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la fraude en entreprise:ouaniche 13/05/09 16:38 Page 1

Le guide

M. OUANICHE
La fraude est un problème majeur de nos économies. Partout dans le monde, ses
conséquences financières désastreuses déstabilisent les entreprises de toutes
tailles et de tous secteurs.
Mikael Ouaniche opérationnel
A la suite des scandales financiers (Enron, Worldcom, Parmalat,..) qui ont
éclaboussé notre début de décennie, les gouvernements ont adopté une série de
mesures visant à renforcer les dispositifs de sécurité au sein des entreprises.

Huit ans après, la litanie des fraudes massives (Société Générale, Madoff, Satyam,…)
qui continuent de défrayer la chronique, confirme que d'importants progrès restent à

LA FRAUDE EN ENTREPRISE
accomplir à tous les échelons.

Ce livre a été conçu comme un guide pratique à destination des chefs d'entreprises,
directeurs financiers, responsables du contrôle interne ainsi qu'aux professionnels
du chiffre (expert-comptables, commissaire aux comptes, consultants) qui cherchent
à comprendre les mécanismes de la fraude et à découvrir les moyens efficaces de
s'en prémunir et de les détecter.

Au travers de ce livre, l'auteur nous fait partager son expérience de praticien et nous
La fraude en
aide à répondre aux questions suivantes :

 Quels sont les déterminants, les modes opératoires et l'étendue de la fraude


en entreprise ?
 Quels sont les moyens de prévention ? Comment mettre en œuvre un
programme anti-fraude ?
entreprise
 Qu'est-ce qu'une investigation ? Pourquoi diligenter une telle intervention ?
Quelles sont les spécificités méthodologiques et techniques de ce type de
missions ? Comment la prévenir, la détecter, la combattre
 Comment obtenir réparation du préjudice économique suite à la mise à jour
d'une fraude ?
 Comment favoriser l'apprentissage organisationnel en évitant que d'autres
malversations ne se reproduisent au sein de l'entreprise ?
Algeria-Educ.com

Mikael Ouaniche a été amené à conduire de nombreuses missions de prévention et d'investigation


relatives à des fraudes comptables, des détournements de fonds, des actes de corruption et de blan-
chiment pour le compte de PricewaterhouseCoopers en tant que manager au département de conseil
" Litige & Investigation ". Il dirige aujourd'hui les activités d'audit, de contrôle interne et de support
au contentieux du cabinet OCA. Diplômé d'EM Lyon et d'Expertise-Comptable, il enseigne également
Luttez contre la fraude
en classe de Master Spécialisé Audit & Comptabilité du Pôle Paris Alternance.

comptable et financière
978284001 602 1
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www.maxima.fr
Photo de couverture : © fotolia : Feng Yu
Photo auteur : D. R.
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Mikael Ouaniche est diplômé d’EM Lyon et d’expertise-comptable.


Il a commencé sa carrière chez PricewaterhouseCoopers, d’abord au sein
du pôle audit légal puis en tant que manager au département de conseil
« Litige & Investigation ». À ce titre, il a été amené à conduire de nom-
breuses missions de prévention et d’investigation relatives à des fraudes
comptables, des détournements de fonds, des actes de corruption et de
blanchiment. Il dirige aujourd’hui les activités d’audit, de contrôle
interne et de support au contentieux du cabinet OCA. Il enseigne
également en classe de Master Spécialisé Audit & Comptabilité du Pôle
Paris Alternance.

L’auteur peut être joint à :


mikael.ouaniche@maxima.fr

Infos/nouveautés/catalogue : www.maxima.fr

192, bd Saint-Germain, 75007 Paris


Tél. : +33 1 44 39 74 00 – Fax : +33 1 45 48 46 88

© Maxima, Paris, 2009.


ISBN : 978 2 84001 602 1

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays.


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TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos........................................................................ 11

Première partie
LES ENJEUX
DE LA FRAUDE EN ENTREPRISE

I. QU’EST-CE QUE LA FRAUDE EN ENTREPRISE ? 25


Définition de la fraude ........................................................... 25
• La commission d’un acte........................................................... 25
• La manœuvre dolosive intentionnelle ....................................... 26
• L’avantage indu ou illégal.......................................................... 26
Les grands types de fraudes ................................................. 27
• Les détournements d’actifs ....................................................... 27
• La fraude comptable.................................................................. 28
La qualification juridique des fraudes............................... 29
• Qualification juridique de la fraude comptable ......................... 30
• Qualification juridique de la dissipation de fonds et biens
de la société ............................................................................... 33
Principaux éléments statistiques ......................................... 36
• Les enquêtes de référence ......................................................... 36
• Synthèse des résultats des enquêtes .......................................... 37
Les conditions de la fraude .................................................. 48
• Motivation du fraudeur.............................................................. 49
• Existence d’une opportunité...................................................... 50
• Possibilité de rationalisation...................................................... 51

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La fraude en entreprise

II. LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FINANCIÈRE :


UN ENJEU D’ACTUALITÉ ..................................... 55
Le durcissement des exigences juridiques
et normatives ............................................................................ 55
• De nouvelles contraintes légales pour les entreprises ............... 55
• L’évolution des normes d’audit ................................................. 57
Le renforcement des dispositifs de prévention
dans les entreprises ................................................................. 61

Deuxième partie
MODES OPERATOIRES
DE LA FRAUDE EN ENTREPRISE

III. MODES OPÉRATOIRES RELATIFS À


LA FRAUDE COMPTABLE .................................... 67
Majorations artificielles des produits ................................ 67
• Factures fictives ......................................................................... 67
• Non-respect du principe de séparation des exercices ................ 71
Dissimulation des charges .................................................... 72
• Non-enregistrement des factures fournisseurs .......................... 72
• Activation des frais.................................................................... 73
• Omission ou sous-estimation des provisions............................. 74
• Non-respect du principe de séparation des exercices ................ 75
• Présentation des comptes de charges......................................... 75
Dissimulation du niveau d’endettement financier ......... 76
• Dissimulation des emprunts ...................................................... 76
• Présentation des dettes .............................................................. 79
Dissimulation des engagements hors-bilan ..................... 80
Surévaluation des actifs......................................................... 81
• Surévaluation des immobilisations............................................ 82
• Surévaluation des stocks ........................................................... 83
Schémas de déconsolidation ................................................ 85
• Constatation d’une plus-value fictive ........................................ 86
• Transfert de la dette et de certains actifs risqués....................... 87

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Table des matières

• Opérations de portage d’emprunts ............................................ 87


• Périmètre légal de consolidation ............................................... 88

IV. MODES OPÉRATOIRES RELATIFS À


LA DISSIPATION D’ACTIFS DE L’ENTREPRISE 89
Enregistrement de charges injustifiées.............................. 89
• Enregistrement de fausses factures ........................................... 90
• Les surfacturations par des sociétés complices ......................... 93
• Salaires fictifs ............................................................................ 94
• Fraudes sur les notes de frais..................................................... 94
Détournement d’une partie des produits encaissés ....... 95
Détournement du règlement des passifs
à forte ancienneté .................................................................... 96
Détournement des marchandises en stocks ..................... 97

Troisième partie
MISE EN PLACE
D’UN PROGRAMME ANTI-FRAUDE

V. PÉRIMÈTRE ET OBJECTIFS
D’UN PROGRAMME ANTI-FRAUDE ................... 101

VI. DÉMARRAGE DU PROJET .................................... 103


Constitution de l’équipe ........................................................ 103
Adoption d’un calendrier prévisionnel ............................. 104
Communication au sein de l’entreprise ............................ 104

VII. IDENTIFICATION DES RISQUES DE FRAUDES 105


Principe de la démarche ........................................................ 105
Cadre conceptuel ..................................................................... 106
• L’utilisation du modèle du COSO ............................................. 106
• Les composantes du COSO appliquées au risque de fraude ..... 107
Proposition d’un outil opérationnel de scoring
et de cartographie du risque ................................................. 110

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La fraude en entreprise

• Principe de l’outil ...................................................................... 110


• Appréciation des 7 paramètres du risque de fraude .................. 111
• Exemples de représentations graphiques................................... 121

VIII. MISE EN ŒUVRE D’UN PROGRAMME


DE REMÉDIATION .................................................. 127
Rédaction d’un code de déontologie ................................. 127
Conception, validation et mise en œuvre
d’un manuel de procédures .................................................. 132
Mise en œuvre d’un dispositif d’alerte ............................. 133
Mise en œuvre d’audits de conformité ............................. 135

Quatrième partie
L’INVESTIGATION
AU CŒUR DU PROGRAMME ANTI-FRAUDE

IX. PRÉSENTATION DU CADRE CONCEPTUEL ...... 139


Qu’est-ce qu’une mission d’investigation ? .................... 139
• Investigations mises en œuvre par les équipes d’audit interne
de l’entreprise............................................................................ 139
• Investigations mises en œuvre par des prestataires externes..... 140
Pourquoi diligenter une mission d’investigation ? ........ 141
• Mettre fin à la fraude ................................................................. 141
• Obtenir réparation du préjudice subi ......................................... 142
• Intérêt pour les entreprises de recourir à un professionnel........ 148
• Collaboration avec les avocats................................................... 149
Mission d’investigation et mission d’audit :
quelles différences ? ............................................................... 150
• Différence de périmètre temporel.............................................. 150
• Différence de périmètre d’analyse............................................. 150
• Différence d’objectif ................................................................. 150
• Différence dans le type de relation professionnelle .................. 151
• Différence méthodologique ....................................................... 151
Qualités requises pour conduire une mission
d’investigation .......................................................................... 151

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Table des matières

Considérations éthiques et déontologiques ..................... 152


• Principes généraux .................................................................... 152
• La question des Success fees ..................................................... 153
• Les limites légales et déontologiques à la recherche de preuves 153

X. LES ÉTAPES D’UNE MISSION


D’INVESTIGATION ................................................. 161
Schéma descriptif .................................................................... 161
Avant l’intervention ................................................................ 163
• Acceptation de la mission ......................................................... 163
• L’exploitation des informations publiques................................. 164
• Lettre de mission ....................................................................... 166
Pendant l’intervention ............................................................ 166
• Compréhension de l’environnement et identification
des risques ................................................................................. 166
• Collecte des informations existantes ......................................... 167
• Procédures analytiques et élaboration d’une « théorie
de la fraude » ............................................................................. 169
• Obtention d’éléments probants.................................................. 171
• L’utilisation du data mining....................................................... 181
• L’entretien contradictoire........................................................... 186
Après l’intervention ............................................................... 196
• Rédaction du rapport ................................................................. 196
• Finalisation du dossier de travail ............................................... 197
• L’audition comme témoin .......................................................... 200
• Formulation de recommandations à l’issue d’une mission ......
d’investigation ........................................................................... 202
• Diffuser les enseignements de la mission à l’ensemble
des collaborateurs...................................................................... 203

XI. APPLICATION DE LA MÉTHODOLOGIE


À UN CAS CONCRET :
LA SOCIÉTÉ ILLUSTRATION ............................... 205
Description du contexte de l’intervention ....................... 205
Analyse des risques ................................................................ 206
Lettre de mission ..................................................................... 208
Collecte des informations existantes ................................. 209
Établissement d’une théorie de la fraude ......................... 210

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La fraude en entreprise

Recherche d’éléments probants .......................................... 212


Entretien contradictoire ......................................................... 213
Émission du rapport et introduction d’une action civile 214

Conclusion ........................................................................... 215

Bibliographie ....................................................................... 219

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AVANT-PROPOS

F
rançois est cadre dans un groupe international qui évolue dans
le secteur de l’environnement. Diplômé il y a bientôt dix ans
d’une école de commerce prestigieuse, François a gravi un
à un les échelons de la hiérarchie de son entreprise et réalisé
jusqu’à ce jour ce qu’il est commun d’appeler un sans-faute : entré
comme contrôleur de gestion junior du siège social à Paris, ce
dernier a contribué à plusieurs saisons de reporting avant d’intégrer
pendant quelques années les équipes d’audit interne du Groupe.
Rattaché directement à la direction générale, François a ainsi pu,
grâce à cette fonction, découvrir toute la richesse des activités de
son entreprise à travers le monde et développer une connaissance
intime du fonctionnement interne des différentes filiales et établis-
sements.
Fort de cette première expérience internationale et des qualités de
rigueur et de professionnalisme qui lui ont été reconnues,
François a ainsi été promu il y a deux ans responsable des normes
et procédures comptables au siège. À ce titre, il a été notamment
chargé de la rédaction du manuel des procédures comptables du
groupe. Cette mission remplie, notre protagoniste décidément très
prometteur s’est vu proposer un nouveau défi par sa hiérarchie :
assumer la direction financière d’une des filiales du groupe en
Californie.
La filiale en question a été créée par le directeur de la zone USA-
Canada il y a 8 ans pour abriter le développement des projets
industriels innovants du groupe aux États-Unis. Quelques années
plus tard, la croissance exponentielle de cette filiale a rendu pos-
sible son introduction sur les marchés financiers dans le but de

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La fraude en entreprise

promouvoir son image High Tech auprès du public américain et de


trouver des relais de financement pour son développement rapide.
Toutefois, si le titre bénéficie d’un fort potentiel aux yeux des
investisseurs, il dispose encore d’un historique de performance
limité. C’est pourquoi l’action de la société fait l’objet d’un suivi
particulièrement attentif de la part des analystes financiers même
si jusqu’à présent, les performances de la société ont largement
dépassé leurs attentes.
C’est dans ce contexte favorable que François prend ses fonctions.
Au cours des deux premiers exercices, le cercle vertueux ne se
dément pas, chaque publication trimestrielle est l’occasion pour
le directeur de la zone d’appeler François pour le féliciter de
« l’excellent travail réalisé ». Les analystes saluent la « progres-
sion solide » de la société et le cours du titre caracole à des niveaux
toujours plus élevés.
Vient pourtant un jour où la mécanique s’enraye. Pour des raisons
liées à la conjoncture le marché se ralentit. Certes, au départ ce
ralentissement n’est pas un réel motif d’inquiétude. L’activité de la
société demeure soutenue, mais pour la première fois, la situation
trimestrielle estimée à J-15 est en dessous du budget annoncé.
Face à cette situation inédite, une seule certitude s’impose à
François : il n’est pas envisageable de publier en l’état de tels
résultats qui auraient pour effet immédiat de faire chuter le cours de
bourse à un niveau que le groupe ne tolèrerait pas. Dans l’intérêt
de l’entreprise, il est donc impératif de « rectifier le tir » pour être
en phase avec les attentes du marché. S’ensuit une série de réunions
avec les 15 responsables de projets chargés d’établir les budgets
prévisionnels des contrats à long terme. L’objectif de ces réunions
est d’identifier les leviers qui permettent de justifier une augmen-
tation des taux d’avancement sur les contrats bénéficiaires. Que
l’on ne s’y méprenne pas, il ne s’agit en aucun cas dans l’esprit de
François de délivrer une information financière trompeuse. L’exer-
cice consiste simplement en une « mise à jour » des budgets à
terminaison et des taux d’avancement. Cette rectification n’est
d’ailleurs pas en décalage avec la réalité puisqu’elle a reçu la caution
des responsables des projets qui ont finalement accepté d’approuver

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Avant-propos

ces nouveaux budgets. Grâce à ces travaux d’analyse réalisés


projet par projet, les résultats comptabilisés au titre du second tri-
mestre atteignent à nouveau les objectifs annoncés. En interne,
François vient de se forger une nouvelle réputation de manager
prêt à prendre ses responsabilités en cas de difficulté et à s’impliquer
autant que nécessaire pour apporter les solutions appropriées. Sa
prouesse est saluée par la responsable comptable qui reconnaît ne
pas « avoir tout compris » au processus de mise à jour des budgets.
Une nouvelle fois, le directeur de la zone adresse son satisfecit
à François pour ces nouveaux résultats trimestriels.
Pourtant, malgré les applaudissements unanimes, François ne
savoure pas pleinement son succès car il sait, lui, qu’un nouveau
trimestre s’ouvre : sans la signature de nouveaux contrats, il sera
d’autant plus difficile d’atteindre les prévisions qu’une part non
négligeable des résultats du trimestre à venir a déjà été constatée
lors de la précédente publication. Trois mois plus tard en effet, les
difficultés se sont accentuées et appellent exactement les mêmes
remèdes que la fois précédente : nouvelles réunions avec les chefs
de projets et nouvelles mises à jour des taux d’avancement. Mal-
gré tout, les résultats du 3e trimestre parviennent à sortir à un
niveau conforme au budget, mais François est cette fois un peu
plus inquiet : la clôture des comptes annuels approche et, avec elle
la venue des auditeurs financiers.
Bien sûr, les inquiétudes de François restent mesurées. D’une part,
toutes les mises à jour liées au taux d’avancement demeurent tout
à fait justifiables, et d’autre part quand bien même ces mises à jour
porteraient à discussion, les auditeurs du réseau international
Delwater&Keys, enfermés deux semaines dans une salle de confé-
rence bien loin des chantiers, n’auraient littéralement aucun moyen
de s’en apercevoir.
Il n’empêche que François est inquiet et décide de s’en ouvrir à
son directeur de zone. Vers la fin du mois de février, au cours d’un
entretien marqué du sceau de la plus haute confidentialité, François
explique à son directeur dans quel contexte les derniers closings
se sont déroulés. Il évoque ses inquiétudes devant le faible nombre

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La fraude en entreprise

de nouveaux contrats et fait part à son directeur de ses doutes


quant à la capacité de l’entreprise à atteindre les nouveaux budgets
pour l’exercice à venir. Le directeur de la zone rassure François :
certes le marché est en baisse et les autres filiales de la zone ont
rencontré les mêmes difficultés en fin d’exercice, mais les perspec-
tives devraient vite s’améliorer. En tout état de cause, le directeur
considère que François a agi comme il le fallait. C’est en effet le
rôle d’un directeur financier de lisser les performances pour éviter
trop de volatilité sur le titre. Il n’y a rien de choquant à éviter les
à-coups sur le marché boursier. Le groupe ne le tolèrerait d’ailleurs
pas. D’après ses informations, il semblerait en outre que Paris
envisage une augmentation de capital en fin d’exercice pour financer
le rachat d’un concurrent. Dans ce contexte, il est indispensable
de maintenir le cours élevé jusqu’à cette date. L’entretien se conclut
ainsi sur un mot d’ordre : aucun dérapage par rapport au budget.
Malgré la pression, François se sent soulagé. Il jouit de l’appui et
de la protection de sa hiérarchie et s’est sans doute trop inquiété à
cause de son manque d’expérience. D’ailleurs l’intervention des
auditeurs financiers ne s’est-elle pas déroulée sans encombre ?
Puisque le marché va bientôt repartir, il n’y a pas de quoi s’alarmer
outre mesure et ne pas hésiter… à déclencher une troisième
« mise à jour » des budgets lors du 1er trimestre.
Mais la réalité rattrape François. Dès le début du second trimestre,
la plupart des contrats sont comptabilisés à près de 100 % alors
qu’en réalité certains sont bien loin d’être achevés sur le terrain.
Pire, malgré des pertes à terminaison importantes sur certains
contrats, il est décidé de diminuer au lieu d’augmenter le niveau
des provisions enregistrées dans les comptes… mais rien n’y fait.
Malgré les encouragements adressés aux commerciaux de l’entre-
prise, les résultats restent insuffisants. Lorsque François écrit au
directeur de la zone pour l’alerter de la situation, il obtient un mail
de réponse pour le moins laconique : « No slippage (pas de
dérapage). Cordialement. R.O. ».
Pour faire face aux besoins du troisième trimestre, François est
dès lors obligé de prendre des mesures à la hauteur des enjeux :

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Avant-propos

l’ordre est donné aux commerciaux d’anticiper les livraisons de


pièces détachées même en l’absence de commande. Des contrats
déficitaires sont signés sur la base de budgets notoirement irréa-
listes. Pour crédibiliser l’anticipation des résultats sur les derniers
contrats en cours, François contacte ses principaux fournisseurs et
leur demande de « majorer » leur facturation et de leur faire par-
venir des avoirs postdatés correspondant au surplus. Enfin, dans
le but de faciliter la signature d’un contrat gouvernemental, des
sommes importantes sont virées au profit d’intermédiaires chargés
de faciliter l’avancement de leur dossier lors de la prochaine pro-
cédure d’appel d’offre. Les résultats du 3e trimestre sont publiés
avec succès mais la tension est montée d’un cran. Les auditeurs
reviendront dans 3 mois, et cette fois-ci il ne leur sera pas difficile
de détecter les anomalies qui ont dépassé depuis longtemps leur
seuil de signification.
Des réunions s’enchaînent alors à des heures tardives avec les res-
ponsables de projets et la responsable comptable. Toutes ces per-
sonnes commencent à percevoir qu’elles ont malgré elles contribué
à ce qu’il convient à présent d’appeler une manipulation comptable
de grande envergure. Si aucune d’elles n’a suffisamment d’infor-
mation pour apprécier l’ampleur des conséquences possibles, tou-
tes sont à présent tenaillées par un sentiment diffus de culpabilité
et de peur face à la sanction. L’objet de ces réunions est de déter-
miner comment sortir indemne de l’audit imminent.
Commence alors la grande entreprise de falsification : budgets,
factures, bons de commandes et contrats sont crées de toutes pièces
pour permettre l’enregistrement de ventes fictives de matériel. Des
correspondances fictives sont établies afin d’attester de l’absence
de risques à provisionner sur les contrats litigieux et des notes
d’honoraires injustifiées sont préparées pour documenter les sorties
de fonds à destination des intermédiaires.
Le point d’irréversibilité est dépassé : la politique de « lissage des
comptes » initialement menée par le directeur financier s’est trans-
formée, par le biais d’une mécanique implacable, en une vaste
fraude financière collective impliquant tous les responsables comp-
tables et opérationnels de l’entreprise.

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La fraude en entreprise

La clôture des comptes s’achève par la certification des comptes


par les auditeurs sur la base de documents falsifiés mais c’est à ce
stade que les premières tensions sur la trésorerie commencent à se
faire sentir. Les budgets de financements prévisionnels indiquent
en effet clairement que la société ne sera plus en mesure de faire
face à ses échéances à un horizon de trois mois. Un soutien est
demandé aux banques en contrepartie de la caution financière du
groupe, obtenue sans difficulté, grâce à l’entremise du responsable
de la zone. Désormais, l’effondrement de la société n’est plus
qu’une question de temps. Six mois plus tard, les banques coupent
leur soutien, ce qui contraint le groupe à effectuer un apport impor-
tant en compte courant. Malgré les nombreux échanges de mails
et conférences téléphoniques tenues avec le siège, les réponses de
François ne parviennent pas à rassurer Paris. Au contraire, son
manque de clarté et ses hésitations renforcent un peu plus les
inquiétudes et l’on commence à redouter le pire : la filiale ne serait
plus en mesure de publier le reporting trimestriel dans les délais
normaux. Une demande de délai aurait été adressée aux autorités
de marchés américaines dans ce sens sans que le groupe n’en ait
été informé.
Un matin, François reçoit un email du siège l’avertissant de l’inter-
vention d’une équipe d’audit interne en provenance de Paris. Ces
derniers devraient arriver dans le courant de la semaine suivante
et rester plusieurs semaines afin « de clarifier » la situation finan-
cière de la filiale. François se sait perdu. Dans quelques jours,
il devra annoncer à son épouse venue s’installer avec leurs deux
enfants aux États-Unis que sa brillante ascension vient de prendre
fin. Un sentiment d’injustice l’envahit. François demeure convaincu
d’avoir bien agi dans l’intérêt de son entreprise. Le siège cherche
un bouc émissaire et assurément c’est sur lui seul que le poids de
la sanction va s’exercer. Mais François n’est pas homme à subir
cette injustice sans broncher. Tous ces efforts, ces heures de travail
pour tenter de trouver une issue favorable à la société doivent
trouver une compensation. Puisqu’il en a encore le pouvoir, François
se fera donc justice, seul. Dès le lendemain, il fait approuver par
la responsable comptable le règlement dans un paradis fiscal de

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Avant-propos

trois notes de consultants d’un montant très élevé. Bien entendu,


cette dernière n’est pas dupe quant à la destination des règlements.
Mais au fond, a-t-elle vraiment le choix, elle qui s’est déjà rendue
complice de toute l’entreprise de manipulation financière ?
Suite à l’intervention des auditeurs internes, une plainte est fina-
lement déposée pour « faux et usage de faux », « publication de
comptes infidèles » et « abus de confiance ». La responsable comp-
table et le directeur financier sont placés en détention provisoire.
Les principaux responsables de projet ont été mis à pied pour
faute lourde. L’annonce de la fraude déclenche une chute brutale
du cours que seule une suspension de la cotation et un communiqué
du groupe promettant une recapitalisation significative permettent
d’enrayer provisoirement. Un manager de transition est recruté en
urgence pour tenter une conciliation avec les créanciers.
Le pire est advenu.
*
L’histoire que nous venons de vous retracer est bien entendu
inventée. « Toute ressemblance avec des personnages réels ne serait
que purement fortuite ». Nous sommes néanmoins convaincus
que ce récit n’est pas sans évoquer quelques situations réellement
vécues par certains de nos lecteurs. L’intérêt de ce scénario est de
montrer par quel mécanisme des personnes qui n’étaient pas au
départ particulièrement malhonnêtes vont être poussées par un
enchaînement inexorable des circonstances à accomplir des actes
graves et irréversibles. Les causes des fraudes sont pourtant bien
connues : la pression du résultat, le sentiment d’impunité encouragé
par la caution apparente de la hiérarchie directe et les possibilités
d’autojustification, l’effet d’engagement ou d’engrenage, l’insuf-
fisance enfin des contrôles internes et externes pesant sur l’entre-
prise. Toutefois, force est de constater que malgré leurs efforts,
les entreprises de toutes tailles ont bien du mal à endiguer le
phénomène.
Si les fraudes révélées à l’occasion des grandes « affaires » (Enron,
Worldcom, Parmalat, Société Générale) de ces dernières années
se distinguent en effet par leur caractère spectaculaire, elles n’en

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La fraude en entreprise

constituent pas moins la partie émergée d’un phénomène largement


répandu : près de la moitié des entreprises françaises, quelles que
soient leurs tailles, déclarent ainsi avoir constaté des délits au
cours des deux dernières années1. Le préjudice subi par les entre-
prises victimes est multiple. Au delà du coût financier souvent très
élevé, les conséquences indirectes sont de loin les plus nocives :
réputation entachée, perte de motivation du personnel, chute du
cours de bourse, etc.
Certes, plusieurs mesures de lutte anti-fraude ont été adoptées visant
au renforcement de l’arsenal réglementaire et juridique dans les
principaux pays concernés. En France, la Loi de Sécurité Financière
a été promulguée le 1er août 2003. Elle prévoit la création de
l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), la réforme du contrôle
légal des comptes et le renforcement du gouvernement d’entre-
prise. Aux États-Unis, la loi Sarbanes-Oxley a été votée en juillet
2002. Elle conduit à un alourdissement considérable de la respon-
sabilité des dirigeants d’entreprises (CEO et CFO) et impose une
série d’obligations visant à améliorer l’accès et la fiabilité de l’infor-
mation : mise en place de comités de vérification indépendants
chargés d’apprécier le contrôle interne, rotation des vérificateurs
externes et création d’un nouvel organisme de réglementation et
de surveillance, le Public Company Accounting Oversight Board
(PCAOB), chargé d’établir des standards, d’enquêter et de sanc-
tionner les personnes physiques et morales en cas de non respect
des règles.
Mais ces dispositions obligatoires se révèlent insuffisantes. C’est
pourquoi la prise de conscience par les entreprises des enjeux liés
à la fraude conduit désormais un nombre croissant d’entre elles
à diligenter de véritables programmes de lutte anti-fraude qui
consistent à apprécier les différentes natures de risque, à mesurer
la qualité des procédures de contrôle et à proposer des procédures
spécifiques visant à réduire le risque de survenance d’actes de

1. PricewaterhouseCoopers : Enquête sur la fraude dans les entreprises en


France, en Europe et dans le monde.

18
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Avant-propos

délinquance comptable ou financière. Une de ces mesures consiste


en particulier à diligenter des investigations ponctuelles en cas de
soupçon, voire de fraude avérée, mis en évidence par l’entreprise.
Dans ces situations, les équipes d’audit interne spécialisées, assis-
tées ou non par des experts extérieurs à l’entreprise, interviennent
en amont de l’action judiciaire afin d’analyser les opérations
frauduleuses, de déterminer l’étendue des actes répréhensibles, de
chiffrer le préjudice, et de proposer des actions correctrices.
Schématiquement, les fraudes les plus répandues recouvrent deux
types de situations spécifiques qui feront dans cet ouvrage l’objet
d’un traitement différencié : d’une part la manipulation de l’infor-
mation financière, au détriment d’actionnaires, d’investisseurs ou
des tiers, d’autre part la dissipation de fonds et biens de la société.
*
Ce livre s’adresse aux chefs d’entreprises, directeurs financiers,
auditeurs internes ainsi qu’aux professionnels du chiffre (expert-
comptables, commissaires aux comptes, consultants) qui cherchent
à comprendre les mécanismes de la fraude et à découvrir les moyens
efficaces de prévention et de détection.
Au travers de nombreux exemples concrets et d’une analyse
détaillée des modes opératoires de la fraude, nous chercherons
à apporter au lecteur des éléments de réponses aux questions
suivantes :
• Qu’est-ce que la fraude ? Quels sont ses déterminants, ses
modes opératoires et son étendue ?
• Quels sont les moyens de prévention ? Comment mettre en
œuvre un programme anti-fraude au sein de l’entreprise ?
• Qu’est-ce qu’une investigation ? Pourquoi diligenter une telle
intervention ? Quelles sont les spécificités méthodologiques
et techniques de ce type de missions, notamment par rapport
aux missions d’audit « traditionnelles » ?
• Comment obtenir réparation du préjudice économique suite à
la mise à jour d’une fraude ?

19
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La fraude en entreprise

• Comment favoriser l’apprentissage organisationnel et éviter


que d’autres malversations ne se reproduisent ?
Pour répondre à ces questions, notre approche se structurera en
quatre parties distinctes :
I. Les enjeux de la fraude en entreprise
Ce chapitre abordera les problématiques de définition de la fraude
en entreprises et présentera les données statistiques permettant de
comprendre l’ampleur du phénomène au niveau international. Un
point sur les évolutions réglementaires et normatives de ces der-
nières années sera effectué.
II. Les modes opératoires de la fraude en entreprise
La lutte contre la fraude suppose une bonne expérience des arché-
types de fraudes pouvant être commises. L’objectif est de répondre
à cet impératif en fournissant une description des grands schémas
de malversations (fraude comptable et détournement de fonds)
à partir de situations réellement observées dans la pratique.
III. La mise en œuvre de programmes anti-fraude
L’approche préventive vise à intervenir sur les procédures pour
renforcer l’environnement de contrôle interne et minimiser la pos-
sibilité de survenance de fraude. Les programmes de prévention
sont élaborés en plusieurs phases successives (conception, mise
en œuvre et contrôle de conformité), chacune de ces phases devant
faire l’objet de tests de validation appropriés. Cela nécessite une
réelle « approche projet » qui se traduit par la mise en commun de
compétences spécifiques internes et souvent externes à l’entreprise :
auditeurs internes, responsables opérationnels, ingénieurs en sys-
tème d’information, spécialistes de la fraude, etc.
IV. L’investigation au cœur du programme anti-fraude
La détection et l’investigation de la fraude sont au cœur des pro-
grammes de lutte anti-fraude car elles permettent de mettre un
terme, dès les premiers soupçons, aux agissements frauduleux. Elles
constituent de ce fait une arme préventive efficace en réduisant le
sentiment d’impunité chez des collaborateurs susceptibles de passer

20
Maxima_Ouaniche_BAT Page 21 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Avant-propos

à l’acte. C’est pourquoi la détection et l’investigation constituent


désormais des compétences prioritaires pour un nombre croissant
d’équipes d’audit interne. L’objet de cette partie est de déterminer
le contexte de ce type de missions, d’en comprendre l’intérêt
économique et d’en délimiter les contours juridiques et déonto-
logiques.
Une méthodologie concrète propre à ce type d’intervention et
détaillant les étapes d’une démarche de détection sera proposée,
de même qu’un certain nombre d’outils opérationnels utilisables
sur le terrain. Un cas concret d’investigation sera enfin présenté
pour illustration.

21
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Première partie

LES ENJEUX
DE LA FRAUDE EN ENTREPRISE
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Maxima_Ouaniche_BAT Page 25 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

I
QU’EST-CE QUE
LA FRAUDE EN ENTREPRISE ?

1. DÉFINITION DE LA FRAUDE

Selon la norme ISA 240 de l’IFAC1 relative à la « Responsabilité de


l’auditeur dans la prise en considération de fraudes dans l’audit
d’états financiers », est constitutif d’une fraude « un acte inten-
tionnel commis par un ou plusieurs dirigeants, par des personnes
constituant le gouvernement d’entreprise, par des employés ou par
des tiers, impliquant des manœuvres dolosives dans le but d’obtenir
un avantage indu ou illégal ».
De cette définition, plusieurs critères fondamentaux peuvent être
retenus.

La commission d’un acte

D’après la norme ISA 240, l’existence d’une fraude réside dans la


commission d’un acte. Cette notion se rapproche de celle d’élément
matériel que l’on trouve dans le droit pénal français, lequel ne punit
pas la simple pensée : pour exister l’infraction doit être matéria-
lisée par un acte.

1. International Federation of Accountants.

25
Maxima_Ouaniche_BAT Page 26 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

La manœuvre dolosive intentionnelle

Pour être caractérisé de fraude, l’acte mis en cause doit avoir été
commis de manière volontaire. Cette exigence est également un
principe fondamental du droit pénal. L’article L121-3 du nouveau
Code Pénal dispose ainsi clairement « qu’il n’y a point de crime
ou de délit sans intention de le commettre ». En pratique, l’appré-
ciation de l’élément intentionnel est particulièrement délicate. Ainsi,
selon la norme précitée, une inexactitude dans les comptes – même
significative – commise de manière involontaire constitue une erreur
et non une fraude. L’intention suppose la conscience et la volonté
d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte. L’emploi de
l’expression « manœuvres dolosives » dans la norme ISA 240 se
rapproche du concept d’élément moral présent dans le droit pénal,
lequel distingue deux types de dols pour caractériser le caractère
intentionnel : le dol général et le dol spécial. Le dol général est
l’intention de commettre un acte que l’on sait interdit par la loi.
Le contenu du dol général est abstrait : en matière de vol, le dol
général est la volonté du voleur d’accomplir son acte en sachant
qu’il viole la loi. Le dol spécial, lui, n’est pas seulement la cons-
cience d’accomplir un acte illicite, c’est aussi la volonté d’atteindre
le résultat spécifiquement incriminé. Dans l’exemple du vol, le dol
spécial est la soustraction de la chose d’autrui.

L’avantage indu ou illégal

La réalisation d’une fraude suppose la recherche par son auteur


d’un « avantage indu ou illégal ». Cet avantage peut être matériel
(en numéraire ou en nature) ou moral (reconnaissance, statut).
L’élément déterminant est que cet avantage a été recherché par des
moyens contraires à la loi, aux textes réglementaires, au règlement
intérieur ou aux statuts de l’entreprise. Ce concept est plus large
que l’élément légal retenu dans le droit pénal, lequel définit que
l’infraction doit être prévue et réprimée par un texte de loi.
« Élément intentionnel », « manœuvres dolosives », « recherche
d’un avantage par des moyens indus ou illégaux » : tels sont les

26
03_CorpsLivre Page 27 Mercredi, 13. mai 2009 3:01 15

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

principaux critères de la fraude retenus par l’IFAC. Notons que la


définition est extrêmement large concernant les personnes pouvant
être à l’origine de fraude. Tout individu peut ainsi être concerné
depuis le simple employé jusqu’au dirigeant de l’entreprise. La
fraude peut également impliquer des tiers tels que des clients, des
fournisseurs, des banques, etc.

2. LES GRANDS TYPES DE FRAUDES

Les natures des fraudes sont multiples et les approches typolo-


giques nombreuses. Schématiquement, retenons qu’il existe deux
grandes catégories de fraudes :
• les détournements d’actifs ;
• les fraudes comptables.

Les détournements d’actifs

Le détournement d’actifs consiste en la subtilisation de biens ou de


fonds appartenant à l’entreprise par des individus isolés ou agissant
de concert.
Les fraudes des employés sont toujours le résultat de l’exploitation
d’une faille dans le système de contrôle interne de l’entreprise.
Elles répondent le plus souvent à une logique d’enrichissement
personnel mais d’autres motivations périphériques peuvent en être
l’origine comme la vengeance ou plus généralement la volonté de
nuire.
Les détournements portent en général sur des éléments monétaires
(détournement de la trésorerie de la société) mais peuvent éga-
lement concerner d’autres éléments d’actifs comme les stocks, les
immobilisations ou les créances clients.
Notons que les détournements commis par les dirigeants requièrent
en général un degré de complexité nettement supérieur et ont des
conséquences financières bien plus importantes pour les entreprises.
La qualification juridique diffère également selon l’auteur des

27
Maxima_Ouaniche_BAT Page 28 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

agissements, les détournements commis par les employés relevant


en général du vol ou de l’abus de confiance, alors que les mêmes
actes commis par les dirigeants sont la plupart du temps constitutifs
du délit d’abus de bien social.

La fraude comptable

La fraude comptable consiste à présenter de manière intentionnelle


des comptes ou une information financière ne représentant pas la
réalité économique de l’entreprise. La fraude comptable peut porter
sur :
• les comptes statutaires ou les comptes consolidés ;
• les données de gestion internes à l’entreprise (reporting,
tableaux de bord) ;
• les données financières communiquées au tiers (communica-
tion financière).
Ce type de fraude se traduit par la manipulation des informations
chiffrées dans le but de tromper le lecteur sur la situation patrimo-
niale et/ou la performance économique de l’entreprise. La fraude
comptable est moins fréquente que les détournements dans la
mesure où elle est nécessairement le fait de personnes haut placées
dans la hiérarchie de l’entreprise (dirigeants, gouvernement d’entre-
prise). Les motivations de ce type d’agissement sont par ailleurs
plus complexes que dans le cas des détournements. Elles peuvent
comme dans le cas précédent résulter d’une volonté d’enrichis-
sement personnel, par exemple si la rémunération des dirigeants est
indexée sur les performances économiques (bonus liés aux résultats
ou au chiffre d’affaires) ou capitalistiques (dans le cadre de la
revente éventuelle d’actions ou de stock-options) de l’entreprise.
Toutefois, dans ce type de schéma, d’autres motivations peuvent
conduire le fraudeur à altérer volontairement les comptes de
l’entreprise. En améliorant artificiellement la situation financière,
il peut chercher par exemple à rassurer les actionnaires, à être
conforté dans son poste en raison de ses bons résultats ou à maintenir
les concours bancaires. Plus rarement, le fraudeur adoptera une

28
Maxima_Ouaniche_BAT Page 29 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

démarche inverse visant à détériorer le résultat. La motivation sera


alors essentiellement d’ordre fiscal1.
Il convient de noter que les fraudes comptables sont en général les
plus coûteuses et peuvent, dans certains cas, conduire à la faillite
de l’entreprise. En effet, dans la mesure où les états financiers
constituent le premier indicateur de performance d’une entité éco-
nomique, leur manipulation peut retarder l’adoption de mesures
correctrices. Parfois, la révélation de la fraude intervient trop tard
et c’est alors la pérennité de l’entreprise qui est compromise.
Notons qu’une distinction essentielle doit être faite entre le concept
de « fraudes comptables » et celui de « comptabilité créative ».
Ce dernier concept, en provenance d’outre-Manche, regroupe
l’ensemble des procédés qui visent à améliorer la présentation
comptable de l’activité et du patrimoine de l’entreprise. Toutefois,
la comptabilité créative reste en principe dans la limite de la
légalité. Les procédés utilisés dans ce cadre s’appuient sur les
options offertes par la règlementation comptable ainsi que sur les
possibilités nées des carences des textes ou bien encore sur les
divergences entre règles comptables locales et internationales.
La fraude comptable en revanche suppose une volonté avérée
d’enfreindre la réglementation.

3. LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FRAUDES

En France comme dans les autres pays, les fraudes sont qualifiées
juridiquement et prennent la forme d’infractions. Comme nous
l’avons évoqué précédemment, trois éléments doivent être carac-
térisés pour constituer une infraction au sens du droit pénal :
• l’élément légal qui implique l’existence d’un texte répressif
spécifique indispensable ;
• l’élément matériel qui nécessite l’identification d’un fait fautif
matérialisé par l’existence de preuves ;

1. La fraude fiscale n’est pas abordée dans ce livre.

29
Maxima_Ouaniche_BAT Page 30 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• l’élément moral caractérisé par une intention coupable au sens


de l’article 121-3 du Code Pénal.
Dans le contexte de la lutte anti-fraude, une bonne connaissance
de ces fondements juridiques est naturellement indispensable.
S’agissant des fraudes comptables, trois types d’infractions
recouvrent la plupart des cas :
• la présentation de comptes sociaux infidèles (art. L242-6 al. 2
et L241-3 al. 3 du Code du Commerce) ;
• la distribution de dividendes fictifs (art. L242-6 al. 1 et L241-3
al. 2 du Code du Commerce) ;
• le faux et l’usage de faux (art. 441.1 du Code Pénal).
S’agissant des détournements d’actifs, la fraude peut prendre
la forme de quatre infractions :
• le vol (art. 311-1 du Code Pénal) ;
• l’abus de confiance (art. 314-1 du Code Pénal) ;
• l’abus de bien social (art. 242-6 al. 3 et 4, art. 241-4 et 5 al. 2
du Code du Commerce) ;
• l’escroquerie (art. 313-1 du Code Pénal).

Qualification juridique de la fraude comptable

La présentation de comptes sociaux infidèles

Présentation de comptes inexacts (art. L242-6 al. 2 et L241-3 al. 3 du


Code du Commerce) désigne le fait de publier ou présenter aux actionnai-
res, même en l’absence de toute distribution de dividendes, des comptes
annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résul-
tat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine,
à l’expiration de cette période, en vue de dissimuler la véritable situation de
la société.

L’absence de comptes sociaux donnant une image fidèle de la


réalité économique de la société est une infraction prévue, tant
pour les sociétés isolées que pour les groupes de sociétés, exposant

30
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Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

leurs auteurs à une peine de cinq ans d’emprisonnement et de


375 000 € d’amende.
Deux conditions préalables sont indispensables à la constitution
du délit, d’une part, l’existence de comptes annuels et d’autre part,
l’infidélité de ces comptes, qui ne sont pas le reflet de la réalité :
• l’élément matériel du délit est un acte de communication qui
prend soit la forme d’une présentation, soit la forme d’une
publication ;
• l’élément moral se compose d’un dol général classique auquel
se superpose un dol spécial, le ou les auteurs ayant agi afin de
dissimuler la véritable situation de la société.

La distribution de dividendes fictifs

Distribution de dividendes fictifs (art. L242-6 al. 1 et L241-3 al. 2 du Code


du Commerce) désigne le fait d’opérer entre les actionnaires la répartition
de dividendes fictifs, en l’absence d’inventaire, ou au moyen d’inventaires
frauduleux.

À l’instar du délit d’image infidèle, la distribution de dividendes


fictifs passe par une action explicite envers les actionnaires et
repose sur des artifices comptables visant à majorer le résultat.
L’action consiste en la distribution d’un dividende fictif au sens de
l’article 232-12 du Code du Commerce. Notons que le terme de
« distribution » est trompeur puisqu’il n’est nullement nécessaire,
en effet, que les actionnaires aient effectivement perçu les sommes
pour que l’infraction soit constituée. La jurisprudence retient que
le délit est commis dès lors que les dividendes sont mis à la dispo-
sition des actionnaires. Il n’y a donc pas encore délit lors de
l’approbation du bilan par l’assemblée générale ordinaire. Mais
l’élément de l’infraction sera constitué lors de la décision de
l’organe compétent ordonnant le paiement des dividendes1.

1. Stolowy, Nicole : « Étude comparative du délit de distribution de dividendes


fictifs et du délit de publication ou présentation de comptes annuels “infidèles” »,
La Semaine Juridique, Édition Affaires, Doctrine, 2000.

31
Maxima_Ouaniche_BAT Page 32 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Le faux et l’usage de faux

Faux et usages de faux (art. 441.1 du Code Pénal) désigne toute altération
frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par
quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expres-
sion de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la
preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. Le faux
et l’usage de faux sont punis de trois ans d’emprisonnement et de
45 000 € d’amende.

La définition de l’article 441-1 du Code Pénal permet de distinguer


quatre éléments constitutifs principaux de ce délit : le document,
support matériel du faux, l’altération de la vérité, le préjudice
susceptible d’en résulter et l’intention coupable de son auteur.
Le faux porte presque toujours sur un document écrit, c’est-à-dire
un support matériel. Notons que le faux n’est punissable que si le
document a pour objet ou peut avoir pour effet d’établir la preuve
d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques.
L’altération de la vérité désigne toutes les formes de mensonge ou
de tromperie commises avec une intention frauduleuse.
Le préjudice constitue un élément de l’infraction, mais est diffi-
cile à cerner : outre le fait que le préjudice peut être simplement
possible, la jurisprudence estime dans de nombreux cas sa cons-
tatation superflue.
Enfin, l’intention frauduleuse est caractérisée par la simple
conscience d’une altération de la vérité susceptible de causer un
préjudice.
Le faux peut par exemple s’appliquer aux situations de falsification
des reportings ou des données comptables par un directeur d’acti-
vité dans le but de tromper sa hiérarchie et d’obtenir un avantage
indu (bonus, par exemple).

32
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Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

Qualification juridique de la dissipation de fonds


et biens de la société

Le vol

Vol (art. 311-1 du Code Pénal) : soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.

Le vol concerne principalement le détournement d’actifs corporels


(stocks) commis par les salariés.
La définition de l’article 311-1 du Code Pénal permet de distinguer
trois éléments distinctifs :
• la chose volée est un meuble corporel appartenant à autrui ;
• l’élément matériel du vol est une soustraction frauduleuse qui
est généralement un rapt de la chose. Selon la Chambre cri-
minelle de la Cour de cassation dans un arrêt en date du
18 novembre 1837, il y a soustraction « lorsque la chose objet
du délit passe de la possession du légitime détenteur dans
celle de l’auteur du délit, à l’insu et contre le gré du premier ;
pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir » ;
• le caractère « frauduleux » et donc intentionnel de cette sous-
traction.
Notons que le vol est un délit public et peut donc être poursuivi
indépendamment de toute plainte de la victime. Le comportement
de celle-ci ne peut avoir d’effet que sur l’action civile mais ne peut
pas empêcher les poursuites.

L’abus de confiance

Abus de confiance (art. L.314-1 du Code Pénal) le fait par une personne
de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quel-
conque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre,
de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

33
Maxima_Ouaniche_BAT Page 34 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Deux conditions préalables sont nécessaires pour caractériser l’abus


de confiance :
• l’existence d’un accord de volonté, entre le propriétaire et
l’agent, par lequel ce dernier doit lui restituer la chose confiée
ou en faire un usage déterminé ;
• une remise volontaire et précaire de la chose par le propriétaire
(par opposition au vol qui consiste en un rapt involontaire) ;
Ces deux conditions posées, l’abus de confiance suppose la réunion
des éléments constitutifs suivants :
• le détournement par dissipation, changement de destination
ou acte de disposition sur la chose remise ;
• l’existence d’un préjudice causé à la victime (préjudice matériel
et préjudice moral).
L’abus de confiance est un délit fréquent. Il est en effet très souvent
applicable aux cas de détournements de fonds commis au sein de
l’entreprise.
Les sanctions peuvent aller jusqu’à 375 000 € d’amende et 3 ans
d’emprisonnement.

L’abus de bien social

Abus de bien social (art. L242-6 al. 3&4 et L241-4&5 al. 2 du Code du
Commerce) consiste à faire, de mauvaise foi, un usage des biens ou du crédit
de la société qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins person-
nelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont
intéressés directement ou indirectement.

Infraction phare du droit pénal des affaires, l’abus de bien social


a pu être qualifié par les spécialistes de « monstre juridique »1 et de
« concept attrape-tout » tant son champ d’application est étendu.
Destiné à sanctionner la confusion entre les patrimoines respectifs

1. Jeandidier, Wilfried : « L’abus de biens sociaux, un monstre juridique ? »,


Cahier de droit de l’entreprise n° 1, Janvier-Février 2006.

34
Maxima_Ouaniche_BAT Page 35 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

de la société et des dirigeants, ce délit a ouvert la voie à une inter-


prétation jurisprudentielle très large des notions de crédit social
et d’intérêt social.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour caractériser l’abus
de bien social :
L’usage par le dirigeant des biens ou du crédit de la société. La
notion de « biens » est entendue dans son acception la plus large,
il peut s’agir de biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou
incorporels. Le délit d’abus de bien social s’applique ainsi à tous
les actifs de la société : meubles, voitures, argent liquide, marchan-
dises, stocks, créances, marques, commandes et même clientèle.
Il est également constitué chaque fois que le crédit de la société
est utilisé.
L’usage contraire à l’intérêt social. Pour qu’il y ait abus de bien
social, il faut que le dirigeant fasse des biens un usage contraire à
l’intérêt de la société. Ainsi l’utilisation par un dirigeant à des fins
personnelles, d’un véhicule appartenant à la société peut constituer
un délit d’abus de bien social. En général, les juges considèrent
que la simple utilisation des biens de l’entreprise peut porter pré-
judice à celle-ci. Certains engagements financiers pris au nom de
la société, comme la garantie d’une dette personnelle, sont égale-
ment constitutifs de l’abus de bien social car ils portent atteinte au
patrimoine de l’entreprise, lui font courir un risque et amputent sa
capacité d’emprunt. Le versement de commissions visant à cor-
rompre un homme politique constitue également un abus de bien
social, depuis le revirement de jurisprudence datant de 1997 (arrêt
Carignon) qui précise que « quel que soit l’avantage à court terme
qu’elle peut procurer, l’utilisation des fonds sociaux pour la cor-
ruption est un acte contraire à l’intérêt social ».
La prise d’intérêt personnel directe ou indirecte. En principe,
un dirigeant qui commet un acte répréhensible (corruption, emploi
fictif, etc.) dans le seul intérêt de la société ne peut pas être
condamné sur le plan pénal pour abus de bien social. Il n’y a d’abus
de bien social que si le dirigeant a agi dans son intérêt personnel,
direct ou indirect. Cependant, nous venons d’indiquer dans le pré-

35
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La fraude en entreprise

cédent paragraphe qu’un dirigeant peut être sanctionné au titre de


l’abus de bien social pour avoir commis des actes répréhensibles,
en particulier des actes de corruption, dans le seul intérêt de la
société.

L’escroquerie

L’escroquerie (art. 313-1 du Code Pénal) désigne le fait, soit par l’usage
d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie,
soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne
physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préju-
dice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à
fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de


375 000 € d’amende. Pour être qualifiée d’escroquerie, une fraude
doit réunir les éléments constitutifs suivants :
• La commission d’un acte positif consistant à avoir usé d’un faux
nom ou d’une fausse qualité, abusé d’une qualité vraie ou utilisé
des manœuvres frauduleuses. Une abstention, une omission,
un silence, une réticence aussi coupables soient-ils, ne consti-
tuent pas des manœuvres frauduleuses. Il n’y a pas davantage
escroquerie à laisser la future victime se tromper elle-même.
• Un élément matériel : l’escroquerie implique que l’auteur se
soit vu remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque.
Elle ne concerne donc pas que des biens corporels mais peut
aussi porter sur les biens immatériels et les services.
• Un élément intentionnel : l’escroquerie requiert la conscience
chez l’agent d’user de l’un des moyens incriminés. L’escroc
n’est pas celui qui se trompe, mais celui qui trompe sa victime.

4. PRINCIPAUX ÉLÉMENTS STATISTIQUES


Les enquêtes de référence
Les rapports statistiques sur les fraudes se sont multipliés ces der-
nières années, sous l’impulsion des firmes d’audit internationales.

36
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Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

Leur développement constitue en lui-même un symptôme de


l’importance du phénomène.
Effectuées à partir d’échantillons d’entreprises, de secteurs d’acti-
vité et de périmètres différents, ces études permettent d’appréhender
la réalité de la fraude en entreprise et débouchent toutes sur le même
constat : celui d’une pandémie généralisée.
L’analyse qui suit repose sur les études suivantes :
• l’enquête mondiale PricewaterhouseCoopers 2007 réalisée
par l’agence indépendante TNS-EMNID en collaboration
avec l’Economy and Crime Research Center de l’Université
Martin-Luther de Halle-Wittenberg. Cette enquête repose sur
des entretiens avec plus de 5 400 entreprises réparties dans
40 pays dont 150 en France ;
• le Report to the Nation 2008 réalisé par l’ACFE. Cette asso-
ciation américaine délivre à ses adhérents le diplôme de
« Certified Examiners » (littéralement « analystes certifiés »)
et met à leur disposition une base documentaire sur la fraude
en entreprise. Le « Rapport à la Nation » synthétise les 959 cas
de fraudes investiguées par les « fraud examiners » entre
janvier 2006 et février 2008 sur le territoire américain ;
• l’enquête mondiale Ernst & Young 2008 sur la corruption
et la fraude en entreprise. Cette étude a été réalisée à partir de
1 186 interviews anonymes, dont 50 interviews dans des entre-
prises françaises ;
• l’étude KPMG 2007, intitulée « profil du fraudeur » réalisée
à partir des investigations menées par ce cabinet.

Synthèse des résultats des enquêtes


La fraude n’est pas un phénomène rare dans la vie de l’entreprise
Les différentes études statistiques disponibles s’accordent pour
considérer que la fraude en entreprise est un phénomène généralisé :
• Selon l’étude PricewaterhouseCoopers 2007, près d’une entre-
prise sur deux (43 % dans le monde, 38 % en Europe de l’Ouest
et 40 % en France) affirme avoir été victime d’actes de

37
Maxima_Ouaniche_BAT Page 38 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

délinquance économique au cours des deux dernières années.


Quoiqu’en légère baisse par rapport aux études précédentes
réalisées par PwC, ce résultat confirme que les risques de
fraudes restent majeurs pour l’entreprise.
• Selon l’étude de l’ACFE 20081, les entreprises perdent en
moyenne 7 % de leur chiffre d’affaires à cause de la fraude.
Rapporté au PIB des États-Unis, ce pourcentage représenterait,
selon l’ACFE, une perte de près de 994 milliards de dollars
causée par la fraude aux États-Unis chaque année.
• L’étude Ernst & Young 2008 met quant à elle l’accent sur
l’importance des problèmes de corruption. Selon cette étude,
un quart des entreprises interrogées déclarent avoir connu un ou
plusieurs cas de corruption au cours des deux dernières années,
23 % affirment avoir fait l’objet d’une demande de commission
occulte pour conserver ou gagner un marché et 18 % recon-

1 000 000 $ et plus 25,3 %


24,4 %

500 000 $ - 999 999 $ 9,6 %


8,8 %

100 000 $ - 499 999 $ 28,2 %


29,1 %

50 000 $ - 99 999 $ 11,2 %


11,6 %

10 000 $ - 49 999 $ 16,8 %


15,8 %

1 000 $ - 9 999 $ 7,0 %


9,1 %

1,9 % 2008
moins de 1 000 $
1,2 % 2006

0% 5% 10 % 15 % 20 % 25 % 30 %
en % des cas

Montant du préjudice déclaré


Source : Report to the Nation 2008, ACFE.

1. Association of Certified Fraud Examiner – Organisme de référence aux États-


Unis qui publie une étude annuelle sur les fraudes rapportées aux États-Unis.

38
Maxima_Ouaniche_BAT Page 39 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

naissent avoir perdu un marché au profit d’un concurrent qui


aurait versé une commission occulte. Plus d’un tiers des per-
sonnes interrogées considèrent même que le problème de la
corruption se serait aggravé au cours des dernières années. De
manière surprenante, les entreprises françaises se disent au
contraire peu exposées aux pratiques frauduleuses : seulement
6 % des personnes interrogées en France affirment qu’un cas
de corruption ou de fraude se serait déjà produit dans leur
entreprise.

La fraude ne connaît pas de frontières

L’étude PwC 2007 indique que le pourcentage des entreprises


touchées est partout très significatif (38 % en Europe de l’Ouest et
43 % dans le reste du monde), mais la moitié des pertes financières
mondiales se concentrerait sur les sept pays émergents : Brésil,
Chine, Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie. Notons toute-
fois que ce chiffre est encore très largement sous-évalué puisque
l’étude repose sur une base déclarative. Ainsi, les chiffres commu-
niqués ne prennent pas en compte les fraudes non découvertes.

La fraude touche l’ensemble des secteurs d’activités

L’étude ACFE 2008 réalisée aux États-Unis indique que les secteurs
où la fraude est la plus fréquente sont ceux de la finance, des services
publics, de la santé, de l’industrie et de la grande distribution.
S’agissant du coût moyen de la fraude, ce sont en revanche les sec-
teurs des télécommunications, de l’agroalimentaire et de l’industrie
qui sont le plus touchés.
Selon l’étude PwC 2007, le taux de cas de fraude varie selon les
secteurs de 27 % à 57 %, les secteurs les plus touchés étant ceux
de la distribution, de la finance/assurance, du service public et des
produits de grande consommation.
Enfin, selon l’étude KPMG 2007, l’ensemble des secteurs sont
concernés même si les secteurs de la pharmacie et des biotechno-
logies semblent moins touchés

39
Maxima_Ouaniche_BAT Page 40 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Assurance 57 %
Distribution et consommation 57 %
Service Public 54 %
Services financiers 46 %
Automobile 44 %
Divertissement et média 42 %
Industrie manufacturière 42 %
Communication 40 %
Ingénierie et construction 40 %
Transport et logistique 37 %
Chimie 35 %
Énergie, « utilities » et extractions minière 35 %
Technologie 35 %
Aérospatial et défense 33 %
Santé 33 %
Industrie pharmaceutique 27 %
Autres secteurs 47 %

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 %

Entreprises déclarant des fraudes par secteur (dans le monde)


Source : Étude Fraude 2007. PricewaterhouseCoopers.

Les entreprises de toutes tailles sont concernées par la fraude

De façon surprenante, l’étude PwC 2007 montre que les grandes


entreprises de plus de 5 000 salariés recensent deux fois plus de
fraudes que les PME de moins de 200 salariés. Les grandes entre-
prises disposent certes de dispositifs de contrôle interne plus éla-
borés que dans les structures plus réduites. Toutefois, elles souffrent
souvent d’une mauvaise application de procédures trop nombreuses
et d’une définition insuffisante des responsabilités. Dans les petites
entreprises, l’intuitu personae renforcé semble constituer un frein
à la fraude des employés.
L’étude de l’ACFE 2008 précise que les impacts relatifs d’une
fraude sur les PME sont souvent beaucoup plus graves que dans les
entreprises de plus grande taille qui disposent d’une plus grande
capacité à amortir les chocs.

40
Maxima_Ouaniche_BAT Page 41 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

Les conséquences sont coûteuses pour les entreprises

Les fraudes représentent un coût considérable pour les entreprises


victimes.
L’étude ACFE 2008 chiffre le coût médian des fraudes recensées
aux États-Unis à 175 000 $, un quart des fraudes recensées ayant
causé des pertes de plus d’un million de dollars. Selon la même
étude, les fraudes sur les états financiers sont de loin les plus coû-
teuses (2 millions de dollars en moyenne), suivi par la corruption
(0,4 million de dollars). Les détournements d’actifs représentent un
coût nettement moindre (150 000 $) mais une fréquence beaucoup
plus élevée : 88,7 % contre 10,3 % pour les fraudes comptables.
L’étude PwC 2007 est encore plus alarmiste puisqu’elle estime le
coût de la fraude en France en moyenne à 2,8 millions d’euros
pour les entreprises victimes. Ce montant est nettement supérieur
à la moyenne constatée en Europe de l’Ouest (1,6 million d’euros)
et dans le monde (1,7 million d’euros) en raison de la part signifi-
cative de la contrefaçon. En effet, dans cette catégorie de fraude,
la perte financière est en moyenne de 6,4 millions d’euros en France,
contre seulement 2,1 millions d’euros en Europe de l’Ouest et
1,4 million d’euros dans le monde.
Notons que les pertes subies par les entreprises ne sont, selon
l’étude PwC, que rarement récupérées dans leur totalité. Seulement
22 % des entreprises parviendraient ainsi à récupérer plus de 60 %
des sommes détournées.
Si le préjudice financier direct est particulièrement élevé, les
répercussions indirectes sont de loin les plus nuisibles pour les
entreprises. Selon l’étude PwC, les conséquences indirectes des
fraudes les plus citées sont la baisse du cours de bourse, la dégra-
dation des relations commerciales, de l’image de marque et de la
réputation ou encore la perte de motivation du personnel.

41
Maxima_Ouaniche_BAT Page 42 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Tout le monde peut commettre une fraude

Si vous êtes :
• un homme ;
• expérimenté (plus de 30 ans) ;
• avec une situation familiale stable ;
• n’ayant pas d’antécédent judiciaire ;
• jouissant d’une bonne santé psychologique ;
• disposant d’une bonne connaissance des systèmes comp-
tables ;
• bénéficiant de la confiance de votre hiérarchie.
Sachez que vous présentez le profil parfait du fraudeur !
Ce constat, qui ne remet nullement en cause votre niveau d’inté-
grité, démontre que les fraudeurs en entreprise dans leur grande
majorité ne sont pas des escrocs de grand chemin. Il s’agit la plupart
du temps de personnes relativement honnêtes sans antécédents
particuliers et que les circonstances vont pousser à commettre une
malversation.
Position

Autres employés 45 %
Middle management 26 %
Senior / Top management 29 %
plus de 50 ans 8%
de 41 à 50 ans 23 %
Âge

de 31 à 40 ans 65 %
moins de 30 ans 4%
Femme 7%
Sexe

Homme 93 %
plus de 10 ans 18 %
ce poste
Occupe

depuis

de 6 à 10 ans 27 %
de 3 à 5 ans 23 %
moins de 2 ans 32 %
plus de 10 ans 29 %
Niveau l’entreprise
Travaille

depuis

de 6 à 10 ans 24 %
dans

de 3 à 5 ans 29 %
moins de 2 ans 19 %
Lycée ou moins 50 %
d’étude

Bac 27 %
Bac + 23%

0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %
% des fraudes rencontrées

Profil du fraudeur (France)


Source : Étude Fraude 2007, PricewaterhouseCoopers.

42
Maxima_Ouaniche_BAT Page 43 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

Notons que 86 %1 des fraudes impliqueraient un membre de la


direction de l’entreprise. Ce constat met en évidence l’importance
des fraudes commises par les dirigeants dans la mesure où ces
derniers disposent d’informations sensibles et d’une capacité à
contourner les contrôles mis en place.

Les fraudes sont multiples et protéiformes

Selon l’étude PwC 2007, le détournement d’actifs est la première


catégorie de fraudes en France (30 %), suivi par la contrefaçon
(15 %), la fraude comptable (10 %) et la corruption (3 %). Il est
intéressant de constater que les entreprises sont en général victimes
de plusieurs fraudes simultanément. Comme nous le verrons en
effet plus tard, la fraude comptable et le faux constituent souvent
le corollaire d’autres infractions comme le détournement de fonds
ou la corruption, dans la mesure où l’auteur de ces fraudes cherche
en général à dissimuler l’opération par la production de faux docu-
ments et/ou d’écritures comptables irrégulières.

Violation de propriété 15 %
14 %
intellectuelle 15 %

1%
Blanchiment 4%
4% France
Europe de l’Ouest
3% Monde
Corruption 6%
13 %

10 %
Fraude comptable 8%
12 %

30 %
Détournement d’actifs 25 %
30 %

0% 5% 10 % 15 % 20 % 25 % 30 %
% d’entreprises

Fraude rapportée par les entreprises


Source : Étude Fraude 2007, PricewaterhouseCoopers.

1. Étude KPMG 2007.

43
Maxima_Ouaniche_BAT Page 44 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

L’étude de l’ACFE aboutit à la même conclusion : si 88,7 % des


fraudes commises concernent les détournements de fonds, le
rapport montre toutefois clairement que les fraudes ne sont que
rarement commises seules. La plupart du temps, les détournements
s’accompagnent en effet de corruption ou de falsification comp-
table. Le rapport de l’ACFE cite ainsi l’exemple d’un directeur
financier qui accepterait une retro-commission afin de procéder au
paiement d’une fausse facture. Ce type de fraude implique en effet
un élément de corruption, un élément de détournement de fonds
ainsi qu’une éventuelle fraude comptable visant à camoufler
l’opération.

27,4 %
Corruption
30,8 %

10,3 %
Fraude comptable 2008
10,6 %
2006

88,7 %
Détournement d’actifs
91,5 %

0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 %

en % des cas

Fréquences des fraudes commises


Source : Report to the Nation 2008, ACFE.

Enfin, l’étude KPMG 2007 souligne que plus de 90 % des fraudes


rapportées ne sont pas le produit d’actes isolés mais d’un nombre
multiple de transactions. Ainsi, dans plus de 65 % des cas, l’auteur
des faits a volé, détourné, accepté des pots-de-vin plus de 10 fois
de suite, et un tiers d’entre eux plus de 50 fois.

44
Maxima_Ouaniche_BAT Page 45 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

9%

91 %
Actes / transactions multiples
Acte / transaction unique

Source : Étude KPMG 2007, Profil du fraudeur.

La plupart des fraudes s’étalent sur une longue durée

Les fraudes isolées sont relativement rares. La plupart du temps,


les actes frauduleux sont commis de façon répétée sur une durée
pouvant aller jusqu’à plusieurs années. Le schéma classique se
réalise en trois phases :
Phase 1 : Le test
Le fraudeur découvre une opportunité de malversation. Dans un
premier temps, il va tester le mode opératoire en l’appliquant sur
des montants faibles afin de valider l’absence de contrôle.
Phase 2 : La mise en exploitation
Encouragé par l’absence de sanction, le fraudeur va répéter son
mode opératoire sur des montants plus élevés mais néanmoins
suffisamment faibles pour ne pas être repérés.
Phase 3 : Le faux pas
Le fraudeur est confronté à un besoin exceptionnel (pression sur
le résultat par exemple dans le cas d’états financiers frauduleux ou
besoin d’argent dans le cas de détournement de fonds). Pour y
répondre, il décide de renouveler le schéma exploité précédemment
mais cette fois-ci pour des montants beaucoup plus élevés. C’est
en général à ce moment seulement que la fraude peut-être détectée
en raison du dépassement des seuils d’activation des contrôles. La
plupart du temps malheureusement, l’alarme est donnée très tard,

45
Maxima_Ouaniche_BAT Page 46 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

et les actes qui ont pu être réalisés au cours de cette phase sont de
loin les plus dommageables pour l’entreprise.
Selon l’ACFE, la durée médiane des fraudes commises est com-
prise entre 17 mois (pour les détournements de caisse) et 30 mois
(pour les falsifications de chèques et les manipulations portant sur
les états financiers).

35

30
Durée de la fraude (en mois)

30 30
25
25 24 24
20

15 17

10

0
Chèques Fraudes Salaires Corruption Notes Détournement
falsifiés comptables fictifs de frais de caisse

Type de fraude

Durée moyenne par type de fraude


Source : Report to the Nation 2008, ACFE.

La plupart des fraudes sont découvertes accidentellement


ou à l’occasion de dénonciations

Les différentes études conduites montrent que la plupart des fraudes


ont été découvertes accidentellement ou sur la base de dénonciations
et non à l’occasion de contrôles :
• selon l’étude KPMG 2007, plus de 33 % des fraudes ont été
révélées par ce biais alors que seulement 10 % ont été décelées
à l’occasion de contrôles externes ;
• les résultats de l’étude ACFE 2008 sont encore plus éloquents
puisque selon cette dernière 38 % des fraudes en entreprises

46
Maxima_Ouaniche_BAT Page 47 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

ont été découvertes à partir d’une dénonciation et 31 % par


accident. Les contrôles externes ne représentent quant à eux
que 10 % des cas de détections ;
• l’étude PwC 2007 aboutit à la même conclusion avec 41 % des
fraudes détectées par chance.

20
Autre 15
16
3
Par hasard 6
7

1
Enquête de police 3
4

7
Information externe 13
13
36
Information interne 21
26

8
hotline / whistleblowing 4
8
1
Rotation du personnel 3
3
France
3
Sécurité interne 4
4 Europe de l’Ouest
5 Monde
Alertes 3
5

1
Fraud risk management 4
4
14
Audit interne 15
19

0 5 10 15 20 25 30 35 40
En % des fraudes découvertes

Méthodes de détection des fraudes


Source : Étude Fraude 2007. PricewaterhouseCoopers.

Il serait toutefois inexact de conclure sur la base de ces résultats


à l’inefficacité des contrôles externes. Comme nous le verrons plus
loin, les procédures mises en œuvre par les commissaires aux
comptes n’ont pas comme objet principal de détecter la fraude mais
bien d’obtenir l’assurance raisonnable du respect de l’image fidèle
des comptes et de l’absence d’anomalie significative résultant de
fraudes ou d’erreurs.

47
Maxima_Ouaniche_BAT Page 48 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Ces études montrent en revanche l’importance des programmes


d’alertes professionnelles qui consistent à permettre aux salariés
de communiquer d’éventuelles malversations graves à un service
indépendant de la direction. Cette procédure en provenance des
États-Unis continue de susciter beaucoup de réticences en France
où l’on craint de la voir se transformer un système de délation géné-
ralisée. Toutefois, le contrôle instauré par la CNIL et notamment
la restriction de l’usage des hotlines aux cas exceptionnellement
graves devrait permettre d’améliorer le système de détection tout
en préservant le nécessaire respect des personnes.
Sur ce point, des progrès en termes de qualité de la communication
restent à accomplir en France puisque, selon l’enquête Ernst
& Young 2008, seules 4 % des personnes interrogées considèrent
que ces lignes d’alerte éthiques seraient efficaces pour prévenir le
risque de corruption, contre 23 % dans l’Europe de l’Ouest et 28 %
dans le monde.
Les principales raisons de réticence évoquées sont la crainte de
représailles de la part du management ou de collègues. Une précé-
dente enquête réalisée par le cabinet Ernst & Young en 2006 apporte
sur ce point un éclairage particulièrement intéressant : si 91 % des
salariés français s’accordent sur le fait qu’une entreprise se doit de
protéger les employés signalant une fraude, ils ne sont plus que
81 % à faire confiance à leur employeur pour protéger leurs droits
en cas de besoin. Toutefois, s’ils devaient signaler un cas de fraude
les salariés français – à l’instar des autres Européens – s’adresse-
raient en priorité à leur supérieur hiérarchique direct. Un point
commun réunit tous les Européens : très peu d’entre eux s’adres-
seraient à la police ou iraient parler directement aux personnes
impliquées.

5. LES CONDITIONS DE LA FRAUDE

L’analyse des facteurs conduisant à la réalisation de fraudes sont


au cœur de nombreuses recherches statistiques et criminologiques.

48
Maxima_Ouaniche_BAT Page 49 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

Le modèle le plus célèbre est celui du « Triangle de la fraude »


de Cressey1 illustré par le schéma ci-après.
Ce modèle, conçu il y a plus de cinquante ans, n’a rien perdu de son
actualité et trouve à s’appliquer dans la plupart des cas de fraudes
rencontrés. Le triangle de la fraude met en avant trois conditions
générales qui, lorsqu’elles sont réunies, engendrent une situation
de risque de fraude, à savoir :

Opportunité

Pression /
Rationalisation
Motivation

• l’existence d’une motivation ou d’un facteur de pression


s’exerçant sur l’individu ;
• l’existence d’une opportunité liée à une faille dans les processus
de contrôle de l’entreprise ;
• la possibilité de rationalisation des actes offerte par les cir-
constances.

Motivation du fraudeur

La fraude est rarement un acte neutre pour l’individu qui la commet.


Elle oblige en effet son auteur à enfreindre les règles communes

1. Cressey, D.R. : Other People’s Money: A Study in the Social Psychology of


Embezzlement, 1953

49
03_CorpsLivre Page 50 Mercredi, 13. mai 2009 3:02 15

La fraude en entreprise

de la vie en société (lois, règlements, principes moraux). L’auteur


de la fraude est en général conscient des conséquences personnelles
graves qu’il devrait endurer s’il venait à être démasqué. Frauder
constitue donc d’abord une prise de risque élevée qui suppose une
motivation forte. Cette motivation est le plus souvent à envisager
sous l’angle des multiples pressions exercées sur le sujet par son
environnement.
En ce qui concerne la fraude comptable, ces pressions peuvent par
exemple être liées à :
• des circonstances exceptionnelles pouvant menacer la profita-
bilité ou la pérennité financière de l’entreprise ;
• l’impossibilité des banques, pour le fraudeur de répondre au
degré d’exigence des marchés, des tiers ou de sa hiérarchie ;
• la nécessité de maintenir le cours de bourse ou le rating d’endet-
tement établi par les organismes de notation ;
• la volonté de maximiser la valorisation de l’entreprise dans le
cadre d’une revente ou d’une introduction en bourse.
Concernant les détournements d’actifs, la motivation principale est
bien entendu l’enrichissement personnel. Selon le rapport KPMG
2007, plus de 47 % des fraudes commises l’ont été par appât du
gain. Cette motivation peut être liée à des difficultés financières
personnelles ou encore à l’incapacité d’assurer un train de vie
trop élevé. Elle peut également résulter d’une confusion entre le
patrimoine de l’entreprise et le patrimoine personnel.

Existence d’une opportunité

Certaines circonstances sont de nature à tenter des personnes qui,


en temps normal, n’ont pas l’habitude d’agir malhonnêtement. Pour
qu’une fraude puisse intervenir, il faut que son auteur ait la convic-
tion qu’il peut agir impunément. L’insuffisance ou l’absence de
contrôle interne, le manque de supervision, l’absence de séparation
entre les tâches sont à l’origine de telles opportunités.
Les facteurs de risques pouvant conduire à la manipulation des
comptes sont les suivants :

50
Maxima_Ouaniche_BAT Page 51 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

• l’insuffisance de supervision des dirigeants par le gouvernement


d’entreprise et les organes indépendants ;
• certaines spécificités économiques et comptables propres à
l’activité de l’entreprise. Par exemple, dans le secteur du bâti-
ment, la complexité des mécanismes de suivi des chantiers peut
faciliter la falsification des données de gestion visant à justifier
des taux d’avancement et de rentabilité erronés ;
• le rapport de force favorable à l’entreprise dans sa relation aux
tiers (clients, fournisseurs banques). Une entreprise dominante
peut en effet imposer plus facilement à ses partenaires des tran-
sactions indues ;
• le degré élevé de complexité organisationnelle de l’entreprise
pouvant faciliter la dissimulation des fraudes aux organes de
contrôles.

Possibilité de rationalisation

Dernière condition à la réalisation d’une fraude : la possibilité


offerte au fraudeur de rationaliser ses actes. Le degré d’honnêteté
est évidemment variable selon les individus. De ce point de vue, la
propension à commettre des fraudes dépend d’abord des principes
éthiques qui guident les actions de chaque personne. Toutefois,
certaines circonstances sont plus génératrices de risques dans la
mesure où elles offrent un cadre propice à l’autojustification des
transgressions commises. Il est en effet nécessaire à la majorité
des individus de conserver une perception positive d’eux-mêmes.
Peu de personnes sont en effet capables d’assumer un conflit ouvert
entre leurs actes et leur système de valeurs morales. Ce souci de
cohérence oblige en général les fraudeurs à trouver des justifica-
tions visant à rationaliser leurs actes afin de les rendre conformes
aux principes moraux qui structurent leur identité. La rationalisation
peut ainsi consister à :
• dire que la fraude était justifiée et inévitable pour protéger les
intérêts de l’entreprise : « sans cette manipulation, les concours
bancaires auraient cessé et l’entreprise aurait été perdue »,
« la survie des emplois justifie cet acte » ;

51
Les motivations de la fraude comptable (1/2)

Amélioration
/ Minoration
Situation Raisons de la fraude
de la situation
financière

L’entreprise ne parvient pas Majoration L’annonce de résultats en-deçà des chiffres attendus peut conduire à un mouvement
à satisfaire aux exigences de vente massif conduisant à la baisse de la valeur des actions.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 52 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

des analystes financiers. La fraude comptable vise à améliorer la présentation des données financières de manière
à satisfaire les actionnaires en atteignant les résultats fixés par les analystes.

52
L’entreprise vient de changer Minoration Il est habituel dans le cadre d’un changement de direction (lors d’une prise de contrôle
de direction. par exemple) que les comptes du premier exercice soit alourdis artificiellement à dessein
afin d’en faire porter la responsabilité sur l’équipe précédente.
La fraude en entreprise

Les actionnaires envisagent Majoration La fraude vise à surévaluer la valeur des actions introduites / vendues afin de maximiser
une introduction en bourse / la plus-value.
une vente de leurs titres.

L’entreprise fait face à une Minoration La fraude vise à présenter des résultats tels que les salariés seront contraints de revoir
forte pression syndicale. leurs exigences salariales à la baisse.

L’entreprise est vulnérable Majoration À la suite d’une OPA hostile, il est fréquent que la direction soit remplacée. Pour l’équipe
à une OPA hostile. en place, la fraude vise à surévaluer la valeur des titres afin de rendre l’entreprise moins
vulnérable à une prise de contrôle.
Les motivations de la fraude comptable (2/2)

Amélioration
/ Minoration
Situation Raisons de la fraude
de la situation
financière

La rémunération variable des Majoration La fraude vise à maximiser le résultat pour augmenter le montant de la rémunération
dirigeants est indexée sur variable.
les résultats de l’entreprise.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 53 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

L’entreprise rencontre Majoration Dissimuler la gravité de la situation vis-à-vis des tiers et des salariés.
des difficultés financières. Éviter l’obligation légale de recapitalisation.

53
Obtenir ou maintenir les concours accordés par les organismes de crédit.
Retarder la constatation de la date de cessation des paiements.

Les actionnaires souhaitent Majoration Distribution de dividendes fictifs.


obtenir des liquidités.

L’entreprise souhaite s’en- Majoration Présenter des garanties accrues aux organismes de crédit.
Qu’est-ce que la fraude en entreprise ?

detter pour financer son


developpement.

L’entreprise cherche a dimi- Minoration Minoration du résultat fiscal et de la base de la participation.


nuer sa charge fiscale et la
participation des salariés.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 54 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• mettre l’accent sur l’aspect temporaire de l’acte : « Il ne s’agis-


sait que de lisser les résultats sur les deux exercices » ; « il ne
s’agissait que d’un emprunt que je comptais bientôt rembour-
ser » ;
• banaliser l’acte : « C’est une pratique communément admise
dans ce secteur d’activité » ; « les sommes en jeu sont dérisoires
par rapport aux masses gérées par l’entreprise » ;
• se poser en victime : « Ma rémunération n’est pas en relation
avec mes efforts, je ne fais que me rendre justice ».

54
Maxima_Ouaniche_BAT Page 55 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

II
LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FINANCIÈRE :
UN ENJEU D’ACTUALITÉ

1. LE DURCISSEMENT DES EXIGENCES JURIDIQUES


ET NORMATIVES

De nouvelles contraintes légales pour les entreprises

Les scandales financiers récents ont suscité des réactions brutales


des législateurs dans les pays concernés. La communauté mondiale
a répondu de façon unanime au climat de suspicion autour de la
communication financière des entreprises. Les principaux axes
d’amélioration proposés concernent :
• la transparence et l’exactitude des informations divulguées
par les entreprises ;
• l’efficacité du gouvernement d’entreprise et l’indépendance
des contrôleurs internes ;
• la fiabilité du contrôle interne de l’entreprise et des travaux
des vérificateurs externes.
Le durcissement des contraintes réglementaires et législatives a
commencé aux États-Unis avec la promulgation de la loi Sarbanes-
Oxley en juillet 2002.
Cette loi impose de nouvelles contraintes organisationnelles aux
entreprises cotées qui passent notamment par une formalisation très
poussée des procédures internes en matière financière et comptable.

55
Maxima_Ouaniche_BAT Page 56 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

La loi introduit l’obligation pour le directeur général (Chief


Executive Officer) et le directeur financier (Chief Financial Officer)
de s’engager personnellement chaque année sur la sincérité des
comptes et prévoit de lourdes sanctions pénales pour les auteurs
de manipulations.
En France, la Loi de Sécurité Financière du 1er août 2003 a éga-
lement introduit un certain nombre de dispositions obligatoires
visant à accroître les dispositifs de contrôle dans les entreprises.
Elle impose aux sociétés de mettre à la disposition des actionnaires
des informations sur le contrôle interne et sur l’organisation des
travaux du conseil d’administration qui doivent être consignées
chaque année dans le rapport du président sur le contrôle interne1.
La loi impose également une série d’obligations relatives au contrôle
légal des comptes avec notamment :
• la création d’un Haut Conseil du Commissariat aux Comptes
comme organisme référent afin de réguler les normes d'exer-
cice professionnel ;
• la rotation obligatoire des commissaires aux comptes et
membres signataires d'une société de commissaires aux
comptes après 6 années consécutives de contrôle des comptes
d’une société faisant appel public à l’épargne (article 822-14
du Code de Commerce) ;
• la publicité de l'appartenance du Commissaires aux Comptes à
un réseau et l'information sur le montant des honoraires versés
(article 820-3 du Code de Commerce).
Au travers de cette évolution réglementaire suivie dans de nom-
breux pays, on constate « un mouvement international qui exige plus

1. Depuis la loi Breton du 26 juillet 2005, ce rapport n’est désormais obligatoire


que pour les sociétés faisant appel public à l’épargne. De plus, depuis l’arrêté du
2 avril 2009 portant homologation des modifications du règlement général de
l’Autorité des marchés financiers (publié au Journal officiel du 5 avril 2009),
les obligations d’établir un rapport sur le gouvernement d’entreprise et le
contrôle interne et de publier un communiqué sur les honoraires des commis-
saires aux comptes ne s’appliquent plus aux sociétés inscrites sur Alternext.

56
Maxima_Ouaniche_BAT Page 57 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La lutte contre la fraude financière : un enjeu d’actualité

d’éthique au sein des entreprises, une meilleure gouvernance et


encore plus de transparence pour une amélioration de la fiabilité
financière et comptable »1.

L’évolution des normes d’audit

Les normes d’audit ont également évolué dans le sens d’une meil-
leure prise en compte du risque de fraude.

La norme ISA 240

Au niveau international, la norme ISA 2402 publiée par l’IFAC en


mars 2001 définit le cadre général d’une démarche de maîtrise du
risque de fraude lors de l’audit. Elle introduit l’obligation pour
l’auditeur de conduire des entretiens sur ce thème avec les respon-
sables de l’entreprise auditée. Sur la base de son évaluation forma-
lisée du risque, l’auditeur doit définir des procédures lui permettant
d’obtenir l’assurance raisonnable que les anomalies, résultant de
fraudes ou d’erreurs ayant une incidence significative sur les
comptes, pourront être détectées. La norme précise que les contrôles
devront être accrus en cas de déficience dans la conception des
systèmes comptables et de contrôles internes ou de non-application
des contrôles existants. La norme insiste sur la notion de scepticisme
professionnel qui doit animer l’auditeur : quel que soit le niveau de
confiance vis-à-vis des dirigeants, celui-ci doit toujours analyser
avec esprit critique les informations et documents communiqués.
Enfin, l’annexe à la norme ISA 240 donne des exemples de cir-
constances ou d’événements augmentant le risque de fraudes ou
d’erreurs dont nous reproduisons ici un extrait3 :

1. Le Damany, Sylvie : « La fraude souvent détectée par hasard est un véritable


sujet en matière de prévention des risques : quels outils mettre en place »,
Entreprise Éthique n° 25, 2006.
2. « The auditor’s responsibility to consider fraud and error in an audit of finan-
cial statements » traduit dans le référentiel de l’Ordre des experts-comptables
sous le titre « Irrégularités et inexactitudes ».

57
Maxima_Ouaniche_BAT Page 58 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

« Questions concernant l’intégrité ou la compétence de la direction :


• Pouvoirs de direction entre les mains d’une seule personne (ou
un petit groupe de personnes), sans comité d’audit ou conseil
de surveillance ;
• Entité dont la structure complexe ne semble pas justifiée ;
• Déficiences majeures du contrôle interne systématiquement
négligées, alors qu’elles pourraient être corrigées ;
• Rotation élevée des responsables comptables et financiers ;
• Sous-effectif chronique et important des services comptables,
financiers et administratifs ;
• Changements fréquents de conseil juridique, experts-comp-
tables, ou commissaire aux comptes ;
Pressions inhabituelles au sein de l’entité ou subies par l’entité :
• Le secteur est en récession et le nombre de défaillances
augmente ;
• Le fonds de roulement est insuffisant du fait de la baisse des
résultats ou d’une expansion trop rapide ;
• Les résultats se détériorent, par exemple par des risques trop
élevés pris en matière de ventes à crédit, par un changement
des pratiques commerciales ou le choix de politiques d’arrêté
des comptes qui permettent d’accroître les résultats ;
• Face à une offre publique d’achat, à un rachat ou à un autre
événement, l’entité tient à augmenter ses résultats pour sou-
tenir le cours de ses actions ;
• L’entité a investi massivement dans un secteur ou une ligne de
produits connus pour être volatiles ;
• L’entité est fortement dépendante d’un ou de plusieurs produits
ou clients ;
• La direction subit des pressions financières ;
• Le service comptable subit des pressions pour établir les
comptes dans des délais anormalement courts.

3. La traduction française des normes ISA est intégralement disponible sur le


site de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (https://
www.cncc.fr).

58
Maxima_Ouaniche_BAT Page 59 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La lutte contre la fraude financière : un enjeu d’actualité

Opérations inhabituelles :
• Opérations inhabituelles, surtout en fin d’exercice, ayant un
impact significatif sur les résultats ;
• Opérations ou traitements comptables complexes ;
• Transactions avec des parties liées ;
• Paiements de services (par exemple à des consultants ou inter-
médiaires, etc.) qui semblent excessifs par rapport aux pres-
tations fournies.
Difficultés pour réunir suffisamment d’éléments probants :
• Documents comptables inadaptés, par exemple : fichiers
incomplets, écritures de régularisation en nombre important,
opérations non comptabilisées selon les procédures normales
ou soldes de comptes collectifs non justifiés par des balances
auxiliaires ;
• Documentation des transactions inadéquate, par exemple :
absence d’autorisation valide, justificatifs non disponibles et
altération de documents (ces problèmes de documentation sont
d’autant plus graves qu’ils concernent des opérations impor-
tantes ou inhabituelles) ;
• Écarts importants non analysés entre les soldes comptables et
les confirmations des tiers, éléments probants contradictoires
ou évolutions inexpliquées des ratios d’exploitation ;
• Réponses évasives ou non crédibles de la direction aux
demandes de l’expert-comptable.
Certains facteurs spécifiques à l’environnement informatique se
rapportant aux conditions et événements décrits ci-dessus com-
prennent :
• L’impossibilité d’extraire des informations des fichiers infor-
matiques du fait du manque de documentation ou d’une docu-
mentation périmée du contenu des enregistrements ou des
programmes ;
• Un grand nombre de modifications des programmes non docu-
mentées, approuvées ou testées. »

59
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La fraude en entreprise

La norme SAS 99 aux États-Unis

Aux États-Unis, la norme américaine SAS 99 insiste également


sur la nécessité de prendre en compte le risque de fraude tout au long
de la démarche d’audit en pratiquant une approche de « scepticisme
professionnel ». En pratique, l’application de cette norme se traduit
par la mise en œuvre et la documentation de plusieurs procédures
visant à acquérir une compréhension approfondie du potentiel de
fraude : entretiens avec les responsables, détermination des zones
de risques et mise en œuvre d’un programme de travail approprié.
Enfin, la norme précise qu’une attention particulière doit être portée
aux problématiques de reconnaissance du chiffre d’affaires et au
risque que les dirigeants outrepassent les contrôles mis en place.
À cet effet, un audit approfondi des écritures enregistrées dans le
journal d’opérations diverses doit être effectué afin d’obtenir les
justificatifs des entrées inhabituelles. À l’issue de l’intervention,
l’ensemble des preuves d’audit recueillies doit faire l’objet
d’une ultime analyse afin d’apprécier si le risque de fraude a pu
être correctement couvert. Si des anomalies ont finalement été
découvertes, elles doivent être communiquées au gouvernement
d’entreprise.

La norme NEP 240

La norme NEP 240 de la CNCC est une transposition de la norme


ISA 240 dans le référentiel français. Cette norme reprend la défi-
nition et les principales caractéristiques des fraudes et erreurs.
Comme dans la norme SAS 99, la norme NEP 240 rappelle que le
commissaire aux comptes s’intéresse à deux catégories d’ano-
malies intentionnelles : la préparation de comptes ne donnant
volontairement pas une image fidèle et les détournements d’actifs.
Cette norme prévoit un élargissement du champ des entretiens à
mener au sein de l’entité aux personnes chargées de l’audit interne
et à toute autre personne que le commissaire aux comptes estime
utile d’interroger dans l’entité (§ 14 NEP).

60
Maxima_Ouaniche_BAT Page 61 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La lutte contre la fraude financière : un enjeu d’actualité

Elle rappelle l’existence d’une présomption de risque d’anomalies


significatives résultant de fraudes dans la comptabilisation des
produits : lorsque le commissaire aux comptes estime que ce risque
n’existe pas, il justifie sa position dans son dossier (§ 19 NEP).
La norme détaille également certaines procédures d’audit obliga-
toires qui consistent à :
• vérifier le caractère approprié des écritures comptables et
des écritures d’inventaire passées lors de la préparation des
comptes ;
• revoir si les estimations comptables ne sont pas biaisées.
Elle prévoit l’introduction d’un élément d’imprévisibilité pour
l’entité dans le choix de la nature, du calendrier et de l’étendue des
procédures d’audit (§20 NEP).
Enfin, la norme rappelle que la responsabilité de la prévention et
de la détection des erreurs et des fraudes incombe en premier lieu
aux dirigeants et aux personnes constituant le gouvernement
d’entreprise : si l’audit des comptes peut avoir un effet dissuasif,
le commissaire aux comptes n’est pas ni ne saurait être tenu res-
ponsable de la prévention des fraudes et des erreurs même s’il doit
prendre en considération ce risque à chaque étape de son audit.

2. LE RENFORCEMENT DES DISPOSITIFS DE PRÉVENTION


DANS LES ENTREPRISES

Le durcissement des obligations légales et règlementaires a engen-


dré un renforcement des dispositifs de prévention au sein des
entreprises. L’étude que le cabinet PwC a réalisée en 2005 indique
que de nombreuses entreprises ont consenti d’importants efforts
ces dernières années afin de maîtriser le risque de fraude.
En France, 99 % des entreprises interrogées lors de cette étude ont
ainsi déclaré disposer de mesures de détection et de prévention
des fraudes.

61
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La fraude en entreprise

Les principaux contrôles évoqués par les entreprises sont les


suivants :
• l’audit interne (87 %) ;
• l’audit externe (85 %) ;
• le renforcement du dispositif de contrôle interne (60 %) ;
• le recours à des consultants en prévention de fraude (18 %) ;
• les formations de sensibilisation à la fraude (31 %) ;
• la mise en place d’un code d’éthique ou d’un code de conduite
(74 %) ;
• les systèmes de hotline (30 %).
L’efficacité de ces mesures ne fait aucun doute. En effet, l’étude
PwC 2005 montre que lorsqu’une entreprise a mis en place plus
de cinq contrôles préventifs, elle a 51 % de chance de détecter des
fraudes contre 39 % avec seulement trois contrôles préventifs.
Notons qu’au-delà de la prise de mesures isolées, la tendance des
entreprises est à la mise en œuvre de dispositifs parfois très lourds
de réingénierie complète de leur système de contrôle interne.

62
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Deuxième partie

MODES OPERATOIRES
DE LA FRAUDE EN ENTREPRISE
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Maxima_Ouaniche_BAT Page 65 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

L
a capacité à détecter les fraudes suppose une connaissance
solide de ses modes opératoires. C’est pourquoi nous avons
jugé utile de présenter dans cette partie les principaux
schémas de fraudes observés dans la pratique.
Concernant la fraude comptable, retenons qu’il existe globalement
cinq grandes catégories de procédés :
• les majorations artificielles de produits ;
• les dissimulations de charges ;
• les dissimulations de dettes et des engagements hors bilan ;
• les constatations d’actifs fictifs ;
• la déconsolidation de certaines pertes ou de certains risques.
Les modes opératoires liés à la dissipation d’actifs reposent pour
leur part sur les procédés suivants :
• l’enregistrement d’une charge fictive permettant de justifier
d’un décaissement frauduleux ;
• le détournement d’une partie des produits encaissés ;
• l’apurement frauduleux des passifs à forte ancienneté ;
• le détournement des marchandises ou matières premières
détenues en stock.
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III
MODES OPÉRATOIRES
RELATIFS À LA FRAUDE COMPTABLE

1. MAJORATIONS ARTIFICIELLES DES PRODUITS

Factures fictives

La constatation de chiffre d’affaires fictifs est une méthode répan-


due pour améliorer artificiellement le résultat d’une entreprise. La
méthode la plus évidente consiste à enregistrer des factures ficti-
ves en comptabilité. Cette méthode est relativement facile à met-
tre en œuvre pour l’entreprise dans la mesure où c’est elle qui
maîtrise le processus de facturation (pas de justificatifs externes
nécessaires, à la différence d’une facture fournisseur).
La facturation fictive est par ailleurs plus aisée à mettre en œuvre
dans le cadre d’une activité de prestation de service dans la mesure
où la matérialité de la prestation est plus difficilement traçable.
Dans le cas d’une livraison de biens matériels, un travail de falsifi-
cation des registres de stocks, des documents de transport et des
bons de livraison est en effet nécessaire afin de dissimuler la fraude.
En comptabilité, la contrepartie de ces ventes fictives peut être de
plusieurs natures :
• la comptabilisation de créances dans un compte client
existant ;
• la création d’un compte client fictif ;

67
Maxima_Ouaniche_BAT Page 68 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• l’enregistrement ou le transfert vers un autre compte débiteur


au bilan (TVA, Compte courant, débiteurs divers, etc.).
Afin de rendre plus difficile la détection de ces écritures, le produit
fictif sera le plus souvent comptabilisé en contrepartie de plusieurs
comptes débiteurs. Le fraudeur devra alors tenir une comptabilité
parallèle afin de pouvoir conserver un suivi des montants réellement
dus par rapport aux montants fictifs comptabilisés.
Reste que ces ventes fictives font nécessairement apparaître des
créances d’exploitation non soldées à l’actif de la société, dont il
faudra un jour ou l’autre assurer le dénouement : ainsi, le fraudeur
a pour obligation de gérer dans le temps la fraude qu’il a initiée.
La solution la plus habituelle mais également la moins discrète est
le passage en perte postérieurement à la clôture de l’exercice de
comptabilisation initiale. En général, l’annulation est enregistrée
au début de l’exercice suivant, ce qui conduit l’entreprise à partir
avec un déficit de départ qu’il s’agira de combler, le cas échéant
par la comptabilisation de nouvelles factures fictives. Il peut éga-
lement arriver qu’un laps de temps pouvant aller jusqu’à plusieurs
années sépare l’enregistrement des factures fictives de leur annu-
lation. Dans ces situations, le fraudeur doit veiller à ne pas attirer
l’attention sur l’ancienneté anormale des créances. De manière
plus ou moins sophistiquée, il s’agira alors de dissimuler l’origine
et la date de la comptabilisation initiale afin d’éviter toute recherche
par le responsable du recouvrement des créances clients.
La méthode la plus évidente consiste en une opération de rafraî-
chissement de la balance âgée1 au moyen d’une annulation de la
créance immédiatement suivie par un nouvel enregistrement. La
manœuvre a ainsi pour effet de rajeunir les créances fictives en
dissimulant leur ancienneté. Pour rendre plus difficile la traçabilité
de ces écritures, le fraudeur pourra en outre manipuler les mon-
tants individuels de sorte que les soldes apparaissant à la suite du

1. État récapitulatif des comptes de tiers présentant la ventilation des soldes


par antériorité des dates d’échéances.

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Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

rafraîchissement ne soient plus les mêmes qu’à l’origine. L’exemple


suivant s’inspire d’un cas rencontré lors d’une mission d’investi-
gation :
Étape 1 : Comptabilisation de trois factures fictives en 2007

Date Compte Désignation Débit € Crédit €

01/03/07 701 000 Vente de biens et services 50 000


01/03/07 411 000 Client W 50 000

16/04/07 701 000 Vente de biens et services 25 000


16/04/07 411 000 Client X 25 000

29/06/07 701 000 Vente de biens et services 25 000


29/06/07 411 000 Client Y 25 000

Étape 2 : Écriture de rajeunissement en 2008

Date Compte Désignation Débit € Crédit €

13/07/08 411 000 Client W 50 000


13/07/08 411 000 Client X 25 000
13/07/08 411 000 Client Y 25 000
13/07/08 411 000 Client Z 75 000
13/07/08 467 000 Client divers 15 000
13/07/08 654 000 Perte sur créances douteuses 10 000

Une autre manipulation, plus complexe à réaliser, consiste à solder


une facture fictive à l’aide du règlement d’une facture réelle. Ce
schéma dit de « cavalerie » suppose également la tenue d’une comp-
tabilité parallèle permettant de conserver un suivi des montants
réellement dûs par rapport aux montants fictifs.
On peut ainsi prolonger l’exemple précédent de la manière sui-
vante :
Étape 3 : imputation erronée d’un règlement client en 2009 et
nouvelle écriture de rajeunissement pour le solde résiduel

69
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La fraude en entreprise

Date Compte Désignation Débit € Crédit €

24/02/09 411 000 Client Z 35 000


24/02/09 512 000 Banque 35 000

14/04/09 411 000 Client Z 40 000


14/04/09 411 000 Client Z 30 000
14/04/09 654 000 Perte sur créances douteuses 10 000

Les schémas de comptabilisation de factures fictives peuvent ainsi


revêtir des formes complexes. Dans le cas d’un groupe de sociétés,
les facturations fictives entre filiales peuvent s’appliquer à différents
types de prestations comme les frais de gestion (« management
fees ») ou des livraisons de matériels à des conditions tarifaires
injustifiées. Les facturations ne donnent alors pas nécessairement
lieu à un règlement effectif et se soldent pas l’inscription des mon-
tants en compte courant. Au bout de quelques exercices, un abandon
de créances pourra alors venir déboucler la situation au motif,
par exemple, que la filiale traverse des difficultés.
Enfin, notons que les majorations artificielles de chiffre d’affaires
peuvent aussi se traduire par la comptabilisation injustifiée de fac-
tures à établir. L’exemple a été rencontré d’une société de distribu-
tion qui avait sciemment majoré les remises de fin d’année de ses
fournisseurs. Afin de dissimuler la fraude aux commissaires aux
comptes, les dirigeants de l’entreprise avaient :
• dissimulé les contrats portant sur les modalités du calcul du
rabais, en indiquant qu’ils n’existaient pas formellement mais
qu’ils faisaient l’objet de négociation annuelle ;
• falsifié les réponses aux lettres de circularisation adressées aux
fournisseurs et dissimulé des contre-lettres qui leur étaient
envoyées ;
• imputé des encaissements relatifs aux rabais perçus d’avance
sur les rabais à recevoir non-fondés afin de justifier de la réalité
des produits comptabilisés.

70
03_CorpsLivre Page 71 Mercredi, 13. mai 2009 3:03 15

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

Non-respect du principe de séparation des exercices

Le non-respect du principe de séparation des exercices consiste à


anticiper la comptabilisation d’une vente rattachée à un exercice
futur.
Si les règles comptables de reconnaissance du chiffre d’affaires
renvoient à des problématiques complexes qui dépassent l’objet du
présent ouvrage, on peut schématiquement retenir que la compta-
bilisation doit intervenir pour une livraison de biens au moment du
transfert de propriété, c’est-à-dire lorsque le bien sort du patri-
moine juridique de l’entreprise pour entrer dans celui de son client.
Concernant les prestations de services, la vente doit en principe être
constatée à l’achèvement de la prestation, règle qui ne s’applique
toutefois ni aux prestations continues (exemple : les loyers) ni aux
contrats à long terme (exemple : les chantiers de construction).
La fraude liée au non-respect du principe de séparation peut con-
sister à maintenir ouverts les journaux comptables à l’issue de la
période comptable et continuer ainsi à comptabiliser sur l’exercice
précédent des ventes qui concernent l’exercice en cours. Dans ce
cas, un simple test de « cut-off » mis en œuvre par un auditeur
diligent, doit en général permettre de détecter ce type de fraude.
Ce test consiste à valider le correct rattachement des engagements
comptables sur la base d’échantillons de transactions sélectionnées
à proximité de la date de clôture. Toutefois, dans certains cas, des
procédés sont utilisés afin de déjouer la vigilance des contrôles,
comme par exemple, la falsification des bons de livraisons ou des
avis de mise à disposition. En cas de contrôle physique des stocks,
certains fraudeurs peuvent aller jusqu’à déplacer temporairement
la marchandise au moment de l’inventaire physique afin de justifier
la réalisation de la vente.
Dans le cas des prestations de services s’étalant sur plusieurs
exercices, la fraude est beaucoup plus aisée puisqu’il suffit pour
l’entreprise de falsifier les tableaux de suivi afin d’augmenter artifi-
ciellement le pourcentage de réalisation des contrats. Concernant
ce type de contrat, il n’est pas rare non plus de voir des entreprises

71
Maxima_Ouaniche_BAT Page 72 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

assimiler les règlements des clients, voire les dépôts de garantie,


à des chiffre d’affaires comptables.

2. DISSIMULATION DES CHARGES

Un autre moyen d’améliorer artificiellement le résultat consiste


à omettre de constater certaines charges au compte de résultat.
Ce procédé peut prendre plusieurs formes et revêtir des niveaux
de complexité variés. Les schémas possibles peuvent consister à :
• omettre d’enregistrer certaines factures fournisseurs ;
• porter artificiellement certaines charges à l’actif de l’exercice ;
• sous-estimer ou ne pas constater les charges de provisions ou
d’amortissements ;
• ne pas respecter le principe de séparation des exercices.

Non-enregistrement des factures fournisseurs

La première des techniques consiste à omettre purement et


simplement de comptabiliser certaines factures de fournisseurs.
Ce procédé est difficile à mettre en œuvre dans la mesure où une
sortie de liquidités doit nécessairement être constatée au moment
du règlement. Si le règlement doit transiter par un compte
bancaire, il devra être enregistré en comptabilité même si des
montants faibles peuvent être maintenus en rapprochements ban-
caires pendant une certaine période afin de retarder la détection
de l’anomalie. Toutefois, la comptabilisation du règlement donnera
naissance à un solde fournisseur débiteur qui rendra la manipula-
tion détectable. Une solution pour le fraudeur pourra consister à
comptabiliser ce règlement en contrepartie du débit d’un autre
compte (un autre fournisseur, un compte créditeur divers, un compte
de TVA, etc.).
Dans d’autres situations, le règlement de la facture non enregistrée
se fera par des moyens comptablement intraçables, par exemple :

72
Maxima_Ouaniche_BAT Page 73 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

• paiement en espèces résultant de ventes non déclarées ;


• intervention de sociétés tierces en France ou à l’étranger ;
• services rendus gratuitement au fournisseur ;
• prélèvement non comptabilisé sur le stock de l’entreprise.
Dans ces conditions, il sera beaucoup plus difficile de détecter la
fraude dans la mesure où ni la facture initiale, ni le règlement
fournisseur ne seront enregistrés.

Activation des frais

L’activation indue de certains frais constitue un moyen aisé d’amé-


liorer artificiellement le résultat de l’entreprise. L’opération consiste
à porter à l’actif certains frais devant être obligatoirement compta-
bilisés en charge. Tous les comptes figurant à l’actif du bilan peuvent
être potentiellement utilisés pour ce type d’opération : immobili-
sations, stocks, débiteurs divers, etc.
Techniquement, ces fraudes sont relativement faciles à détecter :
un audit diligent de ces postes doit normalement permettre
d’identifier les éventuelles anomalies au regard des règles comp-
tables applicables. Certaines catégories de frais sont plus sensibles
que d’autres puisque leur caractère activable dépend de la réali-
sation de certaines conditions et du référentiel comptable utilisé :
frais d’installation, de recherche développement, de création de
logiciels, etc. Néanmoins, l’évolution née de la mise en place des
normes IFRS rend plus difficiles les activations frauduleuses, du
fait de la réduction du périmètre des charges activables.
Il existe certains cas extrêmes où c’est l’ensemble de l’opération
économique qui est comptabilisée de façon erronée dans des
comptes de bilan afin de dissimuler les pertes.
Considérons par exemple la situation suivante :
Achat de matière première au fournisseur X pour 1 000 et revente
au client Y pour 800. La perte de 200 se retrouve au solde du compte
débiteur divers.

73
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La fraude en entreprise

Date Compte Désignation Débit € Crédit €

15/02/06 467 000 Débiteur divers 1 000


15/02/06 401 000 Fournisseur X 1 000

15/03/06 467 000 Débiteur divers 800


15/03/06 411 000 Client Y 800

Omission ou sous-estimation des provisions

Les provisions relèvent d’un processus en partie subjectif d’éva-


luation des risques. On peut rappeler qu’une provision doit obli-
gatoirement être constatée dès lors qu’il existe « une obligation
de l’entreprise à l’égard d’un tiers dont il est probable ou certain
qu’elle provoquera une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers,
sans contrepartie au moins équivalente attendue de celui-ci »1.
Les principaux risques à couvrir sont de plusieurs natures :
• risque opérationnel : perte à terminaison, sinistre, etc. ;
• risque social : litige prudhommal, notification de redressement,
etc. ;
• risque fiscal : notification de redressement ;
• risque juridique : litige commercial, procédures judiciaires
diverses ;
En dépit du caractère relativement subjectif du processus d’appré-
ciation du risque, une absence de provisionnement peut pourtant
bien relever du domaine de la fraude et la jurisprudence considère
que l’insuffisance de provision est bien constitutive du délit de
présentation de bilan inexact.
L’insuffisance de provision peut également porter, comme nous le
verrons plus loin, sur la dépréciation des éléments d’actif.

1. PCG, Articles 212-1 et 212-3.

74
Maxima_Ouaniche_BAT Page 75 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

Non-respect du principe de séparation des exercices

Le procédé de comptabilisation décalée, précédemment décrit dans


le cas des ventes, peut être utilisé de façon identique pour ce qui
concerne les charges de l’entreprise. Plusieurs cas peuvent être
rencontrés dans la pratique :
• un report de comptabilisation des factures fournisseurs sur
l’exercice ultérieur. Ce procédé peut se traduire par l’ouverture
anticipée des livres comptables de l’entreprise ;
• une sous-estimation des factures à recevoir provisionnées à la
date de clôture ;
• pour les contrats à long terme, une falsification des tableaux de
suivi visant à augmenter artificiellement le taux d’avancement des
contrats bénéficiaires ou à dissimuler une perte à terminaison.

Présentation des comptes de charges

Le classement comptable d’une opération au niveau du résultat


d’exploitation ou du résultat exceptionnel, s’il ne modifie par le
résultat net de l’entreprise, permet en revanche de présenter une
réalité plus ou moins flatteuse de sa performance économique.
Aussi le passage d’une charge d’exploitation en charge exception-
nelle permet-il d’obtenir aisément une amélioration du résultat
opérationnel, indicateur fondamental en matière d’analyse finan-
cière et d’évaluation d’entreprise. Aucune manipulation comptable
complexe n’est ici requise, seul le choix de la rubrique comptable
entre en ligne de compte. Tout au plus, le fraudeur pourra-t-il étaler
la manipulation sur plusieurs exercices, par exemple en enregistrant
une dotation pour dépréciation d’actif en charge exceptionnelle la
première année puis en comptabilisant la reprise sur l’exercice
suivant en produit d’exploitation.
La problématique liée à la présentation des comptes tourne ainsi
principalement autour de la distinction entre résultat courant et
résultat exceptionnel. Notons que cette classification obéit à des
règles comptables qui diffèrent en fonction des référentiels. Ainsi,
l’article 230-1 du Plan Comptable Général (PCG) précise que les

75
Maxima_Ouaniche_BAT Page 76 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

produits exceptionnels peuvent concerner des opérations de ges-


tion (par exemple le recouvrement inattendu d’une créance sortie
des comptes) ou des opérations en capital (par exemple le produit
de la vente d’un actif : une filiale, une usine, des machines de pro-
duction…). De même, selon le PCG, les charges exceptionnelles
peuvent concerner des opérations de gestion (par exemple des coûts
de restructuration) ou des opérations en capital (par exemple la
valeur résiduelle, compte tenu des amortissements accumulés,
des actifs vendus). La norme IAS 8 est beaucoup plus restrictive
puisqu’elle définit que les éléments exceptionnels du compte de
résultat ne concernent que des événements extraordinaires tels
que les expropriations ou les catastrophes naturelles.
Cette complexité est source d’erreurs et de confusions sur lesquelles
le fraudeur peut s’appuyer pour manipuler la présentation du compte
de résultat. D’autres manipulations peuvent également être effec-
tuées telles que la compensation globale entre plus-value et moins
value sur titres1 ou bien la comptabilisation indue de certaines
charges au débit des comptes de produits.

3. DISSIMULATION DU NIVEAU D’ENDETTEMENT FINANCIER

Le coefficient d’endettement financier est un des indicateurs clés


utilisés par les banques et les organismes de crédit pour juger de la
bonne santé financière d’une entreprise. C’est pourquoi les procédés
de dissimulation ou de présentation frauduleuse des dettes sont
nombreux.

Dissimulation des emprunts

Fondamentalement, un emprunt est constitué par un encaissement


préalable (l’octroi du prêt) suivi d’une série de décaissements liés
au remboursement du principal et au paiement de l’intérêt. Sur cette

1. TGI Paris, 11e chambre, 6 février 1976.

76
Maxima_Ouaniche_BAT Page 77 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

base, plusieurs opérations peuvent être conçues afin de déguiser


un prêt. L’encaissement préalable peut se justifier par une vente
fictive. Le décaissement peut, à son tour, se justifier par une opéra-
tion d’achat fictive. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce procédé.
Le premier exemple a été rencontré lors d’une mission d’investi-
gation :
Une entreprise évoluant dans le domaine des technologies de
l’information doit faire face à un besoin urgent de liquidités et
ne peut se permettre de faire apparaître de nouvelles dettes à son
bilan. Avec la complicité de son prestataire informatique, elle pro-
cède alors à une première facturation de ce fournisseur au titre de
pénalités fictives relatives à des problèmes de mise en œuvre d’un
contrat de prestation de maintenance. L’enregistrement de cette
facture a pour conséquence la constatation d’un produit dans les
comptes et un gonflement du résultat de l’exercice. Peu de temps
après, la société achète en crédit-bail de fausses licences d’utili-
sation de logiciels facturées par ce même prestataire pour un mon-
tant sensiblement identique à celui des pénalités préalablement
facturées. L’organisme de financement acquiert les licences auprès
du fournisseur qui est ainsi remboursé dès la signature du contrat
de crédit bail. La société peut ainsi réaliser son opération de finan-
cement en effectuant ses « remboursements » au moyen du paiement
mensuel de loyers auprès de l’organisme de crédit-bail1.
Cette manœuvre constitue un mode de prêt déguisé complexe et
relativement difficile à détecter car elle s’étale sur une période
longue et implique plusieurs acteurs. La détection a néanmoins été
possible dans la mesure où aucune transaction n’avait été compta-
bilisée avant l’émission de la facture de pénalité. Par ailleurs, le fait
que le même prestataire soit impliqué dans les deux opérations
(pénalités fictives puis vente de licences) constituait un indice
supplémentaire.

1. Notons que ce schéma n’est pas possible dans le cas de comptes consolidés
(règlement CRC 99-02) ou de comptes établis en norme IFRS (IAS 17). Dans
ces deux cas, le retraitement au bilan des contrats de crédits-baux est obligatoire

77
Maxima_Ouaniche_BAT Page 78 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

L’intervention d’un tiers dans ce schéma aurait rendu la manœuvre


beaucoup plus difficilement détectable. Le procédé de triangulation
aurait consisté à faire intervenir deux prestataires différents, comme
le montre le schéma ci-après :

Contrat de crédit-bail
Société XXX

Facturation
initiale fictive Organisme de crédit-bail
1

3
Achat de licences Achat de licences
d’utilisation d’utilisation
Prestataire A Prestataire B
fictives fictives
2

Étape 1 : Le prestataire A reçoit une facture de pénalités fictives


de la société XXX et règle cette facture.
Étape 2 : Le prestataire A vend au prestataire B une licence d’uti-
lisation fictive. Il se rembourse ainsi du décaissement intervenu en
étape 1.
Étape 3 : La société XXX achète la licence d’utilisation fictive au
prestataire B en crédit-bail.
Un second exemple peut être trouvé dans l’histoire de l’affaire
Enron : en 1999, la société avait cédé à Merrill Lynch une partici-
pation dans une entité exploitant des générateurs au Niger, parti-
cipation qui devait être rachetée rapidement par Enron ou une autre
société du groupe. Grâce à cette transaction, Enron avait ainsi évité
d’alourdir son passif par la constatation de nouvelles dettes et gonflé
artificiellement son bénéfice d’environ 12 millions de dollars1. La
fraude ne réside pas dans ce cas dans l’opération d’achat/revente
mais dans la dissimulation de l’engagement pris par Enron de

1. D’après Chassany, A.-S. et Lacour, J.-P. : ENRON, la faillite qui ébranla


l’Amérique, Éditions Nicolas Philippe, 2003.

78
Maxima_Ouaniche_BAT Page 79 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

racheter à perte sa participation pour un montant égal à la vente


initiale majorée des intérêts dus.
Autre exemple enfin, proche de ce dernier, et qui nous est éga-
lement fourni par l’affaire Enron. La société de courtage procédait
à des opérations de prêts déguisés pour ses clients en mal de liqui-
dités. Le procédé consistait à acheter une partie de la production
d’acier du client à un prix légèrement au-dessus du marché. Paral-
lèlement, une option de vente était achetée au client pour la même
quantité d’acier douze mois plus tard, au tarif équivalent, majoré
des intérêts et des frais de stockage La première opération faisait
ainsi apparaître un chiffre d’affaires chez le client, alors que la
deuxième n’était considérée que comme une simple opération de
couverture.

Présentation des dettes

Dans certaines situations, une simple manipulation de classement


comptable permet à une entreprise de diminuer artificiellement
son taux d’endettement, par exemple l’enregistrement d’une dette
financière en dette d’exploitation. Parfois, la fraude consiste à
présenter une dette financière sous la forme de capitaux propres,
soit en opérant un classement erroné, soit en jouant sur la frontière
parfois ténue entre ces deux catégories.
L’utilisation de produits hybrides a fortement facilité cette pratique
dans la mesure où ils présentent précisément des caractéristiques
mixtes, à mi-chemin entre dettes et capitaux propres, ce qui permet
aux sociétés émettrices de renforcer leurs fonds propres sans diluer
pour autant le capital. Encore faut-il que les obligations comptables
soient respectées, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique.
Selon l’avis OEC n° 28 d’octobre 1994 : « un instrument financier
doit être classé dans une rubrique intermédiaire entre les capitaux
propres et les dettes dès lors qu’en application des clauses du
contrat et des conditions économiques de l’émission, l’instrument
n’est pas remboursable, ou son remboursement est sous le contrôle
exclusif de l’émetteur ou s’effectue par émission et attribution d’un
autre instrument d’autres fonds propres ou de capitaux propres ».

79
Maxima_Ouaniche_BAT Page 80 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Avec le développement de ces produits sur-mesure, il est nécessaire,


à chaque fois qu’un problème de classement comptable se pose, de
recourir à un examen détaillé des clauses figurant dans les contrats
d’émission avant de qualifier les instruments de dettes ou de capi-
taux propres.
Il s’agira en particulier pour chaque contrat :
• d’appréhender la réalité de l’opération ;
• d’analyser les clauses de remboursement ;
• d’analyser les clauses de rémunération.

4. DISSIMULATION DES ENGAGEMENTS HORS-BILAN

Les engagements hors-bilan peuvent également être dissimulés


dans le but de présenter une image plus flatteuse de la situation de
l’entreprise. Rappelons que le Plan Comptable Général définit les
engagements hors-bilan comme l’ensemble des « droits et obliga-
tions dont les effets sur le montant ou la composition du patrimoine
sont subordonnés à la réalisation de conditions ou d’opérations
ultérieures ». Selon le PCG, ces engagements ne doivent donner
lieu à comptabilisation sous forme de provisions que lorsque les
risques et les charges qui en découlent deviennent probables compte
tenu des événements survenus ou en cours. Toutefois, même lorsque
ces risques ne sont qu’éventuels, ils doivent obligatoirement figurer
en annexe. De ce point de vue, le fait d’omettre de mentionner un
engagement hors bilan constitue donc une fraude comptable à part
entière.
Les engagements hors-bilan concernent principalement :
• les engagements donnés pour le compte des dirigeants, des
filiales, des participations et des autres entreprises liées, voire
de tiers1 ;

1. L’engagement sans contrepartie donné par la société au bénéfice de tiers peut


en outre être constitutif du délit d’abus de bien social.

80
Maxima_Ouaniche_BAT Page 81 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

• les suretés réelles sur des biens mobiliers ou immobiliers


données en garantie du paiement d’une dette ;
• les effets de commerce escomptés non échus ;
• les contrats résultant de conventions de portage ;
• les contrats de crédit-bail ;
• les indemnités de départ à la retraite ;
• les contrats d’achat de marchandise à terme ;
• etc.
Plus généralement, la dissimulation des engagements hors-bilan
renvoie dans certains cas à des procédés de déconsolidation, au
travers de techniques plus ou moins complexes (voir plus loin). Les
techniques employées visent à loger les pertes, les dettes ou encore
les actifs à risques dans des entités spécifiques exclues du périmètre
de consolidation. Ces entités conservent néanmoins un lien non
nécessairement capitalistique avec des sociétés du groupe sous la
forme de cautionnement ou de garanties.
Ainsi, une opération frauduleuse de déconsolidation implique la
dissimulation de certains engagements hors-bilan1.

5. SURÉVALUATION DES ACTIFS

Ce procédé consiste à améliorer artificiellement la présentation du


patrimoine de l’entreprise en gonflant la valeur des actifs qui le
composent. À l’instar des schémas de dissimulation d’endettement,
ce moyen permet de fausser l’appréhension par les tiers du niveau
de solidité de la structure.

1. Depuis la Loi de Sécurité Financière d’août 2003, la consolidation n’est plus


exclusivement conditionnée par la détention de capital. Par conséquent, la fraude
liée à ce type de schémas ne se limite désormais plus à la dissimulation des
engagements hors-bilan mais également à l’absence de consolidation par la
société mère des entités ad hoc.

81
Maxima_Ouaniche_BAT Page 82 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Les surévaluations d’actifs concernent principalement :


• les immobilisations ;
• les stocks.
La surévaluation des créances d’exploitation a été évoquée précé-
demment et ne sera donc pas reprise ici.

Surévaluation des immobilisations

Cette pratique consiste à enregistrer ou maintenir à l’actif de la


société des montants nets immobilisés dépourvus de réalité écono-
mique. Ces procédés peuvent concerner :
• les immobilisations incorporelles ;
• les immobilisations corporelles ;
• les immobilisations financières.

Les immobilisations incorporelles

Ces actifs sont les plus propices aux manipulations comptables


dans la mesure où la preuve de leur existence est beaucoup plus
difficile à établir que dans le cas d’éléments matériels ou financiers.
On peut citer à titre d’exemple les fonds de commerce, logiciels,
licences d’utilisation, ou encore les marques commerciales. Le
caractère fictif de ces actifs peut résulter :
• de fausses opérations d’acquisitions auprès de prestataires
extérieurs fictifs ou réels. L’utilisation de fausses factures ou de
faux contrats d’acquisition est alors nécessaire pour justifier
de la comptabilisation ;
• d’écritures d’activation de charges indues ;
• d’une absence ou d’une sous-évaluation des dépréciations ou
des amortissements applicables à ces actifs.

Les immobilisations corporelles

Plus rarement, les immobilisations corporelles peuvent faire l’objet


de manipulations frauduleuses. Un moyen peut consister à enre-

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Maxima_Ouaniche_BAT Page 83 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

gistrer des montants fictifs justifiés par de fausses factures ou de


faux contrats de vente. Ce procédé est toutefois plus facilement
détectable puisqu’une simple observation physique lors d’un inven-
taire doit permettre de constater la fraude. Pour cette raison et afin
de tromper la vigilance des auditeurs lors des inventaires physiques,
les immobilisations fictives peuvent concerner des matériels physi-
quement présents mais n’appartenant pas juridiquement à l’entre-
prise (biens en location, en crédit bail ou encore les matériels
consignés). La fraude peut aussi résider dans l’absence ou la mino-
ration des amortissements ou dépréciations applicables à ces actifs.

Les immobilisations financières

Le principal mode de surévaluation des immobilisations financières


repose sur l’insuffisance des provisions pour dépréciation. Afin de
justifier de la valeur des titres détenus auprès de son commissaire
aux comptes, le fraudeur peut présenter des états financiers erronés
(ou provisoires) des sociétés détenues, en particulier les filiales
étrangères, dont les comptes sont moins aisément accessibles.

Surévaluation des stocks

Les stocks figurent parmi les actifs les plus exposés au risque de
surévaluation. Le montant de stocks porté au bilan est constitué par
le produit des quantités détenues et de la valeur unitaire. Ces deux
facteurs sont en pratique relativement faciles à manipuler de
manière à majorer artificiellement l’actif.
Les quantités tout d’abord sont fonction des évolutions conjonctu-
relles de l’activité de l’entreprise. Pour cette raison, des variations
importantes peuvent plus facilement se justifier que dans le cas des
immobilisations. Une augmentation jugée inhabituelle par un
organe de contrôle pourra par exemple trouver son explication dans
la baisse du taux de rotation ou bien l’augmentation de l’activité en
fin de période. En principe, la validation des quantités est facile à
réaliser au moyen d’un inventaire physique et/ou d’un recoupement
entre les flux physiques d’achats et de ventes enregistrés. Toutefois,

83
Maxima_Ouaniche_BAT Page 84 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

plusieurs procédés frauduleux peuvent en pratique tromper la vigi-


lance de l’auditeur. Par exemple, lors d’un inventaire, le fraudeur
pourra :
• acheminer sur site du stock n’appartenant pas à l’entreprise ;
• présenter du stock déjà vendu comme appartenant toujours à
l’entreprise ;
• compter des emballages vides ou contenant des produits de
moindre valeur. Cela est d’autant plus facile lorsqu’il s’agit
de stocks fongibles où il suffit de falsifier la contenance des
récipients ;
• compter deux fois les mêmes stocks ;
• dissimuler les stocks endommagés ou obsolètes afin de masquer
la nécessité d’une dépréciation comptable.
Concernant les travaux de recoupement entre les flux physiques et
les achats et ventes comptabilisés, ces derniers ne sont en pratique
possibles que dans le cas d’organisations simples et de gammes de
produits restreintes. Ils deviennent nettement plus difficiles et aléa-
toires dans les cas où plusieurs éléments en stocks sont intégrés
lors du processus de production.
La fraude peut également consister à fausser le calcul, parfois très
complexe, des coûts unitaires. La manœuvre peut reposer sur :
• la falsification des flux d’achats entrant dans la formule de
calcul ;
• des erreurs arithmétiques volontaires ;
• la manipulation de la formule de calcul elle-même afin d’y
intégrer des charges non justifiées.
Enfin, et à l’instar des actifs immobilisés, la fraude peut simplement
consister à omettre ou sous-estimer les dépréciations comptables,
en falsifiant par exemple les états de restitution des éléments obso-
lètes ou à faible rotation.

84
Maxima_Ouaniche_BAT Page 85 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

6. SCHÉMAS DE DÉCONSOLIDATION

La déconsolidation désigne l’ensemble des « techniques qui visent


à sortir du bilan un actif ou un passif afin de donner l’apparence
d’un endettement moindre ou d’optimiser les ratios de rentabilité »1.
Les techniques de déconsolidation ne sont pas toutes frauduleuses.
L’escompte, le crédit-bail, l’affacturage, la titrisation ou les opéra-
tions dites de lease-back constituent des opérations légales dès lors
que leur comptabilisation répond aux exigences des normes en
vigueur. Ainsi, les effets escomptés et le crédit-bail sont depuis
longtemps retraités dans les comptes consolidés. La norme IAS 17
relative à la comptabilisation des contrats de location financière
confirme cette obligation en accentuant le principe de la primauté
de la substance économique sur la forme juridique du contrat2.
Certaines opérations en raison de leur complexité sont toutefois
propices à la réalisation de fraudes comptables qui peuvent se
caractériser par :
• le non-respect des obligations de retraitements ;
• l’omission dans l’annexe des engagements hors bilan liés à
ces opérations ;
• le non-respect des règles de consolidation de certaines entités.
Concernant cette troisième pratique, l’usage frauduleux le plus
répandu est l’utilisation d’entité spécifique ou ad hoc (traduction du
vocable anglais « Special Purpose Vehicule ») dans le but de faire
apparaître des résultats fictifs ou de faire disparaître des dettes.
L’affaire Enron, là encore, a fourni l’illustration la plus retentissante
de ce type de pratique. Au total, le géant de l’énergie a ainsi mis en
place quelques 3 000 montages déconsolidants. Les trois exemples3
qui suivent sont tous tirés de l’histoire de ce scandale financier.

1. Vernimen, P. : Finance d’entreprise, chapitre 53, Dalloz, 5e édition.


2. Principe déjà présent dans le règlement 99-02 du CRC.
3. D’après Richard, J. et Collette, C. : Système Comptable Français et normes
IFRS, Dunod, 7e édition.

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La fraude en entreprise

Soit une société A et une entité ad hoc dénommée Chewco1 qu’elle


contrôle, présentant les états financiers suivant à la date N :
Société A Société ad hoc « Chewco »

Actif A 100 Capital 100 Banque 100 Capital 100


Actif B 200 Réserves 200
Actif C 700
Disponibilité 100 Dettes 800

Constatation d’une plus-value fictive

L’opération consiste simplement en une opération de vente d’actifs


auprès d’une entité non consolidée.
Exemple : vente à crédit d’un bâtiment (Actif B) dont la valeur nette
comptable est de 200 à un prix de 400. À l’issue de l’opération, les
comptes des deux entités sont les suivants :
Société A Société ad hoc « Chewco »

Actif A 100 Capital 100 Actif B 400 Capital 100


Réserves 200 Disponibilité 100 Dette 400
Actif C 700 Bénéfice 200
Créance
Chewco 400
Disponibilité 100 Dettes 800

Dans le cadre d’une consolidation, la plus-value interne serait


naturellement neutralisée par une écriture de retraitement. Dans
le cas d’Enron, cela n’est pas le cas puisque la société Chewco a
été frauduleusement exclue du périmètre de consolidation. Notons
que dans ce cas précis, la vente était assortie d’une clause de
rachat au prix initial de 100. Cette clause n’était évidemment pas

1. L’une des sociétés de la galaxie Enron a été baptisée ainsi par le directeur
financier d’Enron en référence au personnage de La guerre des étoiles, Chew-
bacca.

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Modes opératoires relatifs à la fraude comptable

portée à la connaissance des actionnaires, ni enregistrée en hors-


bilan dans la société A.

Transfert de la dette et de certains actifs risqués

Cette opération consiste à faire disparaître certains actifs risqués


(créances douteuses, titres de participation de société en difficulté)
ou certaines dettes en les transférant vers une entité ad hoc.
Exemple : à la suite de la première opération, A décide de diminuer
le montant de ses dettes et de ne plus faire apparaître l’actif C
qu’elle considère comme irrécouvrable. Elle procède donc par le
biais d’un apport partiel d’actifs au transfert d’une partie de sa
dette (300) et de l’actif C (700) en échange de titres de Chewco
pour un montant de 400. À l’issue de cette opération, les bilans
des 2 structures sont les suivants :
Société A Société ad hoc « Chewco »

Actif A 100 Capital 100 Actif B 400 Capital 500


Réserves 200 Actif C 700 Dette 700
Titre Chewco 400 Bénéfice 200 Disponibilité 100
Créance
Chewco 400
Disponibilité 100 Dettes 500

Opérations de portage d’emprunts

Cette opération découle de la précédente mais présente ceci


d’original que l’emprunt est directement contracté par la société
ad hoc en échange d’une garantie de la société A. Le transfert des
fonds pourra alors s’opérer dans le cadre d’une opération d’apport
en capital.
Exemple : à la suite des deux premières opérations, la société
Chewco contracte une dette auprès d’un établissement financier
pour 1 000. Par la suite, la société A réalise une augmentation de
capital pour un montant de 1 000 souscrite en totalité par Chewco.

87
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La fraude en entreprise

À l’issue de cette opération, les bilans des 2 structures sont les


suivants :
Société A Société ad hoc « Chewco »

Actif A 100 Capital 1 100 Actif B 400 Capital 500


Réserves 200 Actif C 700 Dette 1 700
Titre Chewco 400 Bénéfice 200 Titre sté A 1 000
Créance Disponibilité 100
Chewco 400
Disponibilité 1 100 Dettes 500

Périmètre légal de consolidation

Suite à la prise de conscience du danger de ces pratiques, les


règlementations comptables ont évolué afin de rendre obligatoire
la consolidation de certaines entités même en l’absence de tout lien
capitalistique. En France, le Code de Commerce prévoit depuis
longtemps que l’obligation de consolider existe dès lors « qu’une
société commerciale contrôle de manière exclusive ou conjointe une
ou plusieurs autres entreprises ou qu’elle exerce une influence
notable sur celles-ci »1. Mais la Loi de Sécurité Financière a élargi
sensiblement la notion de contrôle exclusif en supprimant le lien
qui existait entre « influence dominante » et détention de capital.
Si les obligations comptables sont désormais très restrictives en
matière de montages déconsolidants, il n’en demeure pas moins que,
dans la pratique, ces procédés sont extrêmement difficiles à détecter
dans la mesure où ils font appel à des sociétés étrangères fréquem-
ment situées dans des paradis fiscaux. Cet « écran de fumée »2
supplémentaire rend parfois indétectable ces manipulations qui ne
finissent par apparaître qu’au moment de la mise en jeu des garanties
données, lorsque les entités ne sont plus à même d’honorer leurs
engagements.

1. Article L.233-16 du Code de Commerce.


2. Pour reprendre l’expression de Vidaux, François, et Pons, Noël : Audit et
fraude – La Fraude dans tous ses états, 2004.

88
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IV
MODES OPÉRATOIRES RELATIFS À
LA DISSIPATION D’ACTIFS DE L’ENTREPRISE

Schématiquement, il existe quatre grands modes de détournements


d’actifs :
• l’enregistrement d’une charge fictive permettant de justifier
d’un décaissement frauduleux ;
• le détournement d’une partie des produits encaissés ;
• l’apurement frauduleux des passifs à forte ancienneté ;
• le détournement des marchandises ou matières premières
détenues en stocks.

1. ENREGISTREMENT DE CHARGES INJUSTIFIÉES

Quelles que soient les variantes plus ou moins complexes rencon-


trées en pratique, la plupart des détournements s’organisent selon
le même procédé qui consiste à comptabiliser une charge fictive
puis à organiser son règlement par un enregistrement régulier. En
théorie, toutes les catégories de charges décaissables, y compris les
éléments financiers ou exceptionnels, peuvent être falsifiées pour
camoufler un détournement. Citons à titre d’exemples, les procédés
les plus fréquemment rencontrés dans la pratique, à savoir :
• l’enregistrement de factures fictives ;

89
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La fraude en entreprise

• les surfacturations par des sociétés complices ;


• l’enregistrement de salaires fictifs ;
• les fraudes sur les notes de frais.

Enregistrement de fausses factures

La fausse facture fait partie des grands classiques de la fraude en


entreprise. Sa mise en œuvre est toutefois relativement difficile
dans le cadre d’une organisation disposant d’un contrôle interne
efficace. Pour pouvoir l’accomplir, le fraudeur doit en effet :
• obtenir la création dans le système comptable d’une fiche
fournisseur. Dans la plupart des entreprises, le référencement
du fournisseur est en effet indispensable à l’enregistrement
de la moindre facture. La fiche doit en général renseigner sur
l’identité, la nature, les conditions de paiement, ainsi que les
coordonnées bancaires du fournisseur. En général, seuls les diri-
geants ou les responsables haut placés peuvent contourner cette
procédure soit en usant de leur pouvoir sur les services comp-
tables soit en utilisant leurs accès étendus aux paramétrages
du système informatique. Un autre moyen de contourner cet
obstacle est bien entendu de faire appel à la complicité d’un
fournisseur déjà enregistré par l’entreprise ;
• faire enregistrer une fausse facture. La falsification de la fac-
ture en elle-même ne pose pas de difficulté particulière à qui-
conque dispose d’un minimum de matériel informatique. Un
certain nombre d’anomalies peuvent néanmoins être détectées,
un exemple en est fourni dans les deux pages qui suivent.
• obtenir l’enregistrement de fausses factures d’achat de mar-
chandises ou de matières nécessite en général la falsification
des autres documents liés à cette facture (bon de commande,
facture, bon de réception). Pour les factures de frais généraux
ou de prestations immatérielles, l’opération est plus aisée dans
la mesure où il est moins évident de justifier de leur matérialité.
Pour cette raison, les fausses factures concernent la plupart du

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Modes opératoires relatifs à la dissipation d’actifs de l’entreprise

Exemple de fausse facture

JPW Consulting Worldwide Fax : 02.57.43.72.10


BP 498
69001 Lyon Cedex

SARL XXXXXXXXX
74, rue Morlière
80000 Amiens

Facture n° FC 04/2005 Lyon, le 11 décembre 2005

Honoraires de conseil en management suite à notre accord € 180 000


TVA € 41 000

TOTAL TTC € 221 000

Règlement comptant par chèque à l’ordre de Jean-Pierre Wilshtelen

Société par action simplifiée au capital de 7 500 €


RCS Lyon B 40065 – n° SIRET 4010652021 – TVA n° FR 453234

Cette facture est fausse. Pourquoi ?


(Voir réponses page suivante.)

91
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La fraude en entreprise

Plusieurs indices portent à croire que cette facture est fausse :


• le nom du prestataire n’est pas répertorié au registre des
sociétés ;
• l’adresse du prestataire est une boîte postale ;
• le prestataire ne possède pas de numéro de téléphone ;
• le numéro de fax commençant par 02 ne correspond pas à
l’adresse lyonnaise ;
• il s’agit seulement de la 4e facture émise alors qu’elle est en
date du mois de décembre ;
• la facture est émise un dimanche ;
• le taux de TVA ne correspond à aucun taux normal en vigueur ;
• le libellé de la facture est particulièrement évasif et ne permet
pas de s’assurer de sa matérialité ;
• le règlement par chèque est à l’ordre d’une personne physique
et non de la société ;
• le capital social est inférieur au seuil légal de 37 000 € pour
une société par actions simplifiée ;
• les formats de numéros de SIRET, RCS et TVA sont erronés ;

temps des honoraires de conseil1, des prestations de mainte-


nance ou encore des frais de location. Notons que la fraude peut
s’établir sur une durée plus ou moins longue à l’aide de plu-
sieurs fausses factures de faibles montants émises régulièrement
afin d’éviter d’attirer l’attention ;
• récupérer le règlement effectué par l’entreprise. Plusieurs
scénarii peuvent être envisagés. L’argent peut être directement
perçu par le fraudeur en général via une société constituée à
cet effet (laquelle a préalablement procédé à la facturation).

1. Le recoupement entre les honoraires réglés en comptabilité et ceux apparais-


sant sur la DADS 2 peut ainsi permettre d’identifier une opération de détourne-
ment.

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Modes opératoires relatifs à la dissipation d’actifs de l’entreprise

Le versement peut également être perçu par un fournisseur


complice qui lui rétrocédera tout ou partie de ce montant.
Des procédés analogues plus discrets peuvent être utilisés comme,
par exemple, les enregistrements multiples justifiés par une même
facture.

Les surfacturations par des sociétés complices

Un artifice proche du précédent mais nécessitant en général davan-


tage de moyens consiste à procéder à des surfacturations par des
sociétés complices voire constituées pour l’opération.
Noël Pons, Conseiller au service Central de prévention de la
corruption, décline ainsi trois exemples de ce type de fraude1 :
Exemple 1 :
« Une entreprise recherche un brevet nécessaire au développement
d’une activité. Le responsable, connaissant le besoin dans ses
caractéristiques les plus précises, a acquis le brevet recherché
grâce à des prête-noms, puis l’a revendu bien plus cher à l’entre-
prise qui l’emploie. »
Exemple 2 :
« Le responsable qui connaît le projet d’une construction d’usine
dans un lieu précis a, avec l’aide de complices fait acheter le
terrain par une société écran. Dès lors, quelques ventes fictives
génèrent une augmentation du prix du terrain et leur font réaliser
des confortables plus-values. ».
Exemple 3 :
« Les responsables des achats de terrains à l’étranger, de mèche
avec des criminels locaux, achètent un terrain qui n’appartenait
pas au vendeur sur la base de documents maquillés. Le paiement
effectué à l’appui des actes falsifiés a immédiatement disparu. »

1. Pons, Noël : « Démonter les rouages de la mécanique », Échange n° 234,


juillet 2006.

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La fraude en entreprise

Salaires fictifs

Les détournements peuvent être masqués par le versement de


salaires fictifs à des personnes ne travaillant pas réellement au sein
de la société. Cette méthode peut être le fait soit des dirigeants,
soit des responsables des services de paies ou des ressources
humaines qui contrôlent les procédures de recrutement, d’inscrip-
tion dans les registres du personnel et de règlement des salaires.

Fraudes sur les notes de frais

Les remboursements de notes de frais sont fréquemment utilisés


par les fraudeurs dans la mesure où ces opérations font partie, avec
les paiements de salaires, des seuls flux de trésorerie habituels
depuis le compte bancaire de l’entreprise vers celui du salarié ou
du dirigeant.
Avec les notes de frais, le fraudeur n’a pas besoin de créer de
compte fictif pour justifier d’un paiement à son bénéfice.
Schématiquement, deux procédés peuvent être mis en œuvre :

La déclaration de frais non justifiés

À l’appui de ces frais, le fraudeur peut :


• ne produire aucun justificatif ou produire des justificatifs non
recevables (couvrant des dépenses personnelles), en tirant profit
d’une défaillance de contrôle ou en utilisant son pouvoir éven-
tuel pour contourner les procédures et obtenir le rembourse-
ment des sommes correspondantes ;
• produire des justificatifs falsifiés ou demander à des fournis-
seurs de majorer les justificatifs en proposant par exemple le
reversement d’une partie du surcoût.

Les remboursements multiples

Le second moyen consiste à se faire rembourser plusieurs fois les


mêmes frais en produisant le même justificatif lors de différentes

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Modes opératoires relatifs à la dissipation d’actifs de l’entreprise

déclarations (par exemple les billets de train un mois donné et la


facture de l’agence pour ces mêmes billets le mois suivant).

2. DÉTOURNEMENT D’UNE PARTIE DES PRODUITS


ENCAISSÉS

Symétriquement au procédé d’enregistrement de charges fictives,


la fraude peut consister à détourner une partie des produits réalisés
par l’entreprise.
Le procédé le plus simple consiste à détourner un paiement à sa
source avant qu’il ne transite par un compte bancaire de l’entre-
prise. Il peut s’agir par exemple de détourner une partie des règle-
ments effectués par les clients en espèces ou encore d’encaisser
des chèques clients sur le compte d’une société dont la dénomina-
tion se rapproche de celle de l’entreprise. Dans ces configurations
et afin de ne laisser aucune trace de la fraude, le meilleur moyen
consiste à n’enregistrer ni la recette détournée, ni les mouvements
de trésorerie correspondants. On peut ainsi évoquer l’exemple
classique du directeur de restaurant qui occulte certains couverts
afin de détourner une partie du chiffre d’affaires ou encore le cas
du directeur comptable qui oublie d’enregistrer certains avoirs en
provenance de fournisseurs afin de falsifier à son profit l’ordre des
chèques émis.
Dans certains cas plus complexes, le paiement doit transiter par le
compte bancaire de l’entreprise. Dès lors, le détournement doit
s’effectuer par le biais d’une opération de reversement au profit du
fraudeur pour un montant identique à celui préalablement encaissé.
Dans ce type de scénario, la méthode idéale consiste également à
n’enregistrer en comptabilité ni le produit détourné, ni les flux de
trésorerie correspondants. Prenons l’exemple du directeur financier
d’une entreprise qui reçoit des produits financiers pour un montant
de 100 000 €.

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La fraude en entreprise

La fraude s’opère de la façon suivante :


Étape 1 : Crédit de 100 000 € sur le compte bancaire de l’entreprise ;
Étape 2 : Détournement de 15 000 € au moyen de l’établissement
d’un chèque à l’ordre du directeur financier ;
Étape 3 : Enregistrement en comptabilité d’un produit financier et
d’un encaissement correspondant pour un montant de 85 000 €.
Dans d’autres cas, le produit peut être enregistré en comptabilité.
Le problème de la contrepartie comptable se pose au fraudeur et
peut être traité de plusieurs manières comme par exemple :
• l’enregistrement d’avoirs de régularisation ;
• une écriture de passage en perte ;
• la compensation avec un élément de passif existant ;
• l’affectation d’un autre règlement au compte client détourné1.

3. DÉTOURNEMENT DU RÈGLEMENT DES PASSIFS


À FORTE ANCIENNETÉ

Cette méthode constitue sans doute le mode de détournement le


plus difficilement détectable. Elle consiste tout simplement à solder
certains passifs à forte antériorité par le biais d’un paiement au
profit du fraudeur.
L’exemple suivant est issu d’un cas réel identifié à l’occasion d’une
investigation.
À la suite d’une mise en liquidation, le compte fournisseur X n’a
pas été mouvementé depuis plus de 3 ans. Le solde créditeur n’a pas
varié depuis cette date et s’élève à 18 000 €.
Lors de l’année N, le dirigeant opère un transfert comptable en
soldant le compte fournisseur et le compte courant à son nom. En
cas de contrôle pendant cette période, le dirigeant pourra prétexter

1. Ce procédé suppose la tenue d’une comptabilité parallèle afin d’assurer le


suivi des encours réels.

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Modes opératoires relatifs à la dissipation d’actifs de l’entreprise

d’une simple erreur de classement comptable sans conséquence


puisqu’à ce stade aucun décaissement n’a encore eu lieu.
En N+3, le dirigeant solde son compte courant par l’établissement
d’un chèque à son ordre pour un montant de 18 000 €.
L’ensemble de l’opération s’analyse de la manière suivante :

401XXX 455XXX 512


Fournisseur XXX C/C dirigeant Banque

N–3 18 K€

N 18 K€ 18 K€

N+3 18 K€ 18 K€

Notons que ce type de procédé peut s’appliquer à n’importe quel


passif : créditeurs divers, TVA à décaisser, dettes fiscales et sociales,
provisions, etc.

4. DÉTOURNEMENT DES MARCHANDISES EN STOCKS

Les détournements que nous avons décrits jusqu’à présent ne con-


cernent que les liquidités de l’entreprise. Certaines fraudes peuvent
également porter sur les éléments détenus en stock. Les procédés
peuvent aller du simple chapardage en entrepôt à des schémas com-
plexes de détournement des circuits logistiques.
On peut citer l’exemple d’une société d’importation de matériel
sportif filiale d’un groupe étranger dont la société mère s’inquiétait
d’une forte dégradation de son taux de marge. À l’issue de l’inves-
tigation, il s’est avéré qu’une partie du matériel (environ 5 %) était
livrée à une autre adresse de livraison puis réexpédiée et facturée
à des clients sous le nom d’une société tierce constituée par le
dirigeant de la filiale. La société victime procédait ainsi au règle-
ment des factures fournisseurs sans effectuer de rapprochement
avec les bons de réception correspondants.

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Troisième partie

MISE EN PLACE
D’UN PROGRAMME ANTI-FRAUDE
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Maxima_Ouaniche_BAT Page 101 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

V
PÉRIMÈTRE ET OBJECTIFS
D’UN PROGRAMME ANTI-FRAUDE

Un programme de lutte anti-fraude est un projet de grande enver-


gure qui doit être impulsé par la direction générale et nécessite
l’adhésion de tous les responsables de l’entreprise. La capacité
du management à convaincre de l’utilité de la démarche et à ras-
sembler l’ensemble des collaborateurs autour de valeurs éthiques
communes est un facteur clé de réussite de la démarche.
L’objectif d’un tel programme est d’agir simultanément sur les trois
composantes du triangle de la fraude afin de :
• minimiser les opportunités de fraudes en renforçant les dispo-
sitifs de contrôle ;
• réduire les facteurs de pression en réfléchissant sur les
contraintes qui pèsent sur les salariés et les dirigeants de
l’entreprise ;
• réduire les possibilités d’autojustification en créant les condi-
tions d’une adhésion collective aux valeurs de l’entreprise.
Paradoxalement, le succès d’un programme anti-fraude se mesure
par le nombre plus important de fraudes constatées à la suite de sa
mise en place, l’efficacité des outils de contrôle et de détection per-
mettant de mettre à jour des fraudes qui autrefois restaient impunies.
Sur le long-terme, un programme anti-fraude permet avant tout
de se prémunir contre le risque de fraude de grande envergure

101
Maxima_Ouaniche_BAT Page 102 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

susceptible de porter durablement atteinte à la santé financière et


à la réputation de l’entreprise.
Soulignons que la mise en œuvre d’un tel programme permettra
également d’atténuer la responsabilité des dirigeants en cas de
survenance d’une fraude de grande ampleur.
L’action préventive est enfin importante d’un point de vue fiscal
dans la mesure où il existe désormais un risque réel de remise en
cause de la déductibilité des sommes détournées.
Dans l’arrêt « Alcatel » du 5 octobre 20071, le Conseil d’État a en
effet précisé que le caractère déductible des sommes détournées
pouvait faire l’objet d’une remise en question dès lors que les diri-
geants avaient fait preuve d’une carence manifeste dans l’organi-
sation ou la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, pouvant être
à l’origine directe ou indirecte des détournements.
Il est donc impératif en cas de fraude que l’entreprise soit en mesure
de démontrer l’absence de défaillance manifeste relative à son
environnement de contrôle interne.

1. CE 5 octobre 2007, n° 291049.

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VI
DÉMARRAGE DU PROJET

Le projet doit être initié par la direction générale dont l’implication


tout au long de la démarche est une condition essentielle de sa
réussite. Lors du démarrage du projet, la direction doit en particulier
mettre en œuvre les actions suivantes :
• constitution de l’équipe ;
• adoption d’un calendrier prévisionnel ;
• communication interne au sein de l’entreprise.

1. CONSTITUTION DE L’ÉQUIPE

Le projet doit être piloté par un spécialiste de la fraude et du


contrôle interne. Comme indiqué précédemment, l’entreprise
pourra choisir ce spécialiste au sein de ses services ou bien faire
appel à un prestataire externe spécialisé. Ce dernier sera désigné
comme responsable de la conduite des travaux et sera en relation
directe avec la direction générale.
Pour l’assister, une « équipe projet » sera constituée comprenant :
• d’une part, des personnes disposant d’une expertise en matière
de contrôle : auditeurs internes, contrôleurs qualité, prestataires
extérieurs, etc. Ces personnes pourront s’impliquer dans la
conception et la mise en œuvre des dispositifs anti-fraudes ;

103
Maxima_Ouaniche_BAT Page 104 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• d’autre part, des responsables opérationnels de l’entreprise :


production, vente, logistique, achat, comptabilité, ressources
humaines, informatique, etc. Ces personnes seront chargées
d’apporter leur regard critique sur le bien fondé et le caractère
applicable des changements proposés. Les opérationnels seront
en premier lieu sollicités dans le cadre d’ateliers de réflexion
(voir plus loin) au cours du processus de conception des
dispositifs de contrôles. Par la suite, lors de la phase de mise
en œuvre, ces personnes seront chargées de communiquer en
interne sur le projet et d’assurer la bonne application des nou-
velles procédures sur le terrain.

2. ADOPTION D’UN CALENDRIER PRÉVISIONNEL

Un calendrier prévisionnel sera adopté dès le commencement du


projet. Les différentes phases du projet (diagnostic, conception
d’un programme de remédiation, mise en œuvre des dispositifs
anti-fraudes, audits de conformité) s’étalent en principe sur 12
à 24 mois selon la taille et la complexité de l’entreprise. Le format
des livrables (rapport de diagnostic, manuel de procédures, code
de déontologie, etc.) devra également être défini très en amont.

3. COMMUNICATION AU SEIN DE L’ENTREPRISE

La réussite du projet tient, avant tout autre critère, au niveau


d’implication des acteurs concernés. C’est pourquoi un véritable
plan de communication interne doit être mis en œuvre par la
direction. Ce plan doit permettre de susciter l’adhésion de tous en
mettant en évidence les avantages du programme anti-fraude :
protéger l’entreprise contre les actes de malveillance ; faciliter
le travail quotidien en améliorant les procédures opérationnelles,
appartenir à une entreprise citoyenne soucieuse de son intégrité et
de sa réputation, etc.

104
Maxima_Ouaniche_BAT Page 105 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

VII
IDENTIFICATION
DES RISQUES DE FRAUDES

1. PRINCIPE DE LA DÉMARCHE

La démarche d’identification des risques de fraude passe par un


travail de réflexion commune qui a pour objectifs de sensibiliser
les dirigeants et les cadres de l’entreprise aux risques encourus et
d’identifier les moyens de prévention et de détection des fraudes
qu’il serait possible de mettre en œuvre.
Le processus d’identification peut prendre la forme d’ateliers de
travail, animés par un spécialiste de la fraude, auxquels participent
non seulement les responsables opérationnels et financiers mais
également les acteurs du contrôle interne des différentes divisions
et le département d’audit interne.
Ces ateliers doivent permettre d’atteindre deux objectifs :
Un objectif de sensibilisation des acteurs concernés
La séance d’ouverture doit permettre une mise à niveau des partici-
pants en posant les fondements du projet et en rappelant les enjeux
et problématiques liés à la fraude. Une première approche concrète
de scénarios de fraudes doit être présentée par le passage en revue
des cas fréquents de fraudes regroupés par cycles (achats/fournis-
seurs, clients/ventes, immobilisations, stocks, trésorerie, etc.).

105
Maxima_Ouaniche_BAT Page 106 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Un objectif d’identification et de formalisation de scénarios de


fraudes par les collaborateurs de l’entreprise
L’approche par scénario passe par un travail de brainstorming qui
consiste à envisager les schémas frauduleux pouvant être mis en
œuvre au sein de l’entreprise, en tenant compte de ses spécificités
propres (particularités du secteur, histoire, organisation, etc.). L’idée
d’une telle approche est d’impliquer les acteurs de l’entreprise
qui connaissent intimement les contrôles existants et de stimuler
leur créativité pour envisager le maximum de situations possibles.
L’appel à la réflexion personnelle de chaque acteur constitue une
étape clé du processus susceptible de mettre à jour les fragilités de
contrôle de l’entreprise pour pouvoir y remédier ultérieurement.
L’analyse critique des éventuels cas de fraudes intervenus dans le
passé pourra être conduite lors de cette étape.
À l’issue de la phase d’indentification, il conviendra de procéder
à une synthèse détaillée du risque de fraude au niveau de chaque
Business Unit de l’entreprise. À chaque scénario identifié, on asso-
ciera alors un contrôle palliatif qu’il conviendra d’intégrer lors de
la mise en œuvre du manuel de procédure.

2. CADRE CONCEPTUEL

L’utilisation du modèle du COSO

Le modèle du COSO constitue un outil efficace dans le cadre de


l’analyse du contrôle interne. Ce modèle a été élaboré par une orga-
nisation américaine indépendante en 1985 (Committee of Spon-
soring Organizations of the Treadway Commissions). Il propose
une analyse globale du dispositif de contrôle interne de l’entreprise
au travers de ses cinq composantes :
• la qualité de l’environnement de contrôle qui correspond à la
culture du contrôle dans l’entreprise et à son niveau de sensi-
bilité au risque de fraude ;
• les modalités et la qualité de l’appréciation des risques de
fraude par les organes de contrôle ;

106
Maxima_Ouaniche_BAT Page 107 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identification des risques de fraudes

• la fiabilité des activités de contrôle fondées sur la mise en place


et le respect de procédures antifraudes ;
• la qualité de l’information et la communication fondée sur le
partage de la connaissance en matière de lutte contre la fraude ;
• l’efficacité de la supervision des contrôles.

Les composantes du COSO appliquées au risque de fraude


L’environnement de contrôle

L’environnement de contrôle correspond à la culture du contrôle


dans l’entreprise et à son niveau de sensibilité au risque de fraude.
Schématiquement, l’action sur l’environnement de contrôle repose
sur l’évaluation :
• du niveau de prise en charge effective du risque de fraude par
la direction qui passe par la mise en place de programmes de
contrôles mais également par la promotion de normes de com-
portements fondées sur l’éthique et l’honnêteté ;
• du niveau de supervision exercé par les instances de contrôle
internes et externes.
L’évaluation de l’environnement de contrôle doit permettre d’iden-
tifier les éventuelles insuffisances en termes de culture de la fraude
et de proposer des actions complémentaires comme par exemple
la mise en place d’un code d’éthique ou le développement de pro-
gramme de sensibilisation (formation, programme d’apprentissage
e-learning, etc.).

L’appréciation du risque de fraude

L’approche du COSO invite l’auditeur à évaluer le processus


habituel d’appréciation par le management des risques de fraude
en termes de périmètre, de formalisme et de méthodologie.
Globalement, il s’agit de répondre aux questions suivantes :
• l’appréciation du risque de fraude est-elle confiée à des per-
sonnes présentant le niveau de compétence et d’autorité suf-
fisante ?

107
Maxima_Ouaniche_BAT Page 108 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• comment l’entité a-t-elle effectué l’analyse de sa propre vulné-


rabilité ? En particulier, comment les scénarios de contourne-
ment des contrôles en place ont-ils été envisagés ?
• comment les activités/entités sont-elles appréhendées dans le
processus d’appréciation du risque compte tenu de leurs poids
et de leurs niveaux de risque relatif ?
• comment le risque de fraude est-il pris en compte lors du pro-
cessus de création de nouvelles activités ?
À partir de cette appréciation, des dispositifs de contrôle supplé-
mentaires peuvent être mis en œuvre, par exemple :
• l’instauration d’un système de notation des différentes entités
en fonction de leur niveau de risque ;
• l’établissement d’un tableau de bord de la fraude permettant
le suivi des cas de fraudes identifiés, du coût de la fraude et du
traitement individuel apporté à ces incidents.

Les activités de contrôle

Les activités de contrôle désignent l’ensemble des actions et procé-


dures mises en œuvre par l’entreprise visant à identifier, prévenir
et atténuer le risque de fraude. Ces actions très variées peuvent
concerner la séparation des tâches, les procédures d’autorisation,
la revue de la performance opérationnelle ou encore les dispositifs
de sécurité et de sauvegarde des actifs. Notons, à ce titre, l’impor-
tance des systèmes d’information et de la sécurité des paramétrages.
La qualité des procédures d’accès et la sécurité des informations
(notamment les procédures d’autorisation de modifications ou de
destructions de données) sont en effet centrales dans la prévention
de la fraude.
L’évaluation des activités de contrôle consiste à :
• comprendre le lien entre l’appréciation des risques par les orga-
nes de contrôles et les procédures effectivement mises en place ;
• apprécier si tous les risques significatifs ont été pris en compte
dans le dispositif et si les contrôles mis en place répondent
d’une manière effective aux risques identifiés.

108
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Identification des risques de fraudes

L’information et la communication

Le contrôle interne anti-fraude suppose la mise en place d’un


système d’information effectif permettant :
• d’une part, la formation du personnel et sa sensibilisation au
risque de fraude. Les actions de formation (interne ou externe)
doivent avoir pour objet de faire comprendre le rôle et les res-
ponsabilités de tous les acteurs impliqués dans le programme
de lutte anti-fraude. Ces formations doivent également avoir
pour finalité de faire comprendre qu’aucune fraude ne peut
demeurer impunie au sein de l’entité.
• d’autre part, la communication doit permettre une optimisation
des savoir-faire qui peut passer par la mise au point d’un pro-
gramme de collecte et de partage de l’information relative aux
risques de fraudes identifiés (typologie des fraudes détectées
au sein de l’entité, forces et faiblesses des activités de contrôles
existantes, actions correctives devant être envisagées).

La supervision des contrôles

Enfin, l’efficience de l’ensemble du dispositif de prévention de


la fraude repose sur la supervision des contrôles exercés par les
organes responsables (comité d’audit, conseil d’administration,
direction de l’audit interne, directions opérationnelles, etc.).
L’appréciation du niveau et de la qualité de la supervision consiste à :
• comprendre et évaluer les rôles et les responsabilités des dif-
férents acteurs ;
• déterminer si les personnes en charge de la supervision ont
l’autorité, la compétence et l’indépendance suffisantes ;
• connaître la fréquence et la qualité du processus de suivi des
faiblesses identifiées.
Le cas échéant, des procédures de contrôles complémentaires
peuvent être mises en œuvre comme par exemple :
• la détermination précise des niveaux de supervisions en fonc-
tion de l’importance des incidents rencontrés ;

109
Maxima_Ouaniche_BAT Page 110 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• un suivi régulier par la direction de l’état d’avancement des


programmes destinés à pallier les faiblesses identifiées.

3. PROPOSITION D’UN OUTIL OPÉRATIONNEL DE SCORING


ET DE CARTOGRAPHIE DU RISQUE

Principe de l’outil

À partir du modèle du COSO, de l’expérience des cas de fraudes


rencontrés dans la pratique et du triangle de la fraude de Cressey,
nous avons développé un outil d’appréciation du risque global de
fraude applicable à toutes les entreprises.
Cet outil se fixe trois objectifs principaux :
• développer une compréhension approfondie de l’entreprise et
de son environnement ;
• permettre de quantifier le niveau de risque global pesant sur
l’entreprise par le biais d’un modèle de scoring ;
• offrir une visualisation graphique des zones de risques identi-
fiées afin de faciliter la conception d’un programme de travail
adapté.
Concrètement, il s’agit de définir un niveau de risque moyen pour
chacun des sept paramètres spécifiques de la fraude à savoir :
• la culture éthique de l’entreprise ;
• la qualité des dispositifs de contrôle interne ;
• le niveau de complexité organisationnelle ;
• l’importance relative de la rémunération variable du manage-
ment ;
• le niveau de pression pesant sur l’entreprise ;
• le niveau de risque structurel lié à l’activité ;
• le niveau de risque lié aux événements récents de la vie de
l’entreprise.

110
Maxima_Ouaniche_BAT Page 111 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identification des risques de fraudes

La définition d’un niveau de risque pour chacun de ces paramètres


peut s’effectuer au moyen d’un questionnaire que nous allons présen-
ter. Chaque question posée dans ce questionnaire doit recevoir une
note entre zéro et cinq, zéro correspondant au niveau théorique de ris-
que nul et cinq correspondant au niveau de risque maximum. Le
niveau de pondération de chaque question est laissé à l’appréciation
de l’auditeur et doit être adapté à la spécificité de chaque situation.
Une fois le questionnaire rempli, un score théorique du risque de
fraude au sein de l’entreprise sera attribué, correspondant à la
somme des scores par paramètre sur un total de 35. Les représen-
tations graphiques associées permettront de visualiser facilement
les zones de risques à investiguer afin de mieux saisir la configu-
ration dans laquelle évolue l’entreprise et de faciliter la définition
d’un programme de travail.
Considérons à présent chacun des paramètres de risques.

Appréciation des 7 paramètres du risque de fraude

Risque lié à la culture éthique de l’entreprise

Cette catégorie de risque se rapproche de la notion d’« environ-


nement de contrôle » dans le modèle du COSO. Les questions
présentées ci-après cherchent à mesurer la culture du contrôle dans
l’entreprise et son niveau de sensibilité au risque de fraude (voir
tableau page suivante).

Risque lié au niveau de pression pesant sur l’entreprise

Cette catégorie de risque concerne les différentes contraintes pesant


sur l’entreprise susceptibles de déclencher des actions frauduleuses
de la part des fraudeurs. Ces pressions peuvent être d’ordre finan-
cier, stratégique ou opérationnel et correspondent à l’une des
pointes du triangle de la fraude.
Le questionnaire ci-après décline les différents facteurs de pressions
pouvant s’exercer sur l’entreprise (voir tableau page 113).

111
I. Culture éthique de l’entreprise

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)
1/ Apprécier l’historique des fraudes ou erreurs comptables survenues au cours des dernières
Maxima_Ouaniche_BAT Page 112 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

années :
• Des transactions douteuses ont-elles déjà été détectées dans le passé ?
• L’entreprise a-t-elle déjà fait l’objet de condamnations en justice pour des actions frauduleuses ?

112
• Évaluer l’adéquation des principes comptables retenus (agressivité des options, fréquence des change-
ments de méthodes).

2/ Considérer le niveau de sensibilité au risque de fraude dans l’entreprise :


La fraude en entreprise

• Existe-t-il un code éthique dans l’entreprise ? Ce code est-il connu de tous ?


• Existe-t-il un dispositif d’alerte indépendant de la direction ?
• Existe-t-il des actions de prévention / formation au sujet de la fraude dans l’entreprise ?

3/ Considérer l’évaluation du risque de fraude par le management, le comité d’audit et toute autre
personne responsable :
• Globalement, le management semble-t-il conscient des risques liés à la fraude ?
II. Pression pesant sur l’entreprise

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)

1/ Considérer la situation financière de l’entreprise :


• Le chiffre d’affaires s’est-il récemment détérioré ?
• Les ratios de performance opérationnelle se sont-ils dégradés ?
• La situation de trésorerie et le niveau d’endettement sont-ils préoccupants ?
• Existe-t-il un risque d’activation des clauses de défaut (ie les « covenants ») liées au non-respect de cri-
Maxima_Ouaniche_BAT Page 113 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

tères financiers sur certains contrats ?


• Existe-t-il des engagements hors bilan importants ?
• Existe-t-il une menace d’une prise de contrôle hostile ?

113
• Existe-t-il une menace de cessation des paiements ?
• Existe-t-il une menace de chute du cours de bourse ou de baisse de la valeur de l’entreprise ?
• Existe-t-il des inscriptions de privilèges/nantissements sur les actifs de l’entreprise ?
• Existe-t-il des stocks à faible rotation significatifs ?
• Les délais de règlements de clients se sont-ils allongés ?
• Les délais de règlements de fournisseurs se sont-ils raccourcis ?
Identification des risques de fraudes

2/ Considerer le niveau d’attente des analystes financiers ou actionnaires :


• L’entreprise est-elle côtée sur un marché réglementé ?
• L’entreprise a-t-elle fait l’objet d’une acquistion avec effet de levier (type LBO) ?
• Le niveau de rentabilité attendu est-il réaliste ?

3/ Considérer les options stratégiques de l’entreprise :


• Les objectifs fixés / annoncés sont-ils réalistes ?
• Des opérations stratégiques sont-elles programmées ? (Introduction en bourse, Fusion, Acquisition
ou Cession d’activité)
Maxima_Ouaniche_BAT Page 114 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Risque lié à la complexité organisationnelle de l’entreprise

La complexité organisationnelle est sans conteste un facteur aggra-


vant du risque de fraude dans l’entreprise. Le fraudeur pourra faci-
lement se réfugier derrière cette complexité pour dissimuler ses
actes. Certains auteurs parlent ainsi d’un « écran de fumée »1 et
indiquent que certains fraudeurs vont même jusqu’à favoriser cette
opacité afin d’accomplir leurs méfaits2 (voir tableau page suivante).

Risque structurel lié à l’activité

Ce paramètre correspond au niveau de risque auquel sont soumises


toutes les entreprises appartenant à un même secteur d’activité. Il
s’agit de déterminer le niveau de risque inhérent à l’activité en
fonction de ses spécificités structurelles, des pratiques généralement
admises dans la profession et de l’évolution de l’environnement
économique (voir tableau page 116).

Risque lié à l’importance de la rémunération variable du management

Les éléments de rémunération variable sont des facteurs détermi-


nants de motivation de la fraude comptable dans la mesure où une
amélioration des indicateurs de performance financière peut avoir
une incidence sur le niveau de rémunération du management.
Rappelons à ce titre que l’analyse des incentives3 constitue une
diligence d’audit obligatoire dans le cadre du référentiel américain
SAS 99. Par « rémunération variable », il faut en réalité entendre
l’ensemble des intérêts financiers du management indexés sur la
performance de l’entreprise. Ainsi, les intérêts du management dans
le capital de l’entreprise par le biais d’une participation directe ou
d’un programme d’attribution de stock-options constituent-ils un
facteur de risque à prendre en compte (voir tableau page 117).

1. Vidaux, François, et PONS, Noël : Audit et fraude – La Fraude dans tous ses
états, 2004.
2. Sachet-Milliat, Anne : « La délinquance d’entreprise : définition, enjeux et
principales variables explicatives », Entreprise Éthique n° 25, 2006.
3. Incitations financières.

114
III. Complexité organisationnelle

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)

1/ Considérer le niveau de complexité de l’organigramme :


• Les rôles et les responsabilités sont-ils clairement définis ?
• L’organigramme fait-il apparaître des doublons ou des incohérences ?
Maxima_Ouaniche_BAT Page 115 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

• L’organigramme fait-il apparaître des personnes non salariées (exemple : consultant ou personnel
en free-lance) ?

2/ Considérer le niveau de complexité juridique :

115
• Existe-t-il des montages financiers complexes ?
• Le nombre de structures juridiques est-il important ?
• Existe-t-il des filiales “off-shore” ?

3/ Considérer la fiabilité des systèmes d’information :


Identification des risques de fraudes

• Les systèmes d’information sont-ils en adéquation avec l’organisation ?


• Les systèmes sont-ils correctement intégrés ?
• Les accès aux systèmes sont-il bien sécurisés et paramétrés ?

4/ Considérer la qualité des procédures comptables :


• Les comptes sont-ils régulièrement analysés et justifiés ?
• Le suivi des anomalies est-il correctement assuré ?
• La volumétrie des écritures de régularisation de fin de période est-elle normale ?
IV. Risque structurel lié à l’activité

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)

1/ Considérer le secteur d’activité :


• Globalement, le secteur de l’entreprise est-il favorable à la fraude ? (Cf. études statistiques sur les sec-
Maxima_Ouaniche_BAT Page 116 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

teurs les plus touchés.)

2/ Déterminer si le secteur d’activité ou le positionnement de la société dans son secteur l’expose

116
à des risques spécifiques :
• Le rythme des innovations et du processus d’obsolescence des produits est-il élevé ?
• L’activité est-elle ouverte aux nouveaux entrants ?
• Le marché est-il saturé ?
La fraude en entreprise

• Le niveau de pression sur les prix et les marges est-il élevé ?


• L’entreprise dispose-t-elle d’une position dominante sur le marché ? Si oui, son leadership lui permettrait-il
d’imposer des opérations illicites à ses partenaires ?

3/ Apprécier le risque de détournement d’actifs :


• L’activité de l’entreprise implique-t-elle des échanges d’argent importants en espèces ?
• Les stocks sont-ils par nature vulnérables au vol ? (stocks facilement revendables, valeur unitaire élevée,
etc.)
V. Importance relative de la rémunération variable du management

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
Maxima_Ouaniche_BAT Page 117 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

de risque maxmum)

1/ Apprécier l’importance de la rémunération variable du management ?

117
2/ Le management dispose-t-il d’intérêts financiers dans le capital ?

3/ Comprendre le mode de calcul de la rémunération variable du management :


• Les indicateurs retenus sont-ils indexés sur la performance financière de l’entreprise ?

4/ Considérer l’indépendance du service des paies :


Identification des risques de fraudes

• Le service des paies est-il directement rattaché au dirigeant ?


• La rémunération du dirigeant est-elle déterminée par un organe indépendant ?
Maxima_Ouaniche_BAT Page 118 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Afin de mieux cerner le risque, on pourra par exemple établir une


analyse détaillée des différents éléments de rémunérations pour
chaque cadre dirigeant et mandataire social, comme présenté dans
le tableau ci-dessous :

Type de Rém. variable/ Éléments Opportunités Schéma


Nom Fonction rémuneration Rém. totale de calcul de la de fraudes de fraude
variable (%) rém. variable (de 1 à 5) potentiel

Stock-options

Bonus
discretionnaire

Prime
de résultat

Risque lié à la qualité des dispositifs de contrôle interne

Ce risque est associé à la pointe « opportunité » du triangle de la


fraude. L’analyse du contrôle interne par processus peut à ce titre
exiger une analyse détaillée du mode de fonctionnement de l’entre-
prise au niveau de ses différentes activités et de ses différentes fonc-
tions (production, achat, vente, comptabilité, trésorerie, ressources
humaines, etc.)1 (voir tableau page suivante).
Il s’agit également d’évaluer la capacité des dirigeants à s’écarter
de ces contrôles en usant de leur pouvoir. Ce pouvoir peut être
direct, comme par exemple l’accès illimité aux systèmes infor-
matiques de l’entreprise, ou indirect, comme la force de persuasion
et la confiance suscitée auprès des organes de contrôle. Le tableau
page 120 résume les principaux éléments à prendre en compte.

1. Pour un analyse détaillée des procédures de contrôle interne, on pourra se


reporter à l’ouvrage de Frédéric Bernard, Rémi Gayraud et Laurent Rousseau :
Contrôle interne – Gestion des risques de fraude, 2e édition, Maxima, 2008.

118
VI. Solidité des dispositifs de contrôle interne

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)

1/ Considérer la conception des dispositifs de contrôle interne :


• Les procédures sont-elles clairement rédigées ?
• Les procédures sont-elles simples et concrètement applicables ?
Maxima_Ouaniche_BAT Page 119 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

• Les procédures permettent-elles de garantir une correcte séparation des tâches?


• Les procédures sont-elles précises concernant les différents niveaux de responsabilité et de délégation ?
• Les procédures permettent-elles d’assurer la sauvegarde des actifs corporels ?

119
• Les procédures comptables sont elles suffisantes pour assurer une information financière fiable et
transparente ?

2/ Considérer le niveau d’application concrète des procédures de contrôle interne :


• Les procédures sont elles accessibles au personnel ?
• Les acteurs de l’entreprise ont-ils une bonne connaissance de ces procédures ?
Identification des risques de fraudes

• Les acteurs de l’entreprise appliquent-ils correctement les procédures ?


• La matérialisation des contrôles effectués est-elle suffisante ?

3/ Considérer le rôle des organes de contrôle :


• Le département d’audit interne est-il un organe de contrôle efficace ? (taille et compétence, niveau
d’indépendance ou lien avec la Gouvernance, sensibilité au risque de fraude et diligences menées,
champs d’actions/périmètres couverts.)
• La société dispose-t-elle d’un ou plusieurs commissaire(s) aux comptes ?
VI. Solidité des dispositifs de contrôle interne (suite)

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
à 5 (niveau
de risque maxmum)

4/ Considérer la capacité du management à contourner les dispositifs de contrôle :


• Le mode de management est-il plutôt autocratique ou consultatif ?
• Existe-t-il un Conseil d’administration ou organe collégial de décision équivalent (directoire / conseil de
Maxima_Ouaniche_BAT Page 120 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

surveillance) ?
• Le contrôle du Conseil d’administration est-il jugé suffisant ? (régularité des réunions, niveau d’indépen-
dance du management vis-à-vis du conseil, etc.).

120
• Le management a-t-il un accès direct au système comptable lui permettant d’effectuer des saisies ?
• Le management est-il en relation étroite avec les services comptables dans la gestion quotidienne de
l’entreprise ?
La fraude en entreprise

• Dans le passé, un dirigeant a-t-il déjà donné l’ordre de court-circuiter une procédure habituelle de validation
(exemple paiement d’une facture sans recoupement au bon de commande/bon de reception) ?
• Les dirigeants doivent-il faire valider leurs dépenses par un organe indépendant ?
• Les dirigeants disposent-t-ils d’une carte bleue directement débitée sur le compte de la société ?
• Le management a-t-il un accès direct aux systèmes informatiques ?
Maxima_Ouaniche_BAT Page 121 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identification des risques de fraudes

Risque lié aux événements de la vie de l’entité

Ce dernier paramètre vise à identifier les événements récents sus-


ceptibles d’accroître le niveau de pression pesant sur l’entité ou
encore de constituer des symptômes indicateurs d’une possibilité
de fraude (voir tableau page suivante).

Exemples de représentations graphiques

La représentation graphique de ces sept paramètres fondamentaux


sous la forme d’un polygone permet de visualiser les zones de
risques et de comprendre la configuration dans laquelle se situe
l’entreprise. Dans le schéma suivant, chaque axe correspond à un
des paramètres pour lequel le risque maximum a été attribué.

Dispositifs de contrôle interne

Événements récents Culture éthique


de la vie de l’entreprise

Risque structurel Complexité


lié à l’activité organisationnelle

Pression pesant Rémunération variable


sur l’entreprise du management

Configuration de risque de fraude maximale

121
VII. Risques liés aux événements récents de la vie de l’entité

Note allant de 0
(niveau théorique
Non
du risque nul)
applicable
Maxima_Ouaniche_BAT Page 122 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

à 5 (niveau
de risque maxmum)

1/ Considérer les événements exceptionnels intervenus récemment :

122
• Des transactions complexes ou atypiques ont-elles eu lieu au cours de la période d’investigation (cession
d’actif, emprunts, titrisation, contrat commercial significatif, partenariat, etc.) ?
• Des personnages clés ont-ils quitté l’entreprise au cours de la période ?
La fraude en entreprise

• Des ruptures dans la remontée d’informations sont-elles intervenues ? (changement de logiciels)


• Des situations de conflits d’intérêts ont-elles émergé récemment ? (par exemple, des contrats de con-
seils, de fournitures, ou de sous-traitance ont-ils été confiés de manière directe ou indirecte à des pro-
ches des dirigeants ou de salariés de l’entreprise ?)
Maxima_Ouaniche_BAT Page 123 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identification des risques de fraudes

Le cas suivant correspond lui à la situation concrète d’une PME


de service analysée au cours d’une intervention :

Dispositifs de contrôle interne

Événements récents Culture éthique


de la vie de l’entreprise

Risque structurel Complexité


lié à l’activité organisationnelle

Pression pesant Rémunération variable


sur l’entreprise du management

PME de service :
niveau de risque modéré reposant sur la confiance et la simplicité
de l’organisation malgré des procédures de contrôles très faibles

On reconnaît dans ce schéma la configuration d’une entreprise


dont les principaux facteurs de risque résultent de l’importance de
la concentration des pouvoirs et de la faiblesse des dispositifs de
contrôle interne. Au niveau global, le risque reste néanmoins mesuré
compte tenu de la simplicité de l’organisation, de l’absence d’évé-
nements récents criminogènes et de la faible pression de l’environ-
nement sur la structure.

123
Maxima_Ouaniche_BAT Page 124 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Considérons à présent le cas d’une entreprise évoluant dans le


secteur du bâtiment, cotée sur le marché français :

Dispositifs de contrôle interne

Événements récents Culture éthique


de la vie de l’entreprise

Risque structurel Complexité


lié à l’activité organisationnelle

Pression pesant Rémunération variable


sur l’entreprise du management

Société cotée du secteur du bâtiment :


le risque structurel élevé est bien maîtrisé
par le dispositif de contrôle interne

Contrairement au cas précédent, nous avons ici affaire à une struc-


ture soumise à un niveau de risque structurel élevé se traduisant par :
• un niveau de pression sur l’entité important : il s’agit de projets
immobiliers de grande ampleur dans un environnement forte-
ment concurrentiel où la tension sur les prix de vente impose des
contraintes strictes en matière de respect des délais d’exécu-
tion et des budgets initiaux. Par ailleurs, la cotation de l’entre-
prise sur un marché réglementé accentue la pression liée aux
attentes des analystes financiers et des actionnaires ;
• une grande complexité organisationnelle : la structure présente
la complexité organisationnelle d’un grand groupe industriel
international. Le suivi opérationnel de chantiers s’étalant sur
plusieurs exercices suppose l’application de procédures de
reporting particulièrement élaborées ;

124
Maxima_Ouaniche_BAT Page 125 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identification des risques de fraudes

• une culture éthique considérée comme relativement porteuse de


risques compte-tenu du secteur d’activité, et des raisons qui
viennent d’être évoquées.
Ce niveau de risque structurel important est toutefois atténué par
l’existence d’un contrôle interne fiable et de contre-pouvoirs impor-
tants vis-à-vis du management (commissaires aux comptes, comité
d’audit, comité de rémunération, etc.).
Considérons enfin le cas d’une autre entreprise, représentée par
le graphique suivant :

Dispositifs de contrôle interne

Événements récents Culture éthique


de la vie de l’entreprise

Risque structurel Complexité


lié à l’activité organisationnelle

Pression pesant Rémunération variable


sur l’entreprise du management

PME en crise :
niveau de risque structurellement faible
mais fortement accru par les difficultés financières

Il s’agit ici d’une PME présentant habituellement un faible niveau


de risque mais dont la situation de crise financière aggrave signifi-
cativement le risque de fraude (augmentation du niveau de pression
pesant sur l’entité et importance des risques liés aux événements
récents de la vie de l’entreprise).

125
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Maxima_Ouaniche_BAT Page 127 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

VIII
MISE EN ŒUVRE
D’UN PROGRAMME DE REMÉDIATION

1. RÉDACTION D’UN CODE DE DÉONTOLOGIE

Le code de déontologie est un document qui définit les valeurs et


les comportements au sein de l’entreprise en vue du respect d’une
éthique professionnelle. Le code de déontologie définit les droits
et les devoirs des membres de l’entreprise et les principes de
conduite qui régissent leurs relations entre eux ainsi qu’avec les
tiers.
En France, les codes de déontologie ne concernaient jusqu’à très
récemment que certaines professions spécifiques (policiers,
journalistes, etc.) ou règlementées (avocats, médecins, experts-
comptables, commissaires aux comptes, etc.). Le développement
des codes de déontologie dans les entreprises nous est venu d’outre-
Atlantique. Dans de nombreuses entreprises américaines, il n’est
pas rare de voir un salarié être invité lors de son embauche à signer
le code de déontologie afin de matérialiser son adhésion aux valeurs
de l’entreprise. Cette procédure s’explique par cette donnée cultu-
relle spécifique aux États-Unis qui fait du parjure une transgression
aussi grave que l’acte frauduleux commis. L’auteur d’un forfait se
verra alors reprocher non seulement son délit mais également le
non respect d’un engagement pris.

127
Maxima_Ouaniche_BAT Page 128 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Appliquée en France, la mise en œuvre d’un code de déontologie


peut susciter des réactions d’hostilité ou d’ironie de la part des
salariés. Il n’en demeure pas moins que sur le long terme, elle
contribue à promouvoir les comportements honnêtes et le respect
de l’environnement de travail. Une fois vaincues les premières
réticences, l’entrée en vigueur d’un code de déontologie permettra
de communiquer à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise sur
l’importance que l’entreprise attache à ces valeurs.
D’un point de vue juridique, notons qu’il est obligatoire d’informer
au préalable l’inspecteur du travail1 dès lors que la charte éthique
intègre des dispositions qui relèvent du règlement intérieur2.
Par ailleurs, si l’inspecteur du travail ne peut censurer des dispo-
sitions ne relevant pas du champ du règlement intérieur, il peut
néanmoins, au titre de sa compétence générale de contrôle, prendre
connaissance de l’ensemble du code de conduite et, éventuel-
lement, formuler des observations au regard, par exemple, de la
règle de proportionnalité et des dispositions visant à lutter contre
les discriminations (articles L.1121-1 et L.1132-1 du Code du
Travail).
Enfin, dans le cas où l’entreprise choisit d’intégrer tout ou partie
de la charte au contrat de travail, soit lors de sa conclusion, soit par
un avenant ultérieur, il est impératif de matérialiser l’accord clair
et non équivoque du salarié. Les dispositions de la charte doivent
en tout état de cause répondre aux conditions de l’article L.1121-1
du Code du Travail3.
Un code de déontologie se structure généralement de la manière
suivante :

1. Circulaire DGT 2008/22 du 19 novembre 2008 relative aux chartes éthiques,


dispositifs d’alerte professionnelle et au règlement intérieur.
2. Conformément à l’article L1321-4 du Code de Travail.
3. « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles
et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

128
Maxima_Ouaniche_BAT Page 129 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Mise en œuvre d’un programme de remédiation

Un préambule qui définit les objectifs et les principes du code.


Exemple de préambule issu du code de déontologie de la société
Renault1 :
« La prospérité et le développement d’une entreprise sont largement
fondés sur la confiance qu’elle inspire à ses clients, à ses action-
naires et à ses partenaires commerciaux y compris ses fournisseurs,
confiance qui doit exister aussi bien dans les rapports entre l’entre-
prise et les membres du personnel qu’entre les membres du per-
sonnel eux-mêmes.
L’existence et le maintien de cette confiance supposent le respect
à tous les échelons d’un certain nombre de règles de conduite.
Le présent code a pour objet de permettre aux acteurs de l’entre-
prise de déterminer leur comportement en présence de situations
concrètes, parfois complexes, par référence à quelques principes
clairs et précis.
Il va de soi qu’un tel code ne saurait tout prévoir et que l’objectif
poursuivi ne sera atteint que grâce au bon sens et au sens des
responsabilités de chacun. Les obligations décrites dans le présent
code n’ont donc pas vocation, tant au plan national qu’inter-
national, à se substituer à celles prescrites par les textes légaux et
réglementaires existants, ou par les textes internes en vigueur sur les
différents sites où le Groupe intervient (généraux ou particuliers).
Toutefois, ces obligations s’ajoutent aux textes en vigueur quels
qu’ils soient, et forment pour tous les membres du personnel du
Groupe et en tous lieux, un ensemble de règles qui doivent être
appliquées en toutes circonstances. »
Une première partie détaillant les principes généraux.
Cette partie consacre les valeurs prônées par l’entreprise qui
doivent gouverner les comportements de chacun dans ses rapports
avec autrui.

1. Information disponible sur le site internet de l’entreprise : http://www.renault .com

129
Maxima_Ouaniche_BAT Page 130 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Exemple (extrait du code de déontologie de la société Générali1) :


« 1. Correction et honnêteté
Le groupe se conforme à la législation en vigueur, à la déontologie
professionnelle, et aux règlements internes. La poursuite des intérêts
du Groupe ne peut en aucune manière justifier un comportement
contraire aux principes de correction et d’honnêteté. En consé-
quence, toute forme d’avantage ou de libéralité, offerte ou reçue,
sera refusée si elle peut être considérée comme une tentative visant
à influencer le jugement ou l’attitude des parties concernées.
2. Impartialité
Dans ses relations avec tous ses interlocuteurs internes et externes,
le Groupe doit éviter toute forme de discrimination fondée sur
l’âge, l’origine raciale ou ethnique, la nationalité, les opinions
politiques, les convictions religieuses, le sexe, la sexualité, ou l’état
de santé de ses interlocuteurs.
3. Professionnalisme et développement des ressources humaines
Le Groupe s’engage à garantir le niveau de professionnalisme
requis pour permettre à ses collaborateurs de s’acquitter de leurs
missions. À cette fin, le Groupe œuvre au développement de ses
ressources humaines, en mettant à la disposition de son personnel
les instruments voulus en termes de formation, de perfectionnement
et de développement personnel.
4. Confidentialité
Dans le respect de la loi, le Groupe s’engage à garantir la confi-
dentialité des informations qui lui sont communiquées. Il est interdit
aux collaborateurs d’utiliser des informations confidentielles à
d’autres fins que celles qui sont liées à leur activité professionnelle.
5. Conflits d’intérêts
Dans toutes ses activités, le Groupe s’efforce d’éviter toute situa-
tion générant ou pouvant générer un conflit d’intérêt. Par « conflit
d’intérêt », on entend non seulement tous les cas définis par la loi

1. Extrait du site internet : http://www.generali.be

130
Maxima_Ouaniche_BAT Page 131 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Mise en œuvre d’un programme de remédiation

mais aussi les situations dans lesquelles un collaborateur poursuit


un intérêt différent de ceux de l’entreprise ou de ses actionnaires,
dans le but d’en tirer un avantage personnel.
[…] »
Une seconde partie qui précise les règles à respecter en appli-
cation avec les principes généraux préalablement définis.
Ces règles sont par nature spécifiques à l’entreprise et à son environ-
nement. Elles peuvent être envisagées selon plusieurs perspectives,
par exemple en distinguant celles qui régissent les comportements
internes de celles qui concernent les relations avec les acteurs
exterieurs : clients, fournisseurs, banques, concurrents, etc.
Exemple d’articles d’application pratique (issu du code de
déontologie de la société Accenture) :
« • Condamner toute tentative de corruption et tout paiement suspect ;
• Ne pas donner ou recevoir des cadeaux excessifs ;
• Communiquer des informations correctes et en temps voulu à nos
partenaires ;
• Se montrer équitable mais déterminé face à la concurrence ;
• Promouvoir le respect mutuel et ne tolérer ni le harcèlement, ni
l’intimidation ;
• Préserver un lieu de travail sûr et sans risque pour la santé ;
• Créer un environnement valorisant pour la personne. »
Une fois rédigé, le management doit s’efforcer de diffuser large-
ment le code de déontologie au sein de l’entreprise par différents
moyens : mail collectif, intranet, affichage, organisation d’un
événement de lancement, etc.
Dans certains cas, cette communication peut s’étendre à la clientèle
et aux fournisseurs de l’entreprise. Pour ce qui concerne les entre-
prises socialement exposées, la présentation du code de déontologie
par voie de presse peut s’avérer très efficace en termes d’image,
à condition toutefois que les actes du management n’entrent pas
en contradiction avec les valeurs affirmées.

131
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La fraude en entreprise

2. CONCEPTION, VALIDATION ET MISE EN ŒUVRE


D’UN MANUEL DE PROCÉDURES

Le manuel de procédures est la bible du programme anti-fraude.


Il s’agit d’un document approuvé par la direction qui décrit de
manière précise et détaillée :
• les circuits de flux de documents et d’informations ;
• les procédures d’autorisation et d’approbation ;
• les différents niveaux de responsabilités et de délégation ;
• les dispositifs de sécurité à respecter.
Le manuel de procédures s’adresse à tous les membres de l’entre-
prise et envisage, pour chaque cycle d’activité et chaque niveau de
responsabilité, l’ensemble des opérations de l’entreprise devant
permettre de :
• garantir la sécurité des actifs de l’entreprise ;
• respecter les lois et règlements en vigueur ;
• fiabiliser les informations comptables et financières.
La rédaction d’un manuel de procédures est un projet qui peut
parfois s’étendre sur plusieurs années selon la taille de l’entreprise
et la complexité de son organisation. En réalité, le travail n’est
jamais achevé dans la mesure où l’entreprise, comme tout orga-
nisme vivant, se développe et adapte son mode de fonctionnement
aux évolutions de l’environnement. Il est donc nécessaire de faire
évoluer régulièrement le manuel de procédures afin qu’il conserve
sa pertinence. C’est pourquoi le manuel de procédures doit prévoir
les règles et les responsabilités relatives à sa mise à jour continue
dans le temps.
Une fois l’ensemble des procédures documentées, la fiabilité de
leur conception doit être validée par le management. Le principe
de cette validation consiste à déterminer si les contrôles élaborés,
à supposer qu’ils fonctionnent conformément à la documentation
établie, sont de nature à minimiser le risque de fraude au sein de
l’entreprise. Un travail de réflexion doit alors avoir lieu pour
examiner de manière critique le niveau de solidité de chacun des

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Mise en œuvre d’un programme de remédiation

contrôles prévus. Il s’agira d’imaginer les scénarios possibles de


contournement de ces dispositifs afin d’anticiper et de remédier
aux éventuelles failles de conception.
Suite à la validation en amont des procédures écrites, la phase de
mise en œuvre peut alors commencer.
Cette phase consiste à :
• assurer la communication du manuel de procédures auprès
des responsables appropriés ;
• mettre en œuvre les actions de sensibilisation et de formation
du personnel aux nouvelles procédures ;
• désigner un responsable technique chargé d’apporter au per-
sonnel toutes les informations et précisions utiles en rapport
avec l’application du manuel de procédures ;
• établir un calendrier de mise en œuvre.
La phase de mise en œuvre doit s’étaler sur une période suffisam-
ment longue pour permettre au personnel de s’adapter au nouveau
mode de fonctionnement. Il convient toutefois à notre avis que la
phase de transition n’excède pas une année afin d’éviter la lassi-
tude du personnel et de conserver un niveau d’implication élevé
sur toute la durée du projet.
La phase de mise en œuvre doit nécessairement se clôturer par le
déclenchement de l’audit de conformité qui constitue l’aboutis-
sement de la démarche anti-fraude.

3. MISE EN ŒUVRE D’UN DISPOSITIF D’ALERTE

Un dispositif d’alerte professionnelle est un système mis en place


par un organisme privé ou public pour inciter ses employés à
signaler des problèmes pouvant sérieusement affecter son activité
ou engager gravement sa responsabilité. Ce dispositif d’alerte
professionnelle peut, par exemple, prendre la forme d’un numéro
de téléphone (« ligne éthique ») ou d’une adresse électronique
particulière, qui oriente les alertes vers des personnes spécialement

133
Maxima_Ouaniche_BAT Page 134 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

formées. Il organise ensuite, dans un cadre confidentiel, la véri-


fication des faits recueillis et permet à l’employeur de décider, en
connaissance de cause, des mesures à prendre pour remédier au
dysfonctionnement constaté1.
En termes de détection, il s’agit d’un moyen de lutte anti-fraude
particulièrement efficace puisque, selon l’étude PwC 2007, 37 %
des fraudes sont découvertes grâce à la vigilance d’un ou plusieurs
salariés. Naturellement, pour remplir son rôle de manière efficace,
le système mis en place doit préserver l’anonymat des informateurs
et demeurer indépendant des directions générales et opérationnelles,
la responsabilité ultime de la vérification devant incomber en
général à la direction de l’audit interne.
Très développés dans les pays anglo-saxons, les dispositifs d’alerte
demeurent toutefois difficiles à mettre en œuvre dans le contexte
culturel français où ils continuent d’être considérés comme un
système d’incitation à la délation. C’est pour répondre à cette pré-
occupation légitime que la CNIL a imposé un certain nombre de
conditions visant à éviter que ces dispositifs ne se transforment en
systèmes organisés de délation sur les lieux de travail.
Des précautions doivent donc être prises pour :
• limiter les types d’alertes qu’il est possible de traiter ;
• limiter le cadre des alertes réalisées de façon anonyme ;
• informer rapidement et clairement la personne mise en cause
par une alerte.
Dans un document d’orientation du 10 novembre 2005 et dans
une autorisation unique du 8 décembre 2005, la CNIL impose que :
« seuls des faits se rapportant à des risques sérieux pour l’entre-
prise dans les domaines comptable, d’audit financier, de lutte contre
la corruption ou bancaire peuvent être recueillis et enregistrés par
l’organisation chargée de la gestion des alertes ». L’article 3 de
l’autorisation unique permet également « la prise en compte, dans

1. Informations recueillies sur le site de la Commission Nationale Informatique


et Liberté : http://www.cnil.fr

134
Maxima_Ouaniche_BAT Page 135 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Mise en œuvre d’un programme de remédiation

le dispositif d’alerte, de faits ne relevant pas du champ du dispositif


compte tenu de leur particulière gravité. Celle-ci est appréciée au
cas par cas par l’organisation chargée de la gestion des alertes ».
Au sens de l’autorisation unique, sont considérés comme graves
« les faits mettant en jeu l’intérêt vital de l’entreprise ou l’intégrité
physique ou morale de ses employés ».
Notons que les dispositifs d’alerte professionnelle doivent être
autorisés par la CNIL avant leur mise en œuvre. Depuis l’adoption
de la décision d’autorisation unique du 8 décembre 2005, l’orga-
nisme qui veut mettre en place un dispositif d’alerte doit simple-
ment adresser à la CNIL un engagement de conformité à cette déci-
sion. Cette formalité peut s’effectuer en ligne sur le site www.cnil.fr,
rubrique déclarer. Un récépissé de déclaration est ensuite transmis
à l’organisme par courrier postal ; il vaut autorisation du traitement
déclaré et, le cas échéant, des transferts internationaux de données
mis en œuvre dans le cadre du dispositif d’alerte.

4. MISE EN ŒUVRE D’AUDITS DE CONFORMITÉ

Les audits de conformité sont des interventions qui consistent à


vérifier que le mode de fonctionnement de l’entité est bien en adé-
quation avec l’ensemble des règles prévues par le programme anti-
fraude. Ces interventions sont en général conduites par le dépar-
tement d’audit interne de l’entreprise, éventuellement assisté par
un prestataire extérieur spécialisé dans ce type d’intervention.
En pratique, le travail de vérification doit être effectué en trois
temps successifs :
• dans un premier temps, on procède à une analyse descriptive
qui consiste à interroger les personnes responsables sur la façon
dont celles-ci réalisent les opérations dont elles ont la charge.
Ce travail doit permettre aux auditeurs de mesurer le niveau
de compréhension et d’intégration des nouvelles procédures
et d’apprécier les éventuelles distorsions par rapport aux règles
écrites ;

135
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La fraude en entreprise

• dans un second temps, il s’agit de s’assurer de la réalité de


l’application des procédures par la mise en œuvre de tests de
détail portant sur des échantillons d’opérations ;
• enfin, à l’issue de l’intervention, un rapport d’audit est établi
qui décrit les travaux effectués, synthétise les conclusions et
indique les actions correctrices à mener.

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Quatrième partie

L’INVESTIGATION
AU CŒUR DU PROGRAMME ANTI-FRAUDE
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IX
PRÉSENTATION DU CADRE CONCEPTUEL

1. QU’EST-CE QU’UNE MISSION D’INVESTIGATION ?

Une mission d’investigation consiste à intervenir dans une entre-


prise en cas de fraude avérée ou de soupçons de fraude. Les objectifs
poursuivis lors d’une mission d’investigation sont les suivants :
• confirmer ou infirmer les soupçons existants ;
• reconstituer les schémas d’opérations frauduleuses ;
• collecter des preuves en vue d’éventuelles poursuites judi-
ciaires ;
• évaluer les impacts financiers ;
• identifier le cas échéant les acteurs potentiellement respon-
sables.

Investigations mises en œuvre par les équipes d’audit interne


de l’entreprise

Lorsque la taille de l’entreprise le permet, des équipes spécialement


dédiées à la surveillance du respect des procédures comptables et
opérationnelles sont constituées pour diligenter tout au long de
l’année des contrôles spécifiques au sein des différentes filiales et
entités. Avec le durcissement des règlementations françaises et inter-
nationales, les départements d’audit interne ont pris une impor-
tance croissante dans l’organigramme des groupes. De manière

139
Maxima_Ouaniche_BAT Page 140 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

générale, ces équipes ont un rôle préventif qui consiste à contrôler


la bonne application des procédures. Il est néanmoins de plus en
plus fréquent de voir ces mêmes équipes mobilisées en cas de
soupçon de fraudes afin de procéder à de véritables investigations.
Encore convient-il de s’assurer que les auditeurs déployés dans ce
type de situation bénéficient bien de l’expérience et de la forma-
tion appropriées. En effet, selon la norme 1210.A2 de l’IFACI1, la
détection des fraudes ne constitue pas une compétence prioritaire de
l’auditeur interne : « l’auditeur interne doit posséder des connais-
sances suffisantes pour identifier les indices d’une fraude, mais il
n’est pas censé posséder l’expertise d’une personne dont la respon-
sabilité première est la détection et l’investigation des fraudes ».
On a vu cependant ces dernières années se constituer des équipes
de type « commando » très spécialisées au sein des départements
de l’audit interne et qui interviennent en priorité sur les problèmes
de fraudes.

Investigations mises en œuvre par des prestataires externes

Lorsque l’entreprise est dépourvue d’équipes d’audit interne, ou


lorsque ces dernières ne disposent pas d’une compétence spécifique
en matière d’investigation, les entreprises peuvent faire appel à des
spécialistes externes, qui vont soit intervenir seuls, soit assister les
équipes d’audit interne dans le cadre de leurs travaux.
Il n’existe pas aujourd’hui de diplôme spécifique reconnu en France
en matière d’investigation financière. Tout le monde peut donc
a priori s’improviser spécialiste en investigation. Compte tenu du
caractère technique et souvent très sensible des problématiques
concernées, il est donc impératif de choisir le prestataire avec le
maximum de précautions.
Pour ce faire, il convient d’obtenir l’ensemble des garanties de la
part du professionnel en matière de compétences, d’expérience et

1. L’IFACI (Institut Français de l’Audit et du Contrôle Interne) est, en France,


l’organisme chargé de représenter la profession d’audit interne, de promouvoir
son développement et de servir les auditeurs internes (www.ifaci.com).

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Présentation du cadre conceptuel

de respect des règles déontologiques. S’agissant de problématiques


comptables et financières, le recours à un expert-comptable spécia-
lisé inscrit au tableau de l’Ordre constitue une option sécurisée
puisque les interventions de ce dernier sont toujours encadrées par
un dispositif normatif et déontologique particulièrement strict.

2. POURQUOI DILIGENTER UNE MISSION D’INVESTIGATION ?

Mettre fin à la fraude

Dans certains cas, les missions d’investigation interviennent alors


que les responsables présumés sont encore en fonction. Le premier
effet recherché dans ces situations est de mettre fin à des pratiques
frauduleuses par la juste sanction des responsables. Le limogeage
en cas d’actes graves est une décision fréquente. D’un point de vue
juridique, deux cas de figure peuvent se présenter :
• soit la fraude a été commise par des responsables mandataires
sociaux, auquel cas leur révocation peut être décidée ad nutum,
sans justification précise des motifs ;
• soit la fraude a été commise par un salarié de l’entreprise.
Certaines précautions doivent alors être prises lors du déclen-
chement de la procédure de licenciement. En premier lieu,
les fraudes reprochées à l’employé doivent être parfaitement
établies au moyen de preuves recevables devant une juridiction
sociale1. En outre, lorsque cette procédure s’accompagne de
poursuites pénales, l’employeur doit éviter de motiver le licen-
ciement par la seule qualification pénale des actes des salariés.
En effet, « l’éventualité d’une relaxe du fraudeur devant la
juridiction pénale emporterait alors l’inexactitude du motif du

1. Voir plus loin notre paragraphe consacré à la recevabilité juridique de la


preuve.

141
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La fraude en entreprise

licenciement »1. En revanche, si l’employeur a pris soin dans la


lettre de licenciement de décrire les faits imputés au salarié sans
référence à une qualification pénale, alors « la décision de
relaxe éventuelle ne fait pas nécessairement obstacle au con-
trôle judiciaire de la cause réelle et sérieuse de licenciement »2.

Obtenir réparation du préjudice subi

Engager la responsabilité directe du fraudeur

Le rapport de l’auditeur peut servir de support à l’introduction d’une


action judiciaire visant à obtenir réparation du préjudice. Dans ce
contexte, l’entreprise doit engager avec son avocat une réflexion
sur la stratégie juridique à adopter à laquelle doit participer l’audi-
teur. Une des questions centrales est celle du choix de la juridic-
tion. Pour obtenir réparation du préjudice subi, l’option est en effet
offerte de recourir soit à un juge civil3, soit à un juge pénal4. Toute-
fois, le caractère irrévocable5 de cette option doit être impérative-
ment pris en considération.
L’action pénale présente l’avantage d’obtenir à la fois la réparation
du préjudice et la sanction du ou des responsables. Elle permet la
liberté de la preuve6 et montre en outre une réponse forte à des
agissements graves. En cas de condamnation de fraudeurs salariés,
la société pourra en outre faire reconnaitre le fondement des éven-
tuelles actions disciplinaires prises à leur encontre. Toutefois,
l’action pénale présente l’inconvénient de la publicité et de la lon-
gueur de la procédure. Par ailleurs, le recours à l’action pénale est

1. Cass. Soc. 17 novembre 1998.


2. Cass. Soc. 14 novembre 1991 et Cass. Soc. 15 décembre 2004.
3. Article 1382 du Code Civil.
4. Article 2 du Code de Procédure Pénale.
5. Article 5 du Code de Procédure Pénale.
6. Voir plus loin paragraphe traitant de la recevabilité juridique de la preuve
(page 155).

142
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Présentation du cadre conceptuel

plus restrictif car il suppose que les fraudes relevées soient consti-
tutives d’infractions prévues et sanctionnés par les textes répressifs.
Au civil, la recherche de réparation peut en revanche s’appliquer
à « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dom-
mage »1, ce qui étend le champ des actions possibles. Enfin, il faut
garder en mémoire que l’instance pénale suspend toute autre ins-
tance civile ou commerciale en cours, en vertu de l’adage qui veut
que « le criminel tient le civil en l’état »2.
En tout état de cause et quelle que soit la juridiction retenue, la
question du délai de prescription doit être envisagée :
• du point de vue du droit social, la réaction doit être très rapide
puisqu’un délai de prescription de deux mois court à compter
de la découverte de la fraude par l’employeur pour engager
des poursuites disciplinaires ;
• devant la juridiction civile, l’action en responsabilité civile
délictuelle se prescrit par dix ans. Ce délai court en principe à
partir du moment où le dommage a été réalisé. Or, la jurispru-
dence a pu admettre de repousser ce délai au moment où le
dommage a été constaté par la victime ;
• devant la juridiction pénale, la prescription est variable selon
l’infraction constatée.

Faire fonctionner la couverture de l’assurance

La plupart des compagnies d’assurance ont mis au point des polices


visant à protéger les entreprises contre le risque de fraude ou de
malveillance.
Les contrats proposés prévoient en général un audit préalable de
l’entreprise visant à identifier les zones de risques et de vulnérabi-
lité (fraude, malversations, malveillance informatique, responsa-
bilité professionnelle…) afin de mettre en œuvre les mesures pré-
ventives nécessaires.

1. Article 1382 du Code Civil.


2. Article 4 du Code de Procédure Pénale.

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La fraude en entreprise

En cas de survenance d’un cas de fraude au sein de l’entreprise, la


mise en jeu de l’assurance permettra alors de couvrir le préjudice
financier.
Le succès de ces polices d’assurance est toutefois très mitigé en
France. Selon l’étude PwC en effet, le nombre d’entreprises sondées
ayant souscrit une police d’assurance anti-fraude est en nette dimi-
nution (31 % en 2007 contre près de 48 % en 2005).
L’expérience montre pourtant que ces contrats peuvent s’avérer fort
utiles en cas de survenance d’un acte de délinquance, à condition
de prendre les précautions nécessaires lors de leur signature, en
considérant notamment :
• les types de fraudes couverts par l’assurance : chaque catégorie
de malversation doit être indiquée le plus précisément possible
pour éviter toute forme d’ambiguïté en cas de mise en jeu de
l’assurance. En particulier, il conviendra de préciser si les
fraudes commises par les dirigeants sont couvertes ou non par
le contrat d’assurance ;
• le type de coût pouvant faire l’objet de remboursement : coûts
directs, perte d’exploitation, perte d’image, frais de justice, coût
de l’investigation, etc. ;
• les conditions d’activation de la couverture d’assurance : en
particulier, est-il nécessaire de mettre en œuvre une action judi-
ciaire ou disciplinaire contre le responsable ? Si oui, à quel
stade de la procédure l’entreprise pourra-t-elle obtenir le déblo-
cage des fonds ? Dans la négative, comment l’entreprise pourra-
t-elle alors établir la justification de sa réclamation ?
• les clauses d’exclusions : dans quelle mesure l’entreprise
pourra-t-elle être retenue responsable de tout ou partie des
dommages causés ? La négligence des dirigeants pourra-t-elle
être invoquée pour limiter le niveau des remboursements ?
• le plafond de remboursement et la franchise prévus.

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Présentation du cadre conceptuel

Engager la responsabilité du commissaire aux comptes

Avant même d’initier la procédure de réclamation, l’entreprise


victime, doit se poser la question de la solvabilité des personnes
poursuivies. En effet et en particulier lorsque les fraudeurs sont des
personnes physiques, il existe une probabilité non négligeable pour
que le montant du préjudice excède de beaucoup les possibilités
financières des responsables directs. Dans ces conditions, les res-
ponsabilités indirectes sont souvent recherchées, en particulier celle
du commissaire aux comptes.
Dans quelle mesure cette responsabilité peut-elle être retenue ?
Sur le plan civil d’abord, la responsabilité du commissaire aux
comptes peut être mise en cause au motif d’une insuffisance ou
d’un défaut des diligences accomplies, laquelle aurait conduit à
l’absence de détection de la fraude. L’audit légal s’intègre en effet
dans un référentiel normatif et déontologique qui garantit la qualité
des pratiques, et la jurisprudence n’hésite pas à retenir la responsa-
bilité du commissaire aux comptes qui n’a pas respecté les diligen-
ces normales. Dans son arrêt du 7 juin 2000, la Cour de Cassation
a ainsi retenu la responsabilité civile du commissaire aux comptes
à la suite d’une escroquerie commise par son client. L’arrêt indique
qu’« un contrôle effectif supposait un contrôle approfondi des bor-
dereaux [d’achat et de vente] qui aurait permis de découvrir les
irrégularités ». Il est donc impératif pour le commissaire aux
comptes de pouvoir apporter la preuve qu’il a bien respecté
l’ensemble des diligences prévues par la profession, et notamment
la norme NEP 240 relative à la prise en compte du risque de fraude.
En revanche, il convient de rappeler que les commissaires aux
comptes ne sont soumis qu’à une obligation de moyen et ne peuvent
fournir de garanties totales concernant l’absence de fraudes. Pour
cette raison, dans un autre arrêt de la Cour de Cassation du
28 janvier 2004, la responsabilité du commissaire aux comptes n’a
pas été retenue puisqu’il a été jugé que la mise en œuvre des dili-
gences ne permettait pas de déceler les malversations commises par
les dirigeants des sociétés auditées.

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La fraude en entreprise

Sur le plan pénal, le commissaire aux comptes peut être jugé cou-
pable en tant qu’auteur principal de certains délits spécifiques à sa
profession, notamment en cas de confirmation d’informations men-
songères (art. L820-7 du Code de Commerce) ou de non-révélation
de faits délictueux (art. L820-7 du Code de Commerce). Dans ces
cas extrêmes, les manquements dépassent la simple négligence et
supposent que le commissaire aux comptes a agi en connaissance
de cause. Ainsi, dans son arrêt du 2 février 2000, la Cour de
Cassation a jugé responsable un commissaire aux comptes qui
avait certifié des comptes inexacts, considérant que celui-ci avait
« tout a fait sciemment certifié un bilan qu’il savait faux » puisque
le dirigeant lui avait indiqué la fraude et qu’il n’en avait pas fait
état dans son rapport.
Le commissaire aux comptes peut enfin être reconnu pénalement
coupable de complicité lorsqu’a été démontrée son intention de
s’associer à une infraction commise par son client. La complicité
suppose également la conscience par le commissaire aux comptes,
au moment où il accomplit les faits, du concours qu’il apporte à
l’exécution de l’infraction principale. Elle nécessite un acte positif
(aide, assistance, don, promesse, ordre, menace, instructions, etc.),
bien que la jurisprudence ait rendu possible l’existence d’une
« complicité par négligence » dans le cas où le commissaire aux
comptes s’est volontairement abstenu de satisfaire aux obligations
professionnelles qui lui incombait, par exemple en passant sous
silence la situation de la société et en laissant s’accomplir une dis-
tribution de dividendes fictifs.

Engager les responsabilités indirectes

Deux types de responsabilités indirectes peuvent être recherchés


par les victimes, les complices et les receleurs :
Les complices. Le complice, qui est pénalement passible des
mêmes peines que l’auteur principal, est celui qui « sciemment,
par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation

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Présentation du cadre conceptuel

de l’infraction »1. Les complicités peuvent être externes à l’entre-


prise. Par exemple, une entreprise prestataire qui aurait accepté de
procéder à des surfacturations. Dans certains cas, les complicités
peuvent être internes et mettre en cause d’autres salariés de l’entre-
prise. Lorsque ces salariés sont placés sous l’autorité du fraudeur,
la question se pose de savoir si ces personnes ont agi librement ou
si elles ont été contraintes de coopérer par les injonctions ou les
menaces de leur hiérarchie. Notons qu’à ce sujet, la jurisprudence
est assez sévère. Ainsi, la Cour de Cassation2 a-t-elle rejeté l’argu-
mentation d’un responsable condamné pour complicité par la Cour
d’Appel. Celui-ci « ne contestait pas avoir participé matérielle-
ment à la fraude, mais prétendait qu’il lui était difficile d’agir à
l’encontre des instructions données par [son supérieur], alors
qu’il n’était qu’un simple directeur technique soumis à l’autorité de
celui-ci, gérant de la société… ». La Cour a motivé sa décision par
le fait qu’« aucune excuse légale ne pouvait être déduite des liens
de subordination et de salariat invoqués par le prévenu ».
Les receleurs. Le recel est le fait de « dissimuler, de détenir ou de
transmettre une chose ou de faire office d’intermédiaire afin de la
transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un
délit »3. Constitue également un recel le fait, en connaissance de
cause, de bénéficier par tout moyen du produit d’un crime ou d’un
délit. Tel est le cas, par exemple, de tous ceux qui ont bénéficié des
largesses obtenues des dirigeants de sociétés sous forme de cadeaux,
de voyages d’agrément ou d’avantages divers.
Notons que du point de vue de la réparation du préjudice, ces qua-
lifications ont des conséquences pratiques importantes puisque la
sanction pénale pourra emporter une condamnation civile au paie-
ment de dommages et intérêts solidairement avec l’auteur principal.

1. Art. 121-7 du Code Pénal.


2. Cass. Crim. 19 mars 1969 (bull. crim. n° 123, p. 303).
3. Article 321-1 du Code Pénal.

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La fraude en entreprise

Éviter que d’autres fraudes identiques ne se reproduisent

La mise en œuvre d’une mission d’investigation permet enfin


d’éviter que d’autres fraudes ne se reproduisent pour deux raisons
principales :
• d’abord parce que la mise à jour des malversations permet de
favoriser l’apprentissage organisationnel par la mise en œuvre
de procédures complémentaires de contrôles ;
• ensuite parce que l’existence de procédures de détection et la
communication sur leur mise en œuvre font partie intégrante
du programme de prévention de la fraude. La force de l’exem-
plarité, en particulier lorsque les investigations conduisent à
des poursuites pénales, permet en effet de réduire le risque de
fraude en démontrant l’absence d’impunité.

Intérêt pour les entreprises de recourir à un professionnel

En cas de soupçon de fraudes, certaines entreprises font le choix


regrettable d’ignorer tout simplement la réalité. Cette politique de
l’autruche est malheureusement assez fréquente en pratique. Elle
est souvent motivée par la peur de détériorer le climat de travail
au sein de l’entreprise ou de nuire à sa réputation auprès des tiers.
Toutefois, cette attitude est dangereuse car elle encourage la réci-
dive en laissant croire au fraudeur qu’il peut continuer à agir impu-
nément. Elle ôte à l’entreprise la possibilité d’obtenir réparation en
justice et peut en outre la conduire à des dommages considérables,
comme nous l’avons évoqué précédemment. Il est donc impératif
de procéder à un contrôle approfondi en cas de soupçon. Le recours
à un professionnel spécialisé peut constituer la solution adéquate
pour plusieurs types de raisons :
• des raisons organisationnelles : l’entreprise ne dispose pas
d’équipes d’audit interne pour mener ce type d’enquête ;
• des raisons de confidentialité : l’entreprise ne souhaite pas que
des personnes impliquées dans la structure aient connaissance
des fraudes suspectées ;

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Présentation du cadre conceptuel

• des raisons techniques : l’auditeur offre la garantie d’un travail


de qualité compte tenu de ses compétences reconnues en
matière de contrôle interne et de techniques comptables ;
• des raisons juridiques : en cas de production du rapport en jus-
tice, le statut indépendant de l’auditeur constitue une garantie
d’objectivité et de fiabilité.

Collaboration avec les avocats

Nous avons présenté comment la mission d’investigation s’inscri-


vait en général en amont de la procédure judiciaire visant à sanc-
tionner les responsables et à obtenir réparation du préjudice subi.
Dans ces contextes, la collaboration avec les avocats de la victime
est une pratique courante. En effet, l’avocat doit assister son client
dans la définition de sa stratégie juridique visant à déterminer, par
exemple, le choix de la juridiction ou la nature des demandes de
réparations.
Les travaux d’investigation s’intègrent dans cette stratégie car ils
relèvent du choix du mode de preuve. À cet égard, une réflexion à
toutes les étapes de l’investigation doit être poursuivie avec l’avo-
cat pour déterminer l’étendue et la nature des travaux à réaliser. Il
conviendra donc de s’interroger sur la période d’analyse, en
veillant à ne s’intéresser qu’à des faits non prescrits, ou encore à
la nature des soupçons à confirmer. Par exemple, doit-on s’inté-
resser à l’existence de fraudes comptables ou bien à celle de
détournements ? Doit-on ou non procéder à l’audition des person-
nes potentiellement responsables ? Quels sont les supports de tra-
vail envisagés : extractions comptables uniquement, ou bien
exploitation de données extra-comptables ?
Naturellement, ces choix ne peuvent avoir d’influence sur les con-
clusions du professionnel qui ne saurait déroger à son devoir
d’objectivité, mais ils doivent en revanche orienter la nature des
travaux et la forme dans laquelle les conclusions vont pouvoir
s’exprimer.

149
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La fraude en entreprise

3. MISSION D’INVESTIGATION ET MISSION D’AUDIT :


QUELLES DIFFÉRENCES ?

À première vue, les missions d’audit et d’investigation se rap-


prochent dans la mesure où elles reposent chacune sur des travaux
de contrôle et sur le poids prépondérant donné à l’analyse des
informations et documents comptables. Toutefois, il existe des
différences fondamentales entre les deux démarches1.

Différence de périmètre temporel

Un audit est mené selon un schéma de travail récurrent et régulier.


Les missions d’audit s’étalent en principe sur toute la durée du
mandat et s’inscrivent dans un cadre pluriannuel. En revanche, les
missions d’investigation concernent des interventions exception-
nelles qui ne sont menées qu’à la suite de soupçons sérieux. Elles
peuvent concerner des périodes relativement éloignées.

Différence de périmètre d’analyse

Une mission d’audit présente un caractère général car elle porte sur
l’intégralité des états financiers, voire sur d’autres informations
communiquées aux marchés, et ne vise pas systématiquement la
recherche d’anomalies ou de fraudes. À l’opposé, la démarche
d’investigation se concentre sur des soupçons spécifiques portant
uniquement sur certaines opérations ou certains cycles comptables.

Différence d’objectif

Un audit est généralement conduit dans le but de délivrer une opi-


nion sur les états financiers ou des informations financières. Une
investigation a pour but de confirmer ou d’infirmer des soupçons,

1. D’après Michael R. Young : Accounting Irregularities and Financial Fraud,


Chapitre 6.

150
Maxima_Ouaniche_BAT Page 151 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Présentation du cadre conceptuel

c’est-à-dire de déterminer si une fraude a été commise et dans la


mesure du possible de désigner les personnes impliquées.

Différence dans le type de relation professionnelle

Le processus d’audit n’implique pas nécessairement de confron-


tation avec le personnel de l’entreprise auditée. Au contraire, dans
la mesure où il s’agit d’établir la réalité d’opération frauduleuse,
une mission d’investigation peut impliquer des situations de type
conflictuel avec certains acteurs potentiellement impliqués.

Différence méthodologique

Une mission d’audit classique repose d’une part sur l’analyse des
risques fondée sur l’appréciation du contrôle interne, d’autre part
sur des tests statistiques et des revues analytiques réalisées sur les
comptes. Une mission d’investigation répond à une toute autre
démarche que nous détaillons plus loin (analyse des éléments dispo-
nibles, établissement d’une théorie de la fraude, validation de cette
théorie par la recherche d’éléments probants, confirmation ou infir-
mation lors des entretiens avec les personnes concernées, etc.).

4. QUALITÉS REQUISES POUR CONDUIRE UNE MISSION


D’INVESTIGATION

La mise en œuvre d’une mission d’investigation nécessite plusieurs


qualités indispensables :
• la curiosité tout d’abord, qui suppose un réel intérêt pour l’acti-
vité, l’histoire et l’organisation des entités contrôlées ;
• l’imagination et la créativité qui se mesurent à la capacité
d’envisager des scénarii de fraudes originaux en fonction des
éléments recueillis ;
• l’esprit critique ou la capacité à mettre en perspective les infor-
mations recueillies et à ne tenir pour vrai que ce que l’on a
vérifié et prouvé ;

151
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La fraude en entreprise

• le souci des détails : même les points les plus insignifiants


peuvent conduire à la découverte d’une piste de fraude. Pour
cette raison la notion de seuil de signification ne s’applique
pas aux missions d’investigation ;
• l’intuition et la psychologie ;
• la rigueur d’analyse ;
• enfin, l’expérience professionnelle : dans la mesure où les
fraudes font appel à des schémas souvent complexes il est
indispensable que l’ensemble des travaux, y compris les plus
rébarbatifs, soient menés par des collaborateurs expérimentés.
De ce point de vue, une expérience préalable de plusieurs
années en audit externe ou opérationnel est très fortement
recommandée avant d’intégrer un collaborateur dans une
équipe d’investigation.

5. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ET DÉONTOLOGIQUES

Principes généraux

Un certain nombre de principes éthiques et déontologiques doivent


être respectés lors d’une investigation.
• le principe d’objectivité qui impose « l’obligation d’être justes,
honnêtes au plan intellectuel et non impliqués dans des conflits
d’intérêt »1. Le principe d’objectivité oblige notamment le pro-
fessionnel à faire preuve d’impartialité dans la mise en œuvre
de sa mission, indépendamment des attentes de ses clients.
Cette exigence s’applique d’autant plus que certaines personnes
sont susceptibles d’être mises en cause par les conclusions
remises. La gravité des conséquences possibles impose donc à
l’auditeur, quelle que soit sa conviction profonde, de s’en tenir
à la recherche de preuves et d’éléments factuels ;

1. Code d’éthique de l’IFAC, Section 1, Partie A.

152
Maxima_Ouaniche_BAT Page 153 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Présentation du cadre conceptuel

• le respect de la présomption d’innocence constitue un principe


fondamental. Il représente un droit inaliénable de l’individu,
prévu par l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme de l’ONU1. La désignation des éventuels respon-
sables, notamment lors de la rédaction du rapport, ne doit par
conséquent être formulée qu’au conditionnel et avec toutes
les réserves liées au respect de ce principe ;
• enfin, le respect de la plus stricte confidentialité dans la mesure
où ce type de mission conduit à manipuler des informations à
caractère sensible dont la divulgation pourrait porter gravement
atteinte à l’entreprise et aux personnes impliquées.

La question des Success fees

Pour la plupart des clients, le fait de diligenter une mission d’inves-


tigation par un professionnel extérieur représente un risque finan-
cier dans la mesure où le coût de l’intervention pourrait s’avérer
supérieur au montant des fraudes finalement détectées. La mise en
œuvre de success fees pourrait à première vue constituer un moyen
de gérer ce risque, en prévoyant une rémunération calculée sur la
base d’un pourcentage des montants pouvant faire l’objet d’une
demande de réparation. Cette pratique doit à notre avis être écartée
dans la mesure où elle est de nature à faire naître un doute sur
l’impartialité de l’auditeur.

Les limites légales et déontologiques à la recherche de preuves

La notion de preuve

La preuve se définit par « le fait, le raisonnement qui démontre,


établit, prouve la vérité, ou la réalité de quelque chose »2. Noël

1. « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente


jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès
public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
[…] ».
2. Définition du dictionnaire Larousse.

153
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La fraude en entreprise

Pons et François Vidaux détaillent les différents types de preuves


pouvant être réunies au sein d’un « dossier de fraudes »1.
• la preuve physique « basée sur l’inspection, l’observation des
personnes ou des choses et le constat de certains événements » ;
• la preuve par témoignage qui ressort des « rapports oraux ou
écrits » des personnes auditées ;
• la preuve analytique qui ressort « des études ou analyses qui
ont mis en présence ou qui ont permis de comparer des infor-
mations figurant parmi les données » ;
• la preuve documentaire assise sur « la production d’un docu-
ment ».
La force probante de ces éléments est variable et doit être appréciée
pour chaque situation singulière avec rigueur et esprit critique.
Toutes les preuves doivent enfin être consignées dans le dossier
de travail selon les trois principes suivants2 :
• « Ne pas devoir revenir sur place, c’est ce qui fait la différence
entre un travail de professionnel et celui d’un amateur
éclairé » ;
• « Offrir une information pertinente, c’est-à-dire qu’elle se suffit
à elle-même ou qui apporte les solutions aux questions qu’on
pourrait se poser à son sujet » ;
• « Soutenir l’épreuve du contentieux. Les conclusions de l’audi-
teur vont servir de base à la procédure et c’est à lui que va
échoir le soin de donner des précisions si un problème
technique se pose ».
Lors de la mission d’investigation, l’auditeur est ainsi amené à
recueillir des éléments de preuves permettant d’établir qu’une
fraude a été commise.
La plupart du temps, dans le cas où la fraude est démontrée, le
rapport remis sera utilisé dans le cadre de poursuites judiciaires à

1. Vidaux, François, et Pons, Noël : Audit et fraude – La Fraude dans tous ses
états, 2004, p. 175.
2. ibid.

154
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Présentation du cadre conceptuel

l’encontre des responsables. Dans le cadre de sa recherche de


preuves, l’auditeur pourra notamment avoir recours aux procédés
suivants :
• l’analyse des documents comptables et extracomptables (cor-
respondances, dossiers commerciaux, notes d’instruction, etc.) ;
• l’entretien avec les responsables présumés de la fraude ;
• plus rarement, la mise en place de dispositifs de surveillance,
en particulier dans le cas de vols de marchandises.
Dans ce contexte, deux problématiques distinctes se posent :
• Quels sont les procédés autorisés par la loi ? Quelles sont les
pratiques interdites ? Quelles sont les limites déontologiques
applicables à l’auditeur ?
• Dans quelle mesure la preuve obtenue sera-t-elle considérée
comme recevable devant la juridiction saisie ?

Limites légales

Il existe deux types de limitations aux procédés de surveillance et


d’investigation :
• les interdictions pénales qui concernent tous les procédés
portant atteinte à la dignité de la personne et au respect de sa
vie privée. Le texte fondamental est l’article 226-1 du Code
Pénal qui sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 45 000 €
d’amende « d’une part la captation, l’enregistrement ou la
transmission des paroles prononcées à titre privé ou confi-
dentiel, d’autre part la fixation, l’enregistrement ou la transmis-
sion de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé,
sans le consentement de celle-ci » ;
• les obligations civiles de loyauté et de proportionnalité qui
régissent la relation de travail :
– le principe de loyauté est défini dans l’article L121.8 du
Code du Travail au terme duquel « aucune information
concernant personnellement un salarié ne peut être collectée

155
Maxima_Ouaniche_BAT Page 156 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la


connaissance du salarié ».
– le principe de proportionnalité trouve son fondement dans
l’art. L120-2 du Code du Travail qui précise que le droit
de contrôle de l’employeur doit s’effectuer de « façon adé-
quate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire
à l’objectif poursuivi ».
Les principaux procédés de contrôle et de détection de la fraude
doivent donc être appréhendés à la lumière de ces deux obligations.
Enregistrements. La réalisation d’entretiens avec les personnes
potentiellement impliquées dans une fraude constitue une étape
courante d’une mission d’investigation. À l’occasion de ces entre-
tiens, il peut arriver que les personnes concernées fassent des
révélations ou procèdent à des aveux. La tentation est alors grande
d’enregistrer ces entretiens. Dans quelle mesure ces enregistre-
ments sont-ils légalement possibles ?
• sur le plan du droit pénal, l’interdiction ne concerne que les
enregistrements effectués à l’insu des personnes et porte sur
les paroles prononcées à titre privé. Rien ne semble donc
s’opposer de ce point de vue aux enregistrements, mêmes
dissimulés, d’entretiens réalisés dans un cadre strictement
professionnel ;
• sur le plan du droit social, tout enregistrement dissimulé doit
en revanche être écarté dans la mesure où celui-ci enfreint le
principe de loyauté énoncé précédemment. En revanche, rien
ne s’oppose à ce qu’un entretien puisse être enregistré dès lors
qu’il est réalisé avec le consentement écrit de la personne
concernée ;
• au-delà des considérations légales et par simple souci déonto-
logique, il convient à notre avis, sauf situations particulièrement
graves, d’exclure les procédés d’enregistrements dissimulés
visant à piéger l’interlocuteur.
Recherche de courrier. L’analyse de la correspondance peut éga-
lement être un moyen très précieux de recueillir de l’information
sur les fraudes investiguées. Là encore, les restrictions liées à la

156
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Présentation du cadre conceptuel

protection des correspondances et de la vie privée doivent impéra-


tivement être respectées.
À ce sujet, l’article 226-15 du Code Pénal réprime « le fait, commis
de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner
des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à
des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance […] ».
La question de savoir si la violation du secret des correspondances
peut intervenir sur le lieu de travail a été précisée par la jurispru-
dence1.
L’Avocat Général de la Cour de Cassation, Maître Mathon, résume
ainsi l’état actuel de la jurisprudence française2:
« L’employeur ne peut, sans violation de la liberté fondamentale
qu’est le respect de l’intimité de sa vie privée, en particulier le
secret des correspondances, prendre connaissance du courrier,
virtuel ou non, émis ou reçu par le salarié, même au cas où
l’employeur aurait interdit l’usage du courrier personnel dans
l’entreprise :
• si le courrier est identifié comme étant personnel, l’employeur
ne peut y accéder qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment
appelé, sauf risque ou événement particulier ;
• si le courrier n’est pas identifié comme étant personnel, il peut
être présumé avoir un caractère professionnel et l’employeur
peut y avoir accès hors la présence du salarié. »
Concernant les recherches de courrier électronique, la CNIL3
adopte la même position : « Il doit être généralement considéré
qu’un message envoyé ou reçu depuis le poste du travail mis à
disposition par l’entreprise ou l’administration revêt un caractère
professionnel, sauf indication manifeste dans l’objet du message
ou dans le nom du répertoire où il pourrait avoir été archivé par son

1. Bull. 2001, V, n° 291, p. 233 (affaire Nikon) et Bull. 2006, V, n° 308, p. 294.
2. Avis relatif à l’arrêt n° 251 du 18 mai 2007.
3. Manuel à destination des employeurs (site de la CNIL : www.cnil.fr/)

157
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La fraude en entreprise

destinataire qui lui conférerait alors le caractère et la nature d’une


correspondance privée protégée par le secret des correspon-
dances ».
Dans ce cadre juridique délicat, il convient donc de prendre le plus
de précautions possibles et de renoncer à toute forme de recherche
dès lors qu’un risque, même infime, de violation d’un message à
caractère privé existe. La solution idéale est donc de procéder à
l’analyse des courriers (e-mails ou papiers) en présence d’un
huissier de justice et, si possible, avec le consentement préalable
du salarié concerné.
Analyse des disques durs. D’un point de vue pénal, l’analyse des
disques durs se heurte également au problème du respect des
données à caractère privé, dans la mesure où la jurisprudence
reconnaît au salarié le droit de conserver des données personnelles
sur son poste informatique1. La loi du 6 août 2004 dite « informa-
tique et liberté » sanctionne pénalement la violation de données à
caractère personnel, que le traitement mis en œuvre soit manuel ou
automatique. Dans les cas où une recherche de preuve nécessite
l’analyse des disques durs, il convient donc de prendre également
toutes les précautions nécessaires, en particulier de prévoir la
constatation, par exploit d’huissier, de la procédure de récupération
de fichiers. Le procès-verbal de l’huissier devra indiquer que les
intitulés des fichiers extraits ne laissent subsister aucun doute sur
leur caractère professionnel.

Recevabilité juridique de la preuve

Dans le cadre d’une procédure pénale. L’article 427 du Code


de Procédure Pénale affirme le principe de liberté de la preuve en
établissant que les infractions peuvent être prouvées par tous
moyens. En conséquence et dès lors que le mode d’obtention de

1. Arrêt Nycomed (Cass. Soc. 17 mai 2005).

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Présentation du cadre conceptuel

la preuve n’est pas lui-même constitutif d’une infraction pénale1,


tous les moyens retenus peuvent en théorie servir à l’établissement
de la preuve d’une infraction. Ainsi, au contraire des juges civils,
les juges répressifs ne peuvent écarter les moyens de preuve produits
par les parties au seul motif qu’ils auraient été obtenus de façon
déloyale. Néanmoins, pour des raisons déontologiques, les procédés
déloyaux doivent être écartés.
Dans le cadre d’une procédure prud’homale. En matière
prud’homale, dans le cas de fraudeurs salariés, le droit de la preuve
est beaucoup plus restrictif. Afin que la preuve soit recevable devant
une juridiction sociale, il est impératif de respecter les disposi-
tions de l’article 9 du Code de Procédure Civile en vertu duquel
« il incombe aux parties de prouver conformément à la loi les faits
nécessaires au succès de leur prétention ». Même lorsqu’il s’agit
d’apporter la preuve d’une fraude commise par le salarié,
l’employeur ne peut utiliser que des procédés licites, qui respectent
les principes de loyauté et de proportionnalité énoncés plus haut.
Dans l’arrêt Néocel2, la Cour de Cassation a ainsi déclaré irrece-
vable les procédés de surveillance clandestins, notamment vidéos
ou téléphoniques installés à l’insu des salariés. L’atteinte à la vie
privée des salariés sur le lieu de travail est également constitutive
d’un mode de preuve illicite. L’arrêt Nikon France3 a ainsi consacré
l’impossibilité pour l’employeur « de prendre connaissance des
messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à
un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci
même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non pro-
fessionnelle de l’ordinateur ». Dans le cas des extractions de disques
durs, la Cour de Cassation a indiqué que « seules des circonstances
exceptionnelles » peuvent justifier l’examen par l’employeur des

1. Selon l’article 427C du Code de Procédure Pénale, la commission d’une


infraction pénale dans l’administration d’une preuve ne rend pas celle-ci irre-
cevable. En revanche, l’infraction commise lors de l’obtention de la preuve
pourra être sanctionnée.
2. Cass. Soc, 20 nov. 1991.
3. Cass. Soc., 2 Oct. 2001.

159
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La fraude en entreprise

fichiers identifiés comme personnels par le salarié en l’absence de


celui-ci. La vigilance lors de l’extraction de ces données est encore
une fois de mise. La constatation de la procédure mise en œuvre
par huissier est donc fortement recommandée.

160
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X
LES ÉTAPES
D’UNE MISSION D’INVESTIGATION

1. SCHÉMA DESCRIPTIF

Le schéma présenté page suivante, inspiré des démarches théo-


risées par les experts de la fraude Outre-Atlantique, résume les
étapes d’une mission d’investigation1.
Comme nous le verrons dans les développements qui suivent, toute
mission d’investigation s’articule autour de quatre grandes phases :
• les procédures d’acception de la mission ;
• l’analyse des zones de risques et la collecte initiale de docu-
ments ;
• la conception d’une théorie de la fraude et sa validation par la
recherche d’éléments probants ;
• la rédaction du rapport et la finalisation de la mission.
Chaque phase suppose la mise en œuvre d’outils et de techniques
opérationnelles spécifiques visant à mettre à jour des fraudes poten-
tielles à la lumière des preuves recueillies. La réussite d’une mission
d’investigation tient donc au respect et à la qualité de réalisation

1. Inspiré de l’article de Joseph T. Wells : « Sherlock Holmes – The first step in


uncovering fraud in the auditor’s bailiwick: analyzing financial information »,
août 2003, disponible sur le site de l’ACFE.

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La fraude en entreprise

Anomalies rencontrées
soupçons de fraudes

Demande d'intervention

Analyse des risques


et acceptation de la mission

Mission possible
Interruption techniquement
non et juridiquement ?

Démarrage de la mission oui

Examen de la documentation disponible

Élaboration d’une théorie de la fraude

Recherche d’éléments probants


oui

Autres théories
Théorie confirmée ?
possibles ?
non non

oui

Entretiens de validation

non
Théorie confirmée ?

oui
Établissement du rapport

162
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Les étapes d’une mission d’investigation

de chacune de ces étapes consistant d’une part à explorer le terrain


dans le but d’identifier les zones de risques, puis à creuser ces zones
afin de mettre à jour les éventuelles anomalies.

2. AVANT L’INTERVENTION

Acceptation de la mission

Avant d’accepter la mission, le professionnel qui doit accomplir


l’investigation, qu’il soit interne ou externe à l’entreprise, doit
s’assurer qu’un certain nombre de conditions déontologiques sont
remplies.

Indépendance professionnelle

En premier lieu, l’auditeur doit s’assurer qu’il n’existe aucun élé-


ment susceptible de mettre en cause son indépendance. Il s’assure
de l’absence de conflit d’intérêt, c’est-à-dire qu’il ne dispose pas
d’intérêts professionnels ou financiers qui entreraient en contradic-
tion avec la mission et qui serait de nature à faire naître un doute sur
son impartialité. L’auditeur interne doit également se poser la ques-
tion de son indépendance vis-à-vis de sa hiérarchie et de la liberté
d’action et d’expression dont il dispose pour mettre en œuvre cette
intervention.

Respect de l’éthique et de la légalité

L’auditeur doit s’assurer que les objectifs de la mission sont con-


formes aux impératifs déontologiques. Il n’est pas rare en effet que
certains donneurs d’ordre demandent des investigations impliquant
des méthodes contestables telles que la filature, l’enregistrement
dissimulé, l’analyse des courriers électroniques ou encore l’encou-
ragement à la délation. Naturellement, ces missions doivent être
écartées.

163
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La fraude en entreprise

Capacité du professionnel à accomplir la mission

Avant d’accepter une mission, le professionnel de l’investigation


doit enfin s’assurer qu’il dispose de tous les moyens nécessaires à
la conduite de sa mission : dispose-t-il de la compétence requise
pour mener à bien ces travaux ?
Cette question est particulièrement importante lorsque l’interven-
tion prévoit par exemple l’analyse de systèmes informatiques requé-
rant un savoir-faire technique spécialisé. En outre, le professionnel
de l’investigation doit vérifier que les moyens mis à sa disposition
sont conformes à l’objectif fixé. Ces moyens concernent la disponi-
bilité des interlocuteurs, les possibilités d’accès à la documentation
ainsi que le budget que le client est prêt à consentir pour la
réalisation de l’investigation. Le professionnel doit ainsi refuser une
mission s’il estime que les moyens envisagés pour la mener ne lui
permettront pas d’accomplir son travail avec la diligence et le soin
que l’on est en droit d’attendre d’un spécialiste éclairé et compétent.

L’exploitation des informations publiques

Dans le cadre d’une première prise de connaissance de l’entreprise,


l’exploitation des informations publiques permet d’acquérir des
renseignements utiles. C’est pourquoi l’analyse de ces informations
doit être menée de façon méthodique. Cette démarche permet
principalement :
• d’établir l’existence éventuelle de conflits d’intérêt impliquant
les dirigeants : existence de liens capitalistiques directs ou indi-
rects entre les dirigeants d’une société et des sociétés tierces
(fournisseurs, clients, organismes financiers, etc.), existence
d’engagement pris par la société en faveur de tiers, etc. ;
• de déceler le caractère fictif de certaines entités avec lesquelles
la société examinée aurait eu des relations d’affaires.
L’analyse des informations officielles publiées aux greffes des
Tribunaux de Commerce ou des Tribunaux de Grande Instance et
disponibles à partir de nombreux portails internet peut s’avérer

164
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Les étapes d’une mission d’investigation

ainsi très utile. Les informations accessibles sur ces sites sont les
suivantes :
• des informations juridiques permettant de connaître l’identité
de l’entreprise recherchée à partir de la raison sociale, du nom
du dirigeant, voire à partir du numéro de téléphone ou du
numéro de fax. La recherche par dirigeant est notamment un
outil simple et efficace permettant de connaître l’ensemble des
sociétés dans lesquelles un individu assume des responsabilités
de gestion ou d’administration. Certains sites proposent des
cartographies permettant de visualiser graphiquement les dif-
férentes structures liées par un même dirigeant. Notons toute-
fois qu’en raison de leur caractère souvent anonyme, les
données concernant l’actionnariat des sociétés sont en pratique
peu disponibles ;
• des renseignements financiers : bilans complets et synthétiques,
compte de résultat, chiffres clés sur la rentabilité de l’entreprise
et son autonomie financière.
Toute personne peut également demander au Greffe :
• les statuts et actes modificatifs (procès-verbaux d’assemblée) ;
• les extraits Kbis ;
• l’état général des inscriptions de nantissements, des inscrip-
tions de privilèges, des protêts, des contrats de crédit-bail ou
de location de matériel ou encore des clauses de réserve de
propriété publiées au Greffe.
Les informations publiques disponibles sur Internet constituent
en outre une véritable mine de renseignements qu’il convient
d’exploiter. Des précautions s’imposent toutefois lors de cet exer-
cice pour valider la source et le niveau de fiabilité des données col-
lectées. Des revues de presse peuvent enfin être réalisées à l’aide
d’outils de recherche informatisée comme Factiva®, qui permettent
de trouver rapidement les articles de journaux en relation avec une
société ou un individu.

165
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La fraude en entreprise

Lettre de mission

Dans le cas où l’entreprise décide de recourir à un professionnel


extérieur, il est indispensable qu’une lettre de mission soit signée.
Il s’agit d’un document contractuel qui définit les engagements
et les responsabilités réciproques de l’auditeur et du client.
Pour éviter tout malentendu ou litige sur la nature de la prestation,
la lettre de mission doit être la plus précise possible et notamment
indiquer :
• l’identité des parties signataires ;
• le contexte et le périmètre de la mission : travaux prévus,
travaux exclus de la mission ;
• les modalités d’intervention : description des modalités d’inter-
vention (équipes et responsables), modalités financières (taux,
acompte, délais de paiement), limitation de responsabilité
vis-à-vis du client et des tiers ;
• les délais : volumétrie estimée et calendrier prévisionnel
(si nécessaire, délai de validité de la lettre de mission), durée
estimée de la mission ;
• la définition des produits finis et la diffusion éventuelle à des
tiers ;
• les obligations du client notamment en termes de disponibilité
des informations, de mise à disposition de matériel, de locaux
ou d’accès informatiques.

3. PENDANT L’INTERVENTION

Compréhension de l’environnement et identification des risques

Avant d’entrer dans l’investigation proprement dite, le professionnel


de l’investigation procède à une analyse de l’environnement éco-
nomique dans lequel il va opérer. En effet, « la détection des fraudes

166
Maxima_Ouaniche_BAT Page 167 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

ne peut être menée à bien que si une bonne cartographie des risques
existe déjà »1.
Cette cartographie pourra s’effectuer à l’aide de l’outil présenté
au chapitre précédent.

Collecte des informations existantes

La première étape consiste toujours à prendre connaissance des


documents ou des déclarations qui sont à l’origine des soupçons
ayant conduit l’entreprise à diligenter la mission. À cet égard, la
mise en œuvre d’entretiens préliminaires avec les personnes qui
ont donné l’alerte peut constituer un point d’entrée très utile per-
mettant de définir un état des lieux des informations disponibles
et de mettre en sécurité les éventuels éléments de preuves déjà
collectés.
La deuxième étape consiste à rechercher l’ensemble des documents
et informations pouvant être exploités dans le cadre de la mission.
Cette étape peut souvent s’avérer longue et laborieuse car elle
suppose d’inventorier minutieusement l’intégralité des pièces dis-
ponibles, lesquelles ne sont pas toujours ordonnées de façon satis-
faisante. Le rassemblement des pièces, quel que soit son caractère
rébarbatif, ne saurait pour autant être confié à une personne inexpé-
rimentée. Chaque intervention est en effet différente et le choix des
documents susceptibles de présenter un intérêt nécessite une cer-
taine expérience.
La pertinence des éléments recueillis est en effet une condition
cruciale pour le bon déroulement de la mission. La formalisation
de ce travail dans un tableau de suivi adapté doit permettre d’éviter
tout désaccord sur la restitution ou non des documents confiés. Le
tableau page suivante pourra servir d’outil de suivi de la documen-
tation fournie.

1. Pons, Noël : « Démonter la mécanique du risque », Échange n° 234, juillet


2006.

167
Date du Origine du document Copie ou original Date de restitution
Référence Auteur du document Descriptif du document
document (interne / externe) conservé du document

Correspondance commerciale

Rapport du commissaire aux comptes


Maxima_Ouaniche_BAT Page 168 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Document de validation technique

Note interne

168
Tableau de suivi extracomptable

Classeurs de factures clients


La fraude en entreprise

Listing des stocks

etc.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 169 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

Procédures analytiques et élaboration d’une « théorie


de la fraude »

Le travail d’analyse consiste à mettre en perspective les différentes


informations collectées afin de dégager un ou plusieurs scénarii
de fraudes possibles. Ces scénarii devront par la suite être confirmés
ou infirmés par des éléments probants. Cette approche empirique,
très proche de la méthode scientifique, se décompose en plusieurs
étapes :
• observation et mesure du phénomène ;
• formulation d’hypothèses et construction d’un modèle expli-
catif ;
• vérification ou réfutation par l’expérience ;
• conclusion (évaluation).
À l’instar d’une investigation scientifique, la construction d’une
théorie de la fraude suppose la mobilisation de l’expérience et de
l’imagination. Les différents éléments du triangle de la fraude
doivent être mis à l’épreuve de ces scénarii afin de déterminer les
motivations, les opportunités et les possibilités de rationalisation
offertes par les situations considérées.
L’établissement d’une théorie de la fraude permet d’envisager les
modes opératoires possibles à partir d’une analyse méticuleuse de
l’ensemble de la documentation fournie. Toute démarche d’inves-
tigation suppose en particulier la mise en œuvre d’une grille de
lecture analytique des états financiers visant à détecter les éventuels
symptômes de la fraude. À cet égard, la littérature spécialisée1
foisonne de ratios et d’indicateurs financiers permettant d’appré-
hender la cohérence des comptes de l’entreprise.

1. Harrington, Cynthia : « Formulas for Detection, Analysis Ratios for Detecting


Financial Statement Fraud », article publié sur le site de l’ACFE (www.acfe
.com), 2005.

169
Maxima_Ouaniche_BAT Page 170 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Schématiquement, on peut distinguer deux types d’indicateurs :


• les ratios de rotation qui consistent à exprimer les éléments
d’actifs ou de passifs courants en nombre de jours de chiffre
d’affaires ou d’achat : délai client, délai fournisseur, taux de
rotations des stocks de matières consommables, taux de rota-
tions des produits finis, etc. ;
• les taux de performances opérationnelles : taux de croissance
du chiffre d’affaires, taux de marge commerciale, taux de
rentabilité opérationnelle, etc.
Plus globalement, l’analyse des états financiers doit permettre de
répondre aux questions suivantes :
• Peut-on observer des évolutions incohérentes de certains
postes ?
• Les ordres de grandeur sont-ils en adéquation avec la taille
de l’entité et la nature de ses opérations ?
• L’existence des actifs au bilan est-elle sécurisée ?
• Peut-on constater des changements dans la nature des charges
et des produits constatés ?
• Les comptes sont-ils impactés de manière significative par un
nombre limité de transactions ?
• Des transactions significatives ont-elles été enregistrées à
l’approche de la clôture ?
• Des transactions particulières, complexes ou dont la méthode
de comptabilisation posait un problème ont-elles été enre-
gistrées au cours de la période d’examen ?
• Les évolutions de la trésorerie correspondent-elles aux résultats
de l’entité ?
• Certains éléments d’appréciation intégrant une part de subjec-
tivité ont-ils un impact significatif sur les comptes (exemple :
recouvrabilité des créances ou rythme de constatation du chiffre
d’affaires) ?

170
03_CorpsLivre Page 171 Mercredi, 13. mai 2009 3:03 15

Les étapes d’une mission d’investigation

Par ailleurs, une lecture attentive des annexes de l’entité est suscep-
tible de fournir une information précieuse sur certaines opérations
ou sur certains engagements pris par l’entreprise.
Notons enfin l’importance des informations contenues dans les
rapports généraux et spéciaux des commissaires au comptes qui
doivent faire l’objet d’une attention particulière.
Naturellement, l’analyse des états financiers ne constitue qu’une
première étape dans la démarche d’investigation. Celle-ci devra le
plus souvent être complétée par une revue approfondie des autres
informations analytiques disponibles dans l’entreprise (découpage
des flux par nature, par unité de gestion, par période comptable, etc.).

Obtention d’éléments probants

La mise au point d’un programme de travail adapté dans le cadre


de la recherche d’éléments probants est une étape cruciale de la
démarche. Il s’agit de concevoir et de formaliser l’ensemble des
travaux à accomplir sur le terrain. Il nécessite une réflexion adaptée
à chaque situation originale. À ce titre, il peut sembler très aventu-
reux de proposer des procédures standardisées alors que l’approche
d’investigation nécessite au contraire une véritable démarche
sur mesure difficilement transposable d’une activité à l’autre. Les
programmes présentés ci-après sont donc livrés à titre indicatif et
doivent être adaptés aux spécificités de chaque entreprise.
Ces programmes doivent permettre de procéder :
• dans un premier temps, à un ensemble de travaux visant à com-
prendre le fonctionnement des procédures opérationnelles et
comptables.
• dans un second temps à la mise en œuvre de tests de détails
correspondant aux cycles comptables les plus fréquemment
analysés à savoir : le cycle Vente/Client, le cycle Achat/Four-
nisseur et le cycle Paie/Ressources Humaines.

171
Programme de travail visant à la compréhension de l’environnement

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente
1/ Identifier l'ensemble Organigramme du ser- Établir une fiche de synthèse présentant les informations suivantes pour chaque per-
des interlocuteurs vice sonne concernée :
comptables et opéra- DADS 1 • Nom ;
tionnels. Registre du personnel • Prénom ;
Livre de paie • Date d'entrée dans l'entreprise ;
• Dernière prise de congés ;
Maxima_Ouaniche_BAT Page 172 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

• Fonction exacte au sein de la stucture ;


• Nature des travaux confiés ;
• Nom du responsable hierarchique direct ;

172
• Nom des personnes placées sous la responsabilité du collaborateur.
2/ Établir une cartogra- Manuel de procédure Établir un tableau synthétique des flux de documents et d'autorisations.
phie de la fonction con- Entretien avec les res- Validation de l'application des procédures par la mise en œuvre de tests sur le terrain.
La fraude en entreprise

cernée. ponsables identifiés


3/ Déterminer le niveau Manuel de procédure Valider l'application des procédures par la mise en œuvre de tests sur le terrain.
de séparation des Entretien avec les res-
tâches. ponsables
4/ Identifier les zones Établir un tableau de synthèse présentant pour chaque risque identifié :
de risques potentielles • la tâche concernée ;
au sein du cycle con- • la nature du risque indentifié ;
cerné. • la probabilité d'occurrence ;
• le caractère significatif de la fraude potentielle.
Programme de test : cycle Vente/Client

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

1/ Effectuer une revue Grand-livres des comp- Analyser le chiffre d'affaires selon plusieurs critères : type de produit vendu/prestation
analytique du chiffre tes de ventes rendue, nature d'activité, type de client, vente export/vente nationale.
d'affaires. États de gestion Analyser le détail des ventes annuelles et mensuelles et obtenir des explications con-
Journaux de ventes cernant les variations inhabituelles.

2/ Effectuer une revue Grand-livres des comp- Analyser les montants encaissés par clients sur la période concernée.
analytique des comp- tes de clients Analyser l'évolution des délais moyen de règlement par client.
tes clients. États de gestion Analyser les soldes inhabituels (soldes créditeurs, soldes très significatifs).
Journaux de ventes Analyser les soldes à forte antériorité.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 173 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Balances agées des Identifier des clients potentiellement liés au management.


comptes clients

173
3/ Effectuer un test Comptabilité Sélectionner un échantillon de créances clients non soldées à la date de clôture, en
d'apurement des comp- privilégiant les clients à risques :
tes clients. • Pour chacun des comptes clients selectionnés, retracer l'apurement des montants
figurant au bilan à la date de clôture. Valider que chaque montant a bien fait l'objet
de règlement.
• En cas d'annulation post-clôture sans paiement (avoir ou écriture d'extourne), obte-
Les étapes d’une mission d’investigation

nir les explications et la documentation nécessaires.


• Identifier grâce à ce test les éventuelles écritures de rafraichissement visant à dissi-
muler l'ancienneté des créances.

4/ Test sur les ventes. Comptabilité Sélectionner un échantillon d'écritures de ventes en privilégiant les ventes à risques :
• Pour chacune de ces transactions, obtenir la documentation correspondante, per-
mettant de justifier la réalité de la vente comptabilisée (facture/bon de livraison/dos-
sier commercial le cas échéant).
• S'assurer que chacune des ventes selectionnées a donné lieu à un encaissement
régulier.
Programme de test : cycle Vente/Client (suite)

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

5/ Revue des avoirs. Comptabilité Établir le rapport entre le montant des avoirs annuels émis par rapport au total des ven-
tes. S'assurer que ce taux est raisonnable compte tenu de l'activité.
Établir le rapport entre le montant total des avoirs émis au cours des trois premiers
mois de l'exercice et le montant des avoirs à établir provisionnés à la clôture. S'assurer
que ce taux est raisonnable compte tenu de l'activité.
Sélectionner un échantillon d'écritures d'avoirs émis postérieurement à la clôture :
• S'assurer que chacun de ces avoirs est justifié économiquement et correspond à
une facture préalablement émise.
• Valider le correct paiement de cet avoir et le nom du bénéficiaire (ou le cas écheant
son imputation sur une facture ultérieure).
Maxima_Ouaniche_BAT Page 174 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

6/ Revue des factures à Comptabilité et justifica- S'assurer que les provisions pour factures à établir sont correctement justifiées à la
établir. tifs de provisions date de clôture.

174
7/ Revue des journaux Journaux de vente Effectuer un examen exhaustif des journaux de ventes visant à détecter les éventuel-
de vente. les anomalies :
• Annulations importantes de factures postérieurement à la clôture.
La fraude en entreprise

• Vente à des clients non auxiliarisés et comptabilisés en contrepartie de débiteurs


divers.
• etc.

8/ Cadrage CA/CA3. Bordereaux de décla- • S'assurer que le chiffre d'affaires comptable est réconcilié au chiffre d'affaires
rations de TVA (CA3) déclaré dans les CA3.
Comptabilité

9/ Test sur les sorties de Listing détaillé des • Sélectionner un échantillon de sorties de produits finis en stocks. Vérifier que cha-
stocks. mouvements de stocks que sortie a donné lieu à une vente documentée, comptabilisée et payée par le
client.
• Effectuer un recoupement entre les références des produits entrés en stocks et celles
des produits sortis, de manière à identifier une éventuelle rotation artificielle du stock
au sein du groupe visant à surévaluer le chiffre d'affaires de la structure.
Programme de test : cycle Achat/Fournisseur

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

1/ Revue analytique Balance générale et Effectuer une analyse approfondie de chaque compte de charge (montant, nature des
des comptes d'achat et grands livres des comp- dépenses, fournisseur concerné, variation entre les exercices n, n–1 et n–2).
de frais généraux tes concernés
• Cadeaux
d'entreprise ;
• Donations,
partenariat ;
Maxima_Ouaniche_BAT Page 175 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

• sponsoring ;
• Réception ;
• Formation ;
• Marketing,

175
consulting ;
• Honoraires ;
• Commissions ;
• Voyages /
déplacements ;
• Études ;
Les étapes d’une mission d’investigation

• Documentation ;
• Droits de douanes ;
• Redevances ;
• Subventions
accordées ;
• Management fees ;
• Autres prestations
immatérielles.
Programme de test : cycle Achat/Fournisseur (suite)

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente
2/ Test portant sur un Obtenir pour chaque Établir un tableau de synthèse présentant les informations suivantes :
échantillon d'écritures écriture l'ensemble de • N˚ de pièce ;
comptabilisées au sein la documentation sus- • Compte concerné ;
de ces postes de char- ceptible de justifier la • Fournisseur ;
ges. matérialité de la presta- • Montant HT ;
Sélectionner en tion rendue. • Pièce justicative ;
priorité : 1/ Pour les achats de • Réalité de la prestation documentée ? (Oui / Non) ;
• les transactions matières premières ou • Justification de la conformité de la prestation à l'intérêt social ? (Oui / Non) ;
comptabilisées sous de produits finis : • Date du paiement ;
un libellé peu • Bon de commande ; • Modalités du paiement ;
Maxima_Ouaniche_BAT Page 176 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

explicite ; • Bon de réception ; • Bénéficiaire du paiement.


• les transactions enre- • Facture.
gistrées au crédit 2/ Pour les frais

176
d’un compte de généraux :
caisse et au débit • Contrat ;
d’un compte de char- • Facture ;
La fraude en entreprise

ges sans transiter par • Correspondance


un compte de tiers ; commerciale ;
• les opérations comp- • Produits finis (par
tabilisées les diman- exemple les rapports
ches ou jours fériés ; de consulting ou les
• les opérations pour études réalisés par le
lesquelles on peut prestataire).
observer la répétition
de montants
identiques ;
• les opérations pré-
sentant des montants
« ronds » (pas de
décimale).
Programme de test : cycle Achat/Fournisseur (suite)

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente
3/ Revue analytique Grand livre des comp- Analyser les mouvements débiteurs et créditeurs ayant transité par les comptes four-
des comptes de fournis- tes fournisseurs nisseurs au cours des exercices concernés :
seurs. • montant ;
• nature des dépenses ;
• type de prestations ;
• variation entre les exercice n, n–1 et n–2 ;
Obtenir des explications et de la documentation concernant des montants éventuels
anormalement élévés.

4/ Revue des DADS 2. Bordereaux DADS 2 Valider l'identité des prestataires listés dans la DADS 2.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 177 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Valider les montants figurant sur la DADS 2 à l'aide de la comptabilité.


Identifier les honoraires comptabilisés et non portés sur la DADS 2.
Obtenir les explications nécessaires.

177
5/ Revue des rappro- Rapprochements ban- Contrôler les rapprochements bancaires établis mensuellement par l'entreprise.
chements bancaires. caires • Valider l'exactitude arithmétique ;
• Valider l'apurement ultérieur des montants importants en rapprochement ;
• Identifier les montants en rapprochement à forte antériorité ;
• Identifier les éléments inhabituels (montants en rapprochement identiques, éléments
Les étapes d’une mission d’investigation

en rapprochement à forte antériorité, écritures passées en banque et non comptabi-


lisées, etc.).

6/ Revue des vire- Liste des virements Valider l'identité des bénéficiaires.
ments bancaires effec- effectués par date, Analyser les virements présents dans la liste des virements et absents en comptabilité.
tués. montant et bénéficiaire. Identifier les clients bénéficiaires de virements bancaires.
En l'absence d'une telle
liste : établir cette der-
nière à partir des clas-
seurs d'ordre de
virements.
Programme de test : cycle Achat/Fournisseur (suite)

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

7/ Revue des comptes Détail des mouve- Effectuer une revue analytique des mouvements enregistrés.
de caisses. ments de caisse Identifier les éventuelles sorties de liquidités suspectes (montants inhabituels,
réconcilié à la compta- bénéficiaires non identifiés) et obtenir des explications nécessaires.
bilité Identifier les sources d'approvisionnement en argent liquide.
Inventaires de caisse Valider l'absence d'anomalie (écart de caisse, solde de la caisse négatif au cours de la
mensuels période concernée, etc.).
Sélectionner un échantillon de paiements en espèce.
Obtenir pour chacun de ces paiements la documentation permettant de justifier la réa-
Maxima_Ouaniche_BAT Page 178 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

lité de la prestation rendue.

8/ Revue des notes de Classeurs des notes de 1/ Comprendre les procédures d'engagement des dépenses professionnelles (carte de
frais. frais crédit débitée sur le compte de l'entreprise, déclaration de frais, avance de caisses,

178
Comptabilité etc.) et identifier les éventuelles faiblesses de contrôle interne.
2/ Sélectionner un échantillon de frais engagés et obtenir les jusiticatifs correspon-
dants.
La fraude en entreprise

Synthétiser le test sous la forme d'un tableau présentant les informations suivantes :
• Date de la dépense ;
• Compte concerné ;
• Nature de la dépense ;
• Montant HT ;
• Type de pièce justificative ;
• Matérialité de la prestation assurée ;
• Justification de la conformité de la prestation à l'intérêt social.
3/ Reconstituer l'emploi du temps afin d'identifier d'éventuels incohérences au niveau
des frais engagés (période de congés, week-end et jour fériés, plusieurs dépenses de
déjeuner pour le même jour, factures correspondant à des lieux éloignés pour le même
jour, etc.
Programme de test : cycle Paie / Ressources Humaines

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

1/ Cadrage DADS 1 / DADS 1 Établir un tableau de réconciliation formalisé.


Livre de paie / Compta- Balance générale
bilité. Livre de paie

2/ Revue des registres Registres du personnel Sélectionner un échantillon de salariés (en privilégiant les personnes à risques) :
du personnel. Organigramme détaillé • Obtenir leurs contrats de travail ;
Registre de présence • S'assurer que ces personnes sont bien présentes dans l'entreprise et obtenir des
Registre téléphonique preuves du travail effectué par ces dernières.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 179 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Identifier les départs récents de personnes clés.


Obtenir des informations expliquant ces départs.
Identifier les entrées récentes de salariés occupant des fonctions clés. Comprendre
l'objet de leur recrutement (remplacement suite à un départ/création d'une nouvelle

179
fonction).
Effectuer un recoupement entre le livre de paie et l'annuaire téléphonique et/ou l'orga-
nigramme complet de l'entreprise.
Obtenir des informations sur les éventuels salariés non répertoriés.

3/ Revue des rémuné- Contrats de travail Sélectionner un échantillon de salariés en privilégiant les personnes à risques :
Les étapes d’une mission d’investigation

rations Feuilles de paie • Réconcilier l'ensemble des rémunérations perçues aux contrats de travail et aux
Relevés bancaires fiches de paie ;
Procès Verbaux de • Valider le juste paiement de ces salaires et vérifier que les virements ont été établis
décision du conseil au bénéfice des bonnes personnes ;
d'administration • Valider le respect des procédures d'autorisation concernant les bonus et autres élé-
Extrait de délibération ments variables.
du comité de rémunéra- Reconcilier la rémunération du dirigeant aux justificatifs correspondants.
tion S'assurer que les éléments de rémunération variables ont été calculés et autorisés
contrat de travail conformément aux décisions prises par les organes compétents
Programme de test : cycle Paie / Ressources Humaines (suite)

Nature des Documentation


Détail des tests/ travaux à réaliser
travaux à réaliser pertinente

4/ Revue des absences Registre de présence Effectuer une revue analytique des prises de congés :
Maxima_Ouaniche_BAT Page 180 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

et des prises de congés Tableau de suivi des • Identifier les personnes clés qui n'ont pas pris de congés depuis plus d'un an ;
payés. congés payés • Identifier les prises de congés anormalement longues ;
Sélectionner un échantillon de salariés et tester leurs prises de congés :

180
• S'assurer de l'absence de frais professionnels durant la période de prise de congés ;
• S'assurer que les congés effectivement pris par les personnes étaient bien dûs et
autorisés.
La fraude en entreprise

5/ Revue des avanta- Contrats de travail S'assurer que les avantages en nature sont bien prévus dans les contrats de travail ou
ges en nature. Fiches de paie dans le PV de décisions de l'organe compétent.
Entretien avec les per- S'assurer que ces avantages en nature sont correctement valorisés et soumis à char-
sonnes concernées ges sociales.
Maxima_Ouaniche_BAT Page 181 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

L’utilisation du data mining

Définition et champs d’application

Le data mining désigne « l’ensemble des processus de sélection,


d’exploration, modification et modélisation de grandes bases de
données afin de découvrir des relations entre les données
jusqu’alors inconnues »1. Principalement utilisé pour la gestion
d’information à caractère commercial, le data mining peut s’avérer
très utile dans le cadre de la recherche de fraudes, en particulier
lorsque l’entreprise possède un grand nombre d’informations stoc-
kées sous forme de bases de données. La démarche d’investigation
réside dans l’analyse détaillée des flux comptables ou logistiques
intervenus au cours d’une période pouvant s’étaler sur plusieurs
exercices. Dans la plupart des cas, le volume de transactions peut
atteindre plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers
de lignes.
Dans ces contextes, l’utilisation d’outils informatiques spécifiques
permet non seulement de dégager des tendances visant à cibler les
zones de risques, mais encore d’isoler les transactions douteuses.
Cette démarche suppose au préalable la possibilité d’exporter sous
un format exploitable l’ensemble des transactions relatives au
périmètre de l’investigation. Concrètement, l’extraction sous format
Excel® ou Access® de l’ensemble des journaux comptables
constitue une pratique quasi systématique. De cette manière, on
peut avoir un accès direct sous format électronique à l’ensemble
des informations comptables. De la même manière, l’extraction du
registre des stocks à partir du système logistique permet d’avoir
à sa disposition l’ensemble des flux d’entrées et de sorties des
matières, marchandises, ou produit finis. On peut également pro-
céder à ce type d’extraction électronique pour d’autres informa-
tions comme les fichiers commerciaux, les registres d’achats, les
registres du personnel, etc.

1. Pour une présentation complète des techniques de data mining se référer au


site http://www.web-datamining.net/

181
Maxima_Ouaniche_BAT Page 182 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Une fois exportés, ces fichiers vont pouvoir être analysés en fonction
de critères de tri plus ou moins élaborés, sur lesquels repose la
démarche du data mining. Ces analyses n’ont pas d’autres limites
que celles de l’intuition et de l’inventivité de l’auditeur. Nous n’évo-
querons ici en guise d’illustration que trois exemples concrets.
Exemple 1 : Analyse des flux de trésorerie
À partir des journaux de caisses et des journaux de banque, l’ana-
lyse pourra consister à revoir :
• les opérations comptabilisées les dimanches ou les jours fériés ;
• les opérations pour lesquelles on peut observer la répétition de
montants identiques ;
• les opérations présentant des montants ronds (pas de décimale) ;
• les transactions comptabilisées sous un libellé peu explicite ;
• les transactions enregistrées au crédit d’un compte de caisse
et au débit d’un compte de charges sans transiter par un compte
de tiers.
Exemple 2 : Analyse des registres du personnel
À partir des registres d’entrée et de sortie du personnel, l’analyse
pourra consister à :
• examiner les séjours anormalement courts au sein de la
société ;
• croiser les noms des salariés avec celui des fournisseurs per-
sonnes physiques afin d’identifier l’existence éventuelle de
doublons ;
• identifier les salariés de l’entreprise ayant le même nom de
famille.
Exemple 3 : Revue des mouvements de stocks
À partir des registres d’entrée et de sortie de stocks, l’analyse pourra
consister à :
• revoir les volumes journaliers d’entrées ou de sorties de stocks
pour isoler les mouvements inhabituels ;

182
Maxima_Ouaniche_BAT Page 183 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

• croiser les fichiers d’entrées et de sorties de stocks afin d’en


vérifier la cohérence temporelle. Lors d’une mission d’investi-
gation au sein d’une société de négoce, nous avions ainsi iden-
tifié que certaines marchandises portant les mêmes numéros
de référence transitaient plusieurs fois de suite par le même
entrepôt. Cette rotation permettait de gonfler artificiellement
le chiffre d’affaires de l’entreprise (sans toutefois améliorer
sa marge) et avait été rendue possible par l’existence de flux
intercompagnies complexes et internationaux.
Pour toutes ces analyses, il est naturellement indispensable de tra-
vailler sous format informatique. Notons à cet égard que la plupart
des systèmes utilisés de nos jours par les entreprises offrent des
possibilités d’exports sous format électronique. La réticence ou le
refus de certains interlocuteurs de procéder à ces exports ne
témoignent le plus souvent que d’une insuffisante maîtrise de leurs
fonctionnalités. L’auditeur doit alors insister pour obtenir ces fichiers
en demandant en cas de besoin l’intervention d’un spécialiste infor-
matique voire en proposant sa propre assistance.

Un exemple de data mining : la Loi de Benford

La Loi de Benford porte le nom d’un physicien américain qui en


1938 a découvert que dans une liste de valeurs naturelles (relevés
de mesures physiques par exemple), la fréquence théorique d’appa-
rition du premier chiffre obéit à une formule mathématique :
C = log10 (1 + 1/C)
Selon cette formule, la répartition des premiers chiffres d’une série
de nombres naturels se visualise comme indiqué dans la figure
page suivante.
Cette loi formulée sur la base de constatations empiriques (20 000
données sélectionnées dans des domaines aussi divers que les
longueurs de plus de 300 fleuves, les recensements démographiques
de plus de 3 000 régions, les masses atomiques des éléments
chimiques, etc.) ne fut démontrée qu’en 1996.

183
Maxima_Ouaniche_BAT Page 184 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Premier chiffre C d’un nombre N 1 2 3 4 5 6 7 8 9


Fréquence relative d’apparition 30,10 % 17,60 % 12,50 % 9,70 % 7,90 % 6,70 % 5,80 % 5,10 % 4,60 %

Fréquence relative d’apparition


35,00 %

30,00 %

25,00 %

20,00 %

15,00 %

10,00 %

5,00 %

0,00 %
1 2 3 4 5 6 7 8 9

Premier chiffre d’un nombre N

Application de la Loi de Benford à un cas concret

L’exploitation de la Loi de Benford peut s’avérer intéressante pour


détecter des fréquences anormales de répétition de certains mon-
tants dans des listings commerciaux ou bien dans des journaux
comptables.
Par exemple, une revue du journal d’opérations diverses sur cette
base peut s’effectuer de la manière suivante :
• extraire le journal d’opérations diverses sous Excel ;
• déterminer pour chaque montant comptabilisé les 2 premiers
chiffres (au moyen d’une fonction « GAUCHE (ABS(donnée
cellule); 2) » ;
• au moyen d’un tableau Croisé Dynamique, déterminer le
nombre et la fréquence d’apparition des deux premiers chiffres ;
• comparer ces fréquences obtenues avec les fréquences théo-
riques données par la formule LOG10 (1+1/(donnée cellule)).

184
Maxima_Ouaniche_BAT Page 185 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

L’utilisation d’un critère de tri permet ensuite d’identifier les écarts


les plus significatifs pour cibler les montants présentant une
fréquence de répétition inhabituelle. Graphiquement, ces écarts
peuvent se visualiser de la manière suivante :

6,00 %

5,00 %

4,00 %

3,00 %

2,00 %

1,00 %

0,00 %

82

88

97
49
37

43
46

52
55
58
61
64
67
70
73
76
79

85

91
94
10

25

31
34

40
13
16
19
22

28

Prob Benford

Benford : Analyse des 2 premiers chiffres

Ce graphique porte sur un journal d’opérations diverses d’environ


30 000 lignes. Les flèches indiquent les fréquences d’apparition
jugées inhabituelles par rapport à la répartition théorique de la Loi
de Benford.
Une fois ciblées ces zones de risques, l’auditeur peut conduire
un examen approfondi visant à comprendre la raison des fréquences
inhabituelles. L’explication pourra alors être trouvée dans l’exis-
tence de montants abonnés (locations, amortissements, provisions
mensuelles, etc.) qui permettront de conclure à l’absence d’ano-
malie. En revanche, cette méthode peut permettre de détecter des
schémas de détournements de fonds se traduisant par la répétition
de charges ou de décaissements dont les montants pris individuel-
lement se situent en deçà du seuil de signification.

185
Maxima_Ouaniche_BAT Page 186 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

L’entretien contradictoire

L’entretien contradictoire est une des phases clés dans la démarche


d’investigation. Il permet de confronter les scénarii de fraudes
envisagés avec les témoignages des personnes concernées. Les
questions posées nécessitent bien évidemment la coopération des
personnes interrogées : il ne s’agit pas d’un interrogatoire de police
et l’auditeur ne dispose que de l’autorité et des pouvoirs que l’entre-
prise a bien voulu lui déléguer. De ce point de vue, il est nécessaire
de préciser à la personne que son assistance est sollicitée mais
qu’elle ne constitue en aucun cas une obligation. Si l’entretien peut
constituer un outil extrêmement puissant dans le cadre de l’investi-
gation, il nécessite un réel savoir-faire qui ne peut s’acquérir qu’avec
beaucoup de pratique. À ce titre, l’entretien représente davantage
un art qu’une science. Il convient toutefois de garder à l’esprit un
certain nombre de techniques et de recommandations afin d’éviter
les principaux pièges lors de cette phase délicate.

Les 6 règles à respecter

Bien préparer son entretien. Quelle que soit l’expérience en


la matière, il est primordial de préparer son entretien. Avant de
poser la moindre question, l’auditeur doit prendre le temps de
revoir l’ensemble de la documentation recueillie afin de déter-
miner les thèmes à aborder.
Les questions doivent être écrites1 et leur enchaînement organisé
de manière cohérente.
Instaurer un climat de confiance. Comme nous l’avons indiqué
plus haut, la coopération de la personne interrogée est indispensable
afin de conduire un entretien constructif. La phase de présentation
constitue donc un moment décisif pour mettre en confiance l’inter-
locuteur. Sur la forme, l’attitude doit être la plus engageante pos-
sible. L’importance du sourire et du contact visuel doit à ce titre être

1. Voir plus loin notre chapitre consacré au mode de formulation des questions.

186
Maxima_Ouaniche_BAT Page 187 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

soulignée. Sur le fond, le meilleur moyen d’obtenir la confiance


de la personne interrogée est toujours de faire preuve de clarté sur
l’objet de la rencontre. Sans nécessairement indiquer la finalité
exacte de l’investigation, il est donc important d’expliquer l’enjeu
de l’entretien et d’annoncer les points que l’on souhaite aborder.
Éviter la précipitation. L’entretien doit se développer naturel-
lement. Il ne s’agit pas de soumettre l’interlocuteur à une salve de
questions ininterrompues qui ferait ressembler l’entretien à un
interrogatoire policier. Avant d’aborder les questions délicates, il
convient de prendre le temps d’établir un contact serein avec la
personne. Il est inutile toutefois de laisser cette phase s’éterniser,
ce qui pourrait conduire à l’effet contraire en éveillant des craintes
chez l’interlocuteur.
Se concentrer sur l’écoute. Interroger une personne, a fortiori
lorsqu’elle est susceptible de détenir des informations importantes
est aussi une épreuve stressante pour celui qui pose les questions.
Afin de contenir cette tension, certaines personnes ont tendance à
trop parler et à négliger l’écoute. La concentration sur les réponses
données est pourtant primordiale pour identifier les incohérences.
Prendre le temps d’approfondir. La nécessaire coopération des
personnes ne justifie pas pour autant une attitude de complaisance,
qui consisterait à évacuer le plus rapidement possible les questions
délicates. Il convient au contraire d’insister aussi longtemps que
nécessaire sur toutes les incohérences ou zones d’ombres relevées
dans le discours de l’interlocuteur. En général, les personnes de
bonne foi ne voient pas d’inconvénient à approfondir certaines
questions, même difficiles. En revanche, le fraudeur aura tendance
à vouloir écourter pour réduire le risque de se contredire.
Reformuler les affirmations de l’interlocuteur. Avant de terminer
un entretien, il est important de reformuler les points importants en
présence de l’interlocuteur. De cette manière, l’auditeur s’assurera
de la justesse de sa compréhension et évitera toute forme de malen-
tendu. Il peut s’avérer utile de rédiger un compte-rendu d’entretien
signé par l’intéressé.

187
Maxima_Ouaniche_BAT Page 188 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Identifier les signes de tromperie chez un interlocuteur

Il n’existe pas de règle systématique ou de signe déterminant per-


mettant de détecter avec certitude les mensonges d’un interlocuteur.
Tout le monde n’est pas égal devant le mensonge. Certaines per-
sonnes parviennent à mentir effrontément sans montrer aucun signe
visible de stress ou d’émotion. À l’inverse, d’autres personnes
parfaitement sincères vont développer des réactions visibles de
crispation dès lors qu’elles sont soumises à des circonstances inha-
bituelles. Dans ce contexte, il faut donc éviter toute approche sys-
tématique et se garder de formuler des conclusions hâtives fondées
sur la seule observation des comportements. Cette précaution étant
posée, il n’est pas pour autant inutile de connaître les indicateurs
pouvant trahir un mensonge.
Voici donc quelques notions théoriques qui peuvent aider à détection
et contribuer à orienter l’entretien.

Les différents types de mensonges


Il existe trois grands types de mensonges :
Le premier type, le plus évident, est le mensonge délibéré. Celui qui
consiste à regarder son interlocuteur dans les yeux et à lui affirmer
sans ciller quelque chose que l’on sait être parfaitement contraire
à la réalité. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce type de
mensonge est assez rare dans la réalité. Il émane soit d’individus
particulièrement malhonnêtes, soit de personnes conscientes de
« jouer très gros ».
Le second type de mensonge, beaucoup plus répandu que le pré-
cédent, est le mensonge par omission qui consiste à dissimuler une
partie de la réalité. Une forme de mensonge par omission, parti-
culièrement prisée des hommes politiques, est la technique de
l’enfumage qui consiste à apporter une réponse très fournie avec un
luxe de détails à une question d’ordre général appelant une réponse
simple par oui ou par non. L’exemple de ce responsable de la pro-
duction interrogé lors d’une intervention est caractéristique de ce
type de mensonge :

188
Maxima_Ouaniche_BAT Page 189 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

• Question : Monsieur Dupont, vous est-il déjà arrivé d’approu-


ver des commissions payées à des agents commerciaux, tout
en sachant qu’une partie de ces fonds était destinée à financer
des officiels gouvernementaux ?
• Réponse : Vous savez, nos procédures anti-corruption sont très
strictes au sein de la société… Chaque contrat signé avec un
agent fait l’objet d’une procédure de double approbation par
la direction opérationnelle et le département juridique… Moi-
même, je suis très attentif au respect de cette procédure, car
les conséquences en cas de révélation seraient désastreuses…
D’ailleurs, vous noterez que notre activité vis-à-vis des pays à
risque a fortement décru ces dernières années… Non, franche-
ment, je ne vois pas comment un tel schéma serait possible….
Enfin, le dernier type de mensonge est ce que nous appellerons le
mensonge par influence. C’est le mensonge de l’acteur qui consiste
à composer un rôle entièrement fabriqué de manière à gagner la
confiance de son interlocuteur et à créer ainsi un a priori favorable
à son endroit. Certaines personnes peuvent ainsi user de leur cha-
risme, de leur affabilité ou de leur fausse décontraction. D’autres
vont au contraire jouer sur leur manque d’envergure apparente ou
encore sur une émotion feinte pour éloigner les soupçons. Quelle
que soit la technique employée, ce type d’attitude mensongère a
pour objectif de conduire l’auditeur à penser, à l’issue de l’entretien,
« une telle personne ne peut avoir commis une chose pareille ».

Les obstacles à la détection du mensonge


Il existe trois obstacles à la détection du mensonge que l’auditeur
doit à tous prix éviter.
Le premier obstacle est la propension présente chez tout être
humain à la crédulité. Pour se convaincre de cette réalité, imaginez
la scène suivante : votre collègue de travail, Benoît, qui ne passe
pourtant pas pour un farceur, entre dans votre bureau pour vous
dire que le Président des États-Unis se trouve à l’accueil de votre
entreprise. Votre première réaction est évidemment de rire à cette
plaisanterie inattendue. Mais votre collègue visiblement très excité

189
Maxima_Ouaniche_BAT Page 190 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

par la situation insiste une seconde puis une troisième fois et vous
demande de vérifier par vous-même. Que faites-vous ?
De façon surprenante, 9 individus sur 10 finissent par céder à la
curiosité et à sortir de leur bureau pour aller vérifier la proposition
manifestement absurde. C’est cette propension à la crédulité pré-
sente chez chacun qui est sans doute l’une des clés de nos relations
avec autrui et qui constitue l’un des fondements de nos sociétés fon-
dées sur la confiance. Lors d’un entretien d’audit, il est néanmoins
primordial de lutter contre cette propension qui peut entamer l’esprit
critique des auditeurs les plus aguerris.
C’est tout le sens du concept de scepticisme professionnel énoncé
par la norme ISA 200 de l’IFAC, qui commande d’appréhender les
situations avec recul en se concentrant sur les seuls éléments
factuels.
La fabrication de préjugés et de stéréotypes est une constante
du processus par lequel les êtres humains s’adaptent à la com-
plexité du monde. L’élaboration de grilles interprétatives simplifi-
catrices (les stéréotypes) et d’un système de valeur associé (les
préjugés) participe en effet de ce que les psychologues appellent
la cognition sociale. Par ce processus, l’esprit humain génère des
représentations qui structurent sa perception des informations mul-
tiples et désordonnées lui parvenant de l’extérieur. Les préjugés
sont donc nécessaires à l’homme dans la gestion quotidienne de ses
activités. Il n’en demeure pas moins qu’ils constituent un obstacle
à la manifestation objective de la vérité dans le cadre professionnel
d’une investigation financière.
Concrètement, lorsque nous sommes en présence d’un nouvel
individu, il nous suffit en général de quelques minutes pour nous
construire une première représentation intuitive de ce dernier.
Que notre interlocuteur nous inspire une réaction de sympathie ou
d’antipathie, de confiance ou de doute, il est absolument primor-
dial de mettre à distance ces représentations. En réalité, et contrai-
rement à l’idée généralement admise, l’intuition est plus souvent
un obstacle qu’une aide dans le cadre d’un entretien. Mieux vaut

190
Maxima_Ouaniche_BAT Page 191 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

donc faire abstraction de ses impressions subjectives pour se


concentrer sur l’observation et l’écoute.
Imperfection du processus de communication. Le processus de
communication peut se résumer comme « le passage ou l’échange
de messages entre un sujet émetteur et un sujet récepteur au moyen
de signe, de signaux »1.
Schématiquement, le processus de communication s’illustre de la
manière suivante :

Feedback ou réponse

Signal

Émetteur Récepteur

En réalité, ce processus est loin d’être parfait en raison :


• de la subjectivé des émetteurs/récepteurs (existence de stéréo-
types, de préjugés, d’émotions parasites, etc.) ;
• de l’ambigüité de certains signaux ;
• des interférences intervenant au niveau du processus de trans-
mission des signaux.
L’auditeur doit avoir conscience de ces imperfections du processus
de communication et s’assurer de l’exactitude des messages trans-
mis. Pour éviter les malentendus, il est donc important :
• de reformuler régulièrement les réponses de l’interlocuteur ;
• de rédiger un compte rendu restituant fidèlement les propos
tenus en sollicitant si possible l’approbation de l’interlocuteur
sur le document.

1. Définition du Petit Robert.

191
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La fraude en entreprise

Principes à respecter
Premier principe : ne pas tenir compte des signes de sincérité.
La première question est de savoir quels types de signaux doivent
retenir notre attention. À cet égard, certains interviewers croient
pertinents de chercher dans le comportement de leurs interlocuteurs
les éventuels signes de sincérité. Cette démarche est une erreur.
En effet et comme nous l’avons déjà évoqué, certaines personnes
excellent dans l’art de feindre la bonne foi et la sincérité. Mieux vaut
donc se concentrer sur les signes susceptibles de trahir un mensonge.
Deuxième principe : écouter et observer l’interlocuteur.
L’expérience montre que, dans la grande majorité des cas, les signes
de mensonges se manifestent dans les quelques secondes qui suivent
la question posée. C’est pourquoi toute l’attention de l’interviewer
doit être rassemblée au cours de ce laps de temps où des indices
de mensonges peuvent se manifester.
Il est à ce stade fondamental de bien comprendre qu’aucun signe
n’est intéressant en soi. Seule une réaction anormale directement
générée par une question donnée peut révéler l’existence d’un
mensonge.

Les signes verbaux


Il existe une multitude de signes verbaux de mensonges. Tous ces
signes ont toutefois un point commun bien connu des spécialistes
de l’investigation. Il s’agit toujours de réponses qui ont pour objet
de convaincre l’interlocuteur de sa bonne foi et non de fournir
l’information demandée.
Les menteurs ne répondent en effet que très rarement à la question
posée. À la question : « avez-vous approuvé des paiements en espè-
ces à des intermédiaires », un individu sincère apportera un
démenti précis et catégorique : « non, jamais » dira-t-il. Un fraudeur,
quant à lui, protestera avec vigueur (« c’est allégation est
ridicule », « ce n’est pas dans mes habitudes », « c’est contraire
à mes principes »), s’en prendra à l’interviewer (« de quel droit
m’accusez vous ainsi ?», « pour qui vous prenez-vous ? »),

192
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Les étapes d’une mission d’investigation

jurera au contraire de sa bonne foi (« Je n’ai qu’une parole. Je


suis quelqu’un d’honnête », « je suis le Président, je ne peux pas
faire une chose pareille », « je ne pourrais jamais approuver une
telle transaction »), mais en aucun cas ne répondra précisément
à la question posée.
À titre d’exemples, on peut citer les stratagèmes suivants :
• temporiser avant de répondre : répéter la question, affirmer
« c’est une bonne question », « je savais que vous alliez me
poser cette question » ;
• répondre de manière trop spécifique ou trop détaillée sur un
point de détail ;
• minimiser le problème posé ;
• attaquer la personne de l’interlocuteur ;
• employer des mots visant à nuancer une négation : « pas
vraiment », « peut-être », « pas à ma connaissance », « je ne
m’en souviens pas », « en général », « normalement » ;
• employer des mots visant à convaincre de sa bonne foi :
« honnêtement », « à vrai dire », « franchement », etc. ;
• faire semblant de ne pas comprendre un mot ou une affirmation
simple.
Ce sont surtout les attitudes trop défensives qui sont les meilleurs
signes de mensonge. S’il est important de connaître et de détecter
ces signes, il est également nécessaire de savoir gérer les protesta-
tions de l’interlocuteur. À cet égard, il convient d’éviter de montrer
à celui-ci que l’on est en alerte, ce qui élèverait un peu plus sa
méfiance. Au contraire, mieux vaut faire preuve de compréhension :
« c’est important que vous me disiez cela. J’en prends bonne note ».
Au fond, c’est bien ce que vous vous appliquez à faire…

Les signes non verbaux


Encore une fois, il faut insister sur cette donnée essentielle : les
signes verbaux ou non verbaux n’ont de sens que s’ils sont inha-
bituels et s’ils se manifestent en réaction directe à question posée.
Une personne qui pivote en permanence sur sa chaise, qui est

193
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La fraude en entreprise

atteinte d’une mauvaise toux ou qui se gratte machinalement la


main pendant toute la durée de l’entretien n’est pas nécessairement
un dissimulateur. En revanche, si vous avez affaire à quelqu’un de
calme qui répond aisément à toutes les questions et qui, en réaction
à une question spécifique, manifeste des signes de nervosité ou
d’agressivité, prêtez bien attention à ses réponses : il se pourrait que
vous ayez touché une zone sensible.
Il serait illusoire de prétendre dresser la liste de tous les symptômes
non verbaux de mensonge. On pourra néanmoins indiquer à titre
d’exemples :
• les incohérences entre les gestes et la parole ;
• les changements de points d’appui ;
• les gestes parasites inhabituels (se gratter, ajuster son vêtement,
déplacer les objets alentours, inspecter ses ongles, épousseter
sa veste) ;
• la dissimulation d’une partie du visage (yeux, bouche) ;
• les accès de toux, rougissements, raclements de gorge tradui-
sant une élévation du niveau de nervosité de l’interlocuteur.

Poser les bonnes questions

Il ne suffit pas de connaître les signes de mensonge, encore faut-il


être capable de formuler les questions sous une forme de nature à
engendrer des signaux inhabituels. Concrètement, une bonne ques-
tion se doit d’être concise et d’émettre un stimulus clair et précis,
dépourvu de toute ambiguïté.
Il convient donc d’éviter les questions confuses du type :
• « Votre politique de constatation de chiffre d’affaires est-elle
satisfaisante et quand a-t-elle été auditée ? »
Il est également important de formuler des questions sous une forme
qui ne présuppose pas l’attente d’un « non ». Éviter par exemple,
les questions du type :
• « Vous n’avez pas de problème de détournement dans votre
société ? » ;

194
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Les étapes d’une mission d’investigation

• « Votre situation financière n’est pas vraiment préoccupante,


n’est-ce pas ? ».
À l’opposé, il existe des formulations particulièrement efficaces
qu’il faut savoir manier lors d’un entretien.
On peut évoquer quatre types de formulations.
La question piège : est une question qui préjuge d’un certain état
de fait et qui prend pour acquis une proposition qui n’a pas été
admise par l’interlocuteur.
Exemples :
• « Quels sont les points qui ont été les plus discutés par l’équipe
d’audit ? » (sous-entendu : l’équipe d’audit a déjà discuté
plusieurs points).
• « Quels sont les plus importantes commissions versées en
espèces ? »
La question appât : il s’agit de la question qui vise à provoquer
une incertitude chez l’interlocuteur sur le niveau d’information en
votre possession.
Exemples :
• « Y aurait-il des raisons de penser que des rétro-commissions
puissent avoir été payées à certains responsables d’entreprises
clientes ? »
• « Si nous interrogions certains salariés du service Fournisseurs,
se pourrait-il que l’un d’entre eux viennent à mentionner une
fraude intervenue cette année ? »
La question ouverte : elle a pour intérêt de faire parler l’inter-
locuteur, de donner son opinion et de recueillir le maximum
d’information.
Exemples :
• « Parlez-nous de votre politique de constatation du chiffre
d’affaires au sein de l’entreprise » ;
• « Que pensez-vous des contrôles anti-fraude mis en place
dans l’entreprise ? » ;

195
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La fraude en entreprise

• « À votre avis, quelle est la probabilité pour que le chiffre


d’affaires budgété soit atteint ? »
La question fermée : elle vise à obtenir une réponse précise par
oui ou par non. C’est en général ce type de question qui permet de
générer des signes de mensonge de la part d’un interlocuteur.
Exemples :
• « Votre politique de constatation du chiffre d’affaires est-elle
en conformité avec les normes comptables en vigueur ? »
Naturellement, seule l’expérience permet de savoir jongler avec ces
types de formulations. Si l’on recommande le schéma de l’entonnoir
qui consiste à partir de questions ouvertes pour resserrer l’entretien
avec des questions de plus en plus fermées, il n’existe en réalité
pas vraiment de règles en la matière. À charge pour l’auditeur de
trouver la tonalité juste qui lui permettra de tirer le meilleur profit
de ses entretiens.

4. APRÈS L’INTERVENTION

Rédaction du rapport

La rédaction du rapport est une phase critique et souvent très longue


de la mission d’investigation. C’est en effet à partir des informa-
tions et des conclusions apportées par le rapport de l’auditeur que
le client pourra entreprendre des actions civiles ou pénales à
l’encontre des responsables. Les conséquences possibles de cette
utilisation doivent conduire à envisager la rédaction du rapport
avec la plus grande précaution. Quels que soient la forme et le plan
adoptés, ce dernier doit avant tout être clair, précis et complet, en
mentionnant les points suivants :
• description des objectifs de l’intervention tels que définis,
le cas échéant, dans la lettre de mission ;
• description du contexte de l’intervention (lieu et date) et nom
des interlocuteurs rencontrés ;

196
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Les étapes d’une mission d’investigation

• description détaillée des informations collectées au cours de


l’intervention ;
• exposé factuel des éventuelles anomalies ou irrégularités
rencontrées ;
• quantification du préjudice correspondant à ces éventuelles
anomalies ou irrégularités ;
• réserves éventuelles résultant d’une information partielle ou
incertaine.
Il convient de garder toujours à l’esprit que toutes les conclusions
doivent être étayées par l’exposé objectif des éléments de preuves
recueillis. Enfin, l’annexe au rapport doit regrouper tout ce qui est
nécessaire à l’appréciation et à la compréhension des conclusions
de l’auditeur.

Finalisation du dossier de travail

La finalisation du dossier de travail est l’étape ultime de vérification


qui vise à s’assurer de :
• l’exhaustivité des informations obtenues ;
• leur correct classement ;
• l’exactitude des montants communiqués ;
• leur recoupement avec les pièces conservées dans le dossier.
La check-list suivante peut être utilisée comme outil de support lors
de cette phase.

197
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La fraude en entreprise

Liste de vérification du dossier de travail

N° du dossier :

Nom du client :

Date prévue d’envoi du rapport :

OUI NON NA

1 Rencontre de l’ensemble des interlocuteurs / témoins


concernés

2 Documentation écrite des soupçons ?

3 L’ensemble des scénarii de fraudes possibles a-t-il été


envisagé ?

4 A-t-on formalisé une théorie de la fraude ?

5 Une reflexion commune sur le périmètre d’analyse


et la forme du rapport a-t-elle été menée avec les avocats
de l’entreprise ?

6 L’ensemble des travaux prévus par la lettre de mission


a-t-il été accompli ?

7 L’ensemble de la documentation pertinente a-t-il été obtenu


et conservé dans le dossier de travail ?

8 Les pertes potentielles ont-elles été chiffrées avec suffisam-


ment de précision ? L’ensemble des éléments de calculs
est-il facilement disponible dans le dossier de travail ?

9 A-t-on identifié l’ensemble des témoins potentiels ?

10 A-t-on établi une cartographie des risques ?

11 A-t-on formalisé un programme de travail adapté aux objectifs


de la mission ?

198
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Les étapes d’une mission d’investigation

OUI NON NA

12 A-t-on obtenu des preuves de l’élément intentionnel ?

13 A-t-on identifié toutes les personnes à interroger ?

14 A-t-on developpé une stratégie d’interview ?

15 L’ensemble des entretiens a-t-il été retranscrit dans des


comptes rendus formalisés ?

16 A-t-on le cas échéant conservé une copie des ces comptes


rendus signés par les interlocuteurs ?

17 Le rapport écrit contient-il une description du contexte


et un rappel des objectifs de la lettre de mission ?

18 Le rapport écrit indique-t-il l’ensemble des limitations au travail


d’investigation et des points non inclus dans le périmètre
d’analyse ?

19 Le rapport écrit contient-il une note de synthèse des points


clés découverts ?

20 Le rapport écrit contient-il l’ensemble des éléments de preuves


en annexes ?

21 Le rapport écrit contient-il les comptes rendus signés


des entretiens ?

22 Le rapport a-t-il été relu par un autre responsable n’ayant pas


pris part à la mission ?

199
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La fraude en entreprise

L’audition comme témoin

Témoignage dans le cadre d’une procédure pénale

Sur le plan pénal, il existe trois niveaux de procédure où le témoi-


gnage peut être demandé :
• lors d’une enquête préliminaire effectuée par la police ou la
gendarmerie, sur ordre du parquet ou d’office, tendant à ras-
sembler les preuves d’une infraction. Dans ces circonstances,
seule la comparution est obligatoire1. En revanche, le témoin
peut refuser de s’exprimer ;
• lors d’une information judiciaire conduite par un magistrat
instructeur. L’audition peut être réalisée directement par le juge
ou bien par les officiers de police judiciaire agissant sur com-
mission rogatoire. Dans ce cas, le témoin est obligé de prêter
serment et de déposer2 ;
• lors du passage de l’accusé devant une juridiction répressive, en
général le tribunal correctionnel. Là encore, le témoin est dans
l’obligation de comparaître, de prêter serment et de déposer3.
Lorsque l’entreprise a fait appel à un expert-comptable, celui-ci
reste tenu au secret professionnel et au devoir de discrétion, même
devant la police ou les instances judiciaires. C’est pourquoi « les
révélations doivent être strictement limitées à ce qui est indispen-
sable à la sincérité de leur déposition. Si l’expert-comptable peut
répondre à toute question portant sur des problèmes de technique
comptable, financière ou fiscale, il reste lié par le secret profes-
sionnel […] pour toutes les confidences qui lui ont été faites par
son client dans l’exercice de sa mission »4.
En pratique et dans le cadre de missions d’investigation, le témoi-
gnage ne se heurte toutefois que très rarement au secret profes-

1. Article 78 du Code de Procédure Pénale.


2. Article 109 du Code de Procédure Pénale.
3. Article 437 du Code de Procédure Pénale.
4. Norme générale 114 du Conseil de l’Ordre des Experts-comptables.

200
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Les étapes d’une mission d’investigation

sionnel dans la mesure où il consiste la plupart du temps à apporter


des explications sur le rapport qui a été remis à la demande et dans
l’intérêt de son client. Une précaution supplémentaire consiste
néanmoins à obtenir une lettre du client qui délie le professionnel
de son devoir de discrétion.
De manière générale, la comparution comme témoin devant le
tribunal ou la police judiciaire implique les mêmes précautions que
lors de la rédaction du rapport, à savoir :
• la description factuelle des éléments collectés ;
• la justification des conclusions apportées au regard des preuves
recueillies ;
• la mention des réserves et incertitudes éventuelles à l’issue de
l’investigation.
Il convient de noter que les questions sur lesquelles l’auditeur est
susceptible d’être entendu ou interrogé sont par nature d’ordre
technique et exigent d’être précis. Pour cette raison, l’auditeur doit
pouvoir disposer d’un temps suffisant pour relire le dossier et se
remémorer son contenu.
En aucun cas, et quelles que soient les circonstances, l’auditeur ne
doit succomber aux pressions, quelle qu’en soit la forme (menaces,
violences verbales, conseils et apparente connivence, déclarations
prêtées à des tiers…), destinées à lui faire donner des réponses ou
procéder à des déclarations qui ne seraient pas le reflet exact de
son opinion, de sa pensée, de son raisonnement ou de sa volonté
libre et éclairée.
La vigilance en ces circonstances impose par conséquent de faire
noter au procès-verbal les réserves concernant toutes erreurs qui
pourraient avoir été commises faute d’avoir eu le temps de consulter
le dossier préalablement à l’audition. Le cas échéant, l’auditeur
peut refuser de signer si l’on refuse d’inscrire ses protestations,
demandes de report, réserves, etc.

201
Maxima_Ouaniche_BAT Page 202 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Témoignage devant une juridiction civile

Le témoignage dans le cadre d’une procédure civile est prévu par


les articles 200 à 203 du nouveau Code de Procédure Civile. Il est
formulé par écrit sous la forme d’une attestation produite par une
des parties ou à la demande du juge. L’attestation contient la relation
des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement
constatés.
Outre les mentions relatives à l’identité du témoin, elle indique
qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son
auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose
à des sanctions pénales. Le juge peut toujours procéder par voie
d’enquête à l’audition de l’auteur d’une attestation. Concernant la
rédaction de l’attestation ou l’audition par le juge, les mêmes pré-
cautions que dans le cadre d’une procédure pénale s’appliquent.

Formulation de recommandations à l’issue d’une mission


d’investigation

Au-delà de la recherche nécessaire des responsabilités et des


demandes de réparation, la mise à jour de fraudes doit permettre
d’initier une réflexion afin d’éviter que ces abus ne se reproduisent.
L’auditeur peut ainsi formuler des recommandations pour limiter
les risques à l’avenir.
Sur la forme de ces recommandations, certaines précautions devront
être respectées dans la mesure où la finalité ultime du rapport reste
dans la plupart des cas, la production en justice. La formulation
de recommandations orales ou encore la rédaction d’un rapport
spécifiquement consacré au contrôle interne pourront alors être
retenues.
Sur le fond, les recommandations doivent consister à appliquer à
chaque cas spécifique les règles fondamentales de la bonne gou-
vernance d’entreprise.

202
Maxima_Ouaniche_BAT Page 203 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Les étapes d’une mission d’investigation

Schématiquement, il s’agira de préconiser la mise en œuvre de


procédures visant à1 :
• assurer la conformité des opérations aux lois et réglementation
en vigueur ;
• garantir la transparence de l’information financière ;
• sauvegarder les actifs de l’entreprise ;
• assurer le respect des procédures d’autorisation et de délégation.

Diffuser les enseignements de la mission à l’ensemble


des collaborateurs

Chaque intervention présente nécessairement un caractère original


qu’il convient d’analyser à l’issue de l’intervention. Chaque mission
recèle en effet un intérêt spécifique par la nature des fraudes
investiguées, leurs modes opératoires et les outils ayant permis leur
détection.
La richesse de l’expérience cumulée doit être capitalisée et forma-
lisée afin de permettre sa diffusion au sein des équipes.
La fiche récapitulative proposée ci-après constitue un outil de resti-
tution synthétique des principaux enseignements relatifs à chaque
mission. La somme de ces fiches constituera une banque d’expé-
riences afin d’enrichir le savoir-faire collectif.

1. D’après le mémoire d’Olivier Calvet : « Les nouvelles complémentarités entre


le commissariat aux comptes, l’audit interne et le comité d’audit : légitimité,
contours, méthodologie. », 2004.

203
Maxima_Ouaniche_BAT Page 204 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Nom de la mission Date de la mission et durée de la mission

Type de fraude Lieu d’intervention Niveau de difficulté Origine des


premiers soupçons

Impact financier / Taille de la structure

+ +++ +++++

Originalité des schémas detectés

+ +++ +++++

Nombre de collaborateurs planifiés

Nombre total d’heures chargées

Description du contexte de la mission

Description de la stratégie d’investigation et des méthodes mises en œuvre

Synthèse des résultats obtenus

Principaux enseignements de cette mission / Principaux axes d’amelioration pour les


missions futures

204
Maxima_Ouaniche_BAT Page 205 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

XI
APPLICATION DE LA MÉTHODOLOGIE
À UN CAS CONCRET :
LA SOCIÉTÉ ILLUSTRATION

1. DESCRIPTION DU CONTEXTE DE L’INTERVENTION

La Société Illustration est une société par action simplifiée filiale


d’un groupe français du secteur de l’énergie. Avant son acquisition
par le groupe en 2006, Illustration était une entreprise patrimoniale
détenue à plus de 95 % par son fondateur. Lors de sa création dans
les années 60, la société avait fondé son succès sur la mise en
œuvre d’un procédé de réfrigération innovant qui avait permis
d’acquérir des parts de marché dans le domaine des systèmes de
climatisation et de refroidissement. À l’issue de l’acquisition de
100 % de la société au 31 décembre 2005, le président fondateur
avait négocié son maintien à la tête de l’entreprise pour une période
de trois années en tant que directeur commercial salarié. Au terme
du contrat de cession, une clause d’ajustement de prix prévoyait
un montant complémentaire à verser au vendeur en fonction :
• du taux de progression du chiffre d’affaires au terme de la
période contractuelle de trois ans ;
• de l’évolution du taux de rentabilité des fonds propres.
Au mois de mai 2007, suite à la démission subite de l’ancien chef-
comptable de la société Illustration, un nouveau responsable,

205
Maxima_Ouaniche_BAT Page 206 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Monsieur Duchemin est nommé en remplacement. À la veille de


la clôture des comptes du 31 décembre 2007, le nouveau chef-
comptable donne l’alerte sur certaines anomalies identifiées dans
les comptes, à savoir de graves problèmes de suivi des comptes
clients et l’impossibilité d’opérer la réconciliation des états de
déclarations de TVA avec le chiffre d’affaires comptabilisé.
Suite à ces informations, la direction du groupe, suspectant des
manœuvres frauduleuses sur les comptes, a diligenté un cabinet
d’audit afin de procéder à une analyse du chiffre d’affaires et des
actifs comptabilisés à la date de cession de l’entreprise
(31 décembre 2005).

2. ANALYSE DES RISQUES

La société Illustration est une société de taille moyenne qui se


caractérisait avant son acquisition par son caractère patrimonial
(plus de 95 % détenus par le fondateur). Selon les entretiens préli-
minaires, la gestion plutôt autocratique de l’entreprise reposait
essentiellement sur le charisme du chef d’entreprise. Ce point
constitue un premier élément de risque en raison du niveau très
étendu des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise. En outre, les fonc-
tions financières, comptables et commerciales étaient soumises à un
niveau de contrôle interne minimal. Une partie du chiffre d’affaires
concernait des marchés s’étalant sur plusieurs exercices. Cette
donnée constitue un risque supplémentaire dans la mesure où la
reconnaissance du chiffre d’affaires s’effectue en fonction de
pourcentages d’avancement calculés par les responsables de pro-
jets, sous la supervision directe du dirigeant. Dans ce contexte, une
manipulation des taux d’avancement est à envisager.
Le contexte de cession de l’entreprise est tout à fait propice à la
manipulation des informations financières dans le sens d’une
amélioration de la situation patrimoniale et de la performance de
l’entreprise. Par ailleurs, la clause d’ajustement de prix prévoyant
un montant complémentaire à verser au vendeur en fonction du taux

206
Maxima_Ouaniche_BAT Page 207 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Application de la méthodologie à un cas concret : la société ILLUSTRATION

de progression du chiffre d’affaires et du taux de rentabilité consti-


tue un élément de pression supplémentaire. Au mois de mai 2007,
l’ancien chef comptable a subitement démissionné, sans motif
apparent. Le fait que le nouveau responsable se trouve désormais
confronté à une situation difficile permet d’imaginer que l’ancien
chef comptable ne parvenait plus à gérer une situation devenue trop
complexe et qu’il avait préféré démissionner avant que ces ano-
malies ne soient inévitablement découvertes.
L’appréciation de ces risques sous la forme d’un polygone à partir
de l’outil de scoring présenté précédemment se visualise de la
manière suivante :

Dispositifs de contrôle interne

Événements récents Culture éthique


de la vie de l’entreprise

Risque structurel Complexité


lié à l’activité organisationnelle

Pression pesant Rémunération variable


sur l’entreprise du management

Le polygone des risques de la société Illustration présente une


surface relativement étendue et correspond bien à la configuration
d’une situation propice à des malversations. On constate que la
plupart des axes sont marqués par un niveau de risque élevé.

207
Maxima_Ouaniche_BAT Page 208 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

3. LETTRE DE MISSION

La lettre de mission proposée au client précisait notamment les


éléments suivants :

« Contexte :
Vous nous avez indiqué avoir récemment découvert que la société ILLUS-
TRATION présentait des anomalies comptables susceptibles de dissimuler
des manœuvres frauduleuses consistant notamment en la comptabilisation
de chiffre d’affaires fictifs. Dans ce cadre, vous souhaitez nous confier la
réalisation de travaux visant à confirmer l’existence d’irrégularités dont
votre société aurait été la victime et de déterminer dans la mesure du possi-
ble le préjudice que vous auriez subi. […] »
« Approche retenue
Notre approche s’articulera selon les étapes suivantes :
• Rencontre avec Monsieur Duchemin
Préalablement à nos travaux, nous rencontrerons Monsieur Duchemin,
responsable comptable de la société. Nous pourrons ainsi échanger avec lui
sur les anomalies qu’il a identifiées et obtenir une meilleure compréhension
des risques comptables inhérents à la société ILLUSTRATION. […]
• Identification des éventuels schémas frauduleux
À la suite de cet entretien, nous mettrons en œuvre un programme d’investi-
gation en fonction des informations recueillies. Nous chercherons à identifier
les schémas frauduleux qui auraient pu être utilisés portant sur les chiffre
d’affaires de l’exercice 2005, ainsi que sur les éléments d’actifs portés au
bilan de clôture de cet exercice. Au cas particulier, vous nous avez demandé
de procéder, prioritairement, à l’analyse des ventes au 31 décembre 2005
afin de rechercher si des mécanismes comptables frauduleux n’avaient pas
été utilisés afin de surévaluer le chiffre d’affaires de l’exercice 2005. Par
ailleurs, vous nous avez demandé de revoir les rapprochements bancaires de
l’exercice 2005 afin d’identifier, le cas échéant, des situations inhabituelles.
• Quantification de l’incidence des anomalies
Dans l’éventualité d’une mise à jour de schéma(s) frauduleux, nous procé-
derions à une quantification de l’incidence des anomalies notées sur les états
financiers correspondants afin de pouvoir apprécier le caractère matériel de
cette dernière sur l’exercice analysé.

208
Maxima_Ouaniche_BAT Page 209 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Application de la méthodologie à un cas concret : la société ILLUSTRATION

• Rédaction d’un rapport de synthèse


À l’issue d’une semaine d’intervention, nous émettrons un rapport qui décrira
la nature des travaux mis en œuvre et les résultats auxquels nous parve-
nons. »

4. COLLECTE DES INFORMATIONS EXISTANTES

Lors d’un premier entretien avec le responsable comptable, celui-ci


indique des anomalies qu’il a pu identifier sur les comptes clients :
• plusieurs créances clients dont certaines antérieures à 2003 ne
sont toujours pas soldées à ce jour. Compte tenu d’importants
problèmes de lettrage, il n’est plus possible de remonter à
l’écriture d’origine ;
• certaines de ces créances relatives à des clients étrangers ont
fait l’objet de lettres de relance récentes. Plusieurs lettres sont
revenues « NPAI »1. Par ailleurs, une réponse reçue d’un client
indique que celui-ci n’a pas eu connaissance d’une telle dette
dans ses comptes ;
• enfin, le responsable comptable précise qu’il est incapable
de justifier les comptes de TVA à la clôture et de réaliser la
réconciliation du chiffre d’affaires comptabilisé avec les décla-
rations mensuelles de TVA ;
Suite à ces indications, il a été procédé à un inventaire des éléments
disponibles dans le cadre de l’investigation. À titre non exhaustif,
les éléments suivants ont été rassemblés pour l’ensemble des exer-
cices 2004 à 2008 :
• l’extraction informatique complète de la comptabilité de la
société Illustration (grands-livres des comptes généraux,
grands-livres des tiers, journaux, balances générales) ;
• l’intégralité des relevés bancaires disponibles ;
• les déclarations de TVA ;

1. « N’habite Pas à l’Adresse Indiquée ».

209
Maxima_Ouaniche_BAT Page 210 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

• le classeur des correspondances commerciales (dossiers


techniques, devis, lettres de relances) ;
• les rapports des commissaires aux comptes.

5. ÉTABLISSEMENT D’UNE THÉORIE DE LA FRAUDE

À partir des journaux de ventes, une analyse mensuelle des chiffre


d’affaires comptabilisés a été effectuée pour les exercices 2004
et 2008.
Le graphique ci-dessous montre une forte croissance des chiffre
d’affaires à l’approche des clôtures annuelles, à compter de l’exer-
cice 2005 et ce, en l’absence de réelle justification liée à l’activité :

6 000

5 000

4 000
Montant en K€

3 000

2 000

1 000

-
jan 04

jan 05

jan 06

jan 07
ma -06

se 06
no 6
no 4

ma -05

se 07
se 05
no 5

ma -07

no 7

8
ma -04

se 04

7
4

ma 6

ma 7
ma 5
ma 4

v-0
i-0

i-0
i-0

i-0

0
0

l-

l-
l-

l-

v-

v-

v-
v-
pt-

pt-

pt-

pt-
rs-

rs-

rs-
rs-

v
v

jui

jui
jui

jui
jan

Évolution du chiffre d’affaires


de la société ILLUSTRATION

Afin d’approfondir ce problème de saisonnalité, il a été décidé


d’analyser l’importance des annulations de chiffre d’affaires pos-
térieurement à la clôture 2005. Sur la base des journaux de ventes,
il est ainsi apparu que le total des montants comptabilisés entre

210
Maxima_Ouaniche_BAT Page 211 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Application de la méthodologie à un cas concret : la société ILLUSTRATION

janvier et mars 2006 au débit du compte 701 0001 représentait en


valeur absolue plus de 50 % du total des montants créditeurs enre-
gistrés au cours de cette période.
Un scénario a pu être ainsi dégagé consistant en un schéma de
surévaluation de chiffre d’affaires par le biais de manipulation sur
le cut-off et de produits fictifs. Avec la complicité de l’ancien res-
ponsable comptable, le dirigeant aurait répété les manipulations
sur les exercices suivants afin d’éviter d’attirer l’attention du groupe
par des variations trop importantes des recettes postérieures à la
cession. Ce scénario de fuite en avant qui justifierait les soupçons
du responsable comptable s’inscrirait dans le cadre du triangle de
la fraude de manière relativement satisfaisante.
La motivation tout d’abord : une fraude comptable de cette nature
suppose a priori l’assentiment de la direction. On voit mal en effet ce
qui pourrait pousser un responsable comptable à majorer artificielle-
ment les chiffre d’affaires de la société. Après vérification, il apparaît
effectivement qu’aucun élément variable fondé sur les résultats ou le
chiffre d’affaires de la société n’entrait dans la composition de la
rémunération de l’ancien responsable comptable. En revanche, le
dirigeant fondateur de l’entreprise avait toutes les raisons de manipu-
ler les comptes de la société afin d’optimiser le prix final de cession.
L’opportunité d’une telle fraude apparaît à première vue réduite
compte tenu de la certification des états financiers par le com-
missaires aux comptes. Toutefois, un certain nombre d’obstacles
peuvent avoir été disposés par le fraudeur afin de déjouer les
contrôles, à savoir :
• les écritures de rafraîchissement de la balance âgée permettant
de dissimuler l’ancienneté de certaines créances ;
• la création de clients fictifs permettant de faire parvenir des
réponses falsifiées aux lettres de circulations ;
• l’affectation des règlements de factures réellement émises à des
créances fictives permettant au commissaire aux comptes de
conclure à un apurement satisfaisant des montants litigieux.

1. Ventes de produits finis.

211
Maxima_Ouaniche_BAT Page 212 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Enfin, les possibilités de rationalisation sont multiples. Le dirigeant


pouvait considérer que le groupe qui rachetait avait amplement les
moyens de payer le prix fort. Surtout, le maintien du dirigeant pos-
térieurement à la cession lui permettait de penser qu’une hausse
future de l’activité permettrait de dissimuler la surévaluation du
chiffre d’affaires.

6. RECHERCHE D’ÉLÉMENTS PROBANTS

Afin de valider cette théorie de fraude comptable, un examen


approfondi des chiffres d’affaires 2005 à 2008 et des créances por-
tées à l’actif des bilans de clôture de ces exercices a été effectué.
À titre non exhaustif, les travaux suivants ont été accomplis :
• examen des apurements de créances non soldées au
31 décembre 2005 sur les exercices ultérieurs ;
• enquête visant à démontrer le caractère fictif de certains clients
importants identifiés. Le recours aux registres des sociétés des
différents pays concernés s’est ainsi révélé utile. Il est d’ailleurs
apparu que deux clients français étaient directement gérés
par le frère du dirigeant de l’entreprise. Par ailleurs, le chiffre
d’affaires comptabilisé avec cette société n’a pu être justifié
par aucun document commercial ou logistique à l’exception
des factures de vente ;
• examen exhaustif des journaux de ventes de 2003 à 2008 visant
à quantifier le montant des factures significatives émises au
cours des exercices 2003 à 2005 puis annulées au cours des
exercice ultérieurs ;
• reconstitution des balances âgées aux différentes dates de
clôture jusqu’à ce jour, en retraitant les écritures de rafraî-
chissement et les imputations de règlements erronées ;
• rapprochement des montants comptabilisés en chiffre d’affaires
avec les bons de commandes et les bons de livraisons corres-
pondants ;

212
Maxima_Ouaniche_BAT Page 213 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Application de la méthodologie à un cas concret : la société ILLUSTRATION

• revue des dossiers commerciaux ;


• revue critique des journaux d’opérations diverses sur les exer-
cices 2003 à 2008.
Les conclusions apportées à l’issue de ces travaux furent assez
éloquentes :
Au 31 décembre 2005, le compte clients s’élevait à environ 20
millions d’euros. Ce montant s’est apuré de la manière suivante au
cours des exercices 2006 et 2008 :
• 55 % ont été effectivement réglés et correspondent à du chiffre
d’affaires réel ;
• 15 % ont été soldés par des avoirs émis post-clôture (dont plus
de 8 % ont été identifiés comme relatifs à des factures fictives) ;
• 10 % ont été comptabilisés en perte au cours des exercices
suivants ;
• 10 % ne sont toujours pas apurés au 31 décembre 2007 et ont
quasi intégralement donné lieu à des écritures de rafraîchis-
sement afin de tromper les contrôles du commissaire aux
comptes ;
• 7 % ont été annulés par compensation avec des comptes four-
nisseurs fictifs ;
• 3 % ont été soldés en contrepartie d’un compte de TVA, donnant
lieu à la comptabilisation d’un crédit de TVA injustifié.
Ces travaux ont ainsi permis de démontrer le caractère fictif de
près de 45 % du chiffre d’affaires comptabilisé lors de l’exercice
de cession. C’est sur la base de ces éléments qu’un entretien avec
le dirigeant cédant a été finalement sollicité.

7. ENTRETIEN CONTRADICTOIRE

Après avoir rassemblé toute la documentation nécessaire et obtenu


l’autorisation écrite de la direction de la société mère, un entretien
avec le dirigeant cédant a été organisé.

213
Maxima_Ouaniche_BAT Page 214 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

Dans un souci d’efficacité, il a été décidé de tenir cette conversation


sans aucun représentant du groupe. L’expérience montre en effet
qu’un fraudeur est moins enclin à reconnaître des malversations
lorsqu’il se trouve en présence de sa hiérarchie. Ce choix fut,
semble-t-il, judicieux puisqu’après quelques dénégations, le
dirigeant dût reconnaître qu’il « pouvait avoir eu connaissance
d’un certain nombre de ces écritures ». Ces déclarations furent
récapitulées dans un compte rendu que le dirigeant refusa toutefois
de signer.

8. ÉMISSION DU RAPPORT ET INTRODUCTION D’UNE ACTION


CIVILE

Les conclusions finales furent enfin consignées dans un rapport


détaillé remis au client au mois de mars 2008. En annexe du rapport
figuraient l’ensemble des éléments de preuves pouvant être
produites dans le cadre d’une procédure contentieuse.
Sur la base de ce rapport, une action civile en nullité du contrat
de vente fut intentée contre le cédant pour dol.

214
Maxima_Ouaniche_BAT Page 215 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

CONCLUSION

L
es différentes études statistiques dont nous disposons
s’accordent sur ce point : la fraude touche toutes les entre-
prises quelles que soient leur taille, leur secteur d’activité
ou leur pays.
Si les statistiques divergent sur le montant moyen de pertes, toutes
s’accordent pour considérer le phénomène comme très préoc-
cupant pour l’économie dans son ensemble. Plus que le coût direct,
les répercussions indirectes sont les plus nuisibles pour les entre-
prises : baisse du cours de bourse, dégradation des relations com-
merciales, de l’image de marque et de la réputation, perte de moti-
vation du personnel, etc.
Les fraudes sont multiples et protéiformes : concernant les diri-
geants, il s’agit d’une part des fraudes sur les états financiers qui
consistent en une présentation frauduleuses des données chiffrées
relatives à la situation de l’entreprise, d’autre part des manœuvres
de dissipation de l’actif social. Les données statistiques montrent
que les dirigeants fraudeurs sont en grande majorité des individus
présentant un profil éthique normal mais qui se trouvent dans une
configuration qui les conduit à commettre des malversations. Ces
circonstances correspondent à différents facteurs tels que l’appât
du gain, la pression des marchés ou encore l’existence de failles
dans le système de contrôle.
La prise de conscience du problème de la fraude par les pouvoirs
publics et les instances de régulations a conduit au renforcement
de l’arsenal réglementaire et juridique dans les principaux pays
concernés : loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis (juillet 2002) et

215
03_CorpsLivre Page 216 Mercredi, 13. mai 2009 3:03 15

La fraude en entreprise

Loi de Sécurité Financière en France (août 2003). Dans le même


temps, de nouvelles normes d’audit ont été édictées afin d’accroître
la prise en compte du risque de fraudes par les contrôleurs légaux :
normes SAS 99 aux États-Unis, norme ISA 240 de l’IFAC au niveau
international transposée en France à travers la norme NEP 240 de la
CNCC.
Les entreprises ont également renforcé leurs procédures de contrôles
en intégrant notamment dans leurs dispositifs internes des codes
de conduite éthiques et des systèmes d’alertes, afin de faciliter la
communication à tous les échelons et de renforcer la prise de
conscience générale face à ce problème.
Lors de soupçon de fraude ou de fraudes avérées, il n’est plus rare
de voir les entreprises faire appel à des spécialistes externes ou à
des équipes d’audit interne en amont de toute action judiciaire
afin de diligenter une investigation. Les objectifs poursuivis lors
d’une telle intervention sont alors de confirmer ou d’infirmer les
soupçons existants, de reconstituer les schémas d’opérations frau-
duleuses, de collecter des preuves en vue d’éventuelles poursuites
judiciaires, d’évaluer les impacts financiers et le cas échéant d’iden-
tifier les acteurs potentiellement responsables.
L’intérêt d’une telle mission d’investigation est d’abord de mettre
un terme à la fraude en mettant le responsable hors d’état de nuire.
Il s’agit ensuite de collecter des éléments de preuves afin d’obtenir
réparation du préjudice subi en engageant la responsabilité directe
du dirigeant ou en recherchant les éventuelles responsabilités
indirectes (commissaire aux comptes fautif, complices, receleurs,
etc.). Enfin, l’objectif est d’empêcher que de telles fraudes ne se
reproduisent en mettant en application les recommandations
formulées à l’issue de l’intervention.
Les missions d’investigations se distinguent des missions d’audit
par leurs aspects légaux, leurs périmètres d’analyse et leur approche
méthodologique. Elles répondent toutefois aux mêmes exigences
déontologiques en matière d’objectivité, de respect du principe de
présomption d’innocence et de secret professionnel. D’un point de
vue opérationnel, ces missions s’intègrent dans un cadre conceptuel

216
Maxima_Ouaniche_BAT Page 217 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

Conclusion

précis qui repose sur la construction puis sur la validation d’une


« théorie de la fraude » à partir des observations effectuées et des
analyses conduites sur le matériau disponible.
La mise en œuvre d’une investigation nécessite en amont un travail
d’appréciation du risque de fraude au sein de l’entité concernée.
Nous avons proposé dans le cadre de cet ouvrage un questionnaire
envisageant les sept facteurs de risques principaux. Cette approche
qui s’inspire à la fois du modèle du COSO et du triangle de la fraude
de Cressey envisage tour à tour les paramètres suivants :
• la culture éthique de l’entreprise ;
• la capacité du dirigeant à contourner les dispositifs de contrôle
interne ;
• le niveau de complexité organisationnelle ;
• l’importance relative de la rémunération variable du dirigeant ;
• le niveau de pression pesant sur l’entreprise ;
• le niveau de risque structurel lié à l’activité ;
• le niveau de risque lié aux événements récents de la vie de
l’entreprise.
La représentation graphique des résultats obtenus permet de visua-
liser la configuration dans laquelle se situe l’entreprise et de loca-
liser avec précision les zones de risques à considérer lors de la
définition du programme de travail.
La conception et la mise en œuvre du programme de travail n’est
pas une procédure standardisée mais un exercice d’adaptation aux
situations spécifiques rencontrées sur le terrain. Le professionnel
doit utiliser son expérience, son intelligence des situations et sa
créativité pour dérouler le fil de la fraude au cours de son enquête.
C’est pourquoi les programmes concernant les cycles comptables
les plus fréquemment considérés (achats, ventes et ressources
humaines) doivent être considérés comme un outil de base à adapter
à chaque configuration.
Notons qu’il existe un certain nombre d’outils de data mining, en
particulier l’utilisation de la Loi de Benford, qui peuvent s’avérer

217
Maxima_Ouaniche_BAT Page 218 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

La fraude en entreprise

fort utiles dans le cadre de l’exploitation de fichiers informatiques


volumineux. Des propositions de travaux à mener à l’aide de cet
outil ont été exposées concernant l’analyse des flux de trésorerie,
l’analyse des registres de personnels ainsi que la revue des mou-
vements de stocks.
Il est toutefois impossible d’envisager une approche exhaustive tant
le problème de la fraude est vaste et les procédés utilisés variés. Si
des connaissances théoriques sont indispensables à la réalisation
de ces missions, seule l’expérience permet en effet de conduire ces
interventions délicates avec succès. Le constat ainsi dressé ouvre
donc la voie à la possibilité d’une spécialisation de certains experts
dans le domaine particulier de la lutte anti-fraude. Cette compé-
tence est d’ailleurs déjà reconnue aux États-Unis comme une dis-
cipline à part entière avec le diplôme d’« analyste des fraudes
certifié »1 délivré par la très sérieuse ACFE2.
Peut-être, dans un futur proche, la France évoluera-t-elle à son tour
dans le sens d’une reconnaissance institutionnelle de ces compé-
tences spécifiques.

1. Certified Fraud Examiner.


2. Association of Certified Fraud Examiners.

218
Maxima_Ouaniche_BAT Page 219 Lundi, 11. mai 2009 4:26 16

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages de référence

Albrecht, Steven : « A framework for detecting financial statement


Fraud » in Coll. : Identifying Fraudulent Financial Transactions,
AICPA (www.aicpa.org), 2005.
Chassany, Anne-Sylvaine, et Lacour, Jean-Philippe : Enron, la
faillite qui ébranla l’Amérique, éditions Nicolas Philippe,
279 pages, 2003.
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Gallet, Olivier : Halte aux fraudes – Prévenir et détecter les fraudes
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Golden, Thomas, Skalak, Steven, et Clayton, Mona : A Guide to
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La fraude en entreprise

Articles

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Brunet, Arnaud : « Fraude : mettez en place les bonnes procé-
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Charrier, Emmanuel : « Déceler les fraudes – Les Forensic Experts
en renfort des auditeurs », Échange n° 213, 2004.
« L’expert-comptable judiciaire : un pair de cour », publié sur
le site de l’IAE de bordeaux (http://www.iae-bordeaux.fr/),
2005.
Coen, Philippe : « Whistleblowing : la raison l’emportera »
Échange n° 234 sur le thème « fraude et blanchiment », 2006.
Commission Nationale Informatique Et Liberté : « Guide pratique
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(www.cnil.fr), 2005.
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Pons, Noël : « Démonter les rouages de la mécanique », Échange
n° 234 sur le thème « fraude et blanchiment », 2006.
Stolowy, Nicole : « Étude comparative du délit de distribution de
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Bibliographie

comptes annuels «infidèles » », La Semaine Juridique, Édition


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Wells, Joseph T. : « Follow Fraud with the likely Perp, why the
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(www.acfe.com), 2001.
« Irrational Ratios, the number raise a Red Flag », article
publié sur le site de l’ACFE (www.acfe.com), 2001.
« Ghost goods: how to spot phantom inventory, what auditors
have to know to uncover phony figures », article publié sur le
site de l’ACFE (www.acfe.com), 2005.
« The fraud beat, Go beyond the numbers », article publié sur
le site de l’AICPA (www.aicpa.org), 2001.

Études Statistiques

Association Of Certified Fraud Examiners : 2008 Report to the


Nation on Occupational Fraud and Abuses, ACFE, 2007.
Ernst & Young : 9th Global Fraud Survey – Fraud Risk in Emer-
ging Markets, Ernst & Young, 2006
Enquête KPMG : « Profile of a fraudster », 2007.
PricewaterhouseCoopers : Enquête sur la fraude dans les entre-
prises en France, en Europe et dans le monde, édition 2007.

Mémoires d’Expertise-Comptable

Moutenet, Isabelle : « Les diligences du commissaire aux comptes


en matière de fraude : apport des nouvelles normes et propo-
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Desormeaux, Isabelle : « Le commissaire aux comptes et la fraude :
diagnostic et typologie des fraudes, obligations du commissaire
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œuvre », novembre 2004.
Turck, Anne : « L’expert-comptable face à son devoir de conseil :
risques et préventions », novembre 2004.

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Le guide

M. OUANICHE
La fraude est un problème majeur de nos économies. Partout dans le monde, ses
conséquences financières désastreuses déstabilisent les entreprises de toutes
tailles et de tous secteurs.
Mikael Ouaniche opérationnel
A la suite des scandales financiers (Enron, Worldcom, Parmalat,..) qui ont
éclaboussé notre début de décennie, les gouvernements ont adopté une série de
mesures visant à renforcer les dispositifs de sécurité au sein des entreprises.

Huit ans après, la litanie des fraudes massives (Société Générale, Madoff, Satyam,…)
qui continuent de défrayer la chronique, confirme que d'importants progrès restent à

LA FRAUDE EN ENTREPRISE
accomplir à tous les échelons.

Ce livre a été conçu comme un guide pratique à destination des chefs d'entreprises,
directeurs financiers, responsables du contrôle interne ainsi qu'aux professionnels
du chiffre (expert-comptables, commissaire aux comptes, consultants) qui cherchent
à comprendre les mécanismes de la fraude et à découvrir les moyens efficaces de
s'en prémunir et de les détecter.

Au travers de ce livre, l'auteur nous fait partager son expérience de praticien et nous
La fraude en
aide à répondre aux questions suivantes :

 Quels sont les déterminants, les modes opératoires et l'étendue de la fraude


en entreprise ?
 Quels sont les moyens de prévention ? Comment mettre en œuvre un
programme anti-fraude ?
entreprise
 Qu'est-ce qu'une investigation ? Pourquoi diligenter une telle intervention ?
Quelles sont les spécificités méthodologiques et techniques de ce type de
missions ? Comment la prévenir, la détecter, la combattre
 Comment obtenir réparation du préjudice économique suite à la mise à jour
d'une fraude ?
 Comment favoriser l'apprentissage organisationnel en évitant que d'autres
malversations ne se reproduisent au sein de l'entreprise ?

Mikael Ouaniche a été amené à conduire de nombreuses missions de prévention et d'investigation


relatives à des fraudes comptables, des détournements de fonds, des actes de corruption et de blan-
chiment pour le compte de PricewaterhouseCoopers en tant que manager au département de conseil
" Litige & Investigation ". Il dirige aujourd'hui les activités d'audit, de contrôle interne et de support
au contentieux du cabinet OCA. Diplômé d'EM Lyon et d'Expertise-Comptable, il enseigne également
Luttez contre la fraude
en classe de Master Spécialisé Audit & Comptabilité du Pôle Paris Alternance.

comptable et financière
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