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Les Cahiers d’EMAM


Études sur le Monde Arabe et la Méditerranée

28 | 2016 :
Espace(s) public(s) en Méditerranée
L'espace public au fait du politique

Mouvements de masse, espaces publics


et contre-espaces publics
Mass movements, public spaces and counter-public spaces

Jan Spurk
https://doi.org/10.4000/emam.1272

Résumés
Français English
Les mouvements sociaux des dernières années dans les différentes parties du monde ont en commun d’occuper pour une
assez longue durée des places, des rues, des parcs et des squares, c’est-à-dire des espaces publics dans le sens physique et
urbanistique du terme. Leurs agirs ne se limitent pourtant pas à ces actions classiques. Ils ont en outre en commun que cet
agir public leur donne une grande publicité (dans le sens de Kant). Dans la tradition kantienne, reprise par exemple par
Habermas, cette publicité permet la création d’« espaces publics » (« Öffentlichkeit ») qui lient les membres grâce à leur
agir et à leurs communications délibératives. La délibération, selon certains critères procéduraux et normatifs, est
contradictoire, mais elle permet le développement du sens et de la finalité de l’action, et, in fine, de la société, ainsi que des
moyens à employer pour atteindre ces finalités. L’agir dans l’espace public est en général médiatisé. Cette médiatisation
peut prendre des formes très différentes et souvent complémentaires. Ces mouvements sont interrogés sur leurs
possibilités et leurs capacités de créer des contre-espaces publics.

The recent social movements in different parts of the world have in common to occupy streets, parks and places, i.e. public
spaces in the physical and urban sense. Their acting out is, however, not limited to these traditional actions. They also have
in common that their actions produce a wide publicity (in the Kantian sense). In the Kantian tradition, continued for
example by Habermas, this publicity allows the creation of “public spaces” (“Öffentlichkeit”) that bind members through
their action and their deliberative communications. Deliberation, following some procedural and normative criteria, is
contradictory, but it enables the development of meaning and finality of the action, and ultimately of society and the means
to be employed to achieve these finality. The acting in the public space implies medias. This medias can take many different
forms that are often complementary. These movements are questioned on their possibilities and capacities to create
counter public spaces.

Entrées d’index
Mots-clés : Maghreb, Mouvement social, Publicité, Espace public, Contre-espace public
Keywords : Maghreb, Social Movement, Publicity, Public Space, Counter-Public Space

Texte intégral

Introduction
1 Depuis quelques années se produisent et se succèdent des mouvements de masse sans qu’il y ait une
organisation politique organisatrice au centre de ces mouvements. Ces mouvements se produisent aux quatre
coins du monde, de la place Puerta del Sol de Madrid à la place Tahrir au Caire, de l’avenue Bourguiba de Tunis
à la place Taksim d’Istanbul, en passant par le Tompkins Square Park de New York près de Wall Street (photo)
ou la Canton Road de Hong Kong… et «  ce n’est qu’un début  ». Ce ne sont pourtant pas des mouvements
spontanés dans le sens naïf du mot, c’est-à-dire des mouvements qui se produiraient sans organisation et sans
préparation. Ils ne sont pas seulement caractérisés par leur horizontalité, l’utilisation systématique des TIC,
leur diversité sociale, idéologique et politique que l’on constate également dans d’autres mobilisations plus
« modestes » (Frère, Jacquemain, 2013). Leurs manières d’agir ne sont pas complètement nouvelles non plus,
mais – comme d’autres mobilisations – ils ont également en commun d’occuper et de s’approprier, au moins
pour un certain temps, des espaces publics dans le sens urbanistique du mot : des places, des rues, des parcs
etc.
Fig. 1. Occupation des places : l’exemple de Tompkins Square Park à New York.

Aux quatre coins du monde, les mobilisations ont en commun d’occuper et de s’approprier, au moins pour un certain temps, des espaces
publics dans le sens urbanistique du mot : des places, des rues, des parcs etc.
Cliché : Paul De Rienzo, octobre 2011.

Le début d’une autre politique


2 Le constat selon lequel il ne s’agit pas ici de mobilisations politiques habituelles au sein de l’espace public
dominant, qui sont un trait essentiel des démocraties, est largement consensuel. Nous avons affaire à des
ébauches d’un autre espace public et, par conséquent, d’une autre politique et d’un autre politique que l’espace
public établi, la politique et le politique établis. Ces ébauches n’ont pas (encore ?) abouti, loin de là ! On doit
analyser ces processus avec beaucoup de prudence car l’histoire ne s’écrit pas linéairement, comme une simple
accumulation de faits et d’acquis.
3 Un autre constat consensuel est que les mouvements évoqués sont «  retombés  ». En partie, ils se sont
partiellement transformés en forces politiques qui ressemblent beaucoup à des partis politiques (par exemple
Podemos en Espagne). D’autres acteurs se sont retirés de l’agir public. D’autres encore travaillent comme la
« vieille taupe » dont Hegel dit que « souvent, il semble que l’esprit s’oublie, se perde, mais à l’intérieur, il est
toujours en opposition avec lui-même. Il est progrès intérieur – comme Hamlet dit de l’esprit de son père  :
“Bien travaillé, vieille taupe  !”  » (Hegel). Marx a repris cette image hégélienne et il nous apprend que nous
devons nous attendre à la réapparition de ces mouvements, ailleurs et d’une manière imprévue. «  Nous
reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître
brusquement… » (Marx)1. L’histoire montrera si Marx a eu raison ; cet avenir est possible, tout aussi possible
que son contraire.

Caractéristiques des mouvements


4 Le premier trait caractéristique de ces mouvements est le fait qu’ils ont eu lieu de façon inattendue et
étonnante. Les situations politiques et sociales dans lesquelles ils se sont produits sont très différentes.
Ensuite, leurs formes se ressemblent beaucoup. Il s’y conjugue des mobilisations horizontales de réseaux
existants qui s’élargissent rapidement et l’utilisation massive et systématique des TIC, même si ces
mouvements ne sont pas des «  cyber-mouvements  » ou des réseaux sociaux. Bien au contraire, la présence
physique dans l’espace public leur donne une réelle force et une importance politique. Ils prennent possession
des lieux publics : des places, des rues, des parcs.
5 Ainsi les acteurs de ces mouvements vivent-ils ensemble et partagent-ils consciemment ces événements qui
expriment non seulement les raisons (en général assez peu explicitées) pour lesquelles les acteurs agissent
ensemble, mais également des émotions et des valeurs qui se créent en partie au cours de l’action (Frère,
Jacquemain, 2013, 59-80). Ils développent au sein de cet agir commun le sens de leur agir et le sens que
prennent ces événements.
6 Troisièmement, c’est grâce à la reprise de ces événements par les médias et par l’industrie culturelle qu’ils
ont été rapidement popularisés et massifiés au plan mondial.
7 Ces événements procèdent généralement d’une contestation de la situation existante, d’un jugement négatif
porté sur elle. Cela est le quatrième trait caractéristique de ces mouvements. Le fameux «  Dégage  !  » de la
Révolution de Jasmin en Tunisie en est un exemple particulièrement clair. Il exprime ce qui lie ces
mouvements qui s’approprient les lieux publics  : la rupture avec l’ordre établi sur la base de l’indignation.
L’indignation exprime le vécu douloureux que l’ordre établi n’est pas ce qu’il prétend être, ce qu’il pourrait être
et ce qu’il devrait être. L’indignation n’est pas une critique systématique et argumentée comme une analyse
scientifique. L’indignation se nourrit et prend forme dans des vécus concrets, dans des histoires et récits, dans
des images et des émotions. Il revendique la « libération de » (Fromm, 1941/2010) cet ordre établi incarné par
une personne, par exemple Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie, ou des institutions et des groupes flous, par
exemple le 1 % dénoncé lors de Occupy Wall Street. Il s’agit donc de revendications d’une « liberté négative »
(Berlin, 1995) car il n’y a pas de projet, pas de « libération pour » (Fromm, 1941/2010).
8 Le dernier trait caractéristique à évoquer relève de l’économie morale. La rupture revendiquée est, selon les
acteurs des mouvements, nécessaire parce que l’ordre établi a dépassé une limite qui devait être respectée
selon leur économie morale. C’est pour cette raison que la dignité, la karama en arabe, se trouve au centre de
l’indignation des acteurs de ces mouvements. Ce sont donc surtout des raisons morales et non pas des raisons
économiques ou sociales qui les font agir. On constate également le vécu, enthousiaste, de l’(auto-)affirmation
comme sujet avec ses semblables et contre les dominants (par exemple « We are the 99 % » et « vous êtes le
1 % » de Occupy Wall Street) et l’expérience exaltante d’être capable de se libérer et de devenir autonome, du
moins (très) partiellement et pour un certain temps.

Ce qui reste
9 Certes, on connaît également la suite  : les mobilisations retombent  ; il s’installe une certaine
normalisation comme par exemple, avec beaucoup de mal, la régulation étatique et institutionnelle qui aspire
les mobilisations en Tunisie. En Égypte, après une période de troubles et de violences, il s’avère impossible de
prendre le « chemin tunisien » ; il s’y installe un régime autoritaire et militaire. Aux États-Unis, Occupy s’est
essoufflé. En Turquie, les mobilisations sur la place publique se font rares mais elles persistent sur le web. En
Espagne, une formation politique liée au mouvement des places se lance dans des campagnes électorales…
10 Cependant, personne ne peut imaginer que cette situation anéantirait les expériences faites pendant ces
mobilisations. La mémoire tient à notre disposition non seulement des histoires nostalgiques et des anecdotes
« d’anciens combattants » ; elle nous permet surtout d’apprendre du passé et de réinvestir ce que nous avons
appris dans d’autres actions et mobilisations car les raisons des indignations et des ruptures voulues, mais
inabouties, avec l’ordre établi n’ont pas disparu, n’ont pas été dépassées. Elles se sont éventuellement
déplacées. Les avenirs restent ainsi ouverts.
11 Néanmoins, sur le plan des subjectivités, les expériences des ruptures qui ne sont pas des vécus éphémères
persistent comme «  signes de l’histoire, Geschichtszeichen  » (Kant, 1794/1984), c’est-à-dire comme la
mémoire d’événements historiques inoubliables et solidement implantés dans les visions du monde des sujets2.
C’est ainsi que les signes de l’histoire sont remobilisables dans d’autres contextes, dans d’autres circonstances
et dans d’autres événements et aujourd’hui souvent médiatisés pour expliquer ou pour s’expliquer une
situation et pour développer des avenirs possibles. Quand l’ordre établi et ses explications ne peuvent plus
convaincre le public et quand ils deviennent, pour cette raison, illégitimes, il s’installe des doutes, des questions
sans réponses et des irritations qui déstabilisent profondément les visions du monde. Les «  signes de
l’histoire  » ne sont pas seulement lourdement chargés de force symbolique, ils possèdent une qualité
heuristique et ils influencent profondément le mouvement de l’histoire. Kant, quant à lui, retient également la
possibilité d’un dépassement de cette situation vers des avenirs meilleurs. C’est cela qui est la base des
mouvements qui nous intéressent.

« Signes de l’histoire » (Kant) de l’émergence d’un


autre espace public ?
12 La prise de possession temporaire de lieux publics est une méthode ancestrale pour se rendre public, pour
créer un lien avec les autres, entre autres, par le truchement de l’être-ensemble physique et public. C’est depuis
toujours le sens des manifestations de rue et des occupations de lieux publics3. Toutefois il y a longtemps que
s’est installé un désenchantement profond et souvent amer  : est-ce que ces manifestations publiques ont
(encore) un sens ?
13 Ce ne sont pas les formes spectaculaires et ludiques ou les supports numériques qui ont donné leur sens et
leur importance à l’occupation des lieux publics par des mouvements qui nous intéressent ici. Même si les
formes et les supports pour se rendre public ont changé et qu’ils sont en général plus développés qu’autrefois,
ils ne sont pas complètement nouveaux (Corcuff, Mathieu, 2009, 67-80).
14 Les mobilisations dont il s’agit ici sont d’une autre qualité que les « manifs » habituelles et rituelles. Elles ne
se réduisent pas à une simple spectacularisation des manifestations publiques. La présence physique dans les
lieux physiques et publics dont elles ont pris possession temporairement ainsi que l’agir commun, tout comme
l’expérience de cet agir commun et de la capacité d’agir de façon autonome, peuvent faire émerger, sur le plan
social, un espace public. C’est un espace public spécifique, «  notre espace public  ». Il nous appartient
exclusivement. Les autres n’y ont pas droit de cité. Il organise cette unité sociale qui se reconnaît
mutuellement. C’est dans le regard de l’Autre que je me reconnais, et vice-versa. Pour regarder les autres et
pour être regardé, il faut être là, c’est-à-dire sur la place, dans la rue, dans le parc… Les autres sont dans ce cas
« les miens », mes semblables, mais il y a également « ceux en face », par exemple, pour les participants à une
manifestation, la police qui représente l’ordre établi.
15 Il est possible que sur cette base émerge un espace public spécifique au mouvement, un espace public qui se
dresse contre l’espace public dominant : un contre-espace public. Avant de se pencher sur cette question, on
doit clarifier, la notion d’espace public car elle est profondément polysémique.

4
Espace public : un lieu d’ambiguïtés ?
16 Premièrement, le mot « espace public » signifie dans les sciences sociales (au moins) trois phénomènes. On
appelle d’abord « espaces publics », simplement, des lieux physiques accessibles au public (rues, places, etc.)
qui ne sont pas des lieux privés, c’est-à-dire, selon l’étymologie de cet adjectif, des lieux particuliers, individuels
ou propres à certaines personnes et séparés des autres lieux, comme par exemple les appartements. Ensuite,
l’espace public est souvent le synonyme du champ des médias. Enfin, en général dans la tradition de
Habermas, on appelle « espace public » le lien social et communicationnel entre ceux qui composent un public,
ce lien caractérisant de ce fait une société. C’est cette conception de l’espace public qui nous aide à comprendre
les mouvements qui nous intéressent ici.
17 En outre, le débat se complique encore plus sur le plan international car le mot « espace public » ne signifie
pas le même phénomène dans les différentes langues. Par exemple, le mot français espace public n’exprime pas
la même chose que le mot allemand Öffentlichkeit, bien que la traduction habituelle de Öffentlichkeit soit
«  espace public  »5. La traduction littérale d’«  espace public  » existe, par ailleurs, en allemand [öffentlicher
Raum], mais öffentlicher Raum n’est pas identique à Öffentlichkeit qu’on pourrait résumer à la forme concrète
et matérielle de ce que Kant appelle « la publicité» [Publizität]. Les mots « publicité » et « Publizität » sont
encore aujourd’hui utilisés dans le langage savant, mais cette publicité n’est, bien sûr, pas à confondre avec la
publicité dans le sens de la réclame.
18 Enfin, la description de l’espace public, dans les trois possibles de ce mot, aussi minutieuse soit-elle, ne peut
pas expliquer ce phénomène – que constitue l’espace public. Pourtant, elle est absolument nécessaire pour
comprendre l’apparence, la forme empirique du phénomène qui, cependant, ne se réduit pas à son apparence.

L’espace public : le lieu de la démocratie ?


19 On peut retenir un large consensus concernant le lien entre le développement de l’espace public et la
démocratie en utilisant une notion minimaliste et formelle de la démocratie comme « un régime politique où le
peuple prend part au gouvernement ». Le peuple participe au gouvernement en s’organisant comme public de
citoyens d’un espace public dans lequel ils expriment leurs opinions et délibèrent sur la base de ces opinions
exprimées ; cela leur permet de critiquer ou d’affirmer et de contrôler le pouvoir en place. Il y a également un
large consensus sur le fait que, aujourd’hui, l’espace public et la démocratie vont mal. Ce constat n’est pas
nouveau, loin de là, mais il pose la question de savoir si les mouvements évoqués n’ont pas renversé cette
tendance. Mais le consensus s’arrête au plus tard après ces constats
20 Les agirs dans l’espace public posent également beaucoup de questions. On peut se demander, par exemple,
si les opinions exprimées sont qualifiées et si elles sont compétentes pour juger, contrôler le pouvoir en place et
pour décider. Est-ce qu’elles n’expriment pas en général des préjugés, des rumeurs et le sens commun dominé
par le buzz et la manipulation médiatique ? Ce que l’on appelle l’opinion publique n’est-il pas l’avis des experts
imposé au public qui consent ?
21 Une autre question possible, qui nous mène au centre de notre sujet, serait de savoir si la mobilisation de la
« société civile » peut créer dans l’espace public la médiation entre les citoyens et le pouvoir en place.
22 Les mouvements qui nous intéressent sont souvent caractérisés de «  société civile  » ou sont considérés
comme en faisant partie. La notion de société civile est toutefois une notion floue et fort critiquable6.
Cependant, depuis les mobilisations contre les régimes des ex-pays de l’Est dans les années 1980, elle est a
priori considérée comme porteuse de publicité, de démocratie et de liberté. Ce sont des économistes anglais
qui, au XVIIIe siècle, ont élaboré la notion de Civil Society, laquelle a été traduite par Hegel par bürgerliche
Gesellschaft. La notion hégélienne a ensuite été traduite en français par « société bourgeoise » ou par « société
civile ». Selon Hegel, la société civile organise les « atomes sociaux » (Hegel), c’est-à-dire qu’elle organise des
sujets libérés d’anciens liens sociaux grâce au travail et à l’échange afin de réaliser leurs intérêts et leurs
besoins. Or, cette organisation en société civile n’est possible qu’à une condition  : «  la domination et le
domptage » (Hegel) des sujets par le travail et l’échange. On est par conséquent à mille lieues de la démocratie
et de la liberté. Et on est encore plus loin des mouvements sur lesquels porte cet article.

L’espace public comme modèle normatif


23 En se référant à l’analyse de l’espace public dans la tradition qui va de Kant à Habermas en passant par
Hegel, on peut comprendre l’espace public comme le modèle de la société que Hegel, par exemple, a
caractérisée, comme nous venons de le voir, de «  bürgerliche  »  : la «  société civile  » ou la «  société
bourgeoise  ». Habermas (1962) a appelé l’idéal-type de l’espace public de cette société «  espace public
bourgeois ». Il s’agit d’un idéal-type et non pas d’une description ou d’une analyse d’un espace public qui existe
à un certain moment de l’histoire.
24 Cependant, on peut retenir des analyses de l’espace public des traits généraux d’un modèle normatif de
l’espace public. L’espace public est un espace de l’agir social. Cet espace est libre d’accès pour ceux qui sont
qualifiés pour y participer. Les autres en sont exclus7. Ces acteurs de l’espace public s’adressent à leurs
semblables ; ils interagissent et constituent ainsi le public. Ce public n’est pas à confondre avec le public passif
d’un spectacle ; bien au contraire, son agir permet l’existence, par exemple, de la « bürgerliche Gesellschaft ».
Le sens emphatique de l’espace public serait «  une sorte de collectif basé sur une certaine structure de
communication ou une sphère de l’agir communicationnel dans laquelle “l’opinion publique” et ses
caractéristiques peuvent se former […], une sphère dans laquelle les membres d’une communauté
démocratique et politique constituent publiquement et sans contraintes leur volonté et leurs opinions au sujet
de la régulation des affaires publiques  » (Peter, 2007, 59). Dans ce sens emphatique, l’espace public est la
condition sine qua non de la démocratie et le développement de l’espace public est synonyme de
développement de la démocratie.
25 La fonction majeure du public composé de citoyens est le développement d’opinions, de jugements et de
projets (d’avenir) ainsi que la délibération. Dans l’espace public se forme et s’exprime la volonté de ses
membres, comme Tönnies (1922, 1923) l’a souligné, mais pas seulement elle. Les discours et les délibérations
du public traitent en effet potentiellement de toutes les questions qui concernent ce collectif. Ainsi s’élaborent
les normes et les valeurs, les intérêts et les attentes, tout comme des compromis entre eux ou, si nécessaire, la
domination franche d’une position sur l’autre (Habermas, 1992, 187-207).
26 L’équité et la réciprocité sont les principes majeurs des rapports entre les membres du public qui se
reconnaissent et qui se considèrent comme des semblables, car ils disposent de capacités et de compétences
pour intervenir dans l’espace public. L’opinion publique est ancrée dans la « culture publique » (Peters, 2007)
qui englobe les formes les plus diverses des phénomènes publics : de la langue parlée aux commémorations, en
passant par les images familières, les films, les chansons, les spectacles, etc. Cette culture est une sorte de
réservoir de significations, de savoirs et de valeurs mobilisables dans l’espace public. Ces éléments se lient dans
les visions du monde des acteurs de l’espace public par des enchaînements d’associations qui sont la base de la
compréhension et de la communication. Les discours publics et la délibération ne fonctionnent que sur cette
base. Les argumentations raisonnables y sont plutôt rares. Ils ne sont pas à confondre avec des discussions
raisonnables de séminaires ou de colloques académiques. Enfin, le fonctionnement de l’espace public demande
beaucoup de confiance de la part des participants dans les institutions et dans les autres participants, surtout
les experts et les spécialistes, tout comme les journalistes et les médias.

Espaces publics
27 Ce modèle normatif existe encore aujourd’hui comme exigence et comme promesse  : la société prétend
fonctionner ainsi, elle devrait fonctionner ainsi, mais elle ne le fait pas. La confrontation de ce modèle normatif
avec l’état réel de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’espace public » peut nous faire comprendre les manques et
les promesses non tenues du fonctionnement de la société et de l’espace public établi. L’espace public est une
nécessité pour la constitution de la société non seulement sur le plan institutionnel, mais également pour
instaurer la légitimité de l’ordre établi, de l’éthique partagée par les sujets et du sens de «  vivre et travailler
ensemble ». Il permet d’établir un consentement et le développement de projets d’avenir.
28 Ensuite, on constate qu’il existe toujours plusieurs espaces publics ou, au moins, qu’ils peuvent toujours
exister. Ce que l’on appelle l’espace public (au singulier) est l’espace public dominant, l’espace public de
l’industrie culturelle. À côté et de temps en temps, contre cet espace public, peuvent exister des espaces publics
complémentaires, concurrentiels, subalternes ainsi que des contre-espaces publics (Fraser, 1993/2003)8.
29 L’existence ou la possibilité de « contre-espaces publics » sont liées aux caractéristiques de l’espace public
dominant. Le contre-espace public organiserait, selon ses propres critères, des membres exclus de l’espace
public dominant qui donnent un autre sens que celui-ci à ce que la société est, à ce qu’elle a été et à ce qu’elle
pourrait et devrait être. Ses membres se lient autour du sens qu’ils donnent au passé, au présent et aux avenirs
possibles qui n’est pas le sens dominant ; ils partagent des signes de l’histoire qui les aident à se situer dans
l’histoire. Le sens du contre-espace public est exclusif aux membres du contre-espace public : leur effort et leur
obstination de donner un sens au présent, au passé et à l’avenir possible que l’espace public dominant ne peut
(plus) produire et qui leur est propre, qui est exclusivement le leur, et qui est spécifique  : ce n’est pas une
variante du sens dominant.
30 Un des traits caractéristiques de l’espace public dominant contemporain est, depuis des décennies, la
domination quasi absolue de l’industrie culturelle (Horkheimer, Adorno, 1947). Nous n’avons plus affaire à
«  l’espace public bourgeois  » (Habermas, 1962). Habermas a déjà développé dans son livre de 1962 le
« changement structurel » (sous-titre de l’édition allemande), c’est-à-dire sa transformation en espace public
de l’industrie culturelle. L’espace public contemporain est l’espace public de l’industrie culturelle.
31 Dans la tradition de la Théorie critique, nous considérons que l’industrie culturelle est beaucoup plus qu’un
phénomène médiatique et économique. Elle ne consiste pas non plus seulement en un vaste empire de
manipulation médiatique ou en un énorme champ d’épanouissement des TIC et du numérique. Elle n’est pas
non plus à réduire à l’industrie qui s’appelle elle-même «  industrie culturelle  », c’est-à-dire l’industrie du
cinéma, de la télévision, de la musique, de la mode, du design, de la publicité, etc., que l’on devrait plus
correctement appeler « l’industrie du divertissement ». Elle n’est pas enfin, non plus la « culture populaire », la
culture des « petites gens » et des pauvres (d’esprit) qui aiment les soaps, les séries B, les talkshows et autres
produits de l’industrie culturelle.
32 L’industrie culturelle est un oxymore consciemment choisi qui décrit l’intégration des individus dans la
société par leur consentement, un consentement produit par l’industrie culturelle. D’un côté, le mot
«  industrie  » se réfère à la «  grande industrie  » (Marx, 1972), c’est-à-dire  la généralisation et l’installation
durable du capitalisme et de sa raison instrumentale, de la marchandisation et du fétichisme de la
marchandise, produisant la « subsomption réelle » au capital. De l’autre côté, cette industrialisation s’installe
dans la «  culture  », c’est-à-dire dans l’expression et l’objectivation publiques de la subjectivité et de
l’imaginaire, incluant la possibilité ou l’impossibilité de dépasser cette société. Par conséquent, la culture est
formatée selon les critères du capitalisme et elle produit, entre autres, le sens du présent, du passé et des
avenirs possibles.
33 L’industrie culturelle d’aujourd’hui n’est cependant plus ce que les auteurs de l’École de Francfort ont
développé  : une sorte de sens unique de la soumission consentie grâce à la capacité de l’industrie culturelle
d’« insuffler […] la voix du maître » (Adorno, 1967, 337-346) à des sujets passifs. Elle est beaucoup plus que
cela. L’industrie culturelle contemporaine est mondialisée, technicisée (TIC) et massifiée. Elle a profondément
pénétré nos visions du monde et nos agirs. Elle est une «  global culture industry  » (Lash et Lury, 2007)
disposant d’une énorme force d’inclusion grâce à la « co-construction » de ses produits par les consommateurs
et l’interactivité qui la caractérise.
34 Comme la base technique de cette industrie culturelle, sur internet, est globalisée, il est concevable que
l’espace public puisse s’émanciper, au moins partiellement, de son cadre traditionnel qui est l’État-nation. Ce
« modèle westphalien » pourrait faire place à des espaces publics transnationaux (Fraser, 1993). Pour Fraser,
cette transnationalité est un fait depuis longtemps (Fraser, 1993).

Critiquer l’espace public ?


35 L’espace public dominant est, bien sûr, souvent critiqué à cause de ses dysfonctionnements. Selon ces
critiques, il ne remplit pas son rôle. Il ne correspond pas au modèle normatif indiqué plus haut. Il n’est pas ce
qu’il devrait être. Ces dysfonctionnements relèvent moins des défaillances techniques et du manque de moyens
d’accès que du contenu et du sens de l’agir dans l’espace public. On doit également considérer « l’indifférence
exigeante  » (Habermas, 2008) de beaucoup de citoyens. Les citoyens sont en effet souvent indifférents à
l’espace public et à la vie de la cité mais, en même temps, ils exigent d’eux certaines qualités, par exemple la
transparence, la sécurité et la justice. Les critiques de son fonctionnement tout comme l’interminable suite
d’affaires témoignent de cette exigence.
36 On reconnait ici facilement le projet des Lumières, surtout de l’Aufklärung qui est le fond de toile du modèle
normatif de l’espace public, mais il n’est pas réalisé. Il reste d’actualité, comme une promesse non tenue, car il
exprime la raison d’être de notre société. C’est pour cette raison que les sujets constatent que l’espace public ne
fonctionne pas comme il devrait fonctionner selon leurs opinions et selon leurs visions du monde. Il n’est pas
ce qu’il prétend d’être. L’opinion publique exprime clairement cette non-identicité. Ainsi, on critique
facilement les institutions de l’espace public parce qu’elles ne permettent pas la délibération démocratique. On
critique également, par exemple, le manque d’informations nécessaires pour décider raisonnablement, le
manque de transparence ou le manque de participation. Pourtant, alors que les informations sont aujourd’hui
objectivement plus disponibles que dans le passé (par exemple sur le web), les différents efforts pour renforcer
la participation des citoyens (par exemple la « démocratie participative ») ont été des échecs.
37 Les expériences de ces contradictions entre ce que l’espace public prétend être et ce qu’il devrait être, d’un
côté, et de l’autre côté, de ce qu’il est ainsi que de l’expérience des sujets, se traduisent également souvent dans
des réactions populistes comme « tous pourris, tous vendus » ou « on nous ment ». Le « on » indique que les
sujets se sentent, et qu’ils se savent, les objets de forces hétéronomes qui les font agir ; mais ils ne peuvent pas
les saisir et indiquer qui leur «  ment  » et les «  trahit  ». Ces constats ne sont, par conséquent, que très
exceptionnellement suivis de tentatives de dépasser ces manques.

Les mouvements sociaux et les contre-espaces


publics
38 «  L’indifférence exigeante  » (Habermas) a augmenté et elle s’est massifiée au cours du XXe siècle.
L’engagement public qui a créé et qui caractérise les mouvements qui nous intéressent ici montre, au moins
temporairement, les limites de « l’indifférence exigeante ». Les régimes en place se maintiennent parce qu’ils
satisfont aux exigences des citoyens, par exemple des exigences d’un certain niveau de vie et de consommation,
de sécurité et de bien-être, mais également des exigences morales comme la liberté citoyenne et la kamara. De
cette manière peut s’installer une économie morale équilibrée, mais toujours précaire, aussi longtemps que
l’échange « indifférence » contre « satisfaction (partielle) des exigences » est considéré par les citoyens comme
correct et convenable.
39 En revanche, les sujets font l’expérience que ni l’ordre établi ni son espace public ne sont ce qu’ils prétendent
être et qu’ils ne correspondent pas à leur modèle normatif. Ces expériences s’accumulent et se conjuguent avec
d’autres expériences, par exemple avec l’expérience que leur « indifférence » n’est plus honorée par un niveau
de vie décent (Espagne, Grèce), que les promesses de liberté citoyenne et de démocratie ne sont pas tenues
(Hong Kong), que la corruption et l’arbitraire violent des forces de l’ordre s’imposent aux citoyens (Tunisie),
etc. La situation devient ainsi « inacceptable » (Boltanski, 2008) et « insoutenable » (Citton, 2012).
40 Afin de rompre avec cette situation, les mouvements occupent des lieux publics et agissent publiquement.
C’est pour cette raison qu’ils envisagent (d’abord  ?) leur «  libération des » (Fromm, 2008) contraintes
inacceptables et insoutenables. La « liberté pour » (Fromm, 2008), c’est-à-dire le projet d’avenir, n’émerge que
timidement et difficilement ; souvent d’ailleurs, il n’émerge pas (par exemple : Occupy, Taksim). Les acteurs
des mouvements mobilisent beaucoup de techniques de l’industrie culturelle (les téléphones portables,
internet, les réseaux sociaux etc.) et beaucoup de ses ressources (les chaînes de télévisions) qui propagent et
mondialisent souvent rapidement les informations sur ces événements. Pour agir publiquement, pour se
publier, on doit maîtriser partiellement les outils de l’industrie culturelle et jouer le jeu de l’industrie culturelle,
par exemple être présent sur les chaînes d’information internationales comme CNN ou Al Jazeera. L’utilisation
d’Internet, comme par exemple N. Fraser (1993 et 2003) le souligne depuis les années 1990, est un moyen
efficace pour constituer des espaces publics transnationaux.
41 La possibilité d’un contre-espace public est ainsi donnée. Il pourrait se constituer contre l’espace public
dominant, dont les acteurs savent qu’il n’est pas ce qu’il prétend être, en le dépassant. C’est pour cette raison
que ce ne sont pas les outils, les moyens et les techniques souvent empruntés à l’industrie culturelle qui sont
l’essentiel, mais la finalité des mouvements. Or, cette finalité n’est souvent pas explicitée  ; elle n’est pas
débattue. Il n’y a pas de délibérations sur son sujet. Enfin, on devrait imposer cet espace public à la totalité de
la société. On l’évite afin de ne pas affaiblir le mouvement qui s’est constitué « contre » (des éléments essentiels
de) l’ordre établi. Cet espace public à imposer pourrait être la base d’une société autogérée par les citoyens et,
dans ce sens, démocratique. Il pourrait s’y constituer des projets de développement raisonnable d’une société
de citoyens ainsi que d’individus éclairés, libres et autonomes. L’autonomie signifie «  […] que je continue à
penser […], que j’ai de temps en temps des idées nouvelles […]. L’autonomie […], c’est [également] que l’on
puisse à chaque moment dire  : cette loi est-elle juste  ? L’hétéronomie, c’est quand la question ne sera pas
soulevée […], que c’est interdit » (Castioradis, 2011, 106).
42 Cette question est le levier pour raisonner et délibérer publiquement sur l’état et les avenirs possibles de la
société. L’interdiction de cette question a provoqué les mouvements qui nous intéressent ; ils ont souvent pris
la forme de véritables soulèvements contre le pouvoir en place  : le soulèvement du désir et de la volonté
d’autonomie et de liberté contre l’hétéronomie imposée et (trop) longtemps consentie. Les désirs et la volonté
d’autonomie et de liberté n’ont pas (encore) trouvé leur publicité. C’est pour cette raison que, jusqu’à
aujourd’hui, de véritables contre-espaces publics ne (se) sont pas constitués ou qu’ils restent très marginaux et
fragiles. La retombée des mouvements ou leur transformation partielle en partis politiques en témoigne.

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Notes
1 Voir également R. Luxemburg, 1917. http://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19170500.htm [consulté le
22/04/2016].
2 Kant cite la Révolution française comme exemple des « signes de l’histoire » qui englobe tous les acteurs de son époque.
3 Voir, par exemple, le livre classique de Tartakowsky, 1970.
4 Nous limitons ici le développement de la notion d’espace public dans le sens de la Öffentlichkeit. Il y a, bien sûr, une
énorme littérature (par exemple Espaces et sociétés, n°  134, 2008/3  : «  Repenser l’espace et le politique  »  ; Esprit,
2012/11  : «  Reconquérir l’espace public  ») qui traite de l’espace public dans le sens spatial et/ou urbain (en allemand
öffentlicher Raum). La discussion de ces deux notions dépasserait largement le cadre de cet article. Voir à ce sujet, par
exemple, Chardel, Frelat-Kahn, Spurk (dir.), 2015.
5 Voir par exemple le livre fameux d’Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit (1983 [1962]).
6 Voir par exemple la critique de Honneth, 1994.
7 Voir également Kant, 1974, 8-16.
8 Voir également Spurk, 2006, 2012.

Table des illustrations

Titre Fig. 1. Occupation des places : l’exemple de Tompkins Square Park à New York.
Aux quatre coins du monde, les mobilisations ont en commun d’occuper et de s’approprier, au moins
Légende pour un certain temps, des espaces publics dans le sens urbanistique du mot : des places, des rues,
des parcs etc.
Crédits Cliché : Paul De Rienzo, octobre 2011.
URL http://journals.openedition.org/emam/docannexe/image/1272/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 20k

Pour citer cet article


Référence électronique
Jan Spurk, « Mouvements de masse, espaces publics et contre-espaces publics », Les Cahiers d’EMAM [En ligne],
28 | 2016, mis en ligne le 14 juillet 2016, consulté le 03 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/emam/1272 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/emam.1272

Cet article est cité par


Fautras, Agathe. (2019) Résister en situation autoritaire : le cas des collectifs militants d’après-Gezi à
Istanbul (2013-2018). Carnets de géographes. DOI: 10.4000/cdg.4916
Auteur
Jan Spurk

Sociologue, Professeur à l'Université Paris-Descartes

Jan.spurk@gmail.com

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