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Dochead dossier
Sous-dochead L’obésité : une prise en charge globale et pluriprofessionnelle
Surtitre santé publique

Physiopathologie, déterminants et complications de l’obésité

Pauline Fauchera,b,*
Praticien hospitalier contractuel

Christine Poitoua,b,c
Professeur des universités, praticien hospitalier

aService de nutrition,

bInstitut de cardiométabolisme et nutrition (Ican),

cSorbonne Université s, université Pierre-et-Marie-Curie, UMR S 1166, Nutriomics,


Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Assistance publique – Hôpitaux de Paris, 47-83, boulevard
de l’Hôpital, 75013 Paris, France

*Auteur correspondant.
Adresse e-mail : pauline.faucher@aphp.fr (P. Faucher).

Résumé
L’obésité est une maladie chronique associée à des comorbidités respiratoires, mécaniques,
cardiovasculaires, métaboliques, mais aussi psychologiques et sociales. Sa prévalence est en
constante augmentation depuis trente ans. Les causes sont multiples et intriquées, liées à
l’alimentation, la sédentarité, les facteurs psychologiques, l’hérédité, le contexte socio-
économique et les facteurs biologiques. Les stratégies thérapeutiques doivent être adaptées aux
situations cliniques, et la prise en charge personnalisée.
© 2016
Mots clés – alimentation ; complication ; dépense énergétique ; génétique ; obésité ;
physiopathologie

Summary à venir
© 2016
Keywords à venir

L’obésité, définie par un excès de masse grasse ayant des conséquences néfastes pour la santé,
est reconnue depuis 1998 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie, en
raison de ses répercussions sanitaires et économiques et de son incidence mondiale [1].

T1 Épidémiologie
TEG1 L’obésité concerne aujourd’hui la quasi-totalité de la planète, y compris de nombreux
pays émergents : selon une étude menée dans 187 pays et publiée en 2016, sa prévalence
moyenne mondiale est de 10,8 % chez les hommes et 14,9 % chez les femmes, et devrait
atteindre en 2025 respectivement 18 % et 21 % pour les hommes et les femmes, les obésités
dites “sévères”1 concernant 2,3 % des hommes (soit 58 millions d’individus) et 5 % des femmes
(126 millions d’individus), avec une projection en 2025 de respectivement 6 % et 9 % [2]. En
France, 15 % des adultes étaient touchés par l’obésité en 2012, contre seulement 6,1 %
en1980 [3].
TEG1 En pratique clinique, le diagnostic de l’obésité se base sur l’indice de masse corporelle
(IMC), qui correspond au poids (en kg) divisé par le carré de la taille (en mètres). L’obésité est

© 2016. This manuscript version is made available under the Elsevier user license
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alors définie par un IMC supérieur ou égal à 30 kg/m².
TEG1 La classification de l’OMS distingue quatre types d’obésité en termes de sévérité :
• obésité de type I ou modérée, pour un IMC entre 30,0 et 34,9 kg/m² ;
• obésité de type II ou sévère, pour un IMC entre 35,0 et 39,9 kg/m² ;
• obésité de type III ou massive, pour un IMC supérieur ou égal à 40 kg/m².
Il est montré en effet que plus l’IMC augmente, plus la morbi-mortalité s’élève. Néanmoins, cet
indice est imparfait, car il ne rend pas toujours compte de la quantité de masse grasse, ni de sa
répartition et de sa composition. Le tour de taille permet d’estimer la répartition de la masse
grasse chez l’adulte, car il est bien corrélé avec la quantité de graisse intra-abdominale (graisse
viscérale), elle-même associée à un risque accru de complications métaboliques et
cardiovasculaires. Toutefois, le tour de taille a surtout un intérêt dans le surpoids et l’obésité
modérée.

T1 Déterminants et origines
TEG1 L’obésité est caractérisée par une évolution chronique comprenant plusieurs étapes :
• la phase de constitution, par déséquilibre énergétique avec des entrées supérieures aux
sorties d’énergie ;
• la phase de maintien de l’excès de poids, avec un nouvel équilibre énergétique et des
modifications des capacités de stockage ;
• la phase d’aggravation (obésité constituée avec apparition de comorbidités), marquée par
des fluctuations pondérales en lien avec des tentatives répétées de perte de poids, très
souvent suivies de rebonds pondéraux (l’effet “yo-yo”). Lors de cette phase d’aggravation,
ont lieu cliniquement une chronicisation du processus d’inflation adipeuse et le
développement d’une résistance à l’amaigrissement (obésité dite “réfractaire”), délétère sur
le plan somatique, mais aussi psychologique. Chaque phase correspond à des situations
physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques différentes.
TEG1 L’obésité est une maladie multifactorielle résultant de facteurs génétiques multiples
associés à des facteurs environnementaux, tels que les modifications de l’alimentation et le
manque d’activité physique, entraînant une balance énergétique positive (figure 1).

T1 Déséquilibre de la balance énergétique


Le déséquilibre de la balance énergétique se caractérise par des entrées supérieures aux sorties
d’énergie. Plusieurs facteurs peuvent en être à l’origine.

T2 Excès d’apports énergétiques


La prise alimentaire est un comportement régulé par des mécanismes biologiques complexes et
redondants permettant un apport adapté en nutriments et nécessaire à la vie. Des modifications
de la prise alimentaire, quantitatives (augmentation de la densité calorique de l’alimentation) et
qualitatives (diminution de la consommation de glucides complexes et augmentation de l’apport
lipidique), peuvent aboutir à une prise de poids.
En outre, la prise alimentaire est étroitement liée aux émotions et affects, ainsi qu’aux stimuli
sensoriels, notamment la disponibilité, la palatabilité des aliments et les circonstances sociales
qui l’entourent. Peuvent aussi exister des troubles du comportement alimentaire (boulimie,
hyperphagie compulsionnelle – “binge eating disorder (BED)2” –, trouble de l’alimentation
nocturne – “night eating syndrome (NES)”).
Enfin, des anomalies dans les structures centrales et périphériques impliquées dans la
régulation du bilan énergétique participent aussi au déséquilibre de la balance énergétique :
anomalies de sécrétion ou de signalisation des hormones du tube digestif (Glucagon like Peptide
1, ghréline…), du pancréas (insuline), du tissu adipeux (leptine), interagissant au niveau du
système nerveux central (SNC). Celui-ci, notamment l’hypothalamus, contrôle la prise
alimentaire et la dépense énergétique [4].

T2 Défaut de dépense énergétique


La balance énergétique peut devenir positive par augmentation des apports alimentaires, mais
aussi par diminution de la dépense énergétique totale (DET).
La DET est constituée de trois composantes :
• la dépense énergétique de repos (DER), variable selon l’âge, le sexe et la composition
corporelle, notamment la masse musculaire ;
• la thermogénèse, liée à la consommation des aliments et la régulation de la température
corporelle, peu variable ;
• la dépense énergétique liée à l’activité physique (DEAP), c’est-à-dire l’ensemble des
mouvements effectués dans la vie quotidienne (pas uniquement la pratique sportive). C’est
cette dernière composante de la DET qui est la plus variable en lien avec la sédentarité et
l’activité physique.

T2 Facteurs génétiques
Les facteurs entraînant une balance énergétique positive ne suffisent pas à expliquer
l’augmentation de la fréquence de l’obésité ni “l’inégalité“ des individus vis-à-vis de la prise de
poids.
Une prédisposition génétique à la prise de poids peut rendre compte de ces différences de
susceptibilité individuelle à l’obésité. Dans la grande majorité des cas, la génétique détermine
une susceptibilité à l’obésité dite “commune” avec une hérédité polygénique (plus de 150 gènes
impliqués dans la prise de poids ont été identifiés) [5]. L’expression de ces gènes est ensuite
modulée par d’autres gènes, eux-mêmes régulés par des facteurs environnementaux.
La prédisposition génétique pourrait aussi provenir d’une empreinte laissée par les conditions
intra-utérines ou postnatales, une sur- ou une sous-alimentation chez la mère majorant le risque
d’obésité dans la descendance (modifications épigénétiques) [6].
Certaines obésités, notamment massives et précoces, sont liées à la mutation d’un seul gène ou
d’une région chromosomique, et associent généralement des syndromes pléiotropiques3 dont le
poids n’est qu’un symptôme [7] L’impact de la génétique y est majeur et très peu dépendant des
facteurs environnementaux. Parmi ces obésités rares, il faut distinguer les obésités
monogéniques causées par des mutations des gènes de la voie leptine-mélanocortine, impliquée
dans la régulation de la prise alimentaire (gènes de la leptine – LEP – et de son récepteur –
LEPR –, par exemple). Il existe aussi des obésités syndromiques qui associent une obésité
sévère à début précoce à une atteinte multiorganes telles que le syndrome de Prader-Willi.

T2 Autres facteurs impliqués dans l’obésité humaine


D’autres facteurs impliqués dans le développement de l’obésité et son maintien sont discutés :
• anomalies du tissu adipeux (modifications des capacités de stockage du tissu adipeux et de
l’inflammation en réponse au stress [8], à certains virus [9] ou à des modificateurs
endocriniens et polluants [10]) ;
• modifications du microbiote ;
• altération du sommeil (par augmentation de la prise alimentaire, baisse de la dépense
énergétique, et modifications hormonales régulant la prise alimentaire, comme la leptine et
la ghréline) ;
• déterminants psychologiques (via des modifications du comportement alimentaire ou la
pathologie psychiatrique elle-même) ;
• conditions socio-économiques, l’obésité étant plus fréquente chez les personnes en
situation de vulnérabilité [11].

T1 Complications de l’obésité
La recherche des complications de l’obésité constitue un axe majeur de la prise en charge du
patient obèse. La compréhension du lien physiopathologique entre l’obésité et ses complications
a évolué ces dernières années, depuis que le tissu adipeux n’est plus considéré comme un simple
site de stockage énergétique, mais comme un tissu endocrine qui agit à distance sur le foie, les
systèmes pulmonaire, articulaire, vasculaire, etc.
T2 Mortalité
Un IMC élevé est associé à une augmentation du risque de mortalité dans la population adulte
avec un risque nettement élevé à partir d’un IMC supérieur à 30 kg/m², la localisation
abdominale conférant un risque supplémentaire. L’espérance de vie serait réduite de 2 à 4 ans
pour un IMC entre 30 et 35 kg/m², et de 8 à 10 ans entre 40 et 45 kg/m², ce qui est comparable à
l’excès de mortalité liée au tabac [12].

T2 Complications métaboliques
Les principales complications métaboliques de l’obésité sont liées à la présence de tissu adipeux
viscéral, ayant un rôle sécrétoire et inflammatoire (figure 2).

T3 Altérations des métabolismes glucidique et lipidique


Le phénomène d’insulinorésistance musculaire (défaut d’utilisation musculaire du glucose) et
hépatique (défaut des capacités de stockage – défaut de glycogénèse – et excès de production
hépatique de glucose – excès de néoglucogenèse) entraîne une hyperinsulinémie, puis, lorsque
ce phénomène coexiste un déficit sécrétoire en insuline de la cellule βpancréatique, se
développent une intolérance au glucose puis un diabète de type 2 (DT2). Ainsi, le risque de
développer un DT2 est multiplié par 10 en cas d’obésité, et trois quarts des patients DT2 sont
obèses. La présence d’antécédents familiaux augmente fortement ce risque. Les anomalies
lipidiques typiques sont l’hypertriglycéridémie et la diminution cholestérol HDL (high density
lipoprotein, ou “lipotréines de haute densité). L’hyperuricémie est souvent observée et peut être
majorée lors de l’amaigrissement, surtout s’il est rapide.

T3 Anomalies hépatiques
L’augmentation de la prévalence de la stéatose associée à l’obésité est nette : environ deux tiers
des personnes ayant un IMC > 30 kg/m², et jusqu’à 90 % de celles ayant un IMC > 40 kg/m²
présentent une stéatose [13]. La stéatose est définie par une accumulation d’acides gras
intrahépatiques sans inflammation. Elle peut évoluer vers la stéatohépatite non alcoolique (non
acoolic steato-hepatite – NASH, correspondant à de la stéatose avec de l’inflammation et des
atteintes cellulaires associées ou non à de la fibrose), la cirrhose, et, plus rarement, vers le
carcinome hépatocellulaire. L’obésité augmente par ailleurs le risque d’atteintes hépatiques liées
à l’alcool ou à une hépatite virale [14].

T3 Complications cardiovasculaires
L’obésité globale, et notamment abdominale, est un facteur de risque d’événements
cardiovasculaires (insuffisance coronaire, accidents vasculaires cérébraux – AVC –, infarctus du
myocarde – IDM – et décès d’origine cardiovasculaire), dans les deux sexes, indépendamment
des facteurs de risque classiques (diabète, hypertension artérielle –HTA –,
hypercholestérolémie, tabac et antécédents familiaux) [15,16]. Le risque de coronaropathie est
d’autant plus grand que l’obésité est associée aux autres facteurs de risque cardiovasculaire, et
que sa localisation est abdominale. Cette augmentation du risque est le l’ordre de 2 par rapport à
des sujets non obèses et augmente en fonction de l’IMC [15].
TEG1 L’obésité sévère est associée à une augmentation de près de deux fois du risque
d’insuffisance cardiaque [17], favorisée par l’hypertension artérielle, l’atteinte coronarienne
et/ou l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) souvent reliée au syndrome d’apnée du
sommeil (SAS) en cas d’insuffisance cardiaque droite. Toutefois, l’obésité est en elle-même un
facteur de risque d’insuffisance cardiaque, car elle s’accompagne de modifications
hémodynamiques comme l’augmentation du débit cardiaque et une expansion du secteur
extracellulaire. Paradoxalement, les patients insuffisants cardiaques en surpoids ou obèses ont
un meilleur pronostic en termes de mortalité totale et cardiovasculaire que les patients
insuffisants cardiaques non obèses, par des mécanismes encore peu clairs [18,19].
TEG1 L’obésité et la prise de poids en général sont associées à une augmentation de la
prévalence de l’hypertension artérielle [20], par plusieurs mécanismes physiopathologiques :
activation du système sympathique et du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA),
insulinorésistance, actions des adipokines sur le système vasculaire. Cette association est
également retrouvée pour l’obésité abdominale, indépendamment de la corpulence.

T2 Complications respiratoires
Les conséquences respiratoires de l’obésité sont généralement sous-estimées, et jouent un rôle
majeur dans la morbidité et la surmortalité liée à l’obésité. Ces complications respiratoires sont
le syndrome restrictif, le syndrome d’apnées du sommeil, le syndrome d’hypoventilation
alvéolaire (syndrome de Pickwick), l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ainsi que
l’asthme.
TEG1 L’augmentation du tissu adipeux altère la fonction respiratoire. La restriction
pulmonaire est due à la diminution de la compliance de la paroi thoracique, et l’augmentation de
la pression sous-diaphragmatique en cas d’obésité abdominale. La force des muscles
respiratoires peut être diminuée ou insuffisante [21]. Le stade ultime d’insuffisance respiratoire
chronique (IRC), correspondant à une pression artérielle en oxygène (PaO2) inférieure à
60 mmHg, est souvent multifactoriel.
TEG1 L’obésité est un des facteurs de risque de SAS : 70 % des patients présentant un SAS
ont un IMC > 30 kg/m²) [22] et la prévalence du SAS dans la population obèse atteindrait
environ 40 % [23]. L’accumulation cervicale de tissu adipeux (estimée par la mesure du tour de
cou), en exerçant une contrainte sur les voies aériennes supérieures, est associée à
l’augmentation de la survenue d’un SAS. La commande centrale pourrait également être
impliquée. Les conséquences peuvent être majeures : accidents de la voie publique et du travail
liés à l’hypersomnolence, l’HTA pulmonaire et systémique, les troubles du rythme et de la
conduction cardiaque.
TEG1 Le syndrome d’hypoventilation alvéolaire de l’obésité, caractérisé par une
hypoxémie4 avec hypercapnie5 est rare, mais sévère. Il peut se compliquer d’hypertension
artérielle pulmonaire, d’insuffisance cardiaque et respiratoire. Plus récemment, le syndrome
obstructif6, caractérisé par une diminution du calibre des bronches et donc des débits
respiratoires, et en particulier l’asthme, sont venus s’ajouter aux complications respiratoires de
l’obésité.

T2 Complications thromboemboliques
Les thromboses veineuses profondes (TVP), ou ”phlébites”, et les embolies pulmonaires
(EP) [20] sont deux à trois fois plus fréquentes en cas d’obésité, via différents mécanismes :
retentissement de l’hyperpression abdominale sur le flux veineux des membres inférieurs
entraînant une stase veineuse, des modifications biologiques prothrombotiques tels que
l’augmentation des facteurs VII, I (fibrinogène), PAI-1 (inhibiteurs de l’activateur de
plasminogène), et l’état d’inflammation bas grade associé à l’obésité.

T2 Complications digestives
La fréquence du reflux gastro-œsophagien (RGO) est augmentée en cas d’obésité, de même que
le risque d’œsophagite et le risque d’adénocarcinome œsophagien [24]. Il est vraisemblable que
l’hyperpression abdominale et certains facteurs alimentaires favorisent mécaniquement le
reflux. L’obésité favorise la formation de calculs cholestéroliques par saturation de la bile en
cholestérol.

T2 Complications ostéoarticulaires
Les complications rhumatologiques sont d’autant plus fréquentes que la personne obèse avance
en âge. Or l’espérance de vie et la prévalence de l’obésité chez les sujets âgés augmentent :
16,5 % des personnes de plus de 65 ans présentent un IMC > 30 kg/m² contre une moyenne
nationale chez les adultes de 12,4 % [25]. La gonarthrose fémoro-tibiale est la localisation la
plus fréquente [26]. L’arthrose peut également concerner la hanche, mais aussi les mains,
témoignant de facteurs non mécaniques (contraintes directes liées au poids), probablement
métaboliques (secrétions issues du tissu adipeux avec un effet sur les cartilages et articulations).
Une plainte fréquemment rapportée concerne des lombalgies, toutefois l’association de
pathologies lombaires (arthrose interapophysaire, dégénérescence discale, canal lombaire
étroit) à l’obésité n’est pas spécifique [27].
Dans tous les cas, la prise en charge de la douleur, dominant souvent le tableau clinique chez le
patient obèse, est une priorité et un préalable à toute prise en charge.

T2 Cancers
L’obésité est significativement associée à une augmentation de l’incidence et de la mortalité par
cancers chez l’adulte, par différents mécanismes :
• anomalies de l’immunité innée et adaptative (rôle dans l’initiation des cancers et leur
progression) ;
• modifications de la sécrétion des adipokines, responsables d’un état d’inflammation bas
grade (favorisant l’oncogenèse) ;
• hyperœstrogénie, par conversion des androgènes surrénaliens en œstrogènes par
l’aromatase du tissu adipeux pour les cancers hormono-dépendants (sein, endomètre) ;
• hyperinsulinémie ;
• sédentarité ;
• consommations alimentaires associées à l’obésité.
De récentes données sont en faveur d’un stockage de polluants carcinogènes lipophiles dans le
tissu adipeux. De plus, des facteurs mécaniques tels que le lien entre reflux acides gastriques et
survenue d’adénocarcinome œsophagien sont également suggérés.
Dans une métaanalyse publiée en 2008 [28], chaque augmentation de 5 kg/m² de l’IMC (soit en
moyenne 13 à 15 kg) était significativement associée à une augmentation de l’incidence
d’adénocarcinomes œsophagiens, de cancers thyroïdiens, du côlon, du rein, et chez les femmes,
de l’incidence de cancers de l’endomètre, de la vésicule biliaire, du sein postménopausiques, du
pancréas et, en moindre importance, de mélanomes, de myélomes, de cancers rectaux, de
leucémies, et de lymphomes non hodgkiniens. L’association positive avec le cancer du foie n’était
pas significative dans cette métaanalyse, et controversée par d’autres [29]. L’association entre
obésité et cancers colorectaux était plus forte chez les hommes que chez les femmes [28]. Cette
augmentation de risque associée à l’obésité dépend du niveau d’obésité et de sa répartition [30],
puisque la localisation abdominale est associée à la survenue de certains cancers,
indépendamment de l’IMC.

T2 Complications cutanées
Les complications cutanées, dominées par les mycoses, l’insuffisance veineuse et le
lymphœdème, sont fréquentes, souvent méconnues [31] et de traitement difficile. Les mycoses
des plis sou- mammaire et inguinal sont favorisées par la présence de replis graisseux et d’un
tablier abdominal, ainsi que par les difficultés mécaniques rencontrées par les patients pour
assurer leur toilette. Le lymphœdème se caractérise par un œdème élastique prenant peu le
godet, avec une accentuation des plis de flexion. En évoluant, il devient dur et infiltré jusqu’à des
troubles de renouvellement cutané à type d’hyperkératose, voire de papillomatose. Le
lymphœdème est facilement compliqué d’infection cutanée (érysipèles) et, dans ses formes
sévères, a un retentissement fonctionnel important (chaussage, marche, toilette).

T2 Complications urologiques et rénales


L’obésité augmente d’un facteur 1,7 à 2,4 la prévalence de l’incontinence urinaire d’effort [32],
dont la sévérité est positivement et significativement associée à la gravité de l’obésité, via
l’augmentation de la pression intraabdominale, augmentant les contraintes de pression sur la
vessie et sur le plancher pelvien, ainsi que la mobilité urétrale.
Par ailleurs, l’obésité est associée à une augmentation du risque d’atteinte rénale chronique
(protéinurie et insuffisance rénale [33]). Les facteurs aggravants sont le diabète et le syndrome
métabolique, l’hypoxie chronique, l’HTA et le SAS.

T2 Complications gynéco-obstétriques et endocriniennes


Il existe des troubles de la fertilité associés à l’obésité, liés le plus souvent à un syndrome des
ovaires polykystiques, et une augmentation du risque de fausse-couche [34]. Le déroulement et
l’issue d’une grossesse sont plus risqués chez les femmes obèses. Les complications concernent à
la fois la mère (hypertension gravidique, diabète gestationnel, complications
thromboemboliques) et le fœtus (malformations, macrosomie). L’accouchement est plus difficile
avec un recours aux extractions instrumentales et aux césariennes plus fréquent (jusqu’à 50 %
des naissances en cas d’IMC > 40 kg/m²) [35].

T2 Hypertension intracrânienne
L’hypertension intracrânienne (HTIC) “idiopathique” ou “bénigne” est rarissime, mais
potentiellement grave. Elle conduit à des séquelles visuelles et, dans 10 % des cas, à la cécité par
œdème papillaire. Elle concerne surtout la femme adulte jeune, et suit très souvent une prise de
poids rapide sans qu’elle soit nécessairement importante [36,37].

T2 Retentissement psychosocial et économique


L’obésité est source de préjudice, de discrimination sociale et est associée à une diminution de
qualité de vie. “L’idéal de minceur” peut participer au développement de troubles du
comportement alimentaire (restrictions alimentaires puis compulsions) qui favorisent la prise
de poids. La dépression peut être déterminante dans la prise de poids, mais aussi secondaire, et
doit être recherchée et traitée.
L’obésité occasionne des coûts directs par les pathologies qu’elle entraîne (au premier rang
desquelles le diabète et les maladies cardiovasculaires), et des coûts indirects par les
conséquences sociales (arrêt de travail, invalidité, etc.).

T1 Conclusion
L’obésité est une maladie chronique complexe et fréquente, déterminée par des facteurs
biologiques, comportementaux, environnementaux, psychologiques et sociétaux. Les
complications somatiques, psychologiques et sociales, associées aux effets iatrogènes de
certaines prises en charge, font de l’obésité une maladie à part entière qui nécessite une
médecine spécialisée. Lors de l’évaluation d’un patient obèse, il convient donc de décrire
précisément le stade de la maladie, les facteurs impliqués dans le processus pathologique, ainsi
que les comorbidités de l’obésité, pour définir les objectifs médicaux et les stratégies
thérapeutiques adaptés aux situations cliniques, et ainsi permettre une prise en charge
personnalisée.

Les points à retenir


• L’obésité est une maladie complexe, multifactorielle et en constante progression depuis
30 ans.
• L’obésité est une maladie chronique directement responsable de pathologies
métaboliques et non métaboliques, elles-mêmes à l’origine d’une surmortalité dans cette
population.

Déclaration de liens d’intérêts


Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Notes
1L’obésité est dite “sévère” lorsque l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur ou égal à

35 kg/m².
2Le “binge eating disorder“, ou “désordre d’alimentation sans limites“, se caractérise par une

expérience d’alimentation sans contrôle une fois par semaine, pendant trois mois, accompagnée
d’un sentiment de honte.
3La pléiotropie correspond à la faculté qu’a un gène ou d’une protéine de déterminer plusieurs
caractères phénotypiques.
4L’hypoxémie se définit par une pression partielle d’oxygène (PO ) inférieure à 75 mmHg.
2
5L’hypocapnie se définit par une pression partielle de dioxyde de carbone – PCO2 – inférieure à

45 mmHg.
6Le syndrome obstructif est défini sur des épreuves fonctionnelles respiratoires par une

diminution du rapport volume expiratoire maximum seconde [VEMS]/capacité vitale [CV].

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Illustrations
Fig1_Faucher
© DR
Légende : Figure 1. Déterminants du développement de l’obésité.

Fig2_Faucher
© DR
Légende : Figure 2. Dépôts ectopiques de tissu adipeux et liens avec les comorbidités de
l’obésité.

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