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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti452 - Opérations unitaires. Génie de la réaction chimique

Catalyse et procédés catalytiques

Réf. Internet : 42325 | 3e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)
composé de  :
Industrialisation des procédés et usine du futur Réf. Internet : 42602

Thermodynamique et cinétique chimique Réf. Internet : 42323

Transfert de matière en génie des procédés Réf. Internet : 42326

Opérations unitaires : agitation et mélange Réf. Internet : 42486

Catalyse et procédés catalytiques Réf. Internet : 42325

Électrochimie Réf. Internet : 42322

Réacteurs chimiques Réf. Internet : 42330

Chimie en flux continu Réf. Internet : 42682

Opérations unitaires : séparation Gaz-Liquide Réf. Internet : 42324

Opérations unitaires : extractions fluide/fluide et fluide/ Réf. Internet : 42332


solide

Opérations unitaires : techniques séparatives sur membranes Réf. Internet : 42331

Opérations unitaires : séparation de phases, décantation Réf. Internet : 42484


et filtration

Opérations unitaires : évaporation et séchage Réf. Internet : 42316

Opérations unitaires : tri et traitement des liquides et des Réf. Internet : 42446
solides

Opérations unitaires : traitement des gaz Réf. Internet : 42485

Modélisation en génie des procédés Réf. Internet : 42328

Innovations en génie des procédés Réf. Internet : 42487

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Opérations unitaires. Génie de la réaction
chimique
(Réf. Internet ti452)

dont les exper ts scientifiques sont  :


Jean-Claude CHARPENTIER
Professeur et docteur-ingénieur au laboratoire Réactions et Génie des
procédés à l'ENSIC-Nancy (École Nationale Supérieure des Industries
Chimiques)

Jean-Pierre DAL PONT


Président de la SFGP (Société française de génie des procédés), Secrétaire
général de l'EFCE (Fédération européenne du génie chimique), Président de la
SECF (Société des experts chimistes de France)

Jean-François JOLY
Chef du Département réactions et modélisation des réacteurs à l'IFP

Julien LEGROS
Directeur du Groupement de recherche sur la Synthèse en flux continu (GdR
CNRS 2053 Synth_Flux)

Olivier POTIER
Responsable du Groupe Thématique de la Société Française de Génie des
Procédés (SFGP), Laboratoire Réactions et Génie des Procédés (CNRS UMR
7274, Université de Lorraine, Nancy), École Nationale Supérieure en Génie des
Systèmes et de l'Innovation (ENSGSI - Université de Lorraine)

Marie-Odile SIMONNOT
Professeur en Génie des procédés à l'Université de Lorraine (Nancy)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Elisabeth BORDES-RICHARD Armand LATTES


Pour l’article : J1215 Pour l’article : J1230

Guillaume CLET Charlotte LORTON


Pour l’article : J1275 Pour l’article : IN405

Didier COMBES Pierre MONSAN


Pour l’article : BIO590 Pour l’article : BIO590

Dominique COMMEREUC Laetitia OLIVIERO


Pour les articles : J1220 – J1221 Pour l’article : J1275

Daniel DUPREZ Ludovic PINARD


Pour l’article : J1216 Pour les articles : J1218 – J1250 –
J1265 – J1275
Matteo GUIDOTTI
Pour l’article : J1218 Isabelle RICO-LATTES
Pour l’article : J1230
Chantal GUILLARD
Pour l’article : J1270 Thierry SENNINGER
Pour l’article : J1260
Michel GUISNET
Pour les articles : J1200 – J1210 – Denis UZIO
J1217 – J1218 – J1250 – J1265 Pour l’article : J1255

Benoît KARTHEUSER Jacques VÉDRINE


Pour l’article : J1270 Pour l’article : J1215

Sylvie LACOMBE Arnaud VOITURIEZ


Pour l’article : J1270 Pour l’article : IN405

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VI
Catalyse et procédés catalytiques
(Réf. Internet 42325)

SOMMAIRE
Réf. Internet page

Introduction à la catalyse. Mécanismes et applications industrielles J1200 9

Catalyse acido-basique J1210 11

Catalyse sélective redox J1215 15

Procédés d'oxydation totale. Dépollution automobile et traitements de l'air et de l'eau J1216 19

Catalyse bifonctionnelle redox-acide. Applications en raffinage du pétrole et J1217 25


pétrochimie
Catalyse bifonctionnelle. Application en valorisation des alcanes légers et en chimie J1218 31
fine
Catalyse de coordination. Partie 1 J1220 37

Catalyse de coordination. Partie 2 J1221 41

Catalyse aux interfaces liquide-liquide J1230 45

Catalyse hétérogène. Mode d'action des catalyseurs J1250 51

Catalyse hétérogène dans les procédés industriels J1255 55

Catalyse de polymérisation J1260 59

Catalyse hétérogène : désactivation et régénération des catalyseurs J1265 65

Caractérisation des catalyseurs hétérogènes par réactions modèles J1275 71

La photocatalyse : dépollution de l'eau ou de l'air et matériaux autonettoyants J1270 77

Biocatalyse ou catalyse enzymatique BIO590 81

Catalyse redox par les phosphines IN405 85

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VII
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Référence Internet
J1200

Introduction à la catalyse
Mécanismes et applications industrielles

par Michel GUISNET


Professeur des universités
Catalyse en Chimie Organique, Poitiers
Centre for Biological and Chemical Engineering, Lisbonne

1. Histoire de la catalyse ............................................................... J 1 200 - 2


1.1 Premiers pas de la catalyse industrielle..................................................... — 2
1.2 Principales étapes du décryptage du mécanisme de la catalyse............. — 3
2. Caractéristiques générales de la catalyse et des catalyseurs..... — 4
2.1 Mécanisme des réactions catalytiques ...................................................... — 4
2.2 Sélection des catalyseurs............................................................................ — 6
3. La catalyse, aujourd’hui et demain ..................................................... — 7
3.1 Situation actuelle de la catalyse ................................................................. — 7
3.2 Quel avenir pour la catalyse ....................................................................... — 7
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 200

ue serait notre monde sans la catalyse ? Que cette question soit examinée
Q sous l’angle de la vie ou sous celui de notre société moderne, les
réponses sont identiques. Sans le pouvoir fascinant qu’ont les catalyseurs
d’accélérer fortement la vitesse des réactions sans être consommés et par
conséquent de rendre suffisamment rapides les réactions biochimiques aux
basses températures des organismes vivants, la vie serait impossible. Il en
serait de même pour notre société moderne si l’homme n’était pas parvenu à
domestiquer ce pouvoir, le mettant au service de l’industrie chimique, lui per-
mettant de fabriquer de très nombreux produits en quantité importante et à
coût modéré. D’abord limitée à la production de composés inorganiques de
base (acide sulfurique, ammoniac, acide nitrique, etc.), la catalyse a progressi-
vement étendu le champ de l’industrie chimique, jouant un rôle essentiel dans
des domaines aussi divers que le raffinage du pétrole, la pétrochimie, la chimie
de spécialités, la chimie fine, la polymérisation, la dépollution, etc. De quoi
s’interroger à juste titre sur la pertinence du choix fait en 1835 par Berzelius du
terme catalyse (tiré du mot grec καταλúειν à connotation négative), pourtant
adopté par tous les chimistes et même intégré dans le langage commun.
Comme le montre le bref historique de la catalyse, les premières grandes
applications, c’est-à-dire la production par catalyse hétérogène de composés
inorganiques de base, ont précédé le décryptage du mécanisme des réactions
catalytiques, les solides catalyseurs étant choisis et optimisés de façon tota-
lement empirique. Le temps mis pour établir le mécanisme général de la
catalyse (près d’un siècle) peut nous sembler long mais il faut concevoir qu’à
l’époque, cette tâche présentait des difficultés conceptuelles réelles et que, de
plus, les chercheurs devaient surmonter de nombreux obstacles pratiques : dif-
Parution : décembre 2012

ficulté d’accès (aux) et de purification (des) réactifs, solides catalyseurs de


faible surface donc d’activité limitée, appareillages sommaires, etc. Par ailleurs,
les scientifiques découvrant une nouvelle réaction catalytique essayaient tou-

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 1 200 – 1

9
Référence Internet
J1200

INTRODUCTION À LA CATALYSE _______________________________________________________________________________________________________

jours de la valoriser. Cette association de préoccupations fondamentales et


appliquées reste une constante naturelle de la recherche en catalyse.
Les caractéristiques générales de la catalyse sont maintenant bien définies.
Une approche pluridisciplinaire associant les méthodes et techniques de la
chimie physique, inorganique et organique, de la physique des surfaces et de
la physique du solide et du génie chimique a permis d’établir le mécanisme de
nombreuses réactions catalytiques : espèces intermédiaires, étapes élémen-
taires du cycle catalytique, caractéristiques des espèces ou sites actifs. La
combinaison de cette connaissance scientifique et de techniques
combinatoires permet d’accélérer la conception, l’optimisation et la fabrication
de catalyseurs d’activité, sélectivité et stabilité optimales.
La science de la catalyse peut maintenant être considérée comme mature, ce
qui ne l’empêche pas de continuer à innover, tant au niveau des concepts que des
applications. À travers le développement de nouveaux catalyseurs, de nouvelles
technologies pour leur préparation et leur mise en œuvre, cette capacité d’inno-
vation devrait permettre de relever les grands défis de l’avenir que constituent la
protection de l’environnement, l’amélioration de l’efficacité énergétique des pro-
cédés, la valorisation de nouvelles sources carbonées (biomasse).

1. Histoire de la catalyse miques, et ii) il n’est pas altéré, sont déjà clairement établies et les
chercheurs, tout en essayant de comprendre l’action des cataly-
seurs, ont immédiatement noté l’intérêt industriel qui pouvait être
Se reporter également aux références [1] [2] [3] [4] [5]. tiré de cette augmentation indéfinie de la vitesse des réactions.
Ainsi, Doebereiner (1823) conclut la description de l’inflammation
Si la première application de la catalyse, c’est-à-dire la production de l’hydrogène par le platine en soulignant « ...j’ai déjà tiré parti de
de bière et vin par fermentation remonte à l’antiquité, la catalyse n’a cette découverte pour l’établissement d’un nouveau briquet et la
véritablement mérité le qualificatif de science qu’après avoir construction d’une lampe particulière ».
répondu à la question clé du mode général d’action des catalyseurs.
La réponse paraît maintenant évidente et pourtant les nombreuses Les premières grandes applications industrielles se développent
observations réalisées dans la première moitié du XIXe siècle sont peu à peu, principalement en Allemagne et dans le domaine de la
longtemps restées mystérieuses. On peut citer notamment : chimie minérale (acide sulfurique, chlore, acide nitrique, ammo-
niac), la recherche du catalyseur optimal étant menée empiri-
– l’hydrolyse de l'amidon en présence d’acide sulfurique
quement. Un exemple typique est celui du procédé Haber-Bosch
(Kirchhoff, 1814) ;
(1913) pour lequel BASF testa au moins 2 000 catalyseurs au cours
– le chauffage à blanc de platine par introduction sur ce métal
de 6 000 expériences avant de retenir le catalyseur au fer pour la
chaud d’un mélange d’air et de gaz issus du charbon (Davy, 1817) ;
production industrielle d’ammoniac. Il est important de souligner
– l’inflammation spontanée de l’hydrogène sur de la poussière
que ce procédé dont le succès fut exceptionnel ne put être mis en
de platine (Doebereiner, 1823) ;
œuvre qu’après avoir non seulement réussi à fabriquer des cataly-
– la décomposition de l’eau oxygénée par l’oxyde d’argent
seurs efficaces et stables mais aussi surmonté deux autres
(Thénard, 1818), de l’éthanol en présence d’acide sulfurique, de
obstacles majeurs :
l’eau oxygénée en présence de traces de peroxyde de manganèse,
d’or, d’argent sans la moindre modification de ces corps – développer une production économiquement viable d’hydro-
(Mitscherlich, 1834), etc. gène et d’azote ;
– concevoir et fabriquer des réacteurs capables d’opérer sous
Le mérite de Berzelius (1835) fut de réunir ces phénomènes en
haute pression (~ 300 bar) et température élevée (400-700 oC).
une seule et même famille dans laquelle « des combinaisons sont
détruites, de nouvelles combinaisons prennent naissance, et tout Les prix Nobel 1918 et 1931 ont respectivement récompensé
cela s’effectue sans que le corps qui produit les changements soit Haber et Bosch pour la synthèse de l’ammoniac à partir de ses
altéré ». Toutefois, selon Berzélius, ce corps agit sous l’effet d’une éléments et pour le développement de méthodes chimiques sous
force autre que l’affinité chimique, baptisée force catalytique qui haute pression.
modifierait les rapports électriques responsables de toute activité À partir de 1935, la catalyse industrielle connaît des évolutions
chimique. Cette proposition sera contestée par Liebig (1839) « le majeures, débordant de la chimie inorganique vers la transfor-
platine et l’argent exercent simplement une influence accélératrice, mation de coupes pétrolières, le développement des procédés pas-
car même sans le contact de ces métaux, l’eau oxygénée se sant de l’Allemagne aux États-Unis. L’industrie pétrolière française
décompose à la longue d’elle-même », ce qui le conduisit à attri- reste à la traîne et ce bien que des avancées majeures aient été ini-
buer à ces décompositions non ordinaires, une cause ordinaire : ce tiées par des inventeurs français, Sabatier et Mailhe et surtout
sont des phénomènes purement chimiques. Houdry qui développa aux États-Unis un procédé performant de
craquage catalytique en lit fixe [5]. La catalyse homogène connaît
aussi un grand essor avec notamment le développement de procé-
1.1 Premiers pas de la catalyse dés de transformation d’hydrocarbures opérés en phase liquide à
industrielle basse température avec des acides protoniques forts comme
catalyseurs [6] : H2SO4 ou HF concentrés, catalyseurs de Friedel
Si le mécanisme de la catalyse ne sera décrypté que dans les Crafts résultant de l’association d’halogénures métalliques et
premières décennies du XXe siècle, les deux principales caractéris- d’acides protoniques (par exemple, H+AlCl−4 formé à partir d’AlCl3
tiques d’un catalyseur : i) il augmente la vitesse des réactions chi- et d’HCl). L’alkylation aliphatique isobutane-butène en phase

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J 1 200 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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Référence Internet
J1210

Catalyse acido-basique

par Michel GUISNET


Professeur à l’Université de Poitiers
Laboratoire de Catalyse en Chimie Organique (UMR CNRS 6503)

1. Bases théoriques ...................................................................................... J 1 210 — 2


1.1 Théories de l’acido-basicité ........................................................................ — 2
1.1.1 Acides et bases. Définition................................................................. — 2
1.1.2 Applications à la catalyse................................................................... — 3
1.2 Intermédiaires réactionnels ........................................................................ — 4
1.2.1 Carbocations ....................................................................................... — 5
1.2.2 Carbanions .......................................................................................... — 7
2. Catalyse acide et ses applications ...................................................... — 7
2.1 Principaux catalyseurs industriels.............................................................. — 8
2.1.1 Zéolithes .............................................................................................. — 8
2.1.2 Silices-alumines.................................................................................. — 8
2.1.3 Alumines chlorées .............................................................................. — 8
2.2 Alkylation aliphatique ................................................................................. — 9
2.2.1 Conditions opératoires et catalyseurs .............................................. — 9
2.2.2 Mécanisme .......................................................................................... — 10
2.3 Craquage catalytique (FCC) ........................................................................ — 10
2.3.1 Conditions opératoires et catalyseurs .............................................. — 10
2.3.2 Principales réactions et mécanismes ................................................ — 11
2.4 Alkylation des aromatiques par les alcènes.............................................. — 11
2.4.1 Conditions opératoires et catalyseurs .............................................. — 12
2.4.2 Mécanismes ........................................................................................ — 12
2.5 Isomérisation des alcanes légers C5-C6 .................................................... — 12
2.5.1 Conditions opératoires et catalyseurs .............................................. — 12
2.5.2 Mécanisme acide et mécanisme bifonctionnel................................ — 12
2.6 Acétylation de l’anisole ............................................................................... — 13
2.6.1 Conditions opératoires et catalyseur ................................................ — 13
2.6.2 Mécanisme .......................................................................................... — 13
Références bibliographiques ......................................................................... — 14

es interactions acide-base jouent un rôle prédominant dans les réactions chi-


L miques, que celles-ci se produisent dans la matière vivante ou soient mises
en œuvre par l’homme. Un grand nombre de ces réactions sont catalytiques. La
catalyse enzymatique, n’intervient pas seulement dans les organismes vivants,
mais aussi pour la synthèse des produits à haute valeur ajoutée et la dépollution.
Dans les grands procédés industriels, la catalyse homogène acide, d’abord très
utilisée a, pour des raisons économiques et écologiques, été progressivement
remplacée par la catalyse hétérogène.
L’industrie pétrolière a beaucoup contribué au développement des catalyseurs
acides solides. La majorité des procédés du raffinage du pétrole et de la pétro-
chimie utilise ces catalyseurs, essentiellement oxydes : silice-alumine, zéolithes,
alumines chlorées. Ce n’est pas le cas en synthèse organique (chimie fine, chi-
mie pharmaceutique) où la catalyse homogène est encore prépondérante. Un
regain d’intérêt s’est d’ailleurs manifesté dans les années 1970 avec la
Parution : juin 2005

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© Techniques de l’Ingénieur J 1 210 − 1

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Référence Internet
J1210

CATALYSE ACIDO-BASIQUE ______________________________________________________________________________________________________________

découverte des possibilités d’activation à basse température d’espèces peu


réactives par les milieux superacides.
Cet article est divisé en deux parties. La première rappelle les théories de
l’acido-basicité et les mécanismes de transformation des hydrocarbures par
catalyse acide et basique. La seconde présente quelques grandes applications
de la catalyse acide, l’accent étant mis sur les catalyseurs utilisés et les
mécanismes de réaction.

1. Bases théoriques La force relative d’un acide est caractérisée par :

[ HA ]
Le lecteur pourra se reporter à la référence [1]. p K a = – lg K a = pH + lg ------------- (5)
[ A– ]

1.1 Théories de l’acido-basicité Le même raisonnement peut être appliqué à l’équilibre de proto-
nation de la base B avec définition d’un pKb. Cependant, afin d’obte-
nir une échelle unique de classement des acides et des bases, les
1.1.1 Acides et bases. Définition bases sont comparées par la force de leur acide conjugué BH+ :

■ C’est à la fin du XIXe siècle qu’Arrhenius propose la première


[B] 10 –14
véritable théorie de l’acido-basicité. Selon lui, les acides et les K a = --------------------------------- = -------------- soit pKa = 14 − pKb (6)
bases sont des composés qui, en solution aqueuse, donnent nais- [ OH – ] [ BH + ] Kb
sance respectivement à des protons (H+) ou à des ions hydroxyles
(OH−).
■ C’est également en 1923 qu’une définition encore plus générale
■ Dans la théorie développée indépendamment par Brönsted et
de l’acido-basicité est avancée par Lewis. Selon lui, une base est
Lowry (1923), la réaction acido-basique est considérée comme un
un composé possédant une paire libre d’électrons qu’il peut don-
transfert d’un proton d’un acide vers une base :
ner à un acide (accepteur d’un doublet d’électrons) pour compléter
(1) sa couche électronique externe et adopter une configuration élec-
HA + B A– + BH+
tronique stable. Les notions d’acidité et de basicité s’appliquent
Un acide est donc un composé capable de céder un proton à donc à des molécules ou ions ne possédant pas d’atome d’hydro-
une base, une base un composé capable d’accepter un proton gène. La réaction acide base correspond à la mise en commun
d’un acide. Cette définition est bien plus générale que la d’un doublet d’électrons, qu’un proton soit ou non impliqué dans
précédente : des composés tels que NH3 qui n’étaient pas des cette réaction.
bases dans la théorie d’Arrhenius le deviennent dans celle de
Brönsted-Lowry ; la présence de l’eau comme solvant n’est plus La principale faiblesse de la théorie de Lewis réside dans
indispensable, etc. l’absence de référence universelle (alors que celle-ci existe dans la
théorie de Brönsted-Lowry : transfert du proton mesuré par le pKa,
Notons que, à l’équilibre de la réaction (1), le proton est présent
l’eau étant prise comme référence). Son caractère qualitatif la limite
sous les deux formes HA et BH+. A− capable d’accepter un proton est
à la seule interprétation du mécanisme des réactions sans permettre
la base conjuguée de l’acide HA, BH+, l’acide conjugué de la base B.
de prédiction quantitative de la vitesse des réactions acido-
Si l’équilibre est totalement déplacé vers la droite, HA (totalement
dissocié) peut être considéré comme un acide fort vis-à-vis de la basiques.
base B ; la base A− est dans ce cas beaucoup plus faible que la
base B et l’acide BH+ beaucoup plus faible que HA. Certains compo- ■ Une formulation originale de la réactivité entre acides et bases a
sés tels que l’eau sont amphotères, c’est-à-dire qu’ils se comportent été proposée par Pearson en 1963. Le principe qualitatif dit HSAB
comme des acides ou comme des bases selon le partenaire qui leur (Hard and Soft Acids and Bases), qu’il avance alors, consiste à clas-
est présenté. Ils peuvent servir comme référence pour caractériser ser les acides et les bases selon leur caractère dur ou mou. Le clas-
les forces des acides HA ou des bases B. Ainsi la force acide de HA sement des bases B en dures ou molles est lié à leur complexation
peut être caractérisée par la constante d’équilibre de protonation de préférentielle vis-à-vis de deux acides : H+ typiquement dur et
l’eau : CH3Hg+ typiquement mou. Si on considère le tableau 1, on voit que
le caractère dur est présenté par des espèces de petite dimension,
HA + H2O A– + H3O+ (2) d’état d’oxydation élevé, ne possédant pas de doublet d’électrons
libre dans leur couronne de valence, et donc très électronégatives et
[ A – ] [ H3 O + ] peu polarisables. À l’inverse, les espèces à caractère mou sont de
K = -------------------------------- (3) grande dimension, leur état d’oxydation faible ou nul, et fortement
[ HA ] [ H 2 O ] polarisables (tableau 1). Les interactions sont donc essentiellement
ioniques entre espèces dures, et essentiellement covalentes entre
En milieu dilué, [H2O] peut être considérée comme constante et espèces molles. De cette analyse, Pearson déduit que les acides
on écrit : durs préféreront s’associer aux bases dures, les acides mous aux
bases molles et que de plus ces réactions seront faciles ; les autres
[ A – ] [ H3 O + ] réactions qui constituent des cas défavorables pour la formation de
K a = -------------------------------- = K [ H 2 O ] (4) liaisons électrostatiques ou covalentes sont thermodynamiquement
[ HA ] et cinétiquement défavorables.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
J 1 210 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

12
Référence Internet
J1210

______________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE ACIDO-BASIQUE

(0)

Tableau 1 – Classification de quelques acides et bases selon le principe HSAB de Pearson [2]
Acides durs ............................... H+, Li+, Na+, K+, Mg2+, Al3+, Cr3+, Co3+, Fe3+, Ti4+, BF3, AlCl3, Al(CH3)3, RCO+
Acides mous ............................. Cu+, Ag+, Au+, Hg+, Pd2+, Ti3+, CH3Hg+, GaCl3, I2, métaux, carbènes
Bases dures............................... F−, OH−, PO 43– , SO 42– , CH3COO−, H2O, ROH, R2O, NH3, RNH2
Bases molles ............................. I−, H−, R−, CN−, RSH, R2S, CO, C6H6

Peu après la publication du concept HSAB, Klopman (1967) a lui confère une réactivité exceptionnelle qui fait que le proton ne
développé le cadre théorique qui manquait, permettant ainsi de peut exister à l’état libre. Il se partage entre :
rationaliser un domaine plus large d’acides et de bases. La théorie
— la base conjuguée du composé porteur d’hydrogène qui peut
HSAB a par la suite été reformulée par Parr et Pearson pour la ren-
lui donner naissance (c’est-à-dire le catalyseur acide) que celui-ci
dre quantitative. Pour cette quantification, deux paramètres sont
soit présent à l’état gaz, liquide ou solide ;
considérés : la dureté absolue (assez proche de la notion de polari-
sabilité précédemment avancée) et l’électronégativité du système — et les molécules de réactif, de produit et de solvant.
(égale en valeur absolue à son potentiel chimique). Ce ne sera donc pas l’acidité des composés porteurs d’hydro-
gène, mais l’activité protonique du milieu dans lequel ils sont pré-
sents qui déterminera l’activité catalytique. En solution, cette
En conclusion de cette présentation succincte des théories de
activité protonique sera caractérisée par les fonctions d’acidité.
l’acido-basicité, soulignons l’intérêt toujours actuel des théories
Cette notion, bien que non parfaitement adaptable aux solides aci-
de Brönsted-Lowry et de Lewis. Nous verrons que ces théories
des peut cependant être utilisée pour caractériser leur force acide.
permettent de décrire l’acte catalytique, que le catalyseur soit
soluble (catalyse homogène) ou solide (catalyse hétérogène).
1.1.2.2 Fonctions d’acidité de Hammett
En milieu aqueux dilué, les solutions d’acides forts peuvent être
1.1.2 Applications à la catalyse considérées comme idéales ; leur acidité s’identifie à la concentra-
tion en ions hydronium H3O+ et s’exprime par le pH. Toutefois, les
Après avoir présenté les théories de l’acido-basicité, il serait natu- solutions d’acide utilisées en catalyse sont généralement très
rel de parler successivement de catalyse acide, de catalyse basique concentrées ; la concentration du réactif est souvent très grande et
et catalyse bifonctionnelle acido-basique selon que les intermédiai- le milieu aquoorganique. Dans ces conditions, la définition de l’aci-
res réactionnels sont formés sur une espèce acide, basique ou sur dité par le pH, cesse d’être utilisable. Par exemple, dans le système
les deux. L’importance industrielle de ces types de catalyse est très H2O-H2SO4, lorsqu’on augmente la concentration en acide, la con-
différente. La catalyse acide jouant le rôle essentiel, nous insiste- centration en H3O+ passe par un maximum au voisinage de la com-
rons donc sur la caractérisation de l’acidité. position équimolaire tandis que l’acidité qui est mesurée par la
tendance de la solution à céder des protons à une base continue à
augmenter. En effet, les ions H3O+ sont alors remplacés par des
Comme cela est souligné ci-après, le proton est un acide de molécules H2SO4 encore plus acides. La véritable grandeur caracté-
Lewis très particulier. C’est pourquoi il est habituel de distinguer ristique du milieu est dans ce cas l’activité du proton aH qui ne
les acides protoniques (ou de Brönsted) des acides non protoni- prend pas seulement en compte l’ion hydronium mais toutes les
ques appelés simplement acides de Lewis. sources de proton.
L’équilibre de protonation d’une base neutre B par un proton (pré-
En catalyse acide, le proton est généralement l’espèce active, le sent uniquement à l’état solvaté) du milieu dont on cherche à déter-
rôle des acides de Lewis se limitant à exalter la force des acides pro- miner l’acidité :
toniques en s’associant avec ceux-ci.
Exemple : AlCl3 agirait en catalyse d’hydrocarbures non pas B + H+ BH+ (7)
comme acide de Lewis mais sous la forme de l’acide de Brönsted
H AlCl 4– (association d’AlCl3 et HCl).
+
est caractérisé par la constante d’équilibre thermodynamique :
Toutefois les acides et bases de Lewis sont souvent les espèces
actives en catalyse acido-basique. aB aH [B] fB
K BH + = ------------- = ---------------- a H ---------- (8)
a BH + [ BH ] + f BH +
1.1.2.1 Importance de l’activité protonique en catalyse
La première étape d’une réaction de catalyse acide est la polarisa- où les a et f représentent respectivement les activités des diverses
tion ou mieux encore l’ionisation des molécules neutres (donc peu espèces et les coefficients d’activité.
réactives) de l’un des réactifs. L’ionisation peut être provoquée par la L’expression (8) peut se mettre sous la forme :
présence d’acides de Lewis tels que le chlorure d’aluminium très uti-
lisé dans les réactions de Friedel et Crafts. Mais le rôle du proton est
[ BH + ] 1 fB 1
généralement essentiel, ce qu’on peut lier à ses caractéristiques. En
---------------- = ------------ a H ---------- = ------------ h 0 (9)
effet, le proton est le seul cation univalent à se réduire au noyau ato- [B] K BH + f BH + K BH +
mique avec par conséquent une taille 100 000 fois plus petite que
celle des autres ions. Si l’approche d’une molécule par un acide de c’est-à-dire que le rapport des concentrations de l’acide conjugué et
Lewis met en jeu la répulsion entre leurs nuages électroniques, ce de la base est égal au produit de la tendance de la base à fixer un
n’est pas le cas pour son approche par un proton. Au contraire, le
proton ( 1 ⁄ K BH + ) par la tendance du milieu à le céder ou fonction
proton exerce à son voisinage un champ électrique et une action
polarisante particulièrement puissants. Cette caractéristique unique d’acidité h0 [3].

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© Techniques de l’Ingénieur J 1 210 − 3

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Catalyse sélective redox

par Elisabeth BORDES-RICHARD


Professeur Émérite – Unité de catalyse et de chimie du solide, UMR CNRS 8181,
École nationale supérieure de chimie de Lille – Université Lille 1
et Jacques VÉDRINE
Directeur de recherche CNRS Émérite – Laboratoire de réactivité de surface,
Université Pierre et Marie Curie

1. Importance du secteur industriel ........................................................ J 1 215 - 2


2. Principes de fonctionnement des catalyseurs
d’oxydation ménagée .............................................................................. — 5
2.1 Caractéristiques principales ........................................................................ — 5
2.2 Mécanisme redox......................................................................................... — 5
2.2.1 Schéma cinétique................................................................................ — 5
2.2.2 Schéma réactionnel de l’oxydation du propène en acroléine......... — 6
2.2.3 Cas de l’activation ménagée des alcanes ......................................... — 7
2.3 Propriétés structurales de surface et de volume ....................................... — 7
2.3.1 Propriétés acido/basiques de surface................................................ — 7
2.3.2 Propriétés électroniques..................................................................... — 8
2.3.3 Importance des propriétés structurales ............................................ — 8
3. Mise en forme et mise en œuvre en réacteurs................................. — 10
3.1 Catalyseurs supportés ................................................................................. — 10
3.2 Réacteurs ...................................................................................................... — 10
3.2.1 Réacteurs classiques........................................................................... — 11
3.2.2 Réacteurs alternatifs : régimes transitoires
et découplage du redox ............................................................................... — 11
4. Études de cas............................................................................................. — 12
4.1 Ammoxydation du propane et du propène
en acide acrylique ou acrylonitrile.............................................................. — 12
4.1.1 Ammoxydation du propène en acrylonitrile..................................... — 12
4.1.2 Ammoxydation du propane en acrylonitrile/acide acrylique .......... — 13
4.2 Oxydation du n-butane en anhydride maléique........................................ — 14
4.2.1 Catalyseur V-P-O ................................................................................. — 14
4.2.2 Réaction, régimes et réacteurs .......................................................... — 16
5. Conclusions et perspectives ................................................................. — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 215

et article concerne les réactions dites réactions redox en catalyse hétéro-


C gène [J 1 200] [J 1 250], c’est-à-dire en présence de catalyseurs solides. Il
s’agit essentiellement de réactions d’oxydation ménagée de composés organi-
ques (hydrocarbures, alcools, composés organiques volatils, etc.), ou
inorganiques comme SO2 , NO, etc. L’objectif recherché de l’oxydation sélec-
tive ménagée est l’obtention de composés oxygénés comme des alcools,
aldéhydes, anhydrides/acides, etc., tout en minimisant la formation de
sous-produits dont le dioxyde de carbone. Ces réactions d’intérêt en chimie de
base se déroulent en majorité en présence de catalyseurs oxydes contenant
des métaux de transition, dont le degré d’oxydation change durant la réaction.
Les oxydants usuels sont de préférence l’air ou plus récemment l’oxygène,
mais aussi l’eau oxygénée ou des peroxydes en phase liquide. Dans le cas de
Parution : juin 2013

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CATALYSE SÉLECTIVE REDOX _________________________________________________________________________________________________________

l’oxydation totale en CO2 [J 1 216], il s’agit des réactions de dépollution ou


d’épuration de l’air, des gaz d’échappement des installations fixes (centrales
thermiques) ou mobiles (transports), ou des effluents aqueux.
Les catalyseurs d’oxydation ménagée ou totale d’hydrocarbures ou de
composés oxygénés, par exemple le méthanol, sont constitués dans leur
grande majorité d’oxydes métalliques MexOy ou d’oxysels (molybdates, sul-
fates, phosphates, etc.), et beaucoup plus rarement de métaux (Ag, Au).
Suivant la configuration électronique de Me dans MexOy la nature des liaisons
Me—O est plus ou moins iono-covalente. Le degré d’ionicité est fortement
dépendant du cation Men+, qui est plus ou moins acide de Lewis par rapport à
la base de Lewis O2–. On observe que les oxydes à liaison plutôt ionique (péro-
vskites, spinelles, mais aussi zéolithes) favorisent plutôt la dégradation par
oxydation totale en oxydes de carbone (COx) alors que les oxydes à liaison
plutôt ionocovalente conduisent à des produits d’oxydation ménagée.
Les catalyseurs oxydes sont employés sous la forme massique (grains,
poudre), les particules étant éventuellement déposés sur des supports inertes
macroporeux de forme plus ou moins élaborée (des sphères aux monolithes).
Pour améliorer les performances, la dispersion des sites actifs sur des supports
texturaux adaptés est un des moyens employés depuis très longtemps. Bien
que basées sur une phase oxyde principale ou des espèces actives, les formu-
lations peuvent être très complexes, contenir par exemple d’autres cations
réductibles, plus ou moins acides, en quantité parfois très faible (dopants), ou
des composés apportant de la tenue mécanique, de la conductivité thermique
ou électrique, etc. Dans cet article nous nous limitons aux formulations les plus
simples afin de mettre en valeur les concepts utiles, avant de passer à quel-
ques applications. Par ailleurs, le développement des catalyseurs est
indissociable de celui des procédés et en particulier de celui des réacteurs, et
les essais récents sont mentionnés.
Sauf précision contraire, les rendements et sélectivités sont des pourcentages
molaires.

1. Importance L’accent est mis ici sur la production des intermédiaires de


chimie de base, y compris ceux dont le traitement ultérieur
du secteur industriel fournit des monomères de résines, plastiques et fibres
diverses. Ils sont actuellement obtenus par oxydation ména-
L’oxydation catalytique joue un rôle central dans l’industrie gée de produits de base issus du pétrole, souvent des hydro-
chimique, car au cours de la synthèse de bon nombre de carbures, en utilisant des catalyseurs de type oxyde
commodités de tous les jours, au moins une étape dans leur cycle métallique réductible [J 1 255].
de production est une étape d’oxydation. Plus de la moitié des
produits obtenus par des procédés catalytiques, en incluant les
synthèses de NO, SO3 et du soufre (par oxydation de NH3 , SO2 et Dans de nombreux cas, les technologies employées actuelle-
H2S, respectivement), et pratiquement tous les monomères utilisés ment ont été utilisées depuis plusieurs décennies et ont apparem-
pour la production de fibres et plastiques le sont de cette façon. ment atteint un stade de maturité très avancée. Cependant, des
Les réactions hétérogènes et homogènes d’oxydation catalytique marges d’amélioration existent toujours, notamment en termes de
sont utilisées dans l’industrie pétrochimique, la chimie de base, la productivité et d’impact sur l’environnement, et pour satisfaire aux
chimie fine et la production pharmaceutique, et le secteur de principes des procédés durables.
l’énergie. Depuis peu, les composés issus de la biomasse font
l’objet de travaux intensifs, par exemple le reformage oxydant
d’alcools ou polyols (glucose) en mélange H2/CO/CO2 , qui peuvent L’exemple du remplacement des alcènes C2—C4 par les alcanes
ensuite être transformés de façon connue en méthanol, diméthyl homologues pour synthétiser les mêmes molécules témoigne déjà de
éther ou hydrocarbures (réaction Fischer-Tropsch) : ce souci. Outre l’oxydation du n-butane en anhydride maléique mise
au point par Monsanto en 1974 qui en a démontré la faisabilité,
0 = – 71 kJ ⋅ mol–1 l’obtention de l’acide acrylique, qui nécessite actuellement deux
C6H10O5 + 1/2O2 $ 6CO + 5H2 ∆ H298 réacteurs avec deux catalyseurs différents en partant du propène, a
C6H10O5 + O2 $ 5 CO + CO2 + 5H2 0 = + 213 kJ ⋅ mol–1
∆ H298 été réussie ces dernières années, en partant du propane, en une
0 = + 778 kJ ⋅ mol–1 seule étape (grâce à un autre catalyseur qui a été trouvé puis
C6H10O5 + 2O2 $ 3 CO + 3CO2 + 5H2 ∆ H298 développé).

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Tableau 1 – Comparaison des procédés d’oxydation en catalyse homogène


et en catalyse hétérogène
Paramètres caractéristiques Catalyse hétérogène Catalyse homogène

« simples », hydrocarbures et oxygénés


Molécules de réactif et produit « complexes » et variées
C1 à C10

Métaux et oxydes de métaux de transition Métaux ; complexes de métaux de transition


Catalyseurs
(solides) (en solution)

Température (oC) 250 à 800 0 à 200

Solvant sans divers

Agents oxydants air, O2 , N2O (1) hydroperoxydes, H2O2

Profondeur d’oxydation forte (2-14 électrons) moins forte (2-8 électrons)

Procédé continu discontinu (2)

oxydation sélective des alcanes, des produits « hétérogénéisation » des catalyseurs, solvants
Challenges
issus de la biomasse... et oxydants bénins...

(1) par ordre décroissant d’emploi.


(2) plusieurs exceptions.

Les molécules organiques sont converties en phase liquide


(catalyses homogène ou hétérogène), ou gazeuse (catalyse hétéro- Selon que l’oxygène est, ou non, inséré dans la molécule
gène). En catalyse gaz-solide, le réactif oxydant est le plus souvent recherchée, diverses appellations sont utilisées pour préciser le
l’air, en raison de sa disponibilité et son faible coût. Il tend à être type de réaction d’oxydation ménagée (catalyseur en italique si
remplacé par l’oxygène (O2) pur, mais dans ce cas les problèmes métallique).
de sécurité dus aux emballements potentiels et aux compositions Oxydation partielle (ou reformage oxydant) sur Ni :
explosives sont accrus. L’utilisation d’air enrichi en O2 permet de
CH4 + 1/2O2 → CO + 2 H2 (gaz de synthèse)
réduire la pression totale et de travailler à température plus basse,
et d’éviter le ballast N2 qui de plus est un mauvais conducteur Époxydation sur Ag :
thermique. Le protoxyde d’azote, N2O, a montré son efficacité C2H4 + 1/2O2 → C2H4O (éxpoxyde d’éthylène), pour résines,
dans les oxydations douces comme celle du benzène en phénol au plastiques...
niveau recherche, mais son coût, voire sa nocivité du point de vue
Oxydation déshydrogénante
de l’environnement, ne le rendent pas compétitif à présent. En
catalyse en phase liquide, les agents de transfert d’oxygène sont C3H8 + 1/2O2 → C3H6 + H2O (par exemple)
les hydroperoxydes d’alkyles, ou mieux le peroxyde d’hydrogène Oxydations ménagées :
H2O2 qui peut être généré in situ dans certains procédés récents. – alcools en aldéhydes sur Au ;
Lorsque l’O2 est utilisé comme agent d’oxydation les mécanismes – C3H6 + O2 → C3H4O (acroléine) + H2O, sur molybdates de
impliquent des radicaux libres, ou sont du type redox avec des bismuth ; après oxydation ultérieure en acide acrylique
complexes de Pd ou Cu [1] [2] [3]. Le tableau 1 présente les diffé- (C3H4O2) sur V—Mo—O sont obtenus les acrylates pour des
rences principales entre catalyse homogène et hétérogène en
fibres et résines ;
oxydation ménagée.
– n-C4H10 + 3,5 O2 → C4H2O3 (anhydride maléique) + 4 H2O
Malgré la prédominance des procédés en phase gaz, des sur phosphates d’oxovanadium (pour résines thermodurcissa-
productions en grand tonnage sont obtenues en phase liquide bles, plastifiants, polyesters...).
lorsque les produits ont des caractéristiques précises [1] [2] [3] : Ammoxydation :
– lorsqu’ils peuvent être récupérés facilement : acide téréph- C3H6 + NH3 + 3/2 O2 → C2H3CN (acrylonitrile) + 3H2O sur
talique à partir de p-xylène, ou production d’autres acides molybdates de bismuth (pour caoutchouc, plastiques)
(acétique à partir de n-butane, cyclohexanone et cyclohexanol Couplage oxydant :
intermédiaires d’acide adipique, acides gras à partir d’alcanes,
etc.) ; 2 CH4 + nO2 → C2H6 + C2H4 + H2O + ..., sur catalyseurs
basiques, par exemple Li/MgO
– lorsqu’ils sont thermiquement instables : hydroperoxydes (par
exemple, cumène en hydroperoxyde de cumyle pour la production Oxychloration :
d’acétone et phénol) et acides carboxyliques (sauf les β-insaturés) ; C2H4 + 1/2O2 + 2HCl → ClCH2—CH2Cl + H2O sur CuCl2
– lorsqu’ils sont très réactifs à haute température : époxydes
(sauf époxyde d’éthylène), aldéhydes (sauf formaldéhyde), etc.
Le tableau 2 présente les principaux produits obtenus indus-
Des molécules plus lourdes peuvent être oxydées pour triellement ou non par oxydation ménagée d’hydrocarbures et
permettre ensuite leur fonctionnalisation : fluorène en fluorènone, autres molécules. La tendance actuelle est de remplacer les
anthracène en anthraquinone, p-méthyl-isopropylbenzène en hydrocarbures insaturés ou les aromatiques par des alcanes. Le
crésol, alcanes à longue chaîne en alcools secondaires, etc. succès de l’oxydation du n-butane en anhydride maléique a

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Tableau 2 – Principales réactions d’oxydation de catalyse hétérogène gaz-solide commerciales


ou étudiées actuellement
Y (4)
Type de réaction Réactif(s) (1) Produit(s) Nb d’e– (2) Catalyseur(s) (3) (5)
mol (%)
Couplage Éthane 2 NI
Méthane Li2O/MgO 25
oxydant + Éthylène 4
Éthane Éthylène 2 Pt, oxydes 60 NI
Propane Propène 2 Pt, oxydes 40 NI
Butènes 2 Molybdates NI
Oxydation n-Butane 38
Butadiène 4 métalliques
déshydrogé-
nante Éthyl-benzène Styrène 2 FeO, AlPO4 70 P
Méthanol Formaldéhyde 4 FeMoO 81 I
Acide Acide Phosphates de
2 75 NI
isobutyrique méthacrylique Fe, HPA (6)
Éthylène, Cl2 2 CuPdCl 90 I
Oxychloration Chlorure de vinyle
Éthane, Cl2 4 AgMnCoO 15 NI
Ti ou Fe
Benzène Phénol 2 97 I
zéolithes
Hydroxylation
CO + H2 2 Pt, Ni 90 R
Méthane
Formaldéhyde 4 MoSnPO 16 R
Éthylène Oxyde d’éthyl. 2 Ag/Al2O3 8 I
Acétaldéhyde, 2
V2O5 + PdCl2 50 I
acide acétique 4
Éthane Acide acétique 6 MoVNbO 10 P
Propène Acroléine 4 BiCoFeMoO 86 I
MoV(Nb, Te, NI
Propane Acide acrylique 6 8
Sb)O
Anhydride
n-Butane 14 (VO)2P2O7 70 I
maléique
Oxydation
ménagée i-Butène Méthacroléine 6 SnSbO 65 NI
Acide métha-
i-Butane 8 Oxydes, HPA(6) 11 R
crylique
Anhydride
o-Xylène 12 V2O5/TiO2 82 I
phtalique
Acroléine Acide acrylique 2 VMoWO 85 I
Acide
Méthacroléine 2 95 I
méthacrylique
Alcool
Méthacroléine 4 BiMoFeCo 88 I
t-Butylique
Propène, NH3 6 MoBiFeCoNiO 80 I
Ammoxydation Acrylonitrile
Propane, NH3 8 VSbO, MoVO 30 I
(1) Coréactif air ou oxygène.
(2) Nombre d’électrons engagés.
(3) Exemple de catalyseur.
(4) Rendement (yield ).
(5) NI = non (encore) industrialisé. I = Industrialisé , P = pilote ; R = recherche.
(6) HPA = hétéropolyacides/sels.

ouvert la voie aux oxydations de l’éthane en acide acétique atteint, faute de catalyseur suffisamment productif. Il en est de
(Sabic, 2006) et du propane en acide acrylique ou acrylonitrile même pour le couplage oxydant du méthane qui a été porteur de
(Asahi, 2011). Cependant, l’obtention d’acide acrylique par oxyda- grands espoirs pour faire des carburants. À l’heure actuelle,
tion de l’isobutane ou de l’acide isobutyrique, ou d’anhydride l’activation directe du méthane en méthanol, ou en formaldéhyde
phtalique par oxydation du n-pentane, n’est toujours pas écono- ou acide formique reste encore du domaine de la recherche uni-
miquement viable. Substituer le procédé endothermique équili- versitaire, et elle constitue un défi important pour l’avenir. La
bré de déshydrogénation des alcanes par leur oxydation seule voie industrielle d’activation du méthane reste le vaporéfor-
déshydrogénante qui est directe et exothermique serait intéres- mage en gaz de synthèse (n CO + m H2), transformable ensuite
sant mais le seuil de rentabilité économique n’a pas encore été par réaction Fischer-Tropsch.

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Procédés d’oxydation totale


Dépollution automobile
et traitements de l’air et de l’eau

par Daniel DUPREZ


Directeur de recherche CNRS
IC2MP Institut de chimie, des milieux et matériaux de Poitiers – Université de Poitiers

1. Définitions et symboles.......................................................................... J 1 216 - 2


2. Dépollution des gaz d’échappement automobile............................ — 3
2.1 Contexte........................................................................................................ — 3
2.2 Dépollution des moteurs à essence ........................................................... — 4
2.2.1 Pot catalytique « trois-voies » ............................................................ — 4
2.2.2 Principales réactions mises en jeu .................................................... — 4
2.2.3 Oxydation du monoxyde de carbone ................................................ — 5
2.2.4 Oxydation des alcanes........................................................................ — 6
2.2.5 Autres hydrocarbures et composés oxygénés ................................. — 8
2.2.6 Réduction des oxydes d’azote ........................................................... — 8
2.3 Dépollution des moteurs Diesel ou à essence pauvre .............................. — 10
2.3.1 Contexte............................................................................................... — 10
2.3.2 Élimination des oxydes d’azote des moteurs Diesel........................ — 10
2.4 Conclusions sur la dépollution des véhicules automobiles ..................... — 12
3. Dépollution de l’air et de l’eau en station fixe ................................ — 12
3.1 Dépollution de l’air par oxydation des composés organiques volatils
(COV) ............................................................................................................. — 13
3.1.1 Oxydation des hydrocarbures et des composés oxygénés............. — 13
3.1.2 Oxydation des composés chlorés...................................................... — 15
3.2 Dépollution de l’eau par oxydation des polluants organiques ................ — 17
3.2.1 Généralités sur le traitement de l’eau par voie catalytique ............. — 17
3.2.2 Différents procédés d’oxydation catalytique .................................... — 17
3.3 Conclusions sur les procédés catalytiques de dépollution de l’air
et de l’eau en station fixe ............................................................................ — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 216

L a catalyse d’oxydation occupe une place de choix dans les procédés de


dépollution. Elle permet de travailler dans des conditions plus douces de
température et de pression pour atteindre des niveaux élevés de conversion
des polluants.
Les pots catalytiques automobiles (ou convertisseurs) sont un exemple très
démonstratif de ce qu’il est possible de faire dans ce domaine. La mise en
œuvre de ces pots a tout d’abord été réalisée dans la ligne d’échappement des
moteurs à essence. Le procédé « trois-voies » permet sur un seul catalyseur
d’abaisser les teneurs des trois polluants majeurs (CO, HC, NOx) au-dessous
des teneurs fixées par les normes de l’Union Européenne. Ce procédé est
mature et les progrès attendus viendront de la durabilité des matériaux
employés dans le convertisseur, les constructeurs visant une longévité égale
ou supérieure à 240 000 km. La situation est très différente pour les moteurs
Parution : juin 2013

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PROCÉDÉS D’OXYDATION TOTALE _____________________________________________________________________________________________________

fonctionnant en mélange pauvre (c’est-à-dire en excès d’air) : moteur Diesel ou


moteur à essence « pauvre ». Le gaz d’échappement étant très oxydant, la
réduction des oxydes d’azote y est complexe et représente un défi pour la
chimie. Les solutions envisagées sont la réduction par l’ammoniac (issue de
l’hydrolyse de l’urée) ou des systèmes de pièges à NOx fonctionnant en régime
transitoire. Dans tous les cas, si on inclut le filtre à particules, pas moins de
trois pots en série sont nécessaires, ce qui rend la dépollution de ces moteurs
à la fois coûteuse et complexe. Les progrès attendus viendront de la compacité
de ces systèmes en cherchant à placer plusieurs catalyseurs dans le même pot
de façon à se rapprocher du système « idéal » rencontré dans les moteurs à
essence (un seul pot). En parallèle, les progrès sur la durabilité des matériaux
sont d’actualité puisque la même exigence existe pour ces systèmes implantés
dans l’échappement Diesel (240 000 km).
La catalyse d’oxydation est également présente dans les procédés de traite-
ment de l’air et de l’eau en station fixe. Néanmoins, les procédés catalytiques
ne sont pas aussi développés que dans le secteur automobile probablement
parce qu’il existe des procédés alternatifs plus simples et réputés moins coû-
teux. L’élimination des COV de l’air est certainement le procédé qui se prête le
mieux à un traitement catalytique. Les matériaux utilisés sont très semblables
à ceux que l’on rencontre dans les pots catalytiques avec une prédominance
des catalyseurs à base de métaux nobles (Pt, Pd). Les progrès attendus dans ce
domaine sont du même ordre qu’en catalyse automobile avec une durabilité
accrue des matériaux et surtout l’abaissement du coût du catalyseur en substi-
tuant les métaux nobles par des oxydes meilleur marché. Dans ce domaine, les
pérovskites de type LaMnO3 ou LaCoO3 (ou les combinaisons ternaires et qua-
ternaires des différents cations) occupent une place de choix. La catalyse est
encore peu présente dans les procédés d’oxydation des polluants de l’eau
(oxydation « voie humide » ou OVH). Les procédés classiques (adsorption, oxy-
dation biologique, oxydation chimique non catalysée, incinération...) sont
toujours très largement utilisés. Les procédés OVH catalysés sont actuellement
réservés au traitement d’effluents industriels à pollution bien ciblée. Une des
raisons à cet état de fait est la faible stabilité des catalyseurs en milieu aqueux.
Les progrès attendus viendront là également de l’amélioration de la tenue des
matériaux dans l’eau lors des traitements.
Comme il est d’usage dans ce milieu professionnel, les pourcentages ou teneurs
de composé indiqués dans ce texte, sont sauf précision contraire, massiques.

1. Définitions et symboles COV-NM (COV non méthanique) : c’est l’ensemble des COV
hors méthane.
DBO (demande biologique en oxygène) : caractérise la bio-
dégradabilité des polluants dans l’eau.
Catalyseur « trois-voies » : catalyseur fonctionnant à la
stœchiométrie et assurant simultanément l’oxydation de CO et DCO (demande chimique en oxygène) : mesure la quantité
des HC et la réduction des NOx . Il équipe les véhicules à d’oxygène nécessaire pour oxyder totalement les polluants
essence. dans l’eau.
Cérine : oxyde de cérium CeO2 largement utilisé dans les Enduit ou wash-coat : couche d’oxyde que l’on dépose sur
catalyseurs automobiles pour stocker l’oxygène grâce aux les parois du monolithe. L’enduit supporte lui-même les
propriétés redox du couple Ce4+/Ce3+. Cette propriété permet métaux précieux.
au catalyseur de continuer à travailler pendant les phases
riches (déficitaire en O2). GC-MS : méthode d’analyse des effluents couplant la chro-
COT (carbone organique total) : mesure la quantité de carbone matographie en phase gazeuse (GC) et la spectrométrie de
inclus dans l’ensemble des polluants organiques d’une eau. masse (MS), voir un exemple sur la figure 13. La même tech-
nique existe avec la chromatographie liquide (LC-MS). La
COV (composé organique volatil) : en droit français, le mot spectrométrie de masse apporte sa haute résolution pour
COV s’applique à tout composé organique de pression de l’identification des composés éluant dans chaque pic chroma-
vapeur supérieure à 10 Pa à 20 oC et à la pression atmosphé- tographique.
rique. La notion de toxicité n’est pas incluse dans la définition
des COV. HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique).

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d’échappements : étaient visés le monoxyde de carbone CO et les


HC : hydrocarbures imbrûlés à l’échappement automobile. hydrocarbures imbrûlés HC. Une norme sur les rejets d’oxydes
Cette dénomination comprend également les composés orga- d’azote NO + NO2 (NOx) puis sur les particules de suies est venue
niques oxygénés. compléter l’arsenal réglementaire. Les travaux menés en un temps
K : Constante d’équilibre d’adsorption (équation de record (quelques années) aboutirent à la mise en œuvre des pots
Langmuir et cinétique des réactions, équations (14) à (16). catalytiques. Au début, le catalyseur était sous forme de billes puis
k : constante de vitesse. très vite vinrent les pots sous forme de monolithes en nid d’abeille,
abaissant de façon substantielle la perte de charge dans le
Monolithe : matériau multicanaux supportant le catalyseur. convertisseur, et donc la surconsommation de carburant. L’Australie
Il peut être en cordiérite (silico-aluminate de magnésium), en et le Japon suivirent très vite l’exemple américain. En Europe, les
métal ou en carbure de silicium SiC pour certaines appli- premières réglementations communautaires datent de 1989. En
cations. 1993, tous les véhicules neufs devaient être équipés. La réglemen-
Moteur pauvre : moteur fonctionnant en excès d’air. C’est le tation est revue environ tous les 5 ans en se sévérisant (site web de
cas du moteur Diesel. Le moteur à essence fonctionne norma- l’AECC). En 2014, tous les véhicules neufs devront être conformes à
lement à la stœchiométrie (rapport massique air/carburant de la norme Euro 6. L’évolution de cette réglementation depuis 2000
14,7). Certains moteurs à essence sont dits « pauvre » car ils pour les véhicules à essence est rappelée dans le tableau 1. Pour les
sont volontairement réglés pour travailler en excès d’air. véhicules Diesel, les normes portent sur le CO, les NOx , la somme
NOx : oxydes d’azote soumis à réglementation. Il s’agit de HC + NOx et les particules. Les normes sont maintenant très proches
NO et de NO2. Le protoxyde d’azote N2O est un gaz à effet de de celles des véhicules à essence, ce qui complique la tâche des
serre mais il n’est pas toxique, donc non soumis à réglemen- constructeurs, les moteurs Diesel émettant plus de particules que
tation. les moteurs à essence et fonctionnant en régime très excédentaire
en oxygène peu propice à la réduction des NOx (voir encadré pour
OVH (oxydation voie humide) ou WAO (Wet Air Oxidation ) terminologie).
désigne l’ensemble des procédés d’oxydation des polluants
organiques de l’eau par l’oxygène de l’air, voir le tableau 10 Même si les normes sur les moteurs à essence et les moteurs
pour les terminologies spécifiques avec d’autres oxydants fonctionnant en régime pauvre (Diesel, moteur à essence pauvre)
(H2O2 ou ozone). sont désormais très proches, les technologies de dépollution
OVHC : procédé d’OVH catalysé. demeurent extrêmement différentes et certainement plus
complexes pour les moteurs Diesel. Nous commençons donc à
P : pression des réactifs.
décrire les technologies « essence » plus matures avant d’exami-
PCB (polychlorobenzène). ner le cas du Diesel.
PCDD (polychlorodibenzodioxines) ou simplement
« dioxines ».
PCDF (polychlorodibenzofuranes) ou simplement « furanes ». Terminologie de la combustion moteur
Pérovskite : classe d’oxyde de formule générale ABO3 , uti-
lisé en catalyse en substitution des métaux nobles. Les princi- Il faut en principe 14,7 kg d’air pour obtenir la combustion
paux représentants de cette classe sont LaMnO3 et LaCoO3 complète de 1 kg de carburant (moyen). Si ce rapport est
(voir § 3.1.1). respecté, on dit que le moteur fonctionne à la stœchiométrie.
Réaction de déplacement du gaz à l’eau (Water Gas Shift) : Le rapport λ mesure l’écart à cette stœchiométrie. Il est égal
réaction entre CO et l’eau produisant du CO2 et de au rapport massique (air/carburant) réel divisé par 14,7 :
l’hydrogène. La réaction est exothermique [équation (7)]. – si λ > 1 le mélange est dit « pauvre » en carburant
SCR (réduction catalytique sélective ou Selective Catalytic c’est-à-dire excédentaire en oxygène ;
Reduction) : désigne les procédés de réduction sélective des – si λ < 1 le mélange est dit « riche » en carburant
NOx . Le mot sélectif signifie que le réducteur réagit sélecti- c’est-à-dire déficitaire en oxygène.
vement avec les NOx et non avec O2 . Le réducteur peut être Les moteurs à essence conventionnels fonctionnent à la
un hydrocarbure (HC-SCR) ou l’ammoniaque (NH3-SCR). stœchiométrie avec une régulation d’injection par sonde
TOF (fréquence de rotation ou Turnover Frequency ) : acti- lambda. Les moteurs Diesel fonctionnent en mélange pauvre
vité d’un catalyseur rapportée à l’unité de site actif (par et émettent de ce fait à l’échappement un gaz très oxydant.
exemple pour un catalyseur métallique, mole de réactif trans-
formé par mole d’atomes de métal accessible par seconde, ou
simplement seconde–1).
Vaporeformage : réaction entre un hydrocarbure et de l’eau Tableau 1 – Réglementation européenne
produisant des oxydes de carbone et de l’hydrogène. Cette en matière d’émissions automobiles
réaction peut se produire lorsque le gaz est réducteur (défaut pour les véhicules à essence légers
d’oxygène). Elle est endothermique. (en g/km)
Euro 3 Euro 4 Euro 5 Euro 6
Polluant
2000 2005 2009 2014
2. Dépollution des gaz CO 2,3 1,0 1,0 1,0
d’échappement automobile HC 0,2 0,1 0,1 0,1

NOx 0,15 0,08 0,06 0,06


2.1 Contexte
Particules – – 0,005 0,005 (1)
À la fin des années 1960, devant l’ampleur de la pollution auto-
mobile, l’État de Californie suivi par le gouvernement fédéral des (1) Cette norme en g/km se double d’une norme en nombre de particules :
États-Unis imposa une législation en matière de rejet des gaz 6,0 × 1011 par km.

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2.2 Dépollution des moteurs à essence 2.2.2 Principales réactions mises en jeu
Les émissions des moteurs à essence à allumage commandé Il s’agit tout d’abord des réactions d’oxydation de CO
contiennent des polluants à éliminer (CO : 0,5 à 1 %, NO : 0,03 à [réaction (1)] et des hydrocarbures [réaction (2) écrite dans le cas
0,1 %, hydrocarbures et autres composés organiques : 0,2 à 0,7 % du propane] et des réactions de réduction des oxydes d’azote par
équivalent C1) dilués dans un gaz de fond composé d’azote (70 à le CO ou l’hydrogène [réactions (3) et (4)]. Dans ce qui suit, les
75 %), d’oxygène (0,2 à 2 %), d’hydrogène (0,1 à 0,4 %) et de quan- enthalpies de réaction sont calculées pour des réactifs et produits
tités importantes de dioxyde de carbone (11 à 13 %) et de vapeur gazeux.
d’eau (10 à 12 %). Il convient de noter qu’il s’agit de compositions CO + 1 O 2 → CO 2 ∆H 298
0 = − 283 kJ ⋅ mol−1 (1)
2
volumiques et que les fourchettes indiquées pour les polluants
peuvent, dans certains cas, être beaucoup plus larges. Ce mélange
gazeux, soumis à l’action d’un catalyseur métallique à haute tem- C 3H8 + 5 O 2 → 3CO 2 + 4H2O 0 = − 2 044 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (2)
pérature (généralement 400 à 500 oC, mais celle-ci est susceptible
de fluctuer dans de larges proportions), subit un grand nombre de Nous verrons que les métaux nobles sont tous efficaces dans
réactions au cours desquelles les polluants sont éliminés [2] [3]. l’élimination de CO alors que Pt et Pd sont les plus actifs en oxy-
Après une présentation succincte de la solution technique (cataly- dation des hydrocarbures (surtout des alcanes légers).
seur trois-voies), nous examinons les propriétés intrinsèques des
métaux utilisés (Pt, Rh, Pd), ainsi que la cinétique et le mécanisme NO + CO → 1
2 N2 + CO 2 0 = − 374 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (3)
des principales réactions mises en jeu.
NO + H2 → 1
2 N2 + H2O 0 = − 332 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (4)
2.2.1 Pot catalytique « trois-voies »
Des réactions parasites peuvent avoir lieu comme la formation
Le pot catalytique (ou convertisseur catalytique) est inséré dans de N2O [réduction incomplète, réaction (5)] ou de NH3 [réduction
la ligne d’échappement entre le moteur et le silencieux. Le cata- profonde, réaction (6)]. Le rhodium qui combine une bonne activité
lyseur est constitué d’un ou deux pains de monolithes en et une bonne sélectivité en N2 est le composant-clé des
céramique : la cordiérite (silico-aluminate de magnésium) pouvant catalyseurs dans l’élimination des NOx.
résister jusqu’à 1 350 oC environ. Le monolithe est alvéolé, en
forme de « nid d’abeille » avec 50 à 200 canaux par cm2. La paroi
NO + 1
2 CO → 1
2 N2O + 1
2 CO 2 0 = − 191 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (5)
de ces canaux (épaisseur moyenne 0,1 à 0,2 mm) est d’abord
enduite d’un oxyde poreux de haute surface (100 m2/g) constitué
d’alumine stabilisée (par Ba, La...), contenant en outre un oxyde de NO + 5 2 H2 → NH3 + H2 O 0 = − 378 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (6)
terre rare (à base de cérine CeO2) capable de stocker des quantités
importantes d’oxygène. Enfin, on dépose à la surface de la couche Lors des passages en milieu riche (déficitaire en oxygène), la
d’enduction la phase active constituée de métaux nobles (Pt, Rh, vapeur d’eau présente en abondance dans le gaz peut prendre le
Pd) très finement divisés (nanoparticules de 1 à 2 nm dans le cata- relais de l’oxygène pour la conversion du CO [réaction (7) de
lyseur neuf, de 20 à 40 nm dans le catalyseur usé). La figure 1 conversion du gaz à l’eau] ou des HC [réaction (8) de vapore-
représente le schéma en coupe d’un des canaux du monolithe. formage, écrite avec le propane] :

CO + H2 O → CO 2 + H2 0 = − 42 kJ ⋅ mol−1
∆H 298 (7)
Le catalyseur est dit « trois-voies » car il doit assurer à la fois
les oxydations de CO et des HC ainsi que la réduction des NOx.
C 3H8 + 6H2 O → 3CO 2 + 10H2 ∆H 298
0 = + 374 kJ ⋅ mol−1 (8)

Les réactions (1) à (7) sont exothermiques. Elles sont favorisées à


Pour mener à bien ces réactions, il faut une régulation électroni-
basse température. Néanmoins, les conversions à l’équilibre des
que de l’injection (l’antique carburateur est rangé aux
réactions (1) à (6) restent très proches de 100 % dans une large
accessoires !) car les gaz d’échappements doivent être toujours
gamme de température (ambiante-1 000 oC au moins) : pour ces réac-
très près de la stœchiométrie. Cette fonction est assurée par une
tions, il n’y a pas de limitation thermodynamique. En revanche, la
sonde à oxygène dite sonde lambda qui mesure en permanence la
réaction (7) de déplacement du gaz à l’eau est équilibrée avec une
stœchiométrie et agit, au moyen d’un calculateur, sur le rapport
conversion à l’équilibre qui décroît dans le domaine allant de
massique air/essence à l’injection.
l’ambiante à 1 000 oC. La réaction (8) de vaporeformage est
endothermique : elle est donc favorisée à haute température. La
conversion à l’équilibre ne devient notable qu’au-delà de 200 à 250 oC.
Cordiérite Les réactions (1) à (8) ont toutes été étudiées dans des
conditions proches de celles des convertisseurs catalytiques avec
des mélanges complexes de gaz. À la place du rapport λ (voir
Enduit
encadré Terminologie de la combustion moteur ), on utilise de
CeO2-AI2O3
préférence le facteur de Schlatter S qui ne prend en compte que
les gaz oxydants et réducteurs [4] :
Sens du flux
2O 2 + NO + 2NO 2
S= (9)
CO + H2 + 3n Cn H2n + (3n + 1) Cn H2n +1

Le facteur S est le rapport entre le nombre d’atomes d’oxygène


Particules de disponibles dans les oxydants (numérateur) et le nombre d’atomes
métaux nobles
d’oxygène nécessaires pour l’oxydation totale du réducteur (déno-
Pt, Rh, Pd
minateur). L’équation (9) est écrite pour quatre types de réducteurs :
CO, H2 , alcanes et alcènes. Elle peut être adaptée à d’autres formes
Figure 1 – Schéma en coupe d’un canal de monolithe. Les échelles
ne sont pas respectées, la taille des particules de métaux étant d’HC (aromatiques, oxygénés...). Contrairement au rapport λ qui
de l’ordre de quelques nm. varie dans une plage très étroite (1 ± 0,01), le facteur S, qui ne prend

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pas en compte les gaz neutres, peut varier dans de larges propor- 2.2.3.1 Activités des métaux (Pt, Pd, Rh)
tions (de 0,1 à 5).
Une étude systématique a été réalisée par Yu Yao en 1984 [7]
[55]. Cette étude sert de référence et les nombreux travaux
Pour comparer les métaux, nous prenons en compte les exécutés depuis ont confirmé dans l’ensemble les résultats de Yu
fréquences de rotations plutôt que les activités par gramme de Yao tout en affinant les mécanismes grâce à des techniques de
catalyseur. La fréquence de rotation représente le nombre de caractérisation in situ et operando de plus en plus sophistiquées.
molécules ayant réagi par atome de métal de surface et par La figure 2 montre la variation des fréquences de rotation (TOF
seconde. Comme les nombres de molécules et d’atomes Turnover Frequency) en fonction de la dispersion du métal. Les
représentent tous les deux des grandeurs molaires, la valeurs de vitesses obtenues par Yu Yao ont été ramenées à la
fréquence de rotation peut s’exprimer simplement en s–1. température de 250 oC (en utilisant les énergies d’activation repor-
tées par l’auteur) pour permettre les comparaisons directes.
C’est une donnée essentielle en catalyse dans la mesure où La réaction n’est pas extrêmement sensible à la nature du
seuls les atomes de surface interviennent en réaction. Au métal : avec des TOF compris entre 0,1 et 10 s–1, l’oxydation de CO
contraire, les activités par gramme sont des données pratiques (on est rapide sur tous les métaux. La réaction est légèrement sensible
pèse facilement une certaine masse de catalyseur mais pas les à la taille de particule surtout sur Rh. Ce métal apparaît comme le
atomes de surface !) qui dépendent de nombreux facteurs : la plus actif, ce qui n’est pas forcément vérifié en conditions réelles.
charge en métaux des catalyseurs, leur dispersion... (voir encadré En effet, le rhodium est beaucoup plus sensible que le platine à la
Structure des catalyseurs métalliques). présence d’autres gaz. En présence de NO et d’hydrocarbures,
l’activité en oxydation de CO diminue de sorte que le rhodium est
alors moins actif que le platine.
Structure des catalyseurs métalliques

Les catalyseurs métalliques sont généralement définis par La cérine a un effet promoteur sur la réaction, d’autant plus
leur charge en métal (xm (%) exprimée en gramme de métal important que l’on se rapproche de la stœchiométrie (S = 1).
pour 100 g de catalyseur) et par leur dispersion D (%). La dis- En milieu réducteur, la réaction est fortement ralentie sur tous
persion d’un catalyseur métallique est définie par le rapport les métaux déposés sur alumine alors qu’elle a lieu avec une
entre le nombre d’atomes en surface (donc accessible aux vitesse non négligeable quand le support contient de la cérine.
réactifs) NS et le nombre d’atomes totaux NT . On démontre C’est un effet remarquable du stockage d’oxygène sur cérine.
que la taille moyenne de particule d n’est fonction que de la
dispersion selon une relation inverse du type :
d (nm) = α /D (%)
TOF (s–1) à 250 oC

Pour la plupart des métaux α est compris entre 70 et 90.


Pour une dispersion de 100 %, la taille moyenne est donc
comprise entre 0,7 et 0,9 nm. Elle serait de 7 à 9 nm pour une
dispersion de 10 %, etc. Un point essentiel concerne la struc- 10 Rh
ture de ces particules qui, sauf cas exceptionnel, ne sont pas
« plates ». Elles ont généralement une forme de cubo-octaèdre
plus ou moins régulier, ce qui fait qu’elles sont constituées de
faces (100), (110), (111) et d’atomes de coins et d’arêtes à la
jonction de ces faces. Ces atomes ayant des environnements Pd
différents (coordinence variable, géométrie locale variable...),
ils ont généralement des réactivités propres différentes. Lors- 1
que la taille de particules diminue, la proportion d’atomes de
faible coordinence (coins, arêtes, défauts locaux) augmente.
De ce fait, la fréquence de rotation varie (elle peut augmenter
ou diminuer selon le type de réaction) : on dit que la réaction Pt
est sensible à la structure du catalyseur. On verra que c’est le
cas général en catalyse d’oxydation. Pour certaines réactions
au contraire, l’activité propre de chaque atome varie peu en
0,1
fonction de son état électronique. La fréquence de rotation est
alors quasi-indépendante de la taille de particules. On dit que
la réaction est insensible à la structure du catalyseur. C’est le
cas de certaines réactions d’hydrogénation.

2.2.3 Oxydation du monoxyde de carbone 0,01


La réaction d’oxydation du monoxyde de carbone peut être cata- 0,5 6 7 16 57 65 87 D (%)
lysée par les métaux présents dans les pots catalytiques. Pour
Les catalyseurs sont supportés sur alumine.
cette réaction, de nombreux autres catalyseurs pourraient être uti-
La réaction est effectuée en excès d’oxygène (0,5 % CO + 0,5 % O2
lisés, notamment à base d’oxydes mixtes (pérovskites, hexa-
soit S = 2).
aluminates, spinelles...) [5]. Parmi ces oxydes, ceux à base de L’échelle en abscisse n’est pas linéaire et correspond aux valeurs de
cobalt, de cuivre et de manganèse sont les plus actifs. Plus dispersion réelles.
récemment, les catalyseurs à base d’or ont montré leur efficacité à Pour la dispersion de 0,5 %, les vitesses ont été mesurées sur film
basse température pourvu que l’or soit déposé sur le support en métallique.
très petites particules (1 à 5 nm) [6]. Nous examinons ici l’activité
des trois métaux, Pd, Pt, Rh présents dans les pots catalytiques et Figure 2 – Fréquences de rotation de la réaction d’oxydation de CO
le mécanisme de réaction. sur Pt, Pd et Rh

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Catalyse bifonctionnelle redox-acide


Applications en raffinage du pétrole
et pétrochimie
par Michel GUISNET
Professeur des Universités
Catalyse en chimie organique, Poitiers, France
Center for Biological and Chemical Engineering, Lisbonne, Portugal

1. Catalyse bifonctionnelle redox-acide .............................................. J 1 217 - 2


1.1 Catalyseurs et catalyse bifonctionnels.................................................... — 3
1.2 Schéma d’un processus catalytique bifonctionnel ................................ — 5
2. Paramètres déterminant la catalyse bifonctionnelle.................. — 6
2.1 Caractéristiques des fonctions métalliques (M) et acide (A)................. — 6
2.2 Caractéristiques du chemin de diffusion des intermédiaires
oléfiniques ................................................................................................. — 7
3. Effet des caractéristiques physico-chimiques des catalyseurs
bifonctionnels ........................................................................................ — 7
3.1 Influence de la « balance » entre fonctions hydrogénante et acide ..... — 7
3.2 Influence de l’intimité entre sites hydrogénants et sites acides ........... — 9
3.3 Influence de la structure poreuse de la zéolithe..................................... — 10
3.4 Catalyse bifonctionnelle idéale................................................................ — 10
4. Procédés du raffinage du pétrole et de la pétrochimie ............. — 11
4.1 Hydroisomérisation des alcanes C5-C6 — 11
4.2 Reformage catalytique ............................................................................. — 12
4.3 Hydrocraquage.......................................................................................... — 15
4.4 Déparaffinage catalytique des distillats moyens et huiles .................... — 17
4.5 Isomérisation de la coupe C8 aromatique (éthylbenzène et xylènes) — 18
5. Conclusion .............................................................................................. — 21
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. J 1 217
Parution : janvier 2015 - Dernière validation : septembre 2020

ar définition, un processus catalytique bifonctionnel fait intervenir deux


P types de fonctions (ou de sites) du catalyseur, cette intervention pouvant
être concertée (par exemple catalyse acido-basique) ou consécutive (par
exemple catalyse redox-acide). Seule la catalyse redox-acide est impliquée
dans les transformations des hydrocarbures paraffiniques, naphténiques et
aromatiques des coupes pétrolières. La mise en évidence sur les catalyseurs
de reformage, d’une synergie entre leurs fonctions hydrodéshydrogénante et
acide date des années 1950, un schéma réactionnel ayant été proposé peu de
temps après pour expliquer son origine. Ce schéma comporte de multiples
étapes successives :
– de catalyse sur les sites hydrodéshydrogénants (formation d’espèces
intermédiaires insaturées très réactives) et acides (réarrangement, craquage,
cyclisation, etc. de ces espèces) ;
– de transport des molécules de réactifs, produits et intermédiaires
réactionnels.
Bien que complexe, cette transformation bifonctionnelle se produit très rapi-
dement et en une seule étape apparente : les intermédiaires insaturés,
thermodynamiquement très défavorisés, n’apparaissent en effet que sous
forme de traces dans les produits finaux.

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CATALYSE BIFONCTIONNELLE REDOX-ACIDE _____________________________________________________________________________________________

Si certaines transformations mises en œuvre industriellement par catalyse


bifonctionnelle redox-acide peuvent aussi se produire par catalyse monofonc-
tionnelle acide (ou redox), opérer par catalyse bifonctionnelle est souvent
économiquement préférable. C’est ce que montre la comparaison des pro-
cédés d’hydrocraquage (bifonctionnel) et de craquage acide (FCC, Fluid
Catalytic Cracking) de charges lourdes (Teb > 350 oC) :
– la transformation de ces charges est mise en œuvre à plus basse
température : 380 à 420 oC en hydrocraquage, 480 à 580 oC en FCC ;
– cette transformation est aisément orientée vers des produits plus
valorisables : bases huile, carburant diesel au lieu d’essence, et la sélectivité en
produits désirés est plus grande ;
– les unités d’hydrocraquage opérant sous pression d’hydrogène, la désac-
tivation des catalyseurs par dépôt de coke est beaucoup plus lente : les
catalyseurs d’hydrocraquage sont régénérés après plusieurs années de
fonctionnement (1 à 3 ans), ceux de FCC doivent l’être après quelques secondes.
L’intérêt supplémentaire de la catalyse bifonctionnelle est celui de rendre
possible la transformation de composés réfractaires en catalyse monofonction-
nelle acide. Ainsi, les catalyseurs de craquage catalytique (FCC) sont
incapables de transformer les hydrocarbures polyaromatiques des charges
lourdes, ce que permettent les catalyseurs bifonctionnels d’hydrocraquage.
C’est aussi le cas pour l’isomérisation du composant éthylbenzène des coupes
C8 aromatiques, uniquement réalisable par catalyse bifonctionnelle.
Ces atouts ont permis aux catalyseurs bifonctionnels de prendre une place
prépondérante dans les procédés de conversion du raffinage du pétrole et de la
pétrochimie. Lorsque la charge contient peu ou pas de poisons des sites hydro-
génants (reformage des essences, hydroisomérisation des alcanes légers,
déparaffinage de distillats moyens et huiles, transformation de la coupe C8 aro-
matique), le platine est choisi en raison de sa très grande activité pour catalyser,
seul ou associé à d’autres métaux, les étapes d’hydrogénation et de déshydrogé-
nation. Dans le cas contraire (par exemple, l’hydrocraquage), le platine trop
sensible aux poisons de la charge est remplacé par le palladium ou plus généra-
lement par des sulfures mixtes de nickel et de molybdène ou tungstène, moins
actifs, mais beaucoup plus résistants à l’empoisonnement. Ces composants
hydro-déshydrogénant (Pt, Pd, NiMoS, NiWS) sont généralement supportés
sous forme dispersée sur un solide (alumine chlorée, zéolithe protonique…) pré-
sentant des sites acides protoniques forts, capables de catalyser efficacement
les transformations souhaitées des intermédiaires alcènes. Toutefois, des sup-
ports acides moins forts sont parfois choisis, tels qu’une alumine peu chlorée en
reformage des essences qui, pour des raisons d’équilibre thermodynamique,
doit être opéré à température très élevée ou une silice alumine en hydrocra-
quage pour limiter les coupures secondaires de liaisons C—C.
Dans cet article sont décrites les caractéristiques de la catalyse bifonction-
nelle redox-acide et son application aux procédés essentiels du raffinage du
pétrole et de la pétrochimie, l’accent étant mis sur les réactions (mécanismes
et cinétique), les catalyseurs et la mise en œuvre des procédés.

Comme il est d’usage dans la profession, les compositions sont sauf précision contraire
massiques.

1. Catalyse bifonctionnelle catalyseurs bifonctionnels très particuliers sont examinés ici. Par
ailleurs, de nombreuses zéolithes acides étant choisies comme
redox-acide composants acides des catalyseurs bifonctionnels industriels, les
structures poreuses des principales zéolithes sont présentées dans
le tableau 2 .
La catalyse bifonctionnelle redox-acide joue un rôle essentiel en
raffinage du pétrole et en pétrochimie [1] [2] [3]. Les principaux
procédés de conversion auxquels elle participe sont présentés
dans le tableau 1, les charges traitées, les produits désirés, les Le lecteur peut trouver des informations complémentaires
sur le site de l’Association internationale des zéolithes
catalyseurs utilisés étant précisés. Tous ces procédés, à l’exception
du dernier qui traite de l’aromatisation des alcanes légers sur des (http://www.iza-structure.org)

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_____________________________________________________________________________________________ CATALYSE BIFONCTIONNELLE REDOX-ACIDE

Tableau 1 – Raffinage et pétrochimie : procédés utilisant des catalyseurs bifonctionnels redox-acide


Produits désirés
Procédés Charges Catalyseurs Catalyse
(objectif )
n-C4 i –C4 (→ alkylation) Pt/γ-Al2O3 très chlorée Acide
Hydroisomérisation
des n-alcanes C4-C6 i– C5 , i –C6 (→ essence Pt/γ-Al2O3 très chlorée Acide
n-C5-n-C6
RON élevé) Pt/HMOR Bifonctionnelle
Coupe naphta C6-C10 : Bifonctionnelle
Essence RON élevé
– P (25 à 65 %) Pt ou PtM/γ-Al2O3 chlorée (déshydrocyclisation)
Reformage ou base pour
– N (20 à 25 %) avec M = Re, Sn, Ge, Ir Métallique
BTX + Hydrogène
– A (< 15 %) (déhydrogénation)
Distillat sous vide :
Distillats moyens
Hydrocraquage DSV (350 à 550 oC) – NiWS/, NiMoS/ ou Pt,Pd/
(kérosène, gasoil, base Bifonctionnelle
(gazole léger) Gazole léger de FCC, – Al2O3 , SiO2 Al2O3 ou HFAU
pour huiles), ou essence
DSV + huile désalphatée
Pt/H zéolithe : Bifonctionnelle
Kérosène
Déparaffinage Gasoil Bonne tenue à froid – Pt/HMFI – hydrocraquage
Huile
– Pt/SAPO11, Pt/HFER, Pt/HBEA – hydroisomérisation
Isomérisation de X et EB Pt/HMOR, Pt/HEUO
Isomérisation de la coupe X : 50 à 80 % Bifonctionnelle (EB)
C8 aromatique + EB : 20 à 50% Isomérisation de X Acide (X)
Pt/HMFI
et désalkylation de EB
Aromatisation
Alcanes C3 , C4 BTX Ga/HMFI Bifonctionnelle
des alcanes légers
P, N, A, B, T, X, EB : paraffines, naphtènes, aromatiques, benzène, toluène, xylènes, éthylbenzène.
L’aromatisation qui utilise un catalyseur très particulier sera décrit dans un deuxième article sur la catalyse bifonctionnelle et ses applications à la valorisation
des alcanes C1-C4 et à la chimie fine.

Catalyseurs bifonctionnels Mode de craquage


A+, M+ Hydrocraquage

A–, M+ Hydrogénolyse
A+, M– Craquage acide

A–, M– Craquage thermique

Le symbole + signifie que les sites sont nombreux et (ou) très actifs, le symbole – qu’ils sont peu nombreux et (ou) peu actifs.

Figure 1 – Relation entre les propriétés des sites acides (A) et des sites métalliques (M) de catalyseurs bifonctionnels et le mode de craquage
des alcanes [4]

1.1 Catalyseurs et catalyse – avec intervention des seuls sites acides (craquage par catalyse
acide) ;
bifonctionnels – avec intervention des seuls sites métalliques (hydrogénolyse
par catalyse métallique) ;
Si d’évidence, tous les processus de catalyse bifonctionnelle – sans qu’aucun site du catalyseur n’intervienne (craquage
redox-acide exigent l’utilisation de catalyseurs bifonctionnels, la thermique) [4].
mise en œuvre d’un catalyseur bifonctionnel n’implique pas néces-
Le deuxième cas est également observé en isomérisation sque-
sairement que la réaction désirée se produise par catalyse bifonc-
lettale d’alcanes légers C5-C6 sur Pt/alumine fortement chlorée
tionnelle.
(donc fortement acide) à 120-150 oC sous faible pression d’hydro-
Pour une même réaction (par exemple, craquage), les caractéris- gène. Si sur ce catalyseur bifonctionnel, l’isomérisation se produit
tiques respectives des sites acides et des sites métalliques des uniquement par catalyse acide, le platine joue cependant un rôle
catalyseurs bifonctionnels (et les conditions opératoires) détermi- important : l’hydrogène qu’il active limite la formation de produits
nent le schéma réactionnel (figure 1) [4] : de condensation responsables de la désactivation des sites acides.
Le platine catalyse la formation d’HCl à partir de l’agent chloré
– avec intervention successive des deux types de sites (hydro- introduit en continu, maintenant ainsi la « superacidité » proto-
craquage par catalyse bifonctionnelle) ; nique du catalyseur [5].

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CATALYSE BIFONCTIONNELLE REDOX-ACIDE _____________________________________________________________________________________________

Tableau 2 – Structure poreuse des zéolithes utilisées comme composants acides des principaux
catalyseurs bifonctionnels du raffinage du pétrole et de la pétrochimie
Charpente
Zéolithe Structure Système microporeux Procédé
(matériau type)

<100>12 6,6 × 67**


BEA (Beta) Déparaffinage
↔[001]12 5,6 × 5,6*

Zéolithes
à
larges pores <111> 12 7,4 × 7,4***
FAU (Faujasite) Hydrocraquage
Supercages 13 Å Ø

Isomérisation des C8
[001] 12 6,5 × 7,0* ↔
aromatiques,
MOR (Mordenite) {[010] 8 3,4 × 4,8
hydroisomérisation
↔ [001] 8 2,6 × 5,7}*
des alcanes légers

AEL
[001] 10 4,0 × 6,5* Déparaffinage (SAPO-11)
(AlPO-11)

EUO [100] 10 4,1 × 5,4* Isomérisation des C8


(EU-1) Larges poches latérales aromatiques

Zéolithes à taille
de pores intermédiaires
MFI
(ZSM-5)
{[100] 10 5,1 × 5,5 ↔
Déparaffinage
[010] 10 5,3 × 5,6}***

TON
(Theta-1)

[001] 10 4,6 × 5,7* Déparaffinage

Dans la description de leur système microporeux (colonne 3), chaque système de canaux équivalents est caracterisé par :
– la direction des canaux ;
– le nombre des atomes T : Al et Si (indiqué en gras) des ouvertures de canaux ;
– les diamètres cristallographiques libres des canaux (en Å).
– la dimensionnalité du système : 1, 2 ou 3 astérisques pour mono, bi ou tridimensionnel.

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_____________________________________________________________________________________________ CATALYSE BIFONCTIONNELLE REDOX-ACIDE

Il convient de souligner que la plupart des procédés du raffinage tionnel Pt/H zéolithe sont présentées figure 2. Bien que cette réac-
traitent des charges complexes, nécessitant de multiples réactions, tion semble se produire en une étape apparente unique (seules
certaines exigeant une catalyse bifonctionnelle redox-acide, des traces des alcènes intermédiaires sont détectées), elle requiert
d’autres ne nécessitant qu’une catalyse monofonctionnelle acide 7 étapes successives :
ou métallique. Ainsi, les principaux composants des charges de – 3 étapes chimiques, deux d’entre elles catalysées par les sites
reformage des essences, ayant de 6 à 10 atomes de carbone, vont : métalliques (étapes 2 et 6), une par les sites acides protoniques
– pour les alcanes s’isomériser ou se déshydrocycliser par cata- (étape 4) ;
lyse bifonctionnelle ; – 4 étapes physiques, c’est-à-dire diffusion des molécules de
– pour les naphtènes se déshydrogéner en aromatiques par cata- n-C6 de la phase gaz vers les sites de Pt (étape 1), diffusion des
lyse métallique ;
n-hexènes (n -C6= ) des sites métalliques aux sites acides de la
ce qui répond dans les deux cas à l’objectif souhaité d’augmen-
zéolithe (étape 3), des méthylpentènes (MP=) des sites acides aux
tation de l’indice d’octane [6] [7] [8]. Des réactions secondaires
sites métalliques (étape 5) et des molécules de MP des sites métal-
sont également observées : hydrocraquage et formation de coke
liques à la phase gaz.
par catalyse bifonctionnelle, hydrogénolyse d’alcanes, naphtènes
et alkyl aromatiques par catalyse monofonctionnelle sur des Remarquons que si les étapes 3 et 5 se produisent au sein des
ensembles de sites métalliques contigus [9]. micropores de la zéolithe, les étapes 1 et 7 se produisent soit uni-
quement en phase gaz si le platine est localisé sur la surface des
cristallites de zéolithe, soit en phase gaz et dans les micropores si
1.2 Schéma d’un processus catalytique il est localisé à l’intérieur des cristallites. Les arguments en faveur
de ce schéma réactionnel tirés des références [9] [10] [11] [12] sont
bifonctionnel résumés dans le tableau 3, les principaux étant illustrés dans les
figures 3 [53].
Les diverses étapes impliquées dans l’isomérisation du
n-hexane (n-C6) en méthyl pentanes (MP) sur un catalyseur bifonc-

Phase gaz Sites Pt Micropores Site H+ Micropores Sites Pt Phase gaz

1 7
n – C6 n – C6 i – C6 i – C6
Diffusion Diffusion
+ H2 6
– H2 2

3 4 5
n – C 6= n – C 6= i – C 6= i – C 6=
Diffusion Diffusion

Figure 2 – Étapes chimiques (2, 4, 6) et physiques (1, 3, 5, et 7) de l’hydroisomérisation du n-hexane (n-C6) sur un catalyseur bifonctionnel
Pt/zéolithe

Tableau 3 – Confirmation expérimentale du schéma d’hydroisomérisation de n-alcanes


sur des catalyseurs bifonctionnels Pt/acide [53]

(1) Participation des sites hydrodéshydrogénants et des sites acides protoniques à la catalyse
– Effet de synergie : activité (A ) de mélanges mécaniques de Pt/γ-Al2O3 + acide > somme des A des composants (figure 3a )
– Mise en évidence d’un effet des concentrations des sites hydro-déhydrogénants et des sites acides sur l’activité (figure 3b)
– Effet de poisons des sites métalliques (H2S) et des sites acides (NH3) sur l’activité (figure 3c )

(2) Intermédiaires oléfiniques


– Mise en évidence de traces de ces intermédiaires dans les produits de réaction (GC, MS)
– Vitesse très grande de réarrangement de ces intermédiaires

(3) Étapes de diffusion


– Effet positif de l’intimité entre sites hydro-déhydrogénants et sites acides sur l’activité

(4) Modélisation cinétique


– Vérification expérimentale de l’équation de vitesse tirée du schéma d’hydroisomérisation bifonctionnelle avec étape acide (isomérisation
des alcènes intermédiaires) cinétiquement limitante (figure 3d ) :

a (Pn −C6 /PH2 ) 1 b 1 PH2


v= → = +
1+ b (Pn −C6 /PH2 ) v a a Pn −C6

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Catalyse bifonctionnelle
Application en valorisation des alcanes
légers et en chimie fine

par Michel GUISNET


Professeur des universités
Catalyse en chimie organique, Poitiers, France
Centre for Biological and Chemical Engineering, Lisbonne, Portugal
Ludovic PINARD
Maître de conférences
Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP)
École nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers (ENSIP), France
et Matteo GUIDOTTI
Chercheur
Conseil national des recherches
Institut de sciences et technologies moléculaires, Milan, Italie

1. Valorisation des alcanes légers C2-C4 par catalyse J 1 218 - 2


bifonctionelle.........................................................................................
2. Synthèse de composés fonctionnalisés à haute valeur
ajoutée (Chimie fine)............................................................................ — 12
3. Conclusion .............................................................................................. — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 1 218

article [J 1 217] démontre le rôle essentiel que joue la catalyse bifonction-


L’ nelle redox- acide dans les grands procédés de conversion du raffinage
du pétrole et de la pétrochimie. Les catalyseurs utilisés comportent deux types
Parution : novembre 2015 - Dernière validation : octobre 2020

de sites actifs :
– des sites hydrodéshydrogénants provenant soit de métaux nobles Pt ou
Pd, soit de sulfures mixtes de métaux des groupes 6 (Mo ou W) et 8 (Co, Ni) ;
– des sites acides protoniques provenant d’oxydes inorganiques : alumines
chlorées, zéolithes acides et silice alumines.
Les schémas réactionnels des transformations bifonctionnelles d’hydrocar-
bures comportent de multiples étapes successives de catalyse sur les sites
hydrodéshydrogénants et protoniques et de transport des molécules de réac-
tifs, produits et intermédiaires réactionnels. En dépit de cette complexité, ces
transformations se produisent très rapidement et en une seule étape appa-
rente, les intermédiaires insaturés, thermodynamiquement très défavorisés,
n’apparaissant en effet que sous forme de traces dans les produits finaux. Par
ailleurs, l’optimisation des procédés (catalyseur et conditions opératoires)
permet d’orienter la sélectivité vers les produits souhaités tout en limitant la
désactivation des catalyseurs.
Ces atouts peuvent être, et sont déjà partiellement valorisés en valorisation
des alcanes légers C1-C4 et en synthèse organique de produits à haute valeur
ajoutée (Chimie fine). Cet article [J1 218] fait le point sur les avancées réalisées
dans ces domaines, le choix de les traiter dans un article spécifique étant lié

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CATALYSE BIFONCTIONNELLE _________________________________________________________________________________________________________

aux limitations importantes imposées dans le développement de procédés


industriels par les particularités de la plupart des transformations souhaitées.
– La première, qui vaut aussi bien pour la valorisation des alcanes légers que
pour la Chimie fine est que les réactions de coupure de liaisons prépondé-
rantes dans les procédés du raffinage du pétrole et de la pétrochimie sont
naturellement supplantées par des réactions de condensation.
– La seconde, particulière à la Chimie fine tient à la très grande réactivité des
molécules de réactifs, intermédiaires et produits (désirés ou non) que leur
confèrent les groupements fonctionnels qu’elles présentent.

1. Valorisation des alcanes déshydrogénation de l’alcane, la seconde de catalyse acide, les


alcènes formés subissant une isomérisation squelettale ou alkylant
légers C2-C4 par catalyse un hydrocarbure aromatique [3].

bifonctionnelle § La troisième voie de valorisation des alcanes légers, leur aroma-


tisation, est originale par la nature particulière de la phase hydro-
déshydrogénante (§ 1.4.2) des catalyseurs bifonctionnels
Les alcanes légers (C2-C4), souvent associés au méthane dans le utilisés [3].
gaz naturel, sont aussi formés par craquage catalytique de coupes
pétrolières lourdes (FCC). Disponibles en grande quantité et donc Il est essentiel de noter que les deux dernières voies conduisent
très bon marché, ces alcanes sont très largement utilisés comme non seulement aux produits organiques désirés mais aussi à un
combustibles : éthane et propane comme fuel pour les raffineries, autre composé de grand intérêt, l’hydrogène, car très utilisé en raf-
propane seul ou en mélange avec le butane comme gaz de pétrole finage du pétrole.
liquéfié (LPG) [1] [2] [3]. Une partie des butanes est toutefois
incluse dans les essences mais les nouvelles réglementations
concernant leur pression de vapeur se sont traduites par une limi-
tation importante de leur teneur en C4 [4]. Par ailleurs, les alcanes 1.1 Hydroisomérisation du n-butane
légers servent aussi de charges de vapocraquage pour la
production d’alcènes légers, essentiellement éthylène et propène Comme l’hydroisomérisation des n-alcanes plus longs, celle du
utilisés pour la synthèse de polymères et de divers composés n-butane est exothermique, donc favorisée à basse température.
pétrochimiques. Toutefois, la concentration d’isomère branché dans le mélange des
De nouvelles voies permettant d’accéder en une seule étape à butanes en équilibre thermodynamique est plus faible que dans
des composés de haute valeur ajoutée ont été explorées au cours celui des alcanes à chaîne plus longue, ce que montre la figure 1
des dernières décennies. Ces voies qui s’appuient généralement [7] comparant les teneurs d’équilibre respectives en isobutane et
sur la catalyse bifonctionnelle redox-acide [3] sont classées en isopentane [6]. Des catalyseurs bifonctionnels très actifs (donc
trois catégories. d’acidité très forte), capables d’opérer à très basse température
doivent donc être choisis.
§ La première voie concerne l’hydroisomérisation du n-butane,
depuis longtemps mise en œuvre pour augmenter la disponibilité
en isobutane pour la production d’alkylats isobutane-butènes
d’indice d’octane élevé ou déshydrogéné en isobutène pour ses
diverses applications (production de polymères, de méthyl-tertio- 90
butyl-ether, etc.). Cette transformation bifonctionnelle présente la 85
même succession d’étapes chimiques et physiques que l’hydroiso-
Teneur en isoparaffine (% mol)

mérisation de n-alcanes plus lourds (cf. [J 1 217], figure 2) : 80


– trois étapes catalytiques : déshydrogénation du réactif, isomé- 75 Isopentane
risation squelettale des alcènes formés et hydrogénation des
isoalcènes en produit désiré ; 70
– quatre étapes de transport : diffusion des molécules de 65
n-butane de la phase gaz vers les sites redox, des n-butènes des
sites redox vers les sites acides, de l’isobutène des sites acides vers 60
les sites redox et de l’isobutane des sites redox vers la phase gaz. 55
Toutefois, le mécanisme de l’étape d’isomérisation est notable-
50
ment différent. Par ailleurs, une isomérisation par catalyse pure- Isobutane
ment acide accompagne souvent, voire remplace la transformation 45
bifonctionnelle [3] [5].
40
§ La seconde voie comprend : 75 125 175 225 275 325
– la déshydroisomérisation du n-butane ; Température (°C)
– la déshydroalkylation de benzène ou toluène par l’éthane ou le
propane ;
Figure 1 – Pourcentage d’isobutane et d’isopentane
deux transformations bifonctionnelles ayant la particularité de dans leur mélange d’équilibre thermodynamique avec les isomères
n’impliquer que deux réactions successives, la première de linéaires en fonction de la température [7]

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_________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE BIFONCTIONNELLE

1.1.1 Schémas réactionnels CH3 -CH+3 -CH2 -CH3 formé avec production d’hydrogène ou par trans-
fert d’hydrure de cette molécule à un ion carbenium préexistant ;
Comme les n-alcanes plus longs, le n-butane peut s’isomériser à la – soit par protonation du butène résultant de la déshydro-
fois sur des catalyseurs purement acides tels que les zéolithes proto- génation du n-butane sur les sites métalliques des catalyseurs
niques, la zircone sulfatée (SZ), l’alumine fortement chlorée, etc. et bifonctionnels.
sur des catalyseurs bifonctionnels associant une phase hydro-
génante (généralement le platine) à ces mêmes solides acides. Cette Cette isomérisation squelettale étant par conséquent très lente, un
isomérisation présente toutefois la particularité d’être toujours processus bimoléculaire d’alkylation-isomérisation-craquage, plus
accompagnée d’une dismutation du butane avec formation de facile car n’impliquant que des ions carbenium secondaires et tertiai-
propane et pentanes [3] [6]. Cette particularité s’explique par la res prend sa place et cela quel que soit le type de catalyse, purement
formation d’un ion carbenium primaire (CH3 )2CHCH2+ , donc très acide ou bifonctionnelle. Les schémas bifonctionnels d’isomérisation
instable lors de l’isomérisation squelettale de l’ion carbenium secon- monomoléculaire et bimoléculaire sont présentés sur la figure 2.
daire CH-CH+-CH2-CH3 . L’ion carbenium secondaire est formé :
Le schéma réactionnel bimoléculaire d’isomérisation du
– soit par protonation d’une molécule de n-butane sur un site pro- n-butane a été démontré sur de nombreux catalyseurs acides
tonique très fort suivie de la décomposition de l’ion carbonium (HMOR, alumine chlorée, zircone sulfatée etc) et bifonctionnels

– H2 + H+ +
C—C—C—C C—C C—C C—C—C—C
+ +
C—C—C—C + C—C C—C C—C—C—C—C—C



C C
+
C—C—C—C—C—C


+ C C
C—C—C—C—C—C ~ CH3, H


C C +
C—C—C—C—C—C


C C
C
+ +


C—C—C—C—C—C C—C—C—C + C—C C

C C –H+
C—C C—C
+ +
C—C—C—C—C—C C—C—C + C C—C—C


C C –H+ C
C—C C
– H2 + H+ +
C—C—C—C C—C C—C C—C—C—C + H2
C—C C C—C—C
H+
C C + H2
+ — + C—C C—C C—C—C—C

C—C—C—C C—C—C C—C—C


+ H2
C C C C C—C—C C—C—C—C
– H+ + H2

+
C—C—C C—C C C—C—C C C

a isomérisation monomoléculaire b isomérisation bimoléculaire en absence d’isobutène

C
— —

+
C—C—C—C—C

C C
~ CH3, H
C—C C—C

+ C
C—C—C
— —

+

C—C—C—C—C
C ~ H saut d’hydrure

C C ~ CH3 saut de méthyle

C

C—C C

c isomérisation bimoléculaire en présence d’isobutène ou de cation terbutyle

Figure 2 – Schémas bifonctionnels de l’isomérisation monomoléculaire et bimoléculaire du n-butane en absence et en présence d’isobutène

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CATALYSE BIFONCTIONNELLE _________________________________________________________________________________________________________

(Pt/zéolithes, Pt/alumine chlorée, Pt/zircone sulfatée, etc.) par la for- celle-ci comportant souvent deux réacteurs successifs, le premier
mation simultanée d’isobutane et d’un mélange équimolaire (au opérant à température élevée pour approcher rapidement
moins à faible conversion) de propane et pentanes [5] [7] [8]. l’équilibre thermodynamique, le second à température plus basse
D’autres observations confirment ce mécanisme : pour compléter l’isomérisation dans des conditions thermodyna-
– ordre en n-butane généralement supérieur à 1, parfois égal à 2 miquement plus favorables [5].
pour l’isomérisation [7] ;
– composition des produits résultant de la transformation
d’espèces marquées au carbone 13 (n-butane 13C-1 [9] ou double-
1.2 Transformation d’alcanes légers
ment marqué sur les carbones 1 et 4 [10]). par un processus successif
Avec ce mécanisme bimoléculaire, la sélectivité en isobutane de réactions de déshydrogénation
dépend de la conversion du n-butane, la formation initiale d’ions et de catalyse acide
carbenium intermédiaires en C8 par réaction entre un ion car-
benium et un alcène à squelette n-C4 (figure 2b ) étant peu à peu 1.2.1 Déshydroisomérisation du n-butane
remplacée par des réactions plus faciles entre molécules de n -C =4
et i -C =4 avec formation d’ions carbenium en C8 de grande réactivité Comme l’hydroisomérisation des n-alcanes plus longs, la déshy-
(figure 2c ). La présence d’hydrogène et son activation par des droisomérisation du n-butane (n-C4) en isobutène (i -C =4 ) implique
sites métalliques qui réduisent la teneur en oléfines dans le milieu deux types de réactions :
réactionnel provoquent une diminution de l’activité mais ont un – déshydrogénation, généralement sur le platine ;
effet bénéfique à la fois sur la sélectivité en isobutane et la stabilité – isomérisation squelettale des n-butènes (n -C =4 ) sur des sites
des catalyseurs [5]. Ces effets sont respectivement expliqués par acides protoniques.
une inhibition du processus bimoléculaire, le processus monomo-
léculaire étant moins affecté, et par une réduction de la formation Toutefois, le schéma réactionnel bifonctionnel est beaucoup
de butadiène, donc de coke. plus simple, n’impliquant qu’une seule fois ces deux réactions et
non la succession de nombreuses étapes réversibles d’hydrodés-
hydrogénation et isomérisation impliquée dans l’hydroisomérisa-
Les zéolithes, des aluminosilicates cristallisés microporeux, tion bifonctionnelle des n-alcanes [J 1 217]. Si deux chemins
sont les composants acides de très nombreux catalyseurs réactionnels sont théoriquement possibles, celui qui implique suc-
bifonctionnels utilisés industriellement. Le tableau 2 de cessivement la déshydrogénation du n-butane et l’isomérisation
[J 1 217] présente la structure poreuse des zéolithes, les plus des n-butènes par catalyse acide est très largement favorisée ; la
couramment utilisées : BEA, FAU, MOR, MFI, etc. déshydrogénation du n-butane est en effet beaucoup plus rapide
que la première étape du second chemin potentiel, son isomérisa-
tion par catalyse acide.
1.1.2 Comparaison des catalyseurs bifonctionnels Le schéma réactionnel simple de la déshydroisomérisation du
n-butane :

Les catalyseurs les plus étudiés se classent dans l’ordre sui- Déshydrogénation Isomérisation
vant d’activité décroissante (ou de température d’utilisation n-C4 ← 

  → n-C= ←
4


  → i -C=
4
n-butane n-butène isobutène
croissante) :
suggère que cette transformation peut non seulement être mise en
Pt/Al2O3 chlorée > Pt/zircone sulfatée (SZ) > Pt /HMOR œuvre sur un catalyseur bifonctionnel mais aussi sur des lits suc-
cessifs de catalyseurs déshydrogénant et acide. L’intérêt de ce sys-
tème de lits successifs est lié à la possibilité de choisir des
La grande activité de SZ (assez proche de celle de l’alumine chlo- catalyseurs et des conditions optimaux pour les deux réactions
rée) a d’abord été attribuée à une superacidité de ses sites désirées : déshydrogénation du n-butane (premier lit) et isomérisa-
protoniques [11] [12], superacidité infirmée par la suite [13] [14] [15] tion squelettale des n-butènes (second lit).
[16] : les sites protoniques de SZ ne sont pas superacides comme
ceux de l’alumine fortement chlorée mais seulement de force voi-
sine de ceux des zéolithes. Cette activité élevée ne peut donc prove- Ces réacteurs à double lit ont été expérimentés par Bellussi et
nir, comme sur l’alumine chlorée, d’une initiation de l’isomérisation al. (cf. brevet en [Doc. J 1 218]), avec un premier lit constitué de
par protonation du n-butane mais d’un autre mode d’initiation, Pt/alumine sylilée promu par In et Sn et un second lit constitué d’une
démontré [17] comme étant la déshydrogénation oxydante de boralite, et par Pirngruber et al. [19], avec des lits successifs de
molécules de butane physisorbées sur des espèces soufrées : Pt/HMFI et d’une zéolithe HMWW (H-MCM-22). Ce dernier système
s’est révélé respectivement plus actif et plus sélectif ou plus stable
que les catalyseurs bifonctionnels Pt/HMFI et Pt/HMWW.
CH3 -CH2 -CH2 -CH3 + SO 3 ( CH3 -CH —
— CH-CH3 + SO 2 + H2O
La première étape de la déshydroisomérisation du n-butane
(déshydrogénation) est fortement endothermique, donc thermo-
Notons que si pour l’isomérisation des essences légères C5-C6, dynamiquement favorisée à température élevée, la seconde (iso-
un procédé commercial (Par-isom ) utilisant le catalyseur Pt/SZ est mérisation squelettale des n-butènes) étant légèrement
maintenant opérationnel [18], seul le Pt/alumine chlorée est utilisé exothermique [19], donc favorisée à basse température :
industriellement pour l’isomérisation du n-butane [5]. Sa grande
activité, donc la possibilité d’être mis en œuvre dans des 0 = + 131 kJ/mol
n -C 4H10 ( n -C 4H8 + H2 ∆H 298
conditions de température thermodynamiquement plus favorables,
compense en effet sa grande sensibilité à l’eau et aux n -C 4H8 ( i -C 4H8 0 = − 16,1 kJ/mol
∆H 298
contaminants soufrés et azotés et la nécessité d’un appoint continu
de chlore. Les conditions opératoires typiques sont : température Pour choisir les conditions opératoires optimales, une réaction
entre 160 et 200 °C, pression de 15 à 20 bar, rapport H2/butane endothermique supplémentaire, la déshydrogénation des
entre 0,5 et 2, les faibles valeurs de ce rapport constituant le n-butènes en butadiène, précurseur du coke bien connu, doit
meilleur compromis pour limiter la formation de coke sans trop nécessairement être considérée [19] [20]. Pour minimiser sa forma-
affecter l’activité isomérisante. Pour optimiser l’opération, un déi- tion donc la désactivation des catalyseurs, la déshydroisomérisa-
sobutaniseur est généralement associé à l’unité d’isomérisation, tion du n-butane est mise en œuvre en présence d’hydrogène et à

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_________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE BIFONCTIONNELLE

En addition aux n-butènes (qui sont les produits primaires pré-


pondérants) et à l’isobutène désiré, de nombreux autres produits
50 =
n -C 4 sont formés : méthane, éthylène, éthane, isobutane, propène,
45 propane et pentènes, ces trois derniers étant majoritaires. Le prop-
pène (C =3 ) et les pentènes (C5= ) résultent essentiellement du proces-
40 sus d’alkylation-isomérisation-craquage du n-butène, processus
qui conduit simultanément à l’isobutène (figure 2b ).
35
= Bien que le propane provienne de l’hydrogénation du propène,
Rendement (%)

i -C 4 le rapport C =3 /C5= est supérieur à l’unité, ce qui suggère que :


30
– soit ce processus implique la condensation de plus de
25 2 molécules de butènes ;
– soit plus probablement que les pentènes initialement formés
20
subissent des transformations secondaires rapides telles que :
15 ==
C4
C5= + C =4 ( C9= ( C =3 + C6= ( 3 C =3
10
Notons qu’à la température élevée de la réaction, les intermé-
5 diaires oléfiniques C8= et C9= étant thermodynamiquement très
défavorisés ne peuvent être observés dans les produits de réac-
0
400 500 600 700 800 tion. Par ailleurs, le méthane, l’éthane et une petite partie du
propane résultent essentiellement de l’hydrogénolyse du n-butane
Température (°C) sur le Pt et pour une très faible part de son craquage protolytique.
= = ==
n -C 4 : n-butènes i -C 4 : isobutène C 4 : butadiène
1.2.3 Effet des caractéristiques des catalyseurs
Conditions opératoires : et des conditions opératoires
pression de 1,8 bar,
composition molaire de l’alimentation : 10 % de n-butane, L’analyse des travaux réalisés à 560 °C sur une série de cataly-
20 % d’H2 et 70 % de N2 seurs Pt/HMFI [20] [21] montre que la balance entre leurs fonctions
hydrodéshydrogénante et acide joue un rôle déterminant en dés-
hydroisomérisation du n-C4 : la conversion du n-C4 et le rende-
Figure 3 – Équilibre lors de la déshydrogénation du n-butane en ment en isobutène augmentent avec le rapport CPt /CH+ des
n-butènes, isobutène et butadiène en fonction de la température [21] concentrations de leurs sites hydrodéshydrogénants et acides
protoniques accessibles tandis que celui en produits non désirés
diminue.
température relativement basse : inférieure à 530 °C dans les
conditions opératoires de la figure 3 [21].
Le rendement le plus élevé en isobutène est obtenu sur un cataly-
seur de rapport CPt / CH+ élevé (0,34) avec 0,5 % en masse de platine
1.2.2 Schéma réactionnel bien dispersé sur une zéolithe de rapport Si/Al élevé (240) donc de
concentration en sites acides très faible. Ce rendement (12,5 %) est
Un schéma réactionnel détaillé de la déshydroisomérisation du toutefois bien loin de la limite thermodynamique (22 %), ce qui
n-butane (figure 4) [3] a été établi dans les conditions opératoires s’explique par une formation importante de propène et pentènes [20].
suivantes :
Pour limiter cette formation, d’autres zéolithes protoniques
T = 550 ° C, PH 2 = 0, 36 bar et PnC 4 = 0,18 bar connues pour être plus sélectives en isomérisation squelettale des
n-butènes ont été substituées à la zéolithe HMFI : HFER, HTON [22],
sur une série de catalyseurs bifonctionnels Pt/HMFI : teneur massi- HMWW [18]. Les catalyseurs Pt/HFER et Pt/HTON se révèlent
que en Pt de 0,1 à 0,5 %, zéolithe de rapport Si/Al élevé, donc de fai- cependant moins sélectifs que Pt/HMFI. Cette observation inatten-
ble concentration en sites acides [20]. due s’explique par une réaction secondaire d’hydrogénolyse très

=
Pt + H2, H
C 1 + C3
= C2= C2
C 2 + C2 H+
,C
P C3= C3
H+, PD
= =
n-C4 n- C4= H+, Ol C8-C12 H+, Cr
i - C4= i-C4
oligomères

Pt, DH
yd C5= C5
,H
H2
Pt+
C1,C2,C3
C6= C6

CP : craquage protolytique Ol : oligomérisation DH : déshydrogénation Hyd : hydrogénolyse


PD : déshydrogénation protolytique Cr : craquage H : hydrogénation

Figure 4 – Schéma réactionnel de la déhydroisomérisation du n-butane sur un catalyseur bifonctionnel Pt/HMFI [3]

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CATALYSE BIFONCTIONNELLE _________________________________________________________________________________________________________

importante liée à la localisation sur leur surface externe d’une La déshydroalkylation présente les mêmes attraits que la déshy-
grande partie du Pt sous la forme de larges cristallites. Par ailleurs, droisomérisation du n-butane :
si le catalyseur Pt/HMWW est beaucoup moins hydrogénolysant – elle permet d’économiser l’étape de production des alcènes
que Pt/HFER et Pt/HTON, il est beaucoup plus sensible à la désacti- par vapocraquage, peu sélective, énergétiquement intensive et
vation par le coke [19]. productrice de larges quantités de CO2 ;
Notons que la substitution du platine par un composé – de l’hydrogène qui joue un rôle clé en raffinage est coproduit.
bimétallique tel que Pt-Cu [23] [24], Pt-In ou Pt-Sn [24] permet de De plus, les alkyaromatiques étant liquides, leur transport est
limiter notablement l’importance de l’hydrogénolyse, réaction dite bien plus facile, moins dangereux et moins coûteux que celui des
« exigeante » car demandant pour sa catalyse l’intervention de plu- alcanes gazeux ; la mise en place de l’alkylation sur le site de pro-
sieurs sites métalliques adjacents [25]. La dilution de Pt par un duction des alcanes légers est donc particulièrement
second métal provoque donc son inhibition sans affecter notable- bénéfique [27], d’autant qu’elle évite leur élimination partielle par
ment les réactions non exigeantes de déshydrohydrogénation. torchage.

1.2.4 État des lieux et perspectives


Les travaux les plus complets concernent la déshydroalkyla-
Les travaux réalisés en déshydroisomérisation du n-butane sur tion du benzène ou du toluène par l’éthane sur des catalyseurs
des catalyseurs bifonctionnels Pt/zéolithes ont permis de confirmer Pt/HMFI [27] [29] [30] [31] ou Pd/HMFI [28] [32] [33].
le schéma réactionnel proposé, comportant successivement des
étapes de déshydrogénation du n-butane sur le platine et d’isomé-
Le choix de cette zéolithe étant lié à sa large utilisation dans les
risation squelettale des n-butènes sur les sites acides protoniques
procédés commerciaux d’alkylation du benzène et du toluène par
via un mécanisme bimoléculaire. Dans les conditions de tempéra-
l’éthylène. Les première et deuxième étapes de ces transforma-
ture élevée imposées par la thermodynamique de la déshydrogé-
tions sont respectivement fortement endo et exothermiques, le
nation du n-butane, trois réactions secondaires importantes sont
processus complet étant légèrement endothermique. Les valeurs
observées :
d’enthalpies de ces diverses transformations sont données
– l’hydrogénolyse du n-butane sur des ensembles d’atomes de ci-après pour la déshydroéthylation du benzène [27] :
Pt ;
– le craquage en propène et pentènes des intermédiaires
dimères de l’isomérisation ; C2H6 C2H4 + H2 0 = 136,4 kJ/mol
∆H298
– l’hydrogénation partielle de l’isobutène.
Par ailleurs, à température élevée, la déshydrogénation du
butène en butadiène est thermodynamiquement favorisée, ce pré-
+ C2H4 0 = – 113,8 kJ/mol
∆H298
curseur de coke provoquant une désactivation rapide des cataly-
seurs. Si l’hydrogénolyse peut être limitée par substitution du Pt
par un composé bimétallique, il paraît plus difficile de réduire
l’importance des autres réactions secondaires en opérant avec un
catalyseur bifonctionnel unique. Un système de deux lits succes- 0 = + 22,6 kJ/mol
sifs de catalyseurs très actifs et sélectifs, opérant dans des + C2H6 + H2 ∆H298
conditions optimisées, le premier pour la déshydrogénation du
n-butane et le second pour l’isomérisation squelettale du n-butène,
devrait permettre de dépasser ces limitations. La mise en œuvre
de la déshydroisomérisation du n-butane dans un réacteur à mem- Les conditions standard d’étude de ces déshydroalkylations
brane sélective en hydrogène est une autre stratégie prometteuse, sont relativement similaires : réacteur à lit fixe opérant à pres-
cette combinaison en une seule unité de la production d’isobutène sion atmosphérique, températures relativement basses : 370
et de la séparation du coproduit valorisable qu’est l’hydrogène se et 350 °C, rapport molaire éthane/aromatique de 9 et 4 pour
traduisant en effet par une meilleure économie du procédé. Qui les alkylations respectives du benzène et du toluène.
plus est, l’élimination de l’hydrogène du milieu réactionnel se tra-
duit par un déplacement de l’équilibre de déshydrogénation du
n-butane vers des teneurs plus élevées en n-butènes, donc par une Dans ces conditions, la conversion d’équilibre de l’éthane en
production plus importante d’isobutène [26]. éthylène est faible (environ 0,5 % en déshydroalkylation du ben-
zène), ce qui permet de limiter les transformations bimoléculaires
des alcènes, connues pour être à l’origine de la formation d’alkyl-
1.3 Déshydroalkylation d’aromatiques benzènes indésirables et de produits polyaromatiques (coke) res-
ponsables de la désactivation des catalyseurs [29].
par l’éthane ou le propane
Cette transformation s’appuie sur le même concept que la déshy- 1.3.1 Schéma réactionnel
droisomérisation du n-butane en isobutène : les alcanes, trop peu
réactifs en catalyse acide sont déshydrogénés en alcènes suffisam- L’effet du temps de contact sur l’éthylation du benzène et du
ment réactifs pour conduire à des produits de haute valeur ajoutée. toluène, déterminé dans les conditions standard, a permis d’établir
Toutefois, les molécules d’alcènes intermédiaires ne réagissent plus le schéma réactionnel (figure 5).
entre elles mais avec d’autres molécules organiques (benzène, Les résultats obtenus en éthylation du benzène sur un catalyseur
toluène, etc.). Les applications des produits formés : éthylbenzène, Pt/HMFI d’acidité élevée [30] sont détaillés ci-après à titre
éthyltoluène, cumène, etc., sont nombreuses et variées. d’exemple.
– À de faibles temps de contact (< 0,05 h), la désactivation du
catalyseur est négligeable et les principaux produits formés sont
Ainsi, plus de 90 % de l’éthylbenzène est transformé en sty-
l’hydrogène, l’éthylène et l’éthylbenzène (EB) ; d’autres produits
rène qui par polymérisation conduit au polystyrène
(propène, propane, diéthylbenzènes et propylbenzène) apparaissent
(~ 23 millions t/an), les 10 % restants servant pour la produc-
également mais sous forme de traces. Ces derniers produits qui
tion d’acétophénone, d’éthyl anthraquinones, etc. [27].
ne sont pas présents à des temps de contact proches de zéro

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J1220

Catalyse de coordination
Partie 1
par Dominique COMMEREUC
Docteur-Ingénieur de l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Ingénieur principal à l’Institut français du pétrole (IFP)

1. Rappels de chimie de coordination..................................................... J 1 220 – 2


1.1 Les complexes de coordination.................................................................. — 2
1.2 Réactivité stœchiométrique dans les complexes...................................... — 4
2. Catalyse par les complexes de coordination ................................... — 5
2.1 Étapes élémentaires et cycle catalytique................................................... — 5
2.2 Rôle des ligands dans la catalyse............................................................... — 6
2.3 Mise en œuvre et performances des catalyseurs de coordination ......... — 6
3. Réactions n’introduisant pas de fonction nouvelle dans le substrat — 7
3.1 Isomérisation ............................................................................................... — 7
3.2 Hydrogénation ............................................................................................. — 7
3.3 Dimérisation, oligomérisation et polymérisation ..................................... — 8
3.4 Métathèse..................................................................................................... — 13
3.5 Réactions de couplage carbone-carbone .................................................. — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 222

a catalyse de coordination comprend les réactions catalytiques mettant en


L œuvre les complexes des métaux de transition solubles, susceptibles d’acti-
ver par coordination réactifs et substrats.
Le terme catalyse de coordination est préféré au terme catalyse homogène,
qui est également utilisé à propos de la catalyse par les acides et par les bases.
Dans la première partie de cet article, avant d’aborder les réactions catalyti-
ques, nous ferons quelques rappels concernant les complexes de coordination
des métaux de transition et les réactions spécifiques auxquelles ils donnent lieu.
De nombreux ouvrages traitent de la chimie des complexes de coordination.
On pourra consulter, par exemple, les traités de Cotton et Wilkinson, et récem-
ment d’Astruc [1] [2].
Après ces rappels de chimie de coordination, nous présenterons les réactions
catalytiques dans lesquelles la fonctionnalité du substrat n’est pas modifiée,
comprenant l’isomérisation de position de la double liaison des alcènes, l’hydro-
génation, la dimérisation, l’oligomérisation, la polymérisation, la métathèse et
les réactions de couplage carbone-carbone.
Dans une deuxième partie [J 1 221], nous traiterons des réactions catalytiques
au cours desquelles la fonctionnalité du substrat est modifiée.
Parution : septembre 2003

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CATALYSE DE COORDINATION ____________________________________________________________________________________________________________

1. Rappels de chimie Par convention, tout complexe éventuellement chargé est ramené
à une forme neutre en considérant que la charge est portée par les
de coordination ligands (L+ est formellement équivalent à X, X+ à Z, etc.).
Le complexe est alors caractérisé par :
(0)
— le nombre d’électrons autour du métal : (NE) = m + 2n + x (m
étant le nombre d’électrons du métal lui-même) ;
Abréviations utilisées — le nombre de ligands : (NL) = n + x + z ;
acac acétylacétonate Et éthyle — le nombre de valence du métal : (NV) = x, qui est une notion
formelle, liée à la notion de degré d’oxydation utilisée en chimie
Ac acétyle CH 3 CO  Me méthyle minérale, mais qui ne préjuge pas de la densité électronique réelle
Ar aryle py pyridine sur le métal.
Les principaux ligands que l’on rencontre en chimie de coordina-
Bu n-butyle Ph phényle
tion sont classés dans la figure 1 par le nombre d’électrons qu’ils
Cp cyclopentadiényle C 5 H 5  donnent au métal.
● Les ligands Z sont constitués par les molécules présentant un
caractère d’acide de Lewis.
1.1 Les complexes de coordination ● Les ligands X sont représentés classiquement par les anions
couramment rencontrés en chimie minérale, comme les halogé-
nures. Ceux-ci peuvent fonctionner également comme ligands L par
Un complexe de coordination peut être défini comme une entité leurs doublets libres. Un exemple fréquemment rencontré est le cas
composée d’un ou de plusieurs atomes métalliques constituant un où ils jouent le rôle de ligand « pontant » entre deux atomes métal-
cœur, entouré d’un certain nombre de molécules ou d’ions appelés liques, comme dans le complexe [PdCl2(PR3)]2 par exemple où cha-
ligands. Cette entité peut être électriquement neutre ou bien char- que chlore joue le rôle X pour l’un des atomes de palladium et le
gée positivement ou négativement. Dans ce dernier cas, des contre- rôle L pour l’autre.
ions de signe opposé assurent l’électroneutralité du milieu. Ils sont Parmi les ligands X, on trouve aussi les radicaux alkyle ( R  ) liés
situés hors de la sphère de coordination constituée par l’ensemble au métal par une liaison σ métal-carbone. Lorsque l’anion X est
des ligands. volumineux et que sa structure se prête à une délocalisation de la
Les atomes métalliques constituant le cœur du complexe sont les charge négative, il peut rester hors de la sphère de coordination du
métaux de transition des groupes 4 à 10 de la classification périodi- métal. Il est alors dit « non coordinant » [4]. C’est le cas, par exem-
que des éléments. Ces métaux sont caractérisés principalement par ple, des ligands PF6, BF4, perfluoroarylborates [5] ou carboranes [6].
l’existence de couches électroniques d partiellement remplies. Le complexe acquiert ainsi une charge positive et une lacune de
La description de la nature des liaisons entre les ligands et le coordination, deux facteurs qui sont favorables à la coordination
métal a fait l’objet de plusieurs théories, énumérées ci-après. d’un réactif (sites vacants, cf. § 1.2.2 et § 2.2).
● Les ligands carbéniques X2 sont généralement peu stables
■ Chronologiquement, la première tentative de description est due (cf. § 3.4 métathèse). Cependant, si le carbone carbénique porte des
à Werner, Lewis et Sidgwick, qui, se basant sur la notion de liaison hétéroatomes (O, S, N), ces ligands sont alors stables, et les structu-
par paires d’électrons, proposèrent qu’un ligand agit envers le métal res des complexes dans lesquels ils entrent amènent à les considé-
comme donneur d’une paire d’électrons (liaison de coordinence). rer comme des ligands de type L. C’est le cas, en particulier, des
Un métal peut alors accepter un nombre de ligands tel que son nom- ligands imidazolylidènes et analogues [7] [8] [9] :
bre total d’électrons dans le complexe soit égal au nombre d’élec-
trons du gaz rare qui le suit dans la classification périodique
(couches électroniques complètes). Une résurgence de cette théorie N(R) CH CH N(R) C
est constituée par la règle empirique des 18 électrons, qui postule
que les complexes stables possèdent une couche de valence à
18 électrons. ● Les ligands L sont constitués par les bases de Lewis en général.
Une classe particulière est celle des alcènes, dont la description du
■ La théorie du champ cristallin, due à Bethe, suppose que les mode de coordination est due à Chatt, Duncanson et Dewar
liaisons métal-ligand sont de nature essentiellement électrostatique, (figure 2). On trouve une liaison de donation de type σ entre l’orbi-
ce qui n’est pas chimiquement satisfaisant et, en particulier, ne rend tale π remplie de l’alcène et une orbitale vacante de même symétrie
pas compte de l’existence de liaison π (voir plus loin). du métal, et simultanément une liaison de rétrodonation π entre une
■ La théorie des orbitales moléculaires postule que les liaisons se orbitale remplie dπ du métal et l’orbitale π* antiliante de l’alcène. Ces
font, au contraire, par échange d’électrons (recouvrement partiel deux liaisons se renforcent mutuellement par un effet de synergie.
des orbitales du métal et du ligand) et constitue la base des métho- ● À partir des ligands donneurs de trois électrons ou plus, il
des modernes de calcul des liaisons dans les complexes de coordi- existe deux possibilités :
nation. — la coordination à deux centres métalliques : le ligand a un
Dans une représentation empirique, M.L.H. Green [3] propose de caractère pontant ;
représenter n’importe quel complexe de coordination sous la forme — la coordination au même métal : le ligand est dit polydenté. S’il
générale : forme avec le métal un cycle de taille favorable (5 ou 6 chaînons), il
présente un caractère chélatant qui confère à la liaison métal-ligand
MLnXxZz une stabilité particulière.
avec M métal de transition, entouré des ligands L, X, Z, L’angle ligand-métal-ligand, dit « angle de chélation » ou « bite
angle », peut introduire une tension plus ou moins grande selon la
L ligand donneur d’un doublet électronique dans la flexibilité du squelette du ligand, ce qui influe sur les propriétés des
liaison M  L , complexes en catalyse [10] [11].
X ligand donneur d’un électron dans la Les complexes π-allyliques résultent de la présence d’une insatu-
liaison M  X , ration en position α d’une liaison σ métal-carbone. Le plan défini par
Z ligand non donneur (donc accepteur de deux les trois atomes du ligand est perpendiculaire à la liaison métal-
électrons) dans la liaison M  Z . ligand.

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____________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE DE COORDINATION

■ Z (0 électron) : BF3 AlCl3 Acides de Lewis en général

CN– H– Cl– Br– I– OH–

■ X (1 électron) : R2N– R2P– CH3– (alkyl)– (aryl)–

NO2– SCN– R3Si–

■ X2 (2 électrons) : R2C (carbènes) RN (nitrènes) O

H2O R2O R2S : Cl– : Br–


■ L (2 électrons) :
R2C CR2 R3P (phosphine) (RO)3P (phosphite) CO C NR R3N R3As

C O
■ LX (3 électrons) : (acétylacétonate) ou acac
C C (π-allyle) O

(CH2)n

R2P PR2
■ L2 (4 électrons) :

(cycloocta - 1,5 - diène)


ou COD

■ L2X (5 électrons) :
(cyclopentadiényle) (cyclohexadiényle)
ou Cp

■ L3 (6 électrons) :

Benzène et dérivés
substitués (arènes)

Figure 1 – Quelques exemples de ligands

Les ligands pyrazolylborates :


+ –
HB(N CH CH CH N)3
C C
+
+ – –
– +
+
– C constituent une famille de ligands anioniques dont on a maintenant
C montré la flexibilité de coordination, qui peut varier de
– + « non coordinant » à monodenté, bi- et tridenté [12] selon l’environ-
nement du métal.
Donation Rétrodonation ● Les complexes à plusieurs centres métalliques sont appelés
alcène métal métal alcène clusters s’ils comportent des liaisons métal-métal disposées de telle
façon que le squelette métallique pourrait subsister inchangé si on
Figure 2 – Représentation de la liaison métal-oléfine enlevait tous les ligands du complexe.

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CATALYSE DE COORDINATION ____________________________________________________________________________________________________________

Ces clusters présentent souvent des propriétés particulières dues réaction s’arrête au stade Mo(CO)3(CH3CN)3 et que la fréquence de
à la présence du squelette polynucléaire : certains ligands s’y coor- vibration ν (CO) en infrarouge diminue. Cela traduit un renforce-
dinent de façon inhabituelle. L’éthylène réagit par exemple avec ment de la liaison métal-CO (avec affaiblissement concomitant de la
Os3(CO)12 pour donner un complexe : liaison carbone-oxygène), attribuable au pouvoir π-accepteur du
ligand CH3CN plus faible que celui du ligand CO
Os3(CO)9(H)2(C CH2) (rétrodonation métal → ligand plus faible). Il s’ensuit une densité
électronique sur le métal croissant au fur et à mesure que le degré
de substitution augmente :
dans lequel le reste C2H2 est σ-lié à deux Os et π-lié sur le troisième.
De plus, les deux ligands hydrure (H) ne possèdent pas de position
fixe, mais se trouvent, en moyenne dans le temps, en position pon- L→M C O
tante entre chacun des trois métaux. On dit que ce sont des ligands
fluxionnels. Cela met en lumière deux phénomènes :
Des complexes polymériques sont obtenus grâce à la mise en — le métal, par ses orbitales dπ, joue le rôle de transmetteur de
œuvre de ligands appelés dendrimères. Ces ligands sont des macro- densité électronique entre les ligands ;
molécules hautement branchées obtenues par des séquences de — certains ligands, comme l’oxyde de carbone, peuvent jouer un
réactions itératives qui répètent un élément structurel de base, don- rôle « diagnostique » de la densité électronique autour du métal, par
nant à l’ensemble une forme globulaire, avec des groupements le changement de leurs caractéristiques spectroscopiques.
fonctionnels localisés le plus souvent à la périphérie [13].
Certains complexes sont susceptibles de donner lieu à des réac-
● Les règles de nomenclature des complexes stipulent que l’on
tions de dissociation de ligands :
nomme dans l’ordre :
— soit spontanées, comme c’est le cas pour les complexes du
— les ligands X (anions), dont le nom, s’il en existe plusieurs
nickel zérovalent :
identiques, est précédé des préfixes : di, tri, tétra, etc. ;
— les ligands L, dont le nom, s’il en existe plusieurs identiques,
est précédé des préfixes : bis, tris, tétrakis, etc. ; → NiL 4
NiL 3 + L ←
— le (ou les) métal(aux), avec indication de son (ou leurs) nom-
bre(s) de valence entre parenthèses. où la dissociation est provoquée par l’encombrement stérique du
ligand L (phosphine ou phosphite : mesure de l’encombrement par
Dans le cas de la présence de ligands pontants, on fait précéder le
la valeur de l’angle de cône de PR3),
nom du ligand par la lettre grecque µ portant en exposant le nombre
— soit provoquées, par exemple par irradiation :
d’atomes métalliques auxquels le ligand est lié, et celui-ci est
nommé en premier.

Dans le cas de ligands polydentés, on précise le nombre de sites Fe ( CO ) 5 Fe ( CO ) 4 + CO
d’attache (l’hapticité) en faisant précéder le nom du ligand de la let-
( h ν énergie d′un photon )
tre h (ou parfois aussi de la lettre grecque η) affectée d’un exposant
égal au nombre de sites de coordination. Un ligand π-allyle est donc
un ligand h3-allyle. Dans les deux cas, elles conduisent à un complexe coordinative-
ment insaturé, notion que l’on retrouvera en catalyse.
Un tel complexe coordinativement insaturé [(NE) < 18 e−] peut
donner lieu, en présence d’une molécule X  Y convenable, à une
1.2 Réactivité stœchiométrique réaction d’addition oxydante :
dans les complexes
X

L pMx + X Y LpMx + 2
La réactivité stœchiométrique des complexes de coordination se
manifeste de deux façons : Y
— réactivité du métal par modification de sa sphère de
x étant le nombre de valence (§ 1.1).
coordination : changement de la nature et (ou) du nombre des
ligands, avec éventuellement changement du nombre de valence du On en trouve des exemples dans l’activation d’un certain nombre
métal ; de réactifs :
— réactivité des ligands coordinés entre eux, qui introduira la
RhCl(PPh3)3 + H2 → RhCl(H)2(PPh3)3
notion d’activation d’un substrat par coordination, que l’on retrou-
vera dans la catalyse. IrCl(CO)(PR3)2 + CH3Br → IrCl(CO)(PR3)2Br(CH3)

Pt ( PEt 3 ) 4 + C 6 H 5  CN → Pt ( PEt 3 ) 2 ( CN ) ( C 6 H 5 ) + 2 PEt 3


1.2.1 Réactivité du métal
Cp2W + C6H6 → Cp2WH(C6H5)
Lors de la synthèse d’un complexe, l’ion métallique est initiale-
ment plus ou moins fortement coordiné par les molécules du sol- avec Et = C 2 H 5– ; Cp = C 5 H 5– ; Ph = phényle.
vant utilisé (solvatation). Il va subir une réaction de substitution des Résultant en une augmentation du nombre de valence du métal,
ligands solvant par les ligands que l’on souhaite coordiner. la réaction est favorisée par la présence de ligands donneurs. L’addi-
Lorsque l’on substitue un ligand par un autre dans un complexe, tion des deux fragments de la molécule X  Y peut être concertée,
la vitesse de réaction dépend de la nature du ligand situé en position mais, dans certains cas, des intermédiaires radicalaires (mécanisme
trans du ligand partant (effet trans). non concerté) ont été mis en évidence.
La substitution d’un ligand entraîne une modification de la répar- La réaction inverse est appelée élimination réductrice. Celle-ci
tition électronique autour du métal et dans les liaisons entre le métal nécessite la présence en position cis l’un de l’autre des deux ligands
et les autres ligands, modifiant ainsi la stabilité de celles-ci. Si l’on partants.
cherche par exemple à substituer, dans le molybdène hexacarbo- Dans les espèces catalytiques, les métaux sont souvent à des
nyle, les ligands CO par des ligands acétonitrile, on observe que la états de valence faibles. Il est donc souvent nécessaire de procéder

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J1221

Catalyse de coordination
Partie 2
par Dominique COMMEREUC
Docteur-Ingénieur de l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM)
Ingénieur principal à l’Institut français du pétrole (IFP)

1. Télomérisation et hydrosilylation ........................................................ J 1 221 – 2


1.1 Télomérisation ............................................................................................. — 2
1.2 Hydrosilylation............................................................................................. — 2
2. Hydrocyanation......................................................................................... — 3
3. Réactions du monoxyde de carbone................................................... — 4
3.1 Hydroformylation des alcènes.................................................................... — 4
3.2 Copolymérisation monoxyde de carbone-alcène ..................................... — 6
3.3 Carboxylation de composés insaturés....................................................... — 6
3.4 Carbonylation des alcools et des esters .................................................... — 8
3.5 Homologation des alcools, des esters et des acides ................................ — 10
3.6 Carbonylation des dérivés halogénés........................................................ — 10
3.7 Synthèses directes à partir du monoxyde de carbone ............................. — 12
4. Oxydations et oxycarbonylations ........................................................ — 13
4.1 Réactions d’oxydation................................................................................. — 13
4.2 Réactions d’oxycarbonylation .................................................................... — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 222

a première partie [J 1 220] de l’article « Catalyse de coordination » a pré-


L senté successivement quelques rappels de chimie de coordination indispen-
sables pour la compréhension des mécanismes de catalyse, puis des notions
générales concernant les étapes élémentaires de la catalyse, le rôle des ligands
dans les complexes et la mise en œuvre et l’estimation des performances des
catalyseurs de coordination. Le paragraphe 3 a décrit les réactions catalytiques
dans lesquelles le substrat n’est pas modifié par l’introduction d’une fonction
chimique nouvelle.
Dans cette deuxième partie, nous abordons les réactions catalytiques au cours
desquelles le substrat est modifié par l’introduction d’une fonction chimique
nouvelle. Nous traitons ainsi la télomérisation, l’hydrosilylation, l’hydrocya-
nation, les réactions de l’oxyde de carbone en général (hydroformylation, carbo-
nylation, homologation), les oxydations et oxycarbonylations.
Parution : décembre 2003

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J1221

CATALYSE DE COORDINATION ____________________________________________________________________________________________________________

1. Télomérisation diène, mais d’autant moins bien qu’ils sont plus substitués [4] [5] [6]
[7].
et hydrosilylation La réaction d’un nucléophile HY avec le buta-1,3-diène peut don-
ner deux sortes de produits (mélanges d’isomères) :
(0)
— ceux dérivés d’une vraie télomérisation : dimérisation +
fonctionnalisation :
Abréviations utilisées
Y
acac acétylacétonate
Ac acétyle CH 3 CO  2 + HY

Ar aryle Y

Bu n-butyle
— ceux dérivés simplement d’une fonctionnalisation :
Cp cyclopentadiényle C 5 H 5 
Et éthyle Y
IN hydrocarbure insaturé
+ HY
L ligand donneur d’un doublet électronique dans la liaison
Y
ML
M métal de transition, entouré des ligands L, X, Z Ces réactions sont catalysées par les complexes de divers
Me méthyle métaux. Le plus fréquemment utilisé est le palladium, soit à l’état de
complexes zérovalents directement utilisables, soit à l’état de com-
py pyridine plexes bivalents. Ceux-ci peuvent être réduits in situ et stabilisés par
Ph phényle des phosphines.
X ligand donneur d’un électron dans la liaison M  X Le mécanisme réactionnel fait intervenir la formation d’un com-
plexe bis-allylique du palladium par couplage oxydant entre deux
XY réactif susceptible d’activation par rupture de la liaison entre molécules de butadiène coordinées, suivie par l’attaque du nucléo-
X et Y phile sur l’une ou l’autre position allylique (figure 1).
Les complexes du nickel sont également aptes à catalyser la télo-
La réaction de télomérisation (ce qui signifie oligomérisation avec mérisation. La réaction est moins sélective qu’avec les complexes
fonctionnalisation aux extrémités) s’applique à des substrats essen- du palladium.
tiellement hydrocarbonés et insaturés, tandis que l’hydrosilylation Les premières réactions de télomérisation mettaient en jeu le phé-
s’applique en outre à des substrats tels que les cétones dont elle nol ( YH:PhOH ), puis les alcools ( YH:ROH ). La réaction se fait dans
constitue un moyen détourné de réduction. des conditions douces (T < 100 ˚C). Cependant la réactivité des alco-
ols diminue avec la longueur de chaîne, et, pour un même nombre
de carbones, l’alcool primaire est plus réactif que l’alcool secon-
daire. L’alcool butylique tertiaire (tert-butanol) ne donne que l’octa-
1.1 Télomérisation 1,3,7-triène avec le palladium.
L’eau, seule, n’entre pas en réaction. En présence de CO2 dans des
Conformément à la définition donnée ci-avant, une réaction de solvants tels que l’acétone ou l’acétonitrile, l’eau réagit et conduit
télomérisation peut se représenter schématiquement par : ainsi aux octadiénols, en majeure partie linéaires (≈ 65 %).
Les acides et les amines (au contraire de l’ammoniac) réagissent
n IN + XY → X(IN)nY
sans difficulté.
où IN est un hydrocarbure insaturé et XY un réactif susceptible De nombreux autres composés ont été mis en œuvre comme
d’activation par rupture de la liaison entre X et Y. télogènes HY : triméthylsilanol, diols, diamines, aminoalcools.
On peut aussi utiliser des composés à groupe méthylène activé,
dans lesquels le CH2 est lié à deux groupements électronégatifs :
1.1.1 Télomérisation des monoalcènes carbonyle, alcoxycarbonyle, formyle, cyano (CN), sulfonyle (SO2),
nitro (NO2). On greffe alors une ou deux chaînes octadiényles sur ce
Cette réaction procède généralement par un processus radica- groupe méthylène. La réaction ne se produit pas si un seul groupe-
laire, même en présence de complexes de coordination. C’est ainsi ment électronégatif est présent, sauf dans le cas des dérivés nitrés :
par exemple que l’éthylène réagit avec les iodures d’alkyle en pré- le nitrométhane peut voir ses trois atomes d’hydrogène substitués
sence de complexes du ruthénium ou du cuivre pour donner les par des octadiényles en présence de butadiène.
iodures de formule générale : R(CH2CH2)n I [1] [2].
Un autre exemple est l’addition du tétrachlorure de carbone sur
les alcènes catalysée par les complexes du ruthénium [3]. 1.2 Hydrosilylation

1.1.2 Télomérisation des diènes conjugués L’hydrosilylation est l’addition d’un silane R3SiH à un substrat
insaturé :
Cette réaction permet d’introduire des nucléophiles variés dans
une réaction de dimérisation.
R3SiH + C C R3Si C C H
L’isoprène, le penta-1,3-diène (ou pipérylène) et les autres diènes
conjugués supérieurs réagissent de la même façon que le buta-1,3-

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J1221

____________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE DE COORDINATION

Y 2. Hydrocyanation
2 + HY
Pd Ln
+ Y La réaction d’hydrocyanation des alcènes consiste formellement
+ nL – nL en l’addition de HCN sur la double liaison :

C C + HCN H C C CN

Pd
Pd
Cette réaction est en principe une voie de synthèse générale vers
Y HY les nitriles, d’où son intérêt industriel. Elle a trouvé une application
dans le cas du butadiène pour la synthèse de l’adiponitrile (procédé
– HY
Du Pont de Nemours).
La présence de catalyseurs à base de complexes de métaux de
HY Pd Pd transition est indispensable. Les premiers catalyseurs utilisés
HY étaient des sels cuivreux, puis, un peu plus tard, des complexes de
cobalt comme le dicobalt octacarbonyle.

Figure 1 – Télomérisation du butadiène par le palladium d’après [6] L’hydrocyanation d’un monoalcène par ces catalyseurs est
d’autant plus difficile que la chaîne est plus longue. Elle est facile
avec les dialcènes conjugués où l’addition se fait sur les carbones en
1,4. Les dialcènes non conjugués réagissent après conjugaison des
Cette réaction, réalisable thermiquement, photochimiquement ou doubles liaisons.
sous l’influence d’initiateurs radicalaires, est effectuée de façon plus
efficace en catalyse de coordination. Le procédé Du Pont de Nemours fait appel à des complexes du
nickel zérovalent stabilisés par des phosphites et comporte deux
étapes.
1.2.1 Hydrosilylation des monoalcènes ■ Dans la première étape, une première molécule d’acide cyanhy-
drique s’additionne sans difficulté sur le buta-1,3-diène pour former
un mélange de pent-3-ène nitrile (produit d’addition 1,4) et de
Elle est catalysée par l’acide chloroplatinique dès la température 2-méthylbut-3-ène nitrile :
ambiante. Le chlorosilane Cl3SiH est le plus réactif, mais on peut
aussi utiliser les alkylsilanes R3SiH (R:CH 3 ou C2H5).

Le groupement alkylsilane s’additionne en position terminale sur CN


les α-alcènes et aussi sur les alcènes internes, par suite d’une isomé- + HCN
CN
risation de position de la double liaison.
Exemple :
SiCl3 La réaction se produit entre 50 et 120 ˚C et stoppe à ce stade si
Cl3SiH
aucun cocatalyseur n’est ajouté.
H2PtCl6
Le mécanisme réactionnel de cette première étape fait appel à un
intermédiaire π-allyle qui résulte de l’insertion du butadiène dans
Les métaux carbonyle et, particulièrement, le dicobalt octacarbo- une liaison nickel-hydrure issue de l’addition oxydante de HCN sur
nyle catalysent l’hydrosilylation des α-alcènes dans de bonnes con- le nickel zérovalent :
ditions.
H
Les complexes phosphine du palladium sont actifs sur les α-alcè-
nes, mais bien moins que ceux du platine, et peu actifs sur les alcè- NiL4 + HCN L2Ni + 2L
nes internes.
CN

CH3
1.2.2 Hydrosilylation des dialcènes conjugués +
Ni + L Produits
Elle peut, comme celle des monoalcènes, être catalysée par L CN
l’acide chloroplatinique. On obtient cependant une réaction plus
sélective en utilisant comme catalyseur le chrome hexacarbonyle. L’attaque nucléophile interne du ligand cyanure sur l’une ou
En présence de complexes du palladium, le butadiène est aisé- l’autre position allylique conduit aux produits observés.
ment hydrosilylé. La réaction s’apparente alors à une télomérisa- ■ Dans la seconde étape, le mélange des pentène-nitriles formé
tion, l’hydrosilane jouant le rôle du nucléophile. On constate dans la première subit d’abord une isomérisation en pent-4-ène
cependant quelques différences avec les autres télomérisations : nitrile, suivie de l’hydrocyanation de la double liaison terminale.
— les télomères en C8 comportent leurs doubles liaisons en posi- Cette seconde étape nécessite l’addition au système catalytique
tion 2,6 au lieu de 2,7 ; d’un acide de Lewis comme le chlorure de zinc.
— il se forme des télomères en C4, et aussi des bis(silyl)butanes. Il est bien connu que l’addition d’acides forts HX à un nickel zéro-
valent NiL4 génère un complexe cationique HNiL 4+ X – capable d’iso-
Pour une revue de l’hydrosilylation, on pourra consulter [4] [8] [9]. mériser les alcènes. Le rôle de l’acide de Lewis A pourrait être, de la

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CATALYSE DE COORDINATION ____________________________________________________________________________________________________________

même façon, de stabiliser une espèce cationique en présence de C’est, formellement, l’addition d’un reste formyle à un alcène,
HCN : selon l’équation :

H R CH2 CH2 CHO


NiL4 + HCN L2Ni + 2L
CN
R CH CH2 + CO + H2
+ A
L4Ni H+ CN A– CHO
R CH
Cependant l’isomérisation du 2-méthylbut-3-ène nitrile en pent-4-
CH3
ène nitrile linéaire demeure quelque peu obscure.
L’hydrocyanation de la double liaison terminale du pent-4-ène
nitrile semble, au contraire, assez clairement modélisée par des étu- Si l’alcène est dissymétrique, on obtient deux aldéhydes isomè-
des détaillées concernant l’hydrocyanation de l’éthylène [10]. res, selon le sens de l’addition.
Dans le procédé Du Pont de Nemours, les deux étapes sont réali- L’hydroformylation est catalysée par les complexes de divers
sées dans le même réacteur. métaux, les plus actifs étant essentiellement le cobalt et le rhodium.
Plusieurs revues sont consacrées à l’hydrocyanation. On pourra Les conditions opératoires varient selon le catalyseur mis en
consulter par exemple [11] [12] et aussi [13] plus spécialement œuvre, mais on peut les situer dans les gammes suivantes : 10 à
consacrée aux travaux de Du Pont de Nemours. 25 MPa et 120 à 180 ˚C pour le cobalt, 2 à 5 MPa et environ 100 ˚C
pour le rhodium.
Les aldéhydes produits dans cette réaction, souvent désignée
3. Réactions du monoxyde aussi sous le nom de « réaction oxo », sont le plus souvent hydrogé-
nés en alcools. Ceux-ci, dans la gamme C7-C13, sont utilisés à la
de carbone fabrication de plastifiants et de détergents.
Pour une revue générale, le lecteur pourra consulter [14] [15] [16]
[17] [18] [19], ainsi que l’article Hydroformylation des alcènes [98]
Elles se classent en deux groupes principaux : dans le présent traité.
— les réactions du monoxyde de carbone sur lui-même ou avec
des coréactifs non carbonés (hydrogène, eau) ;
— les réactions du monoxyde de carbone avec des substrats car- 3.1.2 Hydroformylation par le cobalt
bonés variés (alcènes, dialcènes, composés oxygénés, composés
azotés).
Le catalyseur au cobalt le plus utilisé est le dicobalt octacarbonyle
Le second groupe utilise comme catalyseurs des complexes de Co2(CO)8, qui, dans les conditions de la réaction, c’est-à-dire sous
coordination très divers et nous avons adopté pour le décrire un pression du mélange hydrogène-monoxyde de carbone, est en équi-
classement selon la nature du substrat mis en jeu. libre avec l’hydrure H  Co ( CO ) 4 . Il est utilisé par exemple dans les
Le premier groupe sera traité à la fin de ce paragraphe, en raison procédés développés par Ruhrchemie, BASF et anciennement Kuhl-
de sa moindre importance en catalyse de coordination : les réac- mann [14] [15].
tions dites d’hydrocondensation sont plus généralement du ressort
On utilise également le complexe carbonyle en présence d’une
de la catalyse hétérogène, en raison en particulier des températures
phosphine telle que la tributylphosphine (procédé Shell) [14] [15].
élevées nécessaires à leur mise en œuvre, le plus souvent incompa-
tibles avec la stabilité usuelle des complexes de coordination. Le mécanisme réactionnel de l’hydroformylation par les complexes
Sur le plan mécanistique, les réactions du monoxyde de carbone du cobalt a été proposé par Heck et Breslow (figure 2).
en catalyse de coordination ont généralement en commun une La vitesse de formation de l’aldéhyde est proportionnelle à la
étape élémentaire qui est l’insertion d’une molécule de monoxyde pression partielle d’hydrogène, aux concentrations en cobalt et en
de carbone coordinée dans une liaison σ métal-substrat préexis- alcène, mais inversement proportionnelle à la pression partielle de
tante, selon le schéma : monoxyde de carbone.
CO O Les catalyseurs à base de complexes du cobalt effectuent l’hydro-
M M C XR (X = C, O, N) génation mais aussi l’isomérisation de l’alcène de départ, ce qui est
souvent utile ; l’aldéhyde à structure linéaire, qui est le plus recher-
XR ché, peut ainsi être obtenu même à partir d’un alcène interne.
O

Rappelons que le terme insertion est utilisé ici au sens large et ne La sélectivité en aldéhyde linéaire se situe vers 70-80 % dans les
préjuge pas du déroulement détaillé de la réaction. conditions opératoires habituelles. Elle dépend de ces dernières,
mais aussi de la structure de l’alcène et de la nature du catalyseur.
Une proportion plus élevée d’oxyde de carbone dans le gaz de syn-
thèse augmente cette sélectivité, tandis que, dans le cas des α-alcè-
3.1 Hydroformylation des alcènes nes, une élévation de température la diminue. L’effet de la
substitution des complexes carbonyle du cobalt par une phosphine
n’est pas très bien compris. Il semble que l’accroissement de sélec-
3.1.1 Généralités tivité en aldéhyde linéaire qui en résulte doive être attribué plus à un
effet stérique qu’à un effet électronique.
La réaction d’hydroformylation des alcènes a été découverte par Les quantités de cobalt utilisées dans la réaction (de l’ordre de
Roelen en 1938 et constitue probablement la plus ancienne réaction 0,5 % en masse) nécessitent la récupération et le recyclage du
de catalyse de coordination [98]. cobalt. C’est sur ce point que diffèrent les procédés existants.

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J1230

Catalyse aux interfaces liquide-


liquide

par Armand LATTES


Ingénieur de l’École Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse ENSCT
Docteur ès Sciences, Docteur en Pharmacie
Professeur à l’Université Paul-Sabatier de Toulouse
et Isabelle RICO-LATTES
Ancienne élève de l’École Normale Supérieure ENS de Fontenay
Agrégée de Chimie, Docteur ès Sciences
Directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique CNRS

1. Interfaces ................................................................................................... J 1 230v2 – 2


1.1 Réactivité des molécules aux interfaces.................................................... — 2
1.2 Cinétique de réaction aux interfaces liquide-liquide ................................ — 2
1.3 Milieux macroscopiquement et microscopiquement hétérogènes ........ — 2
2. Catalyse par transfert de phase .......................................................... — 2
2.1 Activation des anions.................................................................................. — 2
2.2 Principe et mécanismes .............................................................................. — 3
2.3 Influence des conditions expérimentales.................................................. — 4
2.4 Exemples d’application............................................................................... — 5
3. Catalyse micellaire .................................................................................. — 11
3.1 Solutés hydrophobes .................................................................................. — 11
3.2 Micelles ........................................................................................................ — 11
3.3 Action des milieux micellaires ................................................................... — 13
3.4 Schémas cinétiques..................................................................................... — 14
3.5 Effets de la catalyse ..................................................................................... — 15
3.6 Exemples d’application............................................................................... — 15
4. Comparaison entre catalyse par transfert de phase et catalyse
micellaire.................................................................................................... — 18
5. Utilisation de fluides perfluorés.......................................................... — 19
Pour en savoir plus ............................................................................ Doc. J 1 230v2

e lecteur trouvera dans ce dossier les principaux types de catalyse aux inter-
L faces liquide-liquide :
— la catalyse par transfert de phase ;
— la catalyse micellaire.
Pour plus d’informations, des exemples d’application sont donnés pour chacune
de ces deux techniques.
La comparaison entre catalyse par transfert de phase et catalyse micellaire est
exposée à la fin de ce texte.
Parution : mars 2006

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J1230

CATALYSE AUX INTERFACES LIQUIDE-LIQUIDE _______________________________________________________________________________________________

1. Interfaces — les milieux microscopiquement hétérogènes, suspensions de


gouttelettes liquides, extrêmement petites, dans un autre liquide ;
la phase dispersée est ici stabilisée la plupart du temps par des molé-
Lorsque deux phases, en général des liquides non miscibles, sont cules amphiphiles (lipophiles et hydrophiles) et la taille des gout-
en contact, la zone de contact constitue une interface. telettes est si petite que le milieu a l’apparence d’une solution vraie.

Ces deux situations constituent les deux limites exploitées en


Définition catalyse aux interfaces liquide-liquide et sont les bases des deux
L’interface est une région d’épaisseur mal définie mais faible techniques les plus répandues :
par rapport à la surface, à travers laquelle s’effectuent tous les
échanges de matière et d’énergie concernant les deux phases en — la catalyse par transfert de phase ;
contact. — la catalyse micellaire.
L’interface est dans un état particulier que l’on peut qualifier
d’équilibre frontière.

■ À l’échelle macroscopique, l’interface est considérée comme un


système à trois dimensions dont l’épaisseur est suffisante pour que
2. Catalyse par transfert
l’on puisse lui appliquer les lois macroscopiques de la physique et de phase
de la chimie. L’interface se comporte comme un milieu continu à tra-
vers lequel les échanges entre systèmes sont régis par des lois
globales. Considérons le cas d’une substance ajoutée à un système dipha-
sique (phase organique et phase aqueuse, par exemple) :
■ À l’échelle moléculaire, on considère l’aspect structural pour
interpréter les phénomènes étudiés. L’interface est réduite ici à un — soit la substance n’est pas soluble dans la phase organique où
système à deux dimensions où les lois macroscopiques ne peuvent se passe la réaction et il ne peut y avoir passage de cette substance
être appliquées. Cette description convient à l’étude des méca- dans cette phase que grâce à un complexant qui y est soluble et qui
nismes réactionnels interfaciaux. joue le rôle d’agent de transfert et de catalyseur ;
— soit la substance est soluble dans la phase organique réaction-
nelle mais nécessite pour réagir l’action d’un réactif de l’autre
1.1 Réactivité des molécules aux interfaces phase, réaction se produisant à l’interface ; le catalyseur intervient
ensuite pour remettre le produit modifié dans la phase organique où
Une molécule adsorbée sur une interface se trouve dans des la réaction se poursuit.
conditions réactionnelles très différentes de celles qu’elle subit dans Le comportement, mobilité et réactivité, de la substance va
chacune des phases condensées en présence : dépendre du milieu réactionnel (solvant de chaque phase) et de
— les concentrations en réactifs peuvent être plus importantes l’agent de transfert ou du catalyseur. Nous allons donc, d’abord, étu-
que celles des phases adjacentes ; dier l’activation ionique d’une substance avant de décrire les prin-
— la permittivité du milieu interfacial est propre à celui-ci ; cipes et les mécanismes de la catalyse par transfert de phase.
— les molécules à l’interface ont souvent des orientations bien
définies ; l’organisation moléculaire ainsi obtenue va conduire à des
réactions du même type que celles que l’on observe dans les sys-
tèmes biologiques (par exemple, dans les membranes cellulaires). 2.1 Activation des anions

2.1.1 Solvants protiques et solvants aprotiques


1.2 Cinétique de réaction aux interfaces
liquide-liquide On peut établir un classement des solvants à partir de leur struc-
ture, selon qu’ils sont capables ou non d’initialiser des liaisons
Les interfaces liquide-liquide sont généralement constituées à hydrogène : on distingue ainsi les solvants protiques et les solvants
partir de l’eau et d’un composé organique non miscible à l’eau. aprotiques.
Les cinétiques de réaction sont difficiles à mesurer car les trans-
ferts de matière sont non seulement déterminés par les cinétiques ■ Dans un solvant protique, un anion est solvaté par liaison hydro-
interfaciales, mais encore par la vitesse de diffusion des réactifs et g è n e . L’e a u, l i q u i d e l e p l u s s t r u c t u r é e t e x c e l l e n t s o l v a n t
des produits à travers l’interface. De plus, celle-ci peut être conta- protique, a un rôle particulier : elle permet grâce à sa permittivité
minée par des produits plus tensioactifs que les solutés des deux élevée (≈ 78 F/m) la dissociation des sels en ions libres.
phases.
Les lois de vitesse de réaction empiriques sont exprimées en fonc- ■ Dans un solvant aprotique, un anion n’est pas solvaté, il peut se
tion des concentrations des réactifs mais tiennent compte des coef- lier aux cations (ou contre-ions) neutralisant sa charge.
ficients de transfert de matière.
Cette interaction est d’autant plus faible que le solvant est plus
polaire ou solvate davantage le cation. Dans l’une ou l’autre de ces
éventualités, l’anion est nu et très réactif. C’est le principe de l’uti-
1.3 Milieux macroscopiquement lisation des solvants aprotiques polaires ou de la complexation des
et microscopiquement hétérogènes cations.

Dans le cas où un solvant aprotique est faiblement polaire et ne


En pratique, les interfaces liquide-liquide se développent dans solvate pas le cation, l’anion reste lié à celui-ci. Ils constituent
deux conditions extrêmes : ensemble une paire d’ions dont les caractères de solubilité sont dif-
— les milieux macroscopiquement hétérogènes, mélanges de férents de ceux des ions pris isolément. Ainsi, des ions très solubles
deux liquides non miscibles conduisant à des émulsions où, à l’œil dans l’eau peuvent s’associer en paire d’ions solubles en milieu
nu, on distingue deux phases ; organique.

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_______________________________________________________________________________________________ CATALYSE AUX INTERFACES LIQUIDE-LIQUIDE

2.1.2 Agent de transfert et supramolécularité organiques suffisamment longues, ou encore d’éthers-couronnes.


On peut retenir en première approximation l’ordre décroissant
Pour transférer dans un liquide une substance qui y est insoluble, suivant, déterminé par Dehmlow :
on peut ajouter un agent qui s’associe à elle et lui confère les
qualités nécessaires à sa solubilisation. On définit ainsi un agent de – – – – – –
( NO 2 ) 3 C 6 H 2 O > ( CIO 4 > ( I , CIO 3 ) > p – CH 3 C 6 H 4 SO 3 ) > NO 3
transfert.
De tels phénomènes peuvent, bien sûr, être provoqués par des – – – – – –
> B r > ( C 6 H 5 C ( O 2 , CN ) ) > CI > HSO 4 > HCO 3
associations de type électrostatique entre un ion hydrosoluble et son
– – – 2– 2– 3–
contre-ion lipophile. > CH 3 COO > ( F , OH ) > SO 4 > CO 3 > PO 4
Exemple : un halogénure d’ammonium quaternaire permet ainsi la
solubilisation dans un solvant organique CHCl3 de l’ion halogénure Le transfert entre phases se fera d’autant mieux si Q+ et l’anion
hydrosoluble grâce à son contre-ion ammonium quaternaire lipophile. ont des tailles comparables ; cependant si Q+ est de grande taille,
L’ammonium quaternaire est l’agent de transfert de l’halogénure. l’anion sera moins associé en solvant organique et donc plus réactif.
Ces associations ne sont que des cas particuliers de la formation On peut opérer en deux temps, extraction sélective et séparation
de complexes et d’autres types d’interactions moléculaires peuvent des deux phases, ou conserver les deux phases pendant toute la
aussi être mis à profit pour permettre la dissolution de différentes réaction.
espèces. Tout cela constitue un exemple d’application de la chimie
supramoléculaire, domaine d’étude de systèmes chimiques dont la Exemple : l’utilisation d’une solution aqueuse de base diluée
formation due aux interactions moléculaires confère aux entités permet, grâce au transfert de l’anion OH–, l’alkylation de composés
associées des propriétés nouvelles. organiques suffisamment acides. La réaction se passe dans les deux
phases et peut être résumée par le schéma simplifié de la figure 2.

2.2 Principe et mécanismes


2.2.2 Mécanisme interfacial

2.2.1 Extraction sélective


Un deuxième mécanisme, sans transfert entre les deux phases
pendant toute la réaction, peut également être invoqué pour expli-
L’utilisation d’un complexant Q+
(ammonium quaternaire, sel de
quer les résultats obtenus dans certains cas. Par exemple, lorsque
phosphonium, cation métallique complexé par un éther-couronne
l’on veut utiliser un acide organique très faible HA, on est amené
ou un cryptand, etc., cf. § 2.3.2) permet d’extraire un anion Y – d’une
à employer une solution aqueuse de base concentrée (50 % en masse
phase aqueuse (ou, comme nous le verrons plus loin, cf. § 2.3.1,
de soude, par exemple).
d’une phase solide) pour le transférer dans une phase organique
non polaire sous forme d’une paire d’ions.
L’anion ainsi transféré n’est pas solvaté et peut se comporter
comme un nucléophile puissant. Le rapprochement des réactifs est
facile, les vitesses de réaction sont accrues, les réactions secondaires Phase organique A–X + (Q+, Y–) A – Y + (Q+, X–)
sont réduites. (org)
Le processus obtenu à partir d’un mélange de MY et QX dans la Interface
phase aqueuse et AX dans la phase organique peut être schématisé
comme sur la figure 1. Phase acqueuse M + X– + Q + Y– M+ Y– + Q + X–
(aq)
Ce schéma fait apparaître un double transfert :
+ – + –
Q aq + X aq ( Q , X ) org X– halogénure M+ cation métallique
+ – + –
( Q , Y ) org Q aq + Y aq
Figure 1 – Extraction sélective
il y a extraction sélective par l’une ou l’autre phase. On peut mesu-
rer les constantes d’extraction E de ces paires d’ions et, en admet-

{
tant un certain nombre d’approximations, on peut estimer
l’efficacité K d’un système donné :
–H2O +RX
[Q X ] org
+ – Phase organique (Q+, OH–) + HA (Q+, A–) R – A + (Q+, X–)
E QX = -------------------------------------
+ –
-
[ Q ] aq [ X ] aq
Interface

{
+ –
[Q Y ] org
E QY = -------------------------------------
+ –
- Phase acqueuse Q + OH– + NA+ X– Na+ OH– + Q+ X–
[ Q ] aq [ Y ] aq

E QY + – –
[Q Y ] org [ X ] aq Mise en présence de HA et RX en phase organique et de NaOH et
K = ----------- = -----------------------------------------------
+ – –
-
E QX [ Q X ] org [ Y ] aq QX en phase aqueuse

Qualitativement, la distribution entre les phases va dépendre de NaOH base (OH– anion à transférer en phase organique)
plusieurs facteurs. Nous retiendrons essentiellement ceux qui HA composé organique acide
caractérisent les paires d’ions. Q+ agent de transfert
R radical alkyle
Pour un anion déterminé, l’extraction vers la phase organique est X– halogénure
d’autant meilleure que le cation Q+ est plus lipophile. Cela justifie
l’utilisation de cations ammonium ou phosphonium à chaînes Figure 2 – Alkylation de composés organiques acides forts

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CATALYSE AUX INTERFACES LIQUIDE-LIQUIDE _______________________________________________________________________________________________

Phase organique Q+ X– Q+ X– III


I II +RX
H –A A– Q+ A – R – A + Q+ X–
Interface
Figure 3 – Alkylation de composés organiques
Phase aqueuse HO– M+ M+ M+ X–
acides faibles (mécanisme interfacial)

Ici, l’arrachement du proton a lieu à l’interface (int) eau/solvant 2.3.2 Catalyseurs


organique suivant l’étape :
+ – + – Les principales qualités que l’on exige des catalyseurs sont les
M aq + OH aq + HA org ( M A ) int + H 2 O étape I suivantes :
avec M+ cation métallique. — être stables dans les conditions expérimentales ;
— ne pas gêner les opérations principales de la synthèse ni celles
Le rôle du catalyseur Q + X – est double :
de la séparation des produits ;
— stabiliser l’anion A– par le cation Q+ ; — être économiquement intéressants (faible prix de revient,
— détacher l’anion A– de l’interface : récupération aisée).
+ – + – + – + –
( M A ) int + ( Q X ) org → ( Q A ) org + M aq + X aq étape II On distingue ainsi les sels d’onium quaternaires, les éthers-
L’alkylation a lieu dans la phase organique : couronnes, les cryptands et quelques autres.
+ – + – ■ Les sels d’onium quaternaires les plus courants sont :
( Q A ) org + R X org → R A org + ( Q X ) org étape III
— les ammoniums R 4N+ X – ;
Le schéma simplifié (figure 3) résume l’ensemble du processus : — les phosphoniums R 4P + X –.
— seules de petites quantités de catalyseur Q+ X – sont nécessaires Leurs intérêts principaux sont :
(2 % en masse) ; — la grande facilité de moduler la longueur des chaînes, mais le
— il n’y a pas transfert de Q+ OH – d’une phase dans l’autre : l’acti- cation doit rester assez lipophile (R = C4H9 , par exemple) ;
vité de l’eau est nulle dans la phase organique. — la présence d’autres groupements fonctionnels sur les chaînes
ou même d’un groupe chiral ;
— le choix possible de l’anion pour éviter d’avoir des sels trop
2.3 Influence des conditions expérimentales lipophiles.

2.3.1 Milieu Exemples


(n – C4H9)4N+Br –,
■ La catalyse par transfert de phase s’exerce la plupart du temps [(C8H17)3NCH3]+ Cl – (aliquat 336 ),
dans un système diphasique : eau et solvant organique.
Les solvants organiques jouent évidemment un rôle important à [C6H5 – CH2 – N(C2H5)3]+ Cl – (chlorure de benzyltriéthylammonium
la fois pour extraire la paire d’ions mais aussi comme milieu réac- ou chlorure de TEBA),
tionnel. Leurs caractéristiques doivent être les suivantes : (n – C4H9)4P+Cl –.
— insolubles dans l’eau ;
— aprotiques et apolaires ; ■ Les éthers-couronnes et les cryptands par leur possibilité de
— non réactifs. complexer les cations (figure 4) sont d’excellents agents de transfert
des anions. De coût élevé, leur intérêt principal réside dans leur
Les plus couramment utilisés sont les dérivés chlorés de l’éthane, grande sélectivité. Ce sont d’excellents catalyseurs pour le transfert
le benzène, le toluène, l’orthodichlorobenzène et certains autres de phase solide-liquide.
dérivés chlorés du benzène ou du toluène.
La catalyse par transfert de phase étant un phénomène général,
on ne peut exclure a priori aucune combinaison solution aqueuse –
solvant organique. O O
Remarquons qu’il est aussi possible, avec les composés orga- O O O O
niques liquides, d’utiliser ceux-ci directement sans solvant. + MY M+
solide
O O O O
■ La catalyse peut également s’opérer par transfert d’une phase
O O
solide vers une phase organique. En l’absence d’eau, on peut utiliser
directement les sels minéraux ou les bases minérales. Par exemple, Éther-couronne (18-6) En phase liquide
on peut mettre en œuvre les couples : KOH/C6H6, KF/C6H6 , KSCN/ (18 atomes dont 6 d’oxygène) organique
toluène. Dans tous les cas, le principe reste le même : former une paire d’ions
paire d’ions extraite par le solvant organique :
+ O O O M+ O
+ – +Q + –
( M , Y ) sol → ( Q , Y ) org N O O N + MY
N O O N Y–
solide
O O O O
La réaction peut ensuite se dérouler à la surface du solide ou en
milieu organique.
Cryptand (2,2,2) En phase liquide
■ La catalyse triphasique est un cas particulier du concept général des (2 atomes d’oxygène sur organique
réactifs supportés. Elle permet de réaliser pratiquement des conditions les 3 liaisons paire d’ions
favorisant la séparation des produits et la récupération du catalyseur, entre 2 atomes d’azote)
ce qui est une des conditions de développement de la catalyse par
transfert de phase. Le principe de cette technique réside dans l’utilisa- Formation d’une paire d’ions en solvant organique
tion d’une résine solide portant le groupe catalytique : la matrice est
constituée de polystyrène substitué par un groupe catalytique. Figure 4 – Réactions avec éther-couronne et cryptand

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_______________________________________________________________________________________________ CATALYSE AUX INTERFACES LIQUIDE-LIQUIDE

2.3.3 Méthodes d’activation ■ Deux réactions d’O-alkylations (tableau 3) importantes sont la


préparation d’éthers (réaction 1) et la préparation d’esters
Outre les méthodes classiques d’activation : thermique, photochi- (réaction 3). Des réactions secondaires peuvent intervenir car, dans
mique, couramment employées en catalyse par transfert de phase, les conditions d’utilisation, s’il y a un dérivé halogéné, il peut
il a été décrit l’utilisation : s’hydrolyser en alcool :
— d’irradiations ultrasoniques, essentiellement dans des réac- R′X → R′OH
tions d’alkylation ;
— de micro-ondes, appliquées à des réactions de C–, O–, et N– et l’éther symétrique R’ OR’ peut alors être obtenu.
alkylations, d’additions nucléophiles, de déprotonations et autres
procédés de synthèse organique. Bien que les polyols soient très solubles dans l’eau et, pour cela
même, considérés comme non réactifs dans les conditions de cata-
lyse par transfert de phase, il a pu être procédé, dans ces conditions,
à l’éthérification du pentaérythrol et autres polyols par le chlorure
2.4 Exemples d’application d’allyle ou le bromure d’heptyle avec de bons rendements. Pour cela
il est nécessaire de travailler avec un gros excès de soude à 50 % et
du bromure de tétrabutylammonium comme catalyseur. De même
2.4.1 Réactions de substitution nucléophile
le saccharose peut être polybenzylé.
Les réactions de substitution nucléophile par l’anion transféré Les éthers siliciés (réaction 2) peuvent également être préparés
sont celles qui sont le plus souvent mises en œuvre en transfert de mais en utilisant le milieu solide-liquide.
phase.
Quelques exemples significatifs de substitution nucléophile sont La réaction utilisée pour la synthèse des esters (tableau 3,
rapportés dans le tableau 1. réaction 3) donne des rendements excellents avec les sels d’ammo-
nium quaternaire comme catalyseurs.

2.4.2 Réactions d’alkylation ■ Les S-alkylations (tableau 4, page 7) permettent de préparer des
thiols (réaction 1) et des thioéthers (réactions 2 et 3). Une solution
Les réactions d’alkylation peuvent être considérées comme des aqueuse de sulfure alcalin est chauffée avec la solution d’halogé-
réactions de substitutions nucléophiles de l’anion du radical alkyle nure d’alkyle, en présence de catalyseur pendant environ 1 h ; les
par les anions transférés du type : rendements sont souvent quantitatifs (≈ 100 %).

■ Les N-alkylations s’appliquent aux amines aliphatiques simples


(sans autre fonction) mais on ne peut alkyler que les composés à
groupe NH de pK a supérieur à 22-23, c’est-à-dire les aziridines (réac-
■ Les réactions de C-alkylation (tableau 2) sont parmi les applica- tion 6 du tableau 4), les hétérocycles à 5 et 6 chaînons, les diarylhydra-
tions les plus intéressantes de la catalyse par transfert de phase. zines, les arylhydrazones, les acylanilines, les phosphoramidates, les
Elles supposent la possibilité de former un carbanion à partir d’une sulfonamines.
liaison C — H. Les C-alkylations sont souvent réalisées en présence
de soude concentrée, ce qui permet d’alkyler des acides — CH de Pour alkyler les amides simples, on doit utiliser des bases plus
pK a supérieurs à 22-23. fortes : combinaisons de K2CO3 , KOH ou NaOH, en poudre.

(0)

Tableau 1 – Substitutions nucléophiles


Référence
t Durée r (2)
Réaction Catalyseur Milieu (1) bibliographique
(°C) (h) (%)
[Doc. J 1 230v2]

RCl + NaCN → RCN + NaCl + –


( NR 4 ) X LL ou LS 100 2 95 [1]

RX + KF → RF + KX + –
( PR 4 ) X LL ou LS 100 à 160 2à7 90 [2]

2CH 2 Cl 2 + 3NaI → CH 2 I 2 + CH 2 ClI + 3NaCl +


[ C 16 H 33 P ( C 4 H 9 ) 3 ] Br
(0)

LL 110 20 90 [3]

RX + NaN 3 → RN 3 + NaX + –
[ CH 3 N ( C 8 H 17 ) 3 ] Cl(0) LL 100 6 75 à 80 [4]

+ –
(3) [ CH 3 N ( C 8 H 17 ) 3 ] Cl(0) LL 85 1 > 85 [5]

(1) LL catalyse liquide-liquide


LS catakyse liquide-solide.
(2) Rendement massique.
(3) Réaction globale non équilibrée.

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Catalyse hétérogène
Mode d’action des catalyseurs

par Michel GUISNET


Professeur des universités
Catalyse en Chimie Organique, Poitiers, France
Centre for Biological and Chemical Engineering, Lisbon, Portugal

et Ludovic PINARD
Maı̂tre de Conférences, Membre du Bureau du Groupe Français des zéolithes (GFZ)
Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux de Poitiers (IC2MP)
UMR CNRS 7285, Université de Poitiers, France

1. Caractéristiques générales ........................................................... J 1 250v3 – 3


1.1 Qu’est-ce qu’un catalyseur ?.............................................................. — 3
1.2 Catalyse homogène et catalyse hétérogène ..................................... — 4
1.3 Analyse du cycle catalytique ............................................................. — 4
2. Propriétés physiques des catalyseurs solides........................... — 6
2.1 Mesure de la surface spécifique ........................................................ — 7
2.2 Caractérisation de la porosité ............................................................ — 7
3. Chimisorption et activité catalytique......................................... — 7
3.1 Force d’adsorption et activité catalytique. Principe de Sabatier ...... — 7
3.2 Classification des catalyseurs ............................................................ — 8
3.3 Dénombrement des sites actifs ......................................................... — 9
4. Propriétés catalytiques.................................................................. — 9
4.1 Méthodes de caractérisation .............................................................. — 9
4.2 Mesure de l’activité en réacteur isotherme à lit fixe ........................ — 10
4.3 Sélectivité ........................................................................................... — 12
4.4 Stabilité des performances. Durée de vie d’un catalyseur ............... — 12
5. Équations cinétiques des réactions de catalyse hétérogène . — 14
5.1 Vitesse des étapes élémentaires ........................................................ — 14
5.2 Équation de la vitesse de la réaction ................................................ — 14
6. Préparation et mise en œuvre des catalyseurs ......................... — 15
6.1 Choix du catalyseur............................................................................ — 15
6.2 Élaboration des catalyseurs ............................................................... — 15
6.3 Réacteurs catalytiques industriels [2] [3] .......................................... — 16
7. Grands procédés industriels ......................................................... — 17
Parution : juin 2019 - Dernière validation : octobre 2020

8. Conclusion........................................................................................ — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 1 250v3

es applications diverses et variées de la catalyse hétérogène constituent une


L des bases de notre société technologique. Ce domaine pluridisciplinaire
nécessite à la fois des connaissances sur les catalyseurs solides, allant de leur
préparation à leur caractérisation (en particulier celle de leur surface) et sur les
réactions : cinétique et mécanismes et leur mise en œuvre.
Cet article, qui présente de façon succincte ces divers aspects, ne peut donc
constituer qu’une première approche de ce thème à la fois passionnant et éco-
nomiquement essentiel qu’est la catalyse hétérogène. Ce thème est développé
en détail dans une large série d’articles : catalyse acido-basique [J 1 210], cata-
lyse redox [J 1 215] catalyse, bifonctionnelle redox-acide [J 1 217] [J 1 218],

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CATALYSE HÉTÉROGÈNE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

mécanismes et principales applications industrielles de la catalyse hétéro-


gène [J 1 200] [J 1 255], désactivation et régénération des catalyseurs [J 1 265]
et plus particulièrement des zéolithes [J 6 675].

Aperçu historique
Si les premiers travaux en catalyse hétérogène concernaient la décomposition de
l’ammoniac sur différents métaux (1813), la réaction inverse n’a été mise au point qu’au
siècle suivant par Haber (1909) puis très rapidement industrialisée par BASF (1913).
Ce succès a initié de nombreux travaux de recherche conduisant à plusieurs prix Nobel :
– 1912, Sabatier : hydrogénation des composés organiques en présence de métaux
finement divisés ;
– 1932 Langmuir : chimie des surfaces ;
– 2006 Chauvin : développement de la métathèse en synthèse organique ;
– 2007 Ertl : chimie des surfaces, et menant à des applications industrielles majeures.

Principaux symboles

Symbole Description Unité

am Surface occupée par une nm2


molécule adsorbée

D Dispersion %

d Taille moyenne des particules m

Ea Énergie d’activation J.mol-1

F Débit molaire mol.s-1

k Constante de vitesse variable

K Constante d’équilibre variable


thermodynamique

m Masse de solide kg

PPH Vitesse spatiale horaire s-1

pA Pression partielle en A bar

pt Pression totale bar

r Vitesse de transformation mol (réac.).s-1.kg-1 (cat.)


ou kg (réac.).s-1.kg-1 (cat.)

Sg Surface spécifique m2.kg-1

S1, S2 Sélectivité en produits 1 et 2 %

VM Volume d’une mole d’adsorbat –

T Température K

X Taux de conversion %

t Temps de contact s

θ Taux de couverture de surface –

DHa Enthalpie d’adsorption J.mol-1

Indices e équilibre A, B, C composés A, B


S sortie et C
O initial a adsorbé
d desorbé
s surface

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CATALYSE HÉTÉROGÈNE

1. Caractéristiques générales Cette définition appelle quelques commentaires :


Le catalyseur ne figurant pas dans l’équation stœchiométrique
de la réaction qu’il accélère ne modifie pas ses caractéristiques
thermodynamiques. Il ne peut donc rendre possible une réaction
thermodynamiquement impossible dans les conditions choisies.
1.1 Qu’est-ce qu’un catalyseur ? Une autre conséquence importante du point de vue pratique est
qu’un catalyseur de l’étape directe d’une réaction réversible est
aussi catalyseur de l’étape inverse (un catalyseur d’hydrogénation
Un catalyseur est une substance, solide, liquide ou gaz, qui
catalyse aussi la déshydrogénation, etc.).
augmente la vitesse d’une réaction chimique sans apparaı̂tre
dans les produits finaux. Dans les conditions opératoires choisies, le (ou les) réactif(s) peut
(vent) fréquemment subir plusieurs transformations thermodyna-
miquement possibles.
Les figures 1 et 2 montrent sur deux exemples de réaction :
– la première mono moléculaire, isomérisation de A en B, Exemple : l’isopropanol peut se déshydrater en propène ou se
déshydrogéner en acétone.
– la seconde bimoléculaire, addition de A et B conduisant à deux
produits C et D,
– que le catalyseur ouvre un chemin nouveau, plus facile que les Un catalyseur n’augmente pas la vitesse de toutes les réactions
transformations stœchiométriques (non catalytiques). En effet, les mais spécifiquement d’une (ou plusieurs) d’entre elles.
réactions catalytiques font intervenir un cycle ininterrompu d’éta- Exemple : un catalyseur acide tel que l’alumine favorise la
pes élémentaires de combinaison catalyseur-réactifs, de transfor- déshydratation de l’isopropanol, un métal tel que le cuivre sa
mation des espèces produites et de régénération du catalyseur et déshydrogénation.
l’activation nécessaire est plus faible.
Énergie potentielle

Thermique

Er Catalytique Ea, Es, Ed, Er : énergies d’activation de la


chimisorption de A, de la réaction superficielle,
de la désorption de B et de la réaction thermique.

Es
∆Ha, ∆Hd, ∆Hr : enthalpies de chimisorption de
A Ea A, de désorption de B et de la réaction de
∆Ha réarrangement
∆Hr
AS B
Ed
∆Hd
BS

État du système

a évolution de l’énergie potentielle du système réactionnel

1
A AS
1:A+S AS Chimisorption
S : site actif
S 2 : AS BS Réaction superficielle
2 AS, BS : réactif A et produit B chimisorbés
B 3 : BS B+S Désorption
BS
3
b cycle catalytique

Figure 1 – Réaction de réarrangement A  B (exothermique)

1 B
A AS
2 1:A+S AS Chimisorption
S : site actif
S 2 : AS + B ASB Réaction superficielle AS, DS : réactif A et produit D chimisorbés
ASB
D 3 : ASB C + DS Décomposition du complexe adsorbé ASB : intermédiaire chimisorbé
4 DS
4 : DS D+S Désorption
3
C

Figure 2 – Réaction d’addition A + B ⇌ C + D

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CATALYSE HÉTÉROGÈNE ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Dans le choix d’un catalyseur, cet effet orienteur est souvent de façon dramatique la vitesse de réaction, augmentant (a) ou
aussi essentiel que l’effet accélérateur car il limite le coût des éta- diminuant (b) l’effet catalytique apparent.
pes de séparation des produits désirés en améliorant la sélectivité Les limitations par le transport de matière ont souvent un effet
de la réaction. négatif sur l’activité, mais aussi sur la sélectivité et la stabilité des
Par ailleurs, bien que le catalyseur n’apparaisse pas dans les pro- performances dans le temps des catalyseurs solides, ce qui confère
duits finaux, sa durée de vie n’est pas illimitée ; en effet, comme on un avantage à la catalyse homogène sur la catalyse hétérogène.
le verra plus loin (§ 4.4), il peut être altéré, physiquement ou chimi- Cet avantage est toutefois très largement compensé par la sépara-
quement, perdant plus ou moins rapidement son activité. Sa sélec- tion facile du mélange réactionnel du catalyseur solide et la mise
tivité en produits désirés peut elle aussi être affectée, parfois posi- en œuvre aisée de procédés continus. Quant au transport de cha-
tivement mais bien souvent négativement. leur, son effet sur l’activité est plus complexe (positif ou négatif)
car dépendant de la thermicité (exo ou endo) de la réaction, de la
En résumé, la qualité d’un catalyseur, donc son choix pour une conductivité thermique du matériau catalytique et des transferts
application industrielle, découle de trois propriétés fondamen- de chaleur entre le solide catalyseur et la phase fluide.
tales : son activité, sa sélectivité en produits désirés et la sta-
bilité de ces perfomances dans le temps [1] [2] [3].
1.3 Analyse du cycle catalytique
Soit la réaction simple de réarrangement A ⇌ B en phase gaz
1.2 Catalyse homogène et catalyse catalysée par un solide poreux. Le cycle catalytique comporte les
hétérogène sept étapes consécutives schématisées dans la figure 3.
Les réactions catalytiques sont classées en deux grandes catégo- En régime permanent, les vitesses de toutes ces étapes élémen-
ries selon que le catalyseur est soluble dans le milieu réactionnel taires sont égales ; cette égalité peut être utilisée pour obtenir
(catalyse homogène) ou ne l’est pas (catalyse hétérogène). Dans l’équation de vitesse globale en fonction de la température et de
ce dernier cas, le catalyseur est généralement solide, le milieu réac- la concentration du (ou des) réactif(s) dans la phase fluide.
tionnel gaz ou liquide et la réaction catalytique se produit sur la sur-
face du solide. C’est pourquoi les étapes chimiques du cycle cataly- 1.3.1 Diffusion des réactifs et des produits
tique prennent des dénominations spécifiques. La diffusion tend à égaliser les concentrations dans la phase
fluide. Les molécules de réactif étant transformées à la surface du
Réarrangement catalytique de A en B (figure 1). Les étapes sont :
catalyseur, c’est sur cette surface que leur concentration est la plus
– la chimisorption ou l’adsorption chimique pour la combinaison
faible, et inversement pour les molécules de produit. Un courant de
du réactif A avec les sites actifs S du catalyseur (étape 1) ;
diffusion des molécules de réactif de la phase fluide vers la surface,
– la réaction superficielle pour le réarrangement de l’espèce chi-
et des molécules de produit de la surface vers la phase fluide, va
misorbée AS en espèce chimisorbée BS (étape 2) ;
donc s’établir. Généralement, la plupart des sites actifs sont locali-
– la désorption du produit B avec régénération du catalyseur
sés sur les parois des pores et la diffusion des molécules de réactif
(étape 3).
(et de produit) s’opère en deux étapes.
La chimisorption étant une véritable réaction chimique, seules & Diffusion externe dans la phase fluide entourant le grain
certaines espèces présentes à la surface du solide catalyseur peu- En régime permanent, un gradient de concentration existe au
vent, de façon adéquate, chimisorber les molécules de réactif ; ces voisinage du grain, l’épaisseur de la couche dans laquelle existent
espèces S sont appelées sites actifs. ces gradients dépendant des conditions hydrodynamiques. Selon
La vitesse de la réaction (ou l’activité du catalyseur) qui
s’exprime en quantité de réactif transformé par unité de masse du
catalyseur et par unité de temps (par exemple, mol.s-1.g-1 au labo-
Phase gaz
ratoire ou t.j.-1.kg-1 dans l’industrie) est d’autant plus grande que la Pores
homogène
surface du catalyseur et la densité des sites actifs sur cette surface
sont importantes. Cela explique pourquoi les catalyseurs solides
ont des surfaces spécifiques souvent très élevées allant parfois au-
delà de 1 000 m2.g-1. Des surfaces aussi élevées ne peuvent être
obtenues que par la création de pores au cours de la préparation.
La surface externe des particules les plus petites pouvant être utili- 1 3 4
2
sées sans s’agglomérer est inférieure à une dizaine de m2.g-1. 5
La plupart des catalyseurs sont donc des solides poreux.
Le fait que la réaction se produise à la surface du solide cataly- 6
Film de gaz
seur (interface solide-fluide) et non dans le volume d’une phase
fluide comme en catalyse homogène complique le cycle cataly- 7
tique. Celui-ci n’est plus seulement constitué d’étapes chimiques
(comme en catalyse homogène), mais aussi d’étapes (physiques)
1. Diffusion de A à travers la couche gazeuse qui stagneautour d’un grain
de transport (figure 3) : diffusion des molécules de réactifs vers la (diffusion externe).
surface du catalyseur ou des molécules de produits de la surface 2. Diffusion de A dans les pores du grain (diffusion interne).
du catalyseur vers la phase fluide. Contrairement aux réactions de 3. Chimisorption de A sur les sites actifs.
catalyse homogène, les réactions de catalyse hétérogène peuvent 4. Tranformation de l’espèce chimisorbée AS en BS (réaction superficielle).
donc être limitées par le transport de matière. Des limitations au 5. Désorption de B des sites actifs.
transfert de la chaleur produite à la surface (cas a : réactions exo- 6. Diffusion de B dans les pores jusqu’à la frontière du grain
thermiques) vers la phase fluide ou de la phase fluide vers la sur- (diffusion interne).
face (cas b : réactions endothermiques) sont également possibles, 7. Diffusion externe de B à travers la couche gazeuse qui entoure le grain.
la température de la surface où se déroule la réaction étant alors
plus élevée (a) ou plus faible (b) que la température de la phase
fluide. Ces différences de température, parfois très élevées (exem- Figure 3 – Étapes physiques (transport) et étapes chimiques
ple des réactions très exothermiques d’oxydation) peuvent affecter du réarrangement de A et B sur un grain de catalyseur poreux

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J1255

Catalyse hétérogène
dans les procédés industriels
par Denis UZIO
Ingénieur de recherche
IFP Énergies nouvelles (IFPEN), Lyon, France
Note de l’éditeur
Cet article est la version actualisée de l’article J1255 intitulé « Catalyse hétérogène dans les
procédés industriels », rédigé par Claude Naccache et paru en 2005.

1. Catalyse hétérogène dans l’industrie du raffinage


pour la production de carburants.............................................................. J 1 255v2 - 2
1.1 Raffinage du pétrole ................................................................................... — 2
1.1.1 Procédés de conversion catalytique................................................. — 2
1.1.2 Procédés de purifications catalytiques par hydrotraitement ......... — 5
1.2 Conversion du charbon et de la biomasse en carburants ....................... — 6
1.3 Élimination du soufre dans les gaz............................................................ — 7
2. Catalyse hétérogène dans l’industrie de la pétrochimie
et de la chimie ............................................................................................. — 7
2.1 Hydrogénations........................................................................................... — 7
2.2 Déshydrogénations..................................................................................... — 9
2.3 Transformation des aromatiques BTX ...................................................... — 9
2.4 Réactions d’oxydation catalytique sélective des hydrocarbures légers...... — 9
2.4.1 Oxydation du propène en acroléine ................................................. — 10
2.4.2 Oxydation du butane en anhydride maléique ................................. — 10
2.4.3 Époxydation de l’éthylène................................................................. — 10
2.4.4 Oxydation du propène en présence d’ammoniac
(ammoxydation).......................................................................................... — 11
3. Chimie minérale (production d’ammoniac, d’acides nitrique
et sulfurique) ............................................................................................... — 11
3.1 Synthèse de l’ammoniac ............................................................................ — 11
3.2 Synthèse de l’acide nitrique....................................................................... — 11
3.3 Synthèse de l’acide sulfurique................................................................... — 11
4. Dépollution automobile ............................................................................. — 12
5. Production et conversion d’hydrogène et de gaz de synthèse .............. — 12
Parution : février 2018 - Dernière validation : octobre 2020

5.1 Production de l’hydrogène et du gaz de synthèse ................................... — 12


5.2 Synthèse Fischer-Tropsch vers carburants ou alcools ............................ — 13
6. Conclusion ................................................................................................... — 13
7. Glossaire ...................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. J 1 255v2

éployée dans plus de 85 % des procédés industriels, la catalyse hétéro-


D gène est devenue une composante essentielle du paysage industriel
depuis ses lointaines origines liées aux travaux de Berzélius il y a presque
deux siècles. En effet, elle est présente dans les domaines stratégiques de
l’énergie tels que la production de carburants, la chimie des grands intermé-
diaires ou encore la dépollution. De par ses principes fondamentaux, la

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J 1 255v2 – 1

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J1255

CATALYSE HÉTÉROGÈNE DANS LES PROCÉDÉS INDUSTRIELS _______________________________________________________________________________

catalyse hétérogène est à même de concilier les contraintes apparemment


antagonistes du monde moderne en matière de demande toujours croissante
en vecteurs énergétiques et composés chimiques, de protection de l’environ-
nement en minimisant les produits secondaires non valorisables (rejets
toxiques ou gaz à effet de serre – GES –) ainsi qu’une utilisation parcimonieuse
des ressources naturelles. Parmi les principaux atouts de la catalyse hétéro-
gène, nous pouvons rappeler qu’elle met en jeu une très faible quantité de
matière catalytique par rapport à la quantité de produits convertis (contraire-
ment aux processus dits « stoechiométriques ») et qu’elle offre la possibilité
d’orienter sélectivement les chemins réactionnels vers les produits désirés, ce
qui permet de réduire la formation de sous-produits indésirables et par voie de
conséquence les opérations de séparation. Elle est aujourd’hui un acteur
incontournable pour le respect des principes de chimie verte et durable tels
que définis par Paul Anastas [1] [J1200].
La catalyse hétérogène s’est imposée pour représenter aujourd’hui les deux
tiers des procédés catalytiques industriels, le dernier tiers correspondant à la
catalyse homogène avec une part mineure de la catalyse enzymatique (2 %).
Parmi les grandes familles de réactions concernées, on trouve quasiment à égale
répartition en nombre les hydrogénations, oxydations et les réactions acido-
basiques mises en œuvre principalement dans des procédés en phase liquide.
Nous parcourrons dans cet article les grandes familles de procédés indus-
triels modernes mettant en œuvre des catalyseurs hétérogènes et permettant
la synthèse des produits répondant aux besoins sociétaux. Le lecteur non spé-
cialiste du domaine pourra ainsi se rendre compte de l’extraordinaire
importance et prolifération de cette discipline scientifique et dont les perspec-
tives pour répondre aux enjeux environnementaux et énergétiques sont
immenses.

1. Catalyse hétérogène 1.1 Raffinage du pétrole


dans l’industrie du raffinage L’industrie du raffinage, née en 1863 aux États-Unis, traite
aujourd’hui environ 85 millions de barils de pétrole brut par jour
pour la production correspondant à une capacité voisine de 4 milliards de tonnes par
an réparties dans environ 700 raffineries en opération dans le
de carburants monde. Le fort développement de cette industrie dans la seconde
moitié du XXe siècle est intimement lié à celui de la catalyse.
L’industrie du raffinage produit les carburants, les fuels domes- Aujourd’hui, les différents procédés mis en œuvre dans le raffi-
tiques et industriels ainsi que des produits dits de spécialité tels nage du pétrole font intervenir les principales familles de maté-
riaux catalytiques, principalement hétérogènes, qui comprennent :
que les solvants, les huiles ou encore des produits de base pour la
les solides acides, métaux, sulfures, solides bifonctionnels, et
pétrochimie. La mobilité à l’échelle mondiale des personnes et
enfin les oxydes. Une très grande variété de compositions et de
des marchandises étant en croissance régulière, les procédés
mises en forme ont été développées pour répondre aux spécifici-
industriels de raffinage devront assurer la production de carbu-
tés de chaque procédé (figure 1). L’industrie du raffinage
rants pendant encore de nombreuses années. Ces procédés
consomme à elle seule 20 % de l’ensemble des catalyseurs hété-
peuvent être répartis en deux familles :
rogènes, ce qui représente un marché d’environ 10 G€/an. Les
– les procédés de transformation et de conversion permettant pétroles bruts riches en carbone et hydrogène contiennent égale-
soit de produire les molécules ayant les bonnes propriétés de com- ment de nombreuses impuretés délétères à leur utilisation
bustion dans les moteurs thermiques, soit de convertir les molé- (soufre, azote, métaux tels que le nickel, le vanadium, le mercure
cules notamment celles de haute masse moléculaire en molécules ou l’arsenic). Ces pétroles sont constitués de milliers de molécules
de masse moléculaire entrant dans la gamme visée (cf. tableau 1) ; différentes répertoriées en grandes familles chimiques comme les
– les procédés de purifications catalytiques (exemple des pro- paraffines, aromatiques, cyclo-paraffines ou hétérocycles. À cette
cédés d’hydrotraitements) dont l’objectif est d’améliorer les extrême diversité répond le raffinage, étape clé de l’industrie
caractéristiques de coupes pétrolières lourdes avant leur transfor- pétrolière, qui consiste à transformer le pétrole brut en carbu-
mation dans une unité de conversion ou de mettre aux spécifica- rants, combustibles, matières premières pour la pétrochimie, ou
tions les différents carburants (élimination du soufre en encore en des produits spécifiques tels que les huiles lubrifiantes
particulier) avant le mélange final. (le lecteur pourra consulter le ou les bitumes.
site de la société Axens pour plus de détails sur les schémas de
procédés).
1.1.1 Procédés de conversion catalytique
Ces procédés sont aujourd’hui soumis à des contraintes multi-
ples liées à la nécessité d’adapter la production en quantité et en La figure 2 représente le schéma de principe du raffinage du
qualité aux évolutions des ressources et à la demande du marché pétrole. On peut distinguer deux classes de procédés de conver-
tout en veillant au respect des normes environnementales en sion : ceux qui utilisent seulement la température pour réaliser la
termes de rejets. rupture des liaisons C-C, on parle alors de craquage thermique

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J 1 255v2 – 2

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J1255

________________________________________________________________________________ CATALYSE HÉTÉROGÈNE DANS LES PROCÉDÉS INDUSTRIELS

Tableau 1 – Caractéristiques des principales coupes issues du raffinage du pétrole

Type de coupe Nombre d’atomes de carbone Températures d’ébullition [°C]

Gaz + GPL (gaz de pétrole liquéfiés) C1-C4 –200/0

Essences C5-C12 30/210

Naphtha C8-C12 100/200

Kerosène C10-C14 180/220

Gazoles C14-C25 220-370

Distillats sous vide C20-C45 370/550

Résidus atmosphériques > C30 350+

Résidus sous vide > C60 550+

Huiles, cires, paraffines C20-C60 400+

recherché mais une quantité importante d’oléfines légères (GPL


C3-C4, C5) peut également être obtenue grâce à ce procédé dans
sa version « pétrochimique ». La catalyse mise en œuvre est de
type catalyse acide qui permet de promouvoir via des intermé-
diaires réactionnels carbocationiques, les réactions de scission C-C,
d’isomérisation de position des chaînes carbonées ou encore de
condensation.
D’un point de vue technologique, la solution retenue est majori-
tairement le craquage catalytique en lit fluidisé ou FCC, dans
lequel le solide catalytique sous forme de fine poudre (environ
60 microns de diamètre) circule à grande vitesse entre les sections
réactionnelle et régénérative. Opérant en absence d’hydrogène, le
craquage catalytique permet d’augmenter le ratio H/C de la charge
en retirant le C qui se dépose sur le catalyseur sous forme de coke
avant que celui-ci ne soit régénéré par combustion.
Les catalyseurs utilisés sont généralement constitués de petits
cristaux de zéolithes Y (faujasite) de quelques microns dilués dans
une matrice d’alumine poreuse. À cette base minérale, sont sou-
vent ajoutés de nombreux additifs tels que des terres rares et des
traitements spécifiques (désalumination) sont effectués pour amé-
liorer les performances notamment vis-à-vis des réactions secon-
daires indésirables ou de la stabilité hydrothermale du catalyseur.

Figure 1 – Différents types de catalyseurs hétérogènes (© IFPEN/ 1.1.1.2 Hydrocraquage des charges lourdes (DSV, DAO,
Patrick Chevrolat) résidus)
Moins répandu et par certains aspects concurrent du FCC,
(viscoréduction, cokage), et ceux qui utilisent un catalyseur pour l’hydrocraquage – comme son nom l’indique – réalise la conver-
accélérer et orienter les réactions comme le craquage catalytique sion des charges lourdes en présence de fortes pressions
ou encore l’hydrocraquage. Nous ne traiterons ici que les aspects d’hydrogène (80-150 bar) et à haute température (350-450 °C en
concernant ces derniers. fonction des charges traitées). Il est particulièrement versatile
mais souvent dédié à la production de distillats moyens (gazole,
1.1.1.1 Craquage catalytique kérosène) de très bonne qualité en termes de teneurs en impure-
Procédé très important de par sa capacité à traiter de nombreux tés (soufre, azote) et en indice de cétane du gazole produit. Les
types de charges lourdes (typiquement des distillats sous vide améliorations successives du procédé ont conduit à un schéma
(DSV), mais aussi des gazoles lourds d’hydrocraquage (HCK), multi-étapes comprenant un prétraitement (HDS, HDN, HDA), et
coker, deasphalted oil (DAO)) et les capacités de production qu’il une section simple ou double d’hydroconversion ; les technolo-
permet d’atteindre (environ 800 Mt/an dans le monde), le cra- gies usuelles étant des réacteurs de type lits fixes contenant un
quage catalytique met en œuvre un catalyseur acide de la famille ou plusieurs catalyseurs étagés.
des aluminosilicates cristallisés (zéolithes) à haute température Les catalyseurs présentent une double fonction catalytique (on
(500-550 °C) et sous faible pression (proche de Patm). Après frac- parle alors de catalyse bifonctionnelle) [J1217] : un sulfure de
tionnement, les effluents liquides produits sont envoyés dans des métal de transition (NiMoS, NiWS) associé à un oxyde aux pro-
unités d’hydrotraitement afin de les rendre compatibles aux spéci- priétés acides tel que les zéolithes ou les silice-alumines amor-
fications notamment en termes de teneur en soufre ou en aroma- phes. Le premier assure l’élimination des hétéroéléments et
tiques. L’essence (coupe C5-220 °C) est le produit généralement participe à l’activation de l’hydrogène et des hydrocarbures qui

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J 1 255v2 – 3

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J1260

Catalyse de polymérisation

par Thierry SENNINGER


Ingénieur de l’École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy
Docteur de l’Université Claude Bernard (Lyon I)
Ingénieur de Recherches au Groupement de Recherches de Lacq (Groupe Elf)

1. Catalyse Ziegler........................................................................................ J 1 260 - 3


1.1 Définitions .................................................................................................... — 3
1.2 Évolution de la catalyse Ziegler.................................................................. — 4
1.3 Mécanismes ................................................................................................. — 5
1.4 Monomères polymérisables ....................................................................... — 7
1.4.1 Polyoléfines......................................................................................... — 7
1.4.2 Polydiènes ........................................................................................... — 8
1.4.3 Copolymère éthylène-propylène et éthylène-propylène-diène ...... — 8
1.5 Mécanismes de la polymérisation ............................................................. — 9
1.5.1 Réactions de propagation .................................................................. — 9
1.5.2 Réactions de transfert et de terminaison.......................................... — 10
1.6 Cinétique de polymérisation....................................................................... — 10
2. Catalyses au chrome............................................................................... — 11
2.1 Catalyse Phillips........................................................................................... — 11
2.1.1 Préparation des catalyseurs............................................................... — 11
2.1.2 Rôle du support .................................................................................. — 11
2.1.3 Modification des catalyseurs Phillips................................................ — 12
2.2 Catalyse Union Carbide............................................................................... — 12
2.3 Catalyse Standard Oil of Indiana................................................................ — 12
3. Catalyseurs monosites ........................................................................... — 12
3.1 Métallocènes ................................................................................................ — 13
3.1.1 Définition ............................................................................................. — 13
3.1.2 Nouveaux polymères ......................................................................... — 13
3.1.3 Complexes cationiques ...................................................................... — 15
3.1.4 Perspectives de la catalyse métallocènes......................................... — 15
3.1.5 Vue d’ensemble sur la catalyse de polymérisation des a-oléfines. — 15
3.2 Copolymères a-oléfines - CO .................................................................... — 15
3.2.1 Systèmes catalytiques........................................................................ — 15
3.2.2 Mécanismes de polymérisation ........................................................ — 16
3.2.3 Applications des copolymères a-oléfines - CO............................... — 17
3.3 Nouvelle catalyse DuPont ........................................................................... — 18
4. Polymérisation par ouverture de cycle (ROMP) .............................. — 19
4.1 Catalyseurs de métathèse........................................................................... — 19
4.2 Monomères polymérisables par ROMP..................................................... — 19
4.2.1 Cyclooléfines simples......................................................................... — 19
4.2.2 Bicyclooléfines .................................................................................... — 20
4.2.3 Alcynes ................................................................................................ — 20
4.3 Mécanisme de polymérisation ROMP ....................................................... — 20
5. Perspectives .............................................................................................. — 21
Références bibliographiques ......................................................................... — 22
Parution : juin 1998

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J1260

CATALYSE DE POLYMÉRISATION __________________________________________________________________________________________________________

a seconde moitié du XXe siècle aura connu une avancée considérable de la


L chimie et de la technologie des matériaux plastiques. Quelques chiffres suf-
fisent pour s’en convaincre. En 1940, la production globale de plastiques s’éle-
vait à environ un million de tonnes, aujourd’hui elle avoisine la centaine de
millions de tonnes ! Conçues initialement comme des produits de remplace-
ment des produits naturels, les matières plastiques se sont vite imposées dans
de nombreux domaines au détriment d’autres matériaux, métalliques par exem-
ple. Une raison importante de cette percée est le coût relativement bas des
matières premières et de l’énergie nécessaire à la fabrication et à la mise en
forme des plastiques, associé à des propriétés nouvelles dont la première est le
rapport favorable poids/performances.
Parmi toutes les méthodes de synthèse, la catalyse de polymérisation promue
par les complexes de métaux de transition occupe une place très importante,
que les polymères soient de grande diffusion (polyoléfines) ou de spécialité
(copolymères monoxyde de carbone-éthylène ou polycyclooléfines). Connue
depuis les années 1950 avec la découverte des systèmes catalytiques à base de
chrome (Phillips) ou de titane (Ziegler), cette catalyse n’a jamais cessé d’évoluer
pour conduire à des procédés plus productifs, plus sélectifs et venant enrichir de
nouveaux produits la gamme des matières plastiques. La raison de cet engoue-
ment tient sans doute largement à l’abondance et au faible coût des matières
premières utilisées (oléfines, monoxyde de carbone).
Les polyoléfines représentent une part importante des polymères produits à
l’aide des catalyses de polymérisation. À la fin des années 1950, parmi les maté-
riaux thermoplastiques, la place occupée par les polyoléfines obtenues par cata-
lyse était minime. En 1960, cette part représentait déjà 20 % à l’échelle
mondiale ! Ainsi, en peu de temps, la découverte de la catalyse Ziegler a eu un
impact énorme dans l’industrie chimique, les polyoléfines devenant très rapide-
ment des produits de grande diffusion.
Depuis quelques années, un pas supplémentaire a été franchi avec l’arrivée
sur le marché de polymères obtenus à l’aide de catalyseurs nouveaux (catalyse
métallocène, catalyse au palladium de Shell). D’aucuns prédisent que ces nou-
veaux produits pourraient à terme concurrencer des matières plastiques couran-
tes comme par exemple les copolymères éthylène-acétate de vinyle (EVA), les
polyamides ou les polycarbonates. Soulignons à cet égard que l’apport de la chi-
mie organométallique a été considérable pour expliquer et élucider les mécanis-
mes mis en jeu et surtout pour synthétiser de nouvelles espèces
organométalliques bien définies.
Cet article a pour objectif de présenter les principales catalyses de polymérisa-
tion impliquant des métaux de transition ainsi que les matériaux polymères qui
en sont issus.
Nota : pour plus de détails sur les autres techniques générales de polymérisation, le lecteur pourra se reporter au chapitre
spécialisé du Traité Plastiques et Composites [1].

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J1260

__________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE DE POLYMÉRISATION

Notations et Symboles
Symbole Désignation Symbole Désignation
Principaux polymères But groupement tertio-butyle
ABS copolymère acrylonitrile/butadiène/styrène Cp ligand cyclopentadiényle
EPDM copolymère éthylène/propylène/diène L ligand
EPR copolymère éthylène/propylène Et groupement éthyle
NBR caoutchouc acrylonitrile/butadiène ind ligand indényle
PE polyéthylène Me groupement méthyle
PEBD polyéthylène de basse densité Ph groupement phényle
PEHD polyéthylène de haute densité Pri groupement iso-propyle
PEBDL polyéthylène de basse densité linéaire R groupement alkyle
PET polyéthylène téréphtalate Notations diverses
PP polypropylène BLe base de Lewis externe
PVC polychlorure de vinyle BLi base de Lewis interne
SBR caoutchouc styrène/butadiène iso stéréospécificité
Notations chimiques Mn masse moléculaire en nombre
acac ligand acétylacétonate Mw masse moléculaire en poids
Bui groupement iso-butyle Tf température de fusion
Bun groupement n-butyle Tv température de transition vitreuse

1. Catalyse Ziegler Par ailleurs, à la différence des dérivés lithiés, ils sont solubles dans
les solvants hydrocarbonés.
Les dérivés aluminiques sont obtenus à l’échelle industrielle à
partir de composés simples.
1.1 Définitions Exemple : le triéthylaluminium est préparé à partir d’un mélange
d’éthylène, d’aluminium métallique et d’hydrogène [réactions (1) (2)
(3)] :
Se reporter aux références [3] [4] [5] [6]
80-160 °C / 100-200 bar
Les systèmes Ziegler résultent du mélange dans un solvant inerte 2 Al + 3 H2 + 4 Et3Al 6 [Et2AlH] (1)
(hexane, heptane, toluène, essence, coupe pétrolière Isopar,...) :
80-110 °C / 1-10 bar
— d’un catalyseur : choisi parmi les dérivés de métaux de transi- 6 [Et2AlH] + 6 C2H4 6 Et3Al (2)
tion (halogénure, alcoolate par exemple) appartenant aux groupes 4
à 8 de la classification périodique ;
— d’un cocatalyseur : il s’agit d’un hydrure ou d’un dérivé alkylé
d’un élément électropositif choisi dans les colonnes 1, 2 ou 13 de la bilan : 2 Al + 3 H2 + 6 C2H4 ® 2AlEt3 (3)
classification périodique. De même, le triisobutylaluminium est obtenu après réaction entre
Aucun de ces deux composés pris isolément n’a une activité cata- l’aluminium métallique avec un mélange d’isobutène et d’hydrogène.
lytique. Le mélange de ces deux composés est appelé système cata-
lytique. Il convient de retenir que le cocatalyseur joue deux rôles La définition précédente est extrêmement globale. De fait, comme
essentiels : le montre le tableau 1 un nombre quasi illimité de combinaisons est
imaginable mais, en réalité, toute combinaison ne permet pas
— il interagit de façon complexe avec le catalyseur pour donner, nécessairement de polymériser efficacement un monomère donné.
à la suite de plusieurs réactions (§ 1.3), une ou plusieurs espèce(s) Parfois même, aucune polymérisation n’a lieu. C’est le cas, par
active(s) responsable(s) de la polymérisation ; exemple, lorsque de l’éthylène est mis en contact avec un alcoolate
— il sert à protéger les espèces actives en piégeant les impuretés de titane Ti(OR)4 et des dérivés alkylaluminiques. L’éthylène dimé-
(eau, oxygène, CO2, mercaptans,...) qui sont présentes notamment rise en 1-butène [réaction (4)] alors qu’il polymérise sans difficulté
dans le monomère et le comonomère et qui se comportent comme lorsque l’alcoolate est remplacé par du tétrachlorure de titane [réac-
de véritables poisons de la polymérisation. tion (5)].
Les métaux de transition les plus couramment utilisés en cata-
lyse Ziegler sont les éléments Ti, Zr, V, Co et Ni. Pour les cocataly- éthylène Ti(OR)4 /AlR3 1-butène (4)
seurs, tous les éléments des groupes 1, 2 ou 13 (sauf le bore)
peuvent être été utilisés plus ou moins efficacement. Cependant
pour des raisons économiques ou de toxicité, seuls les alkylalumi- éthylène TiCl4 /AlR3 polyéthylène (5)
niums (en particulier AlEt3, AlBui3) sont employés industriellement.

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CATALYSE DE POLYMÉRISATION __________________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Exemples de systèmes Ziegler (d’après [3])

Polymère Catalyseur Cocatalyseur Monomère

TiCl4 AlEt3 éthylène polyéthylène

TiCl3 AlEt2Cl propylène iso-polypropylène


Polyoléfine VCl4 AlEt2Cl propylène syndio-polypropylène
TiCl3 GaEt3 propylène iso-polypropylène
TiCl3 BeEt2 propylène iso-polypropylène
CoCl2 AlEtCl butadiène cis-1,4-polybutadiène
VCl3 AlEt3 1,3-pentadiène trans-1,4-polypentadiène
Polydiène
Ti(OBun) 4 AlEt3 butadiène 1,2-iso-polybutadiène

Cr(acac)3 AlEt3 butadiène 1,2-syndio-polybutadiène

Les catalyseurs employés industriellement sont généralement ce domaine a été essentiellement menée dans les laboratoires
bien plus complexes puisqu’ils comportent souvent un support industriels, souvent empiriquement en raison de la complexité inhé-
solide (§ 1.3) sur lequel vient se fixer le catalyseur et/ou cocataly- rente à cette catalyse. Initialement, les améliorations ont porté
seur. De plus, des dérivés organiques servent toujours à accroître sur la productivité et la stéréosélectivité (voir § 1.4.1.2), alors
les performances du catalyseur, en particulier la stéréospécificité qu’aujourd’hui, on cherche de plus en plus à contrôler d’autres
(§ 1.2). caractéristiques du polymère : transparence, morphologie, rhéolo-
La productivité des systèmes Ziegler (tableau 1) est souvent gie, etc.
exprimée en grammes de polymère par gramme de catalyseur ou
par gramme de solide catalytique. Il existe quatre grandes générations de systèmes Ziegler, aux-
quelles on pourrait ajouter la dernière génération des systèmes
Les performances des systèmes Ziegler dépendent grandement monosites (§ 3) dont le développement industriel n’est encore qu’à
des conditions opératoires de la préparation du mélange catalytique ses débuts. La figure 1 rappelle quelles ont été les générations de
et de la polymérisation. À cela s’ajoute une très grande sensibilité catalyseurs Ziegler dans le cas du polypropylène.
des systèmes Ziegler aux impuretés contenues dans les monomè-
res et dans les solvants. Industriellement, la quatrième génération de catalyseurs est la
plus évoluée puisqu’elle permet de polymériser le propylène avec
une très haute productivité (600 000 g PPg/ Ti) et une très grande
Teneurs maximales en impuretés :
stéréosélectivité (taux iso > 98 %). De plus, grâce au phénomène dit
— eau, alcool < 0,5 p.p.m,
de réplication (figure 2), la distribution granulométrique des grains
— soufre < 1 p.p.m,
de polymère est isomorphe à celle des grains de MgCl2. Il devient
— CO, CO2 < 1 p.p.m,
alors possible de contrôler la morphologie (forme, taille) des grains
— alcynes < 2 p.p.m.
de polymère, ce qui permet un meilleur contrôle du procédé et
éventuellement de faire l’économie d’une étape de granulation
La recherche en catalyse Ziegler a été jalonnée par de fréquents (mais il faut en général granuler pour ajouter des stabilisants, au
désaccords entre équipes, liés à des problèmes de reproductibilité moins pour le PP).
des résultats.
La cinquième génération comprend les nouvelles catalyses à base
de zirconium (métallocènes) ou de nickel dont le développement
Généralement, le catalyseur et le cocatalyseur sont très réac- industriel n’est encore qu’à ses prémices.
tifs au contact de l’air ou de l’eau. Ils doivent donc être manipu-
lés avec d’extrêmes précautions. La manipulation des dérivés La catalyse Ziegler se distingue ainsi des autres catalyses car les
alkylés de l’aluminium (surtout AlMe3, AlEt3, AlEt2Cl) est ainsi systèmes catalytiques doivent intégrer toutes les caractéristiques
particulièrement délicate car ceux-ci sont très pyrophoriques à physico-chimiques du produit final. Le mode de préparation du sys-
l’état pur. Une dilution (environ 25 %) dans un solvant inerte et tème a ainsi une très grande influence sur les caractéristiques fina-
anhydre est souvent nécessaire pour pouvoir les manipuler sans les du polymère. De même, le procédé se trouve conditionné par le
trop de danger. Des techniques désormais classiques (boîte à choix du système catalytique (figure 4). Ainsi, à partir d’une certaine
gants ou ligne à vide) ont été mises au point pour manipuler productivité (> 100 000 g polymère/g Ti), les résidus laissés par le
sans risque ces composés. système catalytique se retrouvent à l’état de traces (Ti < 10 p.p.m., Cl
< 100 p.p.m.) dans le polymère, de sorte qu’une étape de lavage,
toujours coûteuse, peut être évitée.

1.2 Évolution de la catalyse Ziegler Le système catalytique se trouve ainsi au cœur du procédé de
polymérisation. Malgré cela, c’est le coût donc le cours des matières
premières (monomères) plus que celui du système catalytique qui
Depuis la découverte initiale (1953) des tous premiers systèmes impose le prix du polymère. Pour plus de détails sur les procédés de
catalytiques, la catalyse Ziegler n’a jamais cessé d’évoluer pour polymérisation des oléfines, le lecteur pourra se reporter aux réfé-
donner des systèmes toujours plus performants. La recherche dans rences [8] [9] [10].

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__________________________________________________________________________________________________________ CATALYSE DE POLYMÉRISATION

Performances Système
Réplication
monosites
Zr (PE, PP)
Ni (PE)
Dépôt sur Particules
MgCl2 à morphologie
Ajout contrôlée – Productivité
Système Ziegler d'une base – Stéréospécificité
TiCl4.AIR3 de Lewis – Nouveaux
Natta matériaux
TiCl3 /AlEt2Cl Procédé phase
gazeuse
Stéréospécificité
Procédé basse 4e génération PP
pression 600 000 g PP/g Ti 5e génération
PEHD, PP, taux iso = 98 %
EPDM 3e génération
300 000 g PP/g Ti
2e génération taux iso = 98 %
15 000 g PP/g Ti
1re génération taux iso = 95 %
5 000 g PP/g Ti
taux iso = 90 %

1956 1976 1980 1995 Production industrielle

Figure 1 – Évolution de la catalyse Ziegler pour la polymérisation du propylène (d’après Hoechst)

Fréquence cumulée
Natta a par la suite eu l’idée d’utiliser directement du chlorure de
(% en poids) titane (III), ce qui eut pour effet d’améliorer la stéréosélectivité du
système catalytique. Il existe en réalité quatre variétés allotropiques
100
de TiCl3 que sont les formes a, b, d et g. La réduction en Ti(III) peut
Système avoir lieu sous l’effet de l’hydrogène ou d’un alkylaluminium.
80 catalytique Comme l’indique la figure 3, la transformation d’une phase à l’autre
Polymère est réalisée sous l’effet d’un broyage prolongé ou d’un chauffage.
60 La variété la plus efficace est la forme d, obtenue après broyage
des formes g ou a. Les particules obtenues après le broyage ont un
40 diamètre de l’ordre de 0,03 à 0,7 mm, mais elles ont tendance à se
réagglomérer pour donner des grains poreux plus gros (20 à 40 mm).
20 La réduction des coûts de production a vite imposé de pouvoir
disposer de systèmes solides de grande performance utilisables en
0 suspension ou en phase gazeuse. Les supports classiques de la
2 5 2 5 2 5 catalyse hétérogène (SiO2, Al2O3) ont été expérimentés sans grand
100 101 102 103
Taille des particules (mm) succès, mais les supports à base de magnésium [MgO, Mg(OEt)2 ,
ClMg(OEt), MgCl2] se sont rapidement imposés. Le chlorure de
Figure 2 – Phénomène de réplication observé en polymérisation
des oléfines (d’après [7]) magnésium sous sa forme cristallographique d s’est très vite distin-
gué car il active efficacement le sel de titane greffé à sa surface.
Cette spécificité est liée au fait que les structures cristallines de d-
TiCl3 et de d-MgCl2 sont remarquablement voisines, ainsi que les
1.3 Mécanismes rayons ioniques de Mg2+ et de Ti4+ (tableau 2). Les atomes de titane
peuvent se loger dans les défauts cristallins du support (phénomène
appelé épitaxie).
La mise en contact de TiCl4 et de AlEt3 conduit à une série de réac-
tions d’alkylation et de réduction [réactions (6)]. Le titane passe
alors du degré d’oxydation IV aux degrés III, voire II.
Tableau 2 – Données cristallographiques
AIR3 + TiCl4 AIR3Cl + TiRCl3
pour le MgCl2 et TiCl3 (d’après [11])
AIR2Cl + TiCl4 AIRCl2 + TiRCl3
AIR3 + TiRCl3 AIR2Cl + TiR2Cl2 d-MgCl2 d-TiCl3
TiRCl3 R + TiCl3 (6) a = b = 0,363 nm a = b = 0,354 nm
TiIV TiIII
TiR2Cl2 R + TiRCl2 c = 0,593 nm c = 0,586 nm
TiRCl2 R + TiCl2 Mg-Cl = 0,257 nm Ti-Cl = 0,251 nm
TiIII, IV TiII
TiRCl3 TiCl2 + RCl Rayon ionique Mg2+ = 0,68 Rayon ionique Ti4+ = 0,65

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Catalyse hétérogène : désactivation


et régénération des catalyseurs

par Michel GUISNET


Professeur des universités
Catalyse en chimie organique, Poitiers
Centre for biological and chemical engineering, Lisbon
et Ludovic PINARD
Maître de conférences,
Institut de chimie des milieux et des matériaux de Poitiers (IC2MP)
UMR CNRS 7285, Université de Poitiers

1. Contexte ................................................................................................... J 1 265 - 2


2. Méthodes d’étude de la désactivation..................................... — 3
2.1 Simulation et modélisation de la désactivation...................................... — 3
2.2 Méthodes de caractérisation des espèces désactivantes....................... — 4
2.3 Méthodes de caractérisation des catalyseurs désactivés ...................... — 7
2.4 Conclusions................................................................................................ — 9
3. Mécanismes de désactivation ............................................................ — 9
3.1 Empoisonnement ...................................................................................... — 10
3.2 Désactivation par encrassement et dépôt de coke ou de carbone........ — 12
3.3 Désactivation par dégradation chimique, physique ou mécanique...... — 16
3.4 Conclusions................................................................................................ — 18
4. Prévention de la désactivation et régénération............................ — 19
4.1 Échelle de temps de la désactivation et choix du réacteur .................... — 19
4.2 Comment prévenir la désactivation ? ...................................................... — 20
4.3 Régénération et élimination des catalyseurs solides ............................. — 20
4.4 Conclusions................................................................................................ — 21
5. Conclusion ............................................................................................... — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 1 265

n catalyseur étant par définition une substance (gaz, liquide ou solide) qui
U augmente la vitesse et la sélectivité d'une réaction chimique sans être
consommée par celle-ci, on pourrait imaginer ces effets positifs comme
éternels. Il n’en est rien ; comme tout matériau inerte ou vivant, les catalyseurs
subissent des altérations mécaniques, physiques et/ou chimiques qui
engendrent une diminution plus ou moins rapide de leur activité, et
fréquemment, de leur sélectivité. Cette dégradation des propriétés catalyti-
ques, appelée désactivation se produit aussi bien en catalyse homogène qu’en
catalyse hétérogène, mais ce thème d’importance industrielle cruciale fait natu-
rellement l’objet de plus d’attention en catalyse hétérogène. La diversité et la
complexité des phénomènes impliqués dans ce vaste domaine de la désactiva-
tion nous ont conduits à nous limiter à la catalyse hétérogène, les exemples
présentés étant de plus choisis dans deux grandes classes de catalyseurs : les
métaux supportés et les zéolithes acides.
Cet article est structuré en trois parties. La première, consacrée aux
méthodes d’étude de la désactivation des catalyseurs solides, comprend trois
Parution : mars 2014

volets complémentaires, le premier très bref portant sur la simulation et la

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CATALYSE HÉTÉROGÈNE : DÉSACTIVATION ET RÉGÉNÉRATION DES CATALYSEURS ______________________________________________________________

modélisation cinétique de la désactivation, le second sur la caractérisation des


espèces désactivantes, l’accent étant porté sur les produits secondaires lourds
formés au cours des transformations de composés organiques (coke), le troi-
sième sur les méthodes spécifiques de caractérisation des catalyseurs
désactivés. La seconde partie décrit les divers mécanismes de désactivation :
par empoisonnement, par encrassement, dépôt de carbone ou de coke et par
dégradation chimique, physique ou mécanique. Très naturellement, la troi-
sième partie est focalisée sur les solutions développées industriellement pour
prévenir ou limiter la désactivation des catalyseurs et les régénérer. Si les
exemples choisis ne concernent que les métaux supportés et les zéolithes
acides, les méthodes utilisées et les principales conclusions sont aisément
extrapolables aux autres catalyseurs solides.

Sigles et abréviations 1. Contexte


Sigles Définitions
La vitesse à laquelle les catalyseurs industriels, solubles ou
ATG Analyse thermogravimétrique solides, perdent leur activité dépend beaucoup des caractéris-
tiques du procédé : nature et pureté du (des) réactif(s), conditions
CPV Chromatographie en phase vapeur opératoires, catalyseur et réacteur choisis. Ainsi, quelques
secondes suffisent pour désactiver les catalyseurs de craquage
DRIFTS Diffuse Reflectance for Infrared Fourier catalytique (Fluid Catalytic Cracking FCC), procédé essentiel des
Transform raffineries qui permet de transformer des charges lourdes en
essence. Cette désactivation très rapide s’explique par la lourdeur
DRX Diffraction des rayons X et la complexité des charges traitées (comprenant des réactifs
nombreux et variés et diverses impuretés) et la sévérité des
EELS Spectroscopie de perte d’énergie conditions opératoires. En revanche, dans les procédés utilisant un
des électrons ou deux réactifs simples et purs et opérant dans des conditions
douces tels que la synthèse de l’ammoniac ou l’alkylation en
EPR Résonance paramagnétique électronique
phase liquide du benzène par l’éthylène, le catalyseur peut
EXAFS Extended X-ray Absorption Fine Structure travailler plusieurs années sans être régénéré ou remplacé.
La réactivation des catalyseurs pour leur réutilisation dans le pro-
FCC Fluid Catalytic Craking cédé est évidemment le traitement préféré. Si elle est mise en œuvre
dans des conditions identiques ou peu différentes de celles du pro-
GC Chromatographie gazeuse
cédé catalytique, la réactivation est appelée réjuvénation, le terme
HZ Zéolithes protoniques: erionite (ERI), fauja- régénération étant utilisé dans le cas contraire, beaucoup plus fré-
site (FAU), ferrierite (FER), mordenite (MOR), quemment rencontré. Seul ce dernier terme est donc employé ici.
ZSM5 (MFI) Quand la régénération n’est pas possible ou n’est pas économique-
ment viable, le catalyseur est utilisé pour une autre application ou, à
ICP Induced Coupled Plasma défaut, rejeté après avoir subi les traitements imposés par les règles
environnementales. Régénérer ou remplacer un catalyseur coûte
IRTF Infrarouge à transformée de Fourrier évidemment très cher tant d’un point de vue strictement monétaire
que d’un point de vue écologique et prévenir ou limiter sa désactiva-
MALDI-TOF-MS Matrix Assisted Laser desorption/Ionization- tion est devenu aussi essentiel que d’améliorer son activité et sa
Time Of Flight-Mass Spectrometry sélectivité en produit(s) désiré(s). Néanmoins, l’importance de la sta-
bilité des catalyseurs reste encore sous-estimée dans certains sec-
MTO Methanol To Olefins teurs de l’industrie tels que la Chimie fine. La raison en est simple : le
catalyseur (souvent utilisé en faible quantité) y est considéré comme
PIXE Proton-Induced X-ray Emission un simple réactif, de coût négligeable par rapport à celui du produit
désiré, et qui peut donc être éliminé après utilisation. Toutefois, la
RMN Résonance magnétique nucléaire
situation évolue peu à peu sous la pression des contraintes
SEMK Single Event Microkinetics environnementales : obligation de recycler les complexes métal-
liques, substitution progressive des solutions acides ou basiques
SM Spectroscopie de masse corrosives et difficilement réutilisables par des catalyseurs solides
régénérables, etc. Les autres secteurs de la Chimie se sont très tôt
TEM Microscope électronique par transmission préoccupés de minimiser la désactivation des catalyseurs et d’opti-
miser leur régénération. Dans les procédés correspondants, qui opè-
TEOM Tapered Element Oscillating Microbalance rent souvent par catalyse hétérogène, le choix du mode de
régénération (continu ou périodique) et, par conséquent le choix du
TPO Oxydation en température programmée réacteur (lit fluidisé, fixe, etc.) sont généralement déterminés par la
vitesse de la désactivation. Remarque essentielle, la régénération
UV-VIS Ultraviolet visible des catalyseurs exige parfois des conditions opératoires sévères
pouvant provoquer leur dégradation et par conséquent une diminu-
XPS Spectroscopie des photoélectrons X
tion de leur activité et de leur sélectivité.

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______________________________________________________________ CATALYSE HÉTÉROGÈNE : DÉSACTIVATION ET RÉGÉNÉRATION DES CATALYSEURS

Très longtemps, les chercheurs universitaires n’ont porté qu’une sique ou mécanique et les modifications négatives des catalyseurs
attention limitée à la stabilité des catalyseurs, ne se préoccupant qu’ils induisent (figure 1).
que de leur activité et sélectivité. Fort heureusement, l’organi-
sation régulière de colloques internationaux sur la désactivation
des catalyseurs et les incitations des compagnies industrielles les
ont conduits à s’intéresser à la compréhension des phénomènes
2.1 Simulation et modélisation
intervenant dans la désactivation et la régénération des cataly- de la désactivation
seurs. Comme on le verra, la complexité de ces phénomènes, la
nécessité de les étudier dans des conditions proches du procédé La première étape d’une étude de la désactivation des cataly-
industriel rendent difficile ce type d’investigation et indispensable seurs est la détermination de sa cinétique. Si cette détermination
une approche multitechnique et multidisciplinaire. Cette approche semble a priori facile, dans la pratique, ce n’est le cas ni lors de la
a permis d’avancer dans la connaissance des mécanismes de recherche et mise au point de nouveaux catalyseurs ni lors des
désactivation et de régénération et d’établir une base solide pour tests de contrôle de qualité des catalyseurs avant utilisation dans
la conception raisonnée de catalyseurs plus stables, le choix des les réacteurs industriels. Dans les deux cas, le choix d’une trans-
conditions opératoires optimales tant pour la réaction que pour la formation modèle de l’application désirée et sa mise en œuvre
régénération des catalyseurs. dans des conditions représentatives est souvent difficile, sa
difficulté augmentant avec la complexité des charges à trans-
former. Par ailleurs, lors des études de laboratoire, la désactivation
est souvent très rapide, ce qui nécessite pour son suivi l’utilisation
2. Méthodes d’étude d’un dispositif permettant de nombreuses analyses successives
des produits à partir de temps de réaction très faibles (15 à
de la désactivation 30 s) [5]. À l’opposé, les catalyseurs industriels et les conditions
opératoires correspondantes étant optimisés, la désactivation est
souvent trop lente pour être suivie dans un temps raisonnable et
Se reporter aux références [1] [2] [3] [4]. des tests de désactivation accélérée doivent être mis en place [6].
Dans le cas le plus simple, la constante de vitesse k (l’activité
Pour comprendre la désactivation des catalyseurs utilisés au catalytique A ) est proportionnelle à la concentration des sites
laboratoire ou dans l’industrie, il est nécessaire de définir ses actifs Cac et au coefficient d’efficacité du catalyseur η :
caractéristiques, si possible de la modéliser, et d’identifier les
facteurs qui en sont responsables : poisons, dépôts divers k = Cac kintr η
provenant de l’alimentation ou formés pendant la transformation
de mise en œuvre (coke et carbone), dégradations chimique, phy- avec k et kintr constantes de vitesse observées et intrinsèques.

Empoisonnement Dépôts carbonés (coke, carbone)


Chimisorption sur sites actifs Formation catalytique et rétention de composés
secondaires lourds
M : composés soufrés, CO, polyaromatiques (coke)
Z : bases, polyaromatiques (coke) M : coke (ex. Pt), carbone (ex Ni)
Z : coke souvent polyaromatique

Régénération
Purification de la
(combustion haute T)
charge

Activité
catalytique

Optimisation de la résistance thermique et


mécanique des catalyseurs

Dégradations

Chimique Thermique (>500˚C) Mécanique


Réaction d'un composé avec la phase active Ecrasement des grains, attrition, érosion
surface active
M : carbonyles (composé volatil), M : frittage M : érosion des monolithes
alliages (phase inactive) Z : dégradation de la charpente Z : attrition en lit fluidisé (FCC)
Z : neutralisation sites, désalumination zéolithique, par exemple

Figure 1 – Désactivation des catalyseurs métalliques (M) et des zéolithes (Z). Causes, effets et solutions

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CATALYSE HÉTÉROGÈNE : DÉSACTIVATION ET RÉGÉNÉRATION DES CATALYSEURS ______________________________________________________________

La désactivation du catalyseur peut être provoquée par une intervention sur les principales réactions est maintenant bien
diminution de Cac , une dégradation de la qualité des sites actifs démontrée, notamment en catalyse acide [8] [10]. C’est pourquoi
(kintr diminue) ou par un blocage de leur accès (η diminue), ces des modèles cinétiques de formation de coke intégrant cette
trois paramètres pouvant être affectés simultanément [7]. Le suivi compétition entre cokage et les autres réactions (désirées ou secon-
de la transformation catalytique en fonction des paramètres opéra- daires) ont été développés. L’effet du coke sur l’activité et la sélecti-
toires (temps d’opération du catalyseur t, température T, pression vité du catalyseur y est donc naturellement intégré, au moins pour
partielle de réactifs pr , impuretés, etc.) permet d’obtenir leur effet partie. Cette approche (Single Event Microkinetics SEMK) exige une
sur l’évolution de la vitesse r ou de la constante de vitesse k : description détaillée de toutes les étapes élémentaires impliquées
dans les réactions principales et la formation de coke, ce qui impli-
k = f (t , T , pr , etc.) que la mise au point d’algorithmes de calcul spécifiques [8]. Cette
méthodologie SEMK a été utilisée pour décrire la désactivation par
L’effet désactivant est généralement chiffré par une fonction de le coke de catalyseurs zéolithiques acides au cours de trois
désactivation Φ = r /ro ou k /ko , simple rapport des vitesses ou des procédés : Fluid Catalytic Cracking (FCC) [8] [11], Methanol To Ole-
constantes de vitesse de la réaction désirée sur les catalyseurs fins (MTO) [12] et alkylation isobutane-butène [13].
désactivé et neuf.
Si l’équation cinétique obtenue permet de modéliser facilement
les désactivations par simple empoisonnement ou dégradation du
catalyseur, la situation est plus compliquée pour la désactivation
2.2 Méthodes de caractérisation
par le coke [8]. En effet, comme cela sera développé plus loin des espèces désactivantes
(§ 2.2.2), le coke est un produit de réaction dont la vitesse de
formation, mais aussi la composition, donc son effet désactivant (y Les espèces, organiques minérales ou organominérales responsa-
compris vis-à-vis de sa propre formation) évoluent avec le temps bles de la désactivation des catalyseurs solides désactivent les cen-
d’opération t du catalyseur, ce dont il est impossible de rendre tres actifs de différentes manières : en s’y adsorbant plus fortement
compte par une expression de Φ en f (t ). Celle-ci ne peut en effet que les molécules de réactif, en réagissant avec eux, en bloquant sté-
être valide que sur un domaine expérimental réduit. C’est la raison riquement leur accès, etc. Caractériser ces espèces est essentiel pour
pour laquelle des expressions de Φ en f (CCoke) (avec CCoke la comprendre leur effet et y remédier. Les principales techniques de
teneur en coke du catalyseur) ont été proposées pour rendre caractérisation et les informations obtenues sont reportées dans le
compte de la désactivation par le coke [9], un modèle cinétique tableau 1. Ces techniques donnent généralement accès à la quantité
pour sa formation en fonction des paramètres opératoires devant ou/et à la nature des espèces désactivantes, parfois à leur effet sur
leur être nécessairement associé. les sites actifs, rarement à leur composition. Le texte ci-après est
Par ailleurs, alors que les molécules de coke et de leurs focalisé sur la caractérisation des dépôts responsables de la désacti-
précurseurs ont longtemps été considérées comme inertes, leur vation des catalyseurs, en particulier du coke.

Tableau 1 – Principales techniques utilisées pour la caractérisation des espèces désactivantes


Techniques Caractérisation
Analyse élémentaire Teneur C, H, S, N, etc., H/C
Adsorption atomique, Fluorescence X, ICP, PIXE Teneur en hétéroéléments (alcalins, métaux, halogénures, etc.)
ATG + (GC, SM) Produits de décomposition du coke en fonction de la température
TPO Composition (H/C, etc.)
Microgravimétrie en fonction du temps Cinétique de cokage
TEOM Cinétique de cokage et de désactivation (operando)
Nature du coke (aliphatique, aromatique, etc.)
IRTF, DRIFTS, Raman
Effet sur les sites actifs (pour les zéolithes acides)
UV-VIS Nature du coke (oléfinique, carbocations)
RMN Nature, localisation du coke
Nature du coke
EPR
Formation de radicaux
Nature, localisation du coke
DRX
Dégradations structurales, etc.
Localisation du coke
TEM Taille des particules
Dégradations structurales
Localisation du coke (surface)
XPS
Degré d’oxydation des métaux
Dissolution du catalyseur + extraction par solvant + analyse Composition du coke
par couplage GC-MS ou MALDI-TOF-MS
Operando : technique pouvant être opérée sur le catalyseur en fonctionnement.
Pour le développé des sigles, se reporter au tableau en début d’’article.

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types de coke. La vitesse d’oxydation dépend en effet de la nature


Il ne paraît pas inutile de rappeler qu’un soin tout particulier du coke et de sa localisation (sur ou près d’espèces oxydantes ou
doit être pris pour éviter toute évolution des catalyseurs désacti- loin de celles-ci). Deux pics de production de CO2 sont ainsi obser-
vés lors du prélèvement dans le réacteur nécessaire aux analy- vés lors de la combustion du coke des catalyseurs de réformage,
ses ex-situ, leur stockage ou prétraitement avant l’un autour de 300 oC, l’autre à température beaucoup plus élevée.
caractérisation : traitement sous courant d’inerte nécessaire Le premier a été attribué au coke déposé sur le platine, le second,
pour désorber les molécules de réactifs et de produits du cataly- le plus important, au coke déposé sur l’alumine [17]. Il n’est toute-
seur désactivé le plus bref possible, afin d’éviter la condensation fois pas improbable que le pic basse température soit en grande
des molécules de coke, pas de contact avec l’air pour éviter partie dû à la combustion du coke déposé sur le support alumine à
l’oxydation des molécules de coke, précaution indispensable proximité des cristallites de platine [18]. L’incertitude dans l’attri-
pour les catalyseurs présentant une phase oxydante, etc. bution de divers pics TPO est encore plus grande lorsque le coke
est déposé sur un support purement acide ; en effet, la combustion
du coke s’y produit de façon successive : formation pour l’essentiel
2.2.1 Quantité et nature des espèces
d’eau et de produits oxygénés restant bloqués sur le catalyseur à
désactivantes basse température, ces composés oxygénés n’étant oxydés en CO
et CO2 qu’à température plus élevée [19]. Toutefois, si la TPO n’est
2.2.1.1 Analyse élémentaire pas une méthode fiable pour différencier divers types de cokes,
L’analyse élémentaire des catalyseurs désactivés permet de elle est de grande utilité pour préciser les conditions optimales de
connaître la quantité d’espèces désactivantes présentes et de régénération des catalyseurs par combustion du coke.
préciser leur nature. Toutefois, la coexistence de diverses espèces
désactivantes peut compliquer cette quantification. Ainsi, les 2.2.1.3 Méthodes spectroscopiques in situ
poisons basiques d’une charge de craquage catalytique peuvent se
retrouver tels quels, très fortement chimisorbés sur le catalyseur Diverses techniques spectroscopiques (tableau 1) sont
ou/et participer à la formation de coke, ces deux types d’espèces couramment mises en œuvre pour la caractérisation in situ du
(poison et coke) ne pouvant être distingués par analyse élémentaire. coke. Ces techniques présentent le grand avantage de ne pas
modifier les catalyseurs désactivés (elles sont non destructives),
Les méthodes classiques d’analyse élémentaire basées sur la les mêmes échantillons pouvant donc être caractérisés successi-
combustion des catalyseurs désactivés à température élevée avec vement par plusieurs d’entre elles. Par ailleurs, certaines peuvent
analyse quantitative des produits, permettent d’obtenir aisément être opérées en mode Operando, c’est-à-dire sur le catalyseur en
leur teneur en C, H, N, S. Toutefois, la présence de groupes fonctionnement, ce qui permet de suivre simultanément
hydroxyles ou encore l’adsorption d’eau sur le catalyseur peuvent l’avancement de la réaction et les modifications du catalyseur
compliquer la détermination de la teneur en hydrogène et, par telles que le dépôt de coke, et même pour certaines d’entre elles
conséquent, celle du rapport atomique H/C qui fut longtemps la telles que la spectroscopie infrarouge, l’effet de ce coke sur les
seule caractéristique mesurée du coke. Une information sites actifs.
complémentaire : consommation d’oxygène pendant la
combustion, masse de l’échantillon après combustion, s’avère
donc indispensable [14]. Karge et coll. [20] furent les premiers à utiliser toutes ces possi-
bilités en conversion de l’éthylbenzène sur une zéolithe HMOR légè-
Il est essentiel de souligner que dans les réacteurs à lit fixe, rement désaluminée, suivant non seulement la diminution de la
fréquemment utilisés industriellement, la teneur en espèces désac- conversion en fonction du temps, mais aussi la croissance des
tivantes n’est pas uniforme. Ainsi, les poisons présents dans la bandes de vibration du coke, en particulier celle de la plus caractéris-
charge se déposent préférentiellement en tête de réacteur. Par tique (1 580 à 1 600 cm–1), démontrant que le dépôt de coke n’avait
ailleurs, le « coke » peut résulter : a) de la transformation directe aucun effet sur la bande OH acide à ~ 3 600 cm–1 et que de plus, les
des réactifs ou b) de la transformation secondaire des produits sites protoniques correspondants restaient actifs en transformation
formés ; dans le cas a), il est préférentiellement déposé en tête de d’une molécule de petite taille, l’éthylène. La désactivation de HMOR
réacteur, dans le cas b), la teneur en coke augmente avec la s’expliquait donc par un blocage par le coke de l’accès des molécules
distance à l’entrée du réacteur. Il est donc essentiel de déterminer d’éthylbenzène aux sites protoniques actifs.
le profil de coke dans le lit, ce que permet l’utilisation d’un
réacteur multisorties.
Toutefois, une véritable étude cinétique de la formation du coke Les autres techniques spectroscopiques conduisent à des infor-
et de la désactivation qu’il provoque nécessite le suivi in situ de la mations complémentaires (tableau 1). Ainsi, contrairement à la
teneur en coke du catalyseur et de la composition du mélange spectroscopie IR, la spectroscopie UV-Visible permet de distinguer
réactionnel. Un système microbalance-réacteur développé il y a aisément les différents types de doubles liaisons. Les transitions
une quinzaine d’années répond à ces exigences [15] [16]. La correspondantes π-π* absorbent en effet dans des gammes de
grande nouveauté est qu’une microbalance inertielle (TEOM) longueurs d’onde tout à fait différentes ; de plus, les coefficients
remplace la microbalance conventionnelle précédemment utilisée, d’absorption dans le visible et le proche UV des transitions électro-
les changements de masse du catalyseur localisé à la pointe d’un niques des composés organiques insaturés sont d’au moins un
élément oscillant en quartz étant très précisément détectés par les ordre de grandeur plus intenses que celles associées aux tran-
changements de la fréquence de vibration. Cette microbalance sitions vibrationnelles. Cette technique conduit à des informations
inertielle est utilisée pour peser un lit de catalyseur à travers lequel non seulement sur les molécules de « coke », mais aussi sur celles
le mélange réactionnel gazeux est forcé de passer, comme c’est le de leurs précurseurs.
cas dans un réacteur à lit fixe. Il est d’ailleurs vérifié que des résul-
tats similaires sont obtenus avec ce système TEOM et un lit fixe Ainsi, en isomérisation squelettale du n-butène sur une zéolithe
classique : ainsi en réformage du n-heptane sur un catalyseur HFER, des carbocations allyliques ont pu être mis en évidence entre
Pt-Re/Al2O3 , conversions du n-heptane, rendements en toluène et 25 et 120 oC, des polyènes neutres ou protonés entre 200 et 200 oC,
teneurs en coke ont été trouvés strictement identiques [15]. et des cations mono ou polyaromatiques au-dessus de 350 oC [21].

2.2.1.2 Oxydation en température programmée


La caractérisation des espèces organiques responsables de la
L’oxydation en température programmée TPO permet de déter- désactivation des catalyseurs, coke et poisons organiques peut
miner la teneur totale en coke, son rapport H/C, et dans certains aussi être réalisée par RMN du C13 et du H1 et du N15 pour les
cas particuliers, de caractériser par leur réactivité les différents composés azotés. La RMN du C13 est la plus employée ; toutefois, la

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70
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J1275

Caractérisation des catalyseurs


hétérogènes par réactions modèles

par Guillaume CLET


Maı̂tre de conférences
Normandie Université, ENSICAEN, Université de Caen Normandie, CNRS, Laboratoire
Catalyse et Spectrochimie, 14000 Caen, France

Laetitia OLIVIERO
Maı̂tre de conférences
Normandie Université, ENSICAEN, Université de Caen Normandie, CNRS, Laboratoire
Catalyse et Spectrochimie, 14000 Caen, France

et Ludovic PINARD
Maı̂tre de conférences, Membre du Groupe Français des Zéolithes
Université de Poitiers, Institut de Chimie et Matériaux de Poitiers (IC2MP), 86073 Poitiers,
France

1. Différentes classes de catalyseurs et leurs caractérisations


physico-chimiques .......................................................................... J 1 275 – 2
2. Sélection et mise en œuvre appropriée de la réaction
modèle............................................................................................... — 6
3. Principales réactions pour caractériser les catalyseurs
acides ................................................................................................ — 9
4. Principales réactions pour caractériser les catalyseurs
basiques ............................................................................................ — 13
5. Principales réactions pour caractériser les catalyseurs
métalliques ....................................................................................... — 17
6. Principales réactions pour caractériser les catalyseurs
sulfures ............................................................................................. — 19
7. Conclusion........................................................................................ — 21
8. Glossaire ........................................................................................... — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 1 275

a catalyse est omniprésente dans nos sociétés technologiques. On estime


L que plus de 95 % des molécules synthétisées ont vu au moins une fois un
catalyseur homogène ou hétérogène. Les catalyseurs, et notamment les solides
(catalyse hétérogène), sont fondamentaux pour permettre par exemple la fabrica-
tion sélective de très nombreux intermédiaires ou produits chimiques dans les
meilleures conditions, ainsi que pour dépolluer les rejets d’usine ou les gaz
d’échappement. Ainsi, la catalyse hétérogène, avec la biocatalyse dans une moin-
dre mesure, apparaı̂t comme la clé de voûte de la transition énergétique et de la
résolution de nombreux enjeux environnementaux de nos sociétés. Ce domaine
pluridisciplinaire, à la fois passionnant d’un point de vue scientifique et écono-
mique, implique des connaissances sur les matériaux catalytiques, allant de leur
préparation à leur caractérisation (en particulier celle de leur surface), en passant
par la compréhension des réactions (cinétique et mécanismes), sans oublier
l’optimisation de leur mise en œuvre.
Parution : juin 2022

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J1275

CARACTÉRISATION DES CATALYSEURS HÉTÉROGÈNES PAR RÉACTIONS MODÈLES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Les méthodes physico-chimiques sont fréquemment utilisées pour caractériser


les catalyseurs hétérogènes. Cependant, les conditions opératoires d’analyse inhé-
rentes à chaque technique de caractérisation sont souvent éloignées de celles des
réactions catalytiques : par exemple, l’information obtenue pour un catalyseur
étudié sous vide est-elle suffisante pour comprendre les propriétés d’un catalyseur
qui opère en réaction sous pression ? Cet écart n’existe pas ou est limité lorsque
l’on caractérise le catalyseur grâce à des réactions modèles qui sont effectuées
dans des conditions se rapprochant des conditions industrielles. En se basant
sur une connaissance approfondie de leur mécanisme et/ou des intermédiaires
et produits de réaction, l’utilisation de réactions modèles permet d’étudier, dans
les conditions de fonctionnement proches de l’application, les caractéristiques des
sites actifs : nature (acide, base, acido-basique, redox), force, densité, environne-
ment et leur effet sur la vitesse de réaction. Parallèlement, les propriétés texturales
comme la surface externe, les volumes microporeux et mésoporeux, la taille et la
forme des cristaux, etc., restent quasi exclusivement accessibles via des méthodes
d’analyse ex-situ.
Cet article vise donc à répertorier l’apport des réactions modèles dans la carac-
térisation des grandes familles de catalyseurs hétérogènes, tels que les oxydes
(SiO2-Al2O3, Al2O3, MgO, etc.), les zéolithes, les métaux supportés et les cataly-
seurs sulfures. Une attention particulière sera portée sur les conditions de la
mise en œuvre de cette technique de caractérisation afin d’obtenir des données
d’activité et de sélectivité exploitables. Les réactions adaptées à chacune de ces
grandes familles de catalyseurs étant indépendantes, le lecteur pourra ainsi à sa
guise se limiter à la famille de catalyseurs qui l’intéresse plus spécifiquement.

très coûteux tels que les métaux nobles sont généralement disper-
1. Différentes classes sés sur des solides acides isolants, le caractère bifonctionnel du
de catalyseurs et leurs catalyseur obtenu étant essentiel à la catalyse de la réaction consi-
dérée (exemple : hydroisomérisation, hydrocraquage d’hydrocar-
caractérisations physico- bures [J 1 217] [J 1 218]). Un autre classement consiste à grouper
les catalyseurs par famille de solides ayant des propriétés physico-
chimiques chimiques communes : métaux, oxydes de métaux de transition,
sulfures, solides acides ou basiques (figure 1). On peut aussi clas-
ser les catalyseurs selon le type de réaction qu’ils catalysent.

1.1 Nature des sites en fonction 1.1.1 Catalyseurs acides


des catalyseurs On distingue deux grands types de sites acides : les sites acides de
Les catalyseurs solides peuvent être classés en deux catégories Brønsted, capables de céder un proton, et les sites acides de Lewis
[J 1 250] : capables d’accepter un doublet d’électrons (figure 1). Ces deux types
d’acidité peuvent être combinés sur un même catalyseur.
– les conducteurs du courant électrique : métaux, semi-conduc-
teurs qui sont actifs dans les réactions d’oxydoréduction. Leur
action catalytique peut être liée à leur rôle de réservoir d’électrons, En surface, un solide présente naturellement des défauts, liés à la
électrons qui peuvent donc être échangés avec les réactifs ; sous-coordinence de ses atomes par rapport au cœur du solide et
– les isolants qui catalysent des réactions attribuables aux acides ces défauts sont compensés par des groupements terminaux spéci-
ou aux bases en catalyse homogène : déshydratation, isomérisa- fiques, créant ainsi des sites de surface. Les oxydes métalliques,
tion, craquage, etc. Leur action catalytique est reliée aux propriétés comme Al2O3, SiO2, ZrO2, TiO2… ou leurs combinaisons, montrent
acido-basiques de leur surface. ainsi en surface des groupements hydroxyles (-OH) qui sont les
premiers responsables de l’acidité de Brønsted de ces catalyseurs.
Cette classification est trop générale pour guider le choix de cata-
lyseurs optimaux pour une réaction donnée ; en effet, les activités
dépendent beaucoup du catalyseur choisi, notamment en raison Ces groupements hydroxyles terminaux peuvent présenter des
des stabilités très différentes des intermédiaires chimisorbés sur forces acides différentes selon l’environnement chimique local
les catalyseurs d’une même catégorie. Par ailleurs, la qualité des (composition chimique du solide, phases cristallographiques expo-
catalyseurs ne se résume pas à leur activité ; leur sélectivité et sées) et selon le degré de coordinence avec le métal ; un OH ponté
leur stabilité doivent également être considérées. Enfin, dans les entre 2 ou 3 atomes métalliques est ainsi plus acide qu’un OH coor-
catalyseurs industriels, les deux catégories de solides (conducteurs diné à un seul atome. Cette acidité de Brønsted inhérente au solide
et isolants) sont très fréquemment associées : ainsi, des composés utilisé peut être modifiée par l’incorporation d’autres fonctions

J 1 275 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CARACTÉRISATION DES CATALYSEURS HÉTÉROGÈNES PAR RÉACTIONS MODÈLES

Site acide de
Brønsted
Site basiques
Site acide de
H H
Lewis
O O O O O O– + O
M M M M M M M

a sites actifs sur la surface d’un catalyseur oxyde métallique solide

Mo (bord M) Atome surface

Mo plan basal Atome coeur

Diamètre de 1 à 10 nm
Mo (bord S)

Longueur

b site sulfure MoS2 c site métallique

Figure 1 – Exemples schématiques de sites actifs envisageables sur la surface d’un catalyseur oxyde métallique solide (acides, bases) et des sites
sulfures et métalliques

chimiques, ou en utilisant le solide comme support à d’autres oxy- 1.1.2 Catalyseurs basiques
des métalliques. Ainsi l’ajout de groupements anioniques tels que
les sulfates, phosphates, halogénures tend souvent à augmenter la
force et la densité des sites acides par l’exaltation des hydroxyles Comme pour les sites acides, on peut distinguer les sites basi-
de départ et/ou par l’ajout de nouveaux sites. De même, les oxydes ques de Brønsted et de Lewis. Les sites basiques de Brønsted
métalliques supportés tels que les tungstates, molybdates vont sont définis comme capables de se combiner avec des protons,
générer de nouveaux sites, nettement plus forts que ceux du sup- et les sites basiques de Lewis comme donneurs d’un doublet
port de départ. électronique (figure 1) Dans quelques réactions, le site actif est
constitué par la coprésence d’un site acide et d’un site basique,
il est appelé paire acide-base.
L’acidité de Lewis est naturellement souvent moins présente
dans les différents solides. Néanmoins, la calcination est parti- À l’instar de la soude, les hydroxydes métalliques figurent parmi
culièrement susceptible d’introduire une acidité de Lewis. En les composés très basiques. Les oxydes de la famille des alcalins
effet, à haute température, les hydroxyles de surface des oxydes ou alcalino-terreux, tels que MgO, figurent logiquement parmi les
vont se condenser par déshydratation générant des lacunes oxydes solides basiques ainsi que certains oxydes composés d’élé-
électroniques sur les atomes métalliques de surface. ments de transition (ZrO2, ZnO), de lanthanides (CeO2, La2O3).
Avant leur utilisation en catalyse, les solides doivent subir un pré-
Les zéolithes [J 6 675] représentent une classe particulière d’oxy- traitement nécessaire à la libération des sites actifs des contami-
des : ce sont des aluminosilicates cristallins dont les pores, structu- nants de surface. Cette étape, également essentielle pour libérer
rés, sont de dimension moléculaire. Comme pour les autres oxy- les solides acides de l’eau naturellement physisorbée, est encore
des, les sites acides de Brønsted de ces matériaux sont générés plus importante dans le cas des catalyseurs basiques qui condui-
par les hydroxyles, typiquement dans l’environnement des atomes sent, à l’air ambiant, à la formation de carbonates.
d’aluminium. Le nombre de sites acides de Brønsted augmente Une stratégie complémentaire consiste à moduler la basicité des
ainsi lorsque la quantité d’aluminium augmente dans le réseau oxydes supports, tels que l’alumine, par l’ajout de cations alcalins
cristallin, donc lorsque le rapport Si/Al de la zéolithe diminue. Au ou alcalino-terreux. On observe alors l’empoisonnement des sites
contraire, la force de ces sites augmente avec le rapport Si/Al, acides du solide, voire le développement de sites basiques.
c’est-à-dire avec l’éloignement des atomes d’aluminium de struc- Dans le cas des zéolithes, la modulation des propriétés acido-
ture les uns des autres. Le rapport Si/Al de la zéolithe est donc un basiques peut être réalisée par l’échange des cations de compensa-
descripteur pertinent pour décrire la force et la densité des sites tion : pour augmenter la basicité, les protons peuvent ainsi être
acides de Brønsted. Lorsque l’aluminium est en « position extra- remplacés par des cations alcalins ou alcalino-terreux dont la
réseau », c’est-à-dire lorsqu’il se positionne hors du réseau cristal- nature et la quantité influent sur la basicité.
lin, l’aluminium va engendrer la formation de sites acides de Lewis.
Cela peut intervenir selon le mode de synthèse ou de post-modifi-
1.1.3 Catalyseurs métalliques
cation (traitement hydrothermal par exemple). Notons par ailleurs
que les zéolithes sont également caractérisées par l’accessibilité Les métaux, et par extension les métaux supportés, ont été utili-
de leur structure poreuse, traduite par le nombre d’atomes dans la sés comme catalyseurs dès le développement des premiers procé-
fenêtre d’accès aux pores. Ainsi, les zéolithes présentant des accès dés. La plupart des métaux de transition sont susceptibles de déve-
aux pores de 8 à 12 atomes de Si ou Al (8-12 MR (Membered Ring)) lopper une activité catalytique à l’état métallique, néanmoins les
figurent parmi les plus utilisées en catalyse. métaux des groupes VIII et IB sont les plus utilisés. Ils sont ainsi

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CARACTÉRISATION DES CATALYSEURS HÉTÉROGÈNES PAR RÉACTIONS MODÈLES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

quasiment tous capables de chimisorber O2 et H2. Les métaux sont diffractométrie de rayons X (XRD) mais la spectrométrie Raman
particulièrement impliqués dans toutes les réactions pour lesquel- peut permettre alternativement l’identification de certaines phases.
les il est important d’activer la molécule de H2 : (dés)hydrogéna- La texture physique d’un catalyseur est couramment examinée en
tion, hydrogénolyse, reformage. utilisant la microscopie électronique à balayage (SEM). Des mesu-
Leur activité catalytique est liée à leur structure électronique (nom- res EDX associées peuvent être utilisées pour analyser la composi-
bre d’électrons d, caractère métallique des liaisons) et à leur configu- tion chimique de zones sélectionnées de l’image. Comme la résolu-
ration géométrique. La molécule de réactif est en effet susceptible tion du SEM est d’environ 5 nm, la méthode ne donne pas
d’être adsorbée sur plusieurs atomes métalliques, la géométrie d’informations à l’échelle atomique mais fournit des données utiles
locale du métal (liée aux plans cristallographiques exposés) doit sur la morphologie des matériaux. La topographie et morphologie
donc être compatible avec celle de la molécule. Néanmoins, l’activité des cristallites peuvent quant à elles être analysées en utilisant la
catalytique des métaux est surtout déterminée par leur dispersion microscopie à force atomique (AFM) et à effet tunnel (STM). La réso-
sur la surface, égale à la fraction d’atomes exposés en surface par lution beaucoup plus élevée obtenue en utilisant la microscopie
rapport au nombre total d’atomes métalliques (figure 1). électronique à transmission (STEM) permet d’observer des atomes
individuels d’une surface, ce qui est très utile lors de l’étude, par
1.1.4 Catalyseurs sulfures exemple, de petites particules métalliques sur un support particulier
comme du Pt dispersé sur un support carboné. La microscopie élec-
Les catalyseurs sulfures tels que MoS2 ou WS2 résultent de la sul- tronique permet ainsi d’estimer le diamètre moyen des particules
furation des métaux de transition. Ils sont souvent associés à un métalliques en surface, d’en déduire la concentration superficielle
deuxième métal de transition appelé promoteur (Co, Ni). Ils sont uti- en sites métalliques et de calculer leur dispersion.
lisés soit sous forme massique (catalyseur Nebula par exemple), En catalyse hétérogène, la surface spécifique ainsi que la poro-
soit supportés sur oxydes, zéolithes ou encore carbone. Pour décrire sité sont des paramètres fondamentaux. Ils peuvent être détermi-
ces catalyseurs, le modèle de référence est le modèle de Topsøe qui nés à partir de l’adsorption physique d’un gaz inerte (physisorp-
définit les sites de bord des feuillets de la phase sulfure comme les tion), le plus souvent l’azote. Les échantillons à basse surface
sites actifs [1] (figure 1). En fonction de la composition de la phase peuvent être caractérisés adéquatement par adsorption de krypton.
gazeuse, ces sites de bord présentent différentes structures. En par-
ticulier, la labilité du soufre peut donner lieu à la formation de sites La résonance magnétique nucléaire RMN du solide renseigne sur
coordinativement insaturés (sites acides de Lewis). l’environnement chimique des atomes étudiés, la cristallinité, le
nombre et la nature des sites cristallographiques, les connectivités
entre les différents sites, la dynamique moléculaire, la fonctionnali-
1.2 Méthodes usuelles de caractérisation sation des matériaux. Les spectroscopies vibrationnelles (infra-
rouge et Raman) permettent d’identifier les liaisons en présence
des sites actifs des catalyseurs : sur le catalyseur ou en interaction avec d’autres molécules.
quantification, force et localisation La concentration en sites de surface potentiellement actifs est une
Après avoir préparé un catalyseur, il est essentiel de pouvoir le information particulièrement importante. Elle permet notamment de
caractériser afin de définir et quantifier les propriétés physico-chimi- déterminer l’activité moyenne des centres actifs, souvent appelée
ques responsables de, ou liées à, son comportement catalytique. Les fréquence de rotation TOF (TurnOver Frequency). Le dénombrement
techniques utilisées pour la caractérisation couvrent la simple déter- des sites actifs est basé sur le principe de chimisorption de molécu-
mination de la composition chimique globale, l’évaluation de la les sondes. L’adsorption chimique s’accompagne d’une profonde
structure cristalline et la caractérisation fine et détaillée des espèces modification de la répartition des charges électroniques des molécu-
actives présentes sur la surface du catalyseur (concentration, degré les adsorbées, ce qui libère de l’énergie et génère de nouveaux
d’oxydation, environnement, etc.). Le tableau 1 résume les principa- modes de vibration. Ainsi la quantification de sites actifs peut être
les techniques utilisées pour la caractérisation des catalyseurs. suivie par calorimétrie, RMN, ou par spectrométrie infrarouge éven-
tuellement couplée à la gravimétrie AGIR (analyse gravimétrique
couplée à la spectroscopie infrarouge). La chimisorption est généra-
Se référer aux différentes Techniques de l’ingénieur pour plus
lement réalisée en isotherme en mode pulsé ou sous pression fixée
de détails concernant chaque technique.
(dans ce cas, on prendra soin de réaliser une évacuation et une
deuxième isotherme pour soustraire la part réversible de l’adsorp-
Après avoir déterminé la composition chimique d’un catalyseur, il tion due à la physisorption). La désorption de la molécule adsorbée
est souvent nécessaire d’en savoir plus sur la structure cristalline peut aussi être suivie en température programmée (TPD). D’autres
des phases présentes, celle-ci est généralement identifiée par méthodes effectuées en température programmée permettent de

Tableau 1 – Techniques usuelles de caractérisation des catalyseurs hétérogènes


Sigle anglais
Technique de caractérisation Contraintes d’analyse Informations Article TI
(français)

Analyse élémentaire

Inductively Coupled Plasma – Optical


ICP-OES ou ICP-AES Emission Spectrometry ou ICP-Atomic [P 2 719]
Emission Spectrometry Minéralisation et
destruction
Inductively Coupled Plasma – Mass
ICP-MS Composition élémentaire [P 2 720]
Spectrometry

XRF X-Ray Fluorescence [P 2 695]

EDX Energy dispersive X-ray Sous vide/couche mince [M 4 136]

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– CARACTÉRISATION DES CATALYSEURS HÉTÉROGÈNES PAR RÉACTIONS MODÈLES

Tableau 1 – Techniques usuelles de caractérisation des catalyseurs hétérogènes (suite)

Sigle anglais
Technique de caractérisation Contraintes d’analyse Informations Article TI
(français)

Morphologie et structure

SEM (MEB) Scanning Electron Microscopy [P 8 66]

STM Scanning Tunning Miscroscopy Morphologie [P 8 95] [4]

AFM Atomic Force Microscopy Sous vide/couche mince [R 1 394]

Morphologie et taille des


Scanning Transmission Electron cristallites
STEM [P 875]
Microscopy Dispersion
Structure

Structure, taille des


XRD (DRX) X-Ray Diffraction Poudre cristallites [P 1 080]
Dispersion

Environnement chimique

UV-Vis Ultraviolet – Visible spectroscopy Composition chimique [P 2 795]

En matrice sous air ou Liaisons chimiques


FTIR Fourier Transform InfraRed Spectroscopy [P 2 850]
échantillon réel sous vide Molécules adsorbées

Raman Raman spectroscopy Liaisons chimiques [P 2 865]

Dépend de l’élément ana- Composition chimique


NMR (RMN) Nuclear Magnetic Resonance [P 2 795]
lysé Environnement local

Analyse de surface
(quelques couches
XPS X-ray Photoelectron Spectrometry Sous ultravide atomiques) [P 2 625]
Composition chimique
Degré d’oxydation

Analyse de surface
(quelques couches
AES Auger Electron Spectroscopy Sous ultravide [P 2 620]
atomiques)
Composition chimique

Composition chimique
EXAFS Extended X-Ray Absorption Fine Structure En synchrotron [P 2 698]
Degré d’oxydation

Physisorption

Brunauer – Emmet-Tellor theory Surface spécifique


BET Sous vide [P 1 050]
Nitrogen Physisorption Porosité

Chimisorption et méthodes en température programmée

Calorimétrie Sous vide Énergies d’adsorption [P 1 202]

Quantification des sites


Gravimétrie [P 1 260]
d’adsorption

Nombre et force des sites


TPD Temperature-Programmed Desorption
actifs

TPR Temperature-Programmed Reduction Reductibilité des sites actifs

TPO Temperature-Programmed Oxidation Oxydabilité des sites actifs

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La photocatalyse : dépollution
de l’eau ou de l’air et matériaux
autonettoyants
par Chantal GUILLARD
Directrice de recherches CNRS
IRCELYON, UMR CNRS 5256, université de Lyon, France
Benoit KARTHEUSER
Chef de projet
CERTECH asbl, SENEFFE, Belgique
et Sylvie LACOMBE
Directrice de recherches CNRS
IPREM, UMR CNRS 5254, université de Pau et Pays de l’Adour, France

1. Principe de la photocatalyse................................................................ J 1 270 - 2


1.1 Définition ..................................................................................................... — 2
1.2 Fonctionnement .......................................................................................... — 2
1.3 Les semi-conducteurs pour la photocatalyse
et leurs domaines spectraux ...................................................................... — 3
2. Caractéristiques du photocatalyseur le plus utilisé :
le dioxyde de titane ................................................................................ — 4
2.1 Formes cristallines et photoactivité........................................................... — 4
2.2 Mise en forme des matériaux photocatalytiques à base de TiO2 ........... — 5
3. Applications pour le traitement de l’eau.......................................... — 5
3.1 Polluants inorganiques............................................................................... — 6
3.2 Polluants organiques .................................................................................. — 6
3.3 Applications industrielles ........................................................................... — 7
3.4 Désinfection par photocatalyse ................................................................. — 7
4. Applications pour le traitement de l’air ........................................... — 8
4.1 Pollution atmosphérique ............................................................................ — 8
4.2 Pollution de l’air intérieur........................................................................... — 8
4.3 Avantages de la photocatalyse par rapport à d’autres techniques ........ — 9
4.4 Quelques exemples de composés organiques volatils étudiés
dans le cadre de l’épuration de l’air intérieur........................................... — 9
4.5 Applications industrielles/commerciales .................................................. — 10
Parution : novembre 2011 - Dernière validation : octobre 2020

4.6 Désinfection de l’air par photocatalyse..................................................... — 10


5. Applications en matériaux autonettoyants ..................................... — 10
5.1 Principe des matériaux autonettoyants .................................................... — 10
5.2 Superhydrophilie ........................................................................................ — 10
5.3 Différents types de matériaux autonettoyants ......................................... — 11
5.4 Applications bactéricides et antivirales des matériaux autonettoyants...... — 11
6. Perspectives d’avenir ............................................................................. — 12
6.1 Modifications structurales ou morphologiques ....................................... — 12
6.2 État de l’art sur la recherche de matériaux photocatalytiques
plus performants......................................................................................... — 12
7. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 1 270

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 1 270 – 1

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LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

a photocatalyse est une technologie d’oxydation avancée émergente qui


L trouve de nombreux domaines d’application, en particulier au Japon. La
plupart d’entre eux utilisent des matériaux à base de dioxyde de titane (TiO2).
Dans le présent article nous ne présentons que les applications environnemen-
tales de ces matériaux pour la purification de l’air ou de l’eau ou pour les
applications autonettoyantes. Les applications dans le domaine de l’énergie par
des systèmes capables de stocker l’énergie solaire, telles que les cellules
solaires (cellules photovoltaiques sensibilisées par des colorants pour la pro-
duction d’électricité ou DSSC [D 3935] [BE 8579] [BE 8578]) et la production
d’hydrogène par scission photocatalytique de l’eau (fuel cells [BE 8565]), ne
seront pas abordées, de même que les propriétés photo- ou électrochromes ou
de capteurs [P 4031] [R 2385].
Le principe de la photocatalyse repose sur l’activation d’un semi-conducteur
par la lumière, et les données énergétiques et thermodynamiques qui régissent
les réactions d’oxydo-réduction photo-induites sont précisées. Les propriétés de
différents semi-conducteurs susceptibles d’induire des réactions photocatalyti-
ques sont évoquées, avant de décrire de façon plus approfondie celles du
dioxyde de titane. Les applications pour le traitement de l’eau, bien que moins
développées que pour le traitement de l’air, couvrent les polluants inorganiques
et organiques. La désinfection (de l’eau ou de l’air) par photocatalyse (élimina-
tion de micro-organismes tels que bactéries, virus, champignons) est un
domaine très exploré dans de nombreux laboratoires de recherche, même si la
compréhension des mécanismes d’action contre les micro-organismes doit
encore être approfondie. Les principales applications pour le traitement de l’air
concernent l’élimination des oxydes d’azote NOx en extérieur par des matériaux
photocatalytiques de type béton, ciments, céramiques et peintures, et le traite-
ment des COV pour l’air intérieur avec des dispositifs actifs (ventilateurs
photocatalytiques, traitement de l’air conditionné) ou passifs (revêtements, pein-
tures, carrelages… photocatalytiques). Enfin, l’origine des propriétés
autonettoyantes de surface recouvertes de dioxyde de titane est rappelée, et les
différents domaines d’application de ces matériaux résumés.

1. Principe substances, organiques et inorganiques parfois nocives, présentes


dans divers milieux (air, eau, surfaces) en composés inoffensifs.
de la photocatalyse ■ Plus scientifiquement, la photocatalyse repose sur l’absorption,
par un photocatalyseur généralement semi-conducteur (Sc), d’une
radiation lumineuse d’énergie supérieure ou égale à l’énergie (Eg)
1.1 Définition de sa bande interdite (différence d’énergie entre la bande de
valence (BV ou dernière bande totalement ou partiellement occu-
Éthymologiquement, le terme photocatalyse est issu de trois pée par des électrons dans la théorie des bandes) et la bande de
mots grecs : phôtos (lumière), kata (vers le bas ou l’arrière) et lysis conduction (BC ou première bande non occupée par des électrons)
(dissolution ou décomposition). [A 245]). Cette absorption d’énergie entraîne le passage d’électrons
de la bande de valence dans la bande de conduction (figure 1)
créant des lacunes électroniques, communément appelées
La photocatalyse est donc l’action d’une substance nommée « trous » (ou « holes », h+) dans la bande de valence.
« photocatalyseur » qui augmente, sous l’action de la lumière,
la vitesse d’une réaction chimique thermodynamiquement pos- Les paires électrons-trous (e–/h+) ainsi générées donnent au
sible sans intervenir dans l’équation bilan de la réaction. solide ses propriétés oxydo-réductrices. Ces paires (e–/h+) peuvent
se recombiner, soit directement, soit indirectement (via les défauts
de surface) par des processus radiatifs ou non, sans donner lieu à
De nos jours, le terme « photocatalyse » se réfère plus spécifique- une réaction chimique (recombinaison de charges). En revanche, si
ment à la « photocatalyse hétérogène » dans laquelle le photocataly- les charges photogénérées migrent en surface et rencontrent un
seur est un semi-conducteur (le plus souvent le dioxyde de titane, accepteur (A) et un donneur d’électron (D) adsorbés à la surface,
TiO2), et non une molécule ou un complexe métallique de transition. un transfert de charge se produit :

1.2 Fonctionnement
■ En quelques mots : en utilisant l’énergie lumineuse, l’eau et
l’oxygène de l’air, les photocatalyseurs engendrent, par oxydo- Dans un échantillon de TiO2 colloïdal, les temps de vie moyens
réduction photo-induite, la formation de molécules très réactives d’un électron et d’un trou positif sont d’environ 30 ps et 250 ns res-
(en général des radicaux libres), capables de décomposer certaines pectivement. Les transferts de charges interfaciales se produisent

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J1270

____________________________________________________ LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS

Irradiation

Bande de conduction (BC)


Énergie (eV)

Adsorption (O2)
e–
Réduction (HO2• , O2• –)
e–
Recombinaison Oxydation (P•+)
Eg Dégradation
des charges
Polluant P
Potentiels (V)

Oxydation (HO•)

h+ Adsorption (H2O, HO–)


Bande de valence (BV)
Adsorption (polluant P)

Figure 1 – Schéma de principe de la photocatalyse

dans le domaine de la nanoseconde à la milliseconde et des réac- Les radicaux-cations peuvent ensuite réagir par exemple avec
tions d’oxydo-réduction peuvent alors avoir lieu. H2O, O2 et , pour conduire aux produits d’oxydation finaux.
D’un point de vue thermodynamique, lorsqu’un semi-conducteur
irradié est en contact avec des donneurs et accepteurs d’électrons Le mécanisme global de la photocatalyse hétérogène se
adsorbés en surface, une réaction redox pourra avoir lieu dans des découpe donc en cinq étapes :
conditions expérimentales données (température, solvant, pH, 1/ Migration diffusionnelle des réactifs de la phase fluide vers la
concentration en réactifs) à des potentiels redox situés entre ECB et surface du catalyseur.
EVB. Les réactions d’oxydation auront lieu à des potentiels infé- 2/ Adsorption d’au moins un réactif.
rieurs à celui de la bande de valence EVB, (Eox< EVB), tandis que les 3/ Réaction à la surface.
réactions de réduction auront lieu si Ered> ECB (figure 1). Il faut 4/ Désorption des produits de réaction.
noter que les potentiels ECB et EVB sont fonction du pH et décrois- 5/ Migration diffusionnelle des produits de la surface du catalyseur
sent de 0,06 eV par unité de pH (loi de Nernst), ce qui aura une vers la phase fluide.
influence sur les réactions en milieu aqueux [1].
La réaction photocatalytique proprement dite correspond à
En présence de dioxygène et d’eau, l’accepteur d’électron est
l’étape 3. L’efficacité photocatalytique est donc une synergie entre
généralement l’oxygène. O2 est alors réduit en radical anion supe-
plusieurs paramètres : nombre et temps de vie des porteurs de
roxyde : charges, vitesses d’adsorption/désorption et vitesse des réactions
mises en jeu. La photocatalyse hétérogène intervient dans une
grande variété de réactions : oxydation totale (minéralisation) ou
ménagée, déshydrogénation, transferts d’hydrogène, échange iso-
Nota : électrode normale à hydrogène (ENH) topique, déposition de métaux, réduction des ions métalliques.
ou selon le pH, en sa forme protonée, le radical hydroperoxyle HO2•.

1.3 Les semi-conducteurs


Ces radicaux peuvent réagir entre eux pour former du peroxyde pour la photocatalyse
d’hydrogène, H2O2, ou encore le radical hydroxyle HO•, extrême- et leurs domaines spectraux
ment réactifs :
Le domaine spectral de la photocatalyse dépend évidemment
de la nature du photocatalyseur, entité qui absorbe la lumière
afin d’activer la réaction, et donc de l’énergie de sa bande inter-
dite, Eg.
La voie la plus directe de formation du radical HO• est l’oxyda-
tion par un trou, h+, des donneurs H2O ou ions hydroxyle (OH–),
adsorbés en surface du Sc : Comment transformer le saut énergétique (en eV)
en longueur d’onde (en nm)
E = 1,8 à 2,7 V vs ENH en fonction du pH)
D’après la relation de Planck : Eg = hν = hc/λ en J.photon-1
avec h constante de Planck (h = 6,626 × 10-34 J.s.photon-1),
Ces différents radicaux peuvent réagir avec les composés orga- c célérité de la lumière (c = 2,998 × 108 m.s-1)
niques pour conduire à la formation de CO2 et H2O (minéralisa- λ longueur d’onde (m)
tion). Cependant, beaucoup de composés organiques (P) sont ν fréquence de la radiation (s-1)
susceptibles d’être oxydés directement par les trous photogénérés
en formant le radical cation : et 1 J = 6,24 × 1018 eV
Ce qui se simplifie en :
E Eg(nm) = 1239,8/Eg (eV)

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LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

Exemple de TiO2 anatase : l’énergie de la bande interdite est de


3,23 eV. Les longueurs d’onde qui pourront activer le photocatalyseur 2. Caractéristiques
doivent être inférieures ou égales à 384 nm. du photocatalyseur
Les différentes propriétés physiques de certains semi-conduc-
teurs sont rassemblées dans la figure 2.
le plus utilisé : le dioxyde
D’après les données de la figure 2, l’énergie de la bande inter-
de titane
dite Eg varie depuis le visible (pour CdSe, CdS, Fe2O3, WO3,ou le
TiO2 sous sa forme rutile), jusqu’à l’UV-A (ZnO, ZnS). À l’heure actuelle, la plupart des applications utilisent le dioxyde
de titane comme semi-conducteur et on peut considérer que le
La définition des différents domaines spectraux, ainsi que le
domaine spectral concerné par la photocatalyse est majoritaire-
spectre d’émission solaire sont rappelés dans la figure 3.
ment l’UV (λ < 384 nm) et une petite partie du visible (380 à
Le choix d’un semi-conducteur pour la photocatalyse est donc 400 nm) (figure 3) : le dioxyde de titane de structure anatase, cata-
imposé par la valeur énergétique Eg de la bande interdite et par lyseur le plus utilisé en photocatalyse, absorbe environ 4 % des
ses potentiels ECB et EVB, qui conditionnent la faisabilité des demi- photons solaires. Cependant, comme on le verra au § 6, les recher-
réactions d’oxydo-réduction. Certains de ces semi-conducteurs ches actuelles ont pour objectif de développer des catalyseurs
sont utilisés pour des applications dans le domaine de l’énergie actifs à des longueurs d’onde supérieures à 400 nm afin d’utiliser
(cellules photo-électrochimiques pour la dissociation de l’eau ou la un nombre plus important de photons situés dans le visible.
production d’électricité…).

2.1 Formes cristallines et photoactivité


Cependant pour les applications dans le domaine du traite-
ment de l’eau ou de l’air, ainsi que les films autonettoyants, le Deux des facteurs importants qui affectent l’activité photocataly-
dioxyde de titane (TiO2) est le plus utilisé, en raison de sa dis- tique de TiO2 sont sa surface spécifique et sa cristallinité. Le
ponibilité, de son faible coût, de son inertie chimique et biologi- dioxyde de titane existe sous trois formes cristallines ou
que et de sa photostabilité dans l’air et dans l’eau. polymorphes : rutile (R), anatase (A) et brookite (B). Chaque phase
présente des propriétés physiques et chimiques différentes. La
Les différentes espèces radicalaires très réactives, formées phase rutile est thermodynamiquement la plus stable en matériau
par oxydo-réduction vont conduire à l’oxydation et souvent à massique. Cependant les préparations en solution favorisent la for-
la minéralisation (transformation en eau, dioxyde de carbone mation de la forme anatase, la plus largement utilisée. La forme
(CO2) et autres produits oxydés issus des hétéroatomes
comme les sulfates à partir des produits soufrés, les halogé-
nures à partir des dérivés halogénés, les phosphates à partir
Visible
des dérivés phosphorés…) des produits adsorbés en surface.
Ondes radio
Ces réactions seront possibles dans l’eau, dans différents sol- Rayons X Micro-ondes
vants, mais également en phase gazeuse. Les réactions Infrarouge
photocatalytiques sur TiO2 permettront donc d’oxyder, dans
des conditions précises, toutes sortes de matériaux organi-
ques ou polymères, de détruire les microbes et bactéries et
de minéraliser certaines de ces substances en présence Radiation ultraviolet
d’oxygène et d’eau. UVC UVB UVA
Vacuum UV
100 200 280 315 380 nm

a domaines spectraux
TiO2 anatase

Intensité spectrale
TiO2 rutile

Spectre solaire extraterrestre


Fe2O3
CdSe

WO3
ZnO
CdS
Énergie par rapport au niveau du vide

– 2,5 –2
ZnS

Spectre solaire au niveau de la mer

– 3,5 –1 Effet thermique


3,6 O2/O2• –
– 4,5 0 H+/H2
2,5
1,7
– 5,5 1 2,3
3,0
O2/H2O
Potentiels (ENH)

3,2 2,8
– 6,5 2 3,2
200 700 1 000 1 400 1 800 2 000 2 500 3 000
– 7,5 3 280 555 Longueur d’onde (nm)
380

UV Visible Infrarouge A Infrarouge B

b spectre de l’émission solaire


Figure 2 – Positions des bandes de conduction et de valence de
certains semi-conducteurs en contact avec un électrolyte aqueux Figure 3 – Définition des domaines spectraux (a) et spectre de
à pH 1 (vs ENH) l’émission solaire (b)

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Biocatalyse ou catalyse enzymatique

par Didier COMBES


Professeur à l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse
et Pierre MONSAN
Professeur à l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse
École nationale supérieure des mines de Paris
Institut universitaire de France

1. Enzymes : structure, origine, classification ..................................... BIO 590 - 2


1.1 Structure – coenzymes ................................................................................ — 2
1.2 Sources d’enzyme ........................................................................................ — 3
1.3 Classification des enzymes ......................................................................... — 4
2. Cinétique homogène ............................................................................... — 5
2.1 Équation de Michaelis-Menten ................................................................... — 5
2.2 Inhibition/activation ..................................................................................... — 6
2.3 Allostérie (modèle de Monod) .................................................................... — 7
2.4 Effet du pH et de la température................................................................. — 8
3. Cinétique hétérogène .............................................................................. — 9
3.1 Méthodes d’immobilisation des enzymes ................................................. — 9
3.2 Influence des phénomènes de transfert de matière
(diffusion, encombrement stérique, partage) ............................................ — 11
3.3 Réacteurs (piston, mélangé) ....................................................................... — 12
4. Applications industrielles des enzymes ............................................ — 13
4.1 Détergents .................................................................................................... — 13
4.2 Industrie de l’amidon ................................................................................... — 13
4.3 Domaine agroalimentaire (alimentation humaine et animale) ................ — 14
4.4 Chimie fine et santé ..................................................................................... — 15
4.5 Applications analytiques, diagnostic et capteurs ...................................... — 17
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BIO 590
Parution : novembre 2009 - Dernière validation : octobre 2016

es enzymes savent compenser leur manque de généricité par leur extra-


L ordinaire sélectivité, voire énantiosélectivité et régiosélectivité, qui en font
des outils de choix pour réaliser des réactions de synthèse dans des conditions
particulièrement compatibles avec la préservation de l’environnement (milieux
aqueux, pH non extrêmes, températures peu élevées). L’utilisation de plus en
plus grande de matières premières renouvelables, donc d’origine biologique,
pour favoriser des conditions de développement durable ne pourra
qu’accroître les exemples de mise en œuvre de biocatalyseurs. De plus, les
outils de la biologie moléculaire, combinés à ceux de la biologie structurale et
de la modélisation « in silico », permettent aujourd’hui non seulement de
diversifier les sources de nouvelles enzymes et d’en améliorer extraordinaire-
ment l’efficacité et la stabilité, mais également de concevoir des biocatalyseurs
totalement originaux, capables de réaliser de nouvelles réactions.

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BIOCATALYSE OU CATALYSE ENZYMATIQUE _____________________________________________________________________________________________

– structure tertiaire : la chaîne polypeptidique déjà ordonnée en


Encadré 1 – Historique structure secondaire peut se replier sur elle-même pour former une
molécule de configuration spatiale bien déterminée (en général, de
forme globulaire dans le cas des enzymes). Les liaisons intramolé-
Il est très difficile de donner une date exacte de la décou- culaires (pont disulfure, liaisons hydrogènes, liaisons ioniques,
verte des enzymes. Une activité hors d’une cellule vivante a liaisons hydrophobes) responsables de la stabilité de la structure
été observée en 1783 lorsque Spallanzani nota que la viande tertiaire se forment à partir des chaînes latérales des acides aminés ;
était « liquéfiée » par le suc gastrique des faucons.
– structure quaternaire : les protéines sont souvent constituées
D’autres observations similaires ont été faites par la suite, de plusieurs sous-unités qui correspondent chacune à une chaîne
mais la première découverte d’une enzyme est en général cré- polypeptidique de structure tertiaire définie. L’association de ces
ditée à Payen et Persoz qui, en 1833 ont traité un extrait sous-unités entre elles par le même type de liaisons que celles
aqueux de malt avec de l’éthanol et ainsi précipité une subs- rencontrées au niveau de la structure tertiaire constitue la structure
tance labile à la chaleur, qui initie l’hydrolyse de l’amidon. Ils quaternaire de la protéine. C’est de cette association dont dépend
ont appelé cette fraction « diastase ». Aujourd’hui, on sait que l’activité de la protéine.
la diastase était une préparation impure d’amylase.
La réaction de production d’un produit à partir d’un substrat,
Le mot enzyme, « dans la levure » en grec, apparaît en catalysée par une enzyme passe par la formation d’un complexe
1878 : Kühne le propose pour faire la distinction entre les enzyme-substrat. Cette notion de couple enzyme-substrat implique
« ferments organisés » (le micro-organisme entier) ou que l’enzyme possède une région complémentaire par sa taille, sa
« inorganisés » (excrétés par les micro-organismes). forme et la nature chimique du substrat : c’est le site actif de
C’est en 1897 que Bertrand observa que quelques enzymes l’enzyme. Ainsi, une seule substance ou au plus un nombre limité
nécessitaient des facteurs dialysables pour avoir de l’activité de substances peuvent se lier à l’enzyme et agir en tant que subs-
catalytique : ces substances ont été appelées coenzymes. trat. C’est seulement lorsque le substrat est ancré dans le site actif
que peuvent se produire les changements chimiques qui le
À partir du début du 20e siècle, de nombreux essais sont
convertissent en produit. On sait que le site actif n’a pas besoin
faits pour purifier les enzymes et décrire leur activité catalyti-
d’être une cavité rigide ou une poche, mais plus simplement un
que en termes mathématiques précis.
arrangement spécifique dans l’espace de résidus d’acides aminés
En 1902, Henri a suggéré qu’un complexe enzyme-substrat qui vont interagir avec les groupes complémentaires du substrat.
était un intermédiaire obligatoire dans la réaction catalytique.
Les enzymes sont des protéines dont la masse molaire est au
Il donne également une équation mathématique qui prend en
moins supérieure à 10 000. La plupart des substrats sont des subs-
compte l’effet de la concentration du substrat sur la vitesse de
tances de faible masse molaire (dans le cas des substrats
réaction.
polymériques : protéines, polysaccharides... c’est seulement une
L’effet du pH sur l’activité enzymatique a été mis en évi- partie du polymère qui est reconnue et non le polymère entier).
dence par Sorensen en 1909 et c’est en 1913 que Michaelis et Ainsi, seule une faible fraction de l’enzyme est impliquée dans le site
Menten redécouvrent l’équation d’Henri. Cette équation est actif. Il n’y a pas plus d’une douzaine d’acides aminés autour du site
basée sur des principes simples d’équilibre chimique. actif et seuls deux ou trois d’entre eux sont directement impliqués.
Le fait que les enzymes sont des protéines n’a été accepté Pourquoi les enzymes sont-elles des macromolécules alors
que vers la fin des années 1920. qu’un peptide constitué d’une douzaine d’acides aminés devrait
Enfin, c’est en 1965 que Monod, Wyman et Changeux suffire ? La réponse est évidente lorsque l’on considère que les
présentent un modèle cinétique pour les enzymes allostériques deux ou trois résidus d’acides aminés du site actif doivent avoir
(enzymes de régulation qui donnent des courbes de vitesses une conformation tridimensionnelle précise impossible à obtenir à
sigmoïdes et non hyperboliques). partir d’un court peptide.
La combinaison de l’enzyme et du substrat peut être plus spécifi-
que encore que ne le laissent penser les concepts du type clef-ser-
rure. Une liaison tridimensionnelle du substrat et la flexibilité du site
1. Enzymes : structure, actif permettent d’expliquer le haut degré de spécificité d’une
enzyme vis-à-vis, par exemple, de molécules analogues au substrat.
origine, classification Les enzymes accélèrent d’une manière phénoménale les vitesses
de réaction. Lorsqu’il est possible de comparer des vitesses de réac-
tion non enzymatique et enzymatique, on observe que les enzymes
1.1 Structure – coenzymes accélèrent les vitesses de réaction d’un facteur supérieur à 1015.
Les enzymes sont des protéines et, à ce titre, leur structure peut Toutefois, la réaction « S est transformé en P » doit tout d’abord
être décrite en quatre étapes : être possible d’un point de vue thermodynamique. Mais avant
qu’une molécule de substrat soit transformée en produit, elle doit
– structure primaire : c’est l’ordre d’enchaînement des acides posséder un minimum d’énergie pour passer par un état de transi-
aminés de série L, liés entre eux par une liaison de type amide, la tion. Cet état activé représente une sorte de point médian où les
liaison peptidique. Ce premier niveau de structure est responsable liaisons du substrat sont suffisamment modifiées pour que la
au moins indirectement des niveaux supérieurs d’organisation et conversion en produit soit possible.
ainsi de toutes les propriétés des protéines, en particulier des pro-
priétés catalytiques des enzymes, mais aussi de la formation Il y a deux façons pour accélérer cette réaction. La première
d’autres liaisons covalentes (modifications post-traductionnelles) ; consiste à élever la température de telle manière qu’un nombre
– structure secondaire : elle résulte de l’établissement de liaisons significatif de molécules atteignent l’état de transition. Une autre
hydrogène entre les groupements amide (-NH) et carbonyle (-CO) façon est de diminuer l’énergie d’activation.
du squelette peptidique. L’existence de structures secondaires Les cellules vivantes existent aux températures relativement
vient du fait que les repliements énergétiquement favorables de la faibles (entre 0 et 100 oC). À ces températures de la vie, pratique-
chaîne peptidique sont limités et que seules certaines ment aucune des réactions du métabolisme intermédiaire ne peut
conformations sont possibles. Il existe trois principales catégories se dérouler à une vitesse suffisante pour permettre la croissance ou
de structures secondaires selon le repliement des liaisons la maintenance de la cellule. De plus, même si la cellule pouvait
peptidiques : les hélices (de type alpha), les feuillets (de type bêta) augmenter d’une manière significative sa température, il n’y aurait
et les coudes ; pas de réaction favorisée par rapport à une autre. Ce sont donc les

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_____________________________________________________________________________________________ BIOCATALYSE OU CATALYSE ENZYMATIQUE

Tableau 1 – Origine de quelques enzymes


Origine de l’enzyme industrielles
Utilisation
Enzyme No EC Origine
Animale Végétale Microbienne industrielle
Origine animale
Broyage intracellulaire extracellulaire catalase 1.11.1.6 foie Industrie
alimentaire
chymotrypsine 3.4.21.1 pancréas Traitement
Broyage cellulaire centrifugation filtration du cuir
lipase 3.1.1.3 pancréas Industrie
mécanique non mécanique cellules surnageant alimentaire
présure 3.4.23.4 abomasum Industrie
fromagère
élimination des acides nucléiques UF/diafiltration
trypsine 3.4.21.4 pancréas Traitement
du cuir
Figure 1 – Extraction des enzymes d’origine différente
Origine végétale

enzymes que possèdent les cellules qui diminuent l’énergie d’acti- α-amylase 3.2.1.1 orge Brasserie
vation. Ces enzymes diminuent sélectivement l’énergie d’activation β-amylase 3.2.1.2 orge Brasserie
d’une réaction donnée qui peut alors se dérouler à une température
faible. Les enzymes sont donc des catalyseurs qui augmentent la Bromélaïne 3.4.22.4 ananas Brasserie
vitesse de réactions chimiques sans être consommées. La constante
d’équilibre de la réaction n’est pas modifiée, simplement la vitesse β-glucanase 3.2.1.6 orge Brasserie
de la réaction est affectée par l’enzyme.
Ficine 3.4.22.3 figue Industrie
En disant que les enzymes augmentent la vitesse de réaction en alimentaire
diminuant l’énergie d’activation, on ne répond pas à la question :
comment ? Plusieurs facteurs ont été suggérés et nous allons les Lipoxygenase 1.13.11.12 soja Industrie
analyser : alimentaire
– la plupart des réactions enzymatiques se déroulent suivant un Papaïne 3.4.22.2 papaye Industrie
mécanisme de réactions organiques (acide-base, nucléophile, élec- de la viande
trophile) pour lesquelles l’enzyme fournit les groupes catalytiques ;
– d’autre part, les facteurs de proximité et d’orientation sont cer- Enzymes bactériennes
tainement prépondérants. En solution, sans enzyme, les rencon-
tres de deux molécules se font au hasard : ce n’est plus le cas ici ; α-amylase 3.2.1.1 Bacillus Industrie
– enfin, l’idée que certaines liaisons du substrat soient tendues de l’amidon
par l’enzyme a été proposée par certains auteurs. Il se produit β-amylase 3.2.1.2 Bacillus Industrie
alors un état de transition active. Au niveau du site actif, on a vu de l’amidon
les différents concepts qui permettent d’expliquer la spécificité et
l’efficacité d’une enzyme. Asparaginase 3.5.1.1 Escherichia coli Domaine
Un certain nombre d’enzymes nécessitent pour leur fonction- de la santé
nement la présence d’un composé non protéique appelé cofacteur Glucose 5.3.1.5 Bacillus Sirops
ou coenzyme. Les cofacteurs qui doivent être présents en quantité isomérase de fructose
stœchiométrique et les coenzymes présents en quantité catalytique
sont de plusieurs types. Dans le cas des ions métalliques, ces der- Pénicilline 3.5.1.11 Bacillus Industrie
niers sont, soit liés à la structure de l’enzyme (par exemple, la pré- amidase pharmaceutique
sence de zinc est indispensable à l’activité de la carboxypeptidase),
soit liés au substrat (dans le cas des kinases). De même, la plupart Protéase 3.4.21.14 Bacillus Détergent
des carboxylases nécessitent la présence de la biotine, liée de Pullulanase 3.2.1.41 Klebsiella Industrie
manière covalente à l’enzyme alors que les aminotransférases ont de l’amidon
besoin de pyridoxal phosphate lors de la réaction d’interconversion.
Enzymes fongiques
1.2 Sources d’enzyme α-amylase 3.2.1.1 Aspergillus Panification

Les enzymes peuvent être extraites de n’importe quel organisme Aminoacylase 3.5.1.14 Aspergillus Industrie
vivant : des bactéries aux champignons, des plantes aux animaux. pharmaceutique
Parmi toutes les enzymes utilisées industriellement, plus de la
Glucoamylase 3.2.1.3 Aspergillus Industrie
moitié proviennent de champignons ou de levures, environ un
de l’amidon
tiers sont d’origine bactérienne et ce qui reste se divise entre les
sources animales (8 %) ou végétales (4 %) (figure 1). Catalase 1.11.1.6 Aspergillus Industrie
La très grande majorité des enzymes utilisées dans l’industrie alimentaire
(tableau 1) provient donc de la culture de micro-organismes pour
Cellulase 3.2.1.4 Trichoderma Traitement
diverses raisons : faible coût de production, teneur en enzyme
des déchets
mieux contrôlable, composition des extraits connue et constante,

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BIOCATALYSE OU CATALYSE ENZYMATIQUE _____________________________________________________________________________________________

Mais, le nom de l’enzyme peut être aussi lié à une propriété de


Tableau 1 – Origine de quelques enzymes cette enzyme. Par exemple, l’invertase hydrolyse le saccharose
industrielles (suite) ([αD] = + 66,5o, dextrogyre) en un mélange de D-glucose
Utilisation ([αD] = + 52o) et de D-fructose ([αD] = – 92o). Le mélange est lévo-
Enzyme No EC Origine gyre, il y a donc inversion du pouvoir rotatoire, d’où le nom donné à
industrielle
l’enzyme.
Dextranase 3.2.1.11 Penicillium Industrie Pour clarifier tout cela, en 1956, une classification a été proposée
alimentaire par la Commission internationale sur les enzymes, avec différentes
Glucose 1.1.3.4 Aspergillus Industrie révisions en 1965 et en 1978. Cette nomenclature s’appuie sur le
oxidase alimentaire type de réaction catalysée, le substrat utilisé, ainsi que la présence
d’éventuels cofacteurs. Le nom systématique qui en résulte est
Lactase 3.2.1.23 Aspergillus Produits laitiers parfois complexe et les noms d’usage sont admis. Il est alors forte-
ment conseillé de les associer à leur numéro « EC » qui provient
Lipase 3.1.1.3 Rhizopus Industrie de la classification numérique également mise en place. Ce
alimentaire numéro, constitué de quatre nombres désigne la classe de réaction
catalysée par l’enzyme, une sous-classe, une sous sous-classe et
Présure 3.4.23.6 Mucor Industrie
un numéro propre à l’enzyme. Les classes d’enzymes ainsi
miehei fromagère
constituées sont au nombre de six :
Pectinase 3.2.1.15 Aspergillus Industrie 1 – Oxydoréductases : enzymes qui catalysent les réactions
des boissons d’oxydo-réduction. Exemple : alcool déshydrogénase (E.C.1.1.1.1) :
Pectine lyase 4.2.2.10 Aspergillus Industrie
des boissons Alcool + NAD+ → Aldéhyde ou cétone + NADH

Protéase 3.4.23.6 Aspergillus Panification 2 – Transférases : enzymes qui catalysent le transfert d’un
groupe spécifique d’une molécule à une autre. Exemple : hexoki-
Raffinase 3.2.1.22 Mortierella Industrie nase (E.C.2.7.1.1)
alimentaire
ATP + Hexose → ADP + Hexose 6 − P
Enzymes de levure
3 – Hydrolases : enzymes qui catalysent la coupure hydroly-
Invertase 3.2.1.26 Saccharomyces Confiserie tique des liaisons C—O, C—N et C—C. Exemple : l’α-amylase
Lactase 3.2.1.23 Kluyveromyces Produits laitiers (E.C.3.2.1.1) hydrolyse des liaisons 1,4—α—D-glucosidiques dans
des polysaccharides contenant 3 ou plus D-glucose.
Lipase 3.1.1.3 Candida Industrie 4 – Lyases : enzymes qui coupent les liaisons C—C, C—O et
alimentaire C—N par élimination, en formant des doubles liaisons ou des
Raffinase 3.2.1.22 Saccharomyces Industrie cycles. Exemple : pyruvate décarboxylase (E.C.4.1.1.1)
alimentaire
2 − oxoacide → aldéhyde + CO 2

enfin les tissus animaux ou végétaux contiennent des molécules 5 – Isomérases : enzymes qui catalysent des changements géo-
plus dangereuses ou plus gênantes que celles rencontrées dans métriques ou structuraux dans une molécule. Exemple : la glu-
les micro-organismes (composés phénoliques ou inhibiteurs cose-isomérase (E.C.5.3.1.5) catalyse l’isomérisation du glucose en
d’enzymes par exemple). fructose.
En pratique, la grande majorité des enzymes microbiennes vient 6 – Ligases : enzymes qui catalysent la liaison entre deux molé-
d’un nombre limité d’espèces parmi lesquelles on trouve principale- cules, couplée à l’hydrolyse d’une liaison phosphate de l’ATP (ou
ment les Aspergillus, Bacillus et Kluyveromyces. Le développement un autre tri-phosphate). Exemple : pyruvate carboxylase
des enzymes commerciales demande un savoir faire certain dans (E.C.6.4.1.1)
les domaines suivants : recherche de nouvelles enzymes, fermenta-
tion, purification à grande échelle et formulation. ATP + Pyruvate + HCO −3 → ADP + PO −4 + Oxaloacétate
Le remodelage d’enzymes est également une voie pour produire
des enzymes plus performantes que les enzymes naturelles ou bien 1.3.2 Classification CAZy (Carbohydrate Active
même pour créer des activités nouvelles. La mutagenèse dirigée, enZymes )
technique la plus utilisée, permet de substituer un ou plusieurs aci-
des aminés de la protéine. L’utilisation de banques de données (data Cette classification a pour originalité de ne pas reposer sur une
mining) présentant des corrélations séquence-structure est une aide spécificité réactionnelle des enzymes, comme la classification de la
très efficace pour prédire les évolutions conformationnelles liées aux nomenclature enzymatique. Elle repose sur une analogie de struc-
substitutions. Parmi les enzymes industrielles modifiées, la subtili- ture des modules catalytiques et de reconnaissance de motifs glu-
sine, une protéase de Bacillus amyloliquefaciens, a vu son activité, cidiques des enzymes qui catalysent la dégradation, la
dans les détergents, améliorée par une stabilisation vis-à-vis des modification ou la création de liaisons osidiques. Elle a été établie
températures élevées, de l’effet du pH et de l’oxydation. par Bernard Henrissat et peut être consultée sur le site :
http://www.cazy.org/.
1.3 Classification des enzymes Cette classification repose sur une étude de la séquence d’acides
aminés d’une enzyme, séquence qui conditionne la structure
1.3.1 Nomenclature systématique secondaire et tridimensionnelle de la protéine enzymatique. Elle
reflète donc les caractéristiques structurales de ces enzymes, beau-
De nombreuses enzymes ont des noms triviaux qui leur ont été coup plus que leur simple spécificité de substrat. Elle permet,
donnés, il y a des années, lorsqu’elles ont été découvertes. Dans notamment, de révéler les relations au cours de l’évolution entre
de nombreux cas, on s’est contenté d’ajouter « ase » au nom du les enzymes d’une même famille, ainsi que de prédire des don-
substrat de l’enzyme à l’instar de l’uréase pour l’urée. nées concernant leur mécanisme catalytique. Ces familles peuvent

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Catalyse redox par les phosphines

par Charlotte LORTON


Doctorante de l’Université Paris-Saclay
ICSN-CNRS, Gif-sur-Yvette, France
et Arnaud VOITURIEZ
Directeur de Recherche CNRS
ICSN-CNRS, Gif-sur-Yvette, France

Introduction
es phosphines jouent un rôle primordial en tant que promoteurs dans
L de nombreuses transformations classiquement utilisées en chimie orga-
nique dans lesquelles, le plus souvent, la phosphine est oxydée
(réactions de Wittig, Mitsunobu, Staudinger…). Si elles sont très effi-
caces et utilisées quotidiennement dans les laboratoires de recherche
académique et en industrie pour la formation de liaisons carbone-
carbone et carbone-hétéroatome, ces réactions sont également généra-
trices d’une quantité importante de déchets chimiques, notamment en
oxyde de phosphine. Or ce sous-produit complique très souvent l’étape de
purification. Ainsi, afin de diminuer la quantité de phosphine utilisée, plu-
sieurs chercheurs à travers le monde ont développé des procédés
catalytiques redox P(III)/P(V) par régénération in situ de la phosphine tri-
valente. Pour ce faire, les silanes, qui peuvent être également des déchets
de l’industrie des silicones, sont utilisés comme agents réducteurs. Ainsi, il
est maintenant envisageable de tendre vers une chimie plus économe en
atomes, et par là même de diminuer l’impact environnemental et la
demande en énergie de certaines réactions chimiques. Dans cet article,
après avoir détaillé la première réaction de Wittig catalytique en phos-
phine, toutes les conditions opératoires nécessaires à la réussite d’une telle
transformation sont exposées. Par la suite, plusieurs procédés catalytiques
redox par les phosphines sont décrits et présentés par grande classe de
réactions : oléfination de Wittig et ses dérivés, Mitsunobu (substitution
nucléophile sur un alcool), halogénation d’Appel, Staudinger (transforma-
tion d’un azoture en amine ou formation d’amides). Des exemples en
synthèse organique, et notamment la synthèse totale de produits naturels
sont présentés, tels que le (S)-vasicinone et les dichrocéphones A et B.
Enfin, dans le cas où les produits formés possèdent des centres stéréo-
gènes, il est possible d’utiliser une faible quantité de phosphines chirales,
et ainsi d’obtenir des produits optiquement actifs par catalyse asymétrique,
et notamment des cyclobutènes chiraux et des composés azotés tricycli-
ques complexes.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des notations
utilisées.
Parution : mars 2021

2-2021 © Editions T.I. IN 405 - 1

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Points clés
Domaine : Catalyse / Chimie verte
Degré de diffusion de la technologie : Émergence
Technologies impliquées : Organocatalyse, catalyse asymétrique
Domaines d’application : Chimie
Principaux acteurs français : A. Voituriez (CNRS, Université Paris-Saclay)
Autres acteurs dans le monde : O. Kwon (UCLA, USA), T. Werner (University
of Rostock, Germany), C. J. O’Brien (ChemTank Ltd, Ireland), R. M. Denton
(University of Nottingham, UK), F. L. van Delft (Radboud University, Netherlands),
J. Mecinović (University of Southern Denmark), A. Radosevich (MIT, USA)
Contact : arnaud.voituriez@cnrs.fr
https://icsn.cnrs.fr/cv/voituriez

1. Contexte la catalyse enzymatique ont longtemps dominé le domaine de


la catalyse asymétrique, l’alternative de l’organocatalyse, qui
Les composés organophosphorés jouent un rôle primordial en propose d’utiliser des petites molécules organiques chirales afin
synthèse organique et sont employés quotidiennement aussi de réaliser ces réactions asymétriques, a connu un essor crois-
bien dans les laboratoires académiques qu’à grande échelle sant depuis une vingtaine d’années. Ainsi, ce qui paraissait
dans l’industrie. Parmi les réactions promues par des phos- impossible auparavant, puisqu’il n’était pas imaginable d’utiliser
phines, figurent notamment les réactions de Wittig et aza-Wittig de grandes quantités de phosphines chirales extrêmement coû-
(formation de double liaisons carbone-carbone et carbone- teuses, devient réalisable par l’utilisation de cette méthodo-
azote), de Mitsunobu (substitution nucléophile sur des fonc- logie. Ces nouvelles réactions catalytiques, qui visent à faciliter
tions alcools), d’Appel (réaction d’halogénation d’alcools) ou les purifications, mais également à obtenir des produits énan-
de Staudinger (réduction d’azoture en amine ou réaction de tioenrichis, ne sont pas juste des curiosités de la recherche aca-
formation d’amides) [1] [2] [3]. Si l’efficacité de ces réactions démique, mais intéressent également le monde industriel. Par
n’est plus à démontrer du fait de leurs nombreuses applications exemple, depuis 2005, l’American Chemical Society (ACS), dans
en synthèse, ces transformations possèdent également des le cadre de la Green Chemistry Institute a initié une table ronde
désavantages. En effet, la principale force motrice de ces réac- regroupant une quinzaine de compagnies pharmaceutiques, afin
tions étant la formation d’une liaison forte phosphore-oxygène, de catalyser la mise en œuvre de la chimie verte et de l’ingé-
une quantité stœchiométrique de déchet d’oxyde de phosphine nierie verte dans l’industrie pharmaceutique mondiale. En 2018,
est formée en parallèle de la formation du produit désiré. Ce ils ont priorisé dix domaines ou réactions clés qui les ont parti-
sous-produit n’étant généralement pas soluble dans l’eau, il culièrement intéressés, car pouvant répondre à leurs besoins
peut co-éluer avec le produit synthétisé, ou bien précipiter avec spécifiques [9]. Le développement de la réaction de Wittig cata-
ce dernier dans le cas où un solide est attendu. Cela pose bien lytique en phosphine faisait partie de cette liste, démontrant
évidemment de gros problèmes de purification, notamment à tout l’intérêt de ce domaine, également pour les industriels.
une échelle industrielle. Cet article est organisé par grande famille de réactions, à
Plusieurs solutions ont été mises au point afin de résoudre commencer par la plus connue d’entre elles, la réaction d’oléfi-
ces difficultés, parmi lesquelles nous pouvons citer l’immobilisa- nation de Wittig. Dans chaque chapitre, nous nous efforçons de
tion de la phosphine sur un support solide [4], l’utilisation de présenter brièvement la réaction, ainsi que son mécanisme.
phosphines solubles dans l’eau [5], ou encore la synthèse Les premiers exemples historiques sont par la suite détaillés,
de phosphines contenant des chaînes fluorées permettant une avec dans certains cas des développements plus récents et des
extraction de cette dernière par une phase fluorée [6]. Une applications synthétiques. Le dernier chapitre expose les résul-
alternative a été initiée en 2009 et repose sur la régénération tats les plus novateurs dans le domaine, à savoir le développe-
dans le milieu réactionnel de la phosphine à son degré d’oxyda- ment de procédés catalytiques en phosphine et asymétriques.
tion PIII via la réduction in situ de l’oxyde de phosphine PV=O à Cette revue n’a pas vocation à être exhaustive et toutes les
l’aide d’un agent réducteur [7] [8]. Cette méthodologie a été réactions rendues catalytiques par réduction in situ de l’oxyde
développée initialement pour la réaction de Wittig, mais elle a de phosphine ne sont pas détaillées. Pour aller encore plus loin
par la suite été appliquée à de très nombreuses autres transfor- dans le domaine, la lecture de revues plus spécialisées est
mations, comme nous allons le voir au cours de cette revue. recommandée [10].
L’intérêt le plus important de cette méthode est qu’il est doréna-
vant envisageable d’utiliser des quantités sous-stœchiométriques
de phosphine. Ainsi, à la fin de ce procédé catalytique, les 2. Réaction de Wittig catalytique
déchets en oxyde de phosphine très difficilement séparables
des produits de la réaction sont remplacés par des déchets en 2.1 Présentation
hydroxysilane facilement éliminable du milieu réactionnel par
simple extraction liquide/liquide. L’autre avantage indéniable de Cette réaction est l’une des plus utilisées en chimie orga-
ce procédé est qu’il est maintenant possible d’envisager des nique, pour la formation de doubles liaisons carbone-carbone,
réactions asymétriques, par l’utilisation de faibles quantités de en partant de dérivés carbonylés [RR’C(O)] et d’ylures de
phosphines chirales. En effet, si la catalyse organométallique et phosphore [RR’C=(PR3)] [11]. Découverte en 1953 par Georg

IN 405 - 2 © Editions T.I. 2-2021

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Réduction de l’oxyde
de phosphine
PPh3 Br O = PR3 PR3
R2
R1
R2
R3
Réaction R3 X
O
de Wittig (A)
O O
O O = PPh3
R1
R2 R2
Déprotonation X
OR R3
R3 PR3 PR3
H
R = C(O)CH3 Base
Saponification Ylure Sel
de phosphore de phosphonium
Vitamine A (R = H) (C) (B)

a application industrielle de la réaction b mécanisme de la réaction de Wittig catalytique


de Wittig

Figure 1 – Application industrielle et mécanisme de la réaction de Wittig

Wittig [12], elle lui a notamment valu en 1979 le prix Nobel, catalytique par réduction de l’oxyde de phosphine et donc la
pour « le développement de l’utilisation des composés phos- régénération de la phosphine trivalente. Il est donc possible
phorés comme réactifs importants en synthèse organique ». d’utiliser une quantité sous-stœchiométrique de phosphine.
Parmi les applications marquantes de cette réaction dans
l’industrie, nous pouvons citer la synthèse de la vitamine A 2.2 Premiers exemples de la réaction
(figure 1a) [13] [14].
de Wittig catalytique
Le mécanisme de cette réaction se divise en quatre étapes
consécutives dont la première consiste en la formation du sel ■ La première réaction de Wittig, utilisant des quantités sous-
de phosphonium (B) résultant de la substitution nucléophile stœchiométriques de phosphine, a été mise au point par
de la phosphine trivalente (PR3) sur le partenaire halogéné l’équipe du C. J. O’Brien en 2009 (figure 2) [16]. En utilisant
(A) (figure 1b). Ce sel de phosphonium est ensuite converti l’oxyde de 3-méthyl-1-phénylphospholane comme catalyseur,
en ylure de phosphore (C) par déprotonation, en présence le diphénylsilane comme agent réducteur et le carbonate de
d’une base organique ou inorganique. Cet ylure de phosphore sodium (Na2CO3) comme base, dans le toluène à 100 °C et
réagit alors avec un aldéhyde (RCHO) ou une cétone après 24 h de réaction, plusieurs oléfines ont ainsi pu être
[RR’C(O)] par réaction de Wittig intermoléculaire aboutissant à synthétisées. Comme nous allons l’expliquer par la suite, la
l’oléfine désirée [15]. Comme exposé précédemment, le gros structure cyclique de la phosphine possède un rôle important
point négatif de ce procédé est qu’il est peu économique en dans le succès de cette réaction. De nombreux aldéhydes por-
atomes, du fait de la formation d’oxyde de phosphine (R3P=O) tant des substituants alkyles, aryles ou des hétéroaryles, ainsi
comme déchet. Il n’est donc pas étonnant que des chercheurs que différents dérivés bromés primaires électrodéficients ont pu
aient voulu développer une version catalytique en phosphine être utilisés (21 exemples avec des rendements de 60 à 81 %,
de cette transformation. 34:66 à > 95:5 en termes de rapport d’isomères E/Z). Dans
certains cas, le triméthoxysilane peut être employé comme
Il est important ici de différencier une réaction promue par agent réducteur, de même que la N,N-diisopropyléthylamine
une phosphine (> 1 équivalent) ou catalysée par une espèce (DIPEA) a pu être utilisée comme base organique soluble [17]. Il
phosphorée (5 à 20 %mol dans la majorité des cas rencontrés est à noter que, durant cette transformation catalytique, le
dans le cadre de cette revue). Ce changement fondamental ratio des isomères E/Z était susceptible de changer au cours du
est lié à la stœchiométrie des réactifs introduits au début de temps en faveur de l’isomère E. Il a été postulé que cette post-
la réaction. Ainsi, dans le cas de la synthèse décrite dans la isomérisation résultait d’une addition nucléophile de la phosphine
figure 1a, les quantités de tous les réactifs, incluant l’espèce trivalente sur l’oléfine Z, suivie d’une élimination aboutissant à
phosphorée, sont proportionnelles à leurs nombres stœchio- l’oléfine E de façon majoritaire.
métriques au début de la réaction. C’est le cas rencontré dans
une réaction de Wittig « classique ». Tout l’intérêt des travaux ■ Ainsi, en utilisant cette nouvelle méthodologie catalytique, il a
détaillés dans le cadre de ce paragraphe réside dans la régé- pu être isolé un intermédiaire clé de la synthèse du chlorhy-
nération in situ de l’espèce phosphorée à un niveau d’oxyda- drate de donépézil (commercialisé sous le nom Aricept®),
tion P(III). Ainsi, un agent réducteur permet de boucler le cycle utilisé dans le traitement de la maladie d’Alzeimer (figure 3).

2-2021 © Editions T.I. IN 405 - 3

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P (10 %mol)
Ph O
O R2 R2
Ph2SiH2 (1,1-1,5 équiv.) R1
+
R1 H R3 Br Na2CO3 (1,5 équiv.) R3
toluène, 100 °C, 24 h 21 exemples
Rdts = 60-81 %
Rapport E/Z = 34:66 à >95:5

R R CN

Ph
R = CO2Me, 74 %, >95:5 R = CO2Me, 70 %, 60:40 63 %, 66:34
R = CN, 80 %, 75:25 R = CF3, 70 %, 60:40
R = COPh, 74 %, >95:5

CO2Me CO2Me
R Ph
3
R = CO2Me, 65 %, >95:5 77 %, 83:17 68 %, >95:5
R = CN, 66 %, 66:34

Figure 2 – Première réaction de Wittig catalytique en phosphine

O
P
(10 %mol)
Ph O O
Ph N
Ph2SiH2 (1,2 équiv.)
+
O iPr2NEt (1,1 équiv.) Ph N
OMe OMe
toluène, 100 °C, 24 h
Br E/Z >95:5
74 % (12,2 g) OMe
OMe

O H2, Pd/C

Ph N OMe
HCl
OMe
Chlorhydrate de donépézil

Figure 3 – Application de la réaction de Wittig dans la synthèse d’une molécule d’intérêt

En présence de seulement 10 %mol d’oxyde de phosphine, et ■ Malgré les avantages indéniables de ce procédé, il subsiste
du diphénylsilane comme agent réducteur, à 100 °C pendant encore certains inconvénients. Notamment, d’un point de vue
24 h, le produit désiré a été synthétisé avec un rendement de pratique, il serait plus avantageux de réaliser cette réaction
74 %, sur une échelle de plus de 40 mmol. Dans cet exemple, d’oléfination à température ambiante, au lieu de chauffer à 100 °C.
la sélectivité de la réaction de Wittig a été totalement en Une observation expérimentale a permis à O’Brien de résoudre
faveur de l’isomère E. Une réaction d’hydrogénation subsé- ce problème. En effet, il s’est aperçu qu’il était possible de
quente a permis d’obtenir le chlorhydrate de donépézil, prin- diminuer la température réactionnelle si un aldéhyde non
cipe actif du médicament. purifié, contenant des traces d’acide carboxylique, était utilisé

IN 405 - 4 © Editions T.I. 2-2021

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P (10-20 %mol)
nBu O
O R2 PhSiH3 (1,4 équiv.) R2
+ R1
R1 H R3 Br CO2H R3
(2,5-10 %mol) 16 exemples
Rdts = 61-91 %
O2N
Rapport E/Z = 51:49 à >95:5
iPr2NEt (1,4 équiv.)
EtOAc, 20 °C, 24 h

Figure 4 – Réaction de Wittig à température ambiante

(figure 4). Ainsi, une réaction de Wittig a pu être réalisée en nant les phosphines acycliques (I), les trialkylphosphines
présence d’oxyde de 1-butylphospholane et de phénylsilane à (comme la tributylphosphine) sont plus nucléophiles que leurs
température ambiante en ajoutant un équivalent d’acide 4-nitro- analogues aryliques (comme la triphénylphosphine). Pour les
benzoïque (16 exemples, rendements de 61 à 91 %, rapport phosphines cycliques, plus le cycle est grand, et plus la phos-
d’isomères E/Z de 51:49 à > 95:5) [18]. Cet additif aurait un phine sera nucléophile. Ainsi, des phosphines à 5-6 chaînons
double effet permettant d’une part de faciliter le processus de sont bien plus nucléophiles que leurs analogues à 4 chaînons. En
réduction et, d’autre part, de solubiliser le sel de phosphonium ce qui concerne la facilité de réduction de l’oxyde de phos-
intermédiaire, offrant ainsi une meilleure réactivité. phine, les phosphines cycliques sont plus faciles à réduire que
leurs homologues acycliques. Cela est d’autant plus vrai pour
des phosphines cycliques à 4 ou 5 chaînons. Le meilleur compro-
2.3 Prérequis au développement mis entre la nucléophilie et la facilité de réduction a donc été
de procédés catalytiques établie avec les oxydes de phosphines cycliques à 5 chaînons,
en phosphine tels que l’oxyde 5-phénylbenzo[b]phosphindole (II), l’oxyde
3-méthyl-1-phénylphospholène (III) ou l’oxyde de 3-méthyl-
À travers le développement de ce premier procédé de Wittig 1-phénylphospholane (IV), utilisés par l’équipe de O’Brien. En
catalytique, il semble se dessiner trois critères nécessaires à ce qui concerne les phosphines chirales utilisées en catalyse
l’élaboration d’un tel processus (figure 5). asymétrique (§ 7), les meilleurs catalyseurs se sont avérés
être les phosphines bicycliques de la famille des HypPhos (V).
■ La structure de la phosphine
La phosphine doit être suffisamment nucléophile pour la ■ La nature de l’agent réducteur
première étape de formation du sel de phosphonium. Cepen- L’agent réducteur doit être suffisamment réactif afin de
dant, l’oxyde de phosphine correspondant doit être également réduire la liaison P=O, qui est l’une des liaisons les plus fortes
réduit dans les conditions les plus douces possibles. Concer- en chimie organique, mais surtout suffisamment chimiosélectif

O OMe
TsN
P
R R P P
P P
R Ph O O
Ph O Ph O
(I) R = Ph, nBu,… benzophosphindole (II) phospholène (III) phospholane (IV) HypPhos (V)

a phosphines utilisées

CH3
PhSiH3 Ph2SiH2 Me(OEt)2SiH O
Si O
HMe2Si SiMe2H
H n
TMDS
PMHS
b agents réducteurs

Acides de Brѕnsted : Acide de Lewis:


ArCO2H (RO)2PO2H Ti(OiPr)4

c additifs

Figure 5 – Paramètres importants pour le développement de la réaction de Wittig catalytique

2-2021 © Editions T.I. IN 405 - 5

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