dependent cell-mediated
Les patients restés inclassés représentent environ 50 % à 60 % cytotoxicity of human eosinophils to Schistosoma mansoni schistosomula. Eur
des SHE. Dans ce groupe, le sex-ratio est proche de 1. J Immunol 1999;29:799–808.
[4] Costello R, O’Callaghan T, Sebahoun G. Eosinophils and antitumour response.
Rev Med Interne 2005;26:479–84.
Attitude pratique [5] Lotfi R, Lee JJ, Lotze MT. Eosinophilic granulocytes and damage-associated
molecular pattern molecules (DAMPs): role in the inflammatory response within
tumors. J Immunother 2007;30:16–28.
Il est difficile de retenir un schéma unique d’exploration d’une
[6] Legrand F, Driss V, Woerly G, Loiseau S, Hermann E, Fournie JJ, et al. A
HE en raison de la grande variété des atteintes organiques et functional gamma delta TCR/CD3 complex distinct from gammadeltaT cells is
des étiologies sous-jacentes. Le bilan comporte deux volets (qui expressed by human eosinophils. PLoS One 2009;4:e5926.
peuvent être réalisés dans le même temps) correspondant à la [7] Munitz A, Levi-Schaffer F. Eosinophils: “new” roles for “old” cells. Allergy
recherche d’une étiologie et du retentissement de cette HE (Fig. 1). 2004;59:268–75.
Un bilan de première intention « raisonnable » est proposé dans [8] Blanchard C, Rothenberg ME. Biology of the eosinophil. Adv Immunol
le Tableau 1. 2009;101:81–121.
Concernant l’attitude thérapeutique, tous les médicaments [9] Banque de données sur le médicament Theriaque : www.theriaque.org.
imputables sont arrêtés avant même le résultat des examens [10] Begon E, Roujeau JC. Drug hypersensitivity syndrome: DRESS (Drug Reac-
tion with Eosinophilia and Systemic Symptoms). Ann Dermatol Venereol
complémentaires.
2004;131:293–7.
Dans un second temps (ou d’emblée en l’absence de [11] Picard D, Janela B, Descamps V, D’Incan M, Courville P, Jacquot S, et al.
modification thérapeutique récente), un traitement d’épreuve Drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS): a multiorgan
antiparasitaire est donné de façon systématique. Outre son antiviral T cell response. Sci Transl Med 2010;2:46ra62.
action sur une éventuelle toxocarose asymptomatique, le trai- [12] Prin L, Leguern M, Ameisen JC, Saragosti S, Bletry O, Fenaux P, et al. HTLV-I
tement antiparasitaire d’épreuve a pour intérêt l’éradication de and malignant hypereosinophilic syndrome. Lancet 1998;2:569–70.
l’anguillule chez les patients ayant séjourné en zone endémique [13] Staumont-Sallé D, Capron M, Delaporte E. Peau et éosinophilie. EMC (Elsevier
et pour lesquels une corticothérapie pourrait être proposée. Masson SAS, Paris), Dermatologie, 98-705-A-10, 2007.
Il n’existe pas de recommandation concernant les molécules [14] Furuta GT, Liacouras CA, Collins MH, Gupta SK, Justinich C, Putnam PE,
et al. Eosinophilic esophagitis in children and adults: a systematic review
à utiliser : l’albendazole (5 jours consécutifs) ou l’association
and consensus recommendations for diagnosis and treatment. Gastroenterology
d’ivermectine (en prise unique) et de flubendazole (en deux prises 2007;133:1342–63.
à 15 jours d’intervalle) sont suffisants. [15] Sable-Fourtassou R, Cohen P, Mahr A, Pagnoux C, Mouthon L, Jayne D, et al.
En l’absence d’étiologie identifiée et de réponse au traitement Antineutrophil cytoplasmic antibodies and the Churg-Strauss syndrome. Ann
antiparasitaire, la poursuite des explorations est alors conduite Intern Med 2005;143:632–8.
dans un centre spécialisé (Tableau 1). [16] Watson SJ, Jenkins DA, Bellamy CO. Nephropathy in IgG4 -related systemic
disease. Am J Surg Pathol 2006;30:1472–7.
[17] Chusid MJ, Dale DC, West BC, Wolff SM. The hypereosinophilic syndrome:
Conclusion [18]
analysis of fourteen cases with review of the literature. Medicine 1975;54:1–27.
Cools J, DeAngelo DJ, Gotlib J, Stover EH, Legare RD, Cortes J, et al. A
tyrosine kinase created by fusion of the PDGFRA and FIP1L1 genes as a the-
Toute HE doit faire l’objet d’une enquête diagnostique appro- rapeutic target of imatinib in idiopathic hypereosinophilic syndrome. N Engl J
fondie, mais une cause médicamenteuse ou parasitaire doit être Med 2003;348:1201–14.
systématiquement évoquée. Le retentissement de cette HE doit [19] Roufosse F, Schandene L, Sibille C, Willard-Gallo K, Kennes B, Efira A, et al.
également être dépisté, notamment au niveau cardiaque. Lorsque Clonal Th2 lymphocytes in patients with the idiopathic hypereosinophilic syn-
le bilan de première intention ne permet pas de conclure, ou en drome. Br J Haematol 2000;109:540–8.
cas de SHE, la prise en charge se fait dans un service spécialisé. [20] Simon HU, Plotz SG, Dummer R, Blaser K. Abnormal clones of T cells produ-
cing interleukin-5 in idiopathic eosinophilia. N Engl J Med 1999;341:1112–20.
F. Ackermann.
Service de médecine interne, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes cedex, France.
F. Legrand.
Laboratoire d’immunologie, Réseau éosinophile, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 1, place de Verdun, 59045 Lille cedex, France.
Inserm Unité 995, Institut fédératif de recherche 114, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 1 place de Verdun, 59045 Lille cedex, France.
Y. Schoindre.
Service de médecine interne, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes cedex, France.
J.-E. Kahn (je.kahn@hopital-foch.org).
Service de médecine interne, Hôpital Foch, 40, rue Worth, 92151 Suresnes cedex, France.
Laboratoire d’immunologie, Réseau éosinophile, Centre hospitalier régional universitaire de Lille, 1, place de Verdun, 59045 Lille cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Ackermann F, Legrand F, Schoindre Y, Kahn JE. Hyperéosinophilie : étiologies et démarche diagnostique
pratique. EMC Traité de Médecine Akos 2012;7(2):1-6 [Article 1-1281].
Hyperglycémie de l’adulte
A. Hartemann-Heurtier
On peut distinguer deux conditions de découverte d’une hyperglycémie qui entraînent des démarches
pratiques différentes : soit l’hyperglycémie est découverte sur sa symptomatologie clinique (polyurie plus
polydipsie plus ou moins amaigrissement). Il n’y alors pas besoin de confirmer le diagnostic de diabète, et
la conduite en urgence dépend du contexte ; soit l’hyperglycémie est découverte fortuitement. Il faut alors
rassembler les arguments pour parler de diabète, préciser l’étiologie de celui-ci, et prendre en charge ce
diabète ou cette hyperglycémie non diabétique, avec une thérapeutique adaptée.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Hyperglycémie ; Diabète de type 1 ; Diabète de type 2 ; Syndrome cardinal ; Acidocétose
Hyperglycémie clinique
+ –
Urgences Hospitalisation
+ – Samu Acétone urines dans les 24 h
+ –
Hospitalisation Créatinine
dans les 24 h État cardiorespiratoire Actrapid® 10 UI Actrapid® 10 U sous-cutané
i.v. ou i.m. hospitalisation en 24 h
Régime + biguanides
Urgences
Glycémie à jeun et PP
Acétone urines à j7
+ –
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une hyperglycémie symptomatique. HTA : hypertension artérielle ; i.v. : intraveineux ;
i.m. : intramusculaire ; PP : postprandial.
Tableau 1. S’il n’y a pas d’acétone dans les urines, le degré d’urgence est
Bilan de prise en charge initiale d’un diabète de type 2. moindre, et l’on peut organiser l’hospitalisation du patient dans
Recherche d’un facteur de décompensation : foyer dentaire, ORL, ECBU
les 24 heures en service spécialisé, après avoir injecté 10 unités
si nitrites bandelette urinaire +, ECG, TSH, VS d’insuline rapide en sous-cutané.
Recherche d’une complication : fond d’œil, créatinine, dosage
de microalbuminurie, ECG, Doppler artériel si clinique évocatrice Sujet âgé, sous traitement favorisant
d’athérome la déshydratation (diurétiques) et/ou
Bilan des facteurs de risques cardiovasculaires : cholestérol total et HDL, l’hyperglycémie (corticoïdes),
triglycérides, tension artérielle
avec un éventuel tableau septique aigu
ECBU : étude cytobactériologique des urines ; TSH : thyroid stimulating hormone ;
VS : vitesse de sédimentation ; HDL : high density lipoprotein ; ECG : (bronchite, gastroentérite, etc.)
électrocardiogramme ; ORL : oto-rhino-laryngologique.
Il faut penser au risque de coma hyperosmolaire, et recher-
cher cliniquement des signes de déshydratation (langue sèche,
soif, pli cutané, tension artérielle). L’hospitalisation en urgence
Patient mince, sans notion familiale est alors nécessaire pour assurer la réhydratation et l’insulino-
de diabète de type 2 thérapie qui s’imposent dans ce contexte.
Le diagnostic le plus probable est celui de diabète insulino- Patient plutôt mince, pour lequel
dépendant (dit « de type 1 »). Il faut rechercher des signes
cliniques d’acidose (polypnée, douleurs abdominales, troubles on a la notion d’un alcoolisme chronique,
digestifs), et une cétonurie avec une bandelette urinaire (la voire d’antécédents de douleurs
recherche d’une cétonémie est possible avec certains lecteurs de abdominales évocatrices de pancréatite
glycémie capillaire).
En cas de cétonurie simple (1 ou 2 croix), sans signe clinique
chronique
d’acidose, on peut injecter 10 unités d’insuline rapide en Le diagnostic le plus probable est celui de pancréatite chro-
intramusculaire (elle agit plus vite qu’en sous-cutané), et nique calcifiante. Les biguanides sont contre-indiqués (alcoo-
adresser immédiatement le patient aux urgences. lisme, cirrhose hépatique) et les sulfamides dangereux (risque
En cas de signes cliniques d’acidose métabolique ou en d’hypoglycémie sévère et prolongée). La mise en route d’une
présence d’une cétonurie massive, il faut assurer un transfert insulinothérapie adaptée (petites doses, en évitant les hypogly-
aux urgences en transport médicalisé. cémies) est nécessaire en milieu hospitalier.
Sujet < 40 ans, mince Sujet > 20 ans, surpoids, > 40 ans, altération état général
Pas d'antécédent diabète type 2 familial ± douleur abdominale
familial de diabète type 2 ± HTA ± ictère
± dyslipidémie ± syndrome inflammatoire
Glycémie à jeun > 1,26 g/l à 2 reprises Glycémie à jeun < 1,26 g/l
ou
Glycémie non à jeun ≥ 2 g/l
+ Glycémie à la 2e heure
Toute référence à cet article doit porter la mention : Hartemann-Heurtier A. Hyperglycémie de l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 1-1290, 2008.
Hypocalcémie
H. Boulanger, S. Ahriz Saksi, F. Chhuy, M. Flamant
L’hypocalcémie est une anomalie métabolique fréquente, définie par une calcémie totale inférieure à
2,2 mmol/l ou une calcémie ionisée inférieure à 1,15 mmol/l. Elle peut être asymptomatique et se résumer
à une simple constatation biologique de découverte fortuite ou, à l’inverse, entraîner des manifestations
cliniques sensitives et neuromusculaires pouvant à l’extrême mettre en jeu le pronostic vital. Cette varia-
bilité d’expression dépend de la sévérité de l’hypocalcémie mais également de son mode d’installation,
brutal ou progressif. L’orientation étiologique de l’hypocalcémie, en dehors des situations cliniques évi-
dentes, repose sur la mesure des concentrations circulantes de parathormone (PTH) qui permet de
différencier les causes parathyroïdiennes des causes extraparathyroïdiennes. L’existence d’une hypocal-
cémie et d’une PTH basse et inappropriée est généralement la conséquence d’une chirurgie de la thyroïde
ou des parathyroïdes. Les autres causes sont beaucoup plus rares : infiltration des parathyroïdes, acti-
vation du récepteur sensible au calcium, déficit congénital isolé ou syndromique de la sécrétion de PTH.
L’existence d’une hypocalcémie et d’une PTH élevée et appropriée est généralement secondaire à une
carence en vitamine D, à une insuffisance rénale chronique, ou à une baisse brutale du calcium ionisé
plasmatique par précipitation ou transfert. Les résistances génétiques à l’action de la PTH et de la vita-
mine D sont exceptionnelles. Les hypocalcémies peuvent également être d’origines médicamenteuses
ou secondaires à une hypomagnésémie profonde. La prise en charge thérapeutique de l’hypocalcémie
consiste, après avoir réalisé les prélèvements nécessaires à l’identification de son étiologie, à corriger les
manifestations cliniques si elles existent puis à mettre en place un traitement adapté qui se résume en
pratique à un apport vitamino-calcique.
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2 3
Action résorptive Action résorptive
Stimulation de la sécrétion
de PTH via le CaSR
PTH
3
Augmentation de l’absorption
digestive de calcium
Calcitriol
Ca2+ Ca2+
1 3
Diminution de la réabsorption de calcium Augmentation de la réabsorption
dans la BAL via le CaSR de calcium dans le TD
Figure 1. Principales étapes de la boucle de régulation de l’homéostasie calcique. La baisse de la calcémie entraîne via le récepteur sensible au calcium
(CaSR) de la glande parathyroïdienne et du rein respectivement une stimulation de la sécrétion de parathormone (PTH) et une diminution de la réabsorption
tubulaire de calcium (étape 1). L’augmentation de la PTH augmente la libération de calcium d’origine osseuse, la réabsorption tubulaire de calcium et stimule,
par activation de la 1-alpha hydroxylase, la production rénale de calcitriol (étape 2). Le calcitriol stimule l’absorption digestive, la réabsorption tubulaire distale
et la résorption osseuse de calcium (étape 3). Ces trois étapes aboutissent à une restauration de la calcémie. En cas d’hypercalcémie, les systèmes inverses
sont activés. BAL : branche ascendante large ; TD : tube digestif.
Tableau 2.
Étiologies des hypocalcémies (cf. les hypocalcémies médicamenteuses dans le Tableau3).
Hypocalcémies parathyroïdiennes Hypocalcémies extraparathyroïdiennes
Congénitales Acquises Diminution des entrées Insuffisance Hypocalcémie par
Agénésie : anomalie du Chirurgicales : chirurgie de la digestives de calcium rénale précipitation et/ou
développement embryologique thyroïde et des parathyroïdes Carence d’apport chronique de transfert
isolée ou s’intégrant dans un Infiltrations, radiothérapie Carence d’ensoleillement Transfusions,
syndrome dysmorphique Fonctionnelles : Malabsorption : insuffisance pancréatite aiguë,
(syndrome de Di George) hypomagnésémie, intoxication pancréatique, Crohn, sprue, syndrome de lyse,
Auto-immunes : isolée ou alcoolique aiguë by-pass gastrique, etc. alcalose aiguë, hungry
s’intégrant dans une Activation du récepteur sensible au Pseudohypoparathyroïdie : isolée bone syndrome
polyendocrinopathie calcium : pharmacologique ou ou associée au syndrome
auto-immune (triade : maladie immunologique dysmorphique de Albright
d’Addison, hypoparathyroïdie, Rachitisme de type I : déficit en
moniliase) 1-alpha hydroxylase
Familiales isolées : anomalies Rachitisme vitaminorésistant de
héréditaires responsables d’un type II : absence de récepteur à la
dysfonctionnement d’une des vitamine D
étapes nécessaires à la synthèse
de parathormone
Hypocalcémie hypercalciurique
familiale : asymptomatique ou
associée à un syndrome de
Bartter de type V
Par déficit congénital en
magnésium : réversible après
correction de l’hypomagnésémie
Tableau 3.
Principales causes d’hypocalcémie d’origine médicamenteuse et mécanismes sous-jacents.
Pseudohypocalcémie Hypocalcémie avec hypoparathyroïdie Hypocalcémie avec élévation de la parathormone
Interférence du gadolinium avec les Hypomagnésémie sévère Chélateurs du calcium : citrate (transfusion, épuration
méthodes de dosage colorimétrique du Cisplatine, aminoglycosides, amphotéricine B extrarénale au citrate, échanges plasmatiques), foscarnet,
calcium total. Effet pouvant être Alcool intoxication à l’acide fluorohydrique
prolongé en cas d’injection de Cinacalcet Bisphosphonates : diminution de l’ostéorésorption
gadolinium pour une IRM réalisée chez Diurétiques de l’anse : diminution de la réabsorption de
le patient insuffisant rénal chronique calcium dans la branche large de l’anse de Henlé
Estramustine et estrogénothérapie : diminution de
l’ostéorésorption (utilisation dans les cancers de la prostate)
Médicaments entraînant une hyperphosphatémie : laxatifs et
lavements à base de phosphate de sodium pour préparation à
la coloscopie, syndrome de lyse secondaire à une
chimiothérapie pour hémopathie maligne
Inhibiteurs de la pompe à protons et antihistaminiques H2 :
diminution de l’absorption digestive de calcium par
diminution de l’acidité gastrique, diminution de la
résorption osseuse, hypomagnésémie a
Injection de calcitonine : augmentation de l’accrétion osseuse
Anticonvulsivants (barbituriques, phénylhydantoïne),
rifampicine : activation du cytochrome P450 hépatique et
stimulation du catabolisme rénal avec la 24 hydroxylase
a
L’hypomagnésémie observée avec les inhibiteurs de la pompe à protons peut entraîner une hypoparathyroïdie, mais également une pseudohypoparathyroïdie. IRM :
imagerie par résonance magnétique.
une résistance à son action. Elle est considérée comme fonction- • les hypoparathyroïdies fonctionnelles, dont la principale cause
nelle car réversible après correction de l’hypomagnésémie. est l’hypomagnésémie profonde (inférieure à 0,4 mmol/l), en
Hypoparathyroïdies acquises rapport avec une intoxication alcoolique aiguë, une malabsorp-
tion digestive ou une perte rénale (ciclosporine) ;
Les plus fréquentes sont le plus souvent dues à une réduction
• les hypoparathyroïdies médicamenteuses, parmi lesquelles se
de la masse parathyroïdienne. On distingue schématiquement :
trouvent les activateurs du CaSR (cinacalcet), qui reproduisent
• les hypoparathyroïdies à la suite d’une chirurgie thyroï-
le tableau d’hypocalcémie hypercalciurique familiale, et les
dienne ou parathyroïdienne. Après chirurgie thyroïdienne,
inhibiteurs de la pompe à protons, qui peuvent induire une
l’hypocalcémie est le plus souvent transitoire. Elle est consi-
hypocalcémie hypomagnésémique à PTH basse [13] .
dérée comme définitive lorsqu’elle persiste au-delà de six
mois. Après une cure d’adénome parathyroïdien ou d’une
hyperplasie, il existe fréquemment une hypocalcémie dont le Hypocalcémie extraparathyroïdienne
mécanisme peut être soit une extinction transitoire de la capa- Pseudohypoparathyroïdie
cité du tissu parathyroïdien restant à sécréter de la PTH, soit Le tableau phosphocalcique est celui de l’hypoparathyroïdie
une réduction excessive du tissu parathyroïdien ; (hypocalcémie, hyperphosphatémie et calcitriolémie basse), mais
• les hypoparathyroïdies organiques par infiltration des para- la PTH est élevée, de manière inadaptée. Cela définit un tableau
thyroïdes (infiltration tumorale, amyloïde, sarcoïdosique, par de résistance à la PTH [14] . Les formes génétiques sont en rapport
maladie de surcharge). Ces causes d’hypoparathyroïdie sont avec des mutations sur les voies de transduction en aval du récep-
exceptionnelles ; teur de la PTH. Il en existe plusieurs formes, mais la plus fréquente
Tableau 4.
Caractéristiques biologiques des principaux syndromes avec hypocalcémie.
Principaux syndromes Phosphatémie Calciurie PTH Vitamine D Calcitriol Magnésémie
d’hypocalcémie
PTH : parathormone.
est la pseudohypoparathyroïdie de type 1a, en rapport avec une rarement après correction d’une hyperthyroïdie et parfois spon-
mutation de la protéine G␣ [15] . Elle associe à l’hypoparathyroïdie tanément après lever d’immobilisation) et de certains processus
un syndrome dysmorphique osseux (ostéodystrophie d’Albright d’hyperminéralisation osseuse (métastases ostéocondensantes de
caractérisée par une bradymétacarpie, un facies lunaire, une obé- certains cancers), ou enfin par saponification du calcium avec
sité, des calcifications extraosseuses, un retard de croissance et un les acides gras libres provenant du mésentère au cours des
retard mental variable). pancréatites aiguës. Dans le cas du hungry bone syndrome postpa-
rathyroïdectomie, l’élévation de la PTH est souvent absente car
Anomalies du métabolisme de la vitamine D active
c’est justement la réduction et la sidération parathyroïdienne qui
ou de son action
initie ce phénomène [17] .
Le tableau est habituellement celui d’une hypocalcémie, d’une
hypophosphatémie, d’une élévation de la PTH et d’une hypocal- Hypocalcémie par fuite rénale de calcium
citriolémie. Elles sont généralement secondaires à une carence Outre l’hypocalcémie hypercalciurique familiale ou secondaire
(inférieure à 10 ng/ml) ou à un déficit (inférieur à 30 ng/ml) en au traitement par cinacalcet, évoquée dans le chapitre des hypopa-
vitamine D, rarement d’origine alimentaire, plus fréquemment rathyroïdies, certaines hypocalcémies ont pour origine une perte
secondaire à un déficit d’exposition solaire, à une malabsorption rénale de calcium. Cette fuite rénale de calcium peut être secon-
digestive (sprue, maladie de Crohn, insuffisance pancréatique, daire à la prise des diurétiques de l’anse, ou rester idiopathique.
chirurgie gastro-intestinale avec by pass). La diminution des En réalité, l’hyperparathyroïdie secondaire rend l’hypocalcémie
concentrations circulantes de vitamine D active peut également peu fréquente, hormis lorsqu’il existe un facteur extrarénal associé
être secondaire à un défaut d’hydroxylation de la vitamine D en (apports restreints, utilisation d’un bisphosphonate).
position 25 au cours d’hépatopathies, ou en position 1 par le rein
dans le rachitisme pseudocarentiel de type I. Ce rachitisme pseu- Hypocalcémie médicamenteuse
docarentiel d’origine génétique est sensible aux formes actives de De nombreux médicaments peuvent induire une hypocalcé-
vitamine D. Enfin, il peut s’agir d’une anomalie génétique portant mie. Les mécanismes en cause sont très variés. La liste des
sur le VDR, définissant le rachitisme pseudocarentiel de type II, principaux médicaments avec leurs mécanismes responsables
vitaminorésistant, uniquement sensible à de très fortes doses de d’une hypocalcémie est répertoriée dans le Tableau 3 [18] .
dérivés actifs de la vitamine D [16] .
Insuffisance rénale chronique
L’hypocalcémie observée au cours de l‘insuffisance rénale chro- Manifestations cliniques
nique est liée à la rétention de phosphates qui favorise la
précipitation de cristaux de phosphate de calcium dans les tissu L’intensité des manifestations cliniques de l’hypocalcémie est
mous, à la perturbation du métabolisme de la vitamine D avec extrêmement variable et dépend, d’une part, de la profondeur
diminution de la production de vitamine D active (secondaire à de l’hypocalcémie et, d’autre part, de sa rapidité d’installation.
l’augmentation du fibroblast growth factor 23 (FGF23) qui inhibe la L’hypocalcémie observée au cours de l’insuffisance rénale chro-
1-alpha hydroxylase rénale), et à la survenue d’une résistance du nique est par exemple souvent asymptomatique, contrairement
tissu osseux à l’action de la PTH. aux hypocalcémies d’apparition aiguë.
Les manifestations à court terme de l’hypocalcémie sont avant
Hypocalcémie par précipitation et/ou transfert tout neuromusculaires. Le signe le plus fréquent consiste en des
La précipitation intravasculaire de calcium peut être secondaire paresthésies dont la localisation péribuccale et aux extrémités
à l’apport de citrate délivré par les culots globulaires au cours (mains surtout) est évocatrice du diagnostic d’hypocalcémie. Les
des transfusions massives, ou par les circuits extracorporels au troubles moteurs se présentent sous forme de crampes ou de
cours des séances de plasmaphérèses ou d’épuration extrarénales spasme pouvant, à l’extrême, évoluer vers une forme tétanique
utilisant le citrate. L’augmentation rapide des taux sériques de avec dysfonctionnement des muscles lisses (dysphagie œsopha-
phosphates par rétention au cours de l’insuffisance rénale aiguë gienne, douleur abdominale, spasme laryngé et bronchospasme).
ou par apport massif au cours des syndromes de lyse tumorale L’hypocalcémie peut également entraîner des manifestations car-
(chimiothérapie pour leucémie ou lymphome), des rhabdomyo- diovasculaires à type d’hypotension, d’allongement du QT, de
lyses ou de la prise de certains lavements digestifs, peut également trouble de rythme, d’insuffisance cardiaque congestive, réfrac-
entraîner une hypocalcémie par précipitation sous forme de sel de taire aux agents pharmacologiques inotropes et réversible à
phosphate de calcium dans le secteur extracellulaire ou les tissus la correction de l’hypocalcémie. Elle peut également entraîner
mous. des manifestations neurologiques centrales à type de convul-
Les hypocalcémies de transfert peuvent se faire par fixation sions, de troubles psychiques (anxiété, dépression, psychose) et
sur les protéines plasmatiques, comme au cours de l’alcalose une altération des fonctions supérieures à type de démence,
aiguë, qu’elle soit métabolique ou respiratoire, par transfert vers débilité.
l’os au cours du hungry bone syndrome (le plus souvent après À long terme, l’hypocalcémie peut entraîner des troubles tro-
une cure chirurgicale d’une hyperparathyroïdie, beaucoup plus phiques de la peau et des phanères (peau sèche, cheveux rares et
cassants, diminution de la pilosité axillaire et pubienne, chutes Prise en charge de l’hypocalcémie chronique
des sourcils et des cils), calcification du cristallin (cataracte sub-
capsulaire), altération dentaire, calcifications intracrâniennes. Elle repose sur des apports en calcium associés à la prise de
Outre ces signes spontanés, deux signes provoqués peuvent vitamine D native ou un de ses dérivés actifs hydroxylés. Les
aider au diagnostic d’hypocalcémie et permettre de détecter un apports en calcium sont prescrits de manière fractionnée sous
risque de tétanie, le signe de Chvostek et le signe de Trousseau. Le forme de gluconate, carbonate ou acétate de calcium en trois
premier est peu spécifique (présent chez 25 % des gens normaux), ou quatre prises dans la journée en dehors des repas pour évi-
il s’agit d’une contraction des muscles péribuccaux provoquée par ter leur chélation aux phosphates alimentaires. Les apports en
la percussion du nerf facial en avant de l’oreille. Le deuxième est vitamine D peuvent correspondre à de la vitamine D3 animale
plus spécifique et se manifeste par une contraction des muscles ou cholécalciférol (Uvédose® ), à de la vitamine D2 végétale ou
de la main sous la forme caractéristique d’une main d’accoucheur ergocalciférol (Stérogyl® ), aux dérivés actifs hydroxylés de la vita-
après maintien du brassard tensionnel 20 mmHg au-dessus de la mine D3 en 25 ou calcifédiol (Dédrogyl® ), en 1 et 25 ou calcitriol
systolique pendant trois minutes. (Rocaltrol® ), en 1-alpha ou alfacalcidol (Unalfa® ). La quantité et
le type de vitamine D utilisé dépendent de l’étiologie. Le stock
en vitamine D au cours des carences est généralement recons-
Prise en charge thérapeutique titué avec des doses journalières, mensuelles ou semestrielles
de Stérogyl® ou d’Uvédose® . Les dérivés hydroxylés, de type
Rocaltrol® ou Unalfa® , sont utilisés dans l’ostéodystrophie rénale,
L’urgence de la prise en charge thérapeutique dépend de la les hypoparathyroïdies, les pseudohypoparathyroïdies, les rachi-
sévérité biologique de l’hypocalcémie, de l’existence de manifes- tismes pseudocarentiels, le Dédrogyl® au cours des traitements par
tations cliniques et surtout de son caractère aigu ou chronique. corticoïdes ou anticonvulsivants. Les apports vitaminocalciques
L’objectif de la prise en charge consiste par conséquent à doivent rester modérés dans l’insuffisance rénale chronique et
distinguer rapidement, dans un premier temps à partir de l’hypoparathyroïdie, car ils exposent au risque de bilan calcique
l’interrogatoire, de la clinique et des circonstances de découverte, positif avec calcifications vasculaires dans le premier cas et, dans
s’il s’agit d’une situation chronique, généralement stable et bien le second, au risque d’hypercalciurie avec maladie lithiasique
tolérée ou d’une situation aiguë, instable nécessitant un traite- et nephrocalcinose. La prescription de diurétique thiazidique
ment immédiat. Le but du traitement de l’hypocalcémie aiguë est permet dans l’hypoparathyroïdie, d’augmenter la calcémie sans
de corriger ou de prévenir les manifestations cliniques neuromus- entraîner d’hypercalciurie. L’administration sous-cutanée de PTH
culaires potentiellement menaçantes pour le patient. Il consiste synthétique permet également de diminuer significativement les
à apporter des quantités importantes de calcium généralement apports vitaminocalciques et l’hypercalciurie, mais n’est pas auto-
par voie veineuse pour ramener et maintenir la calcémie ionisée risée pour cette indication actuellement [21] . L’existence d’une
à une valeur seuil sécuritaire de 1 mmol/l ou la calcémie totale hypomagnésémie profonde doit être systématiquement recher-
à une valeur seuil sécuritaire de 1,8 mmol/l pour s’affranchir de chée et corrigée dans tous les cas pour que le traitement
toutes complications neuromusculaires ou vitales potentielles. En vitaminocalcique soit efficace.
l’absence d’urgence thérapeutique, l’objectif est de mettre en place
un traitement d’entretien généralement par voie orale adaptée à
l’étiologie sous-jacente.
Conclusion
Prise en charge thérapeutique L’identification d’une hypocalcémie doit amener à savoir si elle
de l’hypocalcémie aiguë est aiguë ou chronique. Les hypocalcémies aiguës sont potentiel-
lement plus dangereuses et doivent, par conséquent, être traitées
Un apport calcique parentéral s’impose généralement au cours rapidement, généralement par voie intraveineuse de calcium. Le
de l’hypocalcémie aiguë, en cas de manifestations cliniques contexte suffit généralement à en définir l’origine étiologique
sévères et/ou si la calcémie ionisée est inférieure à 1 mmol/l ou la (hypocalcémies observées après une chirurgie des parathyroïdes
calcémie totale inférieure à 1,8 mmol/l. Il n’existe pas de schéma ou de la thyroïde, hypocalcémies par précipitation ou de trans-
thérapeutique standardisé. Un traitement d’attaque peut être pro- fert). Les hypocalcémies chroniques ne nécessitent pas de prise
posé avec la perfusion intraveineuse en cinq à dix minutes de deux en charge symptomatique aussi rapide. Elles sont essentielle-
à trois ampoules de gluconate de calcium à 10 % dans 100 ml de ment représentées par les carences en vitamine D, l’insuffisance
soluté glucosé iso-osmotique ou de sérum physiologique. Ce trai- rénale chronique et l’hypoparathyroïdie chronique postchirurgi-
tement pouvant être répété toutes les heures jusqu’à la disparition cale. Leur traitement repose sur un apport vitaminocalcique par
des symptômes. Un traitement d’entretien peut ensuite être réa- voie orale.
lisé avec la perfusion de quatre à huit ampoules de gluconate de
calcium à 10 % dans 500 ml de glucosé ou de sérum physiologique
à passer en quatre à six heures. Ce traitement doit être adapté aux
résultats des contrôles de calcémie réalisés toutes les 4 à 6 heures et Références
poursuivi tant que la calcémie ionisée reste inférieure à 1 mmol/l
et la calcémie totale inférieure à 1,8 mmol/l. Un relais par voie [1] Cooper MS, Gittoes NJ. Diagnosis and management of hypocalcaemia.
Br Med J 2008;336:1298–302.
orale peut être ensuite entrepris.
On peut édicter ici quelques règles complémentaires à cet [2] Gidenne S, Vigezzi JF, Delacour H, Damiano J, Clerc Y. Direct deter-
mination or estimated value of plasma ionized calcium: indications and
apport calcique parentéral, il faut : éviter la perfusion intravei-
limits. Ann Biol Clin 2003;61:393–9.
neuse directe (risque d’arythmie avec arrêt cardiaque), penser à
[3] Doorenbos CJ, Ozyilmaz A, van Wijnen M. Severe pseudohypocal-
corriger de manière concomitante une éventuelle hypomagnésé-
cemia after gadolinium-enhanced magnetic resonance angiography. N
mie sévère, éviter de corriger préalablement une acidose associée Engl J Med 2003;349:817–8.
qui aggrave l’hypocalcémie ionisée. On suggère également la
[4] Gauci C, Moranne O, Fouqueray B, de la Faille R, Maruani
perfusion sur une veine de gros calibre (si possible une veine G, Haymann JP, et al. Pitfalls of measuring total blood cal-
jugulaire externe) en raison de la veinotoxicité du calcium [19, 20] . cium in patients with CKD. J Am Soc Nephrol 2008;19:
Les ampoules de gluconate de calcium (ampoule de 10 ml à 10 % 1592–8.
contenant 90 mg de calcium élément) sont généralement préfé- [5] Fardellone P, Cotté FE, Roux C, Lespessailles E, Mercier F, Gaudin
rées aux ampoules de chlorure de calcium (ampoule de 10 ml à AF. Calcium intake and the risk of osteoporosis and fractures in French
10 % contenant 180 mg de calcium élément), car elles sont moins women. Joint Bone Spine 2010;77:154–8.
concentrées et donc potentiellement moins veinotoxiques. Enfin, [6] McCormick CC. Passive diffusion does not play a major role
il est important de ne pas perfuser en même temps du bicarbonate in the absorption of dietary calcium in normal adults. J Nutr
ou du phosphate en raison du risque de précipitation. 2002;132:3428–30.
[7] Dimke H, Hoenderop JG, Bindels RJ. Hereditary tubular transport [14] Conte-Devolx B, Castinetti F, Lienhard-Roussie A. Hypoparathyroï-
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H. Boulanger (h.boulanger@clinique-estree.fr).
S. Ahriz Saksi.
Service de néphrologie, hémodialyse, Clinique de l’Estrée, 35, rue d’Amiens, 93240 Stains, France.
F. Chhuy.
Service des urgences, Clinique de l’Estrée, 35, rue d’Amiens, 93240 Stains, France.
M. Flamant.
Exploration fonctionnelles rénales, Hôpital Bichat–Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Boulanger H, Ahriz Saksi S, Chhuy F, Flamant M. Hypocalcémie. EMC - Traité de Médecine Akos
2014;9(1):1-7 [Article 1-1312].
Hypokaliémie
Encyclopédie Pratique de Médecine
D Joly
L ’hypokaliémie est un désordre électrolytique fréquent, le plus souvent cliniquement silencieux. Son
retentissement myocardique et musculaire peut cependant engager le pronostic vital. Les causes
d’hypokaliémie sont nombreuses, mais le contexte clinique et, dans certains cas, le ionogramme urinaire orientent
rapidement l’enquête étiologique.
© Elsevier, Paris.
■
Les troubles du rythme cardiaque sont rares ou – les antécédents personnels et familiaux ;
Physiologie exprimés de façon modérée chez le sujet sain ; ils sont – l’emploi de diurétiques, laxatifs ou autres
plus fréquents, voire préoccupants, chez les patients médicaments ;
porteurs d’une cardiopathie sous-jacente (ischémique – l’existence de troubles digestifs ;
Un rappel de la physiologie du potassium est ou valvulaire), ou bien traités par digitaliques ou – le niveau de pression artérielle.
proposé dans l’article « hyperkaliémie ». Le potassium quinidiniques. Il n’y a pas de parallélisme étroit entre Les éléments précédents permettent d’évoquer
joue un rôle majeur dans la polarisation des kaliémie et modifications et électriques : l’élec- d’emblée, avec une bonne sécurité, la cause de
membranes cellulaires, le potentiel neuromusculaire, troencéphalogramme (ECG), est donc systématique l’hypokaliémie dans plus de 90 % des cas. Il s’agit le
l’automatisme cardiaque et certaines activités devant toute hypokaliémie. plus souvent d’un traitement diurétique mal contrôlé
enzymatiques. L’hypokaliémie est la conséquence ou de pertes digestives basses. Une classification
Muscles striés étiologique des hypokaliémies est indiquée tableau II.
d’une déplétion potassique, ou d’un transfert
intracellulaire de potassium. Lorsque ces signes sont présents, ils se limitent en Dans une faible proportion des cas, le diagnostic
règle à une fatigabilité musculaire, des myalgies ou des n’est pas évident : le ionogramme sanguin sera
■
crampes ; les parésies ou paralysies des membres complété par un ionogramme urinaire, mesurant
et/ou des muscles respiratoires, ainsi que les notamment la kaliurèse des 24 heures et la chlorurie.
Diagnostic [3]
rhabdomyolyses, sont exceptionnelles. Les Un algorithme décisionnel simple permet de distinguer
fasciculations musculaires ou des signes de tétanie les pertes urinaires et les pertes digestives de
‚ Dosage plasmatique sont davantage en rapport avec une carence associée potassium (fig 1) ; les carences d’apport alimentaire,
L’hypokaliémie est définie par une concentration en magnésium. pertes cutanées et transfert intracellulaire sont très
du potassium plasmatique inférieure à 3,5 mmol/L. Le rares.
Muscles lisses La cause précise d’une hypokaliémie reste parfois
plus souvent, c’est un ionogramme sanguin
systématique qui révèle l’anomalie. L’hypocontractilité digestive par hypokaliémie est obscure. Dans ces cas, l’avis du spécialiste peut être
parfois responsable d’une constipation, avec au utile. Certaines affections sont difficiles à reconnaître
‚ Signes cliniques maximum iléus paralytique. Des rétentions d’urines, ou souvent méconnues. Deux situations méritent ici
Ils sont pour l’essentiel neuromusculaires (dus à une des hypotensions artérielles orthostatiques ont été très d’être individualisées : la prise cachée de diurétiques
hyperpolarisation membranaire) ou rénaux. rarement rapportées. et/ou de laxatifs (tableau III) [2] ; les syndromes de
Bartter et Gitelman (tableau IV).
Myocarde Néphropathie hypokaliémique [2]
L’atteinte myocardique se traduit par des troubles Une tubulopathie fonctionnelle est assez fréquente
■
de la repolarisation ventriculaire diffus, et parfois des au cours des hypokaliémies sévères prolongées : elle
troubles du rythme, supraventriculaires ou se traduit essentiellement par un syndrome
Traitement
ventriculaires (tableau I). polyuropolydipsique avec polyurie hypotonique,
résistante à l’hormone antidiurétique (ADH) ; des ‚ Traitement curatif
Tableau I. – Anomalies de l’électrocardio- pertes de chlore, d’ammoniaque, ou une rétention
gramme (ECG) au cours des hypokaliémies. Le traitement curatif d’une hypokaliémie est tout
hydrosodée sont aussi possibles. Des lésions
d’abord étiologique. Une supplémentation potassique
histologiques rénales peuvent apparaître, touchant
Troubles de la repolarisation ventriculaire diffus : est nécessaire lorsque l’hypokaliémie est sévère (<
initialement les tubules proximaux (aspect vacuolé)
— aplatissement voire négativation des ondes T 2,5 mmol/L), ou lorsqu’elle survient chez un sujet
puis l’interstitium. Une insuffisance rénale chronique
— apparition d’ondes U digitalisé ou porteur d’une cardiopathie. La quantité de
peut se développer lorsque l’hypokaliémie persiste
— T-U : aspect de double bosse positive ou d’onde potassium à apporter et la voie d’administration
diphasique plusieurs années.
dépendent essentiellement de l’existence ou non de
— sous-décalage du segment ST en cupule à troubles du rythme, de paralysies, et de troubles
concavité supérieure
■
digestifs (tableau V).
— pseudoallongement de ST (longueur normale
sauf carence en Mg++ ou Ca++) Diagnostic étiologique ‚ Traitement préventif
Troubles du rythme :
— supraventriculaires : extrasystoles, tachycardie, Un traitement préventif est souvent utile chez les
tachysystolie auriculaire, arythmie complète par patients soumis à un traitement hypokaliémiant, par
fibrillation auriculaire L’enquête étiologique est très simple dans la grande exemple corticoïde ou diurétique. En revanche,
© Elsevier, Paris
— ventriculaires : extrasystoles, tachycardie ou majorité des cas observés en pratique courante. Il faut lorsqu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC)
fibrillation ventriculaire, torsade de pointe préciser entre autres : est associé au diurétique, la supplémentation
– l’ancienneté de l’hypokaliémie ; potassique n’est généralement pas utile.
1
1-1320 - Hypokaliémie
Tableau II. – Principales causes d’hypokaliémie. Tableau III. – Maladie des laxatifs et
diurétiques.
Insuffisance des apports alimentaires (3 g/j au minimum)
Situation rare : diminution du stock corporel de K+ dans les anorexies mentales prolongées et certains régi- Maladie des laxatifs
mes amaigrissants Il s’agit de femmes jeunes au profil psychologique
Transfert intracellulaire accru du K+ : particulier, souvent très maigres. L’usage des laxa-
tifs hypokaliémiants (phénolphtaléine, anthraqui-
- alcalose aiguë (métabolique ou respiratoire) nones) et la diarrhée ne sont pas avoués. La biolo-
- insulinothérapie (surtout lors d’une acidocétose) gie indique typiquement une perte digestive basse
- stimulation β2 adrénergique (tout agent β2 mimétique, thérapeutique ou endogène) de potassium, qui assure le diagnostic en l’absence
- intoxication par la chloroquine, la théophylline, le baryum de pathologie organique décelable ; vomissements
- paralysie familiale hypokaliémique (maladie de Westphal, autosomique dominante) provoqués ou prise cachée de diurétiques concomi-
hypothermie tants rendent le tableau biologique moins clair.
- production accrue de cellules sanguines (sous vitamine B12 ou GM-CSF) L’existence d’une mélanose colique lors d’une en-
Pertes rénales de K+ (kaliurèse « inappropriée » > à 20 mmol/24 h) doscopie, ou la découverte de laxatifs dans les sel-
les ou urines confirment la maladie.
Causes médicamenteuses :
- diurétiques : acétazolamide, de l’anse, thiazidiques, osmotiques. Prise cachée de diurétiques
- tubulotoxiques : lithium, cisplatine, amphotéricine B, pénicilline à forte dose...
- corticothérapie Là encore, il s’agit de femmes jeunes au psychisme
Causes endocriniennes (avec hypertension artérielle) particulier, désirant maigrir et ayant accès aux
- hyperaldostéronisme (primaire ou secondaire) médicaments diurétiques. Leur usage est nié, mais
- autres hyperminéralocorticismes * la biologie évoque une fuite urinaire de potassium,
- hypercortisolisme endogène (syndrome de Cushing) et la positivité (inconstante) de la recherche de
Causes rénales : diurétiques dans l’urine affırme la maladie. Il faut
- néphropathies interstitielles avec perte de sel prendre le soin d’éliminer les autres affections avec
- acidoses tubulaires distales, acidocétose diabétique fuite rénale de potassium, en particulier les syn-
- syndrome de Bartter, syndrome de Gitelman (tableau IV) dromes de Bartter et Gitelman.
- polyurie (après levée d’obstacle, nécrose tubulaire, transplantation)
Pertes digestives de K+ (kaliurèse « appropriée » en quelques jours < 20 mmol/24 h)
Hautes : vomissements, aspiration digestive. La perte d’acide chlorhydrique favorise une alcalose métaboli-
que et un profond déficit chloré (chlorémie et chlorurie basses). La kaliurèse est souvent > 80 mmol/24 h
Basses : diarrhée aiguë infectieuse, maladie des laxatifs, tumeur villeuse, vipome, syndrome de Zollinger et
Ellison. Il y a souvent acidose métabolique (perte digestive de bicarbonates), et pas de déficit chloré
Pertes cutanées de K+
Sudation extrême
Brûlures étendues
Hémodialyse, plasmaphérèse
* Accumulations de minéralocorticoïdes autres que l’aldostérone : ici, aldostéronémie et activité rénine plasmatique sont basses. La consommation de
glycyrrhizine (réglisse, pastis sans alcool...), certains blocs enzymatiques (11β ou 17a hydroxylase) chez l’enfant, ou le syndrome de Liddle (mutation
activatrice héréditaire du canal sodium épithélial tubulaire distal, sensible à l’amiloride) peuvent rendre compte de cette situation.
2
Hypokaliémie - 1-1320
Toute référence à cet article doit porter la mention : D Joly. Hypokaliémie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1320, 1998, 3 p
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3
1-1326
Hyponatrémie
A. Passeron
L’hyponatrémie est un trouble hydroélectrolytique très fréquent, parfois silencieux, pouvant être le pre-
mier signe d’une maladie néoplasique ou un marqueur de gravité dans l’insuffisance cardiaque et la
cirrhose décompensée. L’identification de la cause de l’hyponatrémie est indispensable à une prise en
charge adaptée reposant sur une démarche physiopathologique systématique. Il convient de confirmer
l’hypo-osmolarité plasmatique, d’évaluer la réponse rénale avec l’osmolarité urinaire et d’apprécier le
volume extracellulaire en s’aidant de la natriurèse. Cette analyse permet de distinguer les hyponatrémies
par intoxication à l’eau avec réponse rénale normale de celles liées à la sécrétion d’hormone antidiuré-
tique soit par stimulus volémique, soit par sécrétion inadéquate. Le recours aux solutés hypertoniques
(sérum salé à 3 %) doit être restreint aux hyponatrémies aiguës (moins de 48 heures) ayant des signes de
souffrances cérébrales ; leur prise en charge est alors une urgence. En cas d’hyponatrémie chronique peu
ou pas symptomatique, la correction doit être prudente pour éviter le risque de myélinolyse centropontine
et doit s’adapter au mécanisme retenu : apport sodé ou restriction hydrique. Une classe thérapeutique
d’inhibiteurs des récepteurs V2 de l’hormone antidiurétique des cellules tubulaires rénales (vaptan) a
obtenu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des hyponatrémies par sécrétion inadé-
quate d’hormone antidiurétique. La place de ces molécules aquarétiques dans l’arsenal thérapeutique
reste à définir, en particulier l’impact sur la morbi-mortalité.
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Plan Introduction
■ Introduction 1 L’hyponatrémie est le trouble hydroélectrolytique le plus fré-
■ Rappels physiologiques 1 quemment observé à l’hôpital et chez les patients âgés. Sa
Régulation de l’osmolarité plasmatique 2 prévalence varie de 5 à 30 % en fonction de la définition choi-
Osmorégulation des cellules cérébrales 2 sie et du service étudié [1, 2] . L’hyponatrémie, qu’elle soit aiguë ou
Physiopathologie de l’hyponatrémie hypo-osmolaire 2 chronique, est associée à une augmentation de la morbidité et de
■
la mortalité [3, 4] . Elle peut être le premier signe d’une maladie non
Diagnostic positif d’hyponatrémie 2
connue, en particulier cancéreuse. Sa prise en charge diagnostique
Analyse de l’osmolarité plasmatique 2
et thérapeutique est complexe puisqu’elle peut refléter des états
Évaluer la réponse rénale à la charge hydrique 3
d’hydratation opposés. Elle est parfois urgente dans les hypona-
Évaluer le volume extracellulaire 3
trémies aiguës mais doit être progressive dans les hyponatrémies
■ Principales causes d’hyponatrémies hypo-osmolaires 4 chroniques. Un traitement inadapté peut avoir des conséquences
Capacité de dilution du rein dépassée 4 graves, en particulier une myélinolyse cérébrale [4–6] .
Hyponatrémie sous thiazidiques 4
Hyponatrémie avec volume extracellulaire diminué 4
Hyponatrémie avec volume extracellulaire augmenté 4
Hyponatrémie avec volume extracellulaire normal 4 Rappels physiologiques
■ Traitement des hyponatrémies 5
Traitement des hyponatrémies aiguës 5 L’osmolarité plasmatique reflète la concentration des sub-
Traitement des hyponatrémies chroniques 5 stances dissoutes dans le plasma représentées par le sodium (95 %),
■
l’urée et le glucose. Ces derniers diffusent à travers la membrane
Conclusion 5
cellulaire et n’ont pas de pouvoir osmotique à l’état physio-
logique. L’osmolarité plasmatique comme la natrémie reflète
l’équilibre hydrique de l’organisme [6] .
Régulation de l’osmolarité plasmatique • soit par stimulus volémique : hypovolémie vraie des pertes
digestives, rénales, cutanées ou hypovolémie efficace des insuf-
L’osmolarité plasmatique est finement régulée. La modula- fisances cardiaques congestives, des cirrhoses décompensées ou
tion de la soif par des osmorécepteurs thalamiques permet, en des syndromes néphrotiques ;
cas d’hyperosmolarité, une augmentation de l’ingestion d’eau ; • soit par production inadéquate.
le dégoût de l’eau en cas d’hypo-osmolarité plasmatique est Plus rarement, l’hyponatrémie est le témoin d’une
peu sensible, la prise de boisson dépendant beaucoup des habi- « intoxication à l’eau » : la sécrétion d’HAD est absente ; les
tudes « sociales ». Le contrôle de l’excrétion rénale de l’eau se urines sont diluées au maximum mais les apports d’eau dépassent
fait grâce à l’hormone antidiurétique (HAD), appelée également les capacités de dilution des reins.
arginine-vasopressine (AVP). L’HAD est un nanopeptide produit La Figure 1 résume les grands mécanismes de l’hyponatrémie.
dans les noyaux supranucléaires de l’hypothalamus et sécrété
par la posthypophyse. Son premier stimulus est l’augmentation
de l’osmolarité plasmatique. Sa production peut être stimulée,
malgré une osmolarité normale ou basse, par un volume plas-
Diagnostic positif
matique diminué (baro- et volorécepteurs) ou par de nombreuses d’hyponatrémie
pathologies. Après fixation sur les récepteurs V2 des cellules prin-
cipales des tubes collecteurs rénaux, l’HAD induit l’expression L’hyponatrémie est définie par une natrémie inférieure à
des aquaporines-2 sur ces cellules, entraînant la réabsorption pas- 135 mmol/l ; elle est modérée jusqu’à 130 mmol/l et profonde au-
sive d’eau libre en fonction du gradient de concentration dans dessous de 120 mmol/l.
la médullaire rénale. En l’absence d’HAD, l’épithélium du tube Aiguë, elle entraîne un œdème cérébral avec souffrance céré-
collecteur est imperméable à l’eau. L’osmolarité urinaire peut brale, révélée par des convulsions, des troubles de la vigilance ou
varier de 80 mOsm/l (dilution maximale en l’absence d’HAD) à un coma. C’est une urgence thérapeutique qui impose la mise en
1200 mOsm/l (concentration maximale lorsque l’HAD est élevée). route d’un traitement par sérum salé hypertonique à 3 % dans une
unité de soins continus.
L’hyponatrémie chronique (plus de 48 heures) même profonde
Osmorégulation des cellules cérébrales est souvent peu symptomatique. Elle peut se manifester par des
L’hyponatrémie aiguë (moins de 48 heures) entraîne une troubles mnésiques et de l’équilibre, des nausées, une anorexie,
augmentation du volume des cellules par influx d’eau, parti- des crampes musculaires, des céphalées, des chutes, une ostéopo-
culièrement grave pour les cellules cérébrales en raison de la rose et des fractures [9] .
boîte crânienne inextensible. L’œdème cérébral est responsable Quand elle est chronique, un diagnostic étiologique est néces-
des signes de souffrances cérébrales et peut entraîner le décès. saire à un traitement adapté (Fig. 2) ; il repose sur la mesure de
En revanche, quand l’hyponatrémie s’installe progressivement, l’osmolarité plasmatique, de la réponse rénale avec l’osmolarité
des mécanismes cellulaires compensateurs se mettent en place urinaire puis de l’évaluation du volume extracellulaire, en s’aidant
en 48 heures : sortie de potassium des cellules et modification des de la natriurèse.
osmoles organiques cellulaires [7] . Le risque d’une correction trop
rapide de l’osmolarité plasmatique est alors l’apparition de lésions
de démyélinisation osmotique [8] favorisées par l’hypokaliémie, la Analyse de l’osmolarité plasmatique
dénutrition et l’alcoolisme. Le patient présente alors des troubles
neurologiques déficitaires, retardés de quelques jours, pouvant Les pseudo-hyponatrémies se voient quand le litre de plasma
aller jusqu’au locked-in syndrome. n’est plus équivalent au kilogramme d’eau par augmentation
de la phase solide comme dans les hypertriglycéridémies ou les
hyperprotidémies majeures (pancréatite, myélome) ; l’osmolarité
Physiopathologie de l’hyponatrémie plasmatique est alors normale [10] .
L’hyponatrémie reflète normalement une hypo-osmolarité
hypo-osmolaire plasmatique (moins de 280 mOsm/l) sauf en cas d’hyperglycémie
La majorité des hyponatrémies hypo-osmolaires sont liées à une aiguë (l’osmolarité plasmatique est alors supérieure à 280 mOsm/l)
sécrétion d’HAD : ou quand il y a des osmoles non mesurées (mannitol ; produits
1. Confirmer l’hypo-
osmolarité plasmatique < Hyperosmolarité
Osmolarité
280 mOsm/I > 280 mOsm/I Hyperglycémie aiguë, mannitol
plasmatique
(OsmP = NaP × 2 + → Fausse hyponatrémie
uréeP + gluP)
≤ 280 mOsm/>
80–150
> 30 mmol/I
Figure 2. Arbre décisionnel. Hyponatrémie de l’adulte. OsmP : osmolarité plasmatique ; NaP : natrémie plasmatique en mmol/l ; uréeP : urémie plasmatique
en mmol/l ; gluP : glycémie en mmol/l ; OsmU : osmolarité urinaire ; Na : sodium ; K : potassium ; uréeU : urémie urinaire ; OMI : œdème des membres inférieurs ;
hypoTA : hypotension orthostatique ; NaU : natriurèse en mmol/l ; NaCl : chlorure de sodium ; SIADH : sécrétion inadéquate d’hormone antidiurétique.
de contraste hyperosmolaire, etc.) ; il faut calculer le trou osmo- soit sans stimulus volémique : sécrétion inadéquate d’hormone
laire (osmolarité plasmatique mesurée – osmolarité plasmatique antidiurétique (SIADH), stress, vomissements ou insuffisance
calculée) qui est alors supérieur à 10 [11] . endocrine.
Tableau 2.
Étiologies des sécrétions inadéquates d’hormone antidiurétique (HAD).
Pathologies tumorales Carcinomes : pulmonaires, en particulier à petite cellule, mésothéliome, oropharynx, estomac,
duodénum, pancréas, uretère, vessie, prostate, endomètre
Lymphome, sarcome
Affections pulmonaires Infections bactériennes (dont légionellose), virales, tuberculose, aspergillose
Asthme
Mucoviscidose
Affections du système nerveux central Infections : encéphalite, méningite, abcès cérébral, infection par le VIH
Hématome sous-dural, hémorragie cérébrale, ictus
Tumeurs cérébrales
Traumatisme crânien, hydrocéphalie, thrombose du sinus caverneux
Sclérose en plaques, syndrome de Guillain-Barré, syndrome de sevrage, porphyrie aiguë intermittente
Médicaments augmentant la production Antidépresseurs : tricyclique, inhibiteur de la recapture de la sérotonine, inhibiteur de la recapture de la
d’HAD par l’hypothalamus norépinéphrine
Antipsychotiques : phénothiazine, halopéridol
Antiépileptiques : carbamazépine, oxcarbamazépine, acide valproïque
Anticancéreux : alcaloïdes, sels de platine, agents alkylants, méthotrexate, interféron, anticorps
monoclonaux
Antalgiques opiacés : tramadol, morphine
Divers : inhibiteur de la pompe à proton, nicotine, « ecstasy » (MDMA), clofibrate
Médicaments potentialisant l’effet de l’HAD Antiépileptiques : carbamazépine, lamotrigine
Antidiabétique : chlorpropramide, tolbutamide
Anticancéreux : cyclophosphamide intraveineux
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Médicaments ayant une activité HAD Desmopressine, ocytocine, vasopressine
Autres Génétique : mutation activatrice du récepteur de l’HAD
Idiopathique
Transitoire : exercice d’endurance, stress, nausée, douleur, anesthésie
recherchée ; elle est fréquente. Les médicaments susceptibles de hyponatrémie avec VEC diminué, un traitement d’épreuve par
donner un SIADH doivent être arrêtés et les causes curables trai- sérum salé isotonique (1 l/j) peut être tenté pendant 48 heures. La
tées. Les pathologies pulmonaires, neurologiques et les syndromes natrémie ne se corrige pas en cas de SIADH [20] .
paranéoplasiques sont les plus courants. Les médicaments susceptibles de donner un SIADH doivent être
arrêtés et les causes curables traitées. Une restriction hydrique de
750 ml/j permet un bilan négatif en eau si l’on considère que
Traitement des hyponatrémies les pertes obligatoires (urine et pertes insensibles) représentent
1 l/j, mais elle n’est pas toujours efficace et l’observance est dif-
Traitement des hyponatrémies aiguës ficile au long cours. D’autres traitements peuvent être proposés.
La déméclocycline (600 à 1200 mg/j), dérivé des tétracyclines, et
Ce sont des urgences vitales et l’hospitalisation en réanima- le lithium provoquent un diabète insipide néphrogénique mais
tion doit être envisagée. Une correction rapide doit être entreprise avec des effets indésirables rénaux importants. Des sachets d’urée
jusqu’à disparition des symptômes de souffrances cérébrales. Le (30 g/j per os) sont efficaces en modifiant le gradient de concentra-
traitement repose sur l’administration de sérum salé hypertonique tion rénale. Il faut les donner avec un jus de fruit pour en masquer
à 3 % (30 g de NaCl/l) associé si besoin au furosémide. Une formule le goût désagréable [23] .
peut estimer le volume de NaCl à 3 % à perfuser par heure en mul- Le tolvaptan est un antagoniste spécifique non peptidique des
tipliant le poids du patient par « l’augmentation » désirée de la récepteurs de la vasopressine [24, 25] . Son administration est orale.
natrémie en mmol/l par heure [18] . Par exemple, pour un patient Il a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) euro-
de 70 kg, si l’on souhaite augmenter sa natrémie de 1 mmol/l par péenne dans les hyponatrémies par SIADH. Son effet est suspensif
heure, il faut perfuser (1 × 70) 70 ml de sérum salé à 3 % en une et corrige la natrémie sans amélioration pour l’instant de la morbi-
heure. Si l’on souhaite augmenter la natrémie de 0,5 mmol/l par mortalité. Son utilisation sur des périodes prolongées n’a pas
heure, il faut perfuser (0,5 × 70) 35 ml. Ce traitement doit être encore été étudiée. L’utilisation des vaptans est contre-indiquée
interrompu dès que les symptômes neurologiques ont régressé. dans les hyponatrémies de déplétion et les études actuelles ne
La natrémie doit être surveillée de façon très rapprochée car le peuvent en recommander l’utilisation dans les hyponatrémies
risque est l’œdème pulmonaire [21] . aiguës avec souffrance cérébrale.
[8] Brunner JE, Redmond JM, Haggar AM, Kruger DF, Elias SB. Cen-
“ Points essentiels tral pontine myelinolysis and pontine lesions after rapid correction of
hyponatremia: a prospective magnetic resonnance imaging study. Ann
Neurol 1990;27:61–6.
[9] Renneboog B, Musch W, Vandemergel X, Manto MU, Decaux G.
• L’hyponatrémie aiguë ou avec des signes de souffrance Mild chronic hyponatremia is associated with falls, unsteadiness, and
neurologique est une urgence thérapeutique, traitée par attention deficits. Am J Med 2006;119:e1–8.
soluté salé hypertonique à 3 %. [10] Fortgens P, Pillay TS. Pseudohyponatremia revisited: a modern-day
• L’hyponatrémie chronique est presque toujours le pitfall. Arch Pathol Lab Med 2011;135:516–9.
reflet d’une hyperhydratation intracellulaire. Son diag- [11] Liamis G, TsimihodimosV, Elisaf M. Hyponatremia in diabetes melli-
tus: clues to diagnosis and treatment. J Diabetes Metab 2015;6:560.
nostic étiologique repose sur l’analyse de l’osmolarité
[12] Chung HM, Kluge R, Schrier RW, Anderson RJ. Clinical assessment of
plasmatique et urinaire puis l’évaluation du volume extracellular fluid volume in hyponatremia. Am J Med 1987;83:905–8.
extracellulaire. Le traitement d’une hyponatrémie chro- [13] McGee S, Abernethy WB, Simel DL. The rational clinical examination.
nique repose sur son mécanisme physiopathologique. Is this patient hypovolemic? JAMA 1999;281:1022–9.
La correction de la natrémie ne doit pas dépasser 8 à [14] Sanghvi SR, Kellerman PS, Nanovic L. Beer potomania: an unusual
10 mmol/l en 24 heures. cause of hyponatremia at high risk of complications from rapid cor-
• Le SIADH est une cause fréquente d’hyponatrémie avec rection. Am J Kidney Dis 2007;50:673–80.
[15] Moritz ML, Ayus JC. Maintenance intravenous fluids in acutely ill
des étiologies multiples ; une insuffisance corticotrope doit patients. N Engl J Med 2015;373:1350–60.
toujours être éliminée. Le traitement est celui de la cause [16] Chow KM, Szeto CC, Wong TY, Leung CB, Li PK. Risk factors for
et la restriction hydrique si besoin. Les vaptans sont une thiazide-induced hyponatraemia. QJM 2003;96:911–7.
classe médicamenteuse aquarétique ayant une AMM dans [17] Palmer BF. Hyponatraemia in neurosurgical patient: syndrome of inap-
le SIADH. propriate antidiuretic hormone secretion versus cerebral salt wasting.
Nephrol Dial Transplant 2000;15:262–8.
[18] Chin MH, Goldman L. Correlates of major complications or death in
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Intern Med 1996;156:1814–20.
[19] Angeli P, Wong F, Watson H, Ginès P, CAPPS Investigators. Hypona-
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rela-
tremia in cirrhosis: results of a patient population survey. Hepatology
tion avec cet article.
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[20] Ellison DH, Berl T. The syndrome of inappropriate antidiuresis. N Engl
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Passeron A. Hyponatrémie. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(3):1-6 [Article 1-1326].
Hyperkaliémie
M. Flamant, H. Boulanger
L’hyperkaliémie est définie par une concentration plasmatique de potassium supérieure à 5 mmol/l. En
l’absence d’étiologie évidente ou de signe électrique cardiaque, le diagnostic de pseudohyperkaliémie par
libération cellulaire de potassium au cours du prélèvement doit être évoqué. L’hyperkaliémie vraie expose
au risque de trouble du rythme ou de conduction cardiaque grave. Les capacités d’excrétion de potassium
par le rein sont importantes, expliquant que des entrées exogènes ou endogènes massives de potassium
n’entraînent pas d’hyperkaliémie, sauf en cas de trouble de l’excrétion rénale de potassium associé. Un
défaut d’excrétion de potassium peut être lié à une réduction importante du débit de filtration
glomérulaire au cours de l’insuffisance rénale avancée (DFG inférieur à 20 ml/min/1,73 m2), ou à une
altération de la sécrétion de potassium par le rein. Ce défaut de sécrétion tubulaire doit faire rechercher
une cause médicamenteuse ou une insuffisance surrénalienne, et plus rarement une anomalie génétique
du transport tubulaire distal du potassium. La prise en charge thérapeutique de l’hyperkaliémie dépend
de sa gravité et de son mécanisme. Au cours de l’insuffisance rénale chronique, elle repose avant tout sur
la diminution des apports alimentaires en potassium et l’utilisation des résines échangeuses d’ions.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Hyperkaliémie ; Trouble du rythme cardiaque ; Insuffisance rénale ; Rénine ; Aldostérone ;
Insuffisance surrénalienne
Hyperkaliémie
[K+] > 5 mM
ECG
Contrôle sans garrot
Créatininémie
Pseudohyperkaliémie
DFG
IRA ou IRC
Recherche de facteurs [K+]U
associés favorisants GTTK
Rénine
Rénine Rénine
Aldostérone
Aldostérone Aldostérone
Pseudohypoaldostéronismes
AINS Coxibs β-bloquant CsA Insuffisance surrénale
Génétique
VIH, diabète Blocs enzymatiques
Aldactone-amiloride
Syndrome de Gordon IEC Sartans
Bactrim®
Figure 1. Conduite diagnostique de l’hyperkaliémie. K+ : potassium ; ECG : électrocardiogramme ; IRA : insuffisance rénale aiguë ; IRC : insuffisance rénale
chronique ; DFG : débit de filtration glomérulaire ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; VIH : virus de
l’immunodéficience humaine ; GTTK : gradient transtubulaire du potassium.
Médicamenteuse b-bloquants
Défaut d’excrétion rénale
AINS et coxibs
Au cours de la maladie rénale chronique (MRC), l’hyperkalié- Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus,
mie survient essentiellement aux stades 4 avancé et surtout 5 ciclosporine)
(débit de filtration glomérulaire [DFG] inférieur à 20 ml/min/
1,73 m 2 ). Elle est souvent favorisée par l’utilisation d’un Aldostéronémie élevée – Réninémie élevée
traitement néphroprotecteur (inhibiteurs de l’enzyme de (pseudo-hypo-aldostéronisme ou PHA)
conversion [IEC], Sartan ou inhibiteur de la rénine) ou d’un Maladies génétiques PHA de type 1a par mutation inhibitrice
traitement bêtabloquant. de ENaC (AR)
Au cours de l’insuffisance rénale aiguë, l’hyperkaliémie se voit
PHA de type 1b par mutation inhibitrice
avant tout dans les formes oligoanuriques, et doit faire recher- de MR (AD)
cher une cause supplémentaire associée (rhabdomyolyse, prise
de diurétique épargneur de potassium, acidose métabolique Médicamenteuse Antialdostérone (spironolactone,
sévère, arrêt d’un traitement par insuline). éplérénone)
En l’absence d’insuffisance rénale, l’hyperkaliémie d’origine Amiloride®
rénale traduit une anomalie de la sécrétion de K+ dans le canal
Inhibiteurs de la calcineurine
collecteur. La sécrétion de potassium peut être évaluée par la
kaliurèse des 24 heures ou par le calcul du gradient transtubu- Bactrim®
laire (GTTK) rénal de K+ (rapport de concentration de K+ entre VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de
le fluide tubulaire dans le canal collecteur cortical et le sang). conversion ; ARAII : antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; AR :
autosomique récessif ; AD : autosomique dominant ; AINS : anti-inflammatoires
Une kaliurèse inférieure à 20 mmol/j et/ou un GTTK inférieur à
non stéroïdiens ; MR : récepteur minéralocorticoïde.
2 traduisent l’origine rénale de l’hyperkaliémie [2]. L’orientation
diagnostique repose, à ce stade, sur l’interrogatoire (prise d’un
médicament hyperkaliémiant, arrêt récent d’une corticothérapie
au long cours, signes d’insuffisance surrénalienne, etc.), les hormonothérapie substitutive au cours de l’insuffisance surré-
dosages de rénine et d’aldostérone et le test au Synacthène® nalienne). Dans les autres cas, la prise en charge symptomatique
(cortisolémie avant et 1 heure après injection de 250 µg de de l’hyperkaliémie répond à trois axes thérapeutiques [4] :
Synacthène®). Les principales étiologies d’hyperkaliémie secon- • l’apport de calcium (Ca) (gluconate de Ca 10 % en intravei-
daires à un défaut de sécrétion tubulaire sont énumérées dans neux lente), en augmentant la valeur seuil de déclenchement
le Tableau 1. Ce défaut peut être en rapport avec une augmen- du potentiel d’action, diminue le risque électrique associé à
tation primitive de la réabsorption de Na en amont du canal l’hyperkaliémie sans modifier la valeur de kaliémie. Son effet
collecteur (hyperactivité du cotransport NaCl dans le tubule est immédiat ;
distal au cours du syndrome de Gordon), à un défaut primitif • le transfert intracellulaire du potassium qui peut être obtenu :
de réabsorption de Na + dans le canal collecteur (mutation C par l’insuline (30 unités de Novorapid® dans 500 ml de
inhibitrice du canal sodique épithélial ENaC au cours du soluté glucosé à 30 % à perfuser en 30 minutes), avec un
pseudo-hypo-aldostéronisme de type 1a), à un défaut de effet rapide (15 minutes) et prolongé pendant plusieurs
production d’aldostérone (hypominéralocorticisme primaire au heures,
cours de l’insuffisance surrénalienne, ou secondaire à un
C par alcalinisation (HCO3Na 14 ‰), avec un effet retardé
traitement médicamenteux) ou de son activité (pseudo-hypo-
(60 minutes) et prolongé pendant plusieurs heures. Ce
minéralocorticisme de type 1b par mutation du récepteur
minéralocorticoïde [MR]) [3]. Dans ces situations d’hyperkaliémie traitement n’est efficace que lorsqu’il existe une acidose
par défaut tubulaire d’excrétion potassique, une acidose méta- métabolique associée,
bolique hyperchlorémique est souvent associée. C par les b2-mimétiques en aérosol avec un effet retardé
Le rôle des médicaments dans le développement de l’hyper- (90 minutes) et prolongé ;
kaliémie est souvent important, notamment depuis la générali- • l’élimination nette de potassium qui peut être obtenue :
sation de l’utilisation des molécules interférant avec le système C par le rein (diurétiques de l’anse essentiellement) avec un
rénine angiotensine aldostérone. Les molécules potentiellement effet retardé et prolongé,
génératrices d’hyperkaliémie et classées par mode d’action sont C par le tube digestif à l’aide d’une résine échangeuse d’ions :
répertoriées dans le Tableau 2. échange de K+ contre du Na+ (polystyrène sulfonate de
sodium ou Kayexalate®) ou du Ca2+ (polystyrène sulfonate
■ Traitement de l’hyperkaliémie de calcium ou Resikali®). L’effet est retardé par voie orale
(plusieurs heures) et plus rapide par lavement (30 minutes),
Le traitement de l’hyperkaliémie modérée est d’abord étiolo- C par épuration extrarénale (hémodialyse). L’effet est rapide
gique si une cause est retrouvée (arrêt d’un médicament, après le début de l’hémodialyse.
M. Flamant (martin.flamant@bch.aphp.fr).
H. Boulanger.
Service de physiologie-explorations fonctionnelles, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard 75877 Paris cedex, Université Paris VII, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Flamant M., Boulanger H. Hyperkaliémie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
1-1330, 2012.
Le diagnostic d’hypoglycémie est souvent évoqué par le patient lui-même, à l’occasion de malaises, mais
cette hypoglycémie correspond en fait très rarement à une authentique hypoglycémie organique. Cette
dernière doit être suspectée en présence soit d’un contexte favorisant (insuffisance surrénale, cachexie,
sujet âgé polypathologique, etc.), soit de signes de neuroglycopénie évoquant un insulinome. Pour arriver
à ce diagnostic extrêmement rare, il faut d’abord prouver l’existence d’une insulinémie anormalement
élevée en présence d’une glycémie basse, lors d’une épreuve de jeûne en milieu hospitalier.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Suivi de l'évolution :
diminution de la fréquence et
modification de la symptomatologie
des malaises
Figure 1. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une suspicion d’hypoglycémie. TSH : thyroid stimulating hormone ; Ac : Anticorps ; T4 : thyroxine ou
tétra-iodothyronine.
malaises permet de confirmer l’absence d’hypoglycémie [4] Johnson DD, Dorr KE, Swenson WM, Service FJ. Reactive
organique. En cas de persistance, voire d’aggravation des hypoglycemia. JAMA 1980;243:1151-5.
malaises, associée à une hypoglycémie biologique constatée [5] Richard JL, Rodier M, Monnier L, Orsetti A, Mirouze J. Effect of
au moment d’un malaise, il faut recourir à l’épreuve de jeûne. acarbose on glucose and insulin response to sucrose load in reactive
hypoglycemia. Diabete Metab 1988;14:114-8.
• Il y a des arguments cliniques en faveur d’une insuffisance
[6] Pandit MK, Burke J, Gustafson AB, Minocha A, Peiris AN. Drug-
surrénalienne, ou d’une hypothyroïdie, que l’on confirme induced disorders of glucose tolerance. Ann Intern Med 1993;118:
biologiquement. Il y a des médicaments favorisant l’hypogly- 529-39.
cémie que l’on peut arrêter. [7] Larger E, Hillaire-Buys D, Assan R, Blayac JP. Drug-induced
• Il y a une suspicion d’hypoglycémie organique sans cause hypoglycemia in 1995. Pharmacovigilance data, analysis of the
. évidente : il faut confirmer le diagnostic par une épreuve literature. Journ Annu Diabetol Hotel Dieu 1995:89-105.
de jeûne en hospitalisation avant de poursuivre les [8] Service FJ. Hypoglycemic disorders. N Engl J Med 1995;332:1144-52.
investigations. [9] Vezzosi D, Bennet A, Fauvel J, Boulanger C, Tazi O, Louvet JP, et al.
.
Insulin levels measured with an insulin-specific assay in patients with
fasting hypoglycaemia related to endogenous hyperinsulinism. Eur
■ Références J Endocrinol 2003;149:413-9.
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secretion, symptoms, and cerebral dysfunction. Am J Physiol 1991;260: [11] Noone TC, Hosey J, Firat Z, Semelka RC. Imaging and localization of
islet-cell tumours of the pancreas on CT and MRI. Best Pract Res Clin
E67-E74.
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patients with suspected postprandial hypoglycemia. N Engl J Med
Pour en savoir plus
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Bunker D, et al. Comparison of oral glucose tolerance tests and mixed Flammarion; 2007. p. 1106.
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hypoglycemia: absence of hypoglycemia after meals. Diabetes 1981; métaboliques. Connaissances et pratiques. Paris: Elsevier Masson;
30:465-70. 2007. p. 206.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Hartemann-Heurtier A. Suspicion d’hypoglycémie chez l’adulte non diabétique. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-1340, 2008.
Hypercalcémie
Encyclopédie Pratique de Médecine
D Joly
L a découverte d’une hypercalcémie est une situation devenue fréquente avec la généralisation de ce dosage
lors des bilans biologiques. Un individu sur 2 000 est concerné tous les ans.
© Elsevier, Paris.
■
Introduction Tableau I. – Hormones régulant la calcémie.
■
Rappel physiologique Erreur de dosage :
Erreur de prélèvement :
faire un second prélèvement
orthostatisme, période post prandiale et garrot veineux majorent artificielle-
ment la calcémie
Le calcium est le principal élément minéral de Erreur d’interprétation : tenir compte de l’albuminémie ou (à défaut) de la protidémie
l’organisme. Le calcium plasmatique total n’en
Calcémie totale corrigée (en mmol /L)
représente qu’une infime partie (1/1000 e ), = calcémie observée ± (40 - albuminémie) × 0,015.
schématiquement sous trois formes principales : lié à = calcémie observée / (0,55 + [protidémie: 160])
l’albumine (40 %), lié à certains anions (5 %), et libre
ionisé (55 %, biologiquement seul actif). * protidémie et albuminémie exprimées en g/L.
La calcémie totale est maintenue entre 2,2 et
souvent, on parle d’hypercalcémie lorsque la calcémie
2,6 mmol/L. Les « entrées » sont alimentaires
totale dépasse 2,6 mmol/L. Ce taux doit être interprété Tableau III. – Crise aiguë hypercalcémique.
(absorption digestive), osseuses (résorption), et
en fonction de l’albuminémie et du pH. En cas de
rénales (réabsorption tubulaire), tandis que les — Troubles de vigilance avec agitation, délire, et
variation importante de ces facteurs, le dosage de la parfois convulsions
« sorties » sont urinaires et fécales. L’équilibre
calcémie ionisée peut être utilisé : les valeurs normales — Douleurs abdominales pseudochirurgicales,
calcémique dépend principalement de l’action de
sont comprises entre 1,15 et 1,35 mmol/L. La validité iléus, vomissements
trois hormones : calcitonine, hormone parathyroï-
du résultat suppose l’élimination de trois causes — Fièvre, tachycardie, déshydratation globale,
dienne (PTH) et vitamine D (tableau I). voire collapsus ou choc
d’erreurs : erreur de dosage, erreur de prélèvement,
— Insuffısance rénale aiguë
erreur d’interprétation (tableau II).
■
Le calcul de la calcémie corrigée (tableau II) Devant l’un ou plusieurs de ces items, une calcé-
Diagnostic mie doit être demandée en urgence et le patient
permet de tenir compte des variations de la hospitalisé en réanimation.
protidémie ou de l’albuminémie, sans avoir recours
© Elsevier, Paris
1
1-1350 - Hypercalcémie
■
— théophylline une hyperplasie (8 %).
Démarche diagnostique — lait et alcalins (syndrome de Burnett)
— anti-œstrogènes ‚ Deuxième étape : éviter quelques pièges
Sarcoïdose et autres granulomatoses (tuberculose,
Les causes d’hypercalcémie sont nombreuses et histoplasmose, berryliose, coccidioïdomycose) Attention aux hypercalcémies iatrogènes
variées (tableau V). En pratique, trois d’entre elles Endocrinopathies : La consommation d’une dose excessive de
rendent compte de 90 % des cas : les néoplasies, le vitamine D (per os ou en collyres) est hypercalcé-
— hyperthyroïdie
myélome multiple, et l’hyperparathyroïdie — insuffısance surrénalienne miante. Le taux circulant de 25 (OH) D3 est élevé.
primitive. — phéochromocytome Malgré l’arrêt de l’intoxication, l’hypercalcémie peut
La cause d’une hypercalcémie peut être — acromégalie persister plusieurs semaines. La calcémie doit être
approchée de façon simple dans la majorité des cas. Causes rares : régulièrement surveillée au cours d’un tel traitement.
L’histoire clinique, l’examen physique, et quelques — immobilisation Le syndrome des buveurs de lait et alcalins n’a
tests biologiques de première intention (tableau VI) — maladie de Paget pas disparu [1] : décrit à l’époque où les ulcères
permettent de préciser cette cause dans 99 % des — hypercalcémie familiale gastroduodénaux se traitaient par ingestion massive
cas. — hypercalciurique de lait, ce syndrome peut se rencontrer actuellement
Ces explorations peuvent être conduites en chez des patients consommant de fortes doses de
ambulatoire si l’hypercalcémie est modérée et symptomatique, permettant d’assurer simulta- carbonate de calcium, et est éventuellement favorisé
asymptomatique. L’hospitalisation est nécessaire nément prise en charge thérapeutique et par la prise concomitante d’un diurétique thiazidique
devant toute hypercalcémie sévère et/ou investigations diagnostiques. ou l’existence d’une insuffisance rénale. Les
2
Hypercalcémie - 1-1350
■
outre évoquer une « hypercalcémie hypocalciurique réservent aux hypercalcémies d’origine néoplasique,
familiale bénigne », pour laquelle aucun traitement Traitement [2, 3]
et les utilisent volontiers par la suite si un traitement
n’est usuellement nécessaire à l’âge adulte. Le seul d’entretien est nécessaire. Dans ce cas, l’Arédiat est
risque réel est une hypercalcémie néonatale sévère. administré sous forme d’une perfusion mensuelle
‚ Traitement étiologique tandis que le Clastobant (voire le Didronelt),
‚ Troisième étape : examens parfois utiles, La suppression de la cause de l’hypercalcémie est disponibles sous forme orale, peuvent être utilisés
de prescription spécialisée quotidiennement.
bien entendu le traitement le plus efficace : chirurgie
Dans certains cas, malgré les recherches d’une hyperparathyroïdie primitive, chirurgie et/ou
Mithramycine
précédentes la cause de l’hypercalcémie reste radiochimiothérapie d’une néoplasie, corticothérapie
imprécise. D’autres examens peuvent être effectués en cas de sarcoïdose... Cet agent antibiotique et antimitotique
à titre diagnostique mais en seconde intention et en Bien souvent la cause de l’hypercalcémie n’est (administré par voie veineuse) inhibe la
milieu spécialisé. pas connue au moment où le diagnostic biologique différenciation ostéoblastique et bloque la résorption
est porté. Ceci ne doit pas retarder le mise en place osseuse. Son utilisation est exceptionnelle de nos
Dosage de la PTH rp (related peptide) d’un traitement symptomatique adapté à la gravité jours, du fait de ses effets indésirables comparati-
La synthèse de ce peptide rend compte de la de l’hypercalcémie et/ou des symptômes. vement aux bisphosphonates.
majorité des hypercalcémies humorales
néoplasiques. La PTH rp freine la sécrétion de PTH, ‚ Traitement symptomatique ‚ Diminuer l’absorption digestive
du calcium
mais mime la plupart de ses actions cellulaires. Le
dosage est effectué chez le patient hypercalcémique Réhydratation Une corticothérapie orale (prednisone 0,5 à
dans deux circonstances principales : en présence Il s’agit de l’étape première et incontournable du 1 mg/kg/j) peut être utilement prescrite et est
d’une tumeur solide, surtout lorsqu’il n’y a pas de traitement. Les hypercalcémies modérées (< particulièrement efficace dans les hypercalcémies où
métastases osseuses ostéolytiques ; en l’absence de 3 mmol/L) et asymptomatiques relèvent de boissons la résorption digestive est le principal mécanisme
diagnostic étiologique évident, lorsque la PTH est abondantes avec apports sodés. Les hypercalcémies physiopathologique impliqué : granulomatoses,
basse. Outre son rôle diagnostique, la découverte plus importantes, en règle symptomatiques, intoxications vitaminiques, buveurs de lait et
3
1-1350 - Hypercalcémie
1 Arbre diagnostique.
‚ Indications thérapeutiques EER : épuration ectrarénale.
Voir la figure 1.
Toute référence à cet article doit porter la mention : D Joly. Hypercalcémie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1350, 1998, 4 p
Références
[1] Beall DP, Scofield RH. Milk-alkali syndrome associated with calcium carbon- [4] Consensus Development Conference Panel. NIH Conference.. Diagnosis and
ate consumption. Report of 7 patients with parathyroid hormone levels and an management of asymptomatic primary hyperparathyroidism. Consensus Develop-
estimate of prevalence among patients hospitalized with hypercalcemia. Medicine ment Conference Statement. Ann Intern Med 1991 ; 114 : 593-604
(Baltimore) 1995 ; 74 : 89-96
[5] Rosol TJ, Capen CC. Mechanisms of cancer-induced hypercalcemia. Lab
[2] Bilezikian JP. Management of hypercalcemia. J Clin Endocrinol Metab 1993 ; Invest 1992 ; 67 : 680-702
77 : 1445-1448
[3] Bilezikian JP. Management of acute hypercalcemia. N Engl J Med 1992 ; 326 :
1196-1203
4
¶ 1-1360
Hyperphosphatémie
H. Boulanger, M. Flamant
FGF-23 sérique
absorption du
phosphate Diminution de
absorption du la réabsorption
calcium
Hyperphosphatémie Hypophosphatémie
Figure 1. Régulation de l’homéostasie du phosphate par le système fibroblast growth factor (FGF-23), parathormone (PTH), 1,25 OH2 Vit D (calcitriol).
Cotransporteur sodium-phosphate tubulaire (NPT2a).
Régulation des entrées digestives Les autres déterminants de la TmPi/DFG sont l’hormone de
croissance, l’hormone thyroïdienne et les phosphatonines
Les apports alimentaires quotidiens moyens en phosphates secreted frizzeled-related protein-4 (SFRP4), FGF-7, matrix extracel-
sont de l’ordre de 1 000 à 1 500 mg. Le phosphore est essentiel- lular phosphoglycoprotein (MEPE) et intestinal phosphaturic sensor.
lement présent dans les produits laitiers, les céréales, les fruits
secs, les poissons et de façon non négligeable dans les additifs
alimentaires. Soixante à quatre-vingt pour cent du phosphate ■ Diagnostic biologique
alimentaire, soit environ 900 mg, sont absorbés dans le duodé-
num et le jéjunum. L’absorption intestinale se fait pour deux de l’hyperphosphatémie
tiers par voie paracellulaire, de manière passive non régulée et
non saturable selon un gradient de concentration et pour un Le dosage du phosphate plasmatique doit s’effectuer à jeun
tiers par voie transcellulaire de manière active, régulée et (l’apport de glucose entraîne une entrée de phosphate dans les
saturable par l’intermédiaire du cotransporteur sodium- cellules sous la dépendance de l’insuline), de préférence le matin
phosphate apical NPT2b. Les principaux déterminants de (variations nycthémérales) et sur un prélèvement non hémolysé
l’absorption digestive de phosphate sont les concentrations (libération du phosphate intraérythrocytaire). La phosphatémie
circulantes de calcitriol et la disponibilité du phosphate dans la normale de l’adulte varie entre 0,81 et 1,43 mmol/l (2,5-4,5 mg/
lumière intestinale. L’absorption du phosphate est en effet dl). Elle est plus élevée chez l’enfant et la femme ménopausée.
significativement diminuée lorsqu’il est complexé à un cation Une pseudohyperphosphatémie est possible avec les tests
comme le calcium, l’aluminium, le magnésium, le lanthanum, usuellement utilisés, le cas le plus fréquent étant une interfé-
ou à des résines synthétiques. rence avec une protéine monoclonale produite en excès (myé-
lome multiple, maladie de Waldenström).
PTH variable
PTH normale
PTH haute et et calcémie
ou basse
calcémie basse normale
et calcémie basse
ou augmentée
Figure 2. Arbre décisionnel. Étiologies des hyperphosphatémies chroniques avec augmentation inappropriée de la capacité maximale de réabsorption
tubulaire proximale (TmPi) par le rein rapportée au débit de filtration glomérulaire (DFG) (TmPi/DFG). PTH : parathormone ; AMPc : adénosine monophos-
phate cyclique ; FGF-23 : fibroblast growth factor-23 ; Galnt 3 : N-acétylgalactosaminyl transférase 3.
artérioles est également fréquente et réalise à l’extrême une élevée et TmPi/DFG augmenté). Une anomalie primitive des
calciphylaxie exposant au risque de nécrose sous-cutanée. Les autres systèmes phosphaturiants (FGF-23/Klotho, autres phos-
calcifications vasculaires peuvent être médianes (médiacalcose) phatonines) est exceptionnelle mais doit être évoquée quand les
responsables d’une augmentation de la rigidité artérielle, ou étiologies précédentes on été écartées. L’ensemble des causes
intimales au niveau des plaques d’athérome. Dans ce dernier d’hyperphosphatémie chronique est détaillé dans les Figures 2, 3.
cas, elles sont considérées comme un processus de cicatrisation
et de stabilisation de la plaque. Ces calcifications vasculaires
sont le résultat d’une transformation active des cellules muscu- ■ Prise en charge thérapeutique [6-8]
Éliminer une
pseudohyperphosphatémie
Figure 3. Arbre décisionnel. Diagnostic des hyperphosphatémies. TmPi/DFG : capacité maximale de réabsorption tubulaire proximale (TmPi) par le rein
rapportée au débit de filtration glomérulaire (DFG).
Tableau 1.
Caractéristiques des différents hypophosphatémiants.
Dénominations Mode d’action Avantages potentiels Désavantages potentiels
Carbonate de calcium : Chélateur calcique Faible coût Risque d’augmentation des calcifications ectopiques
Calcidia®, Eucalcic®, etc. et notamment cardiovasculaires par augmentation
de la charge calcique
Acétate de calcium : Chélateur calcique Faible coût Risque d’augmentation des calcifications ectopiques
Phosphosorb® Plus efficace que le carbonate et notamment cardiovasculaires par augmentation
de calcium de la charge calcique
en raison d’une meilleure dissolution
Hypochloride Chélateur non calcique Pas de charge calcique donc moins Coût élevé
de sévélamer : Renagel® (résine synthétique) de risque de calcifications vasculaires Troubles digestifs
Diminution du LDL cholestérol Risque d’acidose métabolique hyperchlorémique
Carbonate de sévélamer : Chélateur non calcique Pas de charge calcique donc moins Coût élevé
Renvela® (résine synthétique) de risque de calcifications vasculaires Troubles digestifs
Alcalinisation
Diminution du LDL cholestérol
Carbonate de lanthanum : Chélateur non calcique Pas de charge calcique donc moins Coût élevé
Fosrenol® (lanthanum) de risque de calcifications Troubles digestifs
Accumulation de lanthanum dans l’organisme à long
terme et conséquences potentielles non connues
Nicotinamide : Nicobion® Inhibition du cotransporteur Faible coût Non recommandé par les sociétés savantes (KDOQI
sodium -phosphate NPT2b Augmente le HDL cholestérol et KDIGO) en raison du niveau de preuve insuffisant
Traverse la barrière digestive donc risque d’effets indési-
rables systémiques (thrombopénie, flush, nausée, etc.)
LDL : low density lipoprotein ; HDL : high density lipoprotein ; KDOQI : Kidney Disease: Outcomes Quality Initiative ; KDIGO : Kidney Disease: Improving Global Outcomes.
structure, laissaient présager une moindre augmentation du du fait d’une extraction insuffisante de phosphate. Seule
produit phosphocalcique et des calcifications, mais les études l’augmentation du temps de dialyse (hémodialyses longues ou
sur l’évolution des calcifications vasculaires sous ce type de quotidiennes) permet d’obtenir une balance phosphatée nulle.
traitement sont contradictoires. Par ailleurs, il n’a pas pu être Au total, le choix de l’hypophosphatémiant doit être adapté
clairement montré de supériorité des chélateurs non calciques à la situation clinicobiologique et éventuellement radiologique
sur la mortalité cardiovasculaire. (radiographie de profil et échographie cardiaque à la recherche
Quelle que soit sa technique (hémodialyse conventionnelle, de calcifications de l’aorte et des valves cardiaques) de chaque
hémodiafiltration ou dialyse péritonéale), l’épuration extrarénale patient. Les avantages et inconvénients des différentes classes
ne permet généralement pas l’arrêt des hypophosphatémiants thérapeutiques sont résumés dans le Tableau 1.
■ Références
.
■ Conclusion
[1] Berndt T, Kumar R. Novel mechanisms in the regulation of phosphorus
La physiopathologie de l’hyperphosphatémie a considérable- homeostasis. Physiology (Bethesda) 2009;24:17-25.
ment évolué au cours de cette dernière décennie avec, en [2] Farrow EG, White KE. Recent advances in renal phosphate handling.
particulier, l’identification de la phosphatonine FGF-23. Nat Rev Nephrol 2010;6:207-17.
L’hyperphosphatémie chronique est un acteur essentiel du [3] Bijvoet OL, Morgan DB, Fourman P. The assessment of phosphate
processus de calcification cardiovasculaire et s’accompagne reabsorption. Clin Chim Acta 1969;26:15-24.
d’une augmentation de la mortalité cardiovasculaire. Ces effets [4] Bergwitz C, Jüppner H. Regulation of phosphate homeostasis by PTH,
vitamin D, and FGF23. Annu Rev Med 2010;61:91-104.
délétères en font une cible thérapeutique importante au cours
[5] Block GA, Hulbert-Shearon TE, Levin NW, Port FK. Association of
de l’insuffisance rénale chronique.
serum phosphorus and calcium x phosphate product with mortality risk
in chronic hemodialysis patients: a national study. Am J Kidney Dis
1998;4:607-17.
[6] Shinaberger CS, Greenland S, Kopple JD, Van Wyck D, Mehrotra R,
“ Points essentiels
Kovesdy CP, et al. Is controlling phosphorus by decreasing dietary
protein intake beneficial or harmful in persons with chronic kidney
disease? Am J Clin Nutr 2008;88:1511-8.
• L’hyperphosphatémie chronique est le plus souvent en [7] Tonelli M, Pannu N, Manns B. Oral phosphate binders in patients with
kidney failure. N Engl J Med 2010;362:1312-24.
rapport avec une diminution importante du DFG (maladie
[8] KDIGO. Treatment of CKD-MBD targeted at lowering high serum
rénale chronique stades 4 et 5). phosphorus and maintaining serum calcium. Kidney Int 2009;113:
• L’hyperphosphatémie aiguë résulte généralement S50-S69 [suppl].
d’une augmentation massive des entrées endogènes ou
exogènes de phosphate, souvent favorisée par la
Pour en savoir plus
coexistence d’une insuffisance rénale aiguë.
• L’hyperphosphatémie chronique expose au risque de KDIGO clinical practice guideline for the diagnostic, evaluation, prevention,
calcifications cardiovasculaires et est corrélée au risque de and treatment of Chronic Kidney Disease-Mineral and Bone Disorder
mortalité cardiovasculaire. (CKD-MBD). Kidney Int 2009;113:S1-130 [suppl].
Prié D, Ureña Torres P, Friedlander G. Latest findings in phosphate
• En dehors de l’insuffisance rénale, l’hyperphosphatémie
homeostasis. Kidney Int 2009;75:882-9.
chronique doit faire rechercher une hypoparathyroïdie ou Mizobuchi M, Towler D, Slatopolsky E. Vascular calcification: the killer of
une pseudohypoparathyroïdie. patients with chronic kidney disease. J Am Soc Nephrol 2009;20:
• Le traitement de l’hyperphosphatémie au cours de 1453-6.
l’insuffisance rénale chronique repose sur l’utilisation de Guérin AP, London GM, Marchais SJ, Metivier F. Arterial stiffening and
chélateurs digestifs, calciques ou non calciques. vascular calcifications in end-stage renal disease. Nephrol Dial
Transplant 2000;15:1014-21.
H. Boulanger.
M. Flamant (martin.flamant@bch.aphp.fr).
Service d’explorations fonctionnelles, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Boulanger H., Flamant M. Hyperphosphatémie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine
Akos, 1-1360, 2011.
Hypophosphatémie
T. Stehle, M. Flamant
L’hypophosphatémie est définie par une concentration plasmatique de phosphate inférieure à 0,85 mM.
Les conséquences cliniques et la prise en charge diagnostique diffèrent en fonction du caractère aigu
ou chronique du trouble. L’hypophosphatémie aiguë est souvent d’origine extrarénale, par transfert
intracellulaire ou osseux de phosphate, ou par perte digestive. L’interrogatoire et le contexte clinique
sont généralement suffisants pour en définir l’origine étiologique. Le traitement est celui de la cause, et
éventuellement l’apport exogène de phosphate. Lorsqu’elle est sévère, l’hypophosphatémie aiguë expose
au risque de défaillance cardiorespiratoire. L’hypophosphatémie chronique est une anomalie métabolique
relativement fréquente. Elle expose à long terme à un risque osseux ou lithiasique rénal. Une carence
en vitamine D native doit être recherchée en première intention. En l’absence de carence, l’étude de la
calcémie, de la parathormone (PTH), de la 1,25 OH vitamine D et du comportement rénal du phosphate
permettent une orientation diagnostique rapide, soit vers une cause extrarénale, soit vers une fuite rénale
de phosphate, qu’elle soit primitive ou secondaire, en particulier au cours de l’hyperparathyroïdie primaire.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
dépendante du cotransporteur phosphate-sodium NPT2b (gène (conduisant à une ischémie tissulaire par diminution de la déli-
SLC34A2). L’expression membranaire de ce transporteur est sti- vrance périphérique de l’O2 liée à l’augmentation de l’affinité de
mulée par la 1,25 OH vitamine D (ou calcitriol). l’hémoglobine pour l’O2 ). Ils associent des troubles neurologiques
centraux (encéphalopathie, convulsions, coma) ou périphériques
(paresthésies), des manifestations musculaires (myopathie à pré-
Excrétion rénale de phosphate dominance proximale avec myalgies, rhabdomyolyse), digestives
et sa régulation (iléus paralytique), cardiaques (insuffisance cardiaque, arythmie),
pulmonaire (insuffisance respiratoire par atteinte musculaire dia-
Le phosphate plasmatique est librement filtré par les glo- phragmatique) et hématologique (hémolyse par augmentation de
mérules, puis majoritairement réabsorbé par le tube contourné la rigidité érythrocytaire secondaire au déficit en ATP).
proximal, le taux de réabsorption du phosphate (ou TRP, corres-
pondant à la part du phosphate filtré qui est réabsorbé) étant
d’environ 10 % à 20 %. La réabsorption du phosphate se fait de Hypophosphatémie chronique
façon couplée au Na+ , par l’intermédiaire des transporteurs NPT2a
Le retentissement de l’hypophosphatémie chronique est
(SLC34A1) et NPT2c (SLC34A3) essentiellement. Cette réabsorp-
essentiellement osseux : ostéopénie par activation ostéoclas-
tion est un phénomène saturable, et la quantité maximale de
tique, rachitisme chez l’enfant. Lorsque l’hypophosphatémie est
phosphate réabsorbée par unité de temps définit le taux maximal
d’origine rénale, elle s’associe souvent à une hypercalciurie (soit
de réabsorption du phosphate (ou TmPi). Le TmPi dépend de la
parce que l’origine du trouble est une hyperparathyroïdie, soit
capacité intrinsèque de chaque néphron à réabsorber le phosphate
parce que l’hypophosphatémie stimule la synthèse de calcitriol
mais également du nombre de néphron fonctionnel. Le TmPi nor-
qui, en réponse, augmente l’absorption intestinale de calcium),
malisé par le débit de filtration glomérulaire (DFG) (TmPi/DFG)
exposant au risque de lithiase calcique ou phosphocalcique (car-
définit par conséquent la fonction cellulaire tubulaire proximale
bapatite, weddellite, brushite, etc.).
de réabsorption du phosphate, indépendamment du nombre de
néphrons fonctionnels.
L’expression membranaire des transporteurs est sous la dépen-
dance de la parathormone (PTH) et du fibroblast growth factor 23 Étiologies
(FGF23). Ces deux peptides ont un effet phosphaturiant
(diminution du TmPi/DFG). La fixation de la PTH au récep- La première étape diagnostique consiste à s’assurer que le pré-
teur PTHR1 induit une endocytose de NPT2a et c par des lèvement est bien réalisé à jeun, et que le prélèvement n’est pas
voies adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et phos- hémolysé. Il ne faut pas hésiter à contrôler la phosphatémie avant
pholipase C (PLC) dépendantes. Le FGF23 est une protéine d’engager des examens supplémentaires dispendieux.
appartenant à la famille des phosphatonines. Elle est synthéti-
sée par les ostéocytes-ostéoblastes, cette synthèse étant stimulée Causes extrarénales (TmPi/DFG normal
par l’hyperphosphatémie et l’hypercalcitriolémie. Elle diminue
l’expression membranaire de NPT2a et c, et diminue la calcitrio- ou augmenté)
lémie par inhibition de la 1 ␣-hydroxylase tubulaire proximale. Le contexte clinique est généralement évident, et oriente soit
vers une redistribution interne du phosphate, soit vers une dimi-
nution des entrées digestives.
Diagnostic biochimique
Redistribution interne
L’hypophosphatémie est définie par une phosphatémie infé-
Elle peut se faire soit vers le secteur intracellulaire, soit
rieure à 0,85 mmol/l. Elle est considérée comme sévère pour une
vers l’os. L’entrée cellulaire de phosphate est favorisée par
valeur inférieure à 0,32 mmol/l, valeur à partir de laquelle existe
l’hyperinsulinisme, de façon physiologique en période post-
un risque cardiorespiratoire. Le dosage doit être réalisé à jeun car
prandiale, mais surtout dans des situations pathologiques ou
l’hyperinsulinémie post-prandiale induit un transfert intracellu-
médicamenteuses telles la perfusion de sérum glucosé, le trai-
laire du phosphate. Par ailleurs, comme pour tous les électrolytes
tement d’une décompensation acidocétosique, ou l’instauration
majoritairement intracellulaires, l’hémolyse dans le tube de pré-
d’une renutrition entérale ou parentérale chez des patients
lèvement entraîne une augmentation factice de la phosphatémie.
sévèrement dénutris (syndrome de renutrition). Elle est égale-
Le comportement rénal du phosphate peut s’apprécier par le
ment favorisée par l’alcalose respiratoire, l’augmentation du pH
calcul du taux de réabsorption du phosphate ou mieux par le
intracellulaire stimulant la glycolyse. Les cancers et surtout les
TmPi/DFG, obtenu à partir de la phosphatémie, du TRP et du
hémopathies malignes à haut renouvellement cellulaire sont éga-
diagramme de Bijvoët (TmPi/DFG, N = 0,8-1,40 mM).
lement des causes d’hypophosphatémie.
L’approche diagnostique est différente en fonction du caractère
Le syndrome de l’os avide (hungry bone syndrome) est un phéno-
aigu ou chronique de l’hypophosphatémie. Devant une hypo-
mène de transfert aigu de phosphate vers l’os, après traitement
phosphatémie chronique, après avoir éliminé une carence en
d’une pathologie ayant entraîné une perte osseuse de calcium
vitamine D native, la mesure du TmPi/DFG permet de définir
(parathyroïdectomie sur hyperparathyroïdie primaire, correction
l’origine rénale (TmPi/DFG abaissé) ou extrarénale (TmPi/DFG
d’une hyperthyroïdie, lever après immobilisation prolongée) et ce
augmenté) du trouble. L’hypophosphatémie aiguë est en revanche
phénomène est aggravé par la prise de biphosphonates.
presque toujours d’origine extrarénale, et le plus souvent diagnos-
tiquée à partir de l’interrogatoire et du contexte clinique
Diminution des entrées digestives
L’hypophosphatémie par carence d’apport est rare, car le phos-
Conséquences cliniques phate est présent dans une grande variété d’aliments, et parce que
le rein est physiologiquement capable de supprimer quasiment
Hypophosphatémie aiguë totalement l’excrétion de phosphate. Un facteur digestif supplé-
mentaire est ainsi souvent présent, en particulier une diarrhée
Les symptômes cliniques n’apparaissent généralement que chronique ou l’utilisation de laxatifs.
lorsque la phosphatémie est inférieure à 0,45 mM. Ils sont la La carence en vitamine D est la première cause
traduction de la déplétion intracellulaire en phosphate, ce qui d’hypophosphatémie de l’enfant, mais est également fréquente
explique le caractère généralement non symptomatique des hypo- chez l’adulte. L’hypophosphatémie par déficit en vitamine D est
phosphatémies par transfert intracellulaire de phosphate. Mis à en réalité de mécanisme double, par diminution de l’absorption
part les conséquences de l’hypophosphatémie sur l’os et l’état digestive de phosphate mais également par augmentation de
acide base, les signes cliniques sont la conséquence du défi- l’excrétion rénale par stimulation de la PTH. Les déficits en
cit en ATP et de la diminution du 2,3 DPG érythrocytaire vitmaine D peuvent être liés à un défaut d’apport, à un trouble de
Tableau 1. Tableau 2.
Causes de déficit en 25 OH vitamine D. Causes du syndrome de Fanconi.
Digestives Carence d’apport alimentaire Acquises Métaux lourds (Pb, Cd, Hg)
Résection gastrique Médicaments (isofosfamide, cisplatine, ténofovir)
Insuffisance pancréatique exocrine Chaînes légères (myélome)
Syndrome de malabsorption Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Défaut d’hydroxylation Cirrhose hépatique Génétiques Maladie de Wilson
hépatique en position 25 Médicaments (anticonvulsivants) Cystinose
Syndrome de Lowe
Déficit en vitamine D Syndrome néphrotique
Tyrosinémie
binding protein
Galactosémie
Autre Déficit d’exposition solaire Glycogénose de type 1
Hypophosphatémie
Phosphatémie Contrôle de la
normale phosphatémie à jeun
Insulinothérapie
Alcalose respiratoire Hypophosphatémie
Syndrome de l’os avide
Syndrome de renutrition Oui
Contexte extrarénal
Carence d’apport
Perte digestive (stomie)
Non
Intoxication aux chélateurs
de la phosphatémie
Normal ou 25 OH vitamine D Carence modérée
carence légère ou profonde
Présent(s) Absent(s)
Fuite rénale de
phosphate primitive ou
Syndrome de Fanconi
par excès de FGF23
cf. Tableau 1
Idiopathique
Génétique
Figure 1. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique pratique. Ca : calcémie ; PTH : parathormonémie ; TmPi : réabsorption maximale du phosphate ;
DFG : débit de filtration glomérulaire ; EF : excrétion fractionnelle ; FGF23 : fibroblast growth factor 23.
Traitement
Le traitement de l’hypophosphatémie repose avant tout sur le
traitement de la cause, d’où l’importance de bien définir l’origine
“ Point fort
étiologique du trouble. En cas d’hypophosphatémie aiguë sévère, Toute hypophosphatémie sans cause évidente doit être
un apport phosphaté est possible, par voie parentérale le plus
contrôlée avant poursuite des investigations, en vérifiant
souvent. La calcémie doit être surveillée, car il existe un risque
d’hypocalcémie aiguë par précipitation phosphocalcique. le respect du jeûne au moment du prélèvement.
En cas d’hypophosphatémie chronique par fuite rénale de phos- L’approche diagnostique de l’hypophosphatémie chro-
phate, le traitement de la cause est encore au premier plan. Ce peut nique repose sur l’étude du comportement rénal du
être diversement le traitement médical ou chirurgical d’une hyper- phosphate.
parathyroïdie primaire, la correction d’une carence en vitamine D, En cas d’hypophosphatémie chronique, l’examen de pre-
l’exérèse d’une tumeur, l’arrêt d’un traitement tubulotoxique, etc. mière intention est le dosage des taux circulants de
Lorsque le trouble est idiopathique ou la cause génétique ou incu- vitamine D native (25 OH vitamine D).
rable, un traitement symptomatique de l’hypophosphatémie peut En cas d’hypophosphatémie par fuite rénale de phosphate
être proposé, en particulier si l’hypophosphatémie est symptoma- sans carence en 25 OH vitamine D, les valeurs de PTH, de
tique ou s’il existe un risque lithiasique. L’apport de phosphore
calcium et de 1,25 OH vitamine D permettent une orien-
oral est ainsi possible, permettant d’augmenter la phosphatémie
au prix d’une augmentation de la phosphaturie. La tolérance tation étiologique rapide du trouble.
digestive de ce traitement est souvent mauvaise. Le traitement par L’hypophosphatémie aiguë et sévère expose à un risque
dipyridamole (Persantine® ) a été proposé dans les fuites rénales cardiorespiratoire, l’hypophosphatémie chronique à un
de phosphate primitives, mais nécessite une validation à grande risque osseux ou lithiasique rénal.
échelle.
Conclusion Références
[1] Berndt T, Kumar R. Novel mechanisms in the regulation of phosphorus
Les connaissances physiologiques concernant l’homéostasie
homeostasis. Physiology 2009;24:17–25.
du phosphate ont considérablement augmenté ces dernières
[2] Farrow EG, White KE. Recent advances in renal phosphate handling.
années, notamment avec l’identification de nouvelles molé- Nat Rev Nephrol 2010;6:207–17.
cules phosphaturiantes, dont le FGF23. Ceci permet désormais [3] Bijvoet OL, Morgan DB, Fourman P. The assessment of phosphate
de proposer une démarche diagnostique dichotomique assez reabsorption. Clin Chim Acta 1969;26:15–24.
complète de l’hypophosphatémie, le diagnostic étiologique étant [4] Bergwitz C, Jüppner H. Regulation of phosphate homeosta-
le plus souvent nécessaire à une prise en charge optimale du sis by PTH, vitamin D, and FGF23. Annu Rev Med 2010;61:
trouble. 91–104.
T. Stehle.
M. Flamant (martin.flamant@bch.aphp.fr).
Service de physiologie-explorations fonctionnelles, Hôpital Bichat, Université Paris 7, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Stehle T, Flamant M. Hypophosphatémie. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(3):1-5 [Article 1-1361].
Le dosage sérique de la lacticodéshydrogénase (LDH) est facile et rapide en pratique clinique courante.
Ce dosage étant très peu spécifique, il convient, dans un premier temps, d’éliminer une hémolyse liée au
prélèvement et, dans un second temps, d’envisager différentes hypothèses étiologiques, guidées par un
examen clinique approfondi et un bilan biologique ciblant les organes suspectés. Si l’origine de l’élévation
du taux de LDH n’est pas identifiée rapidement, une néoplasie profonde doit être recherchée. Le dosage de
LDH, ainsi que de ses isoformes, dans les liquides pleuraux, d’ascite ou encore dans le liquide cérébrospinal
(LCS) pourrait aussi aider le clinicien à différencier les pathologies infectieuses, notamment tuberculeuses,
des pathologies malignes. En outre, ce dosage pourrait être utile pour décider d’immunothérapies ciblées
mais coûteuses au cours de certaines hémopathies et du cancer colorectal. La LDH est non seulement
importante en tant que biomarqueur dans un certain nombre de situations cliniques, mais pourrait
également constituer une cible thérapeutique au cours de certains cancers, comme le suggère la littérature
récente.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Répartition tissulaire des différentes isoenzymes de la lacticodéshydrogé-
nase (LDH). Taux de LDH
plasmatique élevé
Sous-unités Fractions Répartition tissulaire
H4 LDH1 Cœur, hématies, rein, cerveau
H3 M1 LDH2
Éliminer une hausse
H2 M2 LDH3 Poumons, néoplasies artéfactuelle (hémolyse
H1 M3 LDH4 du prélèvement)
M4 LDH5 Foie, muscles
bilirubine totale et libre, voire 5 -nucléotidase) ainsi que du temps Dosage de lacticodéshydrogénase
de prothrombine et de l’albumine. Le bilan étiologique est réalisé
en fonction de la situation clinique. dans le liquide pleural
Certaines atteintes hépatiques chroniques (cirrhose, métastases Même si ces données sont discutées dans la littérature, il
hépatiques, etc.) peuvent aussi s’accompagner d’une élévation du convient de rappeler ici qu’une élévation du taux de LDH dans le
taux de LDH. liquide pleural, intégré avec d’autres critères diagnostiques (adé-
nosine désaminase, protéine C réactive [CRP], etc.) serait en faveur
Origine pulmonaire d’une étiologie tuberculeuse [6] .
L’embolie pulmonaire peut s’accompagner d’une élévation du
taux de LDH. Le contexte, les données de l’ECG et des gaz du Dosage de lacticodéshydrogénase
sang doivent orienter le clinicien vers la réalisation d’une imagerie
pulmonaire en cas de suspicion diagnostique. dans le liquide cérébrospinal
Certaines pneumopathies et néoplasies pulmonaires peuvent Même si le taux de LDH est plus élevé dans les méningites
aussi s’accompagner d’une hausse du taux de LDH. Il a été proposé bactériennes par comparaison aux méningites aseptiques, les
qu’un taux sanguin de LDH élevé (et notamment de l’isoenzyme isoenzymes de la LDH, bien que non dosées en routine, permet-
LDH3) puisse être un outil de dépistage simple de la tubercu- traient de faire un diagnostic différentiel plus précis [7] .
lose, dans des populations à risque n’ayant pas accès aux examens
microbiologiques [3] . Enfin, chez des patients atteints du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH), un taux plasmatique de LDH Utilisation du taux sérique
plus élevé pourrait être en faveur d’une infection pulmonaire
d’origine tuberculeuse plutôt qu’une autre mycobactérie [4] . de lacticodéshydrogénase à visée
Origine rénale
pronostique et de suivi
L’infarctus rénal, s’accompagnant d’une douleur lombaire et Au cours des hémolyses chroniques
d’une hématurie, entraîne une hausse des LDH. Chez les patients atteints de drépanocytose, le dosage facile et
rapide du taux de LDH est très utile en pratique clinique pour
Origine digestive diagnostiquer une crise vaso-occlusive, en évaluer son intensité,
L’infarctus mésentérique s’accompagne également d’une hausse mais aussi confirmer sa résolution [8] . Par ailleurs, une réascension
du taux de LDH. La symptomatologie peut être dissociée et varie post-transfusionnelle doit faire craindre un accident hémolytique
selon l’étiologie (cardioemboligène, athéromateuse, veineuse ou lié à la transfusion, accident qui peut être possiblement retardé de
non occlusive). L’angioscanner abdominal peut permettre de plusieurs jours.
poser le diagnostic. On peut aussi observer une élévation des taux
de CPK, d’amylase, des enzymes hépatiques, ou une acidose avec Pathologie d’organe non néoplasique
hyperlactatémie.
Enfin, la pancréatite aiguë s’accompagne aussi d’une élévation Au cours de la pancréatite aiguë, le taux de LDH, en s’intégrant
du taux de LDH, qui est péjorative dans le calcul du score pro- dans le score de Ranson, permet d’évaluer le degré de gravité et
nostique de Ranson, lorsqu’elle est supérieure à 1,5 fois la valeur ainsi d’adapter la prise en charge thérapeutique. Au cours de la
normale. fibrose pulmonaire idiopathique, les facteurs pronostiques péjo-
ratifs d’exacerbation respiratoire aiguë incluent le taux de LDH [9] .
Dans le mélanome métastatique [4] Dos Santos RP, Scheid KL, Goldani LZ. Laboratory features for
presumptive diagnosis of disseminated tuberculosis in HIV-infected
Le bénéfice au long terme de l’utilisation d’une immunothéra- patients. Int J Tuberc Lung Dis 2008;12:1340–3.
pie serait guidé par le taux sanguin de LDH [16] . [5] Sevinc A, Sari R, Fadillioglu E. The utility of lactate dehydrogenase
Enfin, la LDH est un sujet d’actualité en cancérologie puisque isoenzyme pattern in the diagnostic evaluation of malignant and non-
des thérapeutiques ciblées sont en cours d’élaboration : en inhi- malignant ascites. J Natl Med Assoc 2005;97:79–84.
bant l’activité de la LDH, la croissance tumorale, ainsi dépourvue [6] Valdés L, San-José E, Ferreiro L, Golpe A, González-Barcala FJ,
d’énergie, pourrait être largement ralentie [17–20] . Toubes ME, et al. Predicting malignant and tuberculous pleural effu-
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Conclusion [7] Nussinovitch M, Finkelstein Y, Elishkevitz KP, Volovitz B, Harel D,
Klinger G, et al. Cerebrospinal fluid lactate dehydrogenase isoenzymes
La démarche diagnostique devant une élévation du dosage plas- in children with bacterial and aseptic meningitis. Transl Res J Lab Clin
matique de LDH s’articule en trois étapes : après élimination d’une Med 2009;154:214–8.
hémolyse artéfactuelle, le clinicien envisage un processus de lyse [8] Najim OA, Hassan MK. Lactate dehydrogenase and severity of
cellulaire. En l’absence d’étiologie retrouvée, une origine néo- pain in children with sickle cell disease. Acta Haematol 2011;126:
plasique doit être éliminée. Le dosage du taux de LDH dans les 157–62.
liquides biologiques peut se révéler utile à visée diagnostique, tout [9] Kishaba T, Tamaki H, Shimaoka Y, Fukuyama H, Yamashiro S. Staging
comme son dosage plasmatique qui est un biomarqueur pronos- of acute exacerbation in patients with idiopathic pulmonary fibrosis.
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ment (hémolyse). with chemotherapy and bevacizumab or cediranib: retrospective ana-
• Faible spécificité : examen clinique complet et bilan lysis of the HORIZON I study. Clin Colorectal Cancer 2014;13:
biologique complémentaire nécessaires pour préciser 46–53.
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• Recherche d’un cancer sous-jacent indispensable et al. Impact of pre-treatment lactate dehydrogenase levels on prognosis
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R. Goulabchand.
P. Guilpain (p-guilpain@chu-montpellier.fr).
Département de médecine interne, maladies multi-organiques de l’adulte (MIMMOA), Centre de compétence des maladies auto-immunes rares de l’adulte,
Hôpital Saint-Eloi, CHRU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier, France.
Faculté de médecine, Université de Montpellier, 2, rue de l’École-de-Médecine, 34060 Montpellier cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Goulabchand R, Guilpain P. Anomalies biologiques courantes : lacticodéshydrogénase élevée. EMC - Traité
de Médecine Akos 2016;11(3):1-4 [Article 1-1367].
Désordres de la magnésémie
A. Blanchard, R. Vargas-Poussou
40 % dans les muscles, érythrocytes et autres cellules, et seulement Le flux de sécrétion intestinal passif de magnésium paracel-
environ 1 % (10 mmol) dans le volume extracellulaire. Moins d’un lulaire dans l’intestin grêle est fortement dépendant des flux
tiers du magnésium osseux et intramusculaire est sous forme libre, hydriques transépithéliaux et du gradient de concentration
échangeable. En effet, le magnésium osseux est intimement asso- du magnésium libre entre le liquide interstitiel et le liquide
cié aux cristaux de carboxyapatite, tandis que le pool intracellulaire luminal intestinal. Ainsi, ce flux de sécrétion, estimé à 0,5 à
de magnésium est lié aux lipoprotéines, aux nucléoprotéines, aux 1 mmol/j (12–24 mg) physiologiquement, peut considérablement
acides ribonucléiques et à l’adénosine diphosphate (ADP). Dans le s’accroître lorsque la concentration luminale de magnésium libre
plasma, seulement 20 % du magnésium est lié aux protéines plas- est très faible, comme au cours des malabsorptions lipidiques où
matiques. La magnésémie est donc beaucoup moins affectée par les cations divalents, calcium et magnésium, sont chélatés par les
les variations de protidémie que la calcémie. Elle peut être utili- graisses non absorbées. Au contraire, ce flux paracellulaire passif
sée comme un bon reflet des concentrations en magnésium libre peut s’inverser et augmenter l’absorption nette intestinale lorsque
et ultrafiltrable, en dehors des situations de variations aiguës de la concentration intestinale de magnésium libre est élevée comme
l’état acide-base. au cours de l’administration de sulfate de magnésium per os à visée
La faible quantité de magnésium dans le volume extracellulaire laxative, ou intrarectale à visée tocolytique.
relativement aux stocks intracellulaires et osseux explique que
la magnésémie ne soit pas un paramètre d’une fiabilité absolue
pour juger de l’état de déplétion ou de réplétion en magnésium.
Pour mieux estimer le risque cardiologique potentiel induit par
les variations intracellulaires en magnésium, il a été proposé de
mesurer la concentration intraérytrocytaire de magnésium, qui
“ Point fort
serait mieux corrélée au contenu intracellulaire cardiaque que la
magnésémie, mais cette notion est controversée [1] . L’absorption intestinale nette, physiologiquement
Le stock de magnésium intracellulaire est corrélé au stock intra- d’environ un tiers des apports alimentaires en magnésium
cellulaire de potassium. Au cours d’une déplétion en potassium (4 mmol ou 100 mg par 24 heures), peut être affectée en
chronique, le contenu musculaire intracellulaire en magnésium pathologie dans le sens de la hausse ou de la baisse par une
diminue de 0,5 mmol pour chaque diminution de 10 mmol de modification du flux d’absorption active transcellulaire
potassium par kilogramme de masse maigre [2] . Inversement, la et/ou de sécrétion passive paracellulaire.
déplétion en magnésium induit une déplétion potassique précoce
par perte rénale de potassium [3] .
Tableau 1.
Principales pertes rénales de magnésium héréditaires.
Pathologie Hérédité Locus Gène Protéine Calciurie Perte de Signes OMIM (réf)
autosomique Na et K extrarénaux
Syndrome de Bartter, type 1 Récessive 5q21.1 SLC12A1 NKCC2 Augmentée Oui Hydramnios, 601678
retard de
croissance
Syndrome de Bartter, type 2 Récessive 11q24.3 KCNJ1 ROMK Augmentée Oui Hydramnios, 241200
retard de
croissance
Syndrome de Bartter, type 3 Récessive 1p36 CLCNKB ClC-Kb Variable Oui 607364
Syndrome de Bartter, type 4 Dominante 1p32.3 BSND Barttin Augmentée Oui Surdité 602522
Syndrome de Bartter, type 5 Dominante 3q13 CASR CaSR Augmentée Oui Hypoparathyroïdie 146200/
ou hypocalcémie 601198
autosomique dominante
Hypomagnésémie Récessive 3q27 CLDN16 Claudine 16 Augmentée – – 248250/
hypercalciurie 1p34.2 CLDN19 Claudine 19 Augmentée – Anomalies 148190
néphrocalcinose oculaires
Syndrome de Gitelman Récessive 16q13 SLC12A3 NCC Basse Oui Chondrocalcinose 263800
Hypomagnésémie avec Récessive 9q22 TRPM6 TRPM6 Basse – Tétanie 602014
hypocalcémie secondaire (hypocalcémie)
MODY5 Dominante 17q12 TCF2 HNF1 Basse – MODY5, kystes 137920
rénaux,
hyperuricémie
Hypomagnésémie Dominante 11q23 FXYD2 FXYD2 Basse – – 154020
dominante isolée
Syndrome EAST (connu Récessive 1q23 KCNJ10 Kir 4.1 Basse Oui Épilepsie, ataxie, 612780
également comme SeSAME) surdité de
perception
Hypomagnésémie rénale Dominante 12p13 KCNA1 Kv1.1 Conservée – Ataxie, épilepsie, 160120
dominante myokymie
Hypomagnésémie rénale Récessive 4q25 EGF EGF Conservée – Retard mental, 611718
isolée récessive épilepsie
Hypomagnésémie Dominante CNNM2 Cycline M2 Basse Oui Chondrocalcinose 613882
autosomique dominante
NKCC2 : Na-K-Cl cotransporter 2 ; ROMK : renal outer medullary potassium channel ; CaSR : calcium-sensing receptor ; NCC : Na-Cl cotransporter ; TRPM6 : transient receptor poten-
tial M6 ; HNF1 : hepatocyte nuclear factor 1 beta ; EGF : endothelial growth factor ; MODY5 : maturity-onset diabetes of the young 5 ; Na-K-ATPase : sodium–potassium–adénosine
triphosphatase ; syndrome EAST : epilepsy, ataxia, sensorineural deafness, tubulopathy ; syndrome SeSAME : seizure, sensorinal deafness, ataxia, mental retardation, and electrolyte
imbalance.
ne reflète alors plus l’absorption nette intestinale de magné- des pertes rénales de magnésium (diurétiques, inhibiteurs de la
sium, mais l’absorption nette intestinale soustraite du flux net pompe à proton, anti-VEGF [vascular endothelial growth factor],
d’accrétion osseuse. En l’absence d’apport net intestinal de antityrosine kinase, cysplatine).
magnésium, la baisse de la magnésurie précède la baisse de la Le diagnostic d’une hypomagnésémie débute par le dosage de
magnésémie [3] . Cependant, si l’apport net intestinal est négatif, magnésium sérique et/ou globulaire qui, selon les recommanda-
la magnésurie n’est pas nulle, ce qui entraîne une baisse de la tions médicales opposables en vigueur, ne sont licites que dans
magnésémie et donc de la charge filtrée de magnésium. Un nou- les cas de nettes perturbations cliniques ou biologiques, en parti-
vel équilibre est alors obtenu au prix d’une hypomagnésémie. La culier au cours des états de cirrhose décompensée, d’insuffisance
sévérité de cette hypomagnésémie est d’autant plus importante rénale, de syndrome de malabsorption intestinale, de traitement
que la carence d’apport en magnésium est prolongée et qu’il existe diurétique prolongé à fortes doses, de pancréatite aiguë et de
un défaut de réabsorption rénal de magnésium associé. brûlures étendues. Cette recommandation fait que les déplétions
Les déterminants de la magnésémie restent encore largement en magnésium paucisymptomatiques risquent d’être méconnues,
indéterminés. On ne connaît pas, à ce jour, d’hormone ou de par manque de dépistage. La mesure de la magnésémie est indis-
récepteur spécifique au magnésium qui pourrait orchestrer, à pensable dans le bilan d’une hypocalcémie. Une magnésémie
l’instar de ce qui est décrit pour le calcium, l’absorption intestinale normale n’exclut pas l’existence d’une déplétion en magnésium
de magnésium, sa réabsorption rénale ou son flux net osseux. responsable d’une hypocalcémie ou d’une hypokaliémie, en parti-
culier chez le sujet dénutri (éthylique chronique). Il peut être utile
d’avoir recours à un test diagnostique en perfusant du magné-
Hypomagnésémies sium et en étudiant la quantité relative de magnésium retenue
par l’organisme qui augmente en cas de déplétion [9] .
Définition et incidence La mesure de la magnésurie permet de déterminer si
l’origine de l’hypomagnésémie est rénale (magnésurie supé-
Une magnésémie entre 0,50 et 0,65 mmol/l définit une rieure à 2 mmol/24 h) ou extrarénale (magnésurie inférieure ou
hypomagnésémie modérée. Une hypomagnésémie inférieure à égale à 1 mmol/24 h). Si la magnésurie est comprise entre 1 et
0,50 mmol/l est considérée comme sévère, généralement symp- 2 mmol/24 h, il faut supplémenter le patient et répéter les mesures
tomatique. Lorsqu’elle est systématiquement recherchée, une sanguines et urinaires. On peut également calculer, sur un échan-
hypomagnésémie est présente chez 7 à 20 % des patients hospi- tillon d’urine et un prélèvement plasmatique contemporain,
talisés, cette incidence pouvant atteindre 60 % dans des secteurs l’excrétion fractionnelle du magnésium, une valeur supérieure
de soins intensifs [8] . Cette très forte incidence est alors liée à la à 1 % associée à une hypomagnésémie témoignant d’une perte
combinaison de facteurs nutritionnels et de substances induisant rénale de ce cation.
Hypomagnésémies acquises Son incidence est environ deux fois moindre que celle de
l’hypomagnésémie [8] . Tant que la magnésémie reste inférieure
Hypomagnésémies d’origine toxique à 2 mmol/l, elle reste asymptomatique. Comme le rein possède
Une hypomagnésémie par malabsortion (magnésu- physiologiquement une très grande capacité d’excrétion du
rie < 1 mmol/24 h) peut compliquer de manière non rare la magnésium, une hypermagnésémie résulte nécessairement d’un
prise d’inhibiteurs de la pompe à proton. Bien que la physio- apport majeur de magnésium au volume extracellulaire, dépas-
pathologie en reste obscure, cette étiologie doit être connue. sant les capacités rénales d’élimination, ou une altération de la
Cette carence en magnésium peut se cacher derrière un tableau clairance rénale du magnésium, ou d’une combinaison des deux.
d’hypocalcémie avec hyperparathyroïdie secondaire ou parfois
hypoparathyroïdie. Ce tableau se renverse rapidement à l’arrêt
du traitement [14] .
Signes et symptômes de l’hypermagnésémie
De nombreux traitements ont été décrits comme pouvant Lorsqu’elle est très sévère, elle peut entraîner une inhibition de
induire une perte rénale de magnésium. Les premiers cas ont été la transmission neuromusculaire, de la conduction cardiaque et
décrits chez les patients recevant des aminosides. Une hypoma- une inhibition du système sympathique. Cliniquement, ces effets
gnésémie apparaît chez 50 à 75 % des patients selon les séries se traduisent par une vasodilatation avec sensation de chaleur,
de patients traités par cisplatine et peut persister plusieurs mois des nausées et vomissements et, lorsque la magnésémie est très
après l’arrêt du traitement [15] . Le foscarnet induit également des élevée (> 6 mmol/l), une paralysie neuromusculaire, exceptionnel-
hypomagnésémies qui peuvent être sévères [16] . lement un arrêt cardiaque. Ces effets sont aggravés par la présence
Les diurétiques de l’anse entraînent des hypomagnésémies d’une hypocalcémie, améliorés par la présence d’une hypercalcé-
généralement modérées et bien tolérées. Les diurétiques thiazi- mie (Tableau 2) [8] .
diques induisent une hypomagnésémie plus sévère de même que
la prise chronique de ciclosporine et de FK506, deux immunosup-
presseurs capables d’induire des hypomagnésémies chroniques, Diagnostic étiologique
les inhibiteurs de la voie de l’EGF (anticorps anti-EGFR [endo- des hypermagnésémies
thelial growth factor receptor] et inhibiteurs des tyrosines kinases)
dont l’utilisation récente s’est associée à une forte incidence Augmentation des entrées de magnésium
d’hypomagnésémie modérée à sévère. Une hypomagnésémie avec dans le volume extracellulaire
hypocalcémie secondaire apparaît, selon les séries, chez 15 à 45 %
L’administration de sulfate de magnésium per os à visée laxative
des patients et régresse à l’arrêt du traitement, contrairement aux
ou intrarectale à visée tocolytique inverse le flux paracellu-
hypomagnésémies induites par le cisplatine. Il peut s’y associer
laire passif de sécrétion intestinale de magnésium et augmente
d’autres troubles hydroélectrolytiques dont une hypophosphaté-
l’absorption nette intestinale lorsque la concentration intestinale
mie de mécanisme mal élucidé [17] .
de magnésium libre est élevée [18] . Dans cette situation, des hyper-
magnésémies à 9 mmol/l ont été observées, chez des sujets à
Pertes rénales acquises non toxiques
fonction rénale conservée.
Différents états pathologiques peuvent s’associer à une hypo-
magnésémie. Dans l’hyperaldostéronisme primaire comme dans Redistribution du magnésium de l’organisme
le syndrome of inappropriate antidiuretic hormone hypersecretion
(SIADH), l’hypomagnésémie modérée observée a été rapportée à la Ce mécanisme a été en particulier impliqué dans les hyperma-
tendance hypervolémique caractéristique de ces états, qui exerce gnésémies observées au cours de certaines acidoses métaboliques
un effet inhibiteur sur la réabsorption proximale de magnésium. aiguës.
L’éthylisme chronique s’associe à une tubulopathie avec perte
rénale de magnésium, qui disparaît généralement en un mois Diminution de la capacité rénale d’excrétion
après le sevrage. Cette tubulopathie alcoolique n’est pas la seule du magnésium
cause d’hypomagnésémie chez ces patients généralement dénu- Diminution du débit de filtration glomérulaire
tris, qui peuvent également présenter une pancréatite ou des Une hypermagnésémie modérée est banale chez les patients en
diarrhées chroniques. insuffisance rénale préterminale ou en hémodialyse, et fonction
L’insuline stimule la réabsorption de magnésium, ce qui peut de l’état acide-base. La présence en excès accidentelle de magné-
expliquer que le diabète est associé à une incidence accrue de sium dans le dialysat peut être la cause d’hypermagnésémie sévère.
déplétion en magnésium.
L’acidose métabolique est également une cause classique Hypermagnésémie avec hypomagnésurie et alcalose
d’hypomagnésémie rénale. hypokaliémique
Ce tableau a été écrit en 1997 chez un patient présentant une
insuffisance rénale modérée et semble être secondaire à une aug-
Hypermagnésémies mentation du transport de calcium et de magnésium dans l’anse
de Henle, jugé sur la réponse calciurique et magnésurique exacer-
Définition et incidence bée à l’administration de furosémide. La physiopathologie de cette
pathologie reste à établir, mais un modèle murin d’inactivation
L’hypermagnésémie est un désordre hydroélectrolytique d’une claudine (claudine 14) induit une hypermagnésémie rénale
rare, défini par une magnésémie supérieure à 0,95 mmol/l. avec néphrocalcinose [19] .
Traitement des hypermagnésémies [20] Fassler CA, Rodriguez RM, Badesch DB, Stone WJ, Marini JJ.
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dehors de l’arrêt de toute administration de magnésium. En pré-
sence de signes de dépression clinique ou respiratoire, on peut
adjoindre l’administration intraveineuse de calcium (2 à 5 mmol). Pour en savoir plus
La combinaison insuline–glucose peut également être utilisée Adalat S, Woolf AS, Johnstone KA, Wirsing A, Harries LW, Long DA,
pour promouvoir l’entrée du magnésium dans les cellules. et al. HNF1B mutations associate with hypomagnesemia and renal
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A. Blanchard (anne.blanchard@egp.aphp.fr).
Centre d’investigations cliniques, Faculté de médecine Paris-Descartes, Université Paris-V, Hôpital européen Georges-Pompidou, AP–HP, 20-40, rue Leblanc,
75015 Paris, France.
R. Vargas-Poussou.
Département de génétique moléculaire, Faculté de médecine Paris-Descartes, Université Paris-V, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20-40, rue Leblanc,
75015 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Blanchard A, Vargas-Poussou R. Désordres de la magnésémie. EMC - Traité de Médecine Akos 2015;10(3):1-
7 [Article 1-1382].
Microalbuminurie :
méthodes de dosage et interprétation
R. Guieu, C. Monserrat
La microalbuminurie est définie comme l’élimination dans les urines d’une quantité d’albumine comprise
entre 30 et 300 mg/24 h ou entre 30 et 300 µg par mg de créatinine sur un échantillon d’urine isolé. Une
augmentation de la microalbuminurie témoigne d’une atteinte glomérulaire. La microalbuminurie
constitue à la fois un indicateur diagnostic, de suivi thérapeutique et de pronostic, aussi bien dans le
diabète de type 1 que de type 2. C’est également un facteur de risque indépendant dans l’hypertension
artérielle et la maladie coronarienne. La microalbuminurie doit être mesurée dans des conditions strictes
de prélèvement, au moins à deux reprises à visée diagnostic, et une fois par an au cours du suivi des
patients. Son dosage actuel ne pose aucun problème, il est bien standardisé. Il fait appel à
l’immunoturbidimétrie ou l’immunonéphélémétrie. Il est très rapide et fiable. Son interprétation est donc
sûre.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Tableau 1.
Valeurs de référence des concentrations en albumine dans les urines. Chez le sujet sain, l’albuminurie physiologique excède rarement 15 µg/min.
Interprétation Échantillons des 24 h Échantillon avec mesure du débit Échantillon ponctuel
Valeur normale < 30 mg/24 h < 20 µg/min < 30 µg/mg a de créatinine
Macroalbuminurie > 300mg/24 h > 200 µg/min > 300 µg/mg de créatinine
a
À diviser par 8,8 pour des résultats en µg/mmol.
Dans le diabète de type 2 [4] Chugh A, Bakris GL. Microalbuminuria: What is it? Why is it impor-
tant? What should be done about it? An update. J Clin Hypertens 2007;
L’existence d’une microalbuminémie est notée dans 20 % à 9:196-200.
25 % des cas de diabète nouvellement diagnostiqué ou ancien. [5] Taal MW, Brenner BM. Renal risk scores: progress and prospects.
Le diabète de type 2 est une cause fréquente de néphropathie Kidney Int 2008;73:1216-9.
et la microalbuminurie fait partie de la surveillance des patients. [6] Hellsing K. The effects of different polymers for enhancement of the
La réduction de la microalbuminurie, au cours d’un traitement antigen antibody reaction as measured with nephelemetry in protides in
adapté, est corrélée à la diminution de l’atteinte rénale et à la the biological fluid, Oxford: Pergamon Press; 1973. (vol23). p. 579.
diminution du risque cardiovasculaire [20]. Enfin, La microalbu- [7] Fielding BA, Price DA, Houlton CA. Enzyme immunoassay for urinary
minurie est un facteur de risque de mortalité par accident albumin. Clin Chem 1983;29:355-7.
cardiovasculaire aussi bien chez les patients atteints de diabète
[8] Ciret P, Claudel JP, Marre M, Passa P. Early detection of
de type 1 [21], que pour ceux atteints de diabète de type 2 [22].
microalbuminuria by a new technic rapid, sensitive and automatable:
nephelometry. Journ Annu Diabetol Hotel Dieu 1986:313-5.
En dehors du diabète [9] Marre M, Claudel JP, Ciret P, Passa P. Laser immunonephelometry for
the determination of the urinary excretion of Albumin. Presse Med
D’une manière générale, chez le patient non diabétique, la 1986;15:1429.
présence d’une microalbuminurie reste un facteur de risque [10] Dussol B, Jourde-Chiche N. Fonction rénale : comment la mesurer,
indépendant de mortalité par ischémie coronaire [23]. Dans une comment l’interpréter? EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
méta-analyse portant sur près de 170 000 patients, et incluant Médecine Akos, 1-1244, 2009 : 4p.
près de 7 000 événements cardiovasculaires, Perkovic et al. ont
[11] Raynaud E, Brun JF, Fédou C, Puech-cathala AM, Perez-Martin A,
montré que la présence d’une microalbuminurie augmente de
Orsetti A. Is microalbuminuria, an early marker of clinical
50 % le risque d’événement cardiovasculaire et que ce risque est
nephropathy, also a cardiovascular risk factor? Ann Biol Clin (Paris)
d’autant plus important que l’albuminurie est élevée [24]. La
1998;56:671-9.
présence d’une microalbuminurie est donc un facteur de risque
indépendant de maladie rénale et de mortalité dans le diabète [12] Schultz CJ, Konopelska-Bahu T, Dalton RN, Carroll TA, Stratton I,
et chez l’hypertendu [25] , et constitue un facteur de risque Gale EA, et al. Microalbuminuria prevalence varies with age, sex, and
précoce et indépendant de maladie cardiovasculaire (infarctus puberty in children with type 1 diabetes followed from diagnosis in a
longitudinal study. Oxford Regional Prospective Study Group.
du myocarde ou accident vasculaire) [26, 27]. L’hypertension
Diabetes Care 1999;22:495-502.
augmente l’excrétion urinaire de protéines d’origine tubulaire et
glomérulaire, et augmente en particulier l’albuminurie [28]. Au [13] Amin R, Widmer B, Prevost AT, Schwarze P, Cooper J, Edge J, et al.
cours d’un traitement bien adapté, la microalbuminurie dimi- Risk of microalbuminuria and progression to macroalbuminuria in a
nue [27], et cette diminution est corrélée avec la diminution des cohort with childhood onset type 1 diabetes: prospective observational
complications cardiovasculaires [29], ce qui fait de la microalbu- study. BMJ 2008;336:697-701.
minurie une cible thérapeutique [16]. [14] Mogensen CE. Microalbuminuria : risques cardiovasculaires et rénal.
Diabétol Fact Risq 1997;3:153-8.
[15] Stone ML, Craig ME, Chan AK, Lee JW, Verge CF, Donaghue KC.
Natural history and risk factors for microalbuminuria in adolescents
with type 1 diabetes: a longitudinal study. Diabetes Care 2006;29:
“ Points importants
[16]
2072-7.
Ficociello LH, Perkins BA, Silva KH, Finkelstein DM, Ignatowska-
Interprétation clinique Switalska H, Gaciong Z, et al. Determinants of progression from
microalbuminuria to proteinuria in patients who have type 1 diabetes
La présence de microalbumine est rare dans la population
and are treated with angiotensin-converting enzyme inhibitors. Clin
standard.
J Am Soc Nephrol 2007;2:461-9.
La présence de microalbumine est fréquente chez les
[17] Ruggenenti P, Perna A, Remuzzi G, GISEN Group Investigators..
patients diabétiques ou hypertendus. Retarding progression of chronic renal disease: the neglected issue of
La microalbumine est : residual proteinuria. Kidney Int 2003;63:2254-61.
• une aide au diagnostic puisque témoin d’une atteinte [18] Warram JH, Gearin G, Laffel L, Krolewski AS. Effect of duration of
glomérulaire et donc d’une atteinte rénale ; type I diabetes on the prevalence of stages of diabetic nephropathy
• un marqueur pronostic au cours de l’évolution de defined by urinary albumin/creatinine ratio. J Am Soc Nephrol 1996;
l’insuffisance rénale ; 7:930-7.
• une cible thérapeutique dans le diabète et dans [19] Mogensen CE. Microalbuminuria and hypertension with focus on type
l’hypertension. 1 and type 2 diabetes. J Intern Med 2003;254:45-66.
[20] Araki S, Haneda M, Koya D, Kashiwagi A, Uzu T, Kikkawa R. Clinical
impact of reducing microalbuminuria in patients with type 2 diabetes
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■ Conclusion [21] Stehouwer CD, Smulders YM. Microalbuminuria and risk for
cardiovascular disease: Analysis of potential mechanisms. J Am Soc
La microalbuminurie, à condition de respecter strictement les Nephrol 2006;17:2106-11.
conditions de prélèvements et de dosage, est un marqueur [22] Dinneen SF, Gerstein HC. The association of microalbuminuria and
diagnostic, de suivi thérapeutique et de pronostic chez le mortality in non-insulin-dependent diabetes mellitus. A systematic
patient diabétique et/ou hypertendu. overview of the literature. Arch Intern Med 1997;157:1413-8.
.
[23] Borch-Johnsen K, Feldt-Rasmussen B, Strandgaard S, Schroll M,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Guieu R., Monserrat C. Microalbuminurie : méthodes de dosage et interprétation. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 1-1383, 2009.
Phosphatases alcalines
P. Houssel
Les phosphatases alcalines sont des isoenzymes membranaires dont le rôle reste mal connu. Elles existent
dans la plupart des tissus. Le dosage sérique des phosphatases alcalines est surtout le reflet de l’activité
des isoenzymes hépatique et osseuse. Les phosphatases alcalines s’ascensionnent de manière physiolo-
gique au cours du troisième trimestre de grossesse et lors de la croissance osseuse (période néonatale
et adolescence). L’augmentation des phosphatases alcalines associée à une élévation des gamma-
glutamyl-transpeptidases signe une atteinte hépatique. La plupart des maladies du foie (hépatite virale,
auto-immune, cirrhose, cirrhose biliaire primitive, tumeur, granulomatose, etc.) et des voies biliaires
entraînent une élévation des phosphatases alcalines. Une obstruction de la voie biliaire principale par
une lithiase ou un cancer est à éliminer. L’ascension isolée des phosphatases alcalines doit faire suspecter
une atteinte osseuse. Les modifications du remodelage osseux (formation osseuse et résorption osseuse)
doivent faire rechercher : une maladie de Paget osseuse, des métastases osseuses (sein, prostate, pou-
mon), une hyperparathyroïdie, une ostéomalacie, une fracture ou un tassement vertébral récent. Il existe
donc une élévation physiologique des phosphatases alcalines (croissance, grossesse notamment) et une
ascension pathologique devant faire rechercher une maladie hépatique ou osseuse en premier lieu.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Isoenzymes ; Obstruction biliaire ; Cirrhose biliaire primitive ; Cholangite sclérosante primitive ;
Maladie de Paget osseux ; Ostéomalacie
Échographie hépatique
Positif Négatif
“ Point important 1 2 3
Tableau 1.
Diagnostic et traitement de la lithiase de la voie biliaire principale (VBP).
1
Diagnostic
Première intention Clinique
Biologique (élévation des ␥GT,
PAL, bilirubine)
Échographie hépatique (dilatation
2 de la VBP, calcul de la VBP)
Causes intrahépatiques
L’élévation sérique des PAL est due soit à une obstruction des voies est à évoquer devant une asthénie, un prurit et, biologique-
biliaires intrahépatiques, soit à une altération de l’hépatocyte. ment, une élévation des PAL. Les anticorps antimitochondries
Il existe différentes causes de cholestase intrahépatique. de type 2, détectés par immunofluorescence indirecte (IFI), sont
La cholestase au cours des hépatites virale, auto-immune, alcoo- présents chez 90 % à 95 % des patients atteints de CBP. La biop-
lique, des infections bactériennes chez le patient cirrhotique, et sie hépatique est nécessaire pour évaluer le stade de fibrose. Une
des infiltrations tumorales notamment est fortement liée aux endoscopie œsogastroduodénale doit être réalisée quel que soit
cytokines pro-inflammatoires (tumor necrosis factor beta [TNF-], le stade de la maladie à la recherche de signes d’hypertension
interleukine 1 bêta [IL-1-], interleukine 6 [IL-6]) qui modifient portale. Le traitement repose sur l’acide ursodésoxycholique
l’expression des transports biliaires [7] . (AUDC). Il améliore les tests hépatiques, freine la progression
Deux maladies sont à considérer. de la maladie en limitant l’apparition d’hypertension portale
et de cirrhose. La posologie optimale efficace est habituelle-
Cirrhose biliaire primitive (Tableau 2) ment de 13 à 15 mg/kg par jour en un à deux prises [8, 9] . La
La cirrhose biliaire primitive (CBP) est une maladie hépatique transplantation hépatique est indiquée chez les patients pré-
chronique inflammatoire et cholestatique avec, à l’histologie, sentant un prurit réfractaire avec atteinte de la qualité de vie,
une destruction non suppurative des voies biliaires interlo- une bilirubinémie supérieure à 100 mol/l, et des complications
bulaires (cholangite destructive non suppurative). Elle touche de la cirrhose (insuffisance hépatocellulaire et hypertension
préférentiellement la femme à partir de 40 ans. Le diagnostic portale).
Tableau 2.
Cirrhose : étiologies et diagnostic.
Étiologies Diagnostic
“ Point important
Virus VHB (si positif, AgHBs, Ac anti-delta
rechercher VHD), VHC Ac anti-VHC Anomalies du remodelage osseux
• Maladie de Paget
Alcool Interrogatoire, PBH
• Ostéomalacie
NASH Syndrome dysmétabolique (HTA,
• Hyperparathyroïdie
hyperglycémie à jeun, obésité centrale,
diminution du HDL-cholestérol, • Hyperthyroïdie
augmentation des triglycérides) • Métastases osseuses
• Fracture récente
Hémochromatose Coefficient de saturation de la
génétique transferrine, ferritine, mutation C282Y,
• Tassement vertébral récent
H63D • Ostéodystrophie rénale
IRM hépatique de quantification de la
surcharge ferrique
Auto-immune Électrophorèse des protéines sériques, Maladie de Paget osseuse [11, 12]
autoanticorps (Ac anti-LKM, Ac
antinucléaires, Ac anti-muscle lisse) La maladie de Paget est une maladie du remodelage osseux :
hyperostéoclastose avec hyperostéoblastose réactionnelle abou-
Cirrhose biliaire primitive Anticorps antimitochondries de type 2 tissant à une structure osseuse désorganisée (hypertrophie et
Cirrhose biliaire secondaire Antécédents de cholangite sclérosante déformation de l’os). Elle touche plus souvent les hommes et
primitive, traumatisme de la voie biliaire son incidence augmente avec l’âge. Elle peut atteindre un ou plu-
principale, lithiase intrahépatique diffuse sieurs os et préférentiellement les vertèbres, le crâne, le fémur et
Maladie de Wilson Antécédent familial, ceruléoplasmine, le bassin. La maladie est le plus souvent asymptomatique, mais
cuprémie et cuprurie des 24 heures, le diagnostic doit être évoqué devant une douleur osseuse, une
recherche génétique chaleur locale (hypervascularisation), une déformation osseuse.
Déficit en Antécédent familial, déficit en Biologiquement, le taux sérique des PAL constitue le meilleur
alpha1-antitrypsine alpha1-antitrypsine (diminuer reflet de l’activité de la maladie de Paget. L’imagerie apporte
systématiquement au cours de la des arguments diagnostiques (la radiographie standard retrouve
cirrhose), phénotypage de une hypertrophie osseuse, une déformation, une condensation
l’alpha1-antitrypsine globale) et permet le bilan d’extension de la maladie (la scinti-
graphie osseuse au 99mTc corps entier permet une cartographie
Syndrome de Budd-Chiari Échodoppler hépatique (obstruction des des lésions sous forme de foyers d’hyperfixation). Toute mala-
veines sus-hépatiques)
die de Paget symptomatique ou à risque (ex. : compression du
Ac : anticorps ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de l’hépatite C ; VHD : nerf auditif dans l’atteinte crânienne) requiert un traitement par
virus de l’hépatite D ; NASH : non-alcoholic steatohepatitis ; PBH : ponction biopsie biphosphonates. Les PAL sont un marqueur de l’évolution de
hépatique ; HDL : high density lipoprotein ; HTA : hypertension artérielle ; IRM : la maladie (surveillance biologique), mais aussi de réponse au
imagerie par résonance magnétique ; LKM : liver-kidney microsomal.
traitement.
endocriniens, métaboliques et nutritionnels. Des pathologies • une pathologie hépatique (associée le plus souvent à l’élévation
diverses peuvent donc être responsables d’un trouble de la miné- d’autres enzymes hépatiques) touchant le parenchyme ou
ralisation osseuse (d’où une élévation des PAL). Deux pathologies les voies biliaires. L’échographie hépatique reste l’examen
principales sont à retenir. d’imagerie de première intention ;
• une pathologie du remodelage osseux. L’examen clinique (anté-
Ostéomalacie cédent de néoplasie ou facteurs de risque, existence de douleurs,
L’ostéomalacie correspond à une insuffisance de minéralisation de tuméfaction, etc.), les bilans biologique (dosage du cal-
de l’os cortical et spongieux à maturité, secondaire à une carence cium, phosphorémie, calciurie notamment) et morphologique
en vitamine D ou à un déficit phosphoré. La conséquence est un (radiographie standard, tomodensitométrie, IRM et scintigra-
os « mou », responsable de déformations osseuses et de tassements phie osseuse) guident le diagnostic.
vertébraux [14] .
La carence en vitamine D est liée à un défaut d’apport, une
malabsorption, un défaut de 25-hydroxylation hépatique, ou à un
défaut de 1-␣-hydroxylation rénale. Le diagnostic d’ostéomalacie Références
est suspecté devant l’association : hypocalcémie, hypocalciurie,
et hypophosphorémie. Le traitement reste celui de la cause et [1] Benhamou JP. Hépatologie clinique. Paris: Flammarion; 1993.
l’apport de vitamine D. [2] Jamjute P, Ahmad A, Ghosh T, Banfield P. Liver function
test and pregnancy. J Matern-Fetal Neonatal Med 2009;22:
274–83.
Hyperparathyroïdie [3] Chen KT, Malo MS, Beasley-Topliffe LK, Poelstra K, Millan JL,
L’hypersécrétion de parathormone (PTH), primitive ou secon- Mostafa G, et al. A role for intestinal alkaline phosphatase in
daire, entraîne une augmentation de la résorption osseuse (la PTH the maintenance of local gut immunity. Dig Dis Sci 2011;56:
active les ostéoclastes). L’association d’une hypercalcémie, d’une 1020–7.
hypercalciurie et d’une hypophosphorémie doit faire évoquer ce [4] Pratt DS, Kaplan MM. Evaluation of abnormal liver enzyme
diagnostic. results in asymptomatic patients. N Engl J Med 2000;342:
Les causes à rechercher sont : un adénome parathyroïdien, une 1266–71.
hyperplasie diffuse des parathyroïdes, un cancer parathyroïdien, [5] Limdi JK, Hyde GM. Evaluation of abnormal liver function tests.
une hyperparathyroïdie paranéoplasique (cancer pulmonaire Postgrad Med J 2003;79:307–12.
anaplasique à petites cellules par sécrétion de substance PTH- [6] Prise en charge de la lithiase biliaire, recommandation de pratique
clinique. SNFGE.
like). L’hyperparathyroïdie peut s’inscrire dans une néoplasie
[7] Valla DC. Cholestase inexpliquée. In: Journée d’Hépatologie de
endocrinienne multiple (NEM) devant faire rechercher d’autres
l’Hôpital Beaujon; 2007.
localisations tumorales. [8] Talwalkar JA, Lindor KD. Primary biliary cirrhosis. Lancet
Le taux sérique de PAL est corrélé à l’intensité de la pathologie 2003;362:53–61.
(reflet de l’intensité de la résorption osseuse). [9] Corpechot C, Poupon R. Prise en charge et traitement de la cirrhose
biliaire primitive. AFEF; 2009.
[10] Hart SM, Eastell R. Biochemical markers of bone turnover. Curr Opin
P. Houssel (pauline.houssel@bjn.aphp.fr).
Service d’hépatologie, Hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Houssel P. Phosphatases alcalines. EMC - Traité de Médecine Akos 2012;7(4):1-5 [Article 1-1400].
La recherche et l’étude des protéinuries constituent un outil simple du dépistage et du diagnostic des
maladies rénales. Leur analyse est un contributeur essentiel du raisonnement diagnostique en
néphrologie. La très accessible détermination de leur composition et donc de leur origine (glomérulaire,
tubulaire ou autre) doit être intégrée aux autres données sémiologiques rénales pour une analyse
syndromique qui précise le diagnostic étiologique ou oriente les examens complémentaires nécessaires à
sa détermination. De plus, les protéinuries sont devenues un marqueur pronostique incontournable des
maladies rénales chroniques. Elles doivent faire l’objet d’une attention particulière pour leur suivi et
constituent même une cible obligatoire des interventions thérapeutiques. Enfin, les protéinuries font
actuellement l’objet d’une recherche clinique active qui a pour but de déterminer leur toxicité rénale
propre et ses mécanismes. L’enjeu est le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques des
maladies rénales fondées sur l’inhibition de tels mécanismes.
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uromoduline sécrétée par les cellules épithéliales de l’anse de cours du temps, il est préférable de mesurer la protéinurie sur
Henle, du tube contourné distal et du tube collecteur) ou un échantillon d’urine, de préférence sur les premières urines du
urogénitale (IgA sécrétoires de l’urètre, déchets protéolysés du matin [5] , et de rapporter la protéinurie à la créatininurie
tractus urogénital). Cette protéinurie physiologique n’est (résultat exprimé en mg/mmol de créatinine ou en g/g de
habituellement pas dépistée par les bandelettes urinaires. créatinine) [7, 8]. La mesure sur les premières urines du matin est
Sur ce « fond » de protéinurie physiologique peut s’installer privilégiée puisqu’elle est mieux corrélée à la protéinurie des
une anomalie à l’origine d’une protéinurie à la constitution de 24 heures. Si la mesure sur un échantillon des premières urines
laquelle quatre mécanismes non exclusifs peuvent concourir : du matin n’est pas possible, une mesure du ratio protéinurie ou
• la filtration de protéines de bas poids moléculaire en quantité albuminurie sur créatininurie sur un échantillon pris au hasard
anormale ; est cependant valable [5]. Chez les enfants, une protéinurie
.
• une augmentation de la perméabilité glomérulaire ; orthostatique doit être exclue par la mesure de la protéinurie sur
• un défaut de réabsorption tubulaire des protéines ; les premières urines du matin si la recherche initialement
• une augmentation de la synthèse tubulaire protéique. positive avait été mesurée sur un échantillon de la journée [5].
Une protéinurie supérieure à 150 mg/j est anormale chez
■ Techniques de détection l’adulte [9], ou 0,15 g de protéinurie/g de créatininurie. Toute-
fois, en 2009, la Société de néphrologie a adopté les définitions
La détection d’une protéinurie se fait par des bandelettes suivantes pour définir la protéinurie clinique :
imprégnées de bleu de tétrabromophénol (Albustix ® ou • un ratio albuminurie/créatininurie supérieur à 300 mg/g ou
Multistix®). Elles sont colorées en jaune puis en vert puis en 30 mg/mmol ;
bleu en présence de concentrations croissantes de protéines • un ratio protéinurie/créatininurie supérieur à 500 mg/g ou
chargées négativement comme l’albumine. Le résultat est évalué 50 mg/mmol ;
soit de manière visuelle, soit de manière automatisée, exprimé • ou une protéinurie des 24 heures supérieure à 0,5 g.
de zéro à quatre croix. Chez l’enfant, une protéinurie est définie chez le nouveau-né
Cette méthode très spécifique permet de détecter des protéi- (moins de 30 jours), le nourrisson (jusqu’à 12 mois), le jeune
nuries à partir de 100 mg/l (traces) à 300 mg/l (une croix). Un enfant (de 2 à 10 ans) comme étant supérieure à 145 mg/m2/j,
résultat à deux croix correspond à une protéinurie inférieure à 110 mg/m2/j et 85 mg/m2/j respectivement [9]. Certains utilisent
1 g/l, trois croix à une protéinurie inférieure à 3 g/l et quatre néanmoins la même définition de la protéinurie chez l’enfant
croix supérieure à 3 g/l [2, 4]. Toutefois, cette méthode donne que celle chez l’adulte, soit une protéinurie supérieure à
une appréciation trompeuse de la protéinurie en raison de sa 150 mg/j [4].
seule approximation de la concentration de la protéinurie et Les patients ayant une recherche de la protéinurie positive à
non du débit de la protéinurie. Les faux positifs sont possibles, deux reprises espacées de 1 à 2 semaines sont considérés comme
retrouvés en cas d’urines alcalines (pH > 8), trop concentrées ou ayant une protéinurie permanente par opposition aux protéinu-
contaminées (infection urinaire, hématurie, menstruation) [5]. ries intermittentes.
Elle est peu sensible [5] puisqu’elle ne permet pas de détecter les
maladies rénales à un stade débutant lorsque la protéinurie est
inférieure au seuil de détection, ou lorsque la protéinurie est
diluée par un état d’hyperhydratation. De plus, les bandelettes
détectent de manière plus sensible l’albumine et peuvent ne pas
“ À retenir
détecter les autres protéines, notamment les Ig ou les protéines
de bas poids moléculaire. Elles ne détectent pas non plus les Microalbuminurie et albuminurie
chaînes légères d’Ig chargées positivement. • La microalbuminurie est quantifiée par un dosage
Les bandelettes détectant spécifiquement l’albumine [6] ont immunologique spécifique et est définie par une excrétion
un seuil de détection à 30-40 mg/l et sont donc utilisables pour urinaire d’albumine comprise entre 30 et 300 mg/j (ou 30
la détection de la microalbuminurie. à 300 mg/g de créatininurie) contrairement à
On utilise, pour le dépistage des adultes à risque élevé de l’albuminurie définie par un ratio albuminurie sur
maladie rénale chronique ou des enfants pubères ayant un
créatininurie supérieur à 300 mg/g ou un débit supérieur à
diabète évoluant depuis 5 ans ou plus, une bandelette de
détection spécifique de l’albumine sur un échantillon d’urine, 300 mg/j.
l’albuminurie étant en effet un marqueur plus sensible que la • Les patients diabétiques doivent être dépistés une fois
protéinurie totale de la maladie rénale chronique secondaire au par an, dès le diagnostic du diabète de type 2 ou après
diabète, à l’hypertension artérielle (HTA) ou aux maladies 5 ans d’évolution du diabète de type 1, par la mesure
glomérulaires. Au contraire, chez l’enfant non diabétique ou du rapport microalbuminurie sur créatininurie sur
ayant un diabète à l’âge prépubère ou ayant un diabète à l’âge échantillon [10]. En cas de positivité, le dosage doit être
pubère mais évoluant depuis moins de 5 ans, on privilégie une répété à deux reprises sur échantillon à 3 et 6 mois en
détection de la protéinurie totale par une bandelette urinaire dehors de toute infection urinaire afin de confirmer
standard, qui détecte également l’albumine [5]. la présence d’une microalbuminurie ou d’une
Une détection positive (une croix ou plus) doit être confirmée
albuminurie [11].
par une mesure quantitative de la protéinurie dans un délai de
3 mois [5].
clinostatisme (urines recueillies après 2 h de repos en décubitus rechercher une chaîne d’Ig monotypique. La recherche de
dorsal). Elle est en règle inférieure à 1 g/j et isolée (absence microalbuminurie est également une recherche spécifique et
d’antécédent néphrologique, d’HTA, d’insuffisance rénale et sensible utilisant un anticorps antialbumine (immunonéphélé-
d’anomalie du sédiment urinaire). La ponction-biopsie rénale métrie). De manière similaire, la mesure combinée des principa-
(non recommandée) est normale ou montre des altérations non les protéines informatives par leur quantité relative et leur poids
spécifiques [4] . Son mécanisme est controversé (anomalies moléculaire permet une analyse qualitative précise des protéi-
glomérulaires minimes, anomalies hémodynamiques par nuries : c’est le principe du profil protéique urinaire [15]. Même
obstruction de la veine rénale gauche entre l’aorte et l’artère s’il semble le plus fiable aujourd’hui, le profil protéique urinaire
mésentérique supérieure ou réponse exagérée du système reste coûteux et réservé à l’investigation de situations complexes
rénine-angiotensine) [13] . La mesure de la protéinurie chez en milieu spécialisé.
l’enfant doit donc idéalement être réalisée sur les premières
urines du matin [5].
Une protéinurie intermittente peut également être détectée au
■ Interprétation diagnostique
décours d’un effort prolongé, d’une fièvre élevée, d’une infec- d’une protéinurie permanente (Fig. 1)
tion urinaire, d’une polyglobulie ou d’une insuffisance ventri-
culaire droite [9]. Protéinuries prérénales ou protéinuries
de surcharge
Protéinurie idiopathique transitoire Elles résultent de la présence en excès dans le sérum d’une
Cette forme de protéinurie est très fréquemment retrouvée protéine de bas poids moléculaire qui est librement filtrée par les
chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte jeune [14]. Les patients glomérules. Les mécanismes de réabsorption tubulaire étant
sont asymptomatiques, la protéinurie étant découverte de saturés, cette protéine est détectée dans l’urine terminale. Il peut
manière fortuite à la médecine scolaire ou sportive, au cours du s’agir d’hémoglobine en cas d’hémolyse intravasculaire, de
service militaire ou lors d’une visite médicale d’embauche. Le myoglobine en cas de rhabdomyolyse, d’amylase lors d’une
sédiment urinaire est normal (absence de leucocyturie ou pancréatite aiguë, ou d’une chaîne légère monoclonale kappa ou
d’hématurie) et la protéinurie disparaît typiquement lors des lambda en cas de dysglobulinémie (myélome). Une lysozymurie
nouvelles mesures. Avant d’entamer une évaluation approfon- peut être détectée en cas de leucémie aiguë monocytaire ou
die, il est donc nécessaire de vérifier la persistance de la myélocytaire. Elles peuvent être de débit abondant (parfois
protéinurie. Il n’y a pas de risque à long terme, ce phénomène supérieur à 3 g/j ou 3 g/g de créatininurie) et donc constituer un
reflétant probablement une modification hémodynamique diagnostic différentiel des protéinuries glomérulaires. La distinc-
intrarénale [9]. tion est alors faite grâce à l’analyse qualitative qui révèle une
minorité d’albumine et une prédominance (en règle
> 90 %) de la protéine de faible poids moléculaire. D’un point de
■ Modes d’analyse vue pratique, c’est dans cette situation qu’il existe une dissocia-
tion entre le résultat des recherches de protéinurie à la bandelette
d’une protéinurie permanente urinaire et le dosage quantitatif. L’identification de la protéine
dite « de surcharge » peut être réalisée dans le sang ou dans
Analyse quantitative l’urine : myoglobinémie/myoglobinurie, hémoglobinémie/
hémoglobinurie ou encore chaînes kappa ou lambda d’Ig.
L’analyse quantitative d’une protéinurie est une première
Les protéinuries prérénales ne sont pas l’expression d’une
analyse pour approcher le type de la maladie rénale qu’elle
maladie rénale. Néanmoins, leur excès dans le tubule rénal peut
traduit. Lorsqu’elle est supérieure à 1,5 g/j ou 1,5 g/g de
être toxique pour celui-ci : les myoglobinuries ou les hémoglo-
créatininurie, le plus probable est qu’elle témoigne d’une
binuries des rhabdomyolyses ou des hémolyses, respectivement,
néphropathie glomérulaire. Cela doit être confirmé par l’analyse
peuvent être responsables d’une nécrose tubulaire aiguë ; les
qualitative en vérifiant qu’elle est composée d’une majorité
chaînes légères d’Ig au cours des myélomes peuvent être à
d’albumine (cf. infra). Toutefois, la réciproque est fausse : une
l’origine d’une tubulopathie aiguë myélomateuse (rein aigu
protéinurie inférieure à 1,5 g/j ou 1,5 g/g n’exclut pas une
myélomateux).
maladie glomérulaire et toutes les causes sont possibles :
néphropathie glomérulaire, néphropathie tubulaire et/ou Protéinuries hémodynamiques
interstitielle ou encore une protéinurie de surcharge. L’analyse
quantitative n’est donc qu’insuffisamment informative et doit Elles sont observées en cas de pérennisation d’une situation
toujours être complétée par une analyse qualitative. clinique à l’origine d’une protéinurie intermittente fonction-
nelle (cf. supra). Elles sont principalement composées d’albu-
mine, aussi peuvent-elles en imposer pour une néphropathie
Analyse qualitative glomérulaire. C’est donc la confrontation clinique qui permet le
C’est l’analyse de la composition de la protéinurie. L’électro- diagnostic. Là encore, même s’il n’existe pas de maladie rénale
phorèse des protéines urinaires, réalisée en acétate de cellulose à l’origine de ce type de protéinurie, on ne peut exclure que la
au sodium dodecyl sulfate polyacrylamide gel electrophoresis (SDS- prolongation d’une telle situation puisse être à l’origine
PAGE), permet une analyse qualitative de la protéinurie pour en d’authentiques lésions rénales.
préciser les mécanismes (filtration de protéines de bas poids
moléculaire en quantité anormale, augmentation de la perméa- Protéinuries glomérulaires
bilité glomérulaire, défaut de réabsorption tubulaire des protéi-
nes, augmentation de la synthèse tubulaire protéique) [9]. Microalbuminurie (cf. supra)
L’électrophorèse permet de différencier les protéinuries La microalbuminurie n’est pas la conséquence de lésions
tubulaires, glomérulaires (qui contiennent essentiellement de histologiques, même en microscopie électronique. Elle témoigne
l’albumine) sélectives ou non sélectives et les protéinuries de d’une augmentation de la perméabilité glomérulaire et corres-
surcharge (chaînes légères monoclonales des dysglobulinémies, pond à un stade précoce et encore réversible de la néphropathie
hémoglobine, myoglobine...). L’électrophorèse des protéines diabétique au cours du diabète de type 1. Dans d’autres situa-
urinaires est cependant techniquement imparfaite et produit tions, et particulièrement au cours du diabète de type 2, sa
parfois des résultats erronés, surtout lorsque la concentration présence est associée au risque cardiovasculaire.
des protéines étudiées est faible. Pour y palier, il existe des
dosages spécifiques des principales protéines pouvant entrer Protéinuries glomérulaires
dans la composition des protéinuries. Ces techniques utilisent Elles sont de débit variable, mais une protéinurie supérieure
des anticorps spécifiques. Par exemple, l’immunoélectrophorèse à 1,5 g/24 h suggère une origine glomérulaire. Elles sont
des protéines urinaires ou l’immunofixation permettent de composées essentiellement d’albumine (> 60 %).
Bandelette urinaire +
Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique d’une protéinurie. EPU : électrophorèse des protéines urinaires ; EPP : électrophorèse des protéines
plasmatiques.
Elles sont la conséquence de lésions de la barrière gloméru- à d’autres anomalies (une HTA, une hématurie, une insuffisance
laire : de l’endothélium et/ou de la membrane basale gloméru- rénale) et de caractériser le type de syndrome glomérulaire
laire et/ou des podocytes. Une protéinurie glomérulaire résulte auquel elle s’intègre :
d’une augmentation de la perméabilité glomérulaire et de la • syndrome néphrotique caractérisé par une protéinurie supé-
saturation des mécanismes de réabsorption tubulaire. Leur rieure à 3 g/24 h et une hypoalbuminémie inférieure à
composition dépend de l’importance des lésions glomérulaires : 30 g/l :
soit les lésions sont moindres et l’augmentation de perméabilité C pur (absence d’HTA, d’insuffisance rénale, d’hématurie),
concerne essentiellement l’albumine qui est alors très majori- C impur ;
taire (> 80 % d’albumine) et la protéinurie est dite « sélective », • syndrome néphritique, caractérisé par un début brutal, une
soit les lésions sont importantes et l’augmentation de perméa- HTA sévère, une protéinurie, une hématurie, une insuffisance
bilité concerne également des protéines plus grosses qui rénale aiguë modérée, rapidement résolutive ;
accompagnent alors l’albumine qui reste cependant majoritaire • syndrome de glomérulonéphrite rapidement progressive,
(protéinuries glomérulaires non sélectives). caractérisé par une insuffisance rénale aiguë rapidement
Protéinurie glomérulaire sélective évolutive, une hématurie, une protéinurie glomérulaire
d’abondance variable ;
Une protéinurie est dite « sélective » lorsqu’elle contient au • un tableau de glomérulonéphrite chronique avec une insuffi-
moins 80 % d’albumine (67 kDa). C’est une caractéristique, non sance rénale chronique, une protéinurie, voire une hématurie
spécifique, de la protéinurie du syndrome néphrotique secon- ou encore une HTA.
daire à des lésions glomérulaires minimes. La sélectivité peut L’intégration de cette analyse syndromique à d’éventuelles
également être établie sur la comparaison de la clairance des anomalies systémiques permet d’émettre des hypothèses dia-
IgG (150 kDa) et celle de la transferrine (76 kDa). Un rapport gnostiques à étayer ou infirmer par des examens complémen-
clairance IgG/clairance transferrine (soit [concentration urinaire taires ciblés : dosage sérique des protéines du complément,
IgG × concentration sanguine transferrine]/[concentration recherche d’autoanticorps, recherche d’une Ig monoclonale,
sanguine IgG × concentration urinaire transferrine]) inférieure à sérologies virales... et éventuellement une biopsie rénale.
0,10 traduit une protéinurie sélective [3, 16].
Protéinurie glomérulaire non sélective Protéinuries tubulaires
Une protéinurie glomérulaire est dite « non sélective » Les protéines plasmatiques de bas poids moléculaire sont
lorsqu’elle est composée de moins de 80 % d’albumine, associée physiologiquement filtrées par les glomérules et réabsorbées par
à toutes les classes d’Ig du sérum. Un ratio clairance les cellules tubulaires proximales. En cas d’atteinte tubulaire, on
IgG/clairance transferrine supérieur à 0,2 traduit également une peut identifier une protéinurie de l’ordre de 1 g/24 h, rarement
protéinurie non sélective [3, 16]. En pratique, toutes les néphro- supérieure à 2 g/24 h, secondaire à l’abolition de la réabsorption
pathies glomérulaires primitives ou secondaires peuvent donner proximale des protéines. Cette protéinurie tubulaire est consti-
ce type de protéinurie. tuée principalement de b2-microglobuline (12 kDa), de lyso-
Pour son interprétation diagnostique, il est nécessaire de zyme (15 kDa), de retinol binding-protein et de chaînes légères
déterminer si la protéinurie glomérulaire est isolée ou associée d’Ig (en faible quantité) ; l’albumine représente au maximum
50 % de la protéinurie (sa présence provient de sa minime corrélée au niveau de protéinurie [22] et à la présence de lésions
filtration glomérulaire physiologique et de l’absence de tubulo-interstitielles qu’aux lésions glomérulaires [16]. L’albumi-
réabsorption tubulaire). Les protéinuries tubulaires ne sont pas nurie est un marqueur d’évolution de la maladie rénale chroni-
ou mal détectées par la bandelette urinaire mais quantifiables que et un facteur de risque de morbidité et de mortalité
par les techniques biochimiques habituelles ; elles sont visibles cardiovasculaire en cas de diabète [11] mais également en
à l’électrophorèse des protéines urinaires avec les caractéristiques absence de diabète [1, 23, 24]. L’évaluation du rapport
évoquées ci-dessus. albuminurie/créatininurie est un meilleur marqueur de maladie
Les protéinuries tubulaires sont rarement isolées et fréquem- rénale chronique que l’évaluation de la fonction rénale chez le
ment accompagnées d’autres anomalies des fonctions tubulaires jeune adulte [1] . De même, ce rapport identifie mieux les
(par exemple, un syndrome de Fanconi), d’une protéinurie dite patients à risque d’insuffisance rénale chronique rapidement
« de surcharge » ou prérénale, d’anomalies consécutives à une évolutive [24].
atteinte interstitielle associée (leucocyturie, voire hématurie),
De plus, l’excrétion urinaire de protéines de haut poids
voire même d’anomalies glomérulaires dont une protéinurie. En
moléculaire (IgG et IgM), donc les protéinuries glomérulaires
effet, les protéinuries tubulaires témoignent d’une tubulopathie
non sélectives, est corrélée à la sévérité des lésions histologiques
qui peut être isolée, ou accompagner une néphrite interstitielle,
une néphropathie glomérulaire, ou encore une protéinurie de et permet de prédire une évolution naturelle et une réponse au
surcharge à l’origine de la tubulopathie. Donc, comme pour traitement plus médiocres [3, 16].
l’analyse des protéinuries glomérulaires, c’est l’association à Il est établi par ailleurs que les altérations tubulo-interstitielles
d’autres anomalies rénales et systémiques qui permet son participent à la dégradation du tissu rénal et à la sévérité
diagnostic étiologique. clinique des maladies rénales chroniques. De fait, il n’est pas
étonnant de constater que l’adjonction d’une protéinurie
tubulaire, symptomatique de telles altérations au cours d’une
Combinatoire glomérulopathie, est prédictive d’une évolution naturelle plus
Comme évoqué ci-dessus, une maladie glomérulaire peut être péjorative avec moindre réponse au traitement [3].
associée à des lésions ou une néphropathie interstitielle ou On pourrait donc considérer une classification des protéinu-
vasculaire. De même, une situation clinique occasionnant une ries glomérulaires selon leur sévérité croissante :
protéinurie de surcharge permanente peut être compliquée • microalbuminuries ;
d’une tubulopathie, voire même d’une glomérulopathie (par • albuminuries > 0,5 g/g de créatininurie avec une sévérité
exemple, une maladie à dépôts glomérulaires de chaînes légères proportionnelle à leur importance ;
d’Ig et une tubulopathie myélomateuse compliquant un myé- • protéinuries glomérulaires non sélectives avec une sévérité
lome à chaîne légère). Ces situations complexes sont traduites proportionnelle à leur débit ;
par des protéinuries complexes qui sont une association des • protéinuries mixtes, glomérulaires de débit élevé + protéinu-
situations simples présentées ci-dessus. Il est parfois difficile d’en ries tubulaires.
faire une analyse précise. Là, une mesure combinée des princi- Que ces protéinuries soient un marqueur et un acteur ou
pales protéines informatives par leur quantité relative et leur seulement un marqueur de la progression des maladies rénales,
poids moléculaire (profil protéique urinaire) peut être il est indiscutable que leur réduction est un objectif essentiel de
justifiée [15]. la néphroprotection puisqu’elle limite l’aggravation de l’insuffi-
sance rénale [25]. Un traitement bloqueur du système rénine-
angiotensine doit être proposé à un patient, diabétique ou non,
■ Interprétation pronostique . ayant une albuminurie même en absence d’HTA [1, 11]. L’objectif
doit être une réduction à moins de 0,5 g/g de créatininurie,
voire la disparition de la microalbuminurie chez les diabétiques.
Microalbuminurie Remarque : les protéinuries tubulaires isolées ont une valeur
La définition de la microalbuminurie chez le diabétique avait pronostique moins étudiée mais elles sont probablement moins
historiquement un intérêt clinique, puisque les patients avec péjoratives, comme en témoigne le bon pronostic usuel des
une macroalbuminurie avaient une baisse progressive de leur néphropathies interstitielles chroniques lorsque leur cause est
débit de filtration glomérulaire associée à une HTA, contraire- éradiquée.
ment aux patients ayant une microalbuminurie, considérés
comme ayant une fonction rénale stable mais à risque de
développer une macroalbuminurie et une insuffisance
rénale [17]. Ce concept a été remis en cause par de nouvelles ■ Conclusion
études qui ont montré une possible régression spontanée de la
La détection et l’analyse des protéinuries constituent donc un
microalbuminurie, une proportion moins importante de
outil simple et peu coûteux du dépistage précoce des maladies
patients évoluant de la microalbuminurie vers la macroalbumi-
nurie ou au contraire la présence de modifications structurales rénales, de leur évaluation étiologique, de leur évaluation
rénales importantes en cas de microalbuminurie évoquant le fait pronostique et enfin de leur thérapeutique. De plus, les protéi-
que la microalbuminurie est un marqueur plutôt qu’un facteur nuries constituent une cible prometteuse de la recherche
de risque de néphropathie diabétique [18, 19] . Toutefois, la clinique, avec comme objectif ultime le développement de
microalbuminurie est un facteur de risque indépendant d’insuf- nouvelles stratégies de prévention et du traitement de l’insuffi-
fisance rénale chronique et de la morbimortalité cardiovascu- sance rénale.
laire chez le diabétique [17, 20]. Également chez le non- .
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C. Bertoye.
É. Daugas (eric.daugas@bch.aphp.fr).
Inserm U699, Université Paris 7, Service de néphrologie, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris cedex 18, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertoye C., Daugas É. Protéinurie : du symptôme au diagnostic. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité
de Médecine Akos, 1-1420, 2011.
1-1450
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine
J Cosserat
L a vitesse de sédimentation est un paramètre qui ne s’interprète jamais de façon isolée, mais avec les données
de l’examen clinique, du dosage des protéines de l’inflammation et de l’électrophorèse des protides sanguins.
On définit ainsi plusieurs situations biologiques associées au contexte clinique : présence d’un syndrome
inflammatoire, hypergammaglobulinémie isolée, présence d’une gammapathie monoclonale. C’est en fonction de
cette classification que se dessine l’orientation diagnostique.
© Elsevier, Paris.
■
une interprétation. Le contexte clinique est l’électrophorèse des protides sanguins et, à un
Introduction fondamental, car en dépit du faible coût de sa moindre degré, l’hémogramme et la numération
mesure, la mauvaise sensibilité de ce paramètre en plaquettaire. La connaissance de la physiopatho-
Face à une élévation de la vitesse de fait un médiocre examen de dépistage. Les données logie de la sédimentation globulaire permet de
sédimentation (VS), le clinicien doit disposer de biologiques complémentaires nécessaires sont avant comprendre et d’interpréter les variations de la VS
plusieurs éléments indispensables pour en donner tout le dosage des protéines de l’inflammation et (fig 1).
Néphropathies
méthyldopa...)
1
1-1450 - Vitesse de sédimentation élevée
■
et, à un moindre degré, de l’interleukine 1. Ces raison des risques évolutifs majeurs de la maladie de
Vitesse de sédimentation protéines sont très nombreuses, mais celles qui sont Horton. La découverte d’une tumeur maligne au
utilisées en pratique courante sont les suivantes : cours d’un syndrome inflammatoire inexpliqué est
La sédimentation des hématies dépend de leur – l’orosomucoïde ; une éventualité rare, en l’absence de signes
capacité d’agrégation et de formation de rouleaux, – l’haptoglobine ; évocateurs (altération de l’état général, symptômes
dont la chute est plus rapide que celle des particules – le fibrinogène ; d’orientation en faveur d’une atteinte d’un organe).
isolées. L’agrégation est liée aux caractéristiques des – la CRP. Les pathologies dont l’expression infraclinique est
globules rouges, à la viscosité du plasma et aux L’ordre de grandeur de la multiplication de leur telle sont le plus souvent des hémopathies
forces de cisaillement, ainsi qu’aux forces taux est de deux à quatre pour les trois premières, et (lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens), les
électrostatiques des macromolécules qui neutralisent de plusieurs dizaines pour la dernière. Le pic survient dysmyélopoïèses et le cancer du rein. Il n’est pas
les charges négatives répulsives de surface du entre 24 et 48 heures pour celle-ci, alors qu’il est de 2 nécessaire d’entreprendre d’explorations
globule. La variation de chacun de ces paramètres à 5 jours pour les autres. Ceci explique l’importance exhaustives en l’absence de point d’appel clinique.
au cours des situations cliniques influence la VS. Son de la surveillance de la CRP au cours des pathologies Les deux tiers des syndromes inflammatoires
élévation est liée à l’augmentation des protéines de infectieuses, et celles des autres protéines citées au cliniques régressent en effet spontanément en 3 à 6
l’inflammation ou des immunoglobulines dans le cours des maladies subaiguës ou chroniques. Au mois.
plasma. Le fibrinogène influence fortement la VS en décours d’un épisode aigu, la CRP se normalise en Au cours des syndromes inflammatoires
raison du caractère asymétrique de sa molécule, au moins de 10 jours, alors que la VS peut ne revenir à persistants, il faut évaluer soigneusement certaines
contraire de la protéine C-réactive (CRP) qui n’a pas sa mesure normale qu’en 3 à 6 semaines. données de l’interrogatoire, en précisant bien sûr les
d’action sur l’agrégation globulaire aux Dans certaines circonstances, la concentration des antécédents familiaux et personnels, l’origine
concentrations physiologiques. La mesure de la VS protéines de l’inflammation peut être modifiée ethnique, le mode de vie, la présence d’animaux
se fait dans un tube millimétré, avec du sang indépendamment d’une agression. Il s’agit dans l’entourage immédiat ou professionnel, les
anticoagulé. De nombreux paramètres influencent le essentiellement du syndrome néphrotique, au cours voyages récents et en consignant soigneusement les
résultat (température de la pièce, diamètre du tube, duquel leur synthèse hépatique est stimulée en prises médicamenteuses. Les médicaments
qualité de l’anticoagulation, présence de vibrations, raison de l’hypoalbuminémie massive, et de susceptibles d’entraîner un syndrome inflammatoire
verticalité du tube...) et sont donc source de l’insuffisance hépatocellulaire qui diminue la sont essentiellement les suivants : antibiotiques,
variations potentielles. synthèse de l’ensemble des protéines. Il existe, par antifongiques, vaccins, cytotoxiques, antiépilep-
Sa valeur normale est donnée par la formule de ailleurs, une diminution du taux d’haptoglobine tiques, anti-arythmiques, méthyldopa, cordarone,
Miller : sérique au cours des hémolyses et une baisse du d-pénicillamine, inhibiteur de l’enzyme de
– VS = âge (en années)/2 chez l’homme ; fibrinogène au cours des traitements par les conversion de l’angiotensine, méthysergide,
– VS = (âge [en années] + 10)/2 chez la femme. corticoïdes. sulindac, paracétamol, allopurinol, bromocriptine, et
Seule la mesure à la première heure est à En fonction des pathologies concernées, certaines bêtabloquants [4].
considérer, la seconde n’ayant pas d’intérêt en protéines ont une valeur diagnostique particulière.
Le dosage de l’haptoglobine semble être un
■
pratique.
Les causes d’élévation physiologique de la VS paramètre plus sensible pour la surveillance
évolutive de la maladie de Horton. Au cours du lupus
Électrophorèse des protéines
sont le sexe féminin, l’âge et la grossesse (au cours
des deux derniers trimestres et 1 mois après érythémateux systémique, il est classique d’attribuer
l’accouchement). La température corporelle une élévation franche de la concentration de CRP à Il s’agit d’un examen simple et rapide dont
n’influence pas la VS, tout comme la prise d’aspirine la survenue d’une complication infectieuse, celle-ci l’intérêt essentiel est le dépistage des hypergamma-
ou d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Il est restant minime au cours des poussées de la malade. globulinémies polyclonales (avec parfois
préférable d’effectuer la mesure à jeun. Il faut enfin savoir que le taux plasmatique des hyperbêtaglobulinémie) ou monoclonales IgG, IgM
protéines de l’inflammation s’élève avec l’âge, et IgA. L’élévation du taux d’IgD ou E est souvent
comme la VS. insuffisante pour se traduire par un pic dans la zone
■
Protéines de l’inflammation des gammaglobulines, où migrent habituellement
les immunoglobulines. L’hypergammaglobulinémie
2
Vitesse de sédimentation élevée - 1-1450
polyclonale des immunoglobulines sont, en (notamment respiratoire et urinaire), dans 25 % des clinique est négatif, la découverte d’une élévation de
particulier, les infections virales aiguës cas d’une maladie tumorale, et dans les 25 % la VS n’est le témoin d’une affection préoccupante
(cytomégalovirus et virus d’Epstein-Barr), les restants d’une affection inflammatoire, en particulier que chez deux patients sur 1 000. En revanche, chez
infections parasitaires (paludisme, toxoplasmose, une maladie de Horton. des patients pour lesquels il existe une forte
trypanosomiase), les mycoses viscérales, les suspicion de pathologie inflammatoire (prévalence
hépatopathies aiguës et chroniques, les estimée entre 20 et 50 %), les paramètres du test
cryoglobulinémies mixtes, la sarcoïdose et le
syndrome de Gougerot-Sjögren. Au cours des
hépatopathies chroniques, l’augmentation des Ig
porte sur les IgA pour la cirrhose éthylique, les IgM
■
VS normale et pathologies
organiques
pour la cirrhose biliaire primitive et les IgG pour les nombre d’affections organiques fébriles ou non [2]. Il
hépatites chroniques actives. La glomérulonéphrite à
dépôts mésangiaux d’IgA ou maladie de Berger,
s’accompagne, près d’une fois sur deux, d’une
élévation des IgA sériques. Certains médicaments,
faut alors adopter une démarche diagnostique
rigoureuse avant d’évoquer les hypothèses plus
rares. Il peut s’agir d’un simple retard de l’élévation
des protéines de l’inflammation, de l’existence d’une
■
La VS est-elle un indice
de gravité ?
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Autres situations
■
VS très élevée
3
1-1450 - Vitesse de sédimentation élevée
Toute référence à cet article doit porter la mention : J Cosserat. Vitesse de sédimentation élevée.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 1-1450, 1998, 4 p
Références
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