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INTRODUCTION GÉNÉRALE

« La vie est un mystère » est une expression que nous avons employé plus
d’une fois pour traduire une incompréhension, une situation qui sort du cadre de
l’explication logique, calculée, rationnelle. Ainsi, le mystère serait se quelque
chose que la raison ne saurait saisir entièrement. Il constitue une partie de la vie,
du monde. Il s’oppose à la philosophie, mieux, il s’emble se situer en dehors
d’elle. Cependant, la philosophie elle-même constitue une part du mystère. Dans
sa quête de conquête de l’essence humaine, de l’existence du monde, la
philosophie se situe entre le mythe et la raison. Se pose inéluctablement la
question aurorale du débat : la philosophie est-elle valablement séparable du
mythe dans l’explication du monde ? Quelles sont les caractéristiques du
mythe ? La raison n’implique-t-elle pas souvent le mythe ? La valeur de la
philosophie réside-t-elle dans la jonction entre mythe et raison ? Autant de
questions que nous sommes conduits à analyser.

I- Approche conceptuelle
1- Le mythe

Le mythe vient du grec « muthos » qui signifie fable, légende. C’est un


récit fabuleux où se mêlent des dieux, des demi-dieux dans le but d’expliquer, le
plus souvent, l’origine du monde. Par fabuleux, nous comprenons un récit dans
lequel les animaux échangent avec des hommes, prennent part activement au
déroulement de l’histoire qui est racontée. Edgard Morin écrit à ce propos ce qui
suit : « le mythe exprime des virtualités humaines, qui n’arrivent pas à la
réalisation pratique, mais seulement fantastique (…). En même temps, les
mythes impliquent l’anthropomorphisme : ce sont des ‘’fables’’ où bêtes,
plantes et choses ont des sentiments humains (…) et expriment des désirs
humains », in L’Homme et la Mort dans l’histoire. Etienne Borne n’en dit pas le
contraire. Pour lui également : « le mythe est un récit qui mêle dans la même
représentation imaginative une histoire de dieux, de demi-dieux, de héros, et
remonte à une sorte de temps primitif, archaïque, à un temps originaire avant le
temps », in Le problème du mal. Du mythe découle donc les expressions
‘’mystère’’, mythique, mystique pour traduire une idée qui échappe à la raison
chronologique, à la datation précise des événements.

2- La raison

La raison, ou ‘’logos’’ en grec, trouve sa correspondance étymologique en


latin sous le vocable ‘’ratio’’ pour signifier faculté de principes, normes de
raisonnement. La raison est donc la faculté qui permet à l’homme d’analyser, de
bien tenir sa vie. La leçon sur la complexité de la nature humaine nous renseigne
beaucoup plus, première leçon de la compétence II. Voir cette leçon pour plus
de détail.

3- La philosophie

La philosophie désigne l’amour de la sagesse. C’est une disposition de


l’esprit élaborer un ensemble de mécanisme afin de donner une explication
rationnelle au monde. Historiquement, le terme philosophie est synonyme de
savoir rationnel et de science. Cette notion est jadis liée à la raison en tant que
faculté d’analyse. La philosophie a vocation à pousser l’homme vers la quête de
la vérité. Et Aristote le note bien en disant : « c’est (…) à bon droit que
philosophie est appelée la science de la vérité », in la métaphysique. La
philosophie permet à l’homme d’appréhender par la raison, l’existence concrète.
Hegel dira d’ailleurs que : « concevoir ce qui est, c’est la tâche de la
philosophie, car ce qui est, c’est la raison », Principes de la philosophie du droit.

II- RAPPORTS PHILOSOPHIE, MYTHE ET RAISON


1- La nécessité du mythe dans l’explication du monde

L’histoire de l’humanité est fondée par le mythe. En effet, c’est grâce à lui
que la connaissance du monde fut rendue possible. Les philosophes, les
historiens se servirent de lui pour commencer toutes leurs théories concernant
l’avènement de la terre, de la vie, de l’existence tout court. Entre autres mythes,
nous pouvons évoquer le récit biblique du livre de la Genèse, qui signifie
commencement.La Genèse retrace la création du monde par Dieu. Ce récit
métaphorique, imagé et dont il est impossible de vérifier la scientificité, la
crédibilité historique permet néanmoins de satisfaire les questions de l’homme
quant à sa provenance. La Bible ainsi arrive à apporter une réponse satisfaisante.
Dans la mythologie grecque également, l’origine du monde est expliquée par le
chaos qui engendra toute vie. C’est en cela que Bronislaw Malinowski écrira,
dans Aspects du mythe de Mircea Eliade, que : « alors que la philosophie se fait
une conception rationnelle du monde, le mythe donne à comprendre l’origine
des choses, il fournit une explication du monde et de l’existence humaine en
racontant comment les choses ont été faites, par qui, pour qui et en quelle
circonstance ». Toutes les sociétés humaines ont recours à des mythes, légendes,
contes pour tenter de rassurer les hommes.

Le mythe est un canal d’enseignement des valeurs humaines. En Afrique,


les contes sont le moyen par lequel une large partie des leçons, code de vie sont
transmis par les sages aux jeunes. L’impossibilité de remonter à la source de
l’histoire lui confère un caractère sacré, divin qui, transgressé, attire le malheur
sur l’apprenant. L’évolution de l’esprit critique, la technologie a mis à mal le
recours au mythe dans l’explication du monde. D’où l’idée que le monde ne peut
être connu qu’en faisant usage de la raison, de la philosophie.

2- La raison comme la norme valable

Il est impossible de parler de l’homme, de son histoire sans faire recours à


la raison. La raison, faculté de jugement, d’analyse, est ce par quoi l’homme
arrive à tout faire. Elle est ce qui lui permet de comprendre le monde, de se
comprendre lui-même. Spinoza, dans son ouvrage Éthique, dit que « la raison
est la faculté du vrai », pour souligner que c’est par elle que la vérité est saisie.
Dès lors, rien ne peut être tenu pour vrai si la raison ne l’a auparavant apprécié.

Le monde est constitué dans un ordre, une organisation logique qui ne peut
être expliquée que par la raison. Le monde trouve ses limites dans la logique
rationnelle. Ludwig Wittgenstein, dans le Traité logico- philosophique, écrit
que : « la logique rempli le monde : les limites du monde sont aussi ses propres
limites ». En clair, tout ce qui échappe à une explication rationnelle ne saurait
être tenu pour vrai ni appartenir au monde. La raison se présente comme la
norme par laquelle le monde est connue et non par une explication mythique,
fabuleuse. « La raison gouverne le monde comme le logos gouverne le verbe »
soutient un rationaliste. Gouverner le monde revient, en plus de lui donner un
sens, à produire les instruments de maitrise de la nature. C’est en cela que la
philosophie est associée à la raison, parce qu’elle nous donne, par son
questionnement, les moyens pour cerner le monde.

La part du mystère toujours présente même dans la raison ne donne-t-elle


pas lieu de voir une complémentarité entre la raison et le mythe ? Le mythe est-
il détachable de la raison ?
3- Complémentarité entre mythe et raison

Dans la recherche de la vérité, la philosophie réalise que le mythe est


inséparable de la raison. En effet, la raison philosophique serait incomplète si le
mythe y était exclu dans l’explication du monde. Bronislaw Malinowski
l’exprime très clairement en ces termes : « la philosophie ne se fait qu’une
conception rationnelle du monde. Et cette conception ne sera vraie que si fables,
légendes et mythes se soutiennent mutuellement », in Aspects du mythe de
Mircea Eliade. Autrement dit, la vérité rationnelle ne peut accéder à l’absolu et à
l’irrévocable que si elle prend appui sur le mythe.

Le mythe et la raison ont une fonction commune. En effet, mythe et raison


nous offrent une explication du monde dans lequel nous vivons. C’est cette
fonction que soulève François Jacob, dans Le Jeu des possible quand il dit que :
« à certains égards, mythe et science remplissent une même fonction. Ils
fournissent tous deux à l’esprit humain une certaine représentation du monde et
des forces qui l’animent. Ils délimitent tous deux le champ du possible ».

Le mythe comporte une rationalité dans son exposé sur le monde. En effet,
l’histoire que propose le mythe est une construction logique, où les choses se
déroulent pour donner une clarté syntaxique, pédagogique. Le mythe n’est donc
en rien une élucubration pour plonger l’homme dans le doute éternel. François
Jacob atteste que : « on peut refuser le type d’explication offert par les mythes et
la magie. Mais on ne peut leur dénier unité et cohérence car sans la moindre
hésitation, ils répondent à toutes les questions et résolvent toutes les difficultés
par un argument a priori ». Ainsi, le mythe et la raison se joignent pour donner
une consistance à la parole philosophique.

III- LA VALEUR DE LA PHILOSOPHIE


1- La philosophie comme critique du monde

La philosophie se présente comme la critique sérieuse du monde. En effet,


c’est elle qui éveille l’esprit d’analyse, d’interrogation en l’homme afin de
comprendre le monde. C’est pourquoi « il parait particulièrement nécessaire de
faire de la philosophie une affaire sérieuse » (Hegel, Phénoménologie de
l’esprit) vu le délaissement dans lequel cette science se trouve. La philosophie
débarrasse l’esprit de ses préjugés, ne s’arrête pas à la superficialité des choses.
Dans un souci de tout saisir, l’homme va à la conquête de la vérité. Bertrand
Russel écrit que : « celui qui n’a aucune teinture de philosophie traverse
l’existence, emprisonnédans les préjugés qui viennent du sens commun ; des
croyances habituelles à son temps et à son pays, et des convictions qui se sont
développées en lui sans la coopération ni le consentement de sa raison », in
Problème de philosophie. La philosophie révèle donc son indispensabilité dans
la mesure où « elle s’étend à tout ce que l’esprit humain peut savoir », de l’avis
de René Descartes, Préface aux principes de la philosophie.

La philosophie est ancrée dans le concret de l’existence. En effet, la


critique portée sur la philosophie la qualifie d’oisive, ne s’occupant pas des
problèmes auxquels l’humanité fait face. Face à cette critique, Njoh-Mouéllé
Ebenezer soutient que : « la philosophie n’est pas (…) cette spéculation
brumeuse détachée de la réalité et des problèmes concrets des hommes », Jalons.
En effet, l’initiative philosophique vise à trouver des solutions aux problèmes de
l’existence. D’ailleurs c’est à juste titre qu’elle est la mère des sciences dans la
mesure où la science vient d’elle. C’est une interrogation philosophique à
laquelle nous sommes parvenus à répondre qui constitue une science
particulière. La médecine est devenue une science du fait que l’homme cherchait
les moyens pour améliorer sa santé.Toutefois, il est honnête de reconnaitre que
la philosophie a des limites, limites justement révélées par la science.

2- Les limites de la philosophie

Les limites de la philosophie s’inscrivent dans son impossibilité de


connaitre le monde. Et les nombreux courants philosophiques qui se
contredisent en donnent un exemple on ne peut plus clair. En effet, Platon dans
sa philosophie de l’Idéalisme soutient que la connaissance est hors du monde
quand Aristote, qui fut son disciple, soutient le contraire. Ainsi, chaque doctrine
vise secrètement la fin de l’autre pour s’assoir. Les philosophes s’apparentent
donc à des gens dangereux pour la société. Car ils la conduisent dans le
nihilisme plutôt que de l’en tirer. Jean Jacques Rousseau soutient d’ailleurs que :
« les philosophes sont des charlatans dangereux », in Discours sur les sciences et
les arts.

La philosophie produit un questionnement sans fin, qui, au fil de


l’évolution, devient creux. En effet, toute question se pose en vue de trouver une
réponse rassurante. Pourtant la philosophie par ses questions sans réponses, met
l’homme dans un doute perpétuel. Face à cela, la science se veut rassurante pour
l’homme. Elle donne à l’homme des réponses concrètes. La médecine,
l’anthropologie, la physique ont fait progressé l’humanité plus que les discours
philosophiques. C’est pourquoi face à la science, la philosophie ne saurait
prétendre aider l’homme.

Conclusion

Quelle relation mythe, raison et philosophie entretiennent-elles ? Telle est


la question qui nous conduisait à nous interroger sur la valeur de la philosophie.
Il convient de retenir, au bout de notre pérégrination, que la philosophie
entretient un rapport étroit avec le mythe et la raison. Le mythe fut le point de
départ du discours philosophique pour décrire le monde. S’il semble opposé à la
raison, la cohérente de l’argumentation le rend rationnel. Aussi, les limites de la
philosophie laissent apparaitre le progrès scientifique comme l’espoir pour la
conquête du bonheur de l’homme.

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