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- Pourriez-vous me faire savoir ce que sont la thérapie

systémique brève, modèle de Palo Alto, et l'hypnothérapie-


psychothérapie ericksonienne?

S. LEPASTIER

Att. , serv. psychiatrie adultes (Pr J.F. Allilaire), hôp. de la Salpêtrière, Paris

LE CONCOURS MEDICAL 15-11-1997

Sans nul doute, le psychisme humain est l'objet le plus complexe qui
s'offre à notre connaissance. Aussi bien dans une perspective
clinique que dans celle de la recherche, son appréhension est
nécessairement réductrice. Il faut donc veiller à limiter autant que
possible des biais systématiques qui fausseraient alors les résultats
observés. Ainsi, nous avons tendance à utiliser pour les affections
psychiques le modèle de la maladie somatique, alors qu'il ne s'agit pas
d'entités directement superposables. En ce qui concerne les troubles
organiques, en effet, les symptômes sont étroitement corrélés à des
lésions anatomiques et/ou à des perturbations biologiques. De ce
fait, le médecin a la possibilité de choisir, en fonction des
circonstances, un traitement symptomatique ou un traitement
étiologique. Les symptômes des affections psychiatriques sont
définis à partir de trois grands repères : le comportement, les rela-
tions interpersonnelles, le niveau intrapsychique (images mentales
accompagnées d'affect) enfin. L'atteinte neurobiologique,
lorsqu'elle existe, influe sur le monde interne du patient mais sans
que puisse être repérée (contrairement à ce qui se passe en neurolo-
gie) une corrélation étroite. Toute théorie psycho-pathologique
consiste, en fin de compte, à proposer une articulation entre ces
trois axes.

L'intérêt des psychothérapies tient en ce qu'elles


interviennent précisément sur les différentes composantes psycho-
pathologiques en fonction des théories qui les sous-tendent. Pour les
comportementalistes, l'étude des manifestations apparentes est un
index suffisant du trouble psychique. Agir par divers moyens sur le
comportement permet alors dans cette perspective d'infléchir de
façon positive le cours de l'affection. Il s'agit, en réalité, d'une
évaluation plutôt grossière dans la mesure où un même comportement
peut renvoyer à des situations cliniques bien différentes. A l'opposé,
en psychanalyse, le dispositif clinique (relation divan-fauteuil) vise à
sinon empêcher du moins limiter sérieusement les manifestations
comportementales. La cure analytique est caractérisée par un
échange constant entre le monde intérieur du patient et ses
relations interpersonnelles, qui, par le biais du transfert, tendent à
être axées sur le psychanalyste. En ce qui concerne l'hypnose, le
travail portera avant tout sur le monde intrapsychique. Le
thérapeute vise, en provoquant par son autorité un état modifié de la
conscience, une intervention sur un niveau “ profond ”. Il existe par
conséquent plusieurs méthodes thérapeutiques se référant à l'hyp-
nose. Tantôt celle-ci est utilisée comme un moyen d'aider la
suggestion en abaissant les défenses habituelles du patient; tantôt,
au contraire, l'hypnose, dans une démarche qui tend alors à se
rapprocher de la psychanalyse, est utilisée pour mieux accéder à son
inconscient et l'amener dans un second temps à permettre une
circulation plus libre de ses représentations et de ses affects.
Erickson a défini une méthode particulière d'hypnose liée à sa
théorie de l'appareil psychique. Il décrit l'inconscient comme “ une
machinerie complexe fonctionnant à notre avantage ” ; il pense que
les patients possèdent à leur insu un “ réservoir de ressources ”.
L'hypnose est alors un mode de fonctionnement psychologique dans
lequel le sujet se détache de son environnement pour fonctionner à
un niveau inconscient. L'induction est inutile, remplacée par un
entretien simple au cours duquel le thérapeute converse, observe, et
renforce tout ce qui tend vers l'hypnose. Le patient, pour sa part,
doit accepter l'apprentissage d'un certain “ lâcher prise ”. Dans
cette conception, il n'y a pas d'échec possible dans la mesure même
où la résistance est ramenée à une résistance au changement. S'il
n'est guère douteux, comme pour toute hypnothérapie, que cette
relation puisse amener des modifications en cours de cure, on sera
plus réservé sur les résultats à long terme, après rupture du lien
thérapeutique.
Les perspectives des systémiciens sont autres. Négligeant, de
façon délibérée, le comportement et le niveau intrapsychique, leur
attention se porte sur les relations interpersonnelles, conçues
comme les éléments d'un système. Agir sur l'un des éléments permet
alors de le modifier dans son ensemble. Avec Bateson, l'école de Palo
Alto s'est donc surtout spécialisée dans les thérapies familiales. Des
applications intéressantes ont été tentées, ensuite, dans le monde de
l'entreprise. Plusieurs modes de communication sont définis ; c'est
en intervenant à ce niveau qu'un changement dans le système peut
être obtenu. C'est le mérite de cette école d'avoir mis en évidence
la notion de “ double bind ”(“ double lien ” en français). Certaines
communications paradoxales aboutissent à rendre toute pensée
logique impossible et seraient, dans cette perspective, à l'origine
même des troubles psychotiques les plus graves. L'intervention
psycho-thérapeutique, le plus souvent effectuée par un couple, lui-
même supervisé en temps réel par d'autres thérapeutes (au moyen
d'une glace sans tain ou d'un circuit vidéo) vise à repérer ces ratés
de la communication et à en proposer des modalités plus appropriées.
Cette méthode permet de résoudre rapidement des situations de
crise majeure, dans les conflits familiaux en particulier. L’anorexie
mentale et la psychose débutante constituent des indications inté-
ressantes.

Le risque de ces méthodes thérapeutiques est la contrepartie des


modalités d'intervention très actives. Le thérapeute peut être tenté
de tirer du plaisir de la domination qu'il exerce sur son patient (cas
de l'hypnose) ou de la manipulation d'un groupe ou d'une famille
(pour les systémiciens) ; et utiliser alors ses patients pour
compenser ses défaillances personnelles. L’expérience montre qu'il
ne s'agit nullement d'un problème marginal, en particulier en ce qui
concerne l'hypnose ; le dispositif même des thérapies systémiques
vise à limiter cette éventualité. C'est pourquoi la plus grande
prudence est requise dans le choix des thérapeutes.
D'une façon plus générale, l'indication doit toujours être
soigneusement posée. Nous sommes évidemment tous tentés par des
cures aux effets rapides en apparence. Il faut toutefois garder à
l'esprit le fait que le psychisme humain n'est pas très plastique
(l'habitude n est-elle pas une seconde nature?). En pratique, il n'y a
guère de symptômes qui soient comme un corps étranger dans un
organisme sain, qu'il suffirait alors d'extirper mais, bien plutôt, le
symptôme ressemble à une tumeur maligne infiltrante. Les
psychothérapies à objectif limité gardent toutefois leur intérêt dans
l'immédiat parce qu'elles permettent de surmonter une situation
critique, et elles sont souvent alors la seule approche envisageable.
Pour des effets à long terme, elles doivent être souvent relayées par
un travail en pro fondeur.

RÉFÉRENCES

1. Bateson G. Vers une écologie de l'esprit. Paris, Le Seuil éd., 1995.


2. Erickson M. L'hypnose thérapeutique. Malarewicz Éd., Paris, Le Seuil éd., 1995.
3. Watzlawick P, Weakland J. Sur l'interaction, Palo Alto : 1965-1974, une nouvelle
approche thérapeutique. Paris, Le Seuil éd., 1981.

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