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LE POIDS DES PHOTOS, LE CHOC DES VIDÉOS

Quand les parents filment ou photographient indûment leurs enfants : une


inquiétante régression ?

Alain Quesney

ERES | « Enfances & Psy »

2014/2 N° 63 | pages 117 à 122


ISSN 1286-5559
ISBN 9782749241944
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2014-2-page-117.htm
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À PROPOS

Alain Quesney
Le poids des photos,
le choc des vidéos
Quand les parents filment
ou photographient indûment leurs enfants :
une inquiétante régression ?

Les médecins aiment beaucoup voir : cette pulsion scopique débouche sur Alain Quesney,
le développement inédit du visuel. Ne dit-on pas aux parents inquiets pour
leur enfant malade : « Je veux le voir » ce qui veut dire bien sûr : « Je sou- pédiatre, Caen.
haite l’examiner »…
Le développement du visuel et, partant, celui incroyable de l’imagerie
médicale moderne se fait aux dépens des autres sensorialités ou sensitivi-
tés du clinicien. Celles-ci s’atrophient progressivement, n’étant plus
exploitées. Humer un écoulement d’oreilles et y retrouver le « violent
parfum » du pyocyanique est jugé peu élégant. Écouter, ausculter, percu-
ter ou toucher semblent désuets. Tout se passe comme si le radiologue qui
déclenche une douleur abdominale au passage de sa sonde d’échographie
était en passe de supplanter le clinicien qui recherche, à main nue, une
défense en fosse iliaque droite lors d’une appendicite aiguë. ressentir,
voire goûter sont indécents : qui oserait encore le baiser salé 1 pour évo-
quer le diagnostic de mucoviscidose ? Tout cela est considéré comme inef-
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ficace, obsolète et chronophage.
La photographie des lésions dermatologiques a certes un grand intérêt,
fixant une réalité possiblement transitoire et évolutive (exanthème infec-
tieux). elle permet, en transmettant le document, de demander rapidement
et à peu de frais, l’avis d’un(e) collègue contacté(e) par courrier électro-
nique. L’efficacité, la rapidité (j’allais écrire la convivialité de cette
méthode) la font utiliser en routine par le pédiatre.
Il ne faut pas alors s’étonner que les parents se l’approprient sans toute-
fois y être toujours conviés et nous bombardent, via Internet, de photos
floues de leurs rejetons boutonneux. Comment diable ont-ils eu notre
adresse électronique ?
Ce qui semble alors une collaboration naturelle et sympathique dans l’in-
térêt du diagnostic et donc de l’enfant (est-ce bien sûr ?) peut quelquefois exceptionnellement les notes
se révéler une dérive très problématique. se trouvent en fin d’article.

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À PROPOS
VIGNETTE N° 1
Lors d’une consultation pour ses petites jumelles, Madame W me dit :
« Mon mari a surpris récemment Éric le grand frère (alors âgé de 11 ans
et demi) qui escaladait un immeuble pour épater sa bande de copains. Il
n’est pas intervenu pour lui dire de descendre mais l’a pris en photo avec
son téléphone portable, puis est rentré à la maison pour me montrer les
photos. est-ce que vous voulez les voir ? » Je me rappelle avoir bien sûr
refusé. Je crois me souvenir avoir dit (ou bien aurais-je dû dire ?) que la
bonne attitude parentale était de le faire descendre et que je n’étais ni un
substitut parental ni d’ailleurs Substitut du procureur de la république !
Éric a 15 ans et demi quand je réussis enfin à le faire prendre en charge
par un pédopsychiatre. Il est en échec scolaire complet. Il souffre d’une
dysmorpho-phobie suite à une rixe survenue dans la cour du collège, deux
ans et demi plus tôt : il est persuadé que son nez n’est plus droit. Il multi-
plie incivilités et actes délictueux. Je suis inquiet sur une évolution psy-
chotique ou psychopathique.
J’assure son suivi depuis la naissance et ai été confronté à de multiples
reprises à la fragilité des deux parents. La mère, victime d’inceste intrafa-
milial, est trop proche de ses garçons tandis que le père paraît immature,
faible, sans autorité. (La mère me disait souvent, parlant de son mari :
« C’est mon cinquième enfant ! ») Le père est toujours à la recherche de
ses parents naturels, Il m’a dit avoir été adopté à l’âge de 3 ans et demi.
Ses parents adoptants, Suisses aujourd’hui décédés, avaient perdu une
petite fille à la naissance, deux ans et demi avant cette adoption. Il a bien
conscience d’être un enfant de remplacement. J’ai tenté à de nombreuses
reprises d’envoyer Éric chez le « psy » mais c’est bien une véritable thé-
rapie familiale qu’il aurait fallu entreprendre : les parents sont toujours
d’accord sur le papier mais s’arrangent pour ne pas donner suite et, dans
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la foulée, font rater les rendez-vous d’Éric avec moi. « paternalité »
impossible pour ce père, besoin d’être cru par des preuves palpables. Ces
photos, par exemple, n’évoquent-elles pas des photos d’identité, de sa
propre identité ? Il compense ainsi, depuis toujours et encore aujourd’hui,
la disqualification de sa propre parole, disqualification malheureusement
entérinée… par sa femme et son grand fils.

VIGNETTE N° 2
Jérémy est un deuxième enfant. Il a une grande sœur qui a sept ans et demi
de plus que lui. depuis l’âge de 3 ans et demi, il fait des crises épileptiques
partielles de type « rolandique 2 » et la neuro-pédiatre pense qu’un traite-
ment anti-comitial n’est pas indiqué car les crises sont de courte durée et
épisodiques, environ une fois par mois en moyenne. Ce type d’épilepsie
fonctionnelle, c’est-à-dire non lésionnelle (le cerveau est normal), a un
très bon pronostic car elle disparaît à l’adolescence. Les crises sont sou-
vent déclenchées par des émotions – ce qui est le cas pour Jérémy – et

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À PROPOS
notamment joyeuses (anniversaires) ou désagréables (séparations, dis-
putes avec sa mère)… La séméiologie est univoque chez Jérémy. Il sus-
pend sa parole qui devient bredouillée et incompréhensible (on parle de
dysarthrie), il salive, devient pâle, décrit des fourmis et présente des trem-
blements de la lèvre et quelquefois du membre supérieur. Il n’y a jamais
eu de perte de connaissance ni d’amnésie de sa crise. Quand il a 8 ans, à
la demande de la neuro-pédiatre qui le suit parallèlement, je reçois Jérémy
une fois par mois régulièrement. J’ai compris très vite qu’il avait investi
mon bureau comme un lieu que sa mère ne pouvait pas contrôler. Cepen-
dant, à l’âge de 10 ans, il est hospitalisé en pédiatrie pour des crises répé-
tées et surtout qui ne s’arrêtent pas et fusionnent pour constituer un
presque état de mal. Cette grande crise survient juste avant le départ de sa
mère pour trois semaines dans un établissement de cure pour prendre en
charge son obésité.
peu après, la mère demande à me rencontrer me reprochant implicitement
mon inefficacité et dépose sur mon bureau un Cd qui est la vidéo prise par
le père de la grande crise prolongée qui a conduit à l’hospitalisation. elle
me demande de le visionner avec Jérémy afin que « cela le motive » pour
qu’il prenne bien son traitement antiépileptique (Micropakine).
J’accepte de regarder la vidéo, mais plus tard et sans Jérémy qui, à l’évi-
dence, n’a pas besoin d’être le spectateur de sa propre crise… Spectacle
assez peu soutenable même pour un médecin et qui dure et qui dure !
J’imagine le père agrippé à sa caméra, se cachant derrière le viseur, en
attendant le SaMU. Obscénité du son qui fait entendre en boucle un « C’est
fini, c’est fini » comme un disque rayé. C’est la « voix off » inaffective et
non contenante du père sidéré par la crise de son fils et qui filme de façon
automatique, tel un correspondant de guerre sur le théâtre des opérations.
Je rappelle que le diagnostic était déjà posé depuis plus de six ans et que
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les médecins n’attendaient, bien sûr, rien de cette vidéo. J’apprends alors
que Jérémy a déjà regardé le Cd avec ses parents. plus tard, il a pu me dire
que ce visionnage lui avait fait ressentir à nouveau une grande angoisse de
mort. On comprend bien pourquoi !

VIGNETTE N° 3
adam a 7 ans. Je le vois pour la première fois, un mois après une chute
très grave d’une quinzaine de mètres survenue dans un grand complexe
aquatique de la région parisienne. Il s’en est tiré miraculeusement avec
simplement une fracture de la clavicule, une luxation du coude et une
plaie à la jambe. Son médecin traitant a souhaité que je le reçoive car,
depuis l’accident, il dort très mal (avec sa mère). Il est agressif avec elle
et lui tiendrait des propos inquiétants tels « Je voudrais être mort »). dans
la salle d’attente, comme maintenant beaucoup d’autres enfants, il est rivé
sur sa tablette mais, contrairement à certains, ne proteste pas quand je l’in-
terromps en venant le chercher. durant la consultation il est d’abord triste

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À PROPOS
et mutique, la tête reposant soit sur mon bureau soit sur les genoux de sa
mère. Il répond alors uniquement en secouant la tête, puis il devient logor-
rhéique et agité. Sa mère me propose alors de voir une photo prise sur son
portable de la fracture de la clavicule. elle passe ensuite à un enregistre-
ment qu’elle a fait d’une colère d’adam faisant suite, semble-t-il, à un
cauchemar anxieux. Je regarde rapidement la clavicule mais refuse d’ob-
server la colère. Je dis à cette mère que je la crois volontiers et qu’elle n’a
guère besoin de me montrer ces photos et cette vidéo. elle me parle éga-
lement du film de vidéosurveillance qui a enregistré la chute et qu’elle a
dû visionner pour l’enquête et l’assurance ! elle me dit qu’adam souhai-
terait voir cette vidéo. Je dis qu’il n’en est pas question mais qu’il peut
regarder des vidéos de foot ou de tennis avec son père. Je songe alors à La
chute d’Icare, le fameux tableau de pieter Bruegel (dit l’ancien) que j’ai
eu la chance de voir au musée royal de Belgique à Bruxelles. Ce pauvre
Icare qui s’abîme dans les flots dans l’indifférence générale (marins sur le
bateau, pécheur sur la rive, laboureur le nez dans la terre, berger qui
observe le ciel…).
Je commence à me demander si, pour adam, il s’agit vraiment d’un acci-
dent et non pas d’une défenestration volontaire. Je recueille d’autres élé-
ments en faveur de cette dernière hypothèse et propose une évaluation
pédopsychiatrique rapide. Une façon comme une autre de gommer dans
ma tête toutes ces photos ou vidéos obscènes et mortifères ! Les rempla-
cer par un chef-d’œuvre de la peinture qui, lui, me permet de penser com-
ment concrètement sauver Adam-Icare de la récidive ?

Il est possible de réagir à ces trois vignettes cliniques en m’objectant


qu’elles sont des cas limites, que la psychopathologie des parents y est
caricaturale. Le père d’Éric est castré de toute autorité, la mère de Jérémy
est presque paranoïaque et la mère d’adam est à la limite du syndrome de
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Münchhausen par procuration 3… On peut répondre qu’elles sont tirées de
la pratique non d’un CMpp ou d’un service de pédopsychiatrie mais d’une
consultation de pédiatrie libérale. La bonne question à se poser serait à
mon avis double :
– pourquoi ces vidéos et quelle en est la fonction ?
– que faut-il en faire ?
Historiquement, il convient de rappeler que la médecine a largement
donné l’exemple de l’obscénité du visuel. Qu’on se rappelle des présenta-
tions de malades de l’hôpital Saint-Louis ou de Tarnier où les malades de
dermatologie étaient transportés ou défilaient nus dans un amphithéâtre
pour la plus grande édification des étudiants et la plus grande jouissance
de leurs patrons 4.
À quoi servirait-il de braquer les parents en refusant dédaigneusement ce
qu’ils apportent au pédiatre, à savoir des photos, des vidéos, faute de pou-
voir apporter d’autres représentations de leur enfant ? Il importe de ne pas

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À PROPOS
s’en froisser et de se demander si ces parents, qui en sont réduits à se
cacher derrière l’objectif de la caméra, de l’appareil photo ou derrière la
prétendue objectivité de radios et d’examens de laboratoire, ne sont pas en
grande souffrance passée ou présente, en défaillance aiguë ou chronique
de leur subjectivité aimante, soutenante, donneuse de limites ; bref, en
défaillance de leur parentalité, eux qui ne protègent guère ou même expo-
sent leurs enfants à des projections massives issues de leur propre histoire.
alors quel peut-être l’apport du pédiatre qui constate que le « Symbo-
lique » en est réduit à la « portion congrue » dans les relations parents-
enfants de ce xIxe siècle qui est décidément celui des technologies et des
médias mais pas celui de la Communication ? On peut déplorer avec aldo
Naouri 5 que notre société provoque et accélère une inflation de l’Imagi-
naire prédigéré, uniformisé, automatisé, de plus en rapide aux dépens du
Symbolique, le réel étant par définition ce qui reste constant et résiste. Si
le nœud borroméen 6 du Symbolique casse, les deux autres anneaux se
détachent et alors qu’advient-il du sujet ?
À mon avis, il faut pointer ces utilisations parentales perverses, catastro-
phiques, désymbolisantes de la vidéo.
Faudrait-il aller jusqu’à interdire aux enfants les jeux électroniques dans
nos salles d’attente (pernot-Masson, 2013) quand les parents (malgré les
consignes écrites) y utilisent sans vergogne et de plus en plus leurs por-
tables ? Sert-il vraiment à quelque chose d’y afficher la raisonnable règle
des 3,6,9,12 de Serge Tisseron (2013) ?
dans le bureau du pédiatre, les choses sont différentes et notre irrempla-
çable « double casquette » de médecin du corps et de l’esprit de l’enfant
peut, si nous le voulons, se retourner et alors permettre d’aider l’enfant et
à sa famille à historiser, à symboliser, à faire du lien, à subjectiver le trop
d’objectif (comme inversement dans d’autres cas nous savons objectiver
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quand il y a trop de subjectif).

BIBLIOGRAPHIE
NAOURI, A. 1987. Parier sur l’enfant, Paris, Le Seuil.
PERNOT-MASSON, A.-C. 2013. « Smartphones et tablettes au cœur des familles », Éditorial,
Médecine et enfance, n° 5, mai 2001.
TISSERON, S. 2013. Apprivoiser les écrans pour grandir : la règle des 3-6-9-12, Toulouse, érès.

NOTES
1. Le signe du « baiser salé » consistait à apprécier de façon tactile et approximative la teneur élevée en sel
de la sueur d’un enfant par l’appui des lèvres de l’examinateur sur le front de l’enfant suspect de
mucoviscidose.
2. L’épilepsie bénigne de l’enfant à pointes rolandiques (centro-temporales) est caractérisée par des crises
partielles, principalement au cours du sommeil ou juste avant le réveil : la bouche, le visage, les organes de
la parole, voire l’ensemble des organes, sont touchés. C’est le plus fréquent de tous les syndromes
épileptiques chez l’enfant. Ces crises disparaissent toujours avant le début de l’adolescence. Le recours aux
antiépileptiques est facultatif pour le traitement de cette maladie.`

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À PROPOS
3. Le syndrome de Münchhausen par procuration est une forme grave de sévices à enfant au cours de
laquelle l’adulte qui a la charge de l’enfant provoque de manière délibérée chez lui des problèmes de santé
sérieux et répétés avant de le conduire auprès d’un médecin (forme de pathomimie par procuration). Toutes
les couches sociales sont concernées et dans 90 % des cas il s’agit de la mère biologique. dans un
pourcentage important, ces femmes exercent une profession médicale ou paramédicale (médecin, infirmière,
aide-soignant, assistante sociale, etc.) ou ont un lien avec ce milieu.
elles présentent un comportement stéréotypé de « bonne mère particulièrement attentionnée à l’égard de son
enfant et extrêmement présente lors des séjours hospitaliers de ce dernier ». elles sont généralement moins
inquiètes que l’équipe soignante et tiennent un discours de type médical, n’hésitant pas à suggérer des
examens complémentaires invasifs ou des interventions chirurgicales.
4. À l’époque, on ne les appelait pas encore des mandarins. Je me souviens, quand j’étais interne en
médecine générale (ça date un peu !), avoir encouru les foudres du chef de service (un mandarin local !) et
avoir acquis par là une célébrité très transitoire dans l’hôpital, parce que j’avais refusé qu’un vieux malade
atteint de tétanos, égaré en médecine interne, soit « brouetté » sur un fauteuil en salle de présentation. Je
l’avais ensuite muté en réanimation, là où il aurait dû être surveillé et soigné d’emblée, le diagnostic ayant
été posé dès son entrée.
5. On peut lire ou relire le très prémonitoire parier sur l’enfant (1987).
6. Le « nœud borroméen » a été décrit abondamment par Lacan : c’est une figure mathématique majeure
en « topologie ». Les anneaux borroméens constituent un entrelacs de trois cercles (au sens topologique)
qui ne peuvent être détachés les uns des autres même en les déformant, mais tel que la suppression de
n’importe quel cercle libère les deux cercles restants et alors....

RÉSUMÉ
Mots-clés :
(défaillance du) La fascination des enfants de plus en plus jeunes pour les technologies est
Symbolique, un constat banal. de plus en plus d’adultes semblent, eux aussi, succomber
dysparentalité, à ces pièges de la pseudo-communication. C’est encore plus grave quand
vidéomania parentale, cela touche la relation parent-enfant et lorsque vidéos et photos, comme
manque de la parole, autant d’objets partiels, viennent masquer le sujet, l’obscurcir alors que
écrans et tablettes prétendant l’éclairer – lui cet enfant qui n’a besoin somme toute que d’une
numériques. parole humanisante, d’un interdit structurant ou d’un geste empathique.
À partir de trois observations issues de la pratique d’un pédiatre installé
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« en ville », nous verrons comment les parents peuvent utiliser caméras,
portables ou tablettes pour prendre à témoin le pédiatre de leur impasse, de
leur impossibilité à comprendre la souffrance psychique de leur enfant.

Key words : SUMMARY


(failure of the) The fascination that ever younger children find in technology is a banal
symbolic, observation. More and more adults, too, seem to be falling into the traps of
dysparentality, pseudo-communication. This becomes even more serious when it affects
parental videomania, the parent-child relationship and when videos and photos, as, as such, par-
lack of speech, tial objects, come and mask the subject, darkening it while pretending to
screens and digital lighten it, it being the child which needs after all just a humanizing word,
pads. a structuring refusal or an empathic gesture. Drawing on three observa-
tions taken from the practice of a paediatrician working in a city context,
we shall see how parents can use cameras, mobiles and pads, calling on
the paediatrician to witness their deadlock, their impossibility to unders-
tand the psychic suffering of their child.

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