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L1 UPEC droit 2022/2023

Droit constitutionnel (UE1)


Professeur : Monsieur Pierre De Montalivet

Partie 1 / le droit constitutionnel général.


Titre I. Les fondements du droit constitutionnel.
Chapitre 1 : la constitution.
Section 1 : la double notion de constitution.

On va aborder la distinction entre ce qui est formel et ce qui est matériel.


Ce qui est formel c’est ce qui fait référence à la forme, autrement dit, ce qui fait référence à la procédure.
Ce qui est matériel renvoie à la matière, donc au contenu (pas au contenant).
Quand on parle de “formel” et “matériel” ce sont deux façons de définir les choses, voir les choses : c’est
une distinction fondamentale. Il y a deux façons de voir et définir la constitution.
PARAGRAPHE 1 : l’existence d’une notion matérielle de constitution.

A/ les trois objets du droit constitutionnel.


Le droit constitutionnel a trois grands objets, il y a trois grandes matières sur lesquelles portent le droit
constitutionnel.

• 1/ les institutions : les institutions c’est le pouvoir politique, autrement dit, l’exécutif, le législatif et
le judiciaire.
• 2/ les normes : ce qu’on trouve dans les constitutions, ce sont des considérations relatives à ce
qu’on appelle la hiérarchie des normes, autrement dit, comment les règles de droit d’organisent
entre elles, comment la constitution, la loi, le décret s’articule, quelle est la norme la plus
importante, celle qu’on va respecter en premier, est-ce que la loi doit être conforme à la
constitution, ou bien est-ce que la loi a la même valeur.
• 3/ les libertés : ce qu’on va trouver dans une constitution, ce sont des règles sur nos différents
droits, libertés.

B/ les sources variées de la constitution matérielle.


Si on retient une définition matérielle, si on définit une constitution selon son objet, on va dire qu’une
constitution c’est l’ensemble des normes juridiques relatives à la dévolution et à l’exercice du pouvoir dans
l’état à la hiérarchie des normes, et aux droits et libertés. Tout ce qui concerne la hiérarchie des normes,
toutes les règles sur les libertés, toutes les règles sur l’attribution, l ’organisation du pouvoir fait partie de
la constitution.

Est-ce que toutes les règles qui concernent les libertés, qui concernent les normes, qui concernent le
pouvoir, toutes ces règles sont-elles condensés exclusivement dans un document qu’on appelle la
constitution ? La réponse est non, car la constitution aurait alors une taille gigantesque et ce serait illisible,
et donc on perdrait l’objectif de visibilité.
Donc, selon cette définition, on a trouvé des règles constitutionnelles dans différents actes juridiques. Ces
actes juridiques sont appelés “sources du droit” (= actes juridiques qui créent des règles de droit).
La constitution au sens matérielle du terme implique donc de voir du droit constitutionnel un peu partout.

Aujourd'hui, l’élection des députés est règlementée par un code électoral, dans la loi on peut trouver du
droit constitutionnel matérielle. Autre exemple, un décret du président de la République qui convoque les
électeurs pour un référendum, on appelle ça un règlement, mais cela concerne le pouvoir, donc cela fait
partie du droit constitutionnel.

PARAGRAPHE 2 : la préférence pour la notion formelle de constitution.

A/ Une notion procédurale de la Constitution.


Quand on utilise le critère formel, on définit la constitution par sa forme, sa procédure (particulière). Cette
procédure est plus contraignante que la procédure ordinaire. Autrement dit, adopter une constitution c’est
une opération qui est beaucoup plus difficile qu’adopter une loi ou d’adopter un simple décret.
La constitution au sens formel est l’ensemble des normes juridiques qui ne peuvent être élaborées ou
révisées que selon une procédure plus contraignante que la procédure législative.
Exemple : si Emmanuel Macron voulait réviser la constitution, cela serait trop compliqué car il faudrait
l’accord des deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat). Pour faire une loi classique, si les deux
assemblées ne sont pas d’accords, on peut donner l’avantage à l’Assemblée nationale.

B/ Une notion normative de la Constitution.


Il est plus difficile de réviser la constitution car il faut assurer une certaine stabilité (objectif) à cette
dernière, elle assure nos droits.
Dans ce cas-là de la constitution, puisqu’il est plus compliqué d’ajouter une règle constitutionnelle qu’une
règle législative, alors la règle constitutionnelle a une valeur supérieure à la règle législative car la
procédure de révision d’une constitution est plus exigeante qu'une procédure législative. L’auteur de la
constitution est un organe différent de celui qui adopte la loi.
Le pouvoir constituant est le pouvoir le plus important, les normes constitutionnelles se situent au
sommet de toutes les règles juridiques. La spécificité de la constitution c’est que c’est la norme suprême.
Toutes les normes constitutionnelles ont la même importance, on parle de valeur constitutionnelle.
Paragraphe 3 : l’articulation entre les notions matérielles et formelles de constitution.

A/ la dissociation possible entre les constitutions matérielles et formelles.


Parfois les deux notions se recoupent, elles peuvent être matériel selon son contenu et formel selon sa
procédure.

→ Dans le cas de l’adéquation entre les deux notions. Exemple : article 7 de la constitution : “Le
Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au
premier tour de scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant, à un second tour. Seuls peuvent s'y
présenter les deux candidats qui, le cas échéant après retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir
recueilli le plus grand nombre de suffrages au premier tour. Le scrutin est ouvert sur convocation du
Gouvernement […]”. L'article 7 nous dit justement à qui on va attribuer le pouvoir, on est dans une
règle constitutionnelle au sens matériel. Au niveau de la définition formelle, l’article 7 fait partie de
constitution qui a été adoptée selon une procédure qui a fait intervenir le peuple français au
référendum.
→ Deuxième cas de figure : le cas de norme constitutionnel au sens matériel mais pas au sens formel.
Exemple du traité sur l’UE : un des grands traités européens. Il va nous dire quelle est l’organisation
de l’UE, on va nous parler de la commission européenne, du conseil européen, du parlement
européen, on nous parle d’institutions. On va établir des organes politiques et des fonctions qui
leur sont attribuées. C’est constitutionnel au sens matériel car c’est relatif à l’organisation, mais pas
au sens formel car il n'y a pas de procédure constitutionnelle qui fait intervenir le pouvoir
constituant, c’est une procédure de type diplomatique pour adopter des conventions
internationales.
→ Troisième cas de figure : cas de normes constitutionnelles au sens formel, mais pas matériel.
Exemple de la constitution américaine : la constitution américaine en 1819 va interdire la vente
d’alcool aux États-Unis. Cela a engendré des trafics, marchés noirs. En 1933, on est revenus sur
cette interdiction à travers le 21ème amendement qui a abrogé le 18ème. Ce 18ème amendement
est constitutionnel au sens formel car on a adopté une procédure constitutionnelle pour instaurer
cette règle, mais ce n’est pas matériel car ça n’évoque pas de pouvoir de l’état ou de la hiérarchie
des normes, on ne garantit aucune loi.
→ Quatrième cas de figure : la Suisse. En 1893, on a introduit un article dans la constitution Suisse qui
était relatif à la façon d’abattre le bétail. On voit bien qu’il y a des dispositions qui ont une valeur
constitutionnelle, mais qui n’ont pas pour autant un contenu constitutionnel.

B/ Les exemples de constitution au sens matériel.


➢ L'exemple britannique : il n'y a pas au Royaume-Uni un texte nommé “constitution”, et qui
contiendrait l’ensemble des règles sur le pouvoir au Royaume-Uni. Ce droit constitutionnel
britannique est fait de règles écrites et non écrites. Ces règles écrites sont dispersées, par exemple
on a des traités (l’acte d’union avec l’Ecosse de 1707). On a aussi des pactes, c’est-à-dire des actes
conclus entre le roi et d’autres personnes (le plus connu = la grande charte de 1215 : La Grande
Charte de 1215 (magna carta en latin), est le texte fondamental du régime politique de
l'Angleterre. Elle crée une représentation de la population anglaise afin de contrôler les impôts
royaux et de garantir les libertés. La Grande Charte a été imposée au roi Jean sans Terre (1215)
par une révolte des grands seigneurs (les barons) anglais. Ceux-ci ont profité du très grand
mécontentement qui régnait alors en Angleterre à la suite de la politique menée par le roi, et de
ses défaites dans sa lutte contre le roi de France Philippe Auguste. La Grande Charte garantit les
droits féodaux, ceux de l'Église catholique en Angleterre et ceux des villes contre les attaques
incessantes du gouvernement royal (qui recherche de nouveaux revenus, le roi ayant perdu ceux
de ses possessions françaises). Le gouvernement doit avoir l'accord d'un grand Conseil (le
parlement) représentant la population pour établir de nouveaux impôts. Ce Grand Conseil était
formé par la haute noblesse, les ecclésiastiques de rang élevé et les représentants élus par les
plus riches des citadins et des ruraux).
➢ On a aussi des lois adoptées par le parlement (au Royaume-Uni toujours) : petiton of rights (1628) :
Pétition de droit, 1628, une déclaration des libertés civiles envoyée par le Parlement anglais à
Charles I. Le refus du Parlement de financer la politique étrangère impopulaire du roi avait poussé
son gouvernement à exiger des emprunts forcés et à cantonner les troupes dans les maisons des
sujets par mesure d'économie.
➢ Tous ces actes forment le droit constitutionnel britannique, mais surtout, ce droit constitutionnel
britannique est fait de règles non écrites qui sont la coutume (réunion d’un élément matériel et
psychologique). On a des acteurs politiques qui vont adopter la même attitudes (élément matériel =
usage, répétition), et à cela va s’ajouter un élément psychologique, l’opinio juris = l’idée qu’il
existe une règle de droit. Ce qui est intéressant dans ce droit constitutionnel britannique, ce qui
fait sa particularité, c’est qu’un grand nombre de comportements sont régis/ encadrés par des
coutumes constitutionnelles.
➢ Le plus grand principe du droit constitutionnel britannique = la souveraineté parlementaire, le
principe selon lequel le souverain = le parlement et non le peuple. À tel point que lors de la
question du “brexit”, en 2016 il y a eu ce référendum sur le brexit et que les citoyens du pays ont
voté pour le fait de quitter l’UE. Toutefois, une question s’est posée pour savoir qui, entre le peuple
et le parlement devait choisir. En France, comme nous le savons c’est le peuple, mais au Royaume-
Uni, c’est différent. Un contentieux a été fait pour rappeler le principe de la souveraineté
parlementaire, qui dit que le brexit doit être adopté et confirmé par le parlement. Contrairement à
la coutume, on ne peut pas les invoquer devant la justice et les tribunaux. Au Royaume-Uni, si on
parle de constitution ce n’est pas au sens formel (pas de règles aux valeurs constitutionnelles), on
utilise une définition matérielle du droit constitutionnel. Le droit britannique, c’est l’ensemble des
règles, qui sont relatives au pouvoir, aux normes, aux libertés, et qui proviennent de supports
différents (traités, pactes, lois, coutumes).
Autres exemples de pays :

→ La question d’un droit constitutionnel matériel se pose aussi pour d’autres états, on peut évoquer
l’Israël. Pour certain, l’état d’Israël n’a pas de constitution au sens formel. En revanche, il y a des
lois fondamentales, CAD que régulièrement, on adopte des lois dites fondamentales qui portent sur
le pouvoir, les institutions, la hiérarchie des normes... donc, il n'y a pas une constitution au sens
d’un texte global.
→ La Nouvelle Zélande (autre exemple). Ce pays a adopté en 1986 une loi constitutionnelle mais c’est
un texte qui est insuffisant. Pour certains le droit constitutionnel néo-zélandais est fait de différents
textes (lois, traités, décrets, normes non écrites).
→ L'Arabie Saoudite : il y a une loi fondamentale en 1992, mais certains ajoutent d’autres normes
(religieuses) et différentes lois. Il y a de ce fait, des pays qui ont une loi constitutionnelle mais fait
de différents textes, différents éléments.

C/ Le cas français : un exemple de constitution au sens formel.


Pourquoi retenir la notion formelle pour notre pays ? Parce que c’est la plus pertinente juridiquement. (On
part de l’exemple du conseil constitutionnel).
Le conseil constitutionnel c’est une institution qui a reçu la mission de contrôler la conformité des lois à la
constitution. C'est l'article 61 de notre constitution (“Les lois organiques, avant leur promulgation, les
propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des
assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel, qui se
prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil
constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de
l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs. Dans les cas prévus aux deux
alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du
Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil
constitutionnel suspend le délai de promulgation”) qui lui donne cette mission. Donc son travail c’est de
contrôler que les lois sont bien conformes à la constitution. On doit donc se demander dans quel sens on
doit interpréter ce mot de “constitution”. Supposons qu’on interprète ce terme au terme matériel : ça
voudrait dire que le conseil va regarder si les lois sont conformes à toutes les règles qui portent sur le
pouvoir politique, sur la hiérarchie des normes, ou encore sur les droits et les libertés. Ça voudrait dire que
le conseil examinerait la conformité des lois à des traités européens, à d’autres lois, ou encore, à des
décrets. C'est bien évidemment impossible. Pratiquement, le conseil n’a pas les moyens de faire ce
contrôle, de plus juridiquement, cela n’a aucun sens (on ne demande pas au conseil de vérifier la
conformité de certaines lois à d’autres).
Donc la seule définition pertinente c’est la notion formelle, autrement dit, le mot de constitution ne peut
renvoyer qu’aux normes qui ont une valeur constitutionnelle. Les traités ont une valeur conventionnelle,
les lois ont une valeur législative, les règlements ont une valeur règlementaire, et la constitution a une
valeur constitutionnelle.
Quand on parle de la constitution, on ne doit avoir à l’esprit que les règles qui ont cette valeur suprême. En
revanche, on ne va pas se limiter à l’étude de ces seules normes constitutionnelles, pour avoir une vision
complète (large) de la constitution, on ne doit pas étudier que cela.
Qu'est-ce qu’il y a dans notre constitution au sens formel du terme ?
▪ On a tout d’abord les articles numérotés de notre constitution (1 à 89). Le fait est que cette
constitution a un préambule, avant même l’article premier il y a une phrase qui fait référence à
d'autres textes, notamment à la DDHC. Le conseil constitutionnel a considéré que ces autres textes,
comme la DDHC, avaient aussi une valeur constitutionnelle. Aux articles numérotés de la
constitution, on va ajouter cette DDHC de 1789, le préambule de la constitution de 1946 (qui
garantit les droits et les libertés), on ajoute aussi la charte de l’environnement (2004) et divers
principes notamment (les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république).
▪ Quand on parle de la constitution, on fait référence, en France, à toutes ces règles à valeur
constitutionnelle.
Y-a-t-il une coutume constitutionnelle en France ?

→ Dans le passé, on a pu sous la 3ème république, discerner l’existence de coutumes


constitutionnelles, mais parce que sous la 3ème république on pouvait adopter une définition
matérielle de la constitution. Dans le passé oui, on avait une coutume constitutionnelle de règles
non écrites qui dirigeaient l’action des gouvernants, mais aujourd’hui, en 2022, on ne peut pas
parler en France de coutume constitutionnelle car encore une fois, les normes constitutionnelles ne
peuvent être révisées ou adopter que selon une certaine procédure (la procédure
constitutionnelle).
→ Selon un professeur, même sous la 5ème république, il y’avait des règles non écrites mais elles sont
politiques et non juridiques.
La jurisprudence, c’est du droit constitutionnel ?

→ La jurisprudence = ensemble des décisions rendues par les tribunaux. Le conseil interprète les
textes, mais ne crée pas les textes.

Section 2 : la confection de la constitution.


PARAGRAPHE 1 : l’élaboration de la constitution.

A/ La constitution, manifestation du pouvoir constituant.


Qu'est-ce que le pouvoir constituant ?

Il y’a une première distinction à faire entre pouvoir constituant et pouvoirs constitués.
Le pouvoir constituant = pouvoir de poser la constitution d’un état. C’est celui qui fait, institue la
constitution. (Créateur)
Les pouvoirs constitués = pouvoir posés, institués par la constitution d’un état. (Créature)
Cette distinction nous vient des USA, notamment de Jefferson. Mais, aussi de l’abbé Sieyès (figure de la
Révolution française). Sieyès justement distinct le pouvoir constituant du pouvoir constitué.
Il dit qu’il y’a une forme de hiérarchie, les créatures ne peuvent pas changer la création, le pouvoir
constitué ne peut pas changer la pouvoir constituant.
Ceci étant, cette distinction a ses limites car ce n’est pas toujours le peuple qui révise la constitution.
Parfois, la constitution peut être révisée par les parlementaires, donc cette distinction est à relativiser.
Une seconde distinction à faire entre le pouvoir constituant originel et le pouvoir constituant dérivé.
Cette distinction entre pouvoir constituant originel et pouvoir constituant dérivé a été proposé par un
auteur français : Roger Bonnard en 1942.

Le pouvoir constituant originel serait le pouvoir de poser la première constitution. Alors que le pouvoir
constituant dérivé, c’est le pouvoir de réviser, modifier cette constitution.
C'est une distinction théorique, qui pose beaucoup de difficultés car certains disent que globalement c’est
la même chose, et d’autres disent que le pouvoir constituant originel et dérivé n’est pas la même chose.
Notre constitution de 1958 est la constitution de la 5ème République, et que donc, elle est différente de
celle de la 4ème République, en réalité notre constitution d’aujourd’hui a été conçue comme une révision
de la constitution de la 4ème République. Quand le Général de Gaulle est venu au pouvoir en 1958, on a
voté une loi pour dire que la constitution serait révisée.

B/ les modes d’élaboration des constitutions : la participation variable et


limitée du peuple.
Comment on fait une constitution ?

1/ Les modes autoritaires d’élaboration des constitutions.


Deux cas de figure :

→ La rédaction d’une constitution


→ L'adoption d’une constitution

La rédaction, (le rédacteur) c’est celui qui tient la plume, l’adoption, (celui qui adopte) = celui qui prend la
décision.

Le cas de la rédaction : souvent on se rend compte que dans notre histoire constitutionnelle française, la
rédaction n’a pas toujours été très démocratique, même en 1958 notre constitution n’a pas été rédigée
par le peuple. Il y’a eu différents groupes de travail (ministres) qui ont produit un texte, un groupe d’expert
juridiques, puis ça a été soumis à des parlementaires.

Le cas de l’adoption : des constitutions ont été adoptées par des modes, des voies autoritaires. En 1814, la
constitution s’appelait la charte qui a été octroyée par le roi qui était Louis 18. On parle de la charte
octroyée, c’est-à-dire que c’est le roi qui accorde une constitution à ses sujets. C’est un acte unilatéral, qui
vient d’un individu, donc ce n’est pas très démocratique.

2/ les modes démocratiques d'élaboration des constitutions.


On peut ici distinguer différents degrés de démocratisation de l’élaboration des constitutions. Considérons
d’abord l’initiative. Il arrive que dans certains cas, le peuple, directement ou indirectement intervienne
dans l’initiative d’une nouvelle constitution. En 1945, on a consulté par référendum le peuple français en
lui demandant si l’Assemblée qu’on lui proposait d’élire devait être constituante. Si oui, elle devenait
constituante, si non, on reprenait celle de la 3ème République. On a donc ici demandé au peuple, s’il
voulait changer de constitution et le peuple français a répondu oui, donc d’une certaine façon c’est le
peuple français qui a changé la constitution.
Autre cas, le cas Suisse. En Suisse, on a des référendums d’initiative populaire = CAD qu’une fraction du
peuple Suisse prend l’initiative de convoquer un référendum sur les questions constitutionnelles.
Considérons ensuite la seconde phase, celle de la rédaction : il est difficile d’imaginer des millions de
citoyens autour d’un ordinateur où chacun proposait des modifications. Donc forcément, la phase de
rédaction est moins démocratique que d’autres. Mais, on peut passer par le représentant du peuple.
Exemple de 1946 : en 1946 l’Assemblée va élaborer une nouvelle constitution, CAD qu’on élit une
assemblée pour rédiger une constitution.
La dernière phase : adoption de la constitution. C'est la phase la plus démocratique car on va soumettre le
texte à l’approbation du peuple. CAD qu’on va convoquer un référendum pour que les citoyens disent si
oui ou non ils veulent de la nouvelle constitution.
En 1958, d’autres constitutions ont été adoptées par référendum. On peut adopter une autre façon de
procéder avec une assemblée qui rédige et adopte une constitution (exemple de la Tunisie).
PARAGRAPHE 2 : la révision de l’opération de modification des dispositions des textes de la constitution.

→ Cette modification est-elle libre ?


→ Comment exerce-t-on le pouvoir constituant dérivé ?

A/ la liberté du pouvoir constituant dérivé.


(PCD = pouvoir constituant dérivé).
Le pouvoir constituant dérivé permet de modifier, réviser la constitution.

1/ les limites constitutionnelles à la révision.


Peut-on modifier la constitution pour faire en sorte qu'un état d'urgence devienne un état de droit
commun ?

Les constitutions, textes constitutionnels fixent des limites à la révision, des limites peuvent être
temporelles (la constitution interdit de réviser la constitution durant quelques périodes, par exemple, en
France l'article 89 de la constitution nous dit : “Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou
poursuivie lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire.”).

Souvent, c'est l'expérience qui apprend qu'il faut se méfier de certaines choses, en 1940, on avait déjà
modifié une constitution alors que le territoire français était envahi (défaire militaire) et dans ce contexte
de fragilité, l'opinion publique a été saisie et on a confié le pouvoir constitutionnel au maréchal Pétain, il
serait donc mieux d’éviter les révisions de la constitution dans de telles circonstances.

Autre exemple, l’article 7 de la constitution Française interdit de réviser la constitution durant la vacance
du président de la République, en raison des circonstances, le poste est vacant (période de fragilité).
D'autre part, la France a souvent été le théâtre de coup d’état (nous pouvons citer celui de Napoléon
Bonaparte) : on veut donc éviter de passer de la démocratie à la dictature.

Limite matérielle : en Allemagne, la Loi fondamentale (Grundgesetz), adoptée le 23 mai 1949, est la
Constitution de l'Allemagne fédérale. Elle contient une déclaration des droits fondamentaux. En principe,
la Loi fondamentale donne aux Länder une compétence de principe, limitant les pouvoirs de l'État à une
liste déterminée de compétences. La loi fondamentale interdit les révisions constitutions constitutionnelles
qui porteraient sur les droits fondamentaux, on les rend intangible.

Toutefois, ces limites sont-elles respectées ?


Si le juge constitutionnel ne contrôle pas les révisions constitutionnelles, alors ces constitutions peuvent
(si) le pouvoir politique est favorable, méconnaître des limites, ce pourquoi, on a dans quelques pays des
juges constitutionnels qui font échec à une révision de la constitution.
Tout cela soulève une question : le pouvoir constituant est-il souverain ?

2/ la souveraineté du pouvoir constitution dérivé.

Le débat ici n'est pas tranché, c'est un sujet théorique.


Il y'a deux grandes conceptions qui s'opposent :
• On estime que le pouvoir constituant dérivé ne serait pas un pouvoir constituant, ce serait en vérité
un pourvoir constitué. En effet, c'est la constitution qui prévoit la façon dont on va la réviser, et
donc cela nous indique par quelle procédure on va modifier cette constitution. Le pouvoir
constituant dérivé est donc posé par la constitution, c'est donc un pouvoir constitué. Il n'a pas la
même valeur que le pouvoir constituant originelle. Le pouvoir constituant dérivé n'est dans ce cas
pas souverain, c'est un pouvoir limité.
• La doctrine française, est partagée dans cette seconde conception : en effet, le pouvoir constituant
dérivé n'est pas un pouvoir constitué mais un pouvoir constituant car il peut modifier la
constitution et adopter des lois constitutionnelles, il est de même nature que le pouvoir constituant
originel, cela veut dire que d'une façon ou d'une autre, le pouvoir constituant dérivé est libre et il
peut modifier comme il le souhaite la constitution.

Ça veut dire pour autant qu'il peut facilement ne pas tenir compte des limites ?
Théorie de Vedel : Vedel avait élaboré la théorie de la double révision, cela consiste à réviser en deux
étapes la constitution.

• 1/ Le pouvoir constituant dérivé respecte les conditions fixées pour réviser la constitution mais il va
réviser les dispositions sur la révision. Exemple, avec l’article 89 de la constitution : on peut
imaginer une loi qui vient réviser ce même article 89.
• 2/ Par une seconde loi : le pouvoir constituant dérivé modifie l'article comme il l'entend. On a déjà
eu des révisions de notre constitution qui portaient sur des révisions. On a déjà eu aussi des
révisions qui portaient sur des droits fondamentaux (droit d'asile ; suffrage universel).
Juridiquement, le pouvoir constituant est libre.

Toutefois, le juge français ne contrôle pas les révisions du pouvoir constituant dérivé, il ne veut pas se
placer comme étant un organe supérieur.

B/ les modalités d'exercice du pouvoir constituant dérivé.


Distinction entre constitution souple et rigide :
→ Constitution souple = constitution que l'on peut modifier selon la procédure législative, c'est-à-dire
qu'on n'a pas besoin d'une loi constitutionnelle pour réviser la constitution, une simple loi votée
par le parlement suffit pour modifier la constitution. Ces constitutions souples sont des textes qui
n'ont pas une valeur supérieure aux lois dans l'ordre juridique, il ne s'agit pas de la norme suprême.
Exemple du Royaume-Uni : on a la coutume et les textes (dont certaines lois votées par le
parlement) ; le parlement britannique peut adopter des textes constitutionnels selon une
procédure législative ordinaire ; autre exemple : la constitution de la 3e république (on parle de lois
constitutionnelles de 1804)
→ Constitution rigide = constitution au sens formel du terme. Il est plus difficile de modifier la
constitution qu'une loi. Exemple typique : l'exemple de la constitution de 1958 avec l'article 89. Le
Sénat a un pouvoir de véto : le principe est de soumettre cette loi au référendum (ou passer par la
voie du congrès = réunion des deux assemblées à Versailles).

Pourquoi prévoir des constituions rigides ?


• Pour stabiliser les règles, faire en sorte que les règles soient pérennes.
Quel est le degré de rigidité nécessaire ?
Si on prévoit une constitution très rigide, on peut faire face à des difficultés en termes de temps.
Constitution trop rigide = on va l'abroger pour en adopter une autre.
Si on prévoit une constitution rigide mais avec des conditions plus souples, cela va faire que notre
constitution va finir par ressembler à la loi ; la constitution ne sera plus cette norme majestueuse, elle
deviendra une norme banale, il faut donc trouver un juste équilibre.

Section 3 : l'autorité particulière de la constitution.

Paragraphe 1 : la hiérarchie des normes.


A/ la notion de hiérarchie.
Kelsen est un auteur autrichien et l’un des juristes le plus connu du 20e siècle. La théorie pure du droit est
l’ouvrage le plus connu de Hans Kelsen.
Kelsen parle de théorie pure du droit car il veut étudier cela indépendamment de la sociologie, la
philosophie etc. En effet, ce qui l'intéresse, c'est la norme (il a d'ailleurs formé le normativisme =
positivisme, il ne considère que le droit positif).
Ces normes posées par les autorités dessinent un ordre juridique (cet ordre juridique est hiérarchisé,
composé d'élément qui se structurent les uns par rapport aux autres selon une hiérarchie). Selon Kelsen,
toute norme juridique reçoit sa validité car elle est conforme à une norme supérieure.

Pour Kelsen "une norme est dite supérieure à une autre si elle détermine le mode de production de cette
norme". Exemple: celui de la constitution. La constitution nous dit comment adopter les lois, autrement
dit la constitution nous dit comment on produit des lois.
Et donc, la constitution détermine le mode de production de la loi. Donc, la norme constitutionnelle est
supérieure à la norme législative (la norme suprême c'est donc la constitution).

Kelsen utilise l'image de la pyramide pour nous démontrer que l'ordre juridique est hiérarchisé.
Comment justifier la validité de la constitution ?
→ C'est là qu’intervient la limite du système de Kelsen.
Kelsen imagine une norme fondamentale : selon celle-ci on doit se conduire de la façon que la constitution
prescrit ou encore il faut observer les règles contenues dans la première constitution. Au-dessus de la
constitution, il existerait une norme qui dirait qu'il faut obéir à la constitution.

Pour d'autres auteurs, la hiérarchie des normes dépend de la hiérarchie des organes, c’est-à-dire qu’il
y'aurait dans les états un organe supérieur qui pourrait abroger l'acte d’un autre organe. Par exemple, la
loi peut faire échec à un règlement, car la loi > règlement. Le législateur (parlement) > autorité
réglementaire.
La valeur d'une norme va donc dépendre du rang de l'organe qui l'adopte. On raisonne donc en termes
d’organe.

D'autres auteurs vont mettre l'accent sur la procédure : en effet, ils disent qu'entre des normes édictées
par le même organe, il peut exister une hiérarchie selon l'utilisation. Tous les auteurs s'accordent sur le
principe de hiérarchie.

B/ les éléments de la hiérarchie des normes.


1/ la suprématie consacrée de la constitution dans l’ordre interne.
L'ordre interne = celui de l'État français.
On a vu que la constitution est supérieure à la loi. Qu'en est-il concernant les traités ?

Dans notre constitution, on a des articles qui nous disent qui est-ce-qui ratifie les traités, comment les
traités peuvent s'articuler avec la loi... la constitution française détermine le mode d'insertion, de
production des traités dans l'ordre juridique.
L'article 54 de la constitution (“Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier
ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un
engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver
l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution”) dit que le conseil
constitutionnel peut être amené à vérifier la constitutionnalité des traités.
Le conseil constitutionnel, la Cour de cassation : tous sont d'accord pour affirmer expressément la
suprématie de la norme constitutionnelle sur les traités.

2/ la suprématie contestée de la constitution dans l'ordre international.

La norme suprême au niveau international sont les traités ; tous les états sont placés sur un pied d'égalité.
Ce sont ces traités qui vont instituer l'ONU par exemple, l'OCDE ou encore l'UE (qui a son propre ordre
juridique, ordre juridique européen).
À chaque fois, les institutions internationales sont fondées sur des traités. Pour ces institutions, ces traités
font office de constitution.
La norme suprême pour les juges internationaux ce sont les traités fondateurs. La cour de justice de l’UE, a
posé un principe de primauté du droit de l'union européenne sur le droit des états membres.
Arrêt Costa contre ENEL de 1964 : la cour de justice nous dit que le droit de l'Union Européenne prime le
droit des états membres, par la suite on a précisé que c'est tout le droit de l'Union Européenne qui prime
tout le droit des états membres.

Comment sortir de ce conflit ?


Genevois Bruno en 1978 dit qu’entre les juges internationaux, il faudrait y avoir un dialogue des juges.
Grâce à ça, on interprète des textes constitutionnels à la lumière des textes européens et internationaux
(interprétation conforme).
Les juridictions internationales / européennes vont essayer d'être conciliantes en optant des
interprétations qui préservent les textes constitutionnels.
Toutefois, pour certains auteurs, il n’y a pas une seule hiérarchie, mais en effet plusieurs hiérarchies. On
essaye donc de trouver des aménagements entre ces deux visions différentes.

Paragraphe 2 le contrôle de constitutionnalité.

Est-il légitime d'avoir un juge constitutionnel ?


Comment on organise ce juge constitutionnel ?

A/ la légitimité de la justice constitutionnelle (existence d'un juge chargé de


contrôler la constitutionnalité des lois).

1/Le débat.

Le débat ici est fourni depuis deux siècles.


On a des auteurs qui se posent la question : est-il démocratique qu'une poignée de juge aient le pourvoir
de remettre en cause la loi votée par les représentants du peuple ?
→ On peut dire que cette accusation relève d'une certaine conception de la démocratie (démocratie
représentative = démocratie qui fonctionne que par les représentants du peuple). De plus, on peut
voir les choses d'une autre façon : la loi est certes l'expression de la volonté générale, c'est l'œuvre
des représentants élus des peuples, mais dans bien des cas, la constitution est l'œuvre directe du
peuple. Ainsi, faire en sorte que la loi respecte la démocratie n'est pas anti constitutionnel !
La démocratie = démocratie libérale du pluralisme (loi de la majorité en respectant la minorité)
La démocratie suppose le respect du pluralisme et le juge est souvent chargé de contrôler cela.

La légitime du juge constitutionnel est plurielle car le juge tire sa légitimité de la constitution. Le juge
constitutionnel c’est un pouvoir constitué (comme le parlement, le président de la République).
 Ensuite, on peut dire que la légitimé du juge constitutionnel est fonctionnelle : il tire sa légitimité (le
bien-fondé d’une autorité qui apparaît comme juste) de ses fonctions, de ses missions (protection
des droits fondamentaux, le respect des dispositions constitutionnelles relatives à la séparation des
pouvoirs, le contrôle de la bonne répartition des compétences entre l’état fédéral et les états
fédérés, le contrôle de la juste expression du suffrage).

 La légitimité du juge est procédurale : aujourd’hui il y’a plusieurs sources de légitimité, et certains
disent qu’un organe est légitime s’il rend des décisions après avoir utilisé une procédure qui
garantit son impartialité. La procédure utilisée par le juge constitutionnel garantit son impartialité ?
La réponse est positive, même si on peut nuancer selon les cas de figure, mais aujourd’hui le conseil
constitutionnel s’il rend une décision, il entend le gouvernement, il entend les parlementaires, les
partis en présence : il fait donc en sorte de donner la parole à chacun. Comme un autre juge, le juge
apparaît comme un tiers impartial. Ses décisions sont bonnes car il est impartial, il n’a pas de
préjugés.

Le gouvernement des juges, ça peut être deux choses :


• C'est la création du droit par le juge, le juge constitutionnel créer-t-il des lois ? Dans certains pays,
oui (le juge du conseil d’état créer les principes généraux du droit, mais le conseil constitutionnel ne
créer pas les principes généraux du droit, il ne fait qu’interpréter la constitution).
• L'existence d’une jurisprudence politique = le juge impose ses propres convictions philosophiques,
politiques, religieuses aux législateurs. C'est quand le juge ne fait pas du droit, il fait de la politique.
Aux États-Unis, comme au Brésil, on a parfois des juges qui font de la politique : en effet, on peut
prendre le cas de l’avortement aux États-Unis. En 1973, alors que les juristes ne s’y attendent pas,
la cour suprême consacre le droit à l’avortement. Puis en 2022, revirement de jurisprudence : la
cour suprême dit l’inverse. La cour suprême ici a un pouvoir normatif énorme, qui fait et défait les
lois fédérées, tranches des débats sociétaux. La situation dépend de l’attitude des juges de chaque
pays, mais en France, le juge fait attention à ne pas faire cela.

2/Les réponses apportées par le droit.


Juridiquement, le droit a institué le contrôle de constitutionnalité des lois.
A. La naissance du contrôle de constitutionnalité aux États-Unis.

Le contexte : on a d’abord une situation intellectuelle particulière. On a des courants de pensées qui
prônent l’idée d’un droit naturel supérieur au droit positif, l’idée qu’au-dessus des lois puissent exister des
normes supérieures.
Contexte pratique lié au colonialisme : le fait que les États-Unis soient issus des colonies anglaises et que
ces colonies anglaises ont fini par acquérir leur propre indépendance. Mais les Américains sont très
fortement marqués par le droit anglais. On trouve plusieurs éléments intéressants dans le droit anglais,
notamment le fait que la loi adoptée par le parlement peut être néfaste : les Américains de l’époque
trouvent que les règles fiscales adoptées la puissance coloniale britannique sont trop contraignantes. On a
déjà à l’esprit que la loi peut être une œuvre mauvaise. Nous, en France on a l’idée inverse, on est marqués
par Rousseau : la loi c’est la volonté de l’expression générale et la volonté générale est infaillible Donc le
législateur est infaillible.
Aux États-Unis on a vite compris que le législateur pouvait opprimer les libertés.
Autre élément de contexte qui tient de la constitution américaine elle-même. La constitution américaine a
été adoptée en 1787, et cette constitution est silencieuse sur le contrôle de constitutionnalité des lois : on
a un article qui nous dit que le pouvoir judiciaire appartient à la cour suprême, et on a un autre article qui
nous dit que la constitution c’est la loi suprême du pays. Mais pour autant, cette constitution ne nous dit
rien expressément sur le pouvoir de la cour suprême, de vérifier si les lois sont bien conformes à la
constitution. Ce qui semble se dégager de la constitution c’est plutôt que la constitution fédérale est
supérieure aux lois et aux constitutions fédérées.
Comment le juriste est censé interpréter des situations dans ce genre de cas, face au silence ?
• Comme la constitution ne dit rien, alors elle ne prévoit pas, rejette cette idée quelconque.
• Puisque le silence reviendrait à dire que la constitution ne l'interdit pas, alors c’est un droit.
Les pères fondateurs américains (Hamilton par exemple) vont au début de l’an 1787, écrire des lettres,
articles qui vont être réunis dans un ouvrage très connu aux États-Unis : le fédéralisme. Dans le
fédéralisme, il y’a un papier, une lettre rédigée par Hamilton : il développe la première argumentation
moderne en faveur du contrôle de constitutionnalité.
C’est dans ce triple contexte (donc contexte pratique, contexte intellectuel et juridique) qu’intervient la
décision la plus connue dans le monde : la règle de la cour suprême des États-Unis : Marbury VS Madison.
Marbury V. Madison (Voir la vidéo pour mieux comprendre !)

B. La naissance du contrôle de constitutionnalité en Europe.


Globalement il a fallu attendre un siècle de plus, on a été un peu en retard par rapport aux Américains.
Kelsen a développé cette théorie de la hiérarchie des normes, et celui-ci était en faveur de la justice
constitutionnelle. En 1920, après la première Guerre Mondiale, l’Autriche va se doter d’une nouvelle
constitution. Kelsen va participer à la rédaction autrichienne, cette constitution autrichienne va inciter la
haute cour constitutionnelle d’Autriche. (Influence intellectuelle, rédactionnelle, décisionnelle).
Cette haute cour constitutionnelle va être chargée du contrôle de la constitution. La démarche est
différente de celle des États-Unis.
Le fait est que quelques mois avant la constitution autrichienne, on a eu une autre constitution : la
constitution tchécoslovaque, celle-ci institue aussi une cour constitutionnelle mais toujours sous l’influence
de Kelsen.
Le point de départ officielle de la justice constitutionnelle en Europe c’est 1920, avec l'Autriche et la
Tchécoslovaquie.
À partir de ce moment-là, tous les pays du monde (quasiment) on finit par se doter de juridiction
constitutionnelle. La France dans ce mouvement a été un peu en retraite, elle aurait pu être en avance car
dès la Révolution française, l’abbé Sieyès en 1795, avait imaginer un jury / une jurie constitutionnel(le) et
donc un contrôle de la constitutionnalité des lois. Mais il n’a pas réussi à convaincre ses collègues et donc
le projet n’a pas abouti.
En France, on s’est tout d’abord tournés vers un modèle politique (sous Napoléon par exemple, on a dit
que c’était le Sénat qui devait vérifier que les lois étaient bien conformes à la constitution, mais le Sénat
était dépendant politiquement de Napoléon, donc ça n’a pas marché).
Avec la seconde guerre mondiale, on s’est rendu compte que des lois adoptées par la majorité pouvaient
opprimer une minorité, que des pouvoirs politiques pouvaient méconnaître les droits de toute une partie
de la population. Il a donc fallu la constitution de la 5ème République pour avoir un conseil constitutionnel.

B/ Les “modèles” de justices constitutionnelles.


Il existe une grande diversité de juges constitutionnels dans le monde.
On a des auteurs français notamment Louis Favoreu, qui a distingué deux grands modèles.

1. Le modèle américain.
- La justice constitutionnelle aux États-Unis s’agit d’un contrôle diffus car ce pouvoir de contrôle
n’appartient pas seulement à la cour suprême mais à n'importe quel juge de première instance.
- Ce contrôle est aussi a posteriori c’est-à-dire qu’il s'effectue une fois que la loi soit mise en vigueur,
soit promulguée.
- Le contrôle est aussi dit concret, c’est-à-dire que le contrôle s’effectue dans le cadre d’un procès
entre deux personnes (un conflit de voisinage par exemple). Le juge a devant lui des partis au
procès qui s’opposent sur un litige qui peut concerner n’importe quel sujet. Le juge voit les effets
concrets de ce litige sur les individus.
- Le contrôle s’effectue par voie d’exception : le juge a le pouvoir de laisser la voie inconstitutionnelle
et ne pas l’appliquer. La loi va continuer théoriquement à exister dans l’ordre juridique (elle existe
mais on ne l’applique pas). En raison de cette raison par exception d’inconstitutionnalité, les effets
de la décision du juge ne jouent qu’entre les partis. On dit que la décision produit des effets inter
partes (entre les partis).
- https://youtu.be/9pgRp2PGV4Q (Voir cette vidéo qui aide à mieux comprendre !)

2. Le modèle européen.
- Le contrôle ici n’est pas diffus, mais concentré dans la mesure où il est réservé à une juridiction
spéciale qu’on appelle une cour constitutionnelle. Ce modèle s’explique par des facteurs
historiques, culturels (l’influence du légicentrisme) et a amené les pays européens à ne vouloir
confier la remise en cause de la loi qu’à une juridiction particulière doté d’une compétence
exclusive avec des juges éminents. C'est pourquoi, dans le modèle européen on ne parle pas de
cour suprême mais de cour constitutionnelle.
- Le modèle est abstrait : la cour constitutionnelle ne juge pas une affaire entre deux particuliers ou
deux entreprises, elle ne se prononce pas dans le cas d’une affaire ordinaire. Le contrôle n’est pas
concret, mais abstrait (la cour constitutionnelle n’a pas un procès sous les yeux qui lui permettrait
de voir les effets).
- Le contrôle est a priori : avant l’entrée en vigueur de la loi. La loi a été votée, mais pas encore
promulguée. Le grand avantage de ce système c’est qu’une fois qu’on s’est assuré de la
constitutionnalité de la loi, qu’on va la mettre en vigueur (donc forcément les lois sont conformes à
la constitution).
- Le contrôle se fait par la voie d’action : si la loi est contraire à la constitution, il va pouvoir
supprimer la loi.
- La décision du juge produit des effets non pas seulement inter partes, mais erga omnes.

3. La relativisation de la distinction entre le modèle américaine et le modèle


européen.
A. Les imperfections de la classification.

Le modèle américain s’est certes diffusé au continent américain, mais il est aussi allé au-delà, et des pays
européens ont adopter ce modèle. Ce sont les pays du nord majoritairement (la Norvège, le Danemark, la
Suède), c’est un modèle qui s’est également exporté en Asie ou en Océanie.

D'autre part, le modèle européen s’est lui aussi exporté au-delà de l'Europe, notamment dans les pays
influencés par une ancienne puissance coloniale (Algérie, Maroc, Tunisie, Bénin, Côte-D’Ivoire).
Le modèle européen est beaucoup plus varié et marqué par l’hétérogénéité (la diversité) car c’est
l’Autriche qui a ses débuts, puis la France qui répandait ce modèle européen appelé modèle autrichien ou
modèle Kelsenien. Le modèle européen se rapproche du modèle américain et vice-versa.
Des pays rentrent difficilement dans les cases car ils ont des systèmes mixtes, comme la Grèce ou le Brésil
(contrôle confus).

B. Les classifications concurrentes.


De nombreux auteurs vont proposer leur propre classification : par exemple, distinguer les pays qui
mettent l’accent sur la loi et les pays qui mettent l’accent sur les droits et libertés... ces classifications sont
toutes subjectives. À chacun de faire sa propre opinion.
D'autres auteurs disent qu’on ne peut pas réduire à un pays à son modèle.

C. Une classification toujours utile.


Cette classification est toujours utile mais en la réduisant à ce critère organique : les modèles.
Cette classification a une valeur historique : elle nous permet de comprendre pourquoi les États-Unis et
l'Europe n’ont pas opter les mêmes modèles.
Quelle que soit la classification qu’on adopte, il y’a des tendances : il y’a une sorte de crise de contrôle
abstrait par exemple, on met aussi de + en + l’accent sur les libertés et droits fondamentaux. Enfin, il y’a un
mouvement de démocratisation de la constitutionnalité. La France constitue un exemple typique des
grandes évolutions.

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