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 22-010-B-10

Examen stomatologique clinique


de l’enfant
A. Morice, B. Michel, P. Gavelle, A. Picard

Résumé : La qualité de l’examen clinique conditionne le diagnostic et ainsi le succès de la prise en charge
du patient. L’examen stomatologique a pour particularité de comprendre à la fois l’examen exobuccal et
l’examen endobuccal, ce qui nécessite d’autant plus la confiance et la coopération du jeune patient. Il est
donc indispensable pour tout praticien de connaître les principes et les spécificités de l’examen stomato-
logique pédiatrique, ainsi que les principaux signes sémiologiques d’appel des pathologies congénitales
ou acquises les plus fréquemment rencontrés. Dans cet article, des rappels embryologiques et anato-
miques sont présentés en préambule, puis les spécificités de l’examen stomatologique de l’enfant par
région anatomique et les signes sémiologiques d’appel des pathologies congénitales ou acquises les plus
fréquemment rencontrées sont développés.
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Mots-clés : Examen stomatologique ; Spécificités de l’enfant ; Anatomie ; Embryologie ; Sémiologie

Plan  Rappels embryologiques


■ Introduction 1 Bourgeons faciaux et arcs branchiaux
■ Rappels embryologiques 1
Les bourgeons faciaux et des arcs branchiaux se développent au
Bourgeons faciaux et arcs branchiaux 1
cours des cinquième et sixième semaines embryonnaires, grâce
Palais primaire ou stomodeum 1
à la migration des cellules prolifératives de la crête neurale vers
Palais secondaire 2
la face inférieure du cerveau primitif. Les bourgeons faciaux et les
Bourgeons mandibulaires et formation de la cavité buccale 2
arcs branchiaux rentrent en contact puis fusionnent (Fig. 1). Cette
Articulations temporomandibulaires 3
fusion est conditionnée par la nécessité de bourgeons de volume
■ Rappels d’anatomie topographique 3 suffisant, la capacité d’apoptose des cellules ectodermiques recou-
Cavité buccale 3 vrant les bourgeons faciaux, et les propriétés physicochimiques
Région faciale 3 du liquide amniotique (tensoactivité, température, teneur en pro-
■ Conduite de l’examen clinique stomatologique pédiatrique 4 téines et acides aminés, etc.) [1] .
Interrogatoire 4
Examen physique cervicofacial et buccal 4
■ Conclusion 9 Palais primaire ou stomodeum
Au cours de la sixième semaine, les bourgeons maxillaires
viennent en contact avec les bourgeons nasaux internes et
 Introduction externes, naissant de la face inférieure et ventrale du bourgeon
frontal, lui-même déterminé par l’éminence du prosencéphale.
Il est fondamental pour le praticien, spécialiste ou non de sto- Ces contacts fusionnels ectodermiques constituent le mur épi-
matologie pédiatrique, de connaître les principes et les spécificités thélial de Hochstetter, qui disparaît secondairement à la fin de
de l’examen stomatologique chez le nouveau-né, le nourrisson et la sixième semaine, permettant la continuité mésenchymateuse
l’enfant. Un examen clinique bien mené est indispensable pour entre les bourgeons maxillaires et les bourgeons nasaux, formant
orienter correctement le diagnostic et la prescription des examens alors le palais primaire (Fig. 2) [1] .
complémentaires quand ils sont nécessaires. En préambule, des L’absence de mort cellulaire, quelle qu’en soit la cause, est res-
rappels embryologiques et d’anatomie topographie de la région ponsable de la persistance de l’ectoderme sur ces bourgeons, avec
orofaciale sont présentés. Ensuite, les principes et les spécificités pour conséquence une fente du palais primaire, ou fente labiale,
de l’examen clinique stomatologique de l’enfant sont explicités de degré variable (partielle ou totale). Le défaut de fusion ectoder-
par région anatomique, agrémentés des points d’appel des patho- mique peut d’autre part intéresser les autres bourgeons faciaux et
logies congénitales ou acquises les plus fréquentes à connaître, branchiaux, et être responsable de fentes colobomateuses, macro-
afin de dispenser aux parents et à l’enfant une information claire, stomiques et médiomentonnières selon la région concernée par
et d’orienter correctement la prise en charge. le défaut de fusion [1] .

EMC - Chirurgie orale et maxillo-faciale 1


Volume 33 > n◦ 3 > août 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S2352-3999(20)42258-7

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Figure 1. Évolution morphologique du pôle céphalique de l’embryon humain au cours du deuxième


mois [1] .
A à D. Développement volumétrique et fusion des bourgeons de la face, grâce aux mitoses des cellules
des crêtes neurales (CN). Les bourgeons de la face finissent par circonscrire une cavité appelée le
stomodéum. BNF : bourgeon nasofrontal ; BNE : bourgeon nasal externe ; BNI : bourgeon nasal
interne. BM : bourgeon maxillaire ; Pl.olf : placodes olfactives ; S : stomodéum ; BMd : bourgeon
mandibulaire.
E, F. Entre les cinquantième et soixantième jours, le massif facial de l’embryon acquiert un aspect
fœtal. L’ébauche des bourgeons de l’oreille est objectivable au fond et en arrière du premier sillon
ectobranchial.
G. Développement embryologique de la lèvre supérieure : les bourgeons maxillaires (BM) droit et
gauche viennent encadrer et sous-croiser le futur philtrum provenant des bourgeons nasaux internes
(BNI). BNE : bourgeons nasaux externes.

Palais secondaire Bourgeons mandibulaires et formation


Au cours de la septième semaine, le palais secondaire est formé de la cavité buccale
grâce au développement postérieur des bourgeons maxillaires, par
leur fusion avec l’éperon descendant du septum du bourgeon À la fin de la cinquième semaine débute la fusion des bour-
nasal, sur la ligne médiane [1] . Un défaut de fusion à ce stade geons mandibulaires (premier arc branchial) au niveau de la ligne
est à l’origine d’une fente vélopalatine de degré variable (de la médiane, au-dessus de l’ébauche cardiaque. Les bourgeons man-
bifidité de luette à la fente vélopalatine complète). La fente vélo- dibulaires sont recouverts en grande partie par de l’ectoderme
palatine présente dans la séquence de Pierre Robin, le plus souvent contribuant à former le plancher buccal. Sur la ligne médiane,
en U, associée à une rétromandibulie et à une glossoptose, serait en arrière, les bourgeons linguaux débutent leur développement
liée plutôt à un défaut de fusion des lames palatines secondaire à dans les régions médianes et internes des premier, deuxième, troi-
l’interposition de la langue verticalisée. sième et quatrième arcs branchiaux. L’ensemble des bourgeons

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Figure 2. Vue inférieure du palais primaire et du toit du stomodéum


chez l’embryon humain de 38 jours [1] . 1. Condensation cellulaire entre
les bourgeons nasaux internes (futur septum primaire) ; 2. bourgeon nasal
externe ; 3. bourgeon nasal interne ; 4. bourgeon maxillaire ; 5. poche de
Ratkhe au niveau du toit et dans la partie postérieure du stomodéum.

ME
PTE
C
Figure 4. Cavité buccale, vue antérieure [2] . 1. Lèvre supérieure ; 2. frein
labial supérieur ; 3. vestibule supérieur ; 4. arcade dentaire maxillaire ; 5.
palais osseux ; 6. voile ; 7. luette ; 8. face interne de joue ; 9. commissure
intermaxillaire ; 10. pilier postérieur de l’amygdale ; 11. amygdale ; 12.
pilier antérieur de l’amygdale ; 13. repli palatoglosse ; 14. base de langue ;
15. « V » lingual ; 16. langue mobile ; 17. arcade dentaire mandibulaire ;
18. vestibule inférieur ; 19. frein labial inférieur ; 20. lèvre inférieure.
Figure 3. Coupe transversale de l’articulation temporomandibulaire
(fœtus de 4 mois) objectivant le condyle (C), le ménisque (ME), le muscle
ptérygoïdien externe (PTE), s’insérant sur le condyle et le ménisque, et la • en haut, la voûte palatine, qui la sépare des fosses nasales ;
surface articulaire squamosale (S) [1] . • en bas, le muscle mylohyoïdien, sous lequel siège la région
cervicale ;
faciaux (bourgeons nasaux, bourgeons maxillaire supérieur et • latéralement, la face interne des joues ;
mandibulaires) en convergeant et en fusionnant va délimiter la • en arrière, le voile du palais en haut, les piliers antérieurs et pos-
cavité stomodéale tapissée d’ectoderme. Le stomodéum est en térieurs ainsi que l’amygdale latéralement, et la base de langue
communication avec l’ébauche du pharynx en arrière, grâce à la en bas. Derrière cet isthme débute la région oropharyngée [2] .
résorption de la membrane pharyngienne (vers le vingt-et-unième L’ostium du canal de Sténon, excréteur de la glande parotide,
jour) [1] . s’abouche en regard de la deuxième molaire, au niveau de la face
interne de joue. La joue se poursuit au niveau maxillaire et man-
dibulaire par les vestibules, interrompus en avant au niveau de la
Articulations temporomandibulaires ligne médiane par les freins labiaux. En arrière, on distingue faci-
lement bouche ouverte une ligne arciforme verticale, joignant les
Les maquettes osseuses qui concourent à la formation deux régions rétromolaires, la commissure intermaxillaire.
de l’articulation temporomandibulaire apparaissent de façon La cavité buccale est limitée en bas par le plancher buccal, pos-
synchrone vers la dixième semaine. Il existe deux points térieur et antérieur. Le frein lingual compartimente le plancher
d’ossification, le noyau condylien, cartilagineux, et le noyau antérieur, avec saillie de l’ostium du canal excréteur de la glande
zygomaticosquamosal, ostéomembraneux. Vers le troisième mois sous-mandibulaire (Wharton) de chaque côté à l’extrémité antéro-
in utero apparaissent les fentes articulaires entre ces maquettes interne des glandes sublinguales (Fig. 5). Latéralement, le plancher
osseuses. Le tissu méniscocapsulaire et le tissu de recouvrement buccal se poursuit par le sillon pelvilingual, puis par le sillon pel-
osseux sont en continuité avec les périostes mandibulaires et vimandibulaire. La langue mobile est subdivisée en une pointe,
squamosaux, sièges des insertions musculaires du masséter, du un bord latéral, une face ventrale et une face dorsale. Le « V » lin-
temporal, et des ptérygoïdiens externe et interne (Fig. 3) [1] . gual, bien délimité par les papilles caliciformes, délimite la langue
mobile de la base fixe de langue. Cette dernière, jointe au voile
du palais et au pilier antérieur de l’amygdale, constitue la limite
 Rappels d’anatomie postérieure de la cavité buccale [2] .
topographique
Cavité buccale Région faciale
La cavité buccale est limitée par (Fig. 4) : La face s’étend de la ligne d’implantation des cheveux jusqu’au
• en avant, les lèvres ; bord basilaire de la mandibule et réunit (Fig. 6) :

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l’examen avec l’abaisse-langue qu’ils redoutent car il a pu leur


provoquer un réflexe nauséeux. De plus, ils ne sont souvent
pas familiers à l’environnement du cabinet (fauteuil dentaire,
entouré d’instruments étrangers multiples). Pour certains enfants,
la sphère orale a été le lieu d’inconforts, de douleurs parfois
anciennes, de soins intrusifs et répétés. De plus, l’alimentation
n’a pas toujours été source de plaisir et, parfois, il y a eu des for-
cings alimentaires. Pour la plupart des enfants, cet examen est
donc loin d’être neutre.
C’est grâce à l’interrogatoire que le praticien va pouvoir
recueillir les informations capitales contributives à son diagnos-
tic, mais ces informations vont également l’aider à orienter son
examen et la manière dont il va devoir le conduire avec l’enfant.

Figure 5. Région pelvilinguale, vue antérieure [2] . 1. Pointe de langue ;


2. bord latéral de langue ; 3. face ventrale de langue ; 4. repli palatoglosse ;
Interrogatoire
5. frein de langue ; 6. sillon pelvilingual ; 7. plancher postérieur ; 8. crête Il est fondamental de réaliser un interrogatoire précis des
sublinguale ; 9. ostium de Wharton ; 10. plancher antérieur ; 11. sillon antécédents (et notamment ceux concernant la sphère orale :
pelvimandibulaire. alimentation, hypersélectivité alimentaire, douleurs anciennes,
expériences antérieures d’examens dentaires ou stomatologiques,
etc.) et de consulter le carnet de santé (terme, suivi pédiatrique,
état des vaccinations), ce qui permet d’approcher l’histoire de
l’enfant, son suivi, mais également de dépister une éventuelle
négligence.
L’interrogatoire doit ensuite recueillir précisément les éléments
en lien avec le motif de consultation : chronologie d’apparition
(lésion congénitale ou apparue secondairement), notion de trau-
matisme, récurrence, traitements éventuels entrepris, évolution
de la symptomatologie. Il ne faut pas omettre de prendre en
compte le contexte socio-éducatif et psychologique, ainsi que les
antécédents familiaux, afin de réaliser une prise en charge globale
et adaptée du jeune patient.
Le temps de l’interrogatoire est une occasion de créer une
alliance thérapeutique avec l’enfant, et de créer de la confiance,
gage de réussite de l’examen intrabuccal qui va suivre. Celui-ci
doit donc être centré sur l’enfant et doit lui permettre, quand il
est capable de le faire, de s’exprimer lui-même, en prenant en
compte parallèlement les dires des parents. Il est important pour
cela d’adapter le vocabulaire utilisé à l’âge de l’enfant, mais éga-
lement de lui donner une place proche du praticien, afin qu’il
n’ait pas à élever la voix. Plus l’enfant est craintif, plus ce temps
à distance du corps est précieux pour obtenir sa coopération. Il
permet également de dépister des situations avérées ou à risque
de maltraitance.
Figure 6. Régions cervicofaciales, vue latérale [2] . Régions faciales : 1.
frontale ; 2. temporale ; 3. orbitaire ; 4. zygomatique ; 5. auriculaire ;
6. nasale ; 7. jugale ou génienne ; 8. parotidomassétérine ; 9. labiale ;
10. mentonnière. Régions cervicales : 11. rétromandibulaire ; 12. sous-
mentale ; 13. sous-mandibulaire ; 14. sous-hyoïdienne, 15. sterno-cléido-
“ Point fort
mastoïdienne ; 16. sus-claviculaire ; 17. nuque.
L’interrogatoire doit être précis et bien mené, afin
d’orienter correctement les éléments de l’examen phy-
• des régions médianes : frontoglabellaire ; nasale (limitée laté- sique et ainsi le diagnostic étiologique.
ralement par les sillons nasogéniens) ; labiale (comprenant les
lèvres supérieure et inférieure, et les commissures) ; menton-
nière (sous le sillon labiomentonnier) ;
• des régions latérales : frontotemporales ; orbitaires (incluant
paupières, globes oculaires, muscles oculomoteurs et élé- Examen physique cervicofacial et buccal
ments vasculonerveux de la loge postérieure) ; zygomatiques ;
géniennes et parotidomassétérines [2] . Pour certains enfants, dont l’histoire est difficile ou particuliè-
rement sensible, et pour ceux qui ont des expériences de douleurs,
ou d’examens ou soins intrusifs, l’examen physique et endobuc-
 Conduite de l’examen clinique cal va être difficile. Le praticien ne peut pas faire fi de l’histoire
et des antécédents, il doit faire avec et les intégrer au soin.
stomatologique pédiatrique Pour certains enfants, notamment pour ceux qui présentent un
trouble de l’oralité, des troubles du spectre autistique ou une
La conduite de cet examen requiert à la fois une certaine qualité hypersensibilité, le simple fait d’être touchés ou de réaliser un exa-
d’écoute et d’observation, une expression verbale douce, un ajus- men intrabuccal va être impossible d’emblée. Du temps et de la
tement à la fois à l’enfant et aux parents, et une grande rigueur patience vont donc être nécessaires. Parfois, le temps de l’examen
technique. doit être fractionné en deux temps, avec une pause ludique entre
En effet, le plus souvent, il s’agit du premier examen stoma- les deux. Pour certains enfants, deux consultations sont néces-
tologique pour l’enfant, mais souvent pas le premier examen saires (une sans examen intrabuccal et une avec). Le praticien
physique concernant le motif de consultation. Pour la plupart va donc progresser pas à pas, sans jamais franchir de force la
des enfants, le seul examen intrabuccal qu’ils connaissent, c’est limite imposée par l’enfant sous peine de se voir à jamais interdit

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Figure 8. Kyste mucoïde de la lèvre inférieure [7] .

Figure 7. Syndrome de Cayler avec fibrochondrome prétragien [6] .

d’y revenir (il faut penser aux professionnels qui prendront


en charge l’enfant par la suite, aux soins futurs, aux examens
complémentaires nécessaires, etc.). Apprivoiser va donc être le
mot d’ordre : toucher de manière ludique (jouer à avancer douce-
ment, « la petite bête qui monte », etc.), faire participer l’enfant
en lui offrant un rôle d’assistant, montrer, démontrer, compter
les dents ensemble, utiliser le miroir, distraire avec des bulles chez
le tout-petit, une marionnette ou un écran pour détendre la ten-
sion, utiliser la musique, une chanson, etc. ; éviter les gants, les
instruments dans un premier temps ou les présenter au préalable à
l’enfant avec un temps de manipulation. Tout ce temps pris n’est
pas inutile, c’est du temps gagné pour toute la prise en charge
et de la confiance engrangée. Pour ces enfants, c’est un moment
important de leur suivi où il est question de leur redonner un peu
la main sur les soins qui leur sont faits, et de les repositionner en Figure 9. Fistules labiales inférieures congénitales dans le cadre de syn-
tant qu’acteurs. C’est un temps pour reprendre l’histoire, et faire drome de Van der Woude [8] .
le lien avec leur bouche d’aujourd’hui, une manière pour eux de
se la réapproprier. • la taille de l’orifice buccal : ceci permet dépister une éventuelle
L’examen physique peut se réaliser en position demi-assise micro- ou macrostomie liée ou non à une ou des fentes com-
(l’enfant seul assis sur le fauteuil ou sur les genoux d’un parent missurales (fente 7 de Tessier, syndrome de Treacher Collins et
quand l’enfant est anxieux) ou en position semi-allongée, en par- syndrome de Goldenhar) [3–5] ;
ticulier chez le nouveau-né et le nourrisson chez qui la posture • le volume et la tonicité labiale, à l’état statique et dynamique
assise n’est pas encore acquise. L’examen stomatologique chez (en souriant et en soufflant) : ceci permet de dépister des anoma-
l’enfant doit donc être progressif, facial puis buccal, bien expliqué lies neurologiques (paralysie faciale) ou musculaires (atrophie),
et non intrusif, surtout chez un enfant présentant des troubles de telle que l’agénésie d’un ou des muscles triangulaires des lèvres,
l’oralité, du comportement ou des troubles du spectre autistique. du carré et de la houppe du menton, visible à l’examen dyna-
Pour ces raisons, il est préférable de commencer par l’inspection mique, avec défaut de descente de la lèvre homolatérale. Cette
et de n’utiliser des instruments d’examen buccal (abaisse-langue anomalie peut être associée à une malformation cardiaque
notamment) qu’en cas de nécessité avérée, après avoir prévenu le (communication interauriculaire ou interventriculaire) (syn-
patient. drome de Cayler ou cardiofacial) et peut être associé à des
L’examen clinique bien conduit permet souvent à lui seul de anomalies du spectre du premier arc (fibrochondromes prétra-
poser le diagnostic (anomalies morphologiques évidentes, fentes giens, malformations de l’oreille) (Fig. 7) [6] ;
labiopalatines, kystes mucoïdes, kystes épidermiques et autres • l’état de la muqueuse labiale, siège fréquent de kyste salivaire
lésions muqueuses typiques) et oriente la réalisation des examens ou mucoïde, d’aspect translucide (Fig. 8), parfois bleuté, voire
complémentaires quand ils sont nécessaires, en cas de présenta- fibreux en cas de traumatisme répété par morsure (diapneusie)
tion ou d’évolution atypique, et dans le cadre du bilan d’extension avec muqueuse kératinisée en regard. L’évolution est souvent
lésionnelle ou pour éliminer des diagnostics différentiels (malfor- marquée par des épisodes de gonflement spontanément résolu-
mations vasculaires, processus tumoral). tifs, et le traitement est chirurgical avec excision simple en cas
Il est conseillé de réaliser un schéma lésionnel dans le dossier de persistance et/ou de récidive [7] .
médical et des photographies, sans omettre de recueillir le consen- La lèvre inférieure peut être aussi le siège de fistules labiales
tement des détenteurs de l’autorité parentale. Ceci est capital pour congénitales (Fig. 9), qui en cas d’association avec une fente labio-
apprécier l’évolution de la pathologie. palatine uni- ou bilatérale, sont pathognomoniques du syndrome
de Van der Woude [8] . Des fistules labiales inférieures peuvent éga-
Particularités sémiologiques par région lement être observées dans le syndrome facio-génito-poplité et
dans les syndromes oro-facio-digitaux.
anatomique
Orifice buccal et lèvres Langue
Avant l’inspection de la cavité buccale, l’inspection de l’orifice La forme et le volume de la langue sont évalués tout d’abord
buccal et des lèvres, bouche fermée et ouverte, peut être effec- à l’état statique au repos, ce qui permet d’apprécier les rapports
tué de manière ludique et permet de recueillir des informations avec les arcades dentaires, et de dépister des signes indirects de
concernant : macroglossie (protrusion de la langue en dehors de la cavité

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Figure 11. Épulis congénitale localisée sur le versant palatin de la crête


gingivale postérieure maxillaire droite.
Figure 10. Examen normal du plancher buccal et du frein lingual (en
plaquant la langue au palais). 1. Veines labiales ; 2. frein lingual ; 3.
saillie de la glande sublinguale ; 4. ostium de l’orifice de la glande sous-
mandibulaire.
“ Point fort
buccale, béance, indentations latérales des bords libres de la
langue par morsure itérative). Les anomalies de volume (micro- ou macroglossie), de
La macroglossie réelle peut s’inscrire dans le cadre d’un syn- tonicité, et l’ankyloglossie doivent faire rechercher sys-
drome d’hypercroissance et doit faire rechercher des signes tématiquement des difficultés alimentaires, en particulier
associés du syndrome de Wiedemann-Beckwith, tels que chez le nouveau-né.
l’omphalocèle, la croissance excessive, les malformations congé-
nitales (cardiaques, rénales, oreille), le risque d’hypoglycémie et
la prédisposition tumorale (tumeurs embryonnaires), avec risque
tumoral augmenté en cas d’anomalies asymétriques (macroglossie Il ne faut pas omettre de réaliser un examen minutieux de
unilatérale) [8] . l’aspect de la muqueuse linguale (couleur, sensibilité, hyperplasie
La macroglossie peut être également rencontrée dans le cadre des papilles ou langue dépapillée (géographique), et d’identifier la
de la neurofibromatose de Recklinghausen, et dans les syndromes lésion élémentaire).
d’hypercroissance du spectre PIK3CA parfois exacerbée par la pré- La palpation linguale est capitale afin d’apprécier
sence de lymphangiomes cervicofaciaux associés [8, 9] . l’homogénéité ou l’hétérogénéité des tissus linguaux, et le
Il ne faut pas confondre macroglossie vraie et relative, notam- caractère infiltrant éventuel d’une lésion linguale. L’examen
ment en cas d’hypotonie orofaciale ou générale, responsable de lingual peut être facilité en tractant la langue délicatement avec
protrusion linguale sans anomalie de volume lingual. deux doigts, par la pointe après l’avoir entourée d’une compresse,
La microglossie ou l’aglossie peuvent entrer dans les spectres ce qui permet de mieux examiner la base de langue.
du syndrome hypoglossie-péromélie d’Hanhart et du syndrome
de Moebius [8, 10] . Muqueuse buccale
Enfin, il faut savoir diagnostiquer une glossoptose, avec a L’examen de la muqueuse buccale repose sur les principes
mimina une surélévation des crêtes sublinguales, voire une dermatologiques, d’inspection, de palpation et d’identification
glossoptose sévère avec langue verticalisée. La présence d’une de la lésion élémentaire (érythèmes, macules, papules, érosions,
glossoptose, associée à une fente vélopalatine et à une rétroman- ulcérations, etc.), la description de l’aspect, la disposition, la topo-
dibulie, est caractéristique de la séquence de Pierre Robin, et doit graphie, le mode d’apparition et d’évolution, et l’association à
faire rechercher des troubles de succion-déglutition et une obs- d’autres signes faciaux ou généraux [12] .
truction respiratoire de sévérité variable [11] . Chez le nouveau-né, la présence d’une ou plusieurs lésions
L’examen dynamique, en plaquant la langue au palais (Fig. 10) blanchâtres ou jaunâtres arrondies régulières, enchâssées dans la
et à la protraction, permet de dépister des anomalies de mobilité muqueuse gingivale ou la muqueuse palatine, de moins de 1 mm
linguale par brièveté du frein lingual, à l’origine d’ankyloglossie, à quelques millimètres de diamètre, est typique de kystes épithé-
ou par anomalies neuromusculaires (paralysie du XII, avec dévia- liaux, présents chez plus de la moitié des nouveau-nés. Ce type
tion de la langue du côté homolatéral à la protraction, pouvant de lésion a tendance à la régression spontanée dans la première
être présente dans le syndrome de Moebius qui associe par ailleurs année de vie [7] .
paralysie faciale, du VI, et dans certains cas, paralysie du X et du La présence de lésions gingivales uni- ou polylobées, uniques ou
XI) [10] . multiples, pédiculées ou sessiles avec muqueuse normale, fermes,
L’examen lingual dynamique doit être également réalisé lors de parfois d’aspect fibreux, est évocatrice des épulis congénitaux
la déglutition et de la phonation, en notant sa mobilité et sa posi- (Fig. 11). La taille peut varier de quelques millimètres à plusieurs
tion. Cette étape permet souvent de dépister le phénomène de centimètres, et la localisation est plus fréquemment maxillaire.
déglutition primaire, à risque de troubles occlusaux secondaires Quelques cas de régression spontanée sont décrits, surtout en
(vestibuloversion des incisives, béance antérieure), qui peut être cas de lésion pédiculée et de petite taille. Dans les autres cas, le
corrigée par rééducation linguale, surtout si elle est réalisée à un traitement chirurgical est indiqué en cas de persistance et de reten-
stade précoce. La déglutition primaire peut également être favori- tissement fonctionnel (difficultés alimentaires ou respiratoires en
sée par un frein lingual court. En cas de brièveté du frein lingual, cas de volume important, troubles de l’éruption dentaire) [7] .
il faut savoir apprécier son caractère translucide ou fibreux, ainsi Il faut savoir aussi reconnaître l’aspect d’hamartomes congé-
que les indications opératoires telles que le retentissement alimen- nitaux, lésions sessiles ou pédiculées avec muqueuse d’aspect
taire (difficultés de succion), et plus tardivement phonatoire (3–4 normal voire fibreux, qui lorsqu’ils sont médians doivent faire
ans), puis parfois occlusal par défaut de croissance mandibulaire rechercher une anomalie de la ligne médiane associée, notam-
(6–7 ans). ment une anomalie du corps calleux. En dehors des zones de

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Examen stomatologique clinique de l’enfant  22-010-B-10

fusion, les hamartomes linguaux peuvent entrer dans le cadre des


syndromes oro-facio-digitaux [7] .
Des lésions muqueuses congénitales se présentant sous la forme
de placard infiltré et parsemé de vésicules claires ou hématiques
en surface sont très évocatrices de lymphangiome microkystique.
Une composante macrokystique plus profonde peut être associée.

“ Point fort
L’examen minutieux de la muqueuse buccale permet
souvent à lui seul de poser le diagnostic de lésions
muqueuses typiques (kystes mucoïdes, kystes épider-
miques, torus palatin, épulis congénitaux). En cas de doute
ou d’évolution atypique, une biopsie est à réaliser.

Figure 12. Kyste mucoïde ou grenouillette du plancher buccal gauche.


En cas d’ulcération ou de lésion « aphtoïde », il est important
de bien noter les caractéristiques, son évolution et sa localisation, ment fonctionnel (alimentaire ou phonatoire) et en cas d’aspect
afin de faire la part entre une étiologie traumatique ou non. typique, une simple surveillance est préconisée.
La maladie de Riga-Fede [13] est une entité clinique rare décrite
chez le jeune enfant. Elle se caractérise par la présence d’une Glandes salivaires
ulcération indolore, fréquemment infiltrée et extensive de la face L’interrogatoire permet de recueillir des éléments orientant vers
ventrale de la langue. Elle est due à un frottement itératif de la une étiologie salivaire et notamment lithiasique (douleurs ou
langue au contact des incisives lactéales inférieures. blocages de l’écoulement salivaire rythmés par les repas), et la
Les ulcérations de la muqueuse buccale peuvent être liées à chronologie de l’apparition de la symptomatologie.
un traumatisme expliqué (frottement avec les faces occlusales L’examen de la glande sublinguale et de la glande submandibu-
dentaires, ligne occlusale de morsure, dispositif orthodontique laire commence par l’inspection de la région submandibulaire,
endobuccal traumatisant, ou traumatisme accidentel non infligé), et se poursuit par l’inspection du plancher buccal. La palpa-
mais il faut systématiquement évoquer une origine infligée en cas tion bidigitale du plancher buccal permet d’apprécier le contenu
de discordance des explications de l’entourage et de l’enfant avec homogène ou hétérogène d’une lésion du plancher buccal, et
les lésions constatées. de détecter un calcul volumineux du canal submandibulaire.
La présence de lésions aphtoïdes, d’ulcérations non trauma- Ce premier temps d’examen permet également de diagnostiquer
tiques et de stomatite doit faire recourir à une prise en charge un kyste mucoïde du plancher (ou grenouillette aux dépens de
multidisciplinaire stomatologique, pédiatrique, immunohémato- la glande sublinguale) [7] . Le diagnostic est clinique, devant la
logique et infectiologique, d’autant plus que ces dernières sont présence d’une tuméfaction translucide plus ou moins bleutée,
récurrentes et sévères. dépressible à la palpation bidigitale (Fig. 12). La palpation bidigi-
Les stomatodynies avec absence de lésion muqueuse endobuc- tale du plancher buccal peut parfois faire suspecter une extension
cale identifiée sont également décrites chez l’enfant. Il s’agit d’un sous-mylohyoïdienne. Dans ce cas, une imagerie par résonance
diagnostic d’exclusion, s’associant souvent avec des troubles de magnétique préopératoire est conseillée.
l’oralité et une souffrance psychologique. Il ne faut pas omettre Une dilatation bleutée du tiers distal du canal de la glande sub-
ici encore d’éliminer une situation de maltraitance. mandibulaire (de Wharton) avec saillie de l’ostium du canal, est
typique d’une imperforation congénitale de l’ostium [7] . Celle-ci
est facilement résolue par la perforation de l’ostium en consul-
“ Point fort tation à l’aide d’une aiguille de petit diamètre. Ce geste peut
être facilité par l’administration endobuccale de quelques gouttes
d’une solution glucosée chez le nouveau-né ou le nourrisson.
Toute lésion endobuccale d’allure traumatique, d’autant L’examen de la glande parotidienne commence par l’inspection
plus qu’elle est inexpliquée, doit faire suspecter une mal- et la palpation de la région pré-, sous- et rétroauriculaire (Fig. 13).
traitance chez l’enfant à tout âge. Une augmentation de la loge parotidienne peut s’exprimer par
la protrusion antérieure du lobe de l’oreille. Les lithiases paro-
tidiennes sont rares chez l’enfant ; cependant, la pathologie
parotidienne chez l’enfant est dominée par les oreillons (néan-
moins en baisse grâce à la vaccination) et la parotidite récurrente
Palais et voile du palais juvénile. La motricité faciale doit être systématiquement évaluée,
Le palais et le voile du palais doivent être examinés scrupuleu- en particulier dans le cadre d’un processus expansif de la région
sement, au repos, et lors du fonctionnement vélaire. Ceci permet parotidienne [2] .
de dépister une fente vélopalatine passée inaperçue à la maternité, L’examen des ostiums des canaux excréteurs salivaires est éga-
voire a minima une bifidité de luette. Un aspect médian bleuté lement capital. Le flux salivaire est apprécié, par expression
du voile du palais doit faire suspecter une fente sous-muqueuse. manuelle à partir de la glande salivaire et par stimulation en
Dans le cadre d’une fente sous-muqueuse ou d’une bifidité de demandant au patient de penser à un aliment apprécié. Les carac-
luette, l’indication de la réparation chirurgicale est orientée par le téristiques de la salive (fluide, épaisse), translucide ou puriforme
retentissement fonctionnel (otites séromuqueuses, troubles pho- doivent également être colligées.
natoires).
Le palais et le voile du palais peuvent être le siège de kystes épi- Denture, parodonte et vestibules
théliaux souvent médians à ce niveau de ligne de fusion (cf. supra). Il est impératif d’évaluer l’état de denture, le parodonte et
La présence d’une lésion médiane en relief du palais osseux, de d’examiner minutieusement les vestibules. L’examen commence
consistance dure (osseuse) avec muqueuse normale en regard, par l’analyse de la formule dentaire (nombre et situation des
est typique du torus palatin, plus fréquemment retrouvé en cas dents), ce qui permet de dépister des anomalies d’éruption (retard
de succion vive chez les nouveau-nés. Un équivalent peut être d’éruption) et de nombre (agénésie, dent surnuméraire). La den-
une plaque fibreuse médiopalatine. En l’absence de retentisse- ture temporaire est constituée de 20 dents (quatre incisives, deux

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canines, quatre molaires par arcade) (Fig. 14) numérotées par qua- faces occlusales des incisives définitives en cours d’éruption qui
drants, de 5 à 8, en commençant par l’hémiarcade maxillaire présentent un aspect crénelé et qui sont plus volumineuses. En
droite et en progressant dans le sens horaire vers l’hémiarcade ce qui concerne les incisives centrales maxillaires, l’angle mésio-
mandibulaire droite (Fig. 15). L’éruption des dents temporaires occlusal est à angle droit, alors que l’angle disto-occlusal est plus
débute dans la première année de vie, à l’âge moyen de 6 mois, curviligne. La connaissance de ces particularités anatomiques aide
et se termine aux alentours de 30 mois. La présence de dents néo- le praticien à réaliser la réimplantation correcte de deux incisives
natales (présentes à la naissance ou faisant leur éruption dans le centrales maxillaires.
premier mois de vie) est décrite. La décision de conservation ou L’état buccodentaire et la qualité de l’hygiène buccoden-
d’avulsion de ces dents néonatales est discutée au cas par cas avec taire doivent systématiquement être évalués dès l’apparition des
le pédodontiste en fonction de la gêne occasionnée [14] . La den- premières dents temporaires. Ceci est capital afin de détecter pré-
ture définitive est constituée de 32 dents (quatre incisives, deux cocement des caries et prévenir le stade de caries multiples du
canines, quatre prémolaires, six molaires par arcade), également biberon, ainsi que pour diagnostiquer des anomalies de l’émail, et
numérotée par quadrants (de 1 à 4) sur le même principe de pro- prévoir un suivi pédodontique régulier et adapté. Il est important
gression qu’en denture lactéale (Fig. 14, 15). Il est fondamental de de noter également la présence d’éventuelles anomalies morpho-
connaître les différences anatomiques des dents temporaires et des logiques (micro- ou macrodonties, duplication dentaire). L’organe
dents définitives, notamment en contexte traumatologique (luxa- dentaire doit être examiné selon les mêmes principes que ceux
tion complète, décision de réimplantation des dents définitives) décrits chez l’adulte (recherche de mobilité, vitalité dentaire, per-
en période de denture mixte. Au moment de la transition, les dents cussion). L’examen doit être progressif, et les différentes étapes de
temporaires sont plus petites, d’aspect plus lactescent (couche l’examen doivent être expliquées au jeune patient. L’examen buc-
d’émail plus fine), avec une face occlusale lisse, contrairement aux codentaire peut être difficile, voire impossible, à l’état vigile chez
les patients présentant des troubles du comportement (autisme,
troubles neurocognitifs). En cas d’impossibilité de soins par un
praticien spécialiste avec échec ou impossibilité d’utilisation du
protoxyde d’azote, un examen sous anesthésie générale et les soins
dentaires sont réalisés dans le même temps.

“ Point fort
Dans le cadre de lésions dentaires post-traumatiques, réa-
liser un bilan lésionnel précis et noter la nature des lésions
ainsi que les dents traumatisées est une obligation médi-
colégale.

L’examen minutieux de la gencive et des vestibules labiaux


(teinte, texture, volume) permet de dépister des anomalies de
volume, notamment une hypertrophie gingivale, et la présence
de lésions gingivales telles que des kystes d’éruption (tuméfac-
Figure 13. Glandes salivaires principales. 1. Glande sous-mandibulaire ; tion arrondie, sessile, ferme à la palpation, en regard d’une dent
2. glande subinguale ; 3. glande parotide. lactéale en évolution). Les freins des lèvres sont examinés lors

Figure 14. Chronologie d’éruption des dentures temporaires


Dents de lait Dents définitives
et définitives.

Chute Éruption Éruption


6/8 ans - 8/12 mois 6/8 ans

7/9 ans - 8/13 mois 7/9 ans


10/12 ans - 16/23 mois 9/12 ans
12/19 mois 9/10 ans
10/12 ans
9/12 ans
1e molaire 6/7 ans
23/30 mois
2e molaire 11/13 ans
Dent de 17/21 ans
sagesse

H H
18 17 16 15 14 13 12 11 21 22 23 24 25 26 27 28 55 54 53 52 51 61 62 63 64 65
D G D G
48 47 46 45 44 43 42 41 31 32 33 34 35 36 37 38 85 84 83 82 81 71 72 73 74 75
B B
Figure 15. Formules dentaires en denture temporaire et définitive [2] .

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Percentiles par âge pour les garçons Percentiles par âge pour les filles
65,00 65,00

60,00

Ouverture buccale maximale

Ouverture buccale maximale


55,00
55,00
50,00

en millimètres

en millimètres
50,00
45,00
45,00
40,00
40,00
35,00
35,00

30,00 30,00

25,00 25,00
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Groupes d’âges Groupes d’âges
5e percentile 10e percentile 25e percentile 5e percentile 10e percentile 25e percentile
50e percentile 75e percentile 90e percentile 50e percentile 75e percentile 90e percentile
95e percentile 95e percentile
A B
Figure 16. Ouverture buccale chez les garçons (A) et les filles (B) en percentiles selon l’âge [16] .

de cette étape. Il s’agit de formations mucoconjonctives relati- souvent de dépister une subluxation uni- ou plus souvent bila-
vement fibreuses. Ils relient la muqueuse gingivale de l’arcade térale, physiologique chez l’enfant, compte tenu de l’hyperlaxité
dentaire à la muqueuse labiale. Le frein labial peut donner parfois articulaire. L’ouverture buccale maximale doit être analysée en
l’aspect de pseudo-fente ou encoche alvéolaire médiane, à ne pas fonction de l’âge statural de l’enfant. L’ouverture buccale physio-
confondre avec une anomalie de la ligne médiane, surtout à l’étage logique est centrée, sans latérodéviation, souple, et généralement
maxillaire. Cette pseudo-encoche alvéolaire médiane, liée à une comprise entre 30 et 50 mm entre 3 ans et l’âge adulte, avec
insertion basse du frein labial supérieur médian, est très fréquem- augmentation avec la croissance (Fig. 16) [15, 16] . Avant 3 ans,
ment retrouvée chez le nouveau-né. Les freins labiaux médians l’ouverture buccale est difficilement évaluée en termes de quan-
quand ils sont bas insérés, peuvent être à l’origine de diastème tité, mais la qualité de l’ouverture buccale peut être appréciée
interincisif. Il peut exister physiologiquement deux freins latéraux (course rectiligne, ouverture souple).
vestibulaires supérieurs ou inférieurs en regard des prémolaires. De Les mouvements de propulsion et de diduction sont fréquem-
plus, des freins surnuméraires isolés, ou associés à d’autres anoma- ment difficilement réalisés chez le jeune enfant. Néanmoins, ils
lies buccales (fissures linguales, fente vélaire) et à des anomalies sont très informatifs dans le cadre de la pathologie temporoman-
des extrémités, rentrent dans le cadre des syndromes oro-facio- dibulaire, car ils signent souvent une atteinte articulaire ou un
digitaux (syndrome de Papillon-Léage forme I, syndrome de Mohr processus expansif. Il est donc important de prendre le temps
forme II) [2, 8] . d’expliquer la réalisation de ces mouvements au jeune patient en
Enfin, l’occlusion dentaire doit être évaluée de deux façons : âge et capacité de comprendre. L’appréciation de la propulsion
• en intercuspidation maximale, situation dans laquelle il y a et des diductions peut être facilitée en demandant respective-
le plus grand nombre possible de contacts entre les dents des ment à l’enfant de réaliser une protraction de la langue, ou de la
arcades maxillaire et mandibulaire ; déplacer successivement vers la commissure labiale gauche puis
• en relation centrée, qui correspond à la relation entre les arcades droite.
lorsque les condyles mandibulaires sont dans la situation la plus Une constriction permanente des mâchoires chez un enfant
haute et la plus postérieure dans la cavité glénoïde. Entre les entraîne des troubles d’occlusion dentaire (vestibuloversion des
deux positions, il existe en règle un proglissement de 1 à 2 mm. incisives, rétroposition mandibulaire). Elle impose la réalisation
L’occlusion dentaire et les rapports maxillomandibulaires d’une tomodensitométrie en fenêtre osseuse à la recherche d’une
doivent être évalués dès l’enfance, afin de permettre une prise en ankylose temporomandibulaire ou d’une hypertrophie des coro-
charge d’orthopédie dentofaciale adaptée et précoce quand elle est nés.
nécessaire (par exemple, correction d’une béance antérieure avec
aide à l’arrêt de la succion du pouce ou de la tétine, disjonction
maxillaire orthopédique avant l’âge de 12 ans, etc.).

Articulations temporomandibulaires
“ Point fort
L’interrogatoire doit permettre de préciser le type de symp- La quantification régulière des amplitudes articulaires est
tômes : douleurs (centrées sur l’articulation, voire irradiées), bruits capitale dans le suivi des arthrites temporomandibulaires,
articulaires, et la chronologie d’apparition. L’inspection peut
des fractures condyliennes et de l’ankylose temporoman-
mettre en évidence une tuméfaction préauriculaire signe d’un
processus expansif intra-articulaire d’origine infectieuse ou tumo- dibulaire.
rale. La palpation préauriculaire ou endoaurale peut objectiver des
douleurs provoquées.
L’examen des mobilités articulaires est capital (ouverture
buccale, propulsion, diductions), avec analyse qualitative et quan-
titative à l’aide d’un pied à coulisse. Les mouvements articulaires  Conclusion
sont évalués à l’inspection et à la palpation, ce qui permet
d’apprécier la qualité de la course articulaire et de dépister un Il est indispensable de connaître les principes pédiatriques de
asynchronisme de fonctionnement (ouverture en deux temps). La l’examen clinique stomatologique afin de poser un diagnostic
palpation lors de l’ouverture buccale ou de la propulsion permet correct, et de prévoir une prise en charge adaptée. L’examen

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22-010-B-10  Examen stomatologique clinique de l’enfant

stomatologique doit être exhaustif, progressif, expliqué et non [7] Michel B, Couly G. Tumeurs et dysplasies tumorales de la cavité buc-
intrusif, d’autant plus que le jeune patient présente des troubles de cale du nouveau-né et du nourrisson. EMC (Elsevier Masson SAS,
l’oralité ou des troubles du comportement. Il ne faut pas omettre Paris), Stomatologie, 22-051-D-05, 2004.
de réaliser un examen corporel complet, à la recherche de signes [8] Couly G. Dysplasies génétiques et tumeurs de la cavité buccale de
associés, en particulier dans un contexte de maltraitance avérée l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-051-
ou suspectée. A-10, 2000 : 17p.
[9] Venot Q, Canaud G. PIK3CA-related overgrowth syndrome (PROS).
Nephrol Ther 2017;13(Suppl. 1):S155–6.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
[10] Renault F, Flores-Guevara R, Baudon JJ, Sergent B, Charpillet V,
d’intérêts en relation avec cet article.
Denoyelle F, et al. Orofacial motor dysfunction in Moebius syndrome.
Dev Med Child Neurol 2020;62:521–7.
[11] Morice A, Soupre V, Mitanchez D, Renault F, Fauroux B, Marlin S,
 Références et al. Severity of retrognathia and glossoptosis does not predict respi-
ratory and feeding disorders in Pierre Robin sequence. Front Pediatr
2018;6:351.
[1] Couly G. Développement embryonnaire de la face. EMC (Elsevier [12] Piette E, Reychler H. Lésions cutanéo-muqueuses élémentaires. In:
Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-001-A-20. 1990. Bourlond A, Pirard C, editors. Traité de pathologies buccale et maxil-
[2] Maladière E, Vacher C. Examen clinique en stomatologie. EMC (Else- lofaciale. Bruxelles: De Boeck-Wesmael; 1991. p. 179–86.
vier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-010-A-10, 2008. [13] Marie J, Fricain JC, Boralevi F. Maladie de Riga-Fede. Ann Dermatol
[3] Gorlin RJ, Jue KL, Jacobsen U, Goldschmidt E. Oculoauriculoverte- Venereol 2012;139:546–9.
bral dysplasia. J Pediatr 1963;63:991–9. [14] Gouédard C. Natal and neonatal teeth: update on current knowledge
[4] Straith CL, Lewis JR. Associated congenital defects of the ears, eyelids and treatments. Arch Pediatr 2016;23:990–5.
and malar bones (Treacher Collins syndrome). Plast Reconstr Surg [15] Chen HS, Yang PL, Lee CY, Chen KK, Lee KT. Analysis of maximum
1949;4:204–13. mouth opening and its related factors in 3- to 5-year-old Taiwanese
[5] Woods RH, Varma S, David DJ. Tessier no. 7 cleft: a new subclas- children. Odontology 2015;103:84–8.
sification and management protocol. Plast Reconstr Surg 2008;122: [16] Patel SM, Patel NH, Khaitan GG, Thanvi RS, Patel P, Joshi RN, et al.
898–905. Evaluation of maximal mouth opening for healthy Indian children:
[6] Benouaiche L, Couly G. Malformations rares et orphelines de la face. percentiles and impact of age, gender, and height. Natl J Maxillofac
EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Stomatologie, 22-051-A-05, 2007. Surg 2016;7:33–8.

A. Morice (anne.morice-aertgeerts@aphp.fr).
B. Michel.
P. Gavelle.
A. Picard.
Service de chirurgie maxillofaciale et chirurgie plastique, Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Morice A, Michel B, Gavelle P, Picard A. Examen stomatologique clinique de l’enfant. EMC - Chirurgie
orale et maxillo-faciale 2020;33(3):1-10 [Article 22-010-B-10].

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