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Sciences et pouvoirs
2002
Présentation
« Il est prouvé que… », « du point de vue scientifique… »,
« objectivement, les faits montrent que » Combien de fois de telles
expressions ne scandent-elles pas le discours de ceux qui nous
gouvernent ? Car depuis que nos sociétés se veulent
démocratiques, le
seul argument d’autorité quant à ce qui est
possible et ce qui ne l’est
pas provient de la science.
C’est cette fausse évidence, cette étrange identification des
pouvoirs et des sciences qu’Isabelle Stengers
conteste ici de
manière radicale. Elle s’intéresse à l’image que la
science donne
d’elle-même : celle d’un savoir neutre et « objectif »,
chargé de
dissiper les préjugés en dévoilant la vérité. En analysant la
manière
dont les sciences et les pouvoirs répondent à certaines questions
–
qu’est ce qu’une drogue ? Qu’est-ce qu’un microbe ? Comment
guérit-on
–, elle montre que cette image correspond plus à une
légende dorée qu’à
la réalité de la science « telle qu’elle se fait ». Et
que loin de
s’opposer, science et démocratie sont liées de manière
cruciale.
Car la rationalité s’est toujours construite en contestant les
rapports
d’autorité et les modes de légitimation dominants. Pour
Isabelle
Stengers, l’impuissance actuelle des citoyens face aux
mutations imposées
par le formidable pouvoir de la technoscience
n’est pas une fatalité :
une autre vision de la science – à laquelle ce
livre entend contribuer --
peut permettre de concilier rationalité et
démocratie.
Pour
en savoir plus…
L'auteur
Isabelle
Stengers, docteur en philosophie, enseigne à
l’Université libre
de Bruxelles. Elle est l’auteure de nombreux livres
sur l’histoire et
la philosophie des sciences, dont, notamment, à La
Découverte,
L’Invention des sciences modernes (1993), Sciences
et
pouvoir (1997, 2002), Au temps des
catastrophes. Résister à la
barbarie qui vient (Les Empêcheurs
de penser en rond, 2008), Une
autre sciences est
possible ! (2013). Elle a reçu le grand prix de
philosophie de
l’Académie française en 1993.
La presse
« Stengers dénonce notamment la façon dont le discours
scientifique
est constamment récupéré pour exclure les
incompétents du débat ou pour
clore simplement celui-ci. »
LE DEVOIR
LA RECHERCHE
NOVA MAGAZINE
Collection
La Découverte Poche / Essais n° 135
Ce livre a été précédemment publié, en 1997, dans la collection
« Sciences et société » aux Éditions La Découverte.
© Éditions Labor, Bruxelles, 1997.
© Éditions La Découverte & Syros, Paris, 1997, 2002.
EAN numérique : 9782707172570
ISBN papier : 9782707138576
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Préambule
« Il est prouvé que… », « du point de vue scientifique »,
« objectivement », « les faits montrent que… », « en réalité… »…
Que de fois de telles expressions ne scandent-elles pas le discours
de ceux qui, à quelque niveau que ce soit, nous gouvernent ? Et
chaque fois, il s’agit d’appeler ceux à qui l’on s’adresse à se
soumettre, à accepter la différence entre ce qu’ils veulent ou
désirent, et ce qui est possible. Et d’où vient le verdict quant à ce
qui est possible ? Depuis que nos sociétés se veulent
démocratiques, depuis qu’elles ne reconnaissent plus
(officiellement) d’autorité supérieure à la volonté des populations, le
seul argument d’autorité quant à ce qui est possible et ce qui ne
l’est pas provient toujours, d’une manière ou d’une autre, de la
science.
Mais entendons-nous bien, la science n’est pas censée s’opposer
à la démocratie. Elle se borne à dire « ce qui, que nous le voulions
ou non, est ». C’est à la volonté du peuple qu’il revient de décider,
en fonction de « ce qui est », ce qui « doit être ». Il faut que le
peuple écoute les experts, accepte d’être réaliste, c’est-à-dire
adulte et rationnel, puis décide en conscience. Et c’est la tâche des
hommes politiques d’expliquer, de faire comprendre, de faire
accepter ce qui ne peut être modifié, avant de proposer les options
quant à ce qui reste à décider.
Elle a bon dos, la science, qui est capable de statuer sur tant de
choses. Et elle a également bon nombre de vaillants représentants,
d’experts qui nous affirment par exemple que « oui, oui, vous
pouvez bien rêver d’échapper aux dures lois du marché
économique, c’est à peu près comme si vous rêviez de vous élever
tout seul dans les airs, sans moteur, en contradiction directe avec
les lois de la gravitation ». On ne vote pas pour ou contre les lois de
la gravitation, n’est-ce pas ? De même, on n’a pas à voter pour ou
contre les « lois » économiques. Il faut s’y soumettre, prévoir leurs
effets, et gérer leurs conséquences. Une gestion plus « humaine » ?
Vous voterez pour untel. Une gestion qui « fait confiance à la
dynamique économique pour améliorer le bien commun » ? Alors ce
sera plutôt pour untel.
Et si cette répartition entre sciences et décision politique était une
vaste, et redoutable, fumisterie ? Et si l’on pouvait dire, au contraire,
que la fiabilité et l’intérêt des savoirs qu’une société est susceptible
de produire traduisent la qualité de son fonctionnement
démocratique ? En ce cas, tous les arguments qui invoquent la
science seraient des arguments de pouvoir, nuisibles tout aussi
bien aux sciences qu’aux exigences d’une démocratie qui ne se
réduirait pas à une version sophistiquée du vieil art de conduire un
troupeau. C’est ce qu’il va s’agir d’explorer.
Cette exploration se fera davantage de manière labyrinthique
qu’en ligne droite. Il s’agit en effet non pas de suivre un argument
mais de composer un paysage d’arguments capables de connecter
ces thèmes en eux-mêmes multiples : sciences et pouvoirs. Car les
pluriels sont importants. C’est pourquoi chacune des sections
composant les chapitres qui suivent est connectée à d’autres
sections, où sont développés plus directement des problèmes
auxquels elle se borne à faire allusion. Un peu comme une section
qui traiterait d’une vallée : elle devrait faire allusion à la montagne
qui surplombe cette vallée, mais serait connectée à la section
consacrée à la montagne. Pour orienter le lecteur, comme dans un
guide de voyage, là où je fais allusion à un thème sans le traiter,
j’indique la section qui le développe plus spécifiquement.
1
Au nom de la science
Qu’est-ce que cela peut bien être, la science ?
Contrastes
Sciences et pouvoirs
Nul d’entre nous n’est plus censé ignorer que des êtres vivants
invisibles à l’œil nu grouillent partout dans la nature, sont
innombrables dans nos viscères, où ils jouent un rôle essentiel dans
la digestion, et sur chaque centimètre carré de notre peau. Ils ont
été depuis la nuit des temps les responsables cachés des arts
humains de la fermentation, de la fabrication du pain et de celle de
l’alcool, mais sont également les vecteurs de ces catastrophes
terribles qui, depuis toujours, affectent les populations humaines :
les épidémies meurtrières, si souvent déchiffrées en termes de
malédiction divine. Un ensemble nouveau de savoirs se développe
depuis plus d’un siècle, qui noue pratiques anciennes et techniques
contemporaines, qui nous force à accepter que la nature n’est pas
un ensemble harmonieux de créatures que nous pourrions
soumettre à notre service, mais un milieu proliférant où nous
coexistons avec des êtres aussi « innovants » que nous, quoique
par de tout autres moyens, capables de susciter des maladies
nouvelles ou de devenir résistants aux drogues que nous inventons
pour nous débarrasser d’eux. L’histoire des humains et celle, vieille
de plusieurs milliards d’années, des micro-organismes, virus,
bactéries, protozoaires, etc., ont toujours été enchevêtrées, mais
ces histoires enchevêtrées ont pris, pour le meilleur et pour le pire,
un cours nouveau depuis que les savoirs humains ont appris à
s’adresser aux micro-organismes, à reconnaître leurs actions, à
inventer à leur sujet des armes ou des moyens de les rendre utiles
ou inoffensifs.
Les micro-organismes existent « pour les savoirs humains »
depuis que Pasteur, en 1864, a vaincu - en tout cas selon les
critères de ceux dont la conviction « comptait » (p. 54) - une
hypothèse rivale qui désignait un tout autre type de vivants
invisibles, l’hypothèse de la « génération spontanée ». Si les
partisans de cette hypothèse avaient triomphé, nous vivrions dans
une autre nature, une nature où, dès que le milieu s’y prête, de la
vie apparaît. Les micro-organismes ne se propageraient pas, il n’y
aurait pas à se demander par où « passe » une épidémie. Ils
apparaîtraient dès que les conditions seraient propices. La vie ne
serait pas apparue sur terre il y a quelque trois milliards d’années,
tous les vivants d’aujourd’hui descendant de ces premiers vivants.
Elle ne cesserait d’apparaître sous nos yeux, partout et tout le
temps. La victoire de Pasteur sur les tenants de la génération
spontanée est donc un pivot : se décident à la fois le « présent »,
avec les arguments qui ont permis à Pasteur de l’emporter ; le
« passé », avec l’histoire de la terre dont nous sommes issus ; et
l’« avenir », avec la manière dont les humains s’adresseront
désormais à ces êtres qui sont tout à la fois datés (1864) et tenus
pour avoir existé bien avant les humains.
Nul d’entre nous n’est donc censé ignorer que la science
moderne, ici, a embarqué l’humanité tout entière dans un nouveau
type d’histoire. C’est pourquoi j’ai choisi cet exemple par excellence
du pouvoir de la science. À ceux qui doutent du pouvoir du
laboratoire, de l’« objectivité » des faits scientifiques, c’est d’ailleurs
souvent cette réponse qui est faite : « Tu as beau, dans le calme de
ton bureau, écrire des articles critiques ou persifleurs, montrant par
exemple que la victoire de Pasteur sur la génération spontanée
n’était rien moins que limpide, que les “faits” invoqués n’étaient pas
si objectifs que cela, que Pasteur a su faire jouer les pouvoirs
sociaux en sa faveur, si tu es atteint de pneumonie, tu demanderas,
comme tout le monde, des antibiotiques à ton médecin. » En
d’autres termes, le critique ou le sceptique, dès lors qu’il « fait
confiance » aux antibiotiques, reconnaît, qu’il le veuille ou non, que
les micro-organismes existent bel et bien. En d’autres termes
encore, comme tout lemonde, le sceptique vit dans l’avenir que
Pasteur a contribué à créer, et il ne peut, en cas de besoin, nier que,
en fait, lui aussi fait confiance aux « faits » à partir desquels
Pasteur, Koch, les biologistes et les médecins qui leur ont succédé
ont caractérisé les micro-organismes dans leurs laboratoires :
toujours transmis, jamais produits.
Apparemment nous sommes au pied du mur. Comment nier que
les « microbes » existent ? Et s’il est impossible de le nier, comment
refuser de reconnaître que c’est à la biologie qu’il revient d’avoir
démontré, au-delà de tous les doutes, leur existence ? Faut-il alors
s’incliner devant le pouvoir de la preuve scientifique, et admettre
que, dans ce cas comme dans bien d’autres, la démarche
scientifique nous a permis de passer de l’ignorance au savoir ?
Lorsque l’on est, de la sorte, mis au pied du mur, il vaut toujours
mieux, avant de s’incliner, examiner d’un peu plus près de quel mur
il s’agit et pour quelle raison c’est vers un tel mur qu’on a été
poussé. Après tout, le fait que nous ayons été forcés d’admettre que
les « microbes » existent bel et bien n’a rien de très étonnant. En
effet, si les scientifiques pensent qu’ils existent, c’est précisément
parce qu’ils ont été eux-mêmes confrontés à des situations qu’ils
étaient incapables d’expliquer sans recourir à ces microbes. Nous
sommes coincés par eux précisément sur ces points où eux-
mêmes, ou leurs prédécesseurs, ont déjà été « coincés » (p. 54).
Mais le point important est que de telles situations ne tombent pas
du ciel, ne se présentent pas toutes prêtes à qui veut bien
« observer » de manière objective.
Dans le vaste monde, si compliqué, si changeant, si dense en
relations de toutes sortes, vous pourrez décrire tant que vous
voulez, observer avec toute l’objectivité du monde, jamais vous ne
pourrez prendre un « fait » pour preuve. Toujours, quelqu’un pourra
dire : mais ce fait pourrait s’interpréter d’une manière tout à fait
différente, il n’a pas du tout la signification que vous lui prêtez. Si
une situation a le pouvoir de contraindre un scientifique à
reconnaître qu’elle peut s’expliquer d’une manière déterminée, c’est
parce qu’elle a été conçue, littéralement inventée, montée de toutes
pièces, pour avoir ce pouvoir. Le laboratoire est le lieu où se créent
ces mises en scène artificielles. Mais les réponses qu’il procure ne
sont pas les réponses que « les hommes » cherchaient depuis
toujours ; ce sont d’abord et avant tout les réponses aux questions
que le laboratoire est capable de poser, celles qui correspondent
aux mises en scène qu’il est capable de produire.
Lorsque le laboratoire a permis de rendre une question
« décidable », de créer un « fait » capable de prouver, on peut bel et
bien affirmer qu’un événement de très grande portée potentielle
s’est produit dans l’histoire humaine. Comme si un rendez-vous
avait réussi entre le monde et les humains, à partir duquel une prise
fiable est désormais possible : on sait comment interroger un
phénomène de façon que les réponses ne soient pas sujettes à
interprétations multiples, de façon que l’une de ces interprétations
puisse s’imposer contre les autres. C’est ce que Pasteur a su faire
avec ses micro-organismes. Il a su préparer des situations où, si le
micro-organisme recherché existait, il manifesterait qu’il était bel et
bien au rendez-vous par des faits observables dont nul ne pourrait
contester qu’ils témoignent en effet de son activité (p. 54). Mais
l’événement que constitue un rendez-vous réussi ne doit surtout
pas être confondu avec une réponse à une question que les
hommes se posaient depuis toujours, qui les ferait donc passer de
l’ignorance au savoir. Le plus souvent, les réponses nouvelles
correspondent à des questions nouvelles, auxquelles personne
n’aurait, avant cela, pensé à s’intéresser en priorité. C’est parce que
le laboratoire permet de leur apporter une réponse que ces
questions apparaissent soudain comme intéressantes,
passionnément intéressantes (p. 59).
Prenons le premier « laboratoire » scientifique au sens propre,
celui où Galilée, au début du XVIIe siècle, fait rouler des billes bien
rondes le long de plans inclinés bien lisses. De là sont issues les
« lois du mouvement accéléré » des corps pesants, que tous les
physiciens célèbrent comme les premières vraies lois établies par la
physique, désormais baptisée « physique moderne ». Mais qui,
avant Galilée, aurait eu l’idée de proclamer que le mouvement des
corps qui tombent est passionnément intéressant, est un premier
pas vers la compréhension du mouvement en général ou même de
ce que nous appelons « la nature » ? Après tout, c’est un bien
pauvre mouvement, qui n’a rien à voir avec celui, bien autrement
intéressant, des plantes qui poussent, des chevaux qui galopent,
des oiseaux qui volent. C’est seulement parce que, avec le plan
incliné inventé par Galilée, le mouvement des corps pesants a eu le
pouvoir de mettre les interprétations d’accord, et donc de
rassembler autour de lui ceux qui n’accordaient de valeur à un fait
que s’il était capable de prouver, qu’il est devenu intéressant. Tous
les autres, qui continuaient à dire : « C’est un mouvement tout à fait
inintéressant, pas du tout représentatif des processus naturels »,
tous ceux qui s’obstinaient à demander à la physique qu’elle
permette de comprendre le mouvement des oiseaux, celui du vent
et des chevaux, celui des plantes qui poussent et de l’eau qui
tourbillonne, n’ont rien à faire au laboratoire de Galilée. Le rendez-
vous a été réussi avec les corps qui tombent, avec le pendule qui
oscille, puis, après Newton, avec les planètes et les comètes dans
le ciel. Mais pas avec tout ce que nous appelions, auparavant,
mouvement.
Il en est de même au laboratoire de Pasteur. Bien sûr, le génie de
Pasteur a été de lier la question des micro-organismes à des
questions qui intéressaient les industriels, les fermiers, les
médecins. Pourquoi la bière se gâte-t-elle ? Pourquoi nos troupeaux
crèvent-ils de la maladie du charbon ? Comment lutter contre les
épidémies ? Et même, invention glorieuse entre toutes de la
vaccination : peut-on se protéger de l’attaque d’un micro-
organisme ? Mais il faut voir aussi les questions auxquelles il n’a
pas répondu, les questions auxquelles son laboratoire ne pouvait
répondre.
La force de Pasteur provient de ce qu’il a su créer un « rendez-
vous » avec les micro-organismes. C’est eux qu’il a su interroger,
non pas le corps malade, le corps souffrant qui cherche guérison.
La question de la guérison est sans doute la question qui a
intéressé les humains depuis toujours, mais ce n’est pas à elle que
Pasteur répond. Il invente une nouvelle manièred’approcher la
maladie. Il ne sait pas ce qu’est un corps souffrant, et l’événement
que constitue le rendez-vous réussi tient précisément en ce que, s’il
est question des micro-organismes, de leur virulence, des manières
d’affaiblir cette dernière, il n’y a pas besoin de le savoir. Éprouvette,
poule ou corps humain, la réussite de Pasteur témoigne de ce que
la différence entre ces « milieux » ne compte pas, en tout cas pas
de manière jusqu’ici observable, pour le microorganisme : celui-ci
prolifère du moment que les conditions de sa prolifération sont
assurées. Mais elle compte pour les humains, qui guérissent ou non
selon des circonstances que le micro-organisme semble incapable
d’expliquer.
Ce que Pasteur a prouvé, c’est que les microbes sont les
conditions sine qua non de certaines maladies, qu’ils en sont la
« cause » au sens où, s’ils ne sont pas présents, la maladie
correspondante ne se développera pas. Ce qu’il n’a pas « établi
scientifiquement », ce qu’il ne pouvait faire parce qu’il faut alors
interroger le corps souffrant, est la réponse à la question qui
intéresserait tous les humains : qu’est-ce que c’est, être malade ?
C’est-à-dire aussi : comment guérir ?
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