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Grâce au développement
du béton à ultra-hautes
performances (BUHP), la
BUHP, un nouveau
pas en avant dans la
technologie du béton atteint
de nouveaux sommets. Les caracté-
ristiques mécaniques exceptionnelles
de ce matériau offrent en effet de

technologie du béton
nombreuses possibilités et en font
une alternative réelle au bois ou à
l’acier pour des applications spécifi-
ques.

? N. Cauberg, ir., conseiller technolo-


gique (1), chef adjoint du laboratoire
‘Structures’, CSTC
J. Piérard, ir., conseiller technologi-
que (2), chef adjoint du laboratoire
‘Technologie du béton’, CSTC
B. Parmentier, ir., chef de la division
‘Structures’, CSTC
J. Wastiels, prof. dr. ir, Unité d’enseigne-
ment et de recherche MEMC, VUB

Caractérisé par une très grande résistance


en compression, une résistance accrue en
flexion, une porosité réduite, un faible rapport
eau/ciment (E/C) et une durabilité exception-
nelle, le béton à ultra-hautes performances
est un sujet d’étude intéressant. Une recher- Fig. 1 Coupe d’un béton C30/37 (à gauche) et d’un BUHP (à droite). On remar-
che est actuellement menée au sein du CSTC que des différences notoires dans la taille des granulats, la présence de fibres
en collaboration avec la VUB, afin de mieux d’acier, la quantité de pâte et la couleur (fumée de silice).
appréhender cette technologie.

1 BUHP : principes généraux Le processus reposait sur les principes sui- 2 Recherche menée conjointe-
vants (voir figure 1) : ment par le CSTC et la VUB
Le BUHP tient ses propriétés de la maîtrise • homogénéité accrue grâce à l’abandon des
poussée de la technologie du béton et notam- gros granulats au profit de sable fin dont la 2.1 Plan expérimental
ment d’un usage judicieux de granulats, fillers, granulométrie n’excède pas 500 μm
ultrafines, ainsi que de grandes quantités de • amélioration de la compacité par l’optimi- Les détails des objectifs et des premiers résul-
ciment. L’addition de superplastifiants génère sation du mélange granulaire, celui-ci pou- tats de cette recherche ont fait l’objet du cahier
un béton facile à mettre en place, malgré un vant se composer de sable quartzitique fin, n° 5 des Dossiers du CSTC 4/2006.
facteur E/C inférieur à 0,25. de ciment, de quartz broyé et d’ultrafines
(généralement de la fumée de silice) L’étude du mélange de BUHP idéal et de son
Le recours aux bétons à ultra-hautes performan- • réduction de la quantité d’eau grâce à de comportement au jeune âge a très rapidement
ces vise avant tout l’amélioration des propriétés forts dosages en superplastifiant de troisiè- indiqué que l’on pouvait s’appuyer sur des
mécaniques en vue de confectionner un béton me génération. méthodes de production simples. Ainsi, une
présentant une résistance à la compression de installation de malaxage puissante mais ordi-
150 à 500 N/mm². C’est pour atteindre ces L’application de ces trois principes conduit à naire a suffi à la préparation du BUHP.
valeurs que des recherches ont été menées par l’obtention d’une matrice aux performances
le passé, qui ont conduit à la mise au point des mécaniques très élevées et d’une durabilité Deux approches théoriques ont été étudiées,
bétons de poudre réactive (BPR), que l’on peut exceptionnelle, mais dont la ductilité n’est qui ont conduit à des compositions de béton
en principe considérer comme des microbétons guère meilleure que celle d’un béton tradi- différentes. La première a été élaborée sur la
en raison de leur composition et du diamètre tionnel (comportement fragile). La ductilité base des modèles utilisés pour les bétons à
du gros granulat. Cette technique a connu des nécessaire peut être acquise par l’adjonction haute résistance; la seconde repose, quant à
développements dans les années ’90, essentiel- de microfibres d’acier, qui renforceront égale- elle, sur les recommandations applicables aux
lement en France et au Canada [4,12]. ment la résistance en traction. bétons de poudre réactive. Le diamètre maxi-
mal des granulats Dmax était respectivement
de 8 et 3 mm, par opposition aux 500 µm pour
(1) Guidance technologique ‘Prestatiegerichte betonsoorten’, subsidiée par l’IWT (Instituut voor de aan- un béton de poudre réactive. Dans le cadre
moediging van Innovatie door Wetenschap en Technologie in Vlaanderen).
(2) Guidance technologique ‘Mise en œuvre des bétons spéciaux’, subsidiée par le SPW (Service Public
de Wallonie). (suite en page 3)

Publié en novembre 2009 Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 1


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A
La compacité d’un béton

La compacité d’un béton, ou plutôt de son squelette granulaire, quantifie le volume du matériau en fonction du volume total. En d’autres
termes, cette valeur permet de mesurer la porosité ou le nombre total d’occlusions d’air dans un mélange de granulats.

100 % Air
Fig. 2 La compacité permet de
mesurer la porosité d’un mélange
de granulats.
Vo
lu
me
d eg
ra n
ula
ts
bsa
olu

0%

La compacité peut être calculée suivant de nombreux modèles. Le modèle d’empilement compressible de de Larrard [5, 6] a été utilisé parmi
d’autres lors de l’étude menée par le CSTC en collaboration avec la VUB. Les formules utilisées dans ce modèle permettent de calculer la
compacité d’un mélange de granulats en fonction des caractéristiques de chaque fraction de granulats.

Ce modèle repose sur trois aspects :


• le contrôle empirique de la compacité d’une fraction de granulats
• un coefficient de serrage dépendant de la compacité du mélange de granulats
• la caractérisation de chaque fraction de granulats par le biais d’un ensemble de sphères de même diamètre. Une fraction 4/6 de gravier
pourrait ainsi être réduite en particules de 5 mm de diamètre.

A Système binaire

La figure 3 présente le résultat d’un calcul théorique de la structure granulométrique dans un système binaire. Dans le cas du béton, deux
fractions de granulats sont simplifiées, pour le calcul, en deux ensembles de sphères aux diamètres de 20 mm (d1) et 5 mm (d2), par exemple.
On calcule ensuite la compacité maximale pour chaque mélange de granulats avec un dosage particulier de d1 et d2.

La figure 4 montre, quant à elle, l’augmentation de la compacité maximale en fonction du rapport d2 /d1.

Fig. 3 D’autres dosages génèrent des


compacités différentes [3].
Compacité

0%
Teneur en granulats de petit calibre 100 %

(suite de l’encadré, p. 3)

Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 2 Publié en novembre 2009


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A La compacité d’un béton (suite)

0,75 Fig. 4 La proportion de granulats de


d2/d1 = 0,001
différents calibres influence considé-
d2/d1 = 0,100 rablement la compacité.
d2/d1 = 0,200
0,70 d2/d1 = 0,500
d2/d1 = 0,700
Compacité

0,65

0,60

0,55
0% 100 %
Teneur en granulats de petit calibre

B Système multiple

Pour le calcul de la compacité sur plusieurs fractions de granulats, il va de soi que la situation de départ est très théorique et, qui plus
est, très simplifiée. Malgré ces limitations, un tel calcul s’avère d’une grande utilité pour l’optimalisation du squelette granulaire et, donc,
également pour le choix des matières premières. Les essais de laboratoire ont en outre révélé une bonne corrélation entre ces calculs
théoriques simplifiés et les mesures relevées dans la pratique.

(suite de la p. 1) Tableau 1 Compositions de référence étudiées.


Composition Type 1 Type 2
CEM I 42,5 R HSR LA (C) 400 kg/m³ 772 kg/m³
de la recherche, les granulats calcaires et les
granulats de rivière ont été remplacés par du Sable quartzitique 0/1 625 kg/m³ 336 kg/m³
concassé de porphyre et de basalte, plus résis- Porphyre 1/3 – 800 kg/m³
tant à la compression. Basalte 1/3 738 kg/m³ –

Cette approche a abouti en deux types de Basalte 5/8 558 kg/m³ –


bétons de référence (voir tableau 1, p. 3) : Fumée de silice grise (FS) 81 kg/m³ 154 kg/m³
• type 1 : béton caractérisé par une teneur Eau (E) 118 kg/m³ 172 kg/m³
limitée en poudre (ciment, fillers et ultrafi-
nes) d’environ 500 kg/m³, un Dmax de 8 mm, Fibres d’acier de 6 mm – 2 % en volume
une résistance en compression entre 125 Superplastifiant (SP) 10 kg/m³ 14 kg/m³
et 150  N/mm² et une compacité maximale E/P (P = C + FS) (SP non inclus) 0,25 0,19
(voir encadré A, p. 2)
E/C (SP non inclus) 0,30 0,22
• type 2 : béton présentant une forte teneur en
poudre jusqu’à 900 kg/m³, un Dmax de 3 mm FS/C 20 % 20 %
et une résistance en compression entre 150 SP/P 1,9 % 1,5 %
et 200 N/mm².
Résistance en compression (fcm,cub, 28j) 135 N/mm² 175 N/mm²
Certains mélanges de BUHP ont également été
additionnés de microfibres d’acier de 6 mm de
longueur, voire pour certains essais jusqu’à B Quelques mots sur le retrait de séchage
30 mm de longueur. Ces fibres ont respective-
ment un diamètre de 0,16 mm et 0,38 mm, ain- et le retrait endogène
si qu’une résitance à la traction respectivement
Le retrait de séchage est occasionné par un assèchement de la masse du béton.
supérieure à 2000 N/mm² et 2300 N/mm². L’évaporation de l’eau de gâchage présente dans la masse crée en effet davantage de
tensions capillaires dans le béton.
Les propriétés précitées ont été obtenues sans
traitement thermique. Il est possible d’améliorer Le retrait endogène est une déformation résultant du fait que le volume des produits
davantage les caractéristiques mécaniques grâce de l’hydratation est plus petit que celui des réactifs en présence (ciment et eau). Durant
à une cure à la chaleur, à la vapeur et/ou à la le processus d’hydratation, le ciment absorbe en outre de plus en plus d’eau dans les
pression. Ainsi, un mélange de type 2, addition- pores, provoquant ainsi des tensions capillaires toujours plus importantes. Une teneur
plus élevée en ciment et notamment un rapport eau/ciment plus faible renforcent cet effet.
né d’une grande quantité de ciment et de fumée
Étant donné que ce retrait se produit également sans échange d’humidité avec l’environ-
de silice, peut facilement atteindre une résis- nement, une cure adéquate peut parfois se révéler insuffisante.
tance en compression supérieure à 200 N/mm².

Publié en novembre 2009 Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 3


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Âge du béton [jours] 1


0 14 28 42 56 70 84 98 112 126 140 154 168 182 196 210
2
0
Type 1 (500 kg/m³ de poudre)
-100 Type 2 avec réducteur de retrait
Type 2 avec 2 % en volume de
-200 microfibres de 6 mm
Type 2 (1000 kg/m³ de poudre)
Déformation totale [µm/m]

-300
3
-400
Valeurs de retrait 5
-500 atteintes par les bétons
traditionnels
4

-600

1. Extensomètre
-700
2. Face supérieure couverte
3. Sonde de température
-800 4. Éprouvette circulaire en béton
5. Anneau interne en acier
-900

Fig. 5 Résultats des mesures de retrait sur prismes pour quatre types Fig. 6 Test de l’anneau pour déterminer
de BUHP. la fissuration lors d’un retrait empêché.

Une telle cure garantira également une matrice La figure 5 présente les résultats des mesures de béton de forme circulaire au moyen d’un
moins poreuse et une meilleure stabilité dimen- de retrait sur des prismes de 7 x 7 x 28 cm, à une anneau interne en acier (voir figure 6).
sionnelle (quasi-absence de retrait ultérieur). température de 20 °C et une humidité relative
de 65 %. Quoique ces valeurs de retrait soient Les résultats des essais ont démontré que les
bien plus élevées que pour les bétons tradition- mélanges de béton renforcés de fibres, malgré
2.2 Propriétés des BUHP testés nels, celles-ci sont plus faibles que prévu, pour leurs valeurs de retrait élevées, ne présen-
des volumes de poudre aussi élevés. Après taient pas de fissuration précoce à la suite d’un
2.2.1 Comportement du béton vis-à-vis six mois, le mélange de référence de type 2 retrait empêché, contrairement aux mélanges
du retrait affichait ainsi un retrait de 800 µm/m, alors dépourvus de fibres.
que les bétons traditionnels ont enregistré des
Comme pour beaucoup d’autres bétons à hau- valeurs oscillant entre 300 et 600 µm/m. Pour
tes performances, il importe de se pencher sur le mélange de type 1 (Dmax 8 mm et 500 kg/m³ 2.2.2 Caractéristiques mécaniques
le comportement au retrait. La teneur élevée de poudre), les valeurs de retrait enregistrées
en poudre du BUHP, son facteur E/C très fai- étaient encore plus basses que pour le type 2. La résistance en compression d’un BUHP se
ble et l’absence de gros granulats peuvent en situe habituellement entre 125 et 200 N/mm².
effet générer des valeurs de retrait total consi- La valeur absolue du retrait total quantifie sur- Une cure adaptée permet d’améliorer celle-ci
dérables. Par ailleurs, comme pour les autres tout le risque de fissuration en cas de retrait encore davantage. Le module d’élasticité d’un
types de béton à hautes performances, l’équili- empêché. Ce risque survient souvent lors des BUHP peut monter jusqu’à 45 GPa et plus.
bre entre le retrait de séchage et le retrait endo- réalisations in situ, et peut notamment être éva-
gène n’est pas constant (voir encadré B, p. 3). lué au moyen du test de l’anneau. Ce dernier est La résistance en flexion est évaluée au
réalisé selon la norme ASTM C 581 et consiste moyen d’essais en 4 points, selon la nor-
La recherche menée visait principalement à empêcher la déformation d’une éprouvette me NBN B 15-238 (voir figure 7). Il en ressort
à étudier le comportement des mélanges à
teneur élevée en poudre (mélanges de type 2, 160
voir tableau 1, p. 3) vis-à-vis du retrait, ainsi 4 % de fibres
que l’influence des réducteurs de retrait et des 140
microfibres d’acier de 6 mm.
120
Effort exercé [kN]

2 % de fibres
100

80

60
0 % de fibres
40

20

0
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 98 112
Déplacement [mm]

Fig. 7 Dispositif expérimental pour un Fig. 8 Résultats de l’essai de flexion en 4 points pour trois BUHP de
essai de flexion en 4 points. type 2 à teneur en fibres variable.

Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 4 Publié en novembre 2009


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BT, cure à 60 % HR BHP, cure en milieu humide C Règles de calcul
18
BT, cure en milieu humide BUHP, cure à 60 % HR
BUHP
Profondeur de carbonatation [mm]

16 pour le
BHP, cure à 60 % HR BUHP, cure en milieu humide
14 Il n’existe pas encore de règles de
calcul normalisées pour le BUHP,
12 la norme NBN EN 1992-1-1 ne
s’appliquant en principe pas aux
10 bétons dont la classe de résistance
en compression est supérieure à
8
C90/105. En France et au Japon, une
6 série de nouvelles règles de calcul
ont déjà été établies [1, 10].
4

2 Ainsi, la résistance en compression élevée


sera utile principalement pour les colonnes et
0
éléments précontraints. La haute résistance à
0 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 91 la flexion rend superflue toute armature sup-
Durée d’exposition [jours] plémentaire, donnant ainsi la possibilité de
Fig. 9 Profondeur de carbonatation d’un béton traditionnel (BT), d’un béton réaliser des dalles et des voiles plus minces.
à hautes performances (BHP) et d’un béton à ultra-hautes performances La durabilité améliorée assure quant à elle une
(BUHP), suivant leur durée d’exposition à une atmosphère en CO2 de 1 %. meilleure durée de vie, qui s’avère surtout inté-
ressante pour les éléments mis en œuvre dans
que la résistance en flexion à la première fissu- ces (BHP), voire 25 fois inférieur à celui d’un un environnement (chimiquement) agressif.
ration varie entre 20 et 24 N/mm² (voir figure 8), béton traditionnel (voir figure 9). En théorie,
et que cette dernière valeur nécessite un dosage cela signifie que la durée de vie du BUHP Le coût élevé du BUHP – principal inconvénient
en fibres de 4 %. Pour le dosage en fibres le plus dépassera largement celle d’un béton tradi- du matériau – ne permet pas de l’utiliser en vrac.
élevé, la matrice est renforcée après la première tionnel, puisqu’il se dégradera moins vite. Sur le plan technique, il convient également de
fissuration (ce phénomène est appelé strain considérer le comportement au retrait pour cha-
hardening). L’absorption énergétique totale Des résultats similaires ont été obtenus en ce que projet, afin de pouvoir garantir la durabilité
génère surtout une meilleure sécurité à l’utilisa- qui concerne la diffusion de chlorures. L’essai des éléments. Enfin, nous ne disposons actuel-
tion, proportionnelle à la surface sous la courbe. de résistance aux sulfates n’a révélé aucune lement pas de connaissances suffisantes sur les
On peut en conclure qu’il y a lieu d’utiliser des déformation dans les mélanges de BUHP, caractéristiques du matériau pour pouvoir établir
valeurs de calcul plus importantes. contrairement aux mortiers de référence des règles de calcul adéquates (voir encadré C).
(courbe exponentielle avec une dilatation de
0,3%, soit 3 mm/m, après 12 mois). À titre d’exemple, les deux applications de
2.2.3 Durabilité d’un BUHP BUHP suivantes ont été développées à l’échel-
Le comportement au feu et le risque d’éclate- le du laboratoire :
Le BUHP possède non seulement des caracté- ment du béton, également présent dans le cas • la réalisation de panneaux élancés pour le
ristiques mécaniques hors du commun, mais du BHP, restent des points délicats. Les fibres recouvrement de façades
présente également une durabilité exception- de PP pourraient éventuellement apporter une • le revêtement d’éléments en béton existants.
nelle. En effet, sa faible porosité limite la solution. Quoi qu’il en soit, cette possibilité
pénétration de matières potentiellement agres- sera étudiée dans un projet ultérieur.
sives, réduisant ainsi au minimum le risque de 3.1 Plaques de revêtement minces pour
dégradation. façades
3 Possibilités d’application
Lors de l’étude, un certain nombre d’essais Grâce à leur grande résistance en flexion, les
d’orientation ont révélé que le coefficient de Les caractéristiques évoquées plus haut per- plaques en BUHP autorisent des travées plus
carbonatation d’un BUHP était 10 fois infé- mettent de se faire une idée des domaines importantes que des éléments en béton tradic-
rieur à celui d’un béton à hautes performan- potentiels d’application du BUHP. tionnel ou en pierre naturelle.

15
2 % de fibres mélangées (microfibres de
Fig. 11 Résultats des
6 mm : 70 %, macrofibres de 30 mm : 30 %) essais de flexion
2 % de microfibres de 6 mm en 4 points sur des
panneaux de façade
10
renforcés de microfi-
Charge [kN]

Fissuration multiple
Renforcement de la matrice bres (courbe inférieure)
et sur un mélange de
fibres (courbe supé-
5
rieure).

Première fissuration
0
Fig. 10 Essai de flexion en 4 points 0 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70
sur des panneaux de façade. Flèche [mm]

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Âge du revêtement [jours] Âge du revêtement [jours]


0 20 40 60 80 100 120 140 0 20 40 60 80 100 120 140
0 0

-100 -100

Déformations [µm/m]
Déformations [µm/m]
-200 -200
Retrait moyen du support
-300 -300
Retrait moyen du revêtement
en BUHP
-400 -400

-500 -500
Retrait moyen du support
-600 -600
Retrait moyen du revêtement
en BUHP
-700 -700

Fig. 12 Mise en œuvre d’un revête- Fig. 13 Déformations dans un revêtement en BUHP non renforcé (à gau-
ment en BUHP [1]. che) et un revêtement en BUHP renforcé de fibres (à droite).

Quelques panneaux minces de taille moyen- coefficient de dilatation thermique), peuvent ble n’a toutefois été décelée sur le revêtement
ne sans armature supplémentaire (L  =  2  m, provoquer des fissurations et des délamina- de type 2.
l  =  0,5  m, e = 4 cm) ont été réalisés, durant tions.
l’étude, au moyen d’un mélange adapté de
microfibres de 6 mm et de macrofibres de Lors d’une première série d’essais d’orien- 4 Potentiel du BUHP
30  mm. Les résultats des essais de flexion tation, les déformations ont été mesurées
en 4 points (voir figure 10) ont révélé que le sur deux types de revêtements en BUHP de Jusqu’à présent, le prix du BUHP a limité son
mélange de fibres présentait une résistance 30 mm d’épaisseur (voir figure 13) : utilisation presqu’exclusivement aux ouvrages
en flexion intéressante en particulier pour les • type 1 : BUHP non armé sur un béton lissé spéciaux et aux projets de prestige à l’étranger,
grands éléments, améliore ainsi la sécurité à sans décapage (à gauche) qui ne pouvaient être conçus en béton tradi-
l’utilisation, ce qui nécessite des valeurs de • type 2 : revêtement en BUHP renforcé de tionnel.
calcul plus élevées (voir § 2.2.2). fibres sur un béton lavé (à droite).
Deux exemples à retenir sont les toitures en voile
La figure 11 (voir p. 5) présente les résul- À l’issue des essais, le revêtement de type 1 mince de la gare de péage du viaduc de Millau,
tats fort différents de deux essais de flexion a subi des fissurations et des délaminations en France (voir figure 14), et le remplacement du
sur des panneaux dosés à 2 % en volume de évidentes, que l’on attribue aux déformations revêtement en bois du Kaagbrug, aux Pays-Bas,
fibres : sur un panneau à microfibres d’acier différentielles entre le revêtement et son sup- par des dalles ultraminces en BUHP (L = 7,25 m,
de 6 mm de long (courbe inférieure), et sur port. Aucune délamination ou fissuration visi- l = 2,95 m, e = 45 mm, voir figure 15).
un panneau fait d’un mélange composé de
70 % de microfibres de 6 mm et de 30 % de
macrofibres de 30 mm (courbe supérieure).
(Photo : Nicolas Janberg, Structurae)

Bien que, dans les deux cas, la première fissu-


ration se soit produite sous une charge d’en-
viron 4  à 5  kN, la fissuration ultérieure s’est
déroulée d’une tout autre façon. Tandis que le

(Photo : Contec Aps)


mélange contenant uniquement des microfibres
révèle un comportement ductile conduisant à
une sécurité à peine améliorée, le mélange de
fibres différentes permet un développement
des résistances pouvant être plus de deux fois
supérieur à la charge qui a occasionné la pre-
mière fissuration. Fig. 14 Gare de péage du viaduc de Fig. 15 Remplacement du revêtement
Millau, dont la toiture en voile mince a en bois du Kaagbrug aux Pays-Bas,
été réalisée en BUHP. par des dalles ultraminces en
3.2 Revêtements en BUHP BUHP [12].

Grâce à sa durabilité, sa résistance à l’usure


et à une meilleure répartition des charges, le
BUHP peut non seulement être utilisé pour
le revêtement de la surface des ouvrages en
béton in situ, tel que celui des routes et des
dalles, mais aussi comme matériau de répara-
tion des bétons (voir figure 12).

Pour de tels revêtements, il convient de consi-


dérer la déformation différentielle entre le
BUHP de la couche supérieure et le béton du
support. Ces déformations provoquées par le
retrait ou par une différence de coefficients Fig. 16 Essai en flexion sur une poutre précontrainte en I en BUHP (à gauche).
propre au matériau (module d’élasticité et Arrachement des fibres et rupture des torons de précontrainte (à droite) [11].

Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 6 Publié en novembre 2009


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Orientation supposée des fibres

Fig. 17 Modèle de rupture par poinçonnement d’un panneau en béton tradi- Fig. 18 Boulonnage sur chantier d’élé-
tionnel renforcé de fibres d’acier (à gauche) et en BUHP renforcé de fibres (à ments préfabriqués en BUHP.
droite) [7].

que le panneau en béton traditionnel est sou-


mis à une perforation (phénomène soudain),
le panneau en BUHP se rompt sous l’effet de
la flexion. Ce deuxième phénomène étant pro-
gressif, la sécurité de la structure s’en trouve
considérablement améliorée.

Le développement de nouvelles méthodes de


mise en œuvre, telles que l’assemblage et le
collage d’éléments préfabriqués en BUHP sur
le chantier, permet de raccourcir les délais de
construction. Dans ce contexte, la figure 18
illustre le boulonnage de voiles, poutres et
Fig. 19 Collage de panneaux en BUHP sur la structure principale en acier d’une colonnes préfabriqués en BUHP pour la toiture
passerelle piétonne. d’un quai de tram [11]. Cette application com-
bine les avantages de la réalisation rapide des
structures en acier et la durabilité du béton.

En outre, le BUHP renforcé de fibres d’acier armature complémentaire (p.  ex. armatures La technique de collage de panneaux en BUHP
se prête admirablement à la réalisation de d’efforts tranchants ou de retrait) [7]. a été appliquée ultérieurement avec succès
poutres, colonnes et systèmes de plancher. Sa pour une passerelle piétonne en Allemagne
résistance en compression, considérablement Pour les systèmes de plancher, on note une (voir figure 19) [8].
accrue, offre en effet plus de capacité de pré- résistance à la perforation nettement amélio-
contrainte et rend superflue toute armature rée, qui pourrait s’avérer intéressante pour la Pouvoir pleinement utiliser ce potentiel sur le
supplémentaire (p. ex. étriers). mise en œuvre de dalles ‘champignon’ et per- marché belge demande d’approfondir les efforts
mettrait de se passer de poutres ou de consoles. de recherche et de normalisation. Le CSTC et la
La figure 16 montre la réalisation d’un essai Les photos présentées à la figure 17 illustrent VUB apporteront leur pierre à l’édifice en pour-
de flexion sur une poutre précontrainte en I le comportement au poinçonnement de deux suivant leurs recherches dans le cadre d’un pro-
composée de BUHP renforcé de fibres sans types de panneaux renforcés de fibres. Alors jet d’une durée de 4 ans subsidié par l’IWT. ■

Publié en novembre 2009 Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 7


CT Gros œuvre

t Bibliographie
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Proceedings of the 1st International Symposium on Ultra High Performance Concrete, septembre 2004.

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Evaluation of Durability and Cracking Tendency of Ultra High Performance Concrete. Londres, Taylor & Francis Group, Proceedings of
the 8th International Conference on Creep, Shrinkage and Durability Mechanics of Concrete and Concrete Structures, 2009.

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Les Dossiers du CSTC – N° 4/2008 – Cahier n° 11 – page 8 Publié en novembre 2009

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